1.1 Stratigraphie et chronologie relative

1Afin de faciliter la compréhension des données de la fouille, nous avons choisi de présenter rapidement chacun des états de la villa en les accompagnant des plans sur lesquels on trouvera la numérotation des murs et des espaces (pièces ou cours) ainsi que l’indication des niveaux (fig. 9 à 11). Les cotes d’altitude sont données par référence à un point zéro qui a été placé sur une des dalles de couverture de l’égout (fig. 10) qui doit correspondre à peu près au niveau de circulation de la cour résidentielle, resté inchangé tout au long de l’histoire de la villa. Dans un souci d’efficacité et d’économie (Gras 1983), nous présentons les données de la fouille sous la forme de tableaux (I à VIII) qui commentent les coupes stratigraphiques (fig. 12 à 20) dont la localisation est indiquée sur la première de ces figures.

2● Etat antérieur

3Avant l’implantation des structures qui ont été fouillées, un bâtiment plus ancien devait exister, dont témoigne l’abondance des matériaux de démolition (fragments de mortier, joints au fer, tuiles) trouvés dans les remblais de l’état 1, mais dont aucune trace n’a été trouvée dans la zone fouillée : sans doute, y a‑t‑il eu un léger décalage entre les anciens bâtiments et les nouveaux ; nous désignons cet état sous le terme d’« état antérieur ».

4● Etat 1 (fig. 9)

5Il se présente sous l’aspect de deux bâtiments. D’une part, un quadrilatère B, qui n’est que très partiellement connu. Ses dimensions, son implantation à l’extrémité de l’éperon, son orientation vers l’est, là où s’étend le replat, et les aménagements qui auront lieu ultérieurement permettent de considérer qu’il s’agit là de la partie résidentielle. De ce quadrilatère part un long mur perpendiculaire, M1, qui longe la cour 9 ; il ne présente aucune ouverture. D’autre part, au sud, un rectangle A qui lui est accolé, comprenant deux pièces identiques –3 et 4– flanquées chacune d’une pièce étroite –1 et 5–, auquel s’adosse, à l’est, une cinquième salle 6. L’absence d’ouverture sur l’espace 9, les sols de terre battue, la pauvreté de l’aménagement intérieur indiquent la fonction secondaire de cet habitat, appuyé à un mur aveugle.

6● Etat 2 (fig. 10)

7Le bâtiment B fait l’objet de remaniements dont témoignent le nouveau mur M43, la création des salles 40 et 41 et la pose de sols de mortier. Une galerie de circulation 44, dans laquelle s’ouvre un seuil précédé de dalles permettant de franchir le caniveau qui la longe, est construite en avant de B. Elle se prolonge par la galerie 43 en retour d’équerre devant le bâtiment A. Celui‑ci est agrandi des pièces 27 et 28, tandis que sa façade sud est doublée, à 1,50 m, d’un second mur qui augmente d’autant les surfaces des pièces et assure son rattachement au bâtiment B. De même largeur que B, A est désormais l’aile du corps de logis. De nombreuses modifications ont alors lieu en A : les anciennes salles 3, 4 et 5 se prêtent à l’installation de deux pièces sur hypocauste –34 et 37–, tandis que 33 et 35 sont remblayées. Le praefurnium de 37 est ouvert dans M2 et approvisionné par l’espace 32. L’hypocauste 34 qui bénéficie de la chaleur de 37, dispose aussi, au sud, de son propre praefurnium, alimenté par 51.

8La circulation dans les pièces chauffées –34 et 37– comme dans les pièces remblayées –33, 35– se fait désormais à quelque 80 cm au‑dessus des niveaux de l’état 1. Cet exhaussement met les sols de l’aile sud de plain‑pied avec celui des galeries 43 et 44 qui unissent les deux bâtiments derrière leur colonnade. Cependant, aucune communication ne paraît exister, à l’ouest, à la rencontre de A et de B, où se maintient une différence de niveau de plus d’un mètre. Le caniveau débouche dans un égout nord‑sud qui est en relation avec le bloc des thermes situés à l’est. L’état de cette zone ne permet pas d’y lire une chronologie, mais l’existence du bâtiment thermal, dès cette époque, paraît bien assurée par la partie de l’égout qui est située en amont du caniveau et qui évacue déjà l’eau des thermes.

