Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale
|Partie 1. Introduction générale
Chapitre 2. Archéologie de l’habitat seigneurial fortifié
Texte intégral
2.1 Les vestiges en terre
1Les vestiges d’habitat fortifié non monumentaux ne sont guère abondants dans cette région. Il convient de distinguer deux catégories bien différenciées.
2.1.1 Les mottes castrales (tabl. iii et iv)
2.1.1.1 Les mottes princières : Amance, Mousson, Toulon
2Ces sites haut perchés, de taille impressionnante, correspondent à des éminences naturelles dont les flancs ont été avivés et le sommet rehaussé par des apports de terre. Leur massivité les a préservés de la destruction. Ces trois mottes contrôlent des vallées importantes drainées par la Meurthe, la Moselle et la Seille. Les châteaux en pierre qui s’y dressèrent ont laissé peu de traces : une tour à Amance, des bases de murs à Toulon, une enceinte polygonale à Mousson. Un bourg castral actif se développa autour des mottes de Mousson et Amance. Celui de Toulon périclita.

TABL. IV – Chronologie des mottes castrales (sites mentionnés dans les sources écrites). C : castrum ; CH : château ; MF : maison forte ; Mu : munitio ; Mo : motte ; P : palatio ; x : sans précision.
3Les ducs de haute Lorraine fondèrent Amance. Leurs héritiers, les comtes de Bar, fortifièrent Mousson puis Toulon.
2.1.1.2 Les mottes seigneuriales : Dombasle, Montreuil
4Il faudrait y ajouter celles de Rosières et d’Hénaménil. On rencontre ces mottes dans les fonds de vallées et sur les collines du bassin salifère de la Meurthe et du Sanon. Ce sont des tertres artificiels de taille modeste aujourd’hui disparus, à l’exception de Montreuil. Tous étaient associés à un habitat paysan.
5Ces fondations furent l’œuvre de nouveaux seigneurs au xiie s. Les sires de Montreuil descendaient de lignages comtaux mal connus. Des cadets de la Maison de Bliesbrück fondèrent Rosières, ceux du lignage de Neuviller‑Hombourg s’établirent à Hénaménil. Dombasle semble être dû à de riches alleutiers. Cette catégorie sociale en pleine ascension manifesta ses nouveaux pouvoirs en édifiant des châteaux à motte de taille réduite qui imitaient, avec un décalage chronologique, les résidences princières.
6Une récente enquête menée dans le bassin de la Seille vient de confirmer ces observations. Nous y avons constaté la prolifération de mottes castrales à proximité des puits salés et le long des axes routiers au cours du xiie s. L’absence de recherches systématiques a longtemps laissé croire que les mottes furent exceptionnelles en Lorraine. Il n’est plus douteux que les zones économiquement actives de Lorraine connurent la même multiplication de châteaux à motte au cours des xi‑xiie s. que les autres régions françaises.
2.1.2 Les plates‑formes de maisons fortes
7Les vestiges des plates‑formes sont peu nombreux. Tous se situent dans des vallées et utilisent l’eau comme moyen de protection. La forme quadrangulaire domine avec des dimensions très variables. On note une liaison très étroite avec l’habitat paysan (tabl. V). Les vestiges ne permettent pas une datation très précise, d’où la nécessité de recourir à d’autres sources documentaires. Celles‑ci permettent de les situer entre 1250 et 1400, sauf Athienville qui pourrait remonter au xiie s. Des cadets de familles puissantes donnèrent naissance à Athienville et Croismare. Par contre, les autres sites sont dus à des chevaliers d’origine modeste.
2.1.3 Conclusion
8Les vestiges en terre sont moins abondants dans cette partie de Lorraine que dans les régions voisines comme la Champagne ou la Haute‑Saône. Leur étude ne permet pas de connaître l’implantation réelle de l’aristocratie médiévale dans les campagnes. Pour mieux cerner cette réalité, il est nécessaire d’élargir l’enquête à d’autres documents.
2.2 Les châteaux
2.2.1 Définition
9Le terme « château » désigne au sens large toutes les formes de résidences seigneuriales ou supposées telles construites entre le xie et le xixe s. Une pareille abondance conduit à distinguer les « châteaux forts des « châteaux de plaisance ». Ces termes restent imprécis et mal adaptés à la réalité médiévale. Les châteaux dont il sera question dans ce chapitre répondent à une série de critères précis que l’observation a permis de mettre en valeur :
– les textes les désignent par les termes de castrum, castellum, « chastel » ou « chasteau » ;
– ils sont l’œuvre d’un prince ou d’un haut personnage qui y réside avec sa famille ou qui en confie la garde à un préposé ;
– ils abritent les représentants de l’autorité princière ou seigneuriale : châtelains, avoués et prévôts, autour desquels s’organise la seigneurie châtelaine ou la châtellenie ;
– ils dominent le plat pays par leur taille généralement imposante, reflet de leur rôle de premier plan dans la société féodale.
10Quatorze sites ont été retenus dans les limites de la zone étudiée : Lay‑Saint‑Christophe, Amance, Lunéville, Mousson, Gerbéviller, Rosières‑aux‑Salines, Bayon, Parroy, Nomeny, Toulon, Custines, Einville‑au‑Jard et Moyen. Les cas de Parroy et de Lay auraient pu être écartés, mais le statut social de leurs détenteurs et leur désignation dans les textes nous ont conduit à les insérer dans ce groupe. Montreuil, cas douteux, pourrait entrer dans cette catégorie (fig. 4).
2.2.2 Etude géographique
11Morphologie des sites (tabl. VI)
Neuf sites sur treize s’élèvent sur des hauteurs dont les altitudes varient entre 215 et 302 m.

TABL. VI – Morphologie des sites castraux. 9 sites sur 13 s’élèvent sur des hauteurs dont les altitudes varient entre 215 et 302 m
12Géologie des sites (tabl. VII)
La répartition est à peu près égale entre les sites de roches dures et de roches tendres.
13Sites et hydrographie (tabl. VIII)
Trois châteaux sont en relation directe avec la Meurthe, cinq avec la Moselle. Les autres sont liés aux principaux affluents de ces deux cours d’eau.
