Avant-propos
p. 11‑12
Texte intégral
1Le TGV Nord traverse les régions d’Ile‑de‑France, de Picardie et du Nord/Pas‑de‑Calais, sur une distance d’environ 350 km. A ce premier tracé, il convient d’ajouter l’Interconnexion des TGV Sud‑Est et Atlantique, recoupant l’aéroport de Roissy et le parc d’Eurodisney, sur une centaine de kilomètres. En 1987, le gouvernement accepta le projet de tracé et repoussa à plusieurs années la ligne par Amiens. Au début de l’année 1988, les études préalables à la déclaration d’utilité publique purent commencer et donnèrent lieu ensuite à l’enquête publique et à l’instruction mixte sur la bande des 300 m. La déclaration d’utilité publique fut officialisée en septembre 1989 par le Conseil d’Etat. Pour l’Interconnexion, les mêmes procédures ont été réalisées avec un décalage d’environ un an.
2Une convention‑cadre pour la prise en compte de l’archéologie fut signée en août 1988 par les préfets des trois régions traversées, représentant le ministère de la Culture et les directions régionales des Affaires culturelles (services de l’Archéologie), le directeur de la Ligne nouvelle du TGV Nord et de l’Interconnexion, et l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN). Cette convention comprenait les phases essentielles pour mener à bien l’opération archéologique : les prospections‑diagnostics, l’évaluation des sites et leur fouille, l’étude et la restitution des données.
3Pour assurer la cohésion du programme archéologique et faciliter les relations avec les responsables de la SNCF, une cellule de coordination a été mise en place et l’un des directeurs des Antiquités concernés a été désigné pour le contrôle scientifique général de l’opération. En outre, une délégation du CSRA a été constituée pour le suivi des travaux sur le terrain jusqu’à la mise en forme des résultats.
4Dès 1974, les circonscriptions archéologiques avaient indiqué les sites les plus importants et ceux déjà connus par la bibliographie et les prospections effectuées dans quelques secteurs. Une étude d’impact archéologique plus précise fut commandée par le Centre d’études techniques de l’équipement de Lille (CETE) pendant l’hiver 1987‑1988, dans le cadre de la préparation du dossier de Déclaration d’utilité publique.
5La phase des prospections‑diagnostics, réalisée de septembre 1988 à juin 1989, avait pour but de présenter un bilan aussi exhaustif que possible du potentiel archéologique et du choix des gisements à évaluer et à fouiller. L’étude a porté sur l’emprise même du tracé (bande de 70 m de largeur moyenne) et, dans le meilleur des cas, sur certaines zones d’emprunts, parfois de dépôts et rarement sur les déviations de niveaux et de voies. Les techniques de prospection furent adaptées en fonction des divers types de sols rencontrés sur les 450 km du tracé (soit près de 3 500 ha). Huit contractuels furent répartis par équipes de deux (un historien et un préhistorien) sur quatre zones, sous le contrôle d’un coordinateur de terrain et avec l’aide d’un spécialiste géologue. Quelques intervenants extérieurs sont venus s’ajouter à ces équipes de base avec des contrats plus courts (géomorphologue, archiviste, plongeurs, etc.). Les prospections ont permis de mettre en évidence près de 170 indices de sites de différentes périodes. A l’issue des sondages réalisés à la pelle mécanique, 89 gisements ont été retenus pour évaluation. Plus de la moitié des sites prospectés s’étaient révélés d’un moindre intérêt en raison de leur arasement trop important et de la pauvreté des vestiges. Il faut cependant noter que près d’une dizaine de sites ont été mis au jour à l’occasion des sondages. Il aurait été souhaitable d’effectuer davantage de sondages si les moyens financiers et administratifs (accès sur le terrain) avaient été plus conséquents.
6Les évaluations et les fouilles furent réalisées de mai 1989 à août 1990 pour le tracé du TGV Nord et de septembre 1990 à fin décembre 1991 pour l’Interconnexion. Cependant, deux sites importants furent fouillés à partir de l’été 1989 à Jablines et Serris, sur l’Interconnexion. Cette phase d’évaluation a consisté à décaper au moins un tiers de la superficie des sites retenus, pendant environ un mois, avec une équipe de près de trois personnes. Si l’intérêt du site le justifiait, il était décidé d’aboutir rapidement à une fouille plus complète du terrain. Il faut cependant indiquer qu’environ un tiers des sites évalués ne se sont pas révélés suffisamment importants pour être traités en fouille systématique mais seulement en relevés plus sommaires. Une des particularités du programme archéologique du TGV est d’avoir fait appel aux archéologues professionnels spécialistes des régions traversées pour la fouille des gisements. La plupart des chercheurs du CNRS, du ministère de la Culture, des Collectivités territoriales et de l’AFAN se sont largement impliqués tant sur les chantiers que dans les groupes de travail.