9● Etat 2b

10Après un certain temps d’utilisation –une recharge est sensible dans les espaces alimentant le praefurnium 32– celui‑ci est désaffecté et l’ouverture bouchée par une dalle. 32 devient une pièce d’habitation avec sol et enduit sur les murs. On ne sait ce que deviennent alors les hypocaustes 34 et 37.

11● Etat 3 (fig. 11)

12Il correspond à des modifications de l’égout, liées probablement à des remaniements importants dans les thermes (construction en particulier des salles 16 et 18). Lors de la construction de M11, un mur courbe, M56, est accolé à son extrémité nord, qui assure le raccord avec la branche ancienne de l’égout. La construction de cette courbe entraîne l’éventration de la zone, la destruction de l’extrémité de M1, celle de M40 et M33 jusqu’aux fondations et le remblaiement des pièces 32 et 6 qui disparaissent définitivement. Entre l’extrémité du bâtiment résidentiel et les thermes existe maintenant un espace à ciel ouvert, dont M17 contrebute le remblai. La contemporanéité de tous ces aménagements est confirmée par l’arrêt de M11, avec une extrémité bien parementée dans l’alignement du retour d’angle du bâtiment thermal. A l’extrémité ouest de A, on note des changements qui pourraient bien être contemporains de ceux de l’extrémité est. M24 et M19 sont arasés au niveau du sol alors qu’est édifié M23 : ainsi est créée une grande pièce 39, avec un escalier assurant désormais la communication entre A et B, tandis que l’espace 38 paraît abandonné.

13● Etat 3b

14Un peu plus tard, M11 est prolongé par M30, alors qu’est construit M29, créant ainsi l’espace 53 dont la fonction n’est pas claire. L’égout lui‑même est prolongé vers le sud tandis que de nouvelles pièces thermales viennent s’appuyer sur l’édifice antérieur. En revanche, on ne décèle aucun changement ni en A ni en B. Un niveau d’incendie et de destruction est visible dans les deux branches de la galerie et dans le bâtiment B, alors qu’en A il n’y en a aucune trace, car les sols de l’état 2 ont été emportés par l’érosion. L’ensemble de la villa a dû être gravement touché ; en tout cas, les bâtiments d’habitation ne seront pas reconstruits.

15Une réoccupation, beaucoup plus tardive –puisqu’une épaisse couche de destruction recouvrait les lieux, oblitérant complètement les structures–, se manifeste par l’implantation d’un bâtiment dont on ne connaît que l’angle de deux murs, en complète rupture avec l’orientation antique.

1.2 Histoire de la villa

16Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, nous présenterons le matériel sous forme de tableaux à la suite de chacun des états de la villa. Mais il faut noter ici la situation paradoxale devant laquelle nous nous trouvons.

17Les fouilles entre 1975 et 1981 ont recueilli très peu de matériel : de la céramique très fragmentaire1, aucune monnaie, aucune fibule. A quoi cela tient‑il ? Les quelques sols qui ont été retrouvés dans les zones concernées (sols en terre battue de l’état 1 ; sol en mortier des galeries) devaient être régulièrement entretenus, car, même sous la destruction finale, aucune couche d’occupation n’a été retrouvée2. Les autres sols, situés à des niveaux supérieurs à ceux de la terre végétale avaient été définitivement emportés par l’érosion. Seules les couches de remblai, nombreuses et épaisses, contenaient du matériel, mais du matériel provenant de démolitions (clous, fragments de tuiles, de briques, de peinture murale) et quelques rares tessons usés.