14Sites et défenses naturelles (tabl. IX)
15Trois sites seulement peuvent utiliser l’eau comme défense grâce à des canaux de dérivation permettant d’inonder les fossés. Ce sont Einville, Lunéville et Rosières. Selon les sites, les pentes offrent une défense d’intérêt variable. Distinguons les diverses catégories. Les hommes durent améliorer les défenses naturelles par des travaux de terrassement dans la plupart des cas.
16Sites et forêts (tabl. X)
Tous les châteaux, à l’exception de Nomeny, se trouvent à proximité de vastes forêts qui leur fournissent le bois d’œuvre et de chauffage, mais aussi une protection.
2.2.3 Etude archéologique
17La prospection au sol, l’étude des gravures anciennes et l’apport des textes permettent d’esquisser une première étude archéologique des châteaux que seule la fouille stratigraphique permettrait de compléter.
2.2.3.1 Les matériaux
La pierre (tabl. xi)
18Ce matériau est partout présent dans la région, mais sa nature et sa qualité sont différentes selon les sites. D’une manière générale, on utilisa la pierre locale pour réaliser le gros œuvre. Seules les pierres nécessaires aux chaînages d’angle, aux escaliers et aux encadrements furent amenées de carrières plus réputées, mais plus éloignées.
Les mortiers
19La chaux était utilisée comme liant. A Custines, on la produisait sur place au lieu‑dit « Le Chauffour » qui donna son nom à l’une des tours de l’enceinte extérieure. En 1490, des voituriers amenèrent la chaux depuis les fours de Coyviller (4 km) et de Damelevières (8 km) jusqu’à Rosières (ADMM B 9467 fol. 126‑131). On mélangeait la chaux au sable extrait du lit des cours d’eau. Les comptes de Mousson et de Custines évoquent ces transports de « savelon » depuis la Moselle. Le mortier est appelé « la mate » dans les textes. Une étude de ces mortiers en laboratoire permettrait de connaître les pourcentages respectifs de matériau utilisé et faciliterait la datation des constructions. Pierres et chaux étaient parfois amenées par corvées comme on le constate à Lunéville.
Le bois
20Les vastes forêts domaniales fournissaient aux charpentiers le bois d’œuvre (bois marrien) nécessaire à la fabrication des pieux (paulz), des poutres, des planches, des chanlattes, des éléments de couverture (axins) et des meubles. Chaque château disposait d’une réserve de bois en cours de séchage. En cas d’urgence, on l’utilisait peu après la coupe. Le chêne et le sapin étaient les essences les plus employées. La tour de Rosières possède encore un remarquable plancher au premier étage qui permettrait une étude de dendrochronologie d’autant plus intéressante que le vestige est bien daté. Aucun document ne révèle l’existence de bâtiments castraux entièrement en bois.
La terre cuite (tabl. xii)
21L’abondance de sols marneux permettait la production locale de tuiles et de briques pour l’intérieur des cheminées. On trouvait en général une tuilerie à faible distance des châteaux. Les comptes mentionnent le montant des achats et leur provenance. Chaque château disposait d’une réserve qu’il fallait souvent renouveler. Les travaux de couverture étaient fréquents à cause des vents. On utilisait les tuiles creuses ou canal pour les toitures à faible pente, les tuiles plates à crochet pour les toitures plus pentues.
L’ardoise
22Elle apparut dans la seconde moitié du xve s. dans les châteaux où le prince résidait souvent. On l’utilisait sur les hautes toitures à Custines, Lunéville, Nomeny et Rosières. Ce matériau restait coûteux, car il fallait le faire venir de l’Ardenne et seuls quelques artisans spécialisés savaient le poser. Il nécessitait le recours à des faîtières en plomb. On retrouve des morceaux de ce matériau dans les sondages de Custines.
Le verre
23Au xve s., les dépenses pour réparer les « verrières » des châteaux sont très fréquentes dans les livres de comptes. Ce matériau provenait des Vosges. Nous en avons retrouvé en abondance à Custines et à Richardménil.
2.2.3.2 Les défenses extérieures
24L’étude des vestiges et l’apport des textes permettent de connaître en partie les systèmes défensifs qui environnaient les châteaux à la fin du Moyen Age et au‑delà.
Les haies (tabl. xiii)
25En cas de danger imminent, le châtelain faisait dresser des haies d’épineux sur les côtés mal défendus. Les palissades jouaient un rôle identique comme défense rapprochée associée à un fossé. Ce système de défense était encore utilisé au xviie s.
Les fossés
26Selon le site, ils présentent une forme différente. Une butte comme Mousson ne possédait pas de fossés, car ses pentes étaient suffisamment raides et sa surface restreinte. A Toulon, le fossé annulaire s’est bien conservé, de même qu’à Amance tandis qu’à Bayon il a été comblé. Les sites de rebord de plateau nécessitaient des fossés larges et profonds. Le château de Nomeny était isolé au nord et à l’ouest par un fossé large de 10 m, profond de 7. D’autres fossés, aujourd’hui disparus, séparaient le château de la basse‑cour et de la ville. Le château de Custines présente encore des vestiges de fossés extérieurs côté nord (L : 150 m ; 1 : 6 m ; h : 1 m) et un grand fossé intérieur en U (L : 220 m ; 1 : 30 m ; h : 7 m). Moyen est encore séparé du plateau par un impressionnant vallon du côté est (L : 120 m ; 1 : 50 m) disparu au nord. Le fossé intérieur, bien visible rappelle celui de Custines (L : 420 m ; 1 : 15 à 17 m).
Les murs et les remparts
27Tous les châteaux possédaient une première ligne de défense avancée dont l’importance varia selon le site et l’époque. Toulon était protégé par une levée de terre portant une palissade. C’est l’exemple le plus archaïque actuellement conservé. Les châteaux d’Amance, Bayon, Gerbéviller, Lunéville, Mousson, Nomeny, Einville et Rosières se greffaient sur une enceinte urbaine d’abord « champêtre », c’est‑à‑dire en bois et en terre, puis en pierre au xiiie s. et au début du xive s.
