3.1 Le nécessaire recours à la typologie

3.1.1 Une tâche difficile

1Il est nécessaire de rappeler que la majeure partie des objets étudiés ici provient de fouilles de sauvetage. Certains spécialistes remarqueront avec pertinence que des pièces recueillies presque au hasard, sans autres perspectives, problématique ou stratégie globale, n’offrent qu’un intérêt réduit pour une interprétation historique ou ethnoarchéologique. Ces avertissements sont en partie justifiés, mais fallait‑il en l’occurrence laisser détruire ces tumulus sans réagir ? Car, au plan de la stratégie générale, il importait de recueillir ici des informations nouvelles sur les sépultures hallstattiennes du Jura. En effet, jusqu’ici, les fouilles menées dans cette région, à de rares exceptions, ne permettaient pas de préciser l’ordonnance des rites funéraires ou, faute de cartographie suffisante, de reconnaître des groupements de tumulus. Sur d’autres chapitres, comme celui des habitats, force est de reconnaître que ces investigations n’apportent à peu près rien. Du moins, les fouilles archéologiques de l’Arlier aident à combler une lacune entre les moyens plateaux d’Amancey et la forêt des Moidons d’une part, le Plateau suisse d’autre part. On déplorera que la construction même des tertres, objets de maints remaniements, ne facilite pas l’établissement d’une chronologie fine et oblige trop souvent à s’en tenir aux vieux schémas.

2En conclusion et sur le plan de l’interprétation des données, cette longue et importante opération de sauvetage menée dans une zone vaste et homogène a le mérite de poser au moins quelques questions auxquelles les nouvelles données recueillies n’aident pas toujours à répondre.

3.1.2 Les objets

3Leur fragilité résultant d’une forte oxydation interdisait des observations d’ordre technique, pour l’instant du moins dans l’attente d’une restauration. Les considérations suivantes se borneront dans un premier temps à l’étude de caractères, comme la forme et le décor. Dans un deuxième temps, en se limitant à l’essentiel, ces pièces seront replacées dans un contexte chronologique et géographique plus vaste, tout en reconnaissant que, dans leur écrasante majorité, elles relèvent du domaine protohistorique de l’Allemagne du Sud, Suisse et France orientale.

3.1.2.1 Outils et armes

4Ces vestiges sont forts rares dans la Chaux d’Arlier. A la Carrière à Chaffois, la hache en bronze, très étroite, se distingue par ses bords subparallèles. Les débris de la cachette de La Rivière relèvent du type à ailerons médians. Dans la même famille des outils, on rangera la pointe de faucille à nervures du même ensemble.

5Pour les armes, l’épée en bronze de Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet avec deux rivets sur la garde et trois sur la poignée, appartient au type Steinkirchen (Schauer 1971 ; Gerdsen 1986), et son complément, la bouterolle « en chapeau d’Arlequin », au type de Neuhaus. L’épée en fer de la Censure à Chaffois n’a laissé que des traces fugaces, mais le pommeau en ivoire le classe dans la série dite de Mindelheim, où coexistent des armes en bronze ou en fer (Cowen 1955, 1967 ; Collis 1984). Le poignard à deux rivets de la Carrière à Chaffois date de l’âge du Bronze moyen et le couteau de Mordeterre, avec ses cannelures sur le manche et son anneau terminal, devait servir d’arme, tout comme la lame du Grand Communal 2 à La Rivière‑Drugeon. Le médiocre état de ces mobiliers rend difficile comparaisons et considérations chronologiques.

6Il n’est pas question d’entamer ici une discussion sur les épées de bronze ou de fer dites de Hallstatt. Le profil de ces armes, très particulier, témoigne d’une grande uniformité du sud‑ouest de la France à la Bohême. Cent épées de ce modèle proviennent de France, recueillies dans des tombes ou isolément. La majeure partie de ces armes occupe un vaste territoire au centre de l’Europe (RFA, Autriche, Tchécoslovaquie) (fig. 73, 74 et 79). Il est intéressant de constater que le Plateau suisse, voisin de Pontarlier, ne compte que cinq épées de Hallstatt (Gerdsen 1986).

FIG. 74 – Carte générale de répartition des épées hallstattiennes en fer :
1 Gemeinlebarn (A) ;
2 Gilgenberg (A) ;
3 Hallstatt (A) ;
4 Leibnitz (A) ;
5 Maiersch (A) ;
6 Ottensheim (A) ;
7 Ranshofen (A) ;
8 Zahori (CS) ;
9 Uretice (CS) ;
10 Skalice (CS) ;
11 Prag/Stresovice (CS) ;
12 Protivin (CS) ;
13 Platenice (CS) ;
14 Pazderna (CS) ;
15 Opocnice (CS) ;
16 Nynice (CS) ;
17 Lovosice (CS) ;
18 Lhotka (CS) ;
19 Kysice (CS) ;
20 Kostelik (CS) ;
21 Kolin (CS) ;
22 Hradenin (CS) ;
23 Holasky (CS) ;
24 Dysina (CS) ;
25 Dolany (CS) ;
26 Chlomek (CS) ;
27 Wroclaw/Kziez‑Male (P) ;
28 Somlovasarhely (H) ;
29 Doba(H) ;
30 Dettingen (D) ;
31 Grossostheim (D) ;
32 Mömmlingen (D) ;
33 Elsenfeld (D) ;
34 Streit (D) ;
35 Trennfeld (D) ;
36 Unterleinach (D) ;
37 Giebelstadt (D) ;
38 Westheim (D) ;
39 Kitzingen‑Etwashausen (D) ;
40 Bastheim (D) ;
41 Oberwaldbehrungen (D) ;
42 Kleinwenkheim (D) ;
43 Grosseibstadt (D) ;
44 Mirsdorf (D) ;
45 Neuensee(D) ;
46 Stublang (D) ;
47 Neudorf (D) ;
48 Berndorf (D) ;
49 Kleinziegenfeld (D) ;
50 Bamberg (D) ;
51 Hirschaid (D) ;
52 Eggolsheim (D) ;
53 Pinzberg (D) ;
54 Gosberg (D) ;
55 Plankenfels (D) ;
56 Büchenbach(D);
57 Haselbrunn‑Hasslach (D) ;
58 Beckerslohe (D) ;
59 Eschenfelden (D) ;
60 Mittelreinbach (D) ;
61 lllschwang (D) ;
62 Kallmünz (D) ;
63 Beratzhausen (D) ;
64 Degerndorf (D) ;
65 Nainhof‑Hohenfels (D) ;
66 Lengenfeld (D) ;
67 Prönsdorf (D) ;
68 Oberwiesenacker (D) ;
69 Dietkirchen (D) ;
70 Günching (D) ;
71 Lengenfeld‑Harenzhofen (D) ;
72 Stopfenheim (D) ;
73 Beilngries (D) ;
74 Neuhaus (D) ;
75 Grossmehring (D) ;
76 lllmünster (D) ;
77 Friedberg (D) ;
78 Reisenburg (D) ;
79 Bubesheim (D) ;
80 Ebenhofen(D) ;
81 Riegsee (D) ;
82 Spatzenhausen (D) ;
83 Eglfing (D) ;
84 Huglfing (D) ;
85 Etting (D) ;
86 Wielenbach (D) ;
87 Münsing (D) ;
88 Aschering (D) ;
89 Maising (D) ;
90 Gauting (D) ;
91 Pullach (D) ;
92 Unteralting (D) ;
93 Fürstenfeldbruck (D) ;
94 München‑Moosbach (D) ;
95 Straubing (D) ;
96 Garching a.d. Alz(D) ;
97 Emmerting‑Brück (D) ;
98 Manching/Pfaffenhofen (D) ;
99 Bohlsen/Uelzen (D) ;
100 Walldorf(D) ;
101 Menzingen (D) ;
102 Bad Rappenau (D) ;
103 Ilsfeld (D) ;
104 Eberstadt (D) ;
105 Tauberbischofsheim (D) ;
106 Eberstal (D) ;
107 Sindringen (D) ;
108 Baisingen (D) ;
109 Grüningen (D) ;
110 Honstetten (D) ;
111 Nendingen (D) ;
112 Bucheim (D) ;
113 Vilsingen (D) ;
114 Böttingen/Tuttlingen (D) ;
115 Hossingen (D) ;
116 Tailfingen/ Truchtelfingen (D) ;
117 Trochtelfingen (D) ;
118 Wilsingen (D) ;
119 Oberstetten (D) ;
120 Gomadingen (D) ;
121 Steingebronn (D) ;
122 Müsingen (D) ;
123 Böttingen/Münsingen (D) ;
124 Ringingen (D) ;
125 Tannheim (D) ;
126 Salem (D) ;
126b Oberteuringen (D) ;
127 Wahlwies (D) ;
128 Ihringen (D) ;
129 Ohnenheim (F) ;
130 Appenwihr (F) ;
131 Rixheim (F) ;
132 Unterlunkhofen (CH) ;
133 Zürlch‑Höngg (CH) ;
134 Bannwil (CH) ;
135 Düdingen (CH) ;
136 Rubenhelm (D) ;
137 Wörth (D) ;
138 Gaualgesheim (D) ;
139 Wiesbaden (D) ;
140 Bad Homburg (D) ;
141 Dortelweil (D) ;
142 Münzenberg (D) ;
143 Langsdorf (D) ;
144 Borsdorf (D) ;
145 Kohden (D) ;
146 Nidda (D) ;
147 Bingenheim (D) ;
148 Niedermockstadt (D) ;
149 Kaichen (D) ;
150 Windecken (D) ;
151 Höchst (D) ;
152 Eichen (D) ;
153 Eichen‑Altenstadt (D) ;
154 Langenbergheim (D) ;
155 Marköbel (D) ;
156 Hanau (D) ;
157 Hochstadt (D) ;
158 Bischofsheim (D) ;
159 Bergen‑Enkheim (D) ;
160 Frankfurt/Stadtwald‑Sandhof (D) ;
161 Wallerstädten (D) ;
162 Dornheim (D) ;
163 Darmstadt / Bessungen (D) ;
164 Darmstadt/Arheilingen (D) ;
165 Langen (D) ;
166 Urberach (D) ;
167 Traisa (D) ;
168 Semd (D) ;
169 Schaafheim (D) ;
170 Waldhusen (D) ;
171 Kemnitz (D) ;
172 Fischbach (D) ;
173 Oss (NL) ;
174 Someren (NL) ;
175 Court‑Saint‑Etienne (B) ;
176 Gedinne (B) ;
177 Harchies (B) ;
178 Limal/Morimoine/Stoquoy (B) ;
179 Basse‑Wavre (B) ;
180 Vienne‑la‑Ville (F) ;
181 Villey‑Saint‑Etienne (F) ;
182 Diarville (F) ;
183 Haroue (F) ;
184 Clayeures (F) ;
185 Richardménil (F) ;
186 Moncel‑sur‑Seille (F) ;
187 Nousseviller‑les‑Puttelange (F) ;
188 Meer‑Antwerpen (B) ;
189 Mignaloux‑Beauvoir (F) ;
190 Lunery (F) ;
191 Chateauneuf‑sur‑Cher (F) ;
192 Coust (F) ;
193 Dun‑sur‑Auron (F) ;
194 Vornay (F) ;
195 Sainte‑Montaine (F) ;
196 Anthien (F) ;
197 Corbeil (F) ;
198 Vitry‑les‑Nogent (F) ;
199 Courcelles‑en‑Montagne (F) ;
200 Cusey (F) ;
201 Minot (F) ;
202 Mauvilly (F) ;
203 Leuglay (F) ;
204 Prusly‑sur‑Ource (F) ;
205 Chamesson (F) ;
206 Magny‑Lambert (F) ;
207 Quemigny‑sur‑Seine (F) ;
208 Baigneux‑les‑Juifs (F) ;
209 Darcey (F) ;
210 Poiseul‑la‑Ville et Laperrière (F) ;
211 Créancey (F) ;
212 Ivry‑en‑Montagne (F) ;
213 La Rochepot (F) ;
214 Meloisey (F) ;
215 Morey‑Saint‑Denis (F) ;
216 Bucey‑les‑Gy (F) ;
217 Epeugney (F) ;
218 Lizine (F) ;
219 Amancey (F) ;
220 Pontarlier (F) ;
221 Ivory (F) ;
222 Marigny‑sur‑Ain (F) ;
223 Doucier (F) ;
224 Charcier (F) ;
225 Soucia (F) ;
226 Barésia (F) ;
227 Chavéria (F) ;
228 Nermier (F) ;
229 Lect (F) ;
230 Vescles (F) ;
231 Château‑Gaillard (F) ;
232 Ige (F) ;
233 Saulces‑Champenoises (F) ;
234 Chaffois (F) ;
235 Pont‑a‑Mousson (F) ;
236 Lazenay / Bourges (F) ;
237 Chalvignac (F) ;
238 Rocamadour (F) ;
239 Crayssac (F) ;
240 Cabrerets (F) ;
241 Saint‑Martin‑Labouval (F) ;
242 Saint‑Georges‑de‑Mons (F) ;
243 Salles‑la‑Source (F) ;
244 Ispagnac (F) ;
245 Hures‑la‑Parade (F) ;
246 Lanuejols (F) ;
247 Viala‑du‑Pas‑de‑Jaux (F) ;
248 Pardailhan (F) ;
249 Cazevielle (F) ;
250 La Rochette‑du‑Buis (F) ;
251 Barsac (F) ;
252 Cras/ Cahors (F) ;
253 Marainville‑sur‑Madon (F) ;
254 Zarybnik (CS) ;
255 Wischen (NL) ;
256 Horst‑Hegelsom (NL) ;
257 Meerlo (NL).