18Les fouilles anciennes, qui ont surtout eu lieu dans le secteur thermal, ont permis de trouver de la céramique (des vases archéologiquement complets), une monnaie, des objets en métal et en os, bref, un matériel nettement plus abondant que le nôtre. Cette récolte est due à la nature des structures fouillées : égout, caniveaux et surtout la cour des praefurnia qui renfermait, semble‑t‑il, un dépotoir.

19La situation est donc la suivante : le matériel qui peut livrer des indications chronologiques est un matériel hors stratigraphie alors que celui qui a été trouvé en stratigraphie est d’une pauvreté affligeante. Nous avons cependant étudié le matériel clandestin, car nous avons considéré qu’il complétait heureusement celui que nous avions recueilli.

1.2.0 Prologue : occupation antérieure

20On rencontre partout, régulièrement étalée au‑dessus du sol géologique3, une couche argileuse de 20 cm d’épaisseur environ, avec des éclats de terre cuite. Les tranchées de fondations des murs ont été creusées à partir de ce niveau qui a constitué, à l’extérieur des habitations, la couche de circulation de l’état 1. A l’intérieur, il a été, la plupart du temps, renforcé par une seconde couche de terre argileuse4. Or ces remblais contiennent de la céramique qui révèle une fréquentation du site antérieure aux structures fouillées –la pauvreté du matériel et l’absence de vestiges ne permettent pas en effet de parler d’occupation. Des matériaux jetés dans les remblais– joints au fer, blocs de mortier portant l’empreinte des rebords de tegulae et de l’imbrex de couverture, fragments de tegulae – indiquent qu’au moins dans sa dernière phase cette fréquentation se traduit par une occupation et que l’habitat est alors réalisé en maçonnerie avec joints au fer et couverture en tuiles.

21Ce premier établissement en dur a été totalement rasé pour la mise en place des constructions de l’état 1 et ne subsiste plus que sous la forme d’une couche de remblai5. Pourquoi un parti‑pris aussi radical, alors qu’il ne s’agissait pas d’une construction en terre et en bois, mais de structures maçonnées qui auraient pu être intégrées dans un projet d’agrandissement ? Une rupture aussi manifeste avec l’état ancien fait penser à une conception nouvelle de l’habitat, peut‑être même à un changement de propriétaire qui, plutôt que de procéder à un remaniement des parties existantes, préfère « faire du neuf » et construire une villa ex nihilo.

1.2.1 Etat 1

1.2.1.1 Implantation

22L’habitat occupe l’extrémité occidentale de l’éperon : il y a là une zone à peu près plane de quelque 80 m de largeur, limitée au nord et à l’ouest par l’abrupt de la rivière, tandis qu’au sud, s’amorce la longue pente du vallon. La partie plane a dû être en fait insuffisante pour les besoins de la construction, car le bâtiment A, construit au sud, est installé en terrain déclive. La pente, très sensible aujourd’hui, l’était encore plus dans l’Antiquité, lorsqu’elle n’avait pas été atténuée par les remblais successifs. Les niveaux du sol géologique, repérés au fond des sondages, permettent de reconstituer à peu près le terrain tel qu’il était au moment de la construction : à la forte pente nord‑sud de 10 % s’ajoutait une pente ouest‑est de 3 % (fig. 21). Loin de corriger cette double dénivelée par un remblai6 –celui‑ci suit la pente sans la compenser– les constructeurs y adaptent leurs fondations en installant les murs est et ouest à des niveaux différents.

23Certaines observations indiquent la façon dont le chantier a fonctionné : les fondations de M1 présentent au nord une tranchée à paroi verticale, creusée à partir du remblai, alors qu’au sud, celui‑ci a recouvert le comblement de la tranchée, nettement débordante, avec profil oblique. Le remblai a donc été étalé au fur et à mesure de l’avancée des travaux, les constructeurs procédant par niveaux successifs, à partir de la zone plane. Ces étapes sont confirmées par les liaisons entre les murs : alors que le mur M1 et le bâtiment B7 appartiennent à la première phase de travaux, le bâtiment A, dont les murs viennent s’appuyer sur M1, relève de la suivante (fig. 9).