28Jusqu’en 1490, Custines était enveloppé par des murs en pierre appelés « faulx murs », » bas murs » et « barbicainnes » percés d’ouverture de tir, « les uxes ». Le duc René II laissa subsister les « bas murs » situés dans le talus côté sud et dont il reste des vestiges. Par contre, il fit édifier le long des trois autres côtés un système identique à celui que l’on construisait autour des villes de Pont‑à‑Mousson et de Nancy, c’est‑à‑dire un « boulevard » composé de deux murs épais de 1 m, hauts de 9 m, retenant une énorme masse d’argile, le tout provenant de l’excavation d’un imposant fossé. Cette impressionnante enceinte longue de 295 m se divise en trois tronçons articulés par deux grosses tours semi‑circulaires. Au xvie s., la terrasse portait cinquante deux canonnières plus quatre par tour. L’entrée « bailleux » était protégée par un ouvrage avancé muni de bouches à feu pour armes portatives.
29A Moyen, nous ignorons quel était le système défensif du xive s. Les vestiges actuels datent de 1440. Il s’agit d’un terre‑plein large de 10 m sur lequel on édifia un mur d’escarpe (h : 10 m ; 1 : 1,50 m) percé de fenêtres de tir et couronné par un chemin de ronde. A l’origine, la longueur totale avoisinait les 525 m. La contrescarpe ne dominait le fossé intérieur que de 2 m environ et faisait face à une fausse braie qui enveloppait à son tour la totalité du château. Un ouvrage avancé protégeait l’entrée.
30Si la plupart des châteaux de la région présentent un système défensif extérieur très traditionnel, Moyen, puis Custines nous offrent deux formules caractéristiques de l’adaptation aux progrès de l’artillerie dans la seconde moitié du xve s. Ces exemples annoncent les défenses bastionnées des xvie et xviie s.
2.2.3.3 Les dépendances
La basse‑cour
31Le terme est employé au xve s. Par contre, aux périodes antérieures, les textes sont moins précis et parlent d’un espace enclos.
32A Lunéville, en 1318, il est fait mention de « li gremge et lez maisons qui sont dedans les faulz murs davant lou chaisteil », puis, en 1339, « masons et édifices et on columbier que fuit dedens lou pourpris des faulz murs devant le dit chasteil ».
33A Rosières, en 1318, on parle de : « ... toutes les aipartenancez que il avoit dedans les foussez et les murs do dit chaistel » (ADMM B 880 no 68). La basse‑cour abritait de nombreux bâtiments à usage agricole :
– des granges (grange du moitrier, grange aux dîmes…) où l’on entreposait les recettes en nature comme les céréales, le foin et le bois ;
– des caves, un puits ou une fontaine ;
– des écuries pour chevaux, bovins, mulets, moutons et un poulailler.
34A Rosières, l’élevage des chevaux au xve s. est à l’origine des haras actuels.
35La basse‑cour ne présentait pas un grand intérêt militaire et ses défenses étaient fort modestes. L’existence de basses‑cours est attestée à Amance, Lunéville, Einville, Nomeny et Rosières. Moyen et Custines n’en possédaient pas. C’est pourquoi les dépendances étaient dispersées dans le château et sur le terre‑plein succédant à la première entrée.
Le parc
36Ceux de Gerbéviller, Rosières, Einville sont les mieux connus. Ils servaient à récolter du foin et des fruits.
Le jardin ou meix
37Nous connaissons par les textes ceux de Lunéville, Nomeny, Custines, Einville. Cet espace clos de murs produisait les légumes nécessaires à l’alimentation des habitants du château.
Les autres dépendances
38On trouvait un moulin au moins à proximité de chaque château. Les zones inondables formaient le breuil nécessaire à la production de foin. Custines disposait d’une vigne et d’une grande garenne.
2.2.3.4 Le château
39Les observations qui suivent prennent en compte l’observation des vestiges existants, l’étude des gravures anciennes et l’apport des registres de prévôté.
Les plans polygonaux (tabl. xiv)
40Ces enceintes épousent les contours d’une motte ou d’un éperon barré et traduisent une adaptation de l’architecture à la topographie. Ce plan n’est pas caractéristique d’une période précise, mais aucun n’est postérieur au xiiie s.
Les plans quadrangulaires (tabl. xv)
41Cette formule vient d’Ile‑de‑France où elle fut élaborée par les architectes durant le règne de Philippe Auguste (1180‑1223). On observe une forte similitude des largeurs variant de 55 à 58 m. Ce plan facile à adapter sur terrain plat se répandit en Lorraine dès la seconde moitié du xiiie s.
Les défenses rapprochées
42Après avoir franchi les différentes défenses, l’assaillant se heurtait à un second système de protection.
Les tours (tabl. xvi)
43La forme circulaire l’emporte largement. Les tours protègent les angles et les portes. Leur diamètre moyen est de 8,2 m et l’épaisseur des murs varie entre 1 et 2 m. La tour principale, appelée « grosse tour », présente généralement un plan quadrangulaire. Le terme « donjon » est très rarement employé. A Mousson, il désigne la totalité de l’enceinte. A Lunéville, en 1596, il correspond à un vieux bâtiment contre lequel était adossée la grosse tour. Les tours disposaient de différents systèmes de défense. Peu d’ouvertures de tir ont subsisté. Citons l’archère (h : 13 m ; l : 0,05 m) de Rosières et les fenêtres‑canonnières de Nomeny. Les gravures anciennes ou les textes révèlent l’existence de bouches à feu à Custines, Moyen et Mousson. Au sommet des tours principales de Custines, Mousson et Nomeny, les gardes disposaient d’une cloche ou d’un cor pour sonner l’alarme. Les couronnements ont disparu. Plus la moindre trace de mâchicoulis ou de bretêches. Moyen conserve le seul exemple de fausses braies protégeant le pied des tours.