7Par contre, une importante concentration de ces mêmes objets singularise la combe d’Ain dans le Jura français (Vuaillat 1977). Quant aux haches en bronze de Chaffois et de La Rivière‑Drugeon, il s’agit de deux outils bien connus à l’âge du Bronze. La première relève d’une série très connue en Allemagne du Sud, dans les ensembles tumulaires du Bronze moyen. Ce type est plus rare en Suisse (Osterwalder 1971) et en France. On le rencontre isolé ou en dépôt comme à Porcieu‑Amblagneu (Isère) (Mortillet 1906). Daté également du Bronze moyen le poignard à deux rivets de Chaffois/la Carrière dont de nombreux exemplaires sont connus dans le Jura et le bassin de la Saône, très souvent sans contexte (Millotte 1963). Une tombe tumulaire assez voisine de Chaffois, à Guyans‑Venne (Doubs), livra une arme semblable accompagnée d’une épingle à tête cannelée, d’une autre à renflement perforé et deux bracelets à nervures obliques (Narbey, 1867). Ce matériel, très connu dans les grandes nécropoles de l’Allemagne du Sud, en particulier le Jura souabe, atteint le Rhin supérieur, les Alpes et leurs marges occidentales (Torbrügge 1959 ; Pirling 1980). La hache de l’ensemble de La Rivière‑Drugeon relève du complexe des haches à ailerons médians. L’origine de ce type d’emmanchement se localise en Allemagne du Sud, mais le modèle dont il est question proviendrait d’un atelier alpin et jurassien difficile à circonscrire (Millotte, Cordier & Abauzit, 1968). Les autres armes trouvées dans la région de Pontarlier fournissent peu de renseignements utiles, vu leur état (corrosion ou bris). C’est le cas de la lance en bronze de La Rivière‑Drugeon, du poignard triangulaire en fer de la même localité au tumulus du Grand Communal 2. Le couteau de fer avec anneau terminal de Chaffois/Mordeterre (fig. 63) ressemble davantage à une arme plutôt qu’à un outil, sans grande possibilité de comparaisons valables.

3.1.2.2 Les parures classiques

8Il s’agit là des découvertes les plus nombreuses et les plus pertinentes de la Chaux d’Arlier. Ces bijoux variés n’ont pas la même signification culturelle, mais presque tous aident à mieux situer ce vaste ensemble du haut Jura dans le contexte de l’âge du Fer d’Europe occidentale et centrale, qu’il s’agisse de la Suisse voisine, de l’Allemagne du Sud d’une part, de la Bourgogne, Alsace, Lorraine et Champagne d’autre part.

Les bracelets

9Pour ces objets un classement arbitraire aidera à y voir plus clair.

Type 1

10Anneaux de gros et moyen diamètre unis, jonc massif (Frasne et Grand Communal 3 de La Rivière‑Drugeon). Une variante possède un appendice (Chaffois/les Longs Champs et Bulle/Grand‑Communal 1).

Type 2

11Anneaux fermés massifs à cannelures transversales fines, jadis connus comme « anneaux de cuisse » (ancien tumulus de Frasne).

Type 3

12Bracelets massifs à section courbe vers l’extérieur et aplatie. Décorés de cannelures transversales larges séparées par des plages rectangulaires ornées d’incisions en V et en oblique (La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 2).

Type 4

13Anneaux de faible diamètre. Allure d’engrenage (Pontarlier/Sur le Mont, Champ de tir).

Type 5

14Anneaux de faible diamètre torsadés (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 4).

Type 6

15Anneaux de faible diamètre ornés de légères bossettes (Pontarlier/Sur le Mont ; Chaffois/la Carrière).

Type 7

16Anneaux de faible diamètre ornés d’incisions transversales groupées (La Rivière‑Drugeon/la Vierge).

Type 8

17Anneaux de faible diamètre avec de petits tampons moulurés (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1).

Type 9

18Anneaux de faible diamètre, filiformes avec ou sans décor, style « armilles » (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1).

Type 10

19Anneaux de même allure, décorés ou non, mais groupés en paquets (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 4 ; Bulle/Grand Communal 1, « les Fourneaux »).

Type 11

20Anneaux de faible diamètre, avec ou sans crochet : décor d’incisions obliques (Dompierre‑les‑Tilleuls/Les Bossus 1 ; Chaffois /la Carrière 1) ;

Type 12

21Bracelets à jonc plat décorés de cannelures longitudinales (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1 ; Chaffois/la Carrière 1 ; Chaffois/Mordeterre).

Type 13

22Bracelets massifs à section losangique, ornés de triangles hachurés, parfois à jonc uni (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1, « la Loge ») ;

Type 14

23Bracelet à section ovale ornés de fines incisions transversales (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2).

Type 15

24Bracelets massifs ornés de bossettes séparées par des incisions transversales (Chaffois/Longs Champs).

Type 16

25Bracelets creux : avec deux saillies (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2) ; avec extrémités pointues et emboîtées (La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 2) ; avec perforations pour fermeture (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3) ; à section peu incurvée ; décor de triangles allongés et hachurés (La Rivière‑Drugeon/Grand‑Communal 4).

Type 17

26Bracelets en fer à tampons (La Rivière‑Drugeon/la Loge). L’extrême variété des modèles de bracelets rencontrés dans la Chaux d’Arlier rend difficiles les tentatives de comparaison et de localisation. Il existe, pour la France du moins, peu de cartes de répartition aidant à circonscrire des aires qui correspondraient à des ateliers ou à des zones de diffusion commerciale. En outre, la fantaisie artisanale se manifeste pour ces parures du moins, avec une certaine vigueur et rend impossible la distinction entre le lieu d’invention et les lieux d’arrivée du produit, les pièces originales et les imitations locales. Quelques remarques générales méritent seulement d’être formulées (fig. 75).

27Le décor avec nervures ou incisions transversales, que ces dernières soient groupées ou non et combinées parfois avec des bossettes, est commun dans le Jura sur le plateau d’Amancey, en forêt des Moidons (Millotte 1963) et sur le Plateau suisse (Drack 1958, 1960). Il en va de même pour les anneaux au jonc adorné de bossettes. Ces thèmes ornementaux fort simples sont connus en Bavière beaucoup plus d’ailleurs qu’en Bade‑Wurtemberg (Kossack 1959). Sans nier qu’ils soient présents en Bourgogne, à Vix par exemple, bien qu’il faille ici noter leur rareté relative.

28Les anneaux filiformes groupés en paquets semblent être d’avantage une singularité jurassienne fréquente sur le plateau d’Amancey (Amondans) ou dans la forêt des Moidons (Millotte 1963) avec une extension possible jusqu’au sud du massif (Corveissiat). Il en va de même des bracelets fermés d’un diamètre variant de 8 à 12 cm, comme ceux de Frasne, Deservillers, Augisey, qu’ils soient massifs ou creux (Millotte 1963). Les types plats à cannelures (La Rivière‑Drugeon/Grand‑Communal 2) avec des plages rectangulaires séparatives pourraient ressembler à des trouvailles des Moidons, de Fertans ou d’Outriaz, à la largeur du jonc près.

29A ces modes sans doute locales, il convient d’en opposer d’autres qui connaissent une diffusion plus large. C’est le cas du bracelet en tôle de bronze avec un jonc de section peu incurvée provenant de La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 4. Il s’agit d’un débris de bracelet à tampons (Blecharmspangen mit Stempelenden) voisin de ceux trouvés à Bofflens (VD) et Jouxtens (VD), et d’un fragment d’un anneau toujours en tôle de bronze mais de largeur moindre (Blecbarmspangen mit runden Querscbnitt) bien connu dans les cantons de Vaud, Fribourg, Berne et Soleure (Drack 1965).

30Les anneaux de type 8, par contre, avec petits tampons et jonc filiforme, sont connus à Refranche, mais plus largement répandus que les mobiliers précédents ; ils proviennent aussi d’ensembles bourguignons, lorrains, alsaciens et champenois (Bretz‑Malher et Brisson 1958 ; Hatt‑Roualet 1976 ; Pellet‑Delor 1980 ; Feugère et Guillot 1986).

31Le modèle 11 ne manque pas d’originalité et se rencontre plus rarement dans le domaine hallstattien. Il ressemblerait à des types plutôt connus en Autriche et Allemagne du Sud à Dürrnberg et à la Heuneburg (Moosleitner el al. 1974 ; Pauli 1978). Même rareté pour le bracelet en fer à boules terminales de La Rivière‑Drugeon/« la Loge ». Un exemplaire provient bien de Bucey‑les‑Gy associé à une épée de fer du Hallstatt ancien, mais la plupart des pièces recueillies couvrent une zone fort étendue. Jadis une solide étude signalait leur présence fréquente dans le sud du Massif central et dans l’Albigeois (Ward‑Perkins 1940 ; Galan et Soutou 1959). Faute d’une carte de répartition générale, impossible de préciser les concentrations possibles, mais des bijoux identiques proviennent aussi du Berry, de la Nièvre, de la Côte‑d’Or et de la Meuse.

32Les parures du Grand Communal 1 de La Rivière‑Drugeon en provenance d’une tombe à incinération posent d’embarrassantes questions. Des modèles identiques existaient dans les dépôts de Santenay et de Sarry tous deux datés de l’âge du Bronze moyen (De Longuy 1883 ; De Mortillet 1903). De même pour l’anneau massif type 13 avec des parallèles dans la « cachette » de Vernaison et celles de Meilkirch et Wabern (Courtois 1960 ; Osterwalder 1971), datées au début du Bronze final.

Ceintures et accessoires

Type étroit

33Décor au trémolo combinant lignes brisées et courbes (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1) ; décor formé de trois lignes de petits points ou bossettes (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2) ; décor de six nervures séparées par plages avec groupes de trois points (La Rivière‑Drugeon /Grand Communal 3).

Type large

34Décor couvrant toute la surface de la ceinture ; nervure sur le bord. Motifs en croix dans un carré alternant avec d’autres carrés garnis d’ailettes et cercles pointillés (La Rivière‑Drugeon/la Vierge) ; décor de carrés avec cinq bossettes (La Rivière‑Drugeon/la Vierge) ; décor de deux rangs de bossettes sur les bords encadrant des croix. Au centre, rectangles, garnis de petits losanges. Chevrons sur bords longitudinaux. Décor localisé sur les bords. Centre uni (Bulle/Grand Communal et les « Fourneaux ») ; sur les bords latéraux, grosses bossettes, ailes, nervures brisées ou hexagonales (Bulle/Grand Communal et « les Fourneaux »).

35A ces types de ceintures assez volumineuses, il. conviendrait de rattacher deux autres accessoires.

Renfort d’extrémité de ceinture

36Il est difficile de dénommer autrement cet objet d’allure rectangulaire en tôle de bronze repliée sur trois côtés. Objets rares au demeurant et analogues à ceux rencontrés sur des ceintures actuelles. La présence de perforations accrédite l’idée d’une fixation par rivets de ce renfort terminal sur une bande de cuir (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus ; Chaffois/les Longs Champs).

Agrafe de ceinture

37Elle possède un crochet de fermeture. Celles des environs de Pontarlier, parfois mal conservées sont de type ovale allongé, avec décor de croix (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1 ; Chaffois/les Longs Champs ; Vuillecin/ Grange Dessus).

38Les ceintures en tôle de bronze, larges ou étroites, unies ou décorées caractérisent bien le Hallstatt classique de la Bavière à la Savoie. L’idée de parer les femmes d’un tel bijou paraît avoir connu une grande diffusion et témoigne aussi d’une certaine unité, l’ornementation de ces pièces fournit aux artisans l’occasion d’exercer leur fantaisie. D’où la difficulté de proposer des classements valables qui aideraient à mieux distinguer l’existence d’ateliers (Maier 1957 ; Kilian‑Dirlmeier 1972). En outre, un commerce actif impliqua le transport de certains modèles sur de longues distances. Il se pourrait que ce trafic ait provoqué de nombreuses imitations locales ou, à défaut, la diffusion de certains thèmes décoratifs élémentaires : points, croix, ailettes.

39Par contre, il est certain que la ceinture étroite décorée au trémolo de Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus est peu répandue dans le Jura et la Bourgogne, son origine étant à rechercher en Bavière. Mais on notera sa présence dans la Suisse voisine à Ins/Anet (BE) (Drack 1968, 1969).

40Une absence à signaler : celle de ceintures avec motifs antropomorphes dont un exemplaire provient du flanc est du Jura à Bofflens (VD). Avec prudence, et en considérant des parures trouvées non loin de celles de la Chaux d’Arlier à Amancey, Amondans et Refranche, on reconnaîtra la fréquence dans la Franche‑Comté de motifs simples, points ou bossettes, croix, ailettes combinés de multiples façons, mais souvent avec grande simplicité. Si ces décors sont absents de l’Alsace en forêt de Haguenau, ils ne manquent point sur le Plateau suisse (Vaud, Berne) (fig. 76 et 79).

41Les renforts d’extrémité de ceinture comme ceux de la Chaux d’Arlier n’abondent pas dans le domaine hallstattien. Un exemplaire très voisin géographiquement provient d’Amancey/Château Sarrazin et trois autres de Rances, Jouxtens et Bofflens dans le canton de. Vaud (Drack 1966). Il conviendrait d’ajouter à cette liste trois débris d’un tumulus d’Amancey/Camp de Mine (Millotte 1963). Il est sans doute téméraire de prétendre que ces objets originaux proviennent d’un même atelier et ceci malgré le peu de distance qui sépare ces trouvailles. Si l’idée de confectionner un renfort destiné à protéger le cuir est la même, par contre le décor diffère d’un versant à l’autre du Jura. A l’ouest, les artisans choisissent des motifs géométriques linéaires qui rappellent quelque peu ceux des larges ceintures en tôle de bronze, par contre des motifs curvilignes et floraux agrémentent les exemplaires vaudois.