1.2.1.2 La construction

Fondations

24Les fondations des murs extérieurs consistent en une tranchée verticale, souvent plus étroite que l’élévation du mur, et remplie de pierres à sec. Un tel comblement assure, mieux que des fondations maçonnées, l’écoulement de l’eau dans un terrain argileux exposé à une double pente. Les murs de refend sont construits sans fondation, sur le remblai argileux dont ils rattrapent progressivement la pente par des réajustements de pierres camouflées par du mortier. Des murs extérieurs et intérieurs, seul M1 présente un léger ressaut de chaque côté.

Elévation

25Les murs présentent tous en élévation la même épaisseur (0,52 cm). Ils sont construits selon la technique de l’opus caementicium qui a été adaptée au matériau local, le schiste, particulièrement ingrat à tailler (fig. 22‑23). Celui‑ci ne peut se travailler suivant des angles droits comme le calcaire, car il se délite à la frappe le long des lignes de fracture naturelles. Le mur est donc dressé par assises plus ou moins régulières, faites de pierres qui restent des blocs et ne deviennent jamais des moellons. Le mortier fait de sable local et peu riche en chaux, n’offre pas toutes les garanties de solidité voulues. Aussi le noyau est‑il particulièrement chargé en éclats de pierre qui compensent par leur masse la mauvaise qualité du mortier.

26Dans ce premier état, l’aspect de « petit appareil soigné » est cependant donné aux parements extérieurs des murs périmétraux du bâtiment A8 par l’application de joints au fer. Ceux‑ci sont tracés sur une seconde couche de mortier, plus riche en chaux que le mortier de liaison du mur et largement débordante sur les moellons (fig. 36).

27De la phase de construction subsistent les vestiges d’une fosse à chaux à l’extrémité est de M1. Ses parois étaient tapissées de tegulae aux rebords brisés ; elle a été découverte très ruinée car, après son utilisation pendant le chantier, elle a été désaffectée et coupée par la tranchée de M19.

1.2.1.3 Les structures

Le bâtiment B

28L’exploration n’a porté que sur une faible surface qui a livré des informations limitées. La longueur du bâtiment reste inconnue. Cependant sur le terrain on suit encore M31 sur une longueur de 44 m. Une dénivelée de quelques dizaines de centimètres au pied de son parement ouest indique que là devait se trouver la limite de la zone construite. Celle‑ci, se développant à l’est de M31, apparaît comme une plate‑forme, suffisamment perceptible10, pour qu’on puisse considérer que le bâtiment B faisait toute la longueur de M31 (fig. 44). Le long mur M1 qui lui est perpendiculaire joue, dans la mise en place des éléments, un rôle important : il découpe l’espace en deux zones, l’une qui s’étend en avant de B et qui apparaît comme une cour, l’autre, située sur le côté, où est construit A. L’implantation du quadrilatère B sur la totalité de la surface disponible, son orientation dans l’axe du plateau vers l’est, la présence d’une cour devant lui, le font considérer comme le bâtiment d’habitation de la villa.

29Cependant, du premier état du bâtiment résidentiel, la tranchée stratigraphique n’a révélé que des aménagements assez pauvres : des murs sans revêtement et un sol en pente. A moins de supposer une destruction systématique, dont on peut s’étonner qu’elle n’ait pas laissé de traces (il est vrai que la tranchée n’avait qu’un mètre de largeur), il faut considérer que l’extrémité sud du bâtiment principal, sans division interne et au sol déclive, est soit une pièce utilitaire (réserve), soit un lieu de passage (couloir), soit une cour fermée (bien que le sol n’évoque pas un lieu extérieur exposé aux intempéries).

30Malgré la modestie des structures fouillées, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’identification du bâtiment B, bien attestée par la composition d’ensemble et les développements ultérieurs. Reconnaissons seulement que l’aspect très limité de l’intervention archéologique nous prive de la connaissance de la résidence du premier état.