Les portes (tabl. XVII)
44Les constructeurs ont multiplié les précautions pour assurer la protection de ce point faible. Selon le site, des formules diverses furent employées. A Toulon, aucune voie d’accès n’est visible ; on peut supposer l’existence d’un escalier comme à Vanault‑le‑Chatel ou d’une rampe en bois escamotable. Mousson était accessible par un couloir contrôlé par deux portes successives. Bayon se rapprocherait de ce type. Les autres châteaux disposaient de systèmes plus classiques. On franchissait d’abord un pont dormant, puis un pont‑levis à flèche, sauf à Nomeny qui possédait un pont à bascule. Deux portes circulaires encadraient l’entrée. La porte se composait de deux lourds vantaux de chêne recouverts de plaques de fer et de gros clous. Un guichet, puis un pont‑levis piétonnier permettaient les passages individuels. Le tablier du pont‑levis, une fois relevé, doublait l’épaisseur de la porte. Au‑dessus de celle‑ci, un petit local d’une ou deux pièces servait de logement au portier qui pouvait s’assurer de l’identité des visiteurs grâce à un judas. L’ensemble était appelé la « porterie ».
La partie résidentielle
45Le château est une résidence princière. Cette réalité se traduit par l’existence obligatoire de certaines salles, pièces et dépendances caractéristiques (tabl. XVIII).
Les salles de réception
46La « grande salle » et la « petite salle » servaient aux festivités et aux cérémonies officielles et s’inscrivaient dans la tradition de l’aula. Elles se trouvaient généralement au rez‑de‑chaussée, mais parfois au premier étage, comme à Einville. Les textes de la fin du xve s. mentionnent à Lunéville l’existence de poêles en faïence dans ces salles.
La chapelle
47Proche des appartements princiers, la chapelle était une pièce de dimensions modestes. Nous ignorons les dédicaces de la plupart d’entre elles, sauf Mousson dédiée à saint Cyriaque, Gerbéviller à la sainte Trinité et Einville à saint Georges. Seule la chapelle de Moyen (5 x 5,25 m) existe encore. D’autres nous sont connues par des gravures anciennes. Celle de Mousson, fondée dans la deuxième moitié du xie s., se composait de quatre travées carrées (4,20 m) voûtées sur croisées d’arête, d’un chœur (1,80 x 4,20 m) voûté en plein cintre et d’un clocher. Ce n’est qu’au xviiie s. qu’elle subit des transformations pour servir d’église paroissiale.
48A Bayon, le cas fut différent. L’église dédiée à saint Martin existait antérieurement au château. Quand celui‑ci apparut, on reconstruisit l’église, semble‑t‑il. En 1412, les sires d’Amance fondèrent dans le bas côté est une chapelle dédiée à l’Annonciation de Notre‑Dame où ils se firent inhumer. Les sires de Haraucourt fondèrent deux chapelles dédiées à sainte Catherine dans les bras du transept au xve s.
Les appartements princiers
49Le prince et les membres de sa famille disposaient de chambres réservées. D’autres servaient à loger les visiteurs de marque. A Custines, on comptait douze chambres réparties sur deux niveaux donnant sur la vallée de la Moselle, côté sud. Chaque chambre était chauffée par une cheminée et disposait d’une dépendance appelée garde‑robe.
Les appartements du châtelain
50A Mousson existait une « maison des officiers ». Si l’on en croit la tradition, le châtelain logeait dans le bâtiment dont on admire encore la façade à Moyen. Les textes nous apprennent qu’à Custines il occupait deux chambres et une cuisine et qu’à Bayon il se tenait à côté de la grande salle.
Les logements des domestiques
51Au fil des textes, apparaissent la salle du commun, les chambres des écuyers, des cuisiniers et des lavandières. Les portiers occupaient un logement à part, près de l’entrée.
Les cuisines
52La plupart des châteaux possédaient une grande et une petite cuisine situées au rez‑de‑chaussée, proches des salles de réception. Elles communiquaient avec des dépendances : l’échansonnerie abritait la verrerie ; la saucerie contenait les plats ; la panneterie possédait des coffres en chêne pour ranger le pain ; le garde‑manger recevait les viandes.
53Quand le château ne disposait pas de basse‑cour, les caves se trouvaient sous les bâtiments résidentiels. Celles de Custines sont à présent comblées. A Moyen, elles sont encore visibles. Le bâtiment nord en a quatre ; le bâtiment sud‑ouest en possède une de taille impressionnante (L : 14 m ; 1 : 12,5 m ; h : 5,30 m). On y entreposait les tonneaux.
L’alimentation en eau
54Les châteaux construits sur socle calcaire possédaient en général une citerne creusée au milieu de la cour et où convergeaient les eaux pluviales. Celle de Custines, refaite au xvie s., est encore bien visible. Celles de Mousson et de Toulon sont comblées. Moyen présente la particularité d’avoir un puits, profond de 50 m, creusé dans le calcaire coquillier. Les autres châteaux disposaient de puits peu profonds. Les comptes évoquent souvent les réparations de seaux, poulies et cordes.
Granges et écuries
55Les châteaux sans basse‑cour abritaient dans leur périmètre des écuries et des granges. C’est le cas à Custines et à Moyen.
2.2.4 Conclusion
56Les châteaux se rencontrent le long des grands axes de communication que constituent les vallées. La situation fut déterminante dans le choix des constructeurs qui n’hésitèrent pas à réaliser d’importants travaux de terrassement pour corriger les insuffisances des sites. Le plan polygonal l’emporta sur les mottes castrales, puis fut remplacé par le plan quadrangulaire après 1250. Le donjon quadrangulaire resta à l’honneur durant toute la période.
57Des matériaux de provenance locale servirent à la construction de ces monuments. Certains furent réalisés avec un soin tout particulier (Mousson, Nomeny, Moyen). D’autres n’offrent qu’un appareillage très quelconque (Custines). Seul le château de Moyen permet encore d’imaginer la disposition et le décor des résidences princières à la fin du Moyen Age. Il mérite à ce titre d’être protégé rapidement.