42Les agrafes de ceinture à crochet de forme ovale sont connues en Franche‑Comté à Flagey et Ivory en particulier. Leur nombre peu élevé (3) contraste avec celui des découvertes du Plateau suisse (cantons de Vaud, Neuchâtel, Fribourg et Berne en particulier) et du Valais en amont de Martigny. Le décor, en France comme en Suisse, atteste une grande uniformité, avec des lignes entrecroisées, triangles hachurés et plus rarement décor au trémolo ou présence d’une nervure axiale (Drack 1968, 1969). A cette mode d’origine helvétique probable, il convient d’en opposer une autre, celle de l’agrafe avec rectangle et triangle juxtaposés bien connue dans la région salinoise (Joffroy 1954) (fig. 79). Plus singulière l’agrafe de la tombe à incinération du tumulus de La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1 ressemble à une pièce de Monéteau « St‑Quentin » dans le contexte du début du Bronze final (Brun 1986).

43Deux autres parures originales se rencontrent aussi dans la Chaux d’Arlier, le disque à renflement central et le brassard tonnelet, parfois associés dans des sépultures féminines.

Brassards‑tonnelets

44Comme pour nombre d’objets caractéristiques du Hallstatt, une difficulté surgit quand il s’agit de classer typologiquement ces objets. Dans l’ensemble Jura‑Plateau suisse, on différencie deux catégories principales : la première caractérisée par des tonnelets allongés comme ceux rencontrés vers Pontarlier à Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus, et La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 2 ; et la deuxième représentée par des parures étroites plus connues dans la Suisse du Nord‑Est (Subingen, Knutwil). Il est difficile d’affirmer qu’il s’agit d’une parure pour enfant (Drack 1965).

45En général, ces tonnelets, petits ou grands, affectent une forme stéréotypée, un galbe identique caractérisé par un renflement plus ou moins au centre de la pièce. Seul le décor aiderait à localiser des ateliers. Les motifs, s’ils varient au milieu, dénotent une grande monotonie aux deux extrémités couvertes, sauf de rares exceptions comme celle de Bannwil, de lignes incisées parallèles alternant avec des bandes garnies de cercles oculés. Les tentatives de classement proposées jadis reposaient donc sur les variations du thème central. S’il est possible d’isoler un groupe d’Allemagne du Sud/Basse Alsace caractérisé par des motifs à cannelures exécutées « au repoussé », il est périlleux de sérier les trouvailles du Jura et du Plateau suisse, en groupes Suisse occidentale, Berne, Argovie, et Suisse orientale/Schaffhouse (Drack 1965). A plus forte raison de distinguer comme le proposait Rieth, un groupe du Jura français qui possèderait certaines parentés avec des trouvailles du Bade‑Sud et canton de Schaffhouse (Rieth 1950). Si l’on y regarde de près, les mêmes décors, zig‑zag, triangles hachurés, se trouvent partout combinés de manière différente par des graveurs pleins de fantaisie.

46La seule originalité réside dans l’exécution de croix comme à Ins, de carrés ou de losanges comme à Grossaffoltern, Buron, Wohlen, Hemishofen, de lignes courbes comme à Ivory (tumulus 8, sép. a) (Millotte 1963).

47Dans le cas présent, on retiendra seulement la présence de croix sur les parures de Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus et de La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 2. Ces décors particuliers et caractéristiques rappellent ceux du canton de Berne, Ins et Bariswil. L’autre tonnelet du Grand Communal 2 avec triangles hachurés et zig‑zag se rapprocherait alors des types plus communs du Pays de Vaud (fig. 77 et 79).

Disques à renflement central

48Avec les ceintures et les tonnelets, les disques à renflement central (boucliers de pudeur) singularisent le Hallstatt franco‑suisse. Trois exemplaires proviennent de la Chaux d’Arlier : Dompierre‑les‑Tilleuls/ les Bossus ; Chaffois/la Carrière ; Vuillecin/Grange Dessus. Deux possèdent quatre cercles concentriques, un, trois cercles concentriques. Des classifications ont été proposées pour ce curieux objet (Drack 1966, 1967). Elles reposent surtout sur la décoration ajourée de la partie centrale. Comme pour les brassards‑tonnelets, il est sans doute imprudent de tenir compte de différences résultant de la fantaisie des artisans locaux. Cependant quelques constantes apparaissent : dans le Jura français, le nombre des cercles est peu élevé, 4 ou 5 par opposition à d’autres modèles de la Suisse (Valais, Neuchâtel, Berne) avec 6 à 8 cercles. Qu’il s’agisse des deux versants du Jura, les anneaux concentriques sont presque toujours décorés avec des triangles hachurés.

49Quant à la partie ajourée, un renflement la surmonte au centre et les découpes prennent la forme de cercles, triangles, trapèzes, ailes, rectilignes ou curvilignes. En fait, les distinctions stylistiques reposeraient plutôt sur la maladresse du fondeur que sur un projet décoratif délibéré. Si dans les types Moidons et Conthey de W. Drack quatre zones partagent la partie centrale de l’ornement, trois seulement divisent le même secteur dans les types Ins et Rances.

50Au total, une sériation est difficile à établir. Si l’on s’en tient au nombre de cercles mobiles, les exemplaires de la Chaux d’Arlier relèveraient du type Moidons ainsi que des trouvailles voisines comme celles de Rances et Vauroux. Plus nettement que pour les tonnelets et les ceintures, le disque à renflement central caractérise une mode ou une pratique rituelle bien localisée sur le Plateau suisse entre le Léman et le lac de Bienne d’une part, le plateau d’Amancey et la forêt des Moidons d’autre part, sans préjudice de quelques exportations possibles vers le Valais et les Préalpes françaises (fig. 78 et 79).

Les fibules

51Dans l’ensemble, les fibules « classiques » du Hallstatt moyen et final ne manquent point dans la Chaux d’Arlier mais en négligeant des variantes locales possibles.

Type 1

52Ressort‑arbalète : Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1 ; variante avec double‑timbale : Vuillecin/Cottaroz.

Type 2

53A tête d’oiseau ; variétés possibles : présence d’une cavité pour incrustation en forme de cercle (Chaffois/Longs Champs) ; ressort bilatéral (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1) ; tête coulée « en ronde bosse » avec arc uni ou cranté, place de l’œil bien marquée (Dompierre‑les‑Tilleuls/ Planquecet 2 ; La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3) ; arc torsadé et bouton sur pied (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 2).

Type 3

54Arc enflé ou creux ; a sanguisuga (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3 ; « Les Gentianes » ; Chaffois /Longs Champs) ; avec décor de perles (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1) ; avec timbale sur le pied (Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet 3).

Type 4

55Serpentiforme à disque d’arrêt (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 2).

Type 5

56Avec timbale « à degrés » et bouton sur le pied (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3 ; « la Loge » ).

Type 6

57Avec timbale volumineuse (hypertrophiée) formant arc (La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 3).

Type 7

58Avec une timbale au pied et arc uni (La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 3).

Type 8

59Avec un arc unfiliforme et bouton sur le pied (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3).

Type 9

60Arc simple à disque d’arrêt sans ressort (La Rivière‑Drugeon/ « la Loge »).

Type 10

61« La Certosa » (La Rivière‑Drugeon/ « les Gentianes »).

Type 11

62Avec arc unifiliforme et boutons latéraux au sommet de l’arc.

63Des pièces originales sont difficiles à classer comme la fibule zoomorphe avec tête de bélier de Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus et la fibule avec arc torsadé et bouton sur le pied de Dompieire‑les‑Tilleuls/tumulus 2 des Bossus.

64L’insertion des fibules de la Chaux d’Arlier dans un contexte du Hallstatt d’Europe n’offre guère de difficultés si l’on oublie les menues différences de détail, résultantes d’un artisanat régional possible (fig. 79). Pour les fibules les plus caractéristiques, des cartes de répartition récentes facilitent les interprétations (Mansfeld 1973 ; Feugère 1986). Les types à ressort‑arbalète avec timbale sur le pied apparaîtraient sur la carte de M. Feugère comme un produit bourguignon, qu’il s’agisse de centres comme le Chatillonnais ou le confluent Doubs/Saône vers Bragny (Feugère 1986). L’ensemble forme une concentration importante pour ce genre de parure, relativement peu diffusée sur le Plateau suisse, la vallée du Rhin et le Wurtemberg et davantage répandue dans les Alpes du Sud et le Languedoc.

65Les types à double‑timbale se groupent en concentrations sensiblement identiques avec une diffusion très nette sur le Plateau suisse entre Léman et Bodensee. La fibule dont la timbale forme l’arc (timbale hypertrophiée selon M. Feugère) est très connue en Champagne aux environs de la moyenne vallée de la Marne, ainsi qu’en Bourgogne et dans le Jura. Modèle pratiquement inconnu en Suisse, il gagne en petit nombre la vallée du Danube (Feugère 1986).

66Des fibules conservées dans les tumulus de la Chaux d’Arlier ressembleraient quelque peu à des modèles italiens. Bien entendu, celle du type « La Certosa » (La Rivière‑Drugeon/ « les Gentianes ») ne pose aucune question, car d’autres exemplaires sont bien connus en Europe occidentale, en particulier en Suisse (à Grandson, à Genève/Chêne‑Bougerie) (Primas 1967). Son état de conservation impeccable ne renseigne pas cependant sur l’origine possible de cette pièce intéressante. Importation ou imitation locale ? Les deux autres fibules à arc volumineux et creux (Bossus 3 et Planquecet 3) suggèrent des rapprochements avec des modèles italiques a navicella ou a sanguisuga. Cependant, la présence pour l’une (Planquecet 3) d’une timbale sur le pied, prouverait qu’il s’agit plutôt d’une fantaisie locale combinant l’arc renflé de style italique avec un ajout hallsttatien nord‑alpin, la timbale. Sans parler des deux boules latérales ajoutées au ressort. Pour l’autre (Bossus), l’exubérance de la décoration de l’arc appelle des comparaisons avec certaines fibules de La Tène ancienne. Les autres objets (Grand Communal 3, les Gentianes et les Longs Champs) ressembleraient davantage à des prototypes italiens aux dimensions près et en négligeant les fantaisies décoratives du ressort.

67A propos de ces fibules, un exemplaire assez semblable provient probablement d’une sépulture du Jura vaudois voisin à Rances/Montet (Drack 1968, 1969). Ce type déjà remarqué par Viollier (Viollier 1907), comporte bien des variantes de détail, mais date vraisemblablement des débuts de La Tène (Phase B/I des chronologies allemandes [Trümpler 1957]).

68Un seul exemplaire de fibule serpentiforme provient de Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus. Ce modèle est rare en Franche‑Comté avec un exemplaire voisin au Camp‑du‑Château à Salins/Pretin, un autre au site de Montmorot vers Lons‑le‑Saunier. L’origine de ce bijou se situe sans doute au sud des Alpes, dans la plaine du Pô (Pauli 1971). Les dérivés nord‑alpins se localiseraient davantage en Allemagne du Sud et en Suisse qu’en France orientale. Dans le Jura on remarquera la présence d’un avatar possible : la fibule à disque d’arrêt sans ressort qui résulterait d’une simplification technique du prototype serpentiforme (Millotte 1963).

69La fibule nommée ici, peut‑être d’une façon impropre, avec timbale à degrés correspondrait au type de timbale conique de Mansfeld (Mansfeld 1973). Pour cette série caractéristique, les variantes abondent conservant cependant une sorte de bouton au sommet du cône. Ces bijoux sont rares en Franche‑Comté, mais outre la Chaux d’Arlier (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3 ; « la Loge »), un exemplaire provient du Camp‑du‑Château, et dans les régions voisines, de Bragny, Vix en Bourgogne et d’Haguenau en Alsace. Les cartes récemment publiées par M. Feugère complètent celles de Mansfeld ; elles prouvent avec netteté que la zone de diffusion de ce bijou couvre la Bavière et le Bade‑Wurtemberg (Feugère 1986).

70En demeurant dans le domaine de la répartition géographique, on examinera le cas des fibules dites « à tête d’oiseau ». Cette appellation (Vogelkopfibeln) recouvre en réalité un assez grand nombre de variantes souvent mal répertoriées, d’où le risque de confusion. Un premier modèle, bien connu dans le Jura, se caractérise par une tête de canard sur le porte‑ardillon, stylisée en « ronde‑bosse », avec une sorte de creux pour marquer la place de l’œil. Des crans entament l’arc au sommet de la courbe. La carte d’O. H. Frey complétée par M. Feugère (Feugère 1986) signale de fortes concentrations de ce bijou au sud de l’arc alpin, avec d’autres moins importantes en Autriche, Bade‑Wurtemberg, Jura et Champagne. Un type voisin rencontré au Camp‑du‑Château possède lui aussi un arc cranté, mais sur le pied une petite plaque carrée remplace la tête d’oiseau. Cette variante est à rapprocher de parures identiques découvertes à Bragny et à Chouilly/les Jogasses et dont l’origine italique demeure possible (Frey 1971).

71Avec une tête d’oiseau à peine figurée portant une cavité destinée à recevoir un morceau de corail ou d’émail, une fibule se rapprocherait peu ou prou du modèle précédent ; mais, largement répandue dans l’Europe occidentale de la Suisse au Languedoc, il demeure difficile de fixer son origine et de circonscrire des aires de concentration (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus et Planquecet 2 ; Chaffois/ Longs Champs).