La cour 9

31Elle a été perturbée par les travaux de l’état 2, sauf entre M1 et M10 où elle a été protégée par le remblai ultérieur. Son sol est fait des mêmes couches en pente que dans les bâtiments. Tout le long de M1, on remarque une légère dépression d’1 m de large, présentant une couche argileuse de moins qu’ailleurs11. Il semble bien qu’il s’agisse d’une rigole recueillant les eaux de la cour et que le ruissellement des eaux tombant du toit du bâtiment A a dû accentuer. Cet aménagement sommaire utilise les ressources du terrain en pente (d’ouest en est) et l’imperméabilité de l’argile pour drainer l’eau de pluie.

Le bâtiment A

32Construit clans une deuxième phase du chantier, A s’adosse à M1 qui constitue le mur de fond. Appuyés à M1 sans y être engagés, les murs extérieurs M2 et M5 forment avec M6 un ensemble aux angles parfaitement liaisonnés qui assure la solidité de l’édifice. Ils présentent sur leur parement extérieur, des joints au fer ; ceux‑ci s’interrompent sur M2 à l’emplacement d’un mur détruit à l’état 3, M40 ; l’un d’eux présente même l’amorce d’un retour d’angle. Tout indique que M40 devait faire partie du périmètre initial et présenter le même revêtement. Comme le parement nord de M1 ne présente pas de joints au fer, on peut penser que c’est leur fonction de murs de bâtiment qui a valu à M2, M5 et M6 de bénéficier de joints au fer, alors que M1, faisant office de mur de clôture côté cour n’en a pas reçu. Les premiers devaient être construits avec plus de soin, contre l’humidité en particulier.

33Le bâtiment présente un dispositif symétrique de part et d’autre de M59 : les deux pièces 3 et 4, de mêmes dimensions, flanquées à chacune des extrémités du bâtiment d’une pièce étroite, la pièce 6 apparaissant dans un tel contexte comme une annexe du rectangle. M1, M2 et M5 s’élèvent encore entre 50 et 80 cm au‑dessus des sols extérieurs et intérieurs sans présenter aucune ouverture. C’est donc du côté sud, sur M6, qu’il faut restituer l’entrée, ou plutôt les entrées, car l’existence de deux pièces étroites, généralement interprétées comme des couloirs, laisse supposer que des seuils devaient s’ouvrir dans l’axe des pièces 1 et 5. Ceux‑ci devaient être précédés de marches, étant donné les différences de niveau entre l’extérieur et l’intérieur. Chaque couloir desservait la pièce attenante qui devait être sans sortie sur l’extérieur (sinon quel aurait été le rôle du couloir ?). Les pièces 3 et 4 communiquaient‑elles entre elles, composant une suite de quatre pièces ouvertes les unes sur les autres ? Ou s’agissait‑il de deux ensembles identiques mais indépendants ?

34A l’intérieur, ne subsiste aucun vestige qui permette d’avoir une idée de la fonction des pièces : pas d’enduit sur les murs des pièces 3 et 4, ultérieurement remblayées, pas davantage de trace d’un sol en dur, mais des couches de terre argileuse tassée. Dans le couloir 5, le sol de terre battue12 suit la pente naturelle. En 3 et 4, on rencontre les mêmes couches argileuses tassées qu’en 5 avec, au‑dessus, une épaisse couche de remblai contenant des matériaux divers qui ménage un niveau plat dans les deux salles. Quand ce remblai a‑t‑il été étalé ? C’est sur cette couche que sont construits les divers aménagements de l’hypocauste 34 qui relèvent de l’état 2 : il est tentant de considérer que le remblai en est contemporain. Dans ce cas, il faut admettre qu’à l’état 1 –aussi étonnant que cela paraisse–, le sol des deux grandes pièces était déclive, comme celui des couloirs13.

