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La villa du Liégeaud et ses peintures

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Françoise Dumasy-Mathieu

Résumé

Texte intégral

1Avant‑propos

2Découverte en 1913, la villa du Liégeaud attire en 1960 un fouilleur clandestin. En 1974 y sont menés des sondages pour tester l’intérêt archéologique du site. L’état des structures, les séquences stratigraphiques et la découverte de fragments de peinture murale à figures humaines accompagnées d’une inscription justifièrent l’ouverture en 1975 d’une fouille programmée portant sur la chronologie et le décor d’une villa lémovice. Le choix de la fouille des peintures s’est accompagné de l’installation sur place d’un atelier de restauration qui aboutit, grâce au mécénat du Crédit agricole, à la réalisation de dix panneaux aujourd’hui présentés au musée de Limoges. Par leur épigraphie et leur iconographie, ils illustrent le cycle de l’évergétisme municipal et évoquent la personnalité d’un des propriétaires de la villa.

3Introduction

4Située dans la zone des schistes cristallins, la villa du Liégeaud relève de la haute vallée de la Briance, dont elle domine une des premières confluences. En l’absence de toute prospection, nous ne connaissons sur une zone de 600 km2 qu’une trentaine d’habitats ruraux et deux vici. La présence d’une mine d’or avec filon argentifère à 1 500 m de la villa invite à s’interroger sur les relations existant en Limousin entre les habitats ruraux et les secteurs miniers.

51 La villa : étude archéologique

6Avant l’implantation des structures fouillées existait un bâtiment plus ancien (ier s. ap. J.‑C.) dont témoigne l’abondance des matériaux recueillis dans les remblais de l’état 1, mais dont aucune trace n’a été trouvée dans la zone fouillée.

7L’état 1 se présente sous l’aspect de deux bâtiments réalisés vers 150 ap. J.‑C. : un quadrilatère B, que ses dimensions et son implantation à l’extrémité du replat désignent comme le bâtiment résidentiel, et un habitat secondaire A.

8A l’état 2 une galerie court devant la façade résidentielle et se prolonge devant le bâtiment A qui est agrandi à l’arrière ; celui‑ci est rattaché au corps de logis dont il devient l’aile sud ; à son extrémité est construit un balnéaire.

9L’état 3 correspond à des modifications de l’égout liées à des remaniements importants dans les thermes qui entrainent la disparition de certaines pièces de l’aile B. S’agit‑il d’une certaine forme de récession économique ? Ou d’un changement dans le goût ? Après sa destruction à la suite d’un incendie à la fin du iiie s., l’édifice ne paraît pas avoir connu de réoccupation.

10La céramique rare et pauvre dans les pièces d’habitation fouillées a cependant permis, avec l’étude archéomagnétique des hypocaustes, de mettre en place les jalons chronologiques essentiels. En revanche, l’abondance et la diversité des matériaux de construction en terre cuite ont invité à réfléchir sur les modalités de leur utilisation et sur l’origine de leur approvisionnement. La découverte de deux creusets avec des traces d’argent ouvre le dossier de la relation entre la villa et les activités métallurgiques. Une étude de la faune, mal conservée à cause de l’acidité du sol, donne le bœuf comme espèce prédominante, suivi du porc puis du mouton.

112 Les peintures

12Réalisée pour le 1er état de la villa vers 150 ap. J.‑C., détruite lors des transformations de l’état 2 et Jetée dans les remblais, la peinture que nous avons étudiée est très lacunaire (75 % de pertes environ). Nous avons cependant pu mettre en place les articulations essentielles du décor qui relève de la série des peintures gallo‑romaines à alternance de larges panneaux rouges et d’étroits panneaux noirs. Le décor se présente sous deux séries, l’une faite de motifs végétaux ou architecturaux, l’autre comportant de nombreuses figurations animales et humaines en plinthe et en entablement. Se développant sur une vaste surface (20,50 m au minimum), ces peintures se répartissaient sur les murs de deux pièces complémentaires (portique et salon ?).