72La fibule avec arc uni et bouton terminal sur le pied (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3) se répand sur un vaste territoire de la Marne à la Bavière avec des prolongements vers le delta du Pô et la Slovénie, avec des groupements aux Jogasses, dans le Jura français et sur le Plateau Suisse vers Ins. En somme, une carte de répartition peupertinente qui n’exclut pas la France comme lieu d’invention (Mansfeld 1973 ; Feugère 1987).

Bracelets en lignite

73Si l’on tient compte des fragments, c’est plus de vingt‑cinq exemplaires de bracelets en lignite que fournirent les sépultures de la Chaux d’Arlier.

74Faute d’analyses précises et nombreuses, pour la France du moins, on ne saurait affirmer la nature pétrologique exacte de ce matériel : lignite, sapropélite, schiste carton, jayet, etc (Rochna 1962). Par contre, du point de vue typologique, ces curieuses parures se ressemblent fort d’un bout à l’autre du domaine hallstattien et se classent en quelques séries, représentées aux environs de Pontarlier.

75Une première forme ressemble à un lien de serviette (Chaffois/la Censure 4 et 5) ; la deuxième, très rare ici, évoque le profil d’un tonnelet (Chaffois/la Censure 3). Le décor est pratiquement absent, sauf quelques encoches et cercles en creux qui servaient peut‑être à fixer une incrustation (métal ?) (Chaffois/la Carrière I). L’exemplaire voisin d’Amancey à Ressertu possédait des éléments métalliques (argent) incrustés dans le lignite (Percerot 1844). Des trous pour le passage d’un lien et disposés face à face servaient à l’assemblage de deux moitiés de bracelet symétriques (Chaffois/la Censure I et Longs Champs). Les types à faible section circulaire ou anguleuse ne se rencontrent pas ici, ainsi que les anneaux tronconiques avec sur les bords des cavités pour faciliter des assemblages et connus par exemple à Coffrane/les Favargettes (musée de Neuchâtel).

Les épingles

76De nombreuses épingles retrouvées dans la Chaux d’Arlier aideront par la suite à mieux situer la contrée dans une perspective chronologique ou socio‑culturelle. Trouvées en contexte, elles datent de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer.

77Les plus anciennes, à tête ovale, en tôle de bronze, décorées ou non, annoncent le Bronze ancien (La Rivière‑Drugeon/la Vierge) et sont connues en Suisse voisine, Pays de Vaud, Valais et sont sensiblement contemporaines des épingles tréflées à l’intérieur du groupe dit « civilisation du Rhône » (Bill 1973 ; Bocksberger 1964). A la même période appartient la petite épingle à tête ovale découverte dans le même tumulus et dont la zone de diffusion, mal précisée d’ailleurs, s’étendrait du Valais à l’Allemagne du Sud. Une troisième pièce du tertre de la Vierge ressemble à une épingle‑sabre, parure également connue, mais plutôt dans la vallée du Rhin moyen. Quel que soit le lieu d’origine de tels objets, on remarquera qu’ils se répandent fort peu, tous types confondus, à l’ouest du Jura salinois et lédonien (Mesnay, Amancey, Macornay) (Millotte 1963).

78L’épingle à tête‑trompette et celle à cannelures de Chaffois/la Carrière I indiquent dans la Chaux d’Arlier la présence des hommes du Bronze moyen ; un classement chronologique précis est difficile à établir pour ces parures, dans le contexte du Jura français. Le premier type est connu aux Aiguilles de Baulmes très voisines et sur le Plateau suisse (Viollier 1927 ; Osterwalder 1971). Mais on le rencontre aussi en quantité notable à Haguenau (Schaeffer 1926) avec diverses variantes.

79L’épingle à cannelure serait un peu plus tardive, mais assez largement répandue dans le Jura en contextes valables comme à Arinthod/Vogna (Millotte 1960), Cressier/la Baraque (Vouga s.d.) et dans les plaines de Saône comme découverte isolée. Cependant, ces modèles semblent plus nombreux sur le Plateau suisse, la vallée du Rhin moyen, le Bade‑Wurtemberg et la Bavière, où il convient de rechercher leur origine et leur zone de diffusion maximale (Torbrügge 1959 ; Hoslte 1939, 1940).

80Beaucoup plus rare, l’épingle à collerettes soudées de La Rivière-Drugeon/Grand Communal 3 annonce les débuts du Bronze final sans qu’il soit facile d’établir une quelconque filiation ou rapport avec les deux objets précédents. Voici déjà des années que l’attention se fixait sur cette curieuse parure connue à Courtavant et à Reventin‑Vaugris/la Poype (Beck 1980). Une fois de plus, faute d’inventaires exhaustifs, l’aire de répartition de cette pièce ne peut être avec certitude circonscrite. Sa présence dans les Alpes françaises ne suffit pas à rechercher là son origine, car on la rencontre aussi, certes sous des dimensions très variables, dans les plaines de la Saône et les Alpes, sur le Plateau suisse et Valais, à Fribourg et Conthey par exemple, en Champagne et en Lorraine (Bocquet 1969 ; Millotte 1963). L’exemplaire le plus voisin provient de Besançon (dragages du Doubs).

81D’ordinaire classées au Bronze final, les deux épingles de la cachette de La Rivière‑Drugeon s’apparentent au type de Binningen et des « Champs d’urnes ». Il s’agit de parures largement répandues pour la première en Suisse occidentale, pour la deuxième dans la vallée du Rhin moyen et Allemagne du Sud‑Ouest (Kimmig 1941, Müller‑Karpe 1959). Cependant, le deuxième type gagne plus largement en direction du Bassin parisien et le Palatinat rhénan, par la Lorraine (Urville) (Millotte 1965 ; Mordant 1988). Des variantes, avec un nombre différent de cannelures, annoncent peut‑être des transitions possibles entre le modèle de Binningen et celui des « Champs d’urnes » proprement dit. Difficile à reconnaître parce qu’endommagée par le feu, l’épingle de La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1 possède un renflement fusiforme qui existe sur des épingles de la cachette de Vernaison, datées du début du Bronze final. En l’état des inventaires, il paraît difficile d’étudier la diffusion de cet objet, connu par exemple à Dijon‑Mirande, Crançot et Lavans‑les‑Saint‑Claude (Millotte 1963 ; Vuaillat 1977). Elles se distingueraient des types plus tardifs dont il sera question maintenant.

82Avec trois épingles originales (La Rivière‑Drugeon/« la Décharge » ; Chaffois/la Censure 8 ; Chaffois/Mordeterre) débute l’âge du Fer. La prudence s’impose car la typologie de ces bijoux très particuliers et rares demeure incertaine, faute souvent de contextes archéologiques rendant possible la datation. Elles se singularisent par la présence de renflements cannelés avec une tête discoïde ou pointue. Aux trois exemplaires de la Chaux d’Arlier, on rattachera ceux de Refranche et Divonne-les‑Bains (Millotte 1963), il se pourrait, faute d’inventaire précis, que ces objets proviennent d’ateliers localisés dans le Jura, les plaines de Saône et la Bourgogne (Thévenot 1983). Bien qu’à Barésia, par comparaison, le matériel dépende de fouilles anarchiques, la présence de l’épée de bronze dite de Hallstatt et celle d’une bouterolle en bronze inviterait à placer cette épingle rare dans les débuts de l’âge du Fer.

83Datée souvent de la même séquence chronologique, l’épingle à col de cygne se rencontre à La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2 et au tumulus de la Vierge. On trouve peu d’exemplaires de ce type dans le Jura : à Flagey/Au Cassard tumulus 1 et à Mesnay tumulus 5 des Moidons, d’ailleurs curieusement associés dans les deux cas avec des brassard‑tonnelets (Millotte 1963). Mais la plupart des parures similaires proviennent d’Allemagne et d’Autriche où elles accompagnent les épées de Hallstatt, en bronze ou en fer (Gerdsen 1986).

84Les épingles à chas (Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1), celles à tige cannelée au sommet (Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet et les Bossus) avec une tête « en tonnelet » (Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet) ne font pas encore l’objet d’études systématiques et de récollements. On retiendra cependant que des parures similaires proviennent de Bragny (Feugère 1986).

3.1.2.3 Objets divers

85Cette rubrique regroupe des pièces qui fournissent à l’occasion des renseignements sur leur origine et leur diffusion. Ainsi, on ne retiendra pas les boutons en bronze de diverses allures qui se fixaient sur le cuir à l’aide de petits ergots (Bulle/Grand Communal) et qui couvrent une large partie du domaine hallstattien, tout comme les appliques souvent très variées. Rien à espérer non plus des anneaux massifs (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3) bien qu’ils soient connus à Ins (Drack 1966, 1967). Par contre, d’autres objets plus localisés dans l’espace, sinon dans le temps, aident à mieux situer la Chaux d’Arlier dans son environnement culturel.

Boucles d’oreilles

86Répandue du Bade‑Wurtemberg à la France du Nord‑Est, la boucle d’oreille‑croissant, par sa banalité, ne caractérise aucun groupe régional du Hallstatt. Elle est présente dans la Chaux d’Arlier à La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2 et à Bulle/Grand Communal ou « les Fourneaux ». Plus intéressante est la parure constituée d’un cercle avec petites perforations destinées à supporter de minuscules anneaux (La Rivière‑Drugeon/la Vierge ; Vuillecin/Grange Dessus). La rareté de cet objet mérite d’être signalée et sa parenté avec des trouvailles très voisines, à Baulmes et Assens, soulignée (Drack 1966, 1967).

Rouelles, grelots et parures pectorales

87La rouelle est une parure bien connue dans le Jura dans la forêt des Moidons surtout (Millotte 1963). Le modèle à 4 rayons avec une partie centrale discoïde, voisine avec un autre à rayons plus nombreux (6 ou 7), la partie centrale, plus réduite portant parfois une perforation circulaire (Piroutet 1913). Les deux types coexistent dans la Chaux d’Arlier à Pontarlier, La Rivière‑Drugeon et à Chaffois, mais ne se rencontrent pas sur le Plateau suisse (Drack 1966, 1967). Par contre, il est intéressant de constater que les rouelles de Chaffois/Mordeterre ressemblent beaucoup à celles connues dans les cantons de Berne et Soleure, à Gürzelen et Subingen (fig. 79 et 80).

88Autre curiosité, les grelots, dont la sériation proposée par W. Drack risque de paraître bien artificielle. Utilisés isolément ou groupés dans les pâtures complexes, ces objets varient en volume, l’ellipsoïde étant d’ailleurs plus ou moins aplati. Tout au plus, on notera que certains grelots portent un anneau seulement, alors que d’autres possèdent en plus un pied tronconique comme à Valangin/Bussy, ou un pied subsphérique comme à Obergösgen et enfin deux anneaux d’accrochage comme à Cademène (Drack 1966, 1967). Au total, ces pendeloques semblent bien être une mode localisée au Jura et Plateau suisse, au contraire des parures pectorales complexes, déjà connues dans les Moidons, à Cademène, à Clucy, avec une autre et nouvelle découverte à Chaffois/la Censure (fig. 79). Pour ce dernier site, il s’agit de rouelles, combinées avec des tubes cannelés en bronze qui font penser aux tiges d’encrines fossiles, comme à Clucy, Cademène, Mesnay (musées des Antiquités nationales et de Besançon). Au total, les parures complexes se rencontrent essentiellement sur le plateau d’Amancey, les environs de Salins et la Chaux d’Arlier, dans un secteur restreint. Un exemplaire provient de Suisse, à Subingen, et sa plaque de suspension diffère beaucoup des modèles français (Drack 1966, 1967).

Les rasoirs

89Accessoire de toilette bien connu dans le monde hallstattien, le rasoir dérive de types déjà connus au Bronze final. De forme générale crescentiforme, il offre quelques variantes : lame ajourée avec anneau de suspension, lame non ajourée avec ou sans anneau de suspension, anneaux de suspension multiples. Pour les séries principales (Jockenhövel 1971), la Chaux d’Arlier livre trois exemplaires : Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus et Planquecet, type ajouré avec anneau ; La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 4, type non ajouré. Ces trois pièces trouvent des comparaisons voisines dans le Jura à Gevingey, à Villeneuve‑sous‑Pymont (Millotte 1963). Mais ces quelques objets pèsent peu au regard de ceux recueillis en Bourgogne (Henry 1953) où une importante concentration existe, l’épée de fer de Hallstatt accompagnant presque toujours le rasoir. D’autres trouvailles plus dispersées proviennent de Lorraine, Champagne, France méridionale, souvent dans le même contexte. Sur le Plateau suisse voisin, on rencontre souvent le rasoir crescentiforme uni et les lames ajourées sont rares (Langenthal) (Drack 1972, 1973). Curieusement, ce type ne voisine pas ici avec les épées hallstattiennes comme à l’ordinaire, sauf à Bannwil (Drack 1960). Cependant, l’environnement de la pièce de Planquecet indique les débuts du Hallstatt, compte tenu de la céramique du même tertre et de l’épée en bronze du tumulus voisin (fig. 79).