35La seule pièce « complète » est la pièce 6, dont les murs sont revêtus d’un enduit blanc et qui a un sol en mortier. L’étroitesse de la pièce fait penser, une fois de plus, à un lieu de passage, mais le mur M2, haut de 80 cm, est sans ouverture. Peut‑on supposer un escalier menant aux combles de A, appuyé à M1 et installé au point d’accès extérieur le plus élevé, étant donné la forte pente du terrain vers le sud ? Un gros bloc schiste, à plat sur le sol, peut en être le dernier vestige (04061 ; fig. 9).

36La situation latérale du bâtiment A par rapport à la cour 9, l’absence de toute communication avec celle‑ci, l’adossement à l’arrière du mur de clôture M1 soulignent nettement le rôle de dépendance de A (fig. 24 et 44). Celui‑ci est encore accentué par la différence de niveau des sols : dans la cour, on circule à ‑60 ; autour de A, à ‑150. On peut même se demander si le bâtiment était visible de la cour : M1 était peut‑être aveugle, sans la moindre ouverture. Cependant, la présence de A pouvait être trahie par sa toiture : le mur central, M59, arasé par la suite, ne devait pas jouer un rôle porteur ; la charpente prenait appui sur M1 et M6, révélant la pente du toit vers la cour 9. La pauvreté des installations intérieures laisse très perplexe sur la fonction de ce bâtiment secondaire. Cependant, l’accès par des marches et le découpage interne éliminent immédiatement la possibilité qu’il ait pu servir au logement des animaux. Inversement, l’absence d’enduit sur les murs, les sols en pente rendent difficile l’idée qu’il ait pu servir d’habitation, si modeste soit‑elle.

37Faut‑il considérer que ces locaux, sans la moindre trace de finition, n’ont jamais servi ? La question reste en suspens. Si d’autres fouilles signalaient des locaux secondaires aussi peu aménagés, on pourrait considérer qu’il s’agit, non pas d’un phénomène accidentel, mais d’une « pratique » en réponse à des besoins particuliers qu’il serait intéressant d’identifier (lieu de travail ? lieu de stockage ?).

Restitution du dispositif d’ensemble

38L’organisation des bâtiments frappe par sa netteté : édifice d’habitation dans l’axe du plateau, cour en avant et édifice secondaire sur le côté, strictement séparé du premier par un mur auquel il s’adosse (fig. 24). On peut se demander si dans une telle composition, il n’y a pas place pour un dispositif similaire, de l’autre côté, avec un mur parallèle à M1 et un bâtiment adossé. La majeure partie de cette zone est enfouie dans le bois. Elle correspond, au sol, à une zone plane au même niveau que la plate‑forme du bâtiment B. Son extrémité déborde dans la parcelle voisine, où le propriétaire signale la présence de vestiges à l’emplacement d’un léger relief. Tout ceci vient appuyer l’idée d’un plan où les bâtiments s’organisent sur les trois côtés d’une cour. Cette hypothèse est confortée par les fréquents exemples rencontrés en Aquitaine (Raguy 1982) et il n’y aurait rien d’étonnant à ce que ce plan ait été adopté lors de la reconstruction de la villa au milieu du ii^e s. (fig. 44).

39Dans la restitution d’un tel plan, la pars rustica trouve naturellement sa place en avant du dispositif résidentiel, sur le terrain légèrement ondulant qui se déploie sous les yeux du propriétaire –les pentes qui entourent l’arrière et les côtés du bâtiment principal excluent d’ailleurs toute autre localisation. Actuellement cultivées, ces terres ne livrent que des fragments dispersés de terre cuite, mais aucune concentration particulière ne permet de localiser les éventuels bâtiments. Faute d’une reconnaissance précise, il est impossible de dire si cela tient à la disparition totale des vestiges du fait de travaux agricoles ou à leur enfouissement encore profond. Il nous faudra donc nous contenter de la vraisemblance de cette localisation.