2.3 Les maisons fortes (fig.5)
58Ce terme ne s’est guère imposé dans le langage populaire qui lui a préféré celui de château, comme le prouve l’étude des toponymes. Pourtant, les deux réalités sont fort différentes l’une de l’autre. La maison forte répond à des critères précis :
– elle est appelée « forte maison », « châtelet », « maison », « tour » ou « forteresse » dans les textes médiévaux ;
– elle est l’œuvre d’un chevalier qui y réside avec sa famille et qui la tient en fief d’un prince ;
– elle étend son autorité sur une seigneurie d’importance limitée ;
– la taille de ses constructions reste modeste, même si certaines, comme Port‑sur‑Seille ou Thézey‑Saint‑Martin, manifestent une importance qui les rapproche des châteaux.
5958 sites répondent à plusieurs de ces critères qui les distinguent aussi bien des châteaux que des maisons seigneuriales non fortifiées.

FIG. 5 – Les maisons fortes. 1 Abaucourt. 2 Abaucourt‑Vintremont. 3 Athienville. 4 Bauzemont. 5 Bezange‑la‑Grande. 6 Bezaumont. 7 Blainville. 8 Bratte. 9 Bremoncourt. 10 Clémery. 11 Croismare. 12 Custines, Maison des Lombards. 13 Damelevières. 14 Damelevières, tour. 15 Deuxville, Saint‑Epvre. 16 Dombasle, La Motte. 17 Dombasle, Florainville. 18 Essey‑lès‑Nancy, Haut Château. 19 Essey‑lès‑Nancy, Bas Château. 20 Fléville. 21 Froville. 22 Haraucourt. 23 Haussonville. 24 Hénaménil. 25 Jeandelaincourt. 26 Lanfroicourt. 27 Lenoncourt. 28 Lesménils. 29 Létricourt. 30 Leyr. 31 Magnières. 32 Magnières. 33 Mailly. 34 Morey. 35 Nomeny, Maison des Voués (Toulon). 36 Nomeny, Maison des Voués (Serrières). 37 Parroy. 38 Phlin. 39 Port‑sur‑Seille. 40 Raucourt. 41 Richardménil, Château de Ludres. 42 Richardménil, Château des Armoises. 43 Rosières, Châtel Brun. 44 Saint‑Germain. 45 Saint‑Remy. 46 Saulxures. 47 Serres. 48 Serrières. 49 Thézey‑Saint‑Martin. 50 Tonnoy. 51 Valhey. 52 Villacourt. 53 Ville‑au‑Val. 54 Villers‑les‑Prudhommes.
2.3.1 Etude géographique
2.3.1.1 Les sites
Morphologie (tabl. xix)
60Le tableau XIX permet de constater que les sites de hauteur ne sont guère appréciés. On note une prédilection particulière pour les dépressions et les coteaux.
Les altitudes (tabl. xx)
61Leur étude confirme les observations précédentes. La désaffection pour les sites de hauteur est frappante. Nous ne trouvons que 11 % des sites dont l’altitude est supérieure à 300 m.
Contexte géologique (tabl. xxi)
62Les sols marneux et les sols alluvionnaires récents sont les plus attractifs. On ne relève aucune fondation sur les calcaires jurassiques ou sur les alluvions anciennes.
Contexte hydrographique (tabl. xxii)
63Le tableau XXII et la figure 6 soulignent l’étroite corrélation entre l’emplacement des maisons fortes et le réseau hydrographique. Les maisons éloignées des rivières et des gros ruisseaux sont implantées à côté de sources.
64Au terme de cette série d’observations, on peut affirmer que les constructeurs recherchaient en priorité les petites dépressions et les flancs des coteaux marneux, à proximité de rivières ou de ruisseaux, mais à l’abri des inondations.
2.3.1.2 Les situations
65La maison forte est un élément du paysage des campagnes médiévales. Elle entretient, avec l’église et le village, une série de rapports qu’il convient de souligner (tabl. XXIII).
Les toponymes
66Les cadastres du xixe s. n’utilisent qu’un nombre restreint de toponymes pour désigner l’emplacement d’une maison forte (tabl. XXIV). Le toponyme « château » est souvent précédé d’un qualificatif : « le vieux, l’ancien, le haut, le bas », ou suivi du nom de ses constructeurs : « Brun, Bazin, Lombards », ou du nom du lignage qui le posséda : « de Florainville, de Ludres, des Armoises, le Prud’homme ». Par « château », il faut entendre « château de plaisance, résidence seigneuriale ». La plupart ont perdu leur caractère militaire entre le xvie et le xviiie s.
Rapport à l’église
67Nous connaissons l’emplacement de 53 maisons fortes par rapport à l’église. Le tableau XXV souligne le rapport étroit existant entre ces deux types de construction, puisque 60 % sont à moins de 200 m l’un de l’autre.
Rapport à l’habitat rural
68La grande majorité des maisons fortes est étroitement liée à l’habitat rural. Dans la plupart des cas, la maison forte se trouve en bordure de cet habitat et non au centre. Cette situation traduit souvent l’antériorité du village. Certaines maisons fortes étaient associées à des villages ou à des hameaux désertés entre le xive et le xviiie s. Elles apparaissent aujourd’hui isolées du village. C’est le cas d’Athienville, à côté duquel on relève le lieu‑dit « Ville‑la‑Jue », de Villers‑les‑Prudhommes et de Lanfroicourt (tabl. XXVI).
2.3.2 L’environnement rural
69Un certain nombre d’illustrations et de textes nous permettent de restituer ce que fut l’environnement immédiat d’une maison forte.
2.3.2.1 Illustrations
70Le tableau XXVII dresse une liste non exhaustive des documents les plus évocateurs. Cette liste pourrait être allongée. Chaque cadastre nous renseigne sur les pièces de terre, les bâtiments agricoles, l’étang ou le moulin qui s’élevaient à une faible distance de la maison forte.
2.3.2.2 L’apport des textes
71Nous disposons de deux sortes de textes pour connaître l’environnement des maisons fortes : les actes de foi et d’hommage du xive au xviiie s. et les descriptions détaillées de la fin du xviiie s. Nous avons fait figurer les citations les plus précises dans le tableau XXVIII.