La céramique

90Avec l’abondance de la Céramique dans les habitats hallstattiens contraste leur rareté dans les sépultures, en France en particulier. La fragmentation des vases et leur difficile reconstitution rend souvent impossible une diagnose précise. Pour la Chaux d’Arlier, les remarques suivantes peuvent être formulées. Les urnes de Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet I et 2, Chaffois/la Censure 3, par leur col éversé et leur panse arrondie, s’inscrivent dans une longue série de poteries rencontrées en Allemagne du Sud et Suisse occidentale. Mais ici, le décor incisé ou excisé, avec applications ou inclusions colorées manque (type Alb‑Salem). Tout au plus des cannelures circulaires vers le col ou des incisions radiales. Ces motifs très simples apparaissent déjà au Bronze final comme à Chilly‑sur‑Salins. Pour les vases de la Censure 2 et 3, on suggérera des ressemblances de profil avec les nombreux exemplaires « avec col en forme de quille » (Kegelhalsgefass) de la Suisse, vallée du Rhin, Allemagne du Sud qui, pour la région, ne dépassent guère en diffusion le sud de l’Alsace/Porte de Bourgogne, à Reguisheim par exemple (De Ring 1858 ; Keller  1939). L’assiette avec incisions rayonnantes de Chaffois/la Censure 1 rappelle une forme et un décor rencontrés dans la station de hauteur de Montmorot (Millotte 1963), forme d’ailleurs difficile à dater à la lumière de fouilles anciennes et peu méthodiques, mais à rapporter vraisemblablement au Hallstatt si l’on en juge par les investigations récentes de M. Vuillemey. Les écuelles de Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet 2, font partie aussi d’un fonds commun au premier âge du Fer et leur large diffusion, leur allure stéréotypée apportent peu de précisions sur leur origine, vraisemblablement l’Allemagne du Sud, leurs implications culturelles et les ateliers de fabrication.

3.2 Le temps et l’espace

3.2.1 Une esquisse chronologique

91En l’absence de données stratigraphiques qui faciliteraient l’établissement d’une chronologie relative et de précisions fournies par les méthodes de datation isotopiques ou dendrochronologiques, force est de recourir à des comparaisons typologiques fondées avant tout sur les objets en bronze. Il sera fait appel trop souvent et faute de mieux, aux cadres formels établis avant tout par les archéologues allemands et adaptés par les protohistoriens français (Hatt 1958) (fig. 81 et 82).

92Une première occupation de la Chaux d’Arlier serait attestée au Bronze ancien si l’on tient compte des épingles en tôle de bronze du tumulus de la Vierge à La Rivière‑Drugeon. Il est difficile de proposer ici une datation absolue qui pourrait se situer entre 1 700 et 1 500 b.c. en tenant compte des dates ¹⁴C relatives au site du Petit Chasseur à Sion (Vs) (Gallay 1986).

93Un second témoin correspond à une phase plus tardive, soit le Bronze moyen, représenté ici par la trouvaille du tumulus de la Carrière n^o 1 à Chaffois, qu’il faudrait situer prudemment aux environs de 1 300 b.c. Lui succéderait la sépulture de La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3, à classer au début du Bronze final vers 1 200/1 100 b.c. La cachette recueillie au même lieu daterait grosso modo de la même phase. Par contre les vestiges de la fin de l’âge du Bronze (Bronze final II/III) sont rares, et limités aux épingles, d’Houtaud et Bannans, malheureusement isolées.

94Par contre, la majeure partie des matériels de la Chaux d’Arlier relève de l’âge du Fer. Pour les débuts de l’époque, des échantillons de charbon provenant du niveau de base du tumulus 1 de Planquecet à Dompierre‑les‑Tilleuls, fournirent la date de 650 ± 90 b.c. (¹⁴C, Gif ‑ 5023). Ce charbon accompagne des vases (fig. 19) qui peuvent être attribués au faciès Gündlingen‑Ossingen‑Singen avec épées de bronze type Hallstatt.

95A proximité, une autre inhumation avec un rasoir ajouré peut être plus récente et confirmerait le résultat obtenu par le ¹⁴C. La première séquence de l’âge du Fer (Hallstatt ancien ou C) connaîtrait son développement au cours du 7^e s. B.C. comme le confirmeraient des importations méditerranéennes tel le bassin en bronze perlé du tumulus de Chavéria, ou les écuelles côtelées comme celle du Frankfurter Stadtwald Fischleben que jouxtait une épée de bronze (Vuaillat 1977 ; Fischer 1979).

96A une phase ancienne succède une phase d’épanouissement correspondant à l’édification en Europe de l’Ouest des tombes et résidences princières juchées sur des éminences, comme la Heuneburg en Wurtemberg, Château‑sur‑Salins dans le Jura et Vix en Bourgogne. Si, pour la Chaux d’Arlier, il n’existe pas de repères valables fournis par le ¹⁴C ou la dendrochronologie, il est cependant possible de tenir compte de résultats obtenus par ailleurs et surtout en Allemagne du Sud ou en Suisse. Les distances relativement faibles qui séparent la région de Pontarlier de la haute vallée du Danube et de la Forêt Noire, n’impliquent pas l’obligation de tenir compte d’éventuels retards (Becker 1985 ; Kaenel 1986).

97Les dates absolues qui aident à mieux situer les trouvailles hallstattiennes de l’Europe occidentale proviennent d’une part du radio‑carbone 14 et de la dendrochronologie, d’autre part de l’étude des importations méditerranéennes dans le domaine celtique. Pour ces dernières, l’accord des spécialistes n’est point total, mais des propositions valables n’impliquent pas des écarts chronologiques sensibles. Pour les datations ¹⁴C, elles prennent une grande valeur une fois calibrées à l’aide de la dendrochronologie (Dämmer 1978 ; Dehn, Frey 1979 ; Hollstein 1980 ; Gersbach 1981 ; Polenz 1982 ; Egger 1985). Bref, un accordimplicite entre spécialistes aide à situer approximativement les trouvailles réparties entre trois phases formelles : Hallstatt moyen ou D/1 ; Hallstatt final ou D/2 ; phase transitoire Hallstatt/La Tène ou D/3‑Lt A. Chaque division couvre de 50 à 150 ans entre 600 et 350 b.c. (fig. 81). Cette grille, série de tiroirs commodes, doit être utilisée avec une certaine souplesse ; les survivances, comme les anticipations sont toujours possibles. Du point de vue objet, il semble que, faute de stratigraphies multiples et pertinentes, les protohistoriens, en se fondant sur des ensembles, classent chronologiquement les fibules hallstattiennes de la manière suivante (Spindler 1983 ; Mansfeld 1983) :
– fibules serpentiformes, fibules arciformes (arc simple) ; fibules a navicella ou sanguisuga : Hallstatt moyen, phase D/1 ;
– fibules à timbale : Hallstatt final, phase D/2 ;
– fibules à double timbales et variantes ; fibules avec arc plat, filiforme ou volumineux avec bouton sur le pied : Hallstatt final, phase D/3.

98Appartiendraient déjà à cette séquence, mais annonçant les débuts de La Tène, les fibules à arc filiforme et bouton sur le pied, ainsi que les fibules zoomorphes (tête d’oiseau, tête d’animaux, etc.).

99Il convient d’être prudent sur cette systématique, car les durées d’usage du bijou, la multiplicité des formes, posent maintes questions non résolues. Un tableau résumant la durée d’utilisation possible de chaque tumulus peut être proposé (fig. 82). Du point de vue chronologique, il indique, malgré les approximations déjà signalées et les réserves formulées, que la nécropole de la Chaux d’Arlier a surtout été utilisée au Hallstatt, particulièrement au Hallstatt moyen et final (phases D/1 et D/2 des chronologies allemandes).

3.2.2 Quelles entités culturelles ?

100Le cadre géographique qui limite cette étude a été tracé plus haut. Comment dans ce compartiment de terrain bien cadré vont s’installer et évoluer des groupes humains ? Avant de poursuivre, il paraît nécessaire de déterminer comment ces fractions se relient ou s’apparentent à des unités voisines. Ou de constater, dans la négative, leur isolement.

101C’est une évidence de reconnaître que le Jura dès les débuts de l’âge du Fer et durant tout le Hallstatt, dépend en tout ou partie des régions voisines de l’Est, Suisse, Allemagne du Sud. La nature des liaisons entre la Chaux d’Arlier et ses dernières contrées demeure difficile à définir. Dans le vaste ensemble européen, des groupes, plus par les objets usuels que par les sépultures ou habitats, acquièrent une certaine personnalité. C’est le cas du Plateau suisse, de la forêt de Haguenau, des plateaux du Chatillonnais, et à proximité immédiate, de la région d’Amancey ou de Salins‑Arbois. Les cartes de répartition d’objets typiques retrouvés aux environs de Pontarlier attestent ces rapports avec les zones voisines en particulier à l’est. Cependant, des nuances existent, comme le montre des tableaux simples (fig. 80). Ces documents prouvent que les contacts des habitants de la Chaux d’Arlier étaient, pour la majeure partie des cas, très étroits, avec les cantons voisins de Vaud, Neuchâtel en particulier et Berne, Fribourg, Soleure, beaucoup plus lâches avec l’Allemagne du Sud, l’Alsace et la Lorraine et les secteurs occidentaux, Bourgogne et Champagne. Certes, des bizarreries demeurent sans grande explication, comme l’absence de crotales en Suisse (Drack 1974).

102Naturellement, les ressemblances avec les moyens plateaux du Jura, Amancey, Salins, les Moidons sont très fortes, comme en témoignent les cartes de répartition des tonnelets, disques à renflement central, ceintures de bronze ornées de motifs cruciformes ou chenillés (Kilian‑Dirlmeier 1972). Des prolongements existent en direction du Jura du Sud et de la Savoie, jusqu’aux environs d’Annecy (Villingens 1986). Comment expliquer ces similitudes, parler de diffusion, de modes, d’ateliers ? Eternel dilemme que pose l’explication en protohistoire. On en revient à l’hypothèse d’une idée, d’une mode, relative à la parure par exemple, idée qui subira des modifications au gré des artisans locaux. Ainsi pour les tonnelets, les disques et les ceintures dont les types, vu la variété des décors, sont difficiles à classifier. Tout au plus reconnaît‑on, pour les tonnelets, une école qui pratique la gravure (Jura et Suisse), une autre le repoussé (Allemagne du Sud, Alsace). Avec d’ailleurs quelques mélanges (Rieth 1950).

103Des entités de l’ensemble Plateau suisse/Jura pratiquent des rites funéraires différents : l’incinération domine dans les nécropoles hallstattiennes de Suisse septentrionale jusqu’aux cantons de Soleure et Fribourg, pour être supplantée plus au sud par l’inhumation (Neuchâtel et Vaud). Mais comment expliquer ces différences ? Un fait mérite d’être souligné. Malgré les écarts d’altitude entre les plateaux du Jura et la plaine entre Jura et Alpes, malgré les particularités écologiques, des liaisons existaient entre les deux secteurs, liaisons facilitées par l’existence de voies comme celle de la Cluse/Val de Travers, les passages de Ste‑Croix et Vallorbe conduisant sans difficultés majeures au pied est du Jura. Ces idées générales seront précisées par la suite.

3.3 La vie quotidienne dans la Chaux d’Arlier

3.3.1 Les acteurs

104Sans vouloir trop imaginer, l’archéologue aime à se représenter des hommes, femmes et enfants, objets finals de son étude. Hélas, et dans le haut Jura en particulier, l’état de conservation des os et des métaux ne permet guère de reconstituer le corps, le vêtement, les parures.

3.3.1.1 L’aspect physique

105Pour les cadavres les mieux conservés, deux cas seulement furent soumis aux anthropologues (annexe 1). Ces documents concernent deux hommes, mais d’autres sépultures avec bijoux laissent supposer qu’ils appartiennent à des femmes. Les deux diagnoses citées, qui intéressent l’âge du Bronze final et le Hallstatt, ne se prononcent pas nettement sur les appartenances raciales des deux vestiges (alpinoïdes). Des rapprochements sont proposés pour l’homme de l’âge du Fer avec des squelettes retrouvés par Piroutet dans la forêt des Moidons et par Favret à Chouilly/les Jogasses. A la limite, une certaine continuité dans les types physiques des crânes des hommes du Bronze et du Fer de la région de Pontarlier pourrait être reconnue (fig. 83). Le doute plane aussi, faute de matériaux bien conservés, sur la taille des deux sujets précités. D’autres observations in situ autorisent à proposer, pour d’autres cas, une taille de 1,60 m. Ainsi, il n’est point déraisonnable d’envisager pour ces êtres jurassiens d’avant l’histoire, des tailles qui ne différeraient guère de celles d’aujourd’hui. Par l’étude des dents, la présence de corps de 4 enfants est attestée à La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3. De petits bracelets, (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1) confirment, pour d’autres sépultures, cette observation.

3.3.1.2 Le costume

106La découverte de nombreuses fibules et ceintures laisse supposer que les Hallstattiens de la Chaux d’Arlier portaient des vêtements amples du genre tunique, laissant parfois les chevilles dégagées et ornées de bracelets. Dans certains cas, les épingles, plus ou moins longues, remplacent la fibule, au Bronze ancien (la Vierge) et Bronze final (La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 3), en particulier. Compte tenu de la dispersion accidentelle des bijoux pour des causes diverses, des remarques sur la position de ces pièces peuvent être formulées, qui infirment ou confirment celles des fouilleurs d’hier.

107Pour les grandes épingles, du type à collerettes, leur position est oblique par rapport à l’axe du corps (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3). Les pâtures et les pendeloques, rouelles et crotales, sont portées sur la poitrine, fixées sans doute au tissu du vêtement par des fils ou liens (La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2). La position de la ceinture de bronze à la taille, des tonnelets à l’avant‑bras ne fait pas de doute. Pour ces derniers, les décors peuvent différer à gauche et à droite. Associé au brassard‑tonnelet, le disque à renflement central a été rencontré à la Rivière‑Drugeon/Grand Communal (sépulture 1), placé sur le pubis, après un glissement vraisemblable depuis l’abdomen. Cette observation ne clôt pas le vieux débat sur le port de ce curieux accessoire et comment les cercles libres devaient être maintenus en place (Millotte 1963). La présence d’anneaux à Vuillecin/Grange‑Dessus et à Chaffois/la Carrière indiquerait, comme jadis D. Viollier le supposa, que le disque et ses anneaux reliés par une natte tressée se portaient suspendus. Mais à quelle hauteur (Viollier 1910) ?