7Les sites les plus importants qui ont été étudiés pendant des périodes plus longues sont les suivants :
– Riencourt‑lès‑Bapaume (Pas‑de‑Calais : gisement du Paléolithique moyen ; responsable : Alain Tuffreau (CNRS et Université) ; fouille pendant 8 mois avec 15 personnes ;
– Jablines (Seine‑et‑Marne) : minières de silex néolithiques sur plus de 3 ha ; responsables : Françoise Bostyn et Yves Lanchon (AFAN) ; fouille pendant 14 mois avec 15 personnes1 ;
8– Verberie (Oise) : établissements ruraux gaulois et gallo‑romains sur 10 ha ; responsable : Jean‑Marc Fémolant (AFAN) ; fouille pendant 7 mois avec 20 personnes ;
– Beuvraignes (Somme) : officines de céramique et de tuile gallo‑romaines sur plus d’un kilomètre le long du tracé, et vicus responsable : Tahar Benredjeb (ministère de la Culture) ; fouille pendant 7 mois avec 10 personnes ;
– Serris (Seine‑et‑Marne) : nécropoles et habitats du haut Moyen Age, sur près de 4 ha ; responsable : Bruno Foucray (ministère de la Culture) ; fouille pendant 12 mois avec 12 personnes.
9Tous les autres sites fouillés ont fait l’objet de campagnes d’une durée de 2 à 3 mois en moyenne. Dès le début du programme, des équipes de spécialistes furent mises en place et affectées aux analyses et aux études sur les différents chantiers (en majorité des paléoenvironnementalistes, mais également des anthropologues et des archéozoologues).
10Par son ampleur, le tracé a recoupé des sites archéologiques répartis depuis le Paléolithique moyen jusqu’au bas Moyen Age. Plusieurs périodes étaient souvent représentées sur le même chantier. Toutes les techniques de fouilles ont été utilisées, depuis les grands décapages effectués sur une dizaine d’hectares, comme à Verberie, La Plaine de Saint‑Germain, jusqu’aux relevés d’imposantes stratigraphies dans les loess, en passant par l’analyse plus fine de près d’un millier de squelettes à Serris.
11Si la plupart des fouilleurs ont travaillé à l’air libre, d’autres ont dû explorer des petites galeries souterraines des puits à silex de Jablines, ou encore affronter l’eau froide, le courant et la mauvaise visibilité de l’Oise à Verberie, Les Brouillards. La majorité des gisements ont été détectés préalablement au démarrage du chantier TGV. Deux seulement sont apparus au moment des terrassements, à Ver‑sur‑Launette et à Montmartin dans l’Oise. Pour ce dernier site, d’époque gauloise, il aurait été toutefois possible de le détecter si des moyens plus importants avaient été déployés au moment des investigations sur le terrain au niveau du passage de la vallée de l’Aronde. Pour le précédent site de Ver‑sur‑Launette, daté du Paléolithique ancien, il était absolument impossible de le connaître en raison de son profond enfouissement. Le bilan de cette opération se solde par 60 fouilles effectuées sur les 450 km du tracé.
12L’importance et le nombre des interventions archéologiques menées sur le terrain ne trouvaient de signification que dans une première élaboration des résultats acquis : à la phase de fouille a succédé celle d’étude et de publication à partir du mois de juin 1990 sur le TGV Nord et à la fin de la même année sur l’Interconnexion. Tout le matériel archéologique a été traité au fur et à mesure du déroulement des chantiers ou dans la phase suivante de l’exploitation. Les rédactions des rapports de fouilles et des premiers documents sommaires publiables ont été exécutées par les responsables d’opérations, quelques chargés d’études, des techniciens et des spécialistes. Le premier document de synthèse issu de ces travaux scientifiques est consacré au site de Jablines et paraît aujourd’hui dans la série « Archéologie et grands travaux » des Documents d’archéologie française. Parallèlement à ce travail, les Editions Casterman publient un livre destiné au grand public écrit par Henri de Saint‑Blanquat. Un catalogue sert de support à une exposition présentée en novembre et décembre 1991 dans la gare du Nord. Quant aux objets et archives de fouilles, ils seront déposés par les services régionaux de l’archéologie dans les différents musées, dépôts et centres d’archives qui jalonnent le tracé.
13D’une manière générale, le programme archéologique TGV a apporté à la communauté scientifique des trois régions traversées une masse énorme de données qu’il faudra intégrer dans des programmes plus vastes de recherche.
Notes de bas de page
1 Dans le cadre d’un budget global de 4,635 MF, cette opération a été réalisée grâce à 211,5 mois de salaire pour la fouille, 38 mois pour la phase d’étude, par du personnel AFAN. La participation de bénévoles représente 13 mois. Ne sont pas chiffrées les prestations de l’équipe de paléoenvironnement recrutée sur l’ensemble de l’opération TGV‑Nord.
Auteurs
-
Jean‑Claude Blanchet
Conservateur régional de l’Archéologie en Ile‑de‑France Chargé de la coordination archéologique du TGV Nord et de l’Interconnexion
-
Marc Talon
Coordinateur de terrain
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