2.3.2.3 Commentaire
72L’analyse de ces divers documents permet d’esquisser une description de l’environnement immédiat de la maison forte et de proposer quelques définitions. Le terme de « basse‑cour », fréquent pour les châteaux, n’est jamais utilisé ici avant 1500. On lui préférait celui de « grange ». La « grange » était l’ensemble des bâtiments agricoles, en même temps que le bâtiment principal qui abritait les foins. La « maréchaussée » (étable des chevaux), la « bœufverie », la « bergerie », le « colombier », le « poulailler » (gelinière), le « pressoir » et les greniers réunis formaient la « grange ». Les « usuaires » désignaient les bâtiments agricoles et l’espace qu’ils utilisaient. Les « appendizes » correspondaient à l’ensemble des dépendances.
73Les « maisonnements » étaient de modestes locaux pour les valets de ferme. Le fermier ou le chef de culture devaient disposer d’un logement plus conséquent.
74Le « pourpris » ou « circuitz » ou « clos » désignait la limite à l’intérieur de laquelle étaient regroupés les bâtiments évoqués.
75La « grange » exploitait toute une variété de pièces de terre. A proximité, on rencontrait des surfaces protégées par des murets et surtout par des haies :
– le « jardin » planté d’arbres fruitiers
– le « meix » ou potager ;
– les chenevières en terrain humide ;
– le « breuil » ou pré le long des rivières ;
– la vigne sur les coteaux bien exposés.
76Plus loin, s’étendaient de grandes pièces labourées par corvées, un étang et un moulin confiés à un fermier, et enfin un bois, « bouxat », auquel il faut ajouter des « pâtis » et parfois une garenne.
77Tous ces éléments constituaient le « domaine direct » ou réserve foncière tels qu’on les rencontrait pour les maisons seigneuriales non fortifiées. L’autorité judiciaire du seigneur se traduit dans le paysage par les lieux‑dits « la justice » dans les cadastres du XIXe s., et par les dessins de potence sur les cartes du xviiie s.
2.3.3 La demeure fortifiée
78Elle se compose de plusieurs éléments distincts, associés selon des formules variables.
2.3.3.1 Les terrassements défensifs
79Pour isoler et protéger la demeure seigneuriale, les constructeurs durent procéder à des travaux de terrassement d’ampleur variable selon la nature des sols et des terrains.
Travaux en terrain plat
80Dans les sites de plateau, de fond de vallée et de vallon, les travaux consistèrent essentiellement en fossés. La terre ainsi obtenue servit au xiie s. à édifier des mottes à Dombasle et à Hénaménil. Mais ce procédé fut rapidement abandonné. A Athienville, le fossé circulaire creusé vers 1130 n’encercle qu’une surface de même niveau que les terrains environnants. Les ouvrages des xiiie et xive s. présentent des fossés quadrangulaires, d’une largeur variant entre 5 et 15 m, généralement alimentés par un ruisseau ou une source. Aucun de ces ouvrages ne présente de terrasse. La motte circulaire et la terrasse quadrangulaire surélevée sont surtout les manifestations d’une tradition architecturale qui s’implanta peu dans cette région, plutôt que des nécessités militaires ou des obligations pratiques destinées, par exemple, à se protéger des inondations. Le tableau XXIX résume nos connaissances relatives à ces fossés. Il nous permet de préciser que les fossés étaient précédés d’ouvrages défensifs.
Les terrassements en terrain en pente
81Dans les sites à flanc de coteau, les constructeurs durent entailler les marnes pour obtenir une surface plane sur laquelle ils édifièrent la maison forte. La terre provenant de ces travaux d’égalisation fut rejetée vers le bas et retenue par des murs maçonnés, ce qui permit de réaliser de véritables terrasses. Ce système fournissait une excellente protection sur un ou deux côtés et permit l’installation de dépendances à proximité. Le côté amont recevait seul un fossé. Le tableau XXX résume les exemples de maisons fortes où on trouve ces travaux, souvent postérieurs à 1500.
Dimensions des plates‑formes de maisons fortes
82Il n’est guère possible de procéder à des mesures exactes sur le terrain, car les fossés ont été généralement comblés. Les mesures présentées dans le tableau XXXI sont fournies par les plans cadastraux et comportent des lacunes. Elles permettent néanmoins de déterminer des ordres de grandeur.
83Il apparaît clairement que les dimensions moyennes des plates‑formes sont comprises entre 40 et 60 m dans 80 % des cas (tabl. XXXII). Les plates‑formes résultent du simple creusement des fossés sans accumulation de la terre excavée. Leur hauteur correspond à la profondeur du fossé qui est rarement supérieure à 2 m.
2.3.3.2 Les défenses extérieures
84Que ce soit en terrain plat ou en terrain accidenté, il existe des défenses autres que les fossés et destinées à protéger la maison forte.
Les haies et palissades
85Les textes ne les mentionnent pas, mais certaines gravures comme celle de Fléville permettent de penser que ces défenses peu coûteuses étaient fréquentes.
Les « barbacanes »
86Ce terme désigne des murs construits à l’extérieur du fossé et percés d’ouverture de tir. Elles ne se réduisent nullement à une protection des entrées, comme nous le croyons souvent. A Bauzemont, elles subsistent sous la forme d’un « boulevard » impressionnant qui a disparu à Serres. Ces deux ouvrages sont très semblables à celui qui enveloppa, à partir de 1490, le château de Custines.
2.3.3.3 Les plans
Les plans circulaires ou ovoïdes
87Athienville (100 m de diamètre) et Dombasle (45 et 50 m de diamètre) sont les seuls représentants de cette catégorie. Tous deux datent du xiie s.
Les plans polygonaux
88Port‑sur‑Seille, reconstruit en partie entre 1420 et 1430, est le seul exemple connu.
Les plans quadrangulaires
89Ils représentent la totalité des autres sites connus et datent de la période 1250‑1350 avec quelques exemples de fondations tardives au xve s. (tabl. XXXIII).
2.3.3.4 Les bâtiments résidentiels
Les maisons tours (tabl. xxxiv)
90Ce sont de petits édifices massifs et compacts parfois flanqués de tourelles. Ils abritent la totalité des logements seigneuriaux. Les mieux conservés sont ceux de Bratte et de Damelevières datant du xve s. On doit déplorer la ruine de Bezaumont pour lequel nous avons conservé une description assez précise de 1792. Ces constructions rustiques traduisent la modestie des lignages qui les édifièrent. Il est très vraisemblable que Lesménils, Leyr et la Maison des Voués à Nomeny appartenaient à cette catégorie. Ce plan rappelle celui des édifices « gascons » comme Le Tauzia, Sainte‑Mère, Lagardère, Masencôme, mais en plus petit, ainsi que les Turmburgen d’Allemagne méridionale.