108La variété des bracelets recueillis dans la Chaux d’Arlier ne manque pas de surprendre. Pour les anneaux métalliques, la riche sépulture de la Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2 fournit des renseignements sur le port de ces parures. A des bracelets passés aux poignets, s’en ajoutent huit aux malléoles, la symétrie étant respectée. Pour cette tombe, on retiendra la juxtaposition aux poignets d’anneaux en lignite et de bracelets en bronze. Une particularité existe ici, comme dans la forêt des Moidons et la Haute‑Marne : les bracelets filiformes groupés en série et fixés vraisemblablement sur une manchette de cuir. Ils sont également connus sur le Plateau suisse, quoique sous une forme légèrement différente (Drack 1970 ; Lepage 1985).

109Les anneaux de lignite demeurent une curiosité du monde hallstattien, tant par leur port, leur confection et les origines de leur matière première (Rochna 1962). Les types qui prédominent dans la Chaux d’Arlier sont le lien de serviette et l’anneau torique. Contrairement aux secteurs voisins d’Amancey, Salins et Neuchâtel, on ne rencontre pas, sauf rares exceptions, le tonnelet, le modèle tronconique ou articulé avec liens d’assemblage (Millotte 1963). Une fois de plus, on remarquera la faiblesse des diamètres de ces parures, retrouvées aux bras d’adultes robustes, sans pouvoir fournir une explication valable sur cette particularité. D’autres bijoux devaient compléter les ensembles précédents ; mais recueillis sans contexte valable et en médiocre état, leur destination ne saurait être toujours précisée. Par exemple les boutons‑appliques de Bulle ou les petites calottes hémisphériques en bronze de La Rivière‑Drugeon/ Grand Communal 2 (sépulture 3). Ces objets rappellent ceux fixés sur les ceintures en cuir du tumulus de Nijon (Lepage 1985). Les lanières de cuir se bouclaient grâce à des agrafes ovales, sans exclure d’autres systèmes attestés, soit par des sortes de boutons, comme au tumulus de la Vierge ou des Bossus, ou des renforts comme celui du même tertre des Bossus, objet curieux utilisé aussi bien sur le plateau d’Amancey, que dans le pays de Vaud (Millotte 1963 ; Drack 1966). Par contre, l’usage des boucles d’oreilles ne laisse planer aucun doute, le modèle crescentiforme jouxtant celui plus élaboré avec cercle à pendeloques. De même pour les nombreux colliers, surtout en ambre, plus rarement en verre ou en grains d’enfilage métalliques.

3.3.2 Abris et subsistance

110Il ne suffit pas de se parer, même si les matériels précédents ne servaient que le jour des funérailles, ce qui reste d’ailleurs difficile à prouver vu l’état de conservation des objets. Il faut aussi subsister à près de 900 m d’altitude. Sur ce point, la vie quotidienne des Hallstattiens diffère sans aucun doute de celle de leurs voisins de l’Europe rhénane ou danubienne, voire de la Suisse ou de la Bourgogne.

3.3.2.1 Habitats

111Malgré des prospections au sol, complétées par des reconnaissances aériennes, aucune trace ne signale un habitat dans la Chaux d’Arlier ou ses environs immédiats. Il est fort possible qu’il faille chercher des vestiges à proximité des tertres, édifiés à l’écart des fonds humides de la vallée du Drugeon. Les rares buttes environnantes, sans grand relief par rapport à leur voisinage, ne livrent aucun indice, tout comme la chaîne voisine du Laveron. Même absence de traces dans les travaux d’édilité publique. Provisoirement, on concluera donc que l’habitat hallstattien se résumait dans cette contrée à des installations légères dont les témoins furent effacés par les agents naturels ou mal conservés sur des sols peu épais.

3.3.2.2 Agriculture

112Actuellement, la Chaux d’Arlier conserve une tradition exclusivement pastorale. Quelques rares champs voués à diverses cultures ne changent pas cette image. En était‑il de même aux âges du Bronze et du Fer ? Les analyses diverses tendraient à reconnaître la prédominance des prairies mésophiles à mouilleuses, avec abondance d’herbacées. Les grains de céréales peuvent témoigner d’une agriculture naissante dans un espace déboisé, entouré de forêts résineuses sur le Laveron et de bouquets de bouleaux et de pin aux alentours des tourbières occupant la vallée du Drugeon. Cet aspect prédominerait aux environs de 650 b.c. (tumulus de Planquecet) (annexe 2).

113Ainsi un accord existe sur l’allure de ce paysage du haut Jura au premier âge du Fer, paysage qui répond aux vues traditionnelles exprimées par de nombreux auteurs, avec à cette époque, vers 750 B.C., les débuts du climat subatlantique, plus froid et plus humide qui, dans le haut Jura, entraînera sans doute la formation de marais et de tourbières et une extension possible des surfaces boisées Naturellement toutes ces vues générales méritent d’être nuancées (Harding 1982 ; Parry 1978 ; Magny et Richard 1985, 1987). C’est le cas pour les limites forêts‑prairies, du pourcentage des espèces, etc. L’action de l’homme ne peut également être estimée. L’image si souvent esquissée de peuples pasteurs, semi‑nomades parcourant aussi bien l’Allemagne du Sud que le Jura ou les plateaux du Châtillonnais demeure vraisemblable à la lumière de ces modestes documents (Dehn 1972).

114Même absence de témoins valables pour d’éventuelles traces de champs primitifs. De légères rides de terrain, assez semblables à celles observées sur le plateau voisin d’Amancey pourraient correspondre à des limites de champs cultivés (fig. 84). Beaucoup plus nette la présence de terrasses, particulièrement nombreuses aux environs de Chaffois et La Rivière, à proximité des tumulus certes, mais difficiles à mettre en rapport avec eux. Leur édification pose aussi des questions sans réponse pour l’instant : résultent‑elles d’une construction volontaire ou du glissement de la terre (Stufenrain) par labours sur le flanc, d’une butte (Jankuhn 1956, 1957) ? Semblables structures existent à peu de distances dans le Jura neuchâtelois à proximité de nombreux tumulus hallstattiens, mais leur datation n’est pas plus assurée que dans la Chaux d’Arlier (Perret 1949, 1950).

3.3.2.3 Artisanat et échanges

115Les preuves de la qualité de l’artisanat de l’âge du Fer dans le haut Jura proviennent surtout de l’examen typologique des parures, presque toujours en bronze. On demeure par contre dans le doute quant aux sources de matières premières, aux lieux de fabrication, aux instruments utilisés. Si le mystère est total sur l’approvisionnement en cuivre et étain, il est possible que le fer provienne de petits gisements voisins comme celui de la Ferrière sous Jougne, du Pays de Vaud voisin où les bas‑fourneaux de la Sarraz sont connus et datés vraisemblablement de La Tène (Pelet 1973). Pour le lignite, les bracelets de la Chaux d’Arlier pourraient provenir de Longemaison (Doubs) aux environs de Morteau, d’une mine encore exploitée pendant la dernière guerre. Pour l’or, l’utilisation de pépites en provenance des alluvions du Doubs demeure une possibilité.

116L’ambre est ici employé à la confection de perles pour collier. Des analyses récentes tendent à prouver que ce matériau proviendrait des côtes de la Baltique, confirmant ainsi de vieilles hypothèses (De Navarro 1925 ; Pétrequin 1987). La voie méditerranéenne proposée par certains auteurs ne jouerait aucun rôle pour le haut Jura (Wyss 1974). Elle gagnerait par contre en importance au début du deuxième âge du Fer ou de La Tène, avec l’arrivée dans la Chaux d’Arlier du corail qui orne en particulier la fibule zoomorphe des Bossus/Dompierre‑les‑Tilleuls. Il semble que cette matière venue de la Méditerrannée par les voies transalpines se répande largement au nord de la chaîne et particulièrement en Champagne (Champion 1985). Même origine sans doute pour les perles polychromes de La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2/III, qui doivent être du verre opaque utilisé comme substitut du corail et de l’ambre et baptisé émail (Dechelette 1927). Cette matière pouvait orner certaines parures du Jura et des plaines de Saône, mais a disparu sous l’action du temps. En tout cas, elle est présente aussi dans la région Amancey‑Salins, Besançon et vallée de l’Ognon, à Servigney (Millotte 1963).

117Tout ce matériel révèle déjà l’existence d’artisans très habiles, pour la confection des bijoux surtout. Au‑delà de considérations esthétiques et d’analyses technologiques poussées, on remarquera le soin apporté en particulier à la confection des tonnelets, des disques et des ceintures (Rieth 1950). Cette tâche exige des connaissances dans le travail de la tôle, sans négliger la fonte de petites pièces en bronze, et une habileté pour la gravure. Restent posées les habituelles questions sur l’existence d’ateliers locaux, des imitations, des importations, de l’artisan itinérant. Il n’est pas possible dans ce travail de traiter en détail ces sujets. Pour les armes, épées de Hallstatt en particulier, l’hypothèse d’une fabrication locale est difficile a formuler, mais l’on remarquera que ces objets en bronze ou en fer sont très répandus dans la combe d’Ain et pourraient provenir de là. La poterie, par contre, doit être fabriquée sur place, les argiles ne manquant pas aux abords du Drugeon, mais les formes adoptées attestent une imitation de vases répandus sur le Plateau suisse et Allemagne du Sud.

118Quant à l’existence possible d’ateliers au Hallstatt et à La Tène ou aux déplacements d’un éventuel artisan, les remarques suivantes peuvent être proposées en l’absence de preuves décisives :
– pour des objets de répartition géographiquement limitée comme les extrémités ou renforts de ceintures en cuir, on envisagera l’existence d’un centre de production qui diffuse, mais de quelle manière, ses produits dans un rayon limité, entre Amancey (Doubs), Dompierre‑les‑Tilleuls et Rances ; la distance n’est pas considérable et les liaisons faciles (Drack 1966) ; même hypothèse au sujet des boucles d’oreilles à pendeloques de Baulmes, Vuillecin/Grange Dessus et La Rivière‑Drugeon/La Vierge (Doubs), mais aussi des tonnelets ornés d’une croix reconnus dans la Chaux d’Arlier et à Ins, des rouelles de Gürzelen et Chaffois/Mordeterre (Drack 1966,1967) ;
– si la diffusion des parures est spatialement plus étalée, pour les disques, ceintures, grelots et agrafes ovales, si la forme générale est adoptée, en revanche des artisans ou ateliers modifient les détails et les décors ce qui multiplie types et variétés ;
– pour des bijoux très répandus comme les fibules de divers modèles, il est possible que des trafics commerciaux complexes les apportèrent dans le Jura, surtout celles d’inspiration italique ; une pièce comme la fibule de la Certosa de La Rivière‑Drageon est un type connu au Tessin et a pu transiter par les passes alpines (Gothard) en direction du Rhône‑Léman‑Jura (Primas 1967 ; Pauli 1971). Un colportage de même nature introduirait aux environs de Pontarlier les fibules à timbale ou à tête d’oiseau bien connues en Allemagne du Sud (Mansfeld 1973).

119Ces apports divers qui impliquent éventuellement des services réciproques démontrent que la Chaux d’Arlier, malgré sa configuration topographique et son altitude, n’est point un cul de sac, mais un lieu de passage. La voie en direction de Neuchâtel, celle en direction de Sainte‑Croix/Orbe, le col de Jougne, toutes mènent sans difficultés vers le bassin du Rhône supérieur ou le bassin de l’Aar et du Rhin. Vers l’ouest, des pistes faciles conduisaient vers la vallée de l’Ain ou vers la « reculée » de Salins mais aussi par l’axe de la Loue en direction du Doubs et de la Saône, Sans négliger des routes qui, par la haute vallée du Doubs et le plateau de Maîche débouchent sur la Trouée de Belfort et d’Alsace. Sur ces itinéraires supposés, seuls quelques témoignages écrits historiques attestent la fréquentation de la route en direction de Salins, par Villers‑sous‑Chalamont (Piroutet 1919 ; Locatelli 1967). Ce réseau principal, calqué étroitement sur la topographie, n’exclut pas l’utilisation de pistes secondaires, surtout en direction du plateau d’Amancey (fig. 85).

3.3.3 Rites funéraires et vie spirituelle

120Sur ce point, les informations recueillies aux environs de Pontarlier sont relativement satisfaisantes, compte tenu des perturbations signalées plus haut. Aux tertres fouillés, il faudrait ajouter ceux reconnus par les prospections terrestres et aériennes. En gros, les vestiges ne dépassent pas au nord‑est le secteur Arçon/Maison du Bois, mais d’autres existent plus à l’ouest et au sud‑ouest en direction de Salins, de Nozeroy/Champagnole. La Chaux d’Arlier ne ressemble donc pas à un isolat et des liaisons doivent exister avec les moyens plateaux et la combe d’Ain. Tout au plus distinguera‑t‑on une sorte d’alignement le long de l’axe routier actuel Pontarlier‑Champagnole (D. 471) et la route du pied du Laveron (D. 47), le centre de la cuvette de l’Arlier étant moins garni, peut‑être à cause de l’humidité des tourbières.