13L’inscription très fragmentaire, réalisée en majuscules noires aujourd’hui bien effacées sur le fond blanc de la bande de couronnement de la plinthe, n’a pu être totalement déchiffrée. La lecture de SPECTAQulum], la présence de noms propres (ROMVLVS) ou de verbes (VOCATI SVNT) et sa relation étroite avec les scènes figurées du registre inférieur permettent d’identifier dans l’ensemble peint la commémoration d’un munus gladiatorium probablement offert selon les règles de l’évergétisme municipal par le propriétaire de la villa, notable lémovice. Attestée en Italie depuis le iie s. av. J.‑C., la tradition de la peinture de munus se prolonge sous l’Empire ; nous avons ici le premier témoignage connu en Gaule de l’adoption de cette pratique.

14Malgré l’aspect lacunaire des scènes, on identifie diverses armaturae (eques, rétiaire, thrace ? sagittarius ?) peut‑être des venatores, les éléments de la pompa (personnages en civil) et à l’arrière‑plan, des spectateurs en tunique ou en cucullus. L’évocation du munus est accompagnée de scènes juchées en motifs décoratifs sur l’entablement : combats de venatores et de fauves ou poursuites de cervidés constituent autant d’échos de la venatio qui précède le munus. Le caractère stéréotypé de leur mise en scène est compensé par l’exactitude des costumes venatoriens qui se situe à un moment très précis de leur évolution, pour lequel on peut proposer la date de 150 ap. J.‑C. confirmée par les données stratigraphiques. Ce souci de véracité iconographique prouve l’importance des choses de l’amphithéâtre pour les spectateurs de munus ou de peinture de munus.

153 Etude technique et restauration

16Les observations techniques menées lors du traitement des fragments de peinture permettent d’évoquer le contexte du chantier de construction. L’absence de production locale de chaux a incité à économiser ce matériau dans le mortier de support qui apparaît aujourd’hui particulièrement friable. En revanche, la chaux a été abondamment utilisée pour la couche picturale bien conservée malgré les dommages subis. Quant au savoir‑faire de l’atelier, il se révèle dans le recours systématique au polissage des fonds et dans l’usage très vraisemblable –il n’en existe jamais de preuve décisive– de la technique a fresco. Très peu de tracés préparatoires ont été repérés ; il faut sans doute évoquer une grande habitude du découpage de la paroi, précisé peut‑être par des repères peints. Enfin, l’importation de certains pigments –d’Italie en particulier– confirme le caractère quelque peu exceptionnel de cette commande originale.

17Le principe retenu pour la présentation muséographique a été la réalisation, pour chacune des deux séries, d’un panneau rouge flanqué de deux interpanneaux noirs. Vu l’aspect lacunaire des ensembles, nous avons privilégié la restitution des motifs en recourant aux ressources du trateggio pour les rendre perceptibles à un œil peu expérimenté.

18Conclusion

19La peinture commémorative confirme que le propriétaire fait partie des notables lémovices et invite à s’interroger sur les relations entre son statut social et sa résidence rurale. Or à l’état 1, celle‑ci relève d’une conception modeste du plan (bâtiment rectangulaire aligné au fond d’une cour sans portique), comme du décor (peintures, placages en calcaire, matériaux en terre cuite), qui doit tenir à la date de sa construction, antérieure au développement du plan en U, à la diffusion du décor en pierre et à l’importation de marbres chez les Lémovices. En revanche, si l’état 2 voit la construction d’ailes et de galeries autour du corps du logis, il ne livre aucune trace de colonne ni de dallage révélant un niveau fort moyen par rapport à d’autres villes lémovices. Ces remarques seraient à compléter par les témoignages de la pars rustica et l’étude des formes de l’exploitation qui n’a pu être menée au Liégeaud.

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