Les maisons avec logis adossés aux courtines
91Ces constructions de plan rectangulaire ou légèrement trapézoïdal sont les plus nombreuses. Toutes, sauf Haussonville, sont flanquées de tours d’angle circulaires. Nous ignorons les dimensions de nombreux sites. De plus, les mesures actuelles résultent parfois de transformations post‑médiévales. On peut tout de même conclure que ce type de maisons fortes a comme dimensions moyennes : 35 à 45 m x 25 à 35 m. Les bâtiments ne dépassaient pas 10 m de largeur, murs compris. La disposition des différentes pièces, salles et dépendances, reste mal connue. A Bremoncourt, le logis seigneurial se concentre dans l’aile est. A Thézey, il occupe les ailes sud et ouest où l’on trouve –chose exceptionnelle– une chapelle. Ce plan correspond aux normes élaborées par les architectes d’Ile‑de‑France sous le règne de Philippe Auguste (1160‑1220). Il se répandit en Lorraine après 1250, pour rester à la mode sans guère de changements jusqu’au xviie s.
Les maisons avec tour principale et logis adossés aux courtines
92Cette catégorie correspond à des formules intermédiaires des modèles précédents. Il s’agit, en fait, d’une série de cas particuliers (tabl. XXXV). A Dombasle, une forte tour (12 x 16 m) se dressait sur le flanc nord de la motte, alors que les dépendances se dispersaient autour de l’enceinte circulaire. A Fléville, une puissante tour carrée (6 x 16 m) du xive s. occupe l’angle sud‑ouest d’un château de plaisance reconstruit en 1530. A Port‑sur‑Seille, la grosse tour (16,8 x 15,8 m) est le plus remarquable ouvrage du début du xve s. de la région. Son allure extérieure, austère, cache une disposition intérieure où se manifeste la recherche du confort : escalier à vis, cheminées monumentales, latrines, puits intérieur et fenêtres largement ébrasées. Notons que les étages étaient soutenus par des planchers et non par des voûtes. Thézey était, à l’origine, composé d’une simple tour (12,5 x 20 m). Au milieu du xve s., cette tour fut rhabillée complètement par un mur extérieur. On perça dans la façade sud de belles fenêtres sculptées. Ces transformations sont encore bien visibles. A la même époque, on édifia une enceinte quadrangulaire flanquée de quatre tours qui abrita la tour principale et une cour intérieure. A Custines, la tour d’habitation (16 x 16 m) occupe la position centrale. Des corps de logis s’appuyent contre elle au nord et à l’est. Par contre, à l’ouest et à l’est, un espace servant de cour intérieure sépare la tour et les murs de courtine contre lesquels se dressaient des dépendances. Cette construction présente de nombreuses similitudes avec celle de Thézey.
2.3.3.5 Les éléments d’architecture militaire
93Les destructions ont laissé subsister peu de vestiges médiévaux authentiques.
Le pont levis
94Il ne subsiste que deux vestiges profondément remaniés au xviie s. à Damelevières et à Thézey. Il s’agissait de ponts à flèches. Citons la mention d’un pont à bascule en 1620 à Bauzemont.
Les défenses en hauteur
95Aucun hourd, ni mâchicoulis n’est conservé. A Thézey, on remarque une bretêche au‑dessus de la porte. La tour de Fléville conserve des fenêtres de tir autrefois pourvues de volets mobiles.
Les ouvertures de tir
96Nous n’avons trouvé aucune ouverture de tir dans les murs de courtines. Par contre, un certain nombre se sont conservées dans les tours d’angle. Nous les avons recensées. Trois sortes d’ouvertures apparaissent distinctement :
– les archères à niche : visibles à Bremoncourt et Lenoncourt, elles datent de l’extrême fin du xiiie s. et du début du xive s. et n’étaient utilisables que par des arbalétriers ;
– les archères‑canonnières du xve s. : à Port‑sur‑Seille et à Damelevières, elles se composent d’une fente verticale munie à la base d’une ouverture circulaire ; à l’intérieur, elles forment une niche où le tireur peut se tenir debout ; elles ne sont utilisables qu’avec des arquebuses et datent de la période 1400‑1430 ; à Thézey, on découvre des ouvertures cruciformes qui correspondent, à l’intérieur de la tour, non pas à des niches séparées, mais à une véritable casemate d’artillerie ; leur très faible élévation au‑dessus du niveau du sol obligeait les artificiers à utiliser une artillerie de petit et moyen calibre, posée sur affût ; cette construction date des années 1450‑1475 ;
– les bouches à feu aux xvie et xviie s. : Villers‑les‑Prudhommes et Bezaumont conservent des éléments intéressants de bouches à feu de l’époque moderne.
2.3.3.6 Les matériaux
La pierre
97Les vestiges encore existants sont construits en moellons grossièrement équarris, assemblés avec des joints gras irréguliers faits au mortier de chaux. Souvent le mur est recouvert d’un crépi. Les chaînages d’angle sont plus réguliers et plus massifs. Seules certaines constructions datant surtout du xve s. présentent un appareil très soigné. C’est le cas à Damelevières, Mailly, Port‑sur‑Seille et Thézey‑Saint‑Martin. On y décèle le travail de spécialistes œuvrant d’ordinaire dans les châteaux et les édifices religieux. La roche utilisée est toujours un calcaire local.
La terre cuite
98La totalité des maisons fortes était couverte de tuiles rondes. L’ardoise n’apparut qu’au xvie s. dans ce type de construction.