3.3.3.1 Réutilisations

121L’édification du tumulus aux âges du Bronze et du Fer n’a rien d’original en Europe centrale et occidentale. Dans le haut Jura, vers Pontarlier, il entre en usage dès le Bronze ancien (La Rivière Drugeon/la Vierge), pour persister au Bronze moyen et final (Chaffois/La Rivière‑Drugeon), et atteindre un grand développement au Hallstatt et à La Tène. Le réemploi des tertres demeure fréquent, mais pourquoi ? La présence d’une éminence visible sur le terrain pouvait inciter de nouveaux occupants ou de quelconques descendants à utiliser cette tombe déjà construite en la surélevant si elle était trop petite et en creusant une excavation pour le corps à inhumer. D’où parfois un remaniement du tumulus, sans grand ordre apparent et sans possibilité d’établir une stratigraphie, du fait des rejets des matériaux en place et de la destruction ou dispersion des sépultures les plus anciennes. Cependant, et parfois après un grand laps de temps, la réutilisation des tombelles est certaine. A la Vierge, les Hallstattiens succèdent aux hommes du Bronze ancien après une interruption de près de 1 000 ans. De même à Chaffois/la Carrière avec une réutilisation vers 600 B.C, d’un monument construit vers 1 300 B.C. et à La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 3 où des inhumations hallstattiennes et de La Tène (vers 550/400) succèdent à une inhumation des débuts du Bronze final (vers 1 200/1 100 B.C.).

3.3.3.2 Les matériaux

122Les constructeurs des tumulus de la Chaux d’Arlier empruntèrent les matériaux au voisinage immédiat. La majorité des tombelles renferme des blocs calcaires de diverses dimensions provenant soit du délitage de la roche affleurante par action du gel, soit des moraines du Würm situées à proximité. Dans ce dernier cas, les fragments rocheux sont plus émoussés ou arrondis que leurs homologues, plus tranchants et extraits des dalles en place. Moins fréquente, comme dans l’ensemble de Chaffois/la Censure, l’argile provient de lentilles tourbeuses du fond de la dépression. On remarquera enfin la présence dans les tertres, de galets de tailles diverses et d’origine alpine, amenés ici par la glaciation würmienne (schistes, granites, gneiss).

3.3.3.3 La construction d’un tumulus

123Une sorte de tradition veut que les archéologues s’interrogent sur la nature des cérémonies qui accompagnaient l’ensevelissement du défunt durant la protohistoire (Viollier 1916). L’état actuel des tumulus de l’Arlier permet seulement des observations et conclusions prudentes, qu’il s’agisse des tombes à inhumation très nombreuses ou à incinération plus rares. Le sol peu épais dut être simplement enlevé pour laisser apparaître la dalle calcaire solide. Les affleurements rocheux furent utilisés de préférence et même leurs cavités ou fentes naturelles, comme dans le tumulus 3 du Grand Communal à La Rivière‑Drugeon (fig. 86). Il est souvent question dans les rapports de fouille de la présence de charbons de bois ou tessons de céramique, témoins de pratiques funéraires complexes. Certes, à la Chaux d’Arlier, on rencontre de tels vestiges, mais leur dispersion est difficile à interpréter. La fragmentation extrême des céramiques fait plus songer à un bris volontaire qui coïnciderait avec l’édification du tertre, qu’à un écrasement de vases entiers qui contiendraient des offrandes. De même pour les nombreux charbons de bois épars. En l’absence de concentration nette, il est imprudent de parler de « feux rituels ». Des exceptions possibles à la Censure 7, la base du tumulus ferait songer à un foyer important allumé sur le sol avant édification, à la Décharge 1, deux larges surfaces rubéfiées à proximité des sépultures auraient une signification rituelle.

124A l’origine, le mort est allongé sur le sol sensiblement au centre du tertre (sépulture principale), mais les enterrements successifs amènent les constructeurs à placer les corps ailleurs, soit au même niveau et davantage vers la périphérie du monument, soit à un niveau supérieur. En tout cas, le choix d’une orientation fixe du cadavre ne paraît pas évident (fig. 88). Le quadrant S.‑E. et le secteur O.‑N.‑O. sont négligés. Par rapport à la région salinoise voisine on constatera une même préférence pour l’orientation N.‑S. et la rareté du placement du cadavre au sud‑est des tertres. Mais dans l’ensemble en forêt des Moidons, à côté de dispositions anarchiques, on manifeste un certain souci pour disposer parfois les corps en couronne plus ou moins complète ou en parallèle (Millotte 1963).

125Ensuite, des pierres vont être entassées sur le défunt, quand il s’agit bien entendu d’une éminence entièrement enrochée. La couche superficielle, souvent gazonnée et peu épaisse ne doit pas résulter d’un apport de terre végétale, mais plutôt d’une décomposition du calcaire sous l’action des agents naturels. Il en va autrement si une chape d’argile recouvre l’ensemble comme à Chaffois/la Censure. Imaginer les constructeurs du tumulus au travail n’est guère aisé. Pour les pierres, elles devaient être transportées à bras et souvent jetées en tas, sauf quelques exceptions aisément constatées. En particulier pour la bordure de la calotte sphérique, sur laquelle on place les blocs les plus volumineux destinés à contrebuter la masse centrale (fig. 87, a). Souvent, ces blocs ou dalles s’inclinent vers le centre, comme à Bulle/Grand Communal. D’une manière générale, on place plutôt les pierres volumineuses sur les bords ou au‑dessus du cadavre pour terminer vers le sommet avec des éléments plus fins, comme à Chaffois/Longs Champs. Plus rarement, une couronne bien construite existe comme à Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet 1 et à Vuillecin/Grange Dessus. Dans le premier site, les blocs sont peu volumineux et la couronne paraît incomplète. Cette enceinte prendrait alors une valeur cultuelle et non architecturale, comme dans le tumulus 1 de Séon/Niederholz, doté il est vrai d’une porte (Bosch 1933 ; Schwab 1974).

126Dans le cas plus rare des tumulus en terre, le noyau est constitué d’un noyau ou galgal de pierres sur socle de dalles et abrite le cadavre. Dans un premier temps, le corps est enseveli dans la masse pierreuse qui sera dans un second temps recouverte d’une argile extraite, à proximité, dans les tourbières (fig. 87, b). Ce matériau pénètre dans la sépulture et contribue à colmater les intervalles entre les pierrailles. Cette percolation apparaissait déjà dans les tumulus avec dalles et cailloux ; il s’agirait d’une descente de la couche végétale supérieure et non d’un colmatage intentionnel. Le transport de la terre, malgré la faible distance entre la fosse d’extraction et la tombelle put s’effectuer avec des claies sur brancards. Les branches très fragiles, mais nombreuses, repérées à Chaffois/la Censure 1, entassées dans la marne superficielle, prouverait l’usage de ce moyen de portage.

3.3.3.4 Les sépultures individuelles à inhumation

127La plupart du temps le squelette est allongé sur le dos et les bras allongés le long du corps (fig. 89). Les traces d’un entourage en dalles formant coffre n’apparaissent pas clairement. Tout au plus des blocs parallèles à Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet 3 relevaient d’une telle construction. Par contre, des dalles reposent simplement sur les cadavres à Chaffois/Longs Champs et La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2 où une large pierre plate en calcaire sépare deux inhumations exactement superposées. Un cadavre masculin au‑dessous, un cadavre féminin au‑dessus avec disque à renflement et poignard en fer sur ou dans la poitrine, selon des diagnoses prudentes motivées par l’état des ossements. A Chaffois/la Censure 2 deux corps gisaient parallèlement. Dans ce même tertre, on releva les traces fugaces de deux poutres ou planches posées de chaque côté du squelette. Malheureusement, l’absence de mobilier empêche de dater cette trouvaille. Des inhumations avec planches et poutres existent au Magdalenenberg à Villingen (Spindler 1971, 1977). Toujours à la Censure 1 et 3 des vestiges de branchages mal conservés et difficiles à observer subsistaient au sommet du galgal abritant la sépulture principale. Outre la possibilité de claies, on songera à une couverture placée au‑dessus du corps, une sorte de toit. La construction d’une maison du mort comme à Séon/Niederholz (AG) n’est pas à exclure. On portait les défunts en terre revêtus de leurs habits : la position des épingles ou des fibules, fixées à l’étoffe non conservée, le prouve suffisamment. La pellicule à peine visible sur le cadavre de la Censure 1 résultait de la décomposition d’un linceul (?) en étoffe ou en cuir.

3.3.3.5 Les sépultures à incinération

128Plus importantes que les minuscules vestiges de charbon de bois, des traces de rubéfaction très nettes, des accumulations cendreuses et des fragments d’os brûlés attestent la pratique de l’incinération dans la Chaux d’Arlier. Pour le tumulus de Frasne/Cessay, les masses noirâtres reposent sur des blocs calcaires qui pourraient supporter le bûcher. La situation n’est guère plus nette à La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 1. Les parures subirent plus ou moins l’action du feu et les traces en sont visibles sur une large surface, mais sans résidus de charbon de bois, ce qui laisse supposer que le corps ait été incinéré ailleurs, les cendres dispersées ensuite sur une surface préalablement purifiée par un feu léger de branchage ou d’herbes. Une sépulture à incinération d’enfant se situe à proximité immédiate, mais est‑elle contemporaine de la précédente ? A Vuillecin/Grange Dessus, les débris osseux et les cendres avaient été recueillis dans un vase, placé au centre du tumulus et recouvert de pierrailles. Des traces cendreuses étaient répandues à l’entour.

129Une particularité mérite attention. A Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet une ligne de grosses pierres forme au nord des quatre tumulus un rebord de terrasse. Avant la construction des tertres, le sol a dû être nivelé pour devenir une plate‑forme, comme d’ailleurs au Fourré à Saraz (Doubs) et supporter le tumulus avec tombe à char (Millotte 1963).

3.3.3.6 Les dépôts

130Très souvent, dans les sépultures protohistoriques d’Europe, des vases accompagnent le défunt, vases censés renfermer des provisions pour l’au‑delà ou des offrandes. Très curieusement, les sépultures jurassiennes du Hallstatt en particulier, renferment peu de céramiques entières, à usage supposé votif. Les minuscules débris de poteries, recueillis non seulement dans l’Arlier, mais aussi dans les nécropoles d’Amancey, Salins/les Moidons, résultent de bris rituels. Vers Pontarlier, deux exceptions notables : à Chaffois/la Censure 1, un plat se trouvait entre les pieds du mort ; à la Censure 3, deux vases volumineux occupaient la même position. Autre exception à Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet 1, avec quatre vases déposés sous les genoux du défunt. A noter que toutes ces céramiques identifiables rappellent le profil de types connus en Allemagne du Sud et sur le Plateau suisse.

3.3.3.7 Manifestations religieuses

131Sur ce point, aucun témoignage n’existe dans la Chaux d’Arlier. Quelques parures pourraient tout au plus avoir une signification, comme les rouelles ou les disques à renflement central dans lesquels certains voient des symboles solaires. Quelle signification faut‑il accorder aux grelots‑cages, aux décors des ceintures, aux représentations animales sur les fibules, nul ne peut sur ce point apporter de preuves décisives qu’il s’agisse des âges du Bronze ou du Fer.

132En conclusion, les sépultures de la Chaux d’Arlier, pour les âges du Bronze et du Fer ne diffèrent pas ou peu de celles des régions voisines, qu’il s’agisse de la Bourgogne, des plateaux jurassiens ou du Plateau suisse. Cependant, à la différence de ce dernier, les incinérations sont rares. A remarquer aussi, l’absence de tombes à char, les plus proches étant celles de Saraz, Ivory, Chilly‑sur‑Salins. A défaut d’habitats reconnus, et en tenant compte d’un contexte subrégional, une série de remarques concernant la société hallstattienne méritent d’être formulées.

3.3.4 La société

133Depuis près d’une décennie, la recherche archéologique européenne consacre de nombreuses études à la société de l’âge du Fer, en rapport surtout avec les sépultures et les habitats (Champion et Megaw 1985). Il n’est pas question, dans cette monographie locale, de disserter ou théoriser sur cette affaire qui concerne en gros les deux millénaires avant notre ère, puisque les sépultures de la Chaux d’Arlier s’échelonnent du Bronze ancien au début du deuxième âge du Fer.

3.3.4.1 Les acteurs

134Les renseignements fournis supra ne permettent pas de dresser un portrait physique des hommes des âges des Métaux dans la région, ni de déterminer avec sûreté leur sexe. Quant au costume, les nombreux bijoux conservés aident à construire une image des vêtements utilisés, image qui diffère fort peu de celle esquissée parles trouvailles des territoires voisins, Bourgogne, Alsace, Suisse et Allemagne du Sud, comme en témoignent les observations précédentes.