Table des illustrations
![]() | |
---|---|
Légende | TABL. III – Caractères des châteaux à motte. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 34k |
![]() | |
Légende | TABL. IV – Chronologie des mottes castrales (sites mentionnés dans les sources écrites). C : castrum ; CH : château ; MF : maison forte ; Mu : munitio ; Mo : motte ; P : palatio ; x : sans précision. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 22k |
![]() | |
Légende | TABL. V – Tertres et enceintes de maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 35k |
![]() | |
Légende | FIG. 4 – Les châteaux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 68k |
![]() | |
Légende | TABL. VI – Morphologie des sites castraux. 9 sites sur 13 s’élèvent sur des hauteurs dont les altitudes varient entre 215 et 302 m |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 18k |
![]() | |
Légende | TABL. VII – Géologie des sites castraux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 18k |
![]() | |
Légende | TABL. VIII – Hydrographie des sites castraux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 44k |
![]() | |
Légende | TABL. IX – Topographie et sites castraux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 13k |
![]() | |
Légende | TABL. X – Sites castraux et forêts. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 34k |
![]() | |
Légende | TABL. XI – Châteaux et matériau de construction. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 39k |
![]() | |
Légende | TABL. XII – Châteaux et tuileries. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 12k |
![]() | |
Légende | TABL. XIII – Les ouvrages en bois comme défenses extérieures. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 81k |
![]() | |
Légende | TABL. XIV – Plans polygonaux de châteaux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 9,6k |
![]() | |
Légende | TABL. XV – Plans quadrangulaires de châteaux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 12k |
![]() | |
Légende | TABL. XVI – Les tours. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 24k |
![]() | |
Légende | TABL. XVII – Les porteries de châteaux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 26k |
![]() | |
Légende | TABL. XVIII – Bâtiments résidentiels dans les châteaux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-17.jpg |
Fichier | image/jpeg, 23k |
![]() | |
Légende | FIG. 5 – Les maisons fortes. 1 Abaucourt. 2 Abaucourt‑Vintremont. 3 Athienville. 4 Bauzemont. 5 Bezange‑la‑Grande. 6 Bezaumont. 7 Blainville. 8 Bratte. 9 Bremoncourt. 10 Clémery. 11 Croismare. 12 Custines, Maison des Lombards. 13 Damelevières. 14 Damelevières, tour. 15 Deuxville, Saint‑Epvre. 16 Dombasle, La Motte. 17 Dombasle, Florainville. 18 Essey‑lès‑Nancy, Haut Château. 19 Essey‑lès‑Nancy, Bas Château. 20 Fléville. 21 Froville. 22 Haraucourt. 23 Haussonville. 24 Hénaménil. 25 Jeandelaincourt. 26 Lanfroicourt. 27 Lenoncourt. 28 Lesménils. 29 Létricourt. 30 Leyr. 31 Magnières. 32 Magnières. 33 Mailly. 34 Morey. 35 Nomeny, Maison des Voués (Toulon). 36 Nomeny, Maison des Voués (Serrières). 37 Parroy. 38 Phlin. 39 Port‑sur‑Seille. 40 Raucourt. 41 Richardménil, Château de Ludres. 42 Richardménil, Château des Armoises. 43 Rosières, Châtel Brun. 44 Saint‑Germain. 45 Saint‑Remy. 46 Saulxures. 47 Serres. 48 Serrières. 49 Thézey‑Saint‑Martin. 50 Tonnoy. 51 Valhey. 52 Villacourt. 53 Ville‑au‑Val. 54 Villers‑les‑Prudhommes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-18.jpg |
Fichier | image/jpeg, 69k |
![]() | |
Légende | TABL. XIX – Morphologie des sites des maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-19.jpg |
Fichier | image/jpeg, 9,6k |
![]() | |
Légende | TABL. XX – Altitudes des sites des maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 8,3k |
![]() | |
Légende | TABL. XXI – Contexte géologique des sites de maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-21.jpg |
Fichier | image/jpeg, 9,0k |
![]() | |
Légende | TABL. XXII – Hydrographie et maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-22.jpg |
Fichier | image/jpeg, 175k |
![]() | |
Légende | FIG. 6 – Hydrographie et habitat fortifié au XVe s. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-23.jpg |
Fichier | image/jpeg, 48k |
![]() | |
Légende | TABL. XXIII – Situation des maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-24.jpg |
Fichier | image/jpeg, 125k |
![]() | |
Légende | TABL. XXIV – Toponymes de maisons fortes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-25.jpg |
Fichier | image/jpeg, 6,0k |
![]() | |
Légende | TABL. XXV – Situation de la maison forte par rapport à l’église. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-26.jpg |
Fichier | image/jpeg, 6,8k |
![]() | |
Légende | TABL. XXVI – Maisons fortes et habitat rural. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-27.jpg |
Fichier | image/jpeg, 5,9k |
![]() | |
Légende | TABL. XXVII – L’environnement de la maison forte d’après l’iconographie. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-28.jpg |
Fichier | image/jpeg, 65k |
![]() | |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-29.jpg |
Fichier | image/jpeg, 154k |
![]() | |
Légende | TABL. XXVIII – L’environnement des maisons fortes d’après les textes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-30.jpg |
Fichier | image/jpeg, 62k |
![]() | |
Légende | TABL. XXIX – La demeure fortifiée : terrassements en terrain plat. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-31.jpg |
Fichier | image/jpeg, 149k |
![]() | |
Légende | TABL. XXX – La demeure fortifiée : terrassements en terrain en pente. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-32.jpg |
Fichier | image/jpeg, 64k |
![]() | |
Légende | TABL. XXXI – Dimensions des plates‑formes de maisons fortes (en mètres). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-33.jpg |
Fichier | image/jpeg, 42k |
![]() | |
Légende | TABL. XXXII – Dimensions moyennes des plates‑formes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-34.jpg |
Fichier | image/jpeg, 12k |
![]() | |
Légende | TABL. XXXIII – Maisons fortes de plans quadrangulaires. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-35.jpg |
Fichier | image/jpeg, 51k |
![]() | |
Légende | TABL. XXXIV – Les maisons tours. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-36.jpg |
Fichier | image/jpeg, 14k |
![]() | |
Légende | TABL. XXXV – Les maisons fortes avec tour principale. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36963/img-37.jpg |
Fichier | image/jpeg, 22k |
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1992