3.3.4.2 Le statut social des personnes

Le problème des habitats

135Dans cette recherche difficile, le spécialiste tient compte de divers facteurs observables : la nature des habitats, la structure et la richesse des sépultures, l’importance des échanges commerciaux. Pour les habitats dans le secteur de la Chaux d’Arlier, aucun renseignement à tirer pour l’instant vu l’absence de stations de hauteurs, de traces de huttes groupées en hameaux ou villages. La recherche protohistorique actuelle privilégie l’existence de sites fortifiés desquels dépendraient de petites unités (tribus, clans ?) (Härke 1979). L’endroit le plus voisin et qui pourrait répondre aux normes fixées par les archéologues est le fameux Camp‑du‑Château, vers Salins, connu surtout par des trouvailles de céramiques attiques, et situé à vol d’oiseau à une trentaine de kilomètres de la Chaux d’Arlier. Du côté du Plateau suisse, même absence de sites « princiers « à proximité raisonnable (Le Mont Vully, Châtillon‑sur‑Glâne, Uetliberg vers Zürich) (Schwab 1975, 1976, 1979 ; Drack 1981, 1982 ; Degen 1977 ; Kaenel 1981). Les sites helvétiques voisinent d’ailleurs avec des nécropoles hallstattiennes qui en dépendaient peut‑être et l’ensemble jurassien de Pontarlier en bonne logique relèverait plutôt du Camp‑du‑Château. D’ailleurs, une prospection aérienne récente aboutissait à la découverte de tumulus entre ce site et la région de Chapelle‑d’Huin, Nozeroy, Lemuy, Andelot‑en‑Montagne, ce qui comble un vide. La question essentielle demeure posée : à combien de kilomètres de rayon s’exerçait l’influence d’une résidence princière hallstattienne ? Sur ce point la méthode des polygones de Thiessen appliquée à la Franche‑Comté et à la Bourgogne n’aboutit pas à des résultats bien convaincants. A priori la distance supputée pourrait être plus grande qu’on ne le croit : 30 à 40 km environ, pour certains cas bien entendu, sur la Saône supérieure par exemple, puisqu’il faut résolument écarter Gray comme site princier, cette ville n’ayant jamais livré un matériel quelconque daté du Hallstatt (Kimmig 1969). Trop souvent l’absence des habitats ouverts, tel Bragny‑sur‑Saône, n’autorise pas à proposer une hiérarchie pour divers sites (villages et nécropoles) et de fixer leur dépendance au regard d’une place centrale : c’est le cas pour la Chaux d’Arlier (Feugère 1986). L’étude des sépultures apporte davantage de compléments.

La signification des parures

136Un croquis schématique (fig. 90) indique la présence des pièces caractéristiques dans les tumulus du Hallstatt. Les sépultures de l’âge du Bronze sont trop peu nombreuses pour aboutir à des conclusions valables. Les armes demeurent rares et surtout caractéristiques pour la phase ancienne (Hallstatt C), présentes dans le groupe de Chaffois et celui de La Rivière‑Drageon. Peu d’informations à tirer également de la céramique (dépôt de vases entiers), avec une présence à Chaffois et à Vuillecin. Par contre, s’affirme la généralisation du port des anneaux de lignite dans l’ensemble de la Chaux d’Arlier. Assez curieuse aussi, l’absence du disque à renflement, de la ceinture et des brassards‑tonnelets dans le groupe de Chaffois qui ignore aussi l’usage de la fibule, largement présente dans les autres secteurs. A remarquer aussi la multiplicité des rouelles‑pendeloques dans les tertres de Chaffois et Pontarlier. L’agrafe de ceinture ovale se rencontre surtout à La Rivière‑Drageon et Dompierre‑les‑Tilleuls alors que la boucle d’oreille n’intéresse guère les occupants du secteur de Chaffois.

137En conclusion toute provisoire, il apparaît qu’aucune uniformité n’existe dans la parure du défunt ce qui pourrait a priori postuler des différences dans l’habillement, de parade du moins. La présence de quelques armes (épées du Hallstatt ancien, poignard ou couteau du Hallstatt moyen et final) laisse supposer l’existence de conflits et d’une classe de chefs guerriers. Sans tomber dans une affabulation facile, on notera que le squelette du Grand Communal de La Rivière‑Drugeon/tumulus 3 porte trace d’une blessure par arme contondante (annexe 1). Certes, il s’agit d’un vestige du Bronze final ; de même les armes du tumulus de la Carrière à Chaffois, datées du Bronze moyen pourraient aussi être interprétées comme marque de bellicisme (fig. 90). Et que penser du poignard en fer de La Rivière‑Drugeon/Grand Communal 2 qui accompagnerait un corps féminin ? Faut‑il alors songer à une « cheftaine de guerre » qui dirigeait un groupe humain, dont ni l’importance, ni la structure ne peuvent être déterminées. Et pourquoi ne pas envisager l’existence d’un matriarcat ? Loin de ces hypothèses ou visions séduisantes, le dépôt d’armes dans la sépulture témoignerait plutôt du rang social d’un individu, placé sans doute à la direction d’une unité, mais pas forcément investi d’une responsabilité « militaire ». Le mauvais état de conservation des vestiges osseux ne facilite guère la détermination du sexe, sauf dans de rares cas. Mais, il est raisonnable de supposer que la plupart des tumulus de la Chaux d’Arlier renferment des cadavres de femmes, sans qu’il soit possible d’établir des relations d’ordre familial avec les sépultures masculines, la plupart d’ailleurs (avec épée ou rasoir ajouré) datées du Hallstatt ancien. Cependant, la condition féminine dans la société du premier âge du Fer, dans le Jura comme en Suisse ou Allemagne du Sud et pour les classes supérieures, ne paraît pas négligeable. La présence de bijoux en or ou en ambre, matières rares dans la région et réservées vraisemblablement pour parer des « femmes de qualité », renforcerait cette impression.

Volume des tumulus

138Des travaux récents utilisent le calcul du volume de chaque tumulus d’une nécropole donnée, pour en déduire une éventuelle hiérarchie sociale (Reinhard 1984). La masse de terre utilisée pour l’édification serait en quelque sorte proportionnelle à la place du personnage enterré, dans un groupe donné. Cette hypothèse, fondée sur le nombre d’heures de travail et le nombre de sujets à mobiliser pour la construction du monument, reste à démontrer. Pour la Chaux d’Arlier sur vingt‑huit tumulus utilisables, un atteint les 300 m³, deux dépassent 200 m³, un 150 m³ et trois 100 m³. La grande majorité avoisine les 50 m³ et deux petits tertres étonnent par leurs dimensions réduites (fig. 91).

139Faisant abstraction d’éventuelles dégradations des tumulus par nivellement, érosion, etc., on devra cependant tenir compte des inhumations et réédifications successives. Une conclusion toute provisoire aboutirait à considérer trois tertres comme particulièrement importants et consacrés à des chefs ou autres potentats : Dompierre‑les‑Tilleuls/ les Bossus 1 ; Chaffois/la Censure 1 et 3. L’examen des trouvailles indique que pour les Bossus 1, le tertre a été remanié à plusieurs reprises à partir d’une sépulture du Hallstatt ancien, donc un cas de réutilisation. A Chaffois, il s’agit de sépultures uniques particulièrement riches, voisinant avec des tumulus de dimensions moyennes. Dans le secteur de La Rivière et de Vuillecin pas de tumulus de dimensions exceptionnelles et plutôt une impression d’uniformité.

3.3.4.3 La disposition spatiale des tertres

140La carte représentant les tumulus aujourd’hui fouillés devrait être complétée par celles des prospections récentes. Les nouveaux éléments recueillis complètent sans la modifier l’image déjà connue et fondée surtout sur la reconnaissance des éminences les plus considérables.

141Des groupements existent objectivement et ne résultent pas d’un quelconque imaginaire :
– secteur de Dompierre‑les‑Tilleuls/La Rivière‑Drugeon/ Bulle ;
– secteur de Chaffois/Ancien Champ de Tir de Pontarlier ;
– secteur de Vuillecin.

142Des zones sans tumulus séparent les différentes entités, sans qu’il soit possible de parler de « marches », de « frontières » et d’en tracer des limites précises. A l’intérieur de ces groupements des dispositions curieuses retiennent l’attention. Par exemple, l’alignement des grands tertres de Chaffois/La Censure ou celui des modestes tombeaux de Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet édifiés d’ailleurs sur une sorte de plate‑forme construite en remblai (fig. 92). Pourraient alors être envisagées des subdivisions à l’intérieur des groupes reconnus. Mais à quoi correspondraient ces unités, plus ou moins importantes ? Familles, clans, tribus, aucune preuve ne vient conforter ces hypothèses, qui n’excluent pas l’idée d’une hiérarchie, avec possibilité de liens de subordination, rapports d’allégeance, etc. La présence de nombreux cadavres dans un même tumulus implique une certaine continuité dans le temps, comme à Dompierre‑les‑Tilleuls/les Bossus 1 (du Hallstatt ancien au début de La Tène) et postule l’existence de liens de parenté, sans exclure la possibilité d’alliances avec des populations voisines, en particulier celles des Moidons et du Plateau suisse (Richard 1979). Bien sûr, certains objecteront que les personnes associées dans un même tumulus peuvent être aussi des « dépendants », des « aristocrates » liés au chef principal, cette hypothèse reposant surtout sur la présence de nombreux cadavres comme au Magdalenenberg (Spindler 1971, 1980).

3.3.4.4 La question des échanges

143Pour échanger, les groupes humains doivent disposer d’un surplus exportable. Dans le haut Jura, le manque d’informations n’autorise pas à proposer des chiffres précis quant aux productions agricoles ou artisanales. Malheureusement, le chercheur s’en tiendra ici à des remarques simples ou des impressions subjectives. Une certitude toutefois : les communautés qui tiennent la Chaux d’Arlier surveillent, peu ou prou, une importante voie de passage qui, malgré son altitude, conduit du couloir du Rhône à celui du Rhin. En somme, une variante du passage plus aisé par la vallée de la Saône et la Trouée de Belfort, mais que ne jalonnent pas des produits d’importation méditerranéenne (Œnochoés, cistes à cordons, céramiques attiques, etc.).

144Difficile aussi de connaître l’importance de l’artisanat, qu’il s’agisse du bronze ou du fer. Sans nier qu’une matière première comme le fer ou le lignite existât à proximité, impossible de déterminer si les armes ou les bijoux retrouvés près de Pontarlier furent fabriqués sur place ou achetés au voisinage. Une proposition prudente suggère que des produits agricoles du haut Jura, le bétail surtout, pouvaient être troqués contre des parures confectionnées sur le Plateau suisse et des armes (épées hallstattiennes) fabriquées en Allemagne du Sud.

145Quant à l’ambre, originaire de l’Europe du Nord, a‑t‑il été travaillé sur place ou ailleurs ? Aucun indice ne permet d’en décider. Son acquisition, sans doute coûteuse, suppose aussi l’utilisation d’une monnaie d’échange.

3.3.4.5 Un peuplement continu

146Sur l’organisation de la société de l’âge du Fer, une multitude d’ouvrages propose des solutions diverses et variées. En restant dans le domaine du concret, les remarques suivantes invitent à la discussion, tout en proposant un scénario du développement et de l’évolution des groupes humains installés dans la Chaux d’Arlier au premier âge du Fer :
– arrivée dès le Bronze ancien aux environs de Pontarlier, sans doute en provenance d’Allemagne du Sud et de Suisse, d’individus à la recherche de terres peu peuplées et en vue d’une installation. Ces chefs, signalés par des tombes tumulaires à Dompierre‑les‑Tilleuls et Chaffois, dominent et dirigent des unités, sans doute tribales, repérées sur le terrain par le groupement des tertres. A l’intérieur de cette ou ces tribus, des familles disposent de la possession collective des moyens de production. Les hameaux ou fermes isolées servent de base à des activités agro‑pastorales ;
– la continuité du peuplement et des structures familiales étant assurée, pour des raisons complexes et difficiles à saisir, émergent alors au Hallstattien récent des centres importants, dont le plus voisin de la Chaux d’Arlier est celui de Château‑sur‑Salins. A partir de 500 B.C. environ, ce site fortifié remarquable et bien situé géographiquement attirera à lui les tribus du Jura de l’environnement immédiat, celles du plateau d’Amancey et de la Chaux d’Arlier. Il est curieux de constater que, dans sa brillante synthèse et utilisant la méthode des polygones de Thiessen, H.G.H. Härke englobe dans un même espace entre Doubs supérieur et inférieur, tous les plateaux et le haut Jura, rattachés alors au site de Château‑sur‑Salins (Härke 1979). Mais comment établir les liaisons hiérarchiques entre ces différentes unités politiques ?

147Les grands tertres des environs de Salins à Ivory et à Chilly‑sur‑Salins abriteraient les restes des « seigneurs » du Camp‑du‑Château. Ou bien le plus volumineux, Chilly‑sur‑Salins, concerne le « Chef » principal et ceux d’Ivory et de Saraz (plateau d’Amancey) des chefs subordonnés (Joffroy 1957). Rien n’empêche de rattacher aussi au centre principal du Camp‑du‑Château des nécropoles situées plus au sud, dans le secteur de Poligny/Lons‑le‑Saunier, le chef subordonné ayant comme sépulture le tumulus avec amphore de Conliège (Lerat 1958). Enfin, bien que ne possédant ni tombes à char, ni tombes princières avec riches objets importés, le groupe de la Chaux d’Arlier dépendrait, lui aussi, de Château‑sur‑Salins. Ainsi se vérifieraient comme possibilités d’action d’un « site princier » une contrée de quelque 30 km de rayon.

148Evidemment, ces dernières lignes reposent sur des suppositions et hypothèses difficiles à vérifier et qui ne seront sans doute jamais validées, malgré des progrès incontestables de la recherche archéologique. Les raisons qui motivèrent la naissance et le développement d’une « place centrale » à Château sur Salins demeurent obscures : site défensif de premier ordre, situation à l’entrée d’une « reculée » du Jura, voie d’accès facile entre plaines de Saône et plateaux du Jura, présence de sources salées...

149Quel était le statut social du « Chef » qui dominait ce camp fortifié et les environs, quels étaient ses rapports avec ses vassaux et voisins, quels étaient les services réciproques rendus ? Telles sont les interrogations dont l’avenir apportera difficilement les réponses.

150En attendant, les documents publiés dans cet ouvrage, au‑delà de maintes imperfections, aideront des esprits plus portés à la spéculation à brosser un tableau de cette société hallstattienne que d’aucuns qualifient de « Celtes primitifs », au sens purement chronologique s’entend !