1.2.1.4 Le matériel recueilli dans les remblais de l’état 2

40Nous présentons dans le tableau IX le matériel de cette phase accompagné du dessin des tessons identifiés (fig. 25‑26). La pauvreté de l’aménagement intérieur des bâtiments de l’état 1 –due certes à la fonction des structures fouillées– contraste quelque peu avec l’implantation et la construction des édifices qui révèlent un plan cohérent, correctement réalisé. Or, ce tableau est à compléter avec les informations fournies par les matériaux de la construction et du décor découverts dans les remblais de l’état 2 et qui ont été arrachés à leur cadre initial.

41Les matériaux les plus abondants sont les blocs de mortier de liaison des murs, gardant encore l’empreinte des pierres qui ont été récupérées, parfois associés à des débris de joints au fer et surtout les fragments de peinture. Leur masse atteste l’importance des démolitions. Leur destruction confirme d’ailleurs celle des murs, car s’il s’était seulement agi de refaire un décor abîmé ou démodé, les exécutants auraient préféré garder l’ancienne peinture comme support de la nouvelle (Barbet, Allag 1972).

42Des débris de tegulae et d’imbrices, des fragments de mortier portant l’empreinte de l’imbrex et des rebords de tegulae, provenant des tuiles de bordure, révèlent qu’une toiture a été démontée et les tuiles récupérées, puisqu’on n’en retrouve que quelques éléments brisés accidentellement.

43Des fragments de mortier avec des éclats de terre cuite indiquent l’existence de sols en dur. Leur destruction n’a de sens que si l’on a voulu récupérer des matériaux qui justifieraient le démontage d’une suspensura –des briques de pilette en particulier (habituellement, lors de réfections ultérieures, ils sont enfouis dans le remblai). On est donc autorisé à évoquer une salle chauffée. S’agit‑il d’une pièce d’habitation ou d’une salle thermale ? La découverte dans les remblais de l’état 2, de briques à échancrure latérale avec des traces aux doigts indique l’existence, à l’état 1, de cheminées semi‑circulaires dont on a d’autres exemples chez les Lémovices (à Darnets ou à Saint‑Eloy‑les‑Tuileries [Lintz 1981]). On peut supposer que les cheminées assurant le chauffage des pièces, l’hypocauste est réservé aux thermes. Citons enfin les briques en quart de cercle qui suggèrent l’existence d’un portique14, ou plutôt, dans le contexte d’une villa, d’une galerie à colonnade.

44Tout cela permet d’évoquer les éléments habituels d’une villa : galerie à colonnade, balnéaire, qui correspondent mieux au cadre dans lequel l’ensemble des peintures recueillies dans les remblais trouvait sa place et complète ainsi les informations livrées par les structures fort pauvres de l’état 1.

1.2.2 Etat 2

1.2.2.1 La construction

Le petit appareil

45Le mur le plus solidement construit est M10 qui limite la galerie 43 et borde le caniveau de réception des eaux de pluie. Il est établi sur une fondation d’une profondeur minimale de 0,80 m exécutée, comme celle de M1, dans une tranchée verticale comblée de pierres sans liant (fig. 18 ; tabl. VI).

46Les autres murs ne présentent, en fait de fondation, qu’une ou deux assises maçonnées, enfoncées dans le sol naturel. Au‑dessus du niveau de circulation extérieur vient une série d’assises maçonnées qu’on peut considérer, selon les cas, comme une fondation ou comme une élévation. Certaines pièces ont en effet été immédiatement remblayées. Leur sol –disparu– devait se trouver à quelque 80 cm au‑dessus de celui de l’état 1 (salles 33 et 35), alors que dans d’autres endroits il reste proche du niveau primitif (salle 28 à ‑100 ; salle 50 à ‑155). L’absence de ressaut de fondation pour ces dernières salles invite d’ailleurs fi.se demander s’il ne s’agirait pas de sous‑sols. Le seul mur suffisamment conservé en élévation pour présenter encore un ressaut est M10. Ce ressaut se trouve à 75 cm au‑dessus de la première assise maçonnée, qui est noyée avec six autres dans le remblai ; sa largeur passe alors de 62 à 48 cm.

47A la différence de l’état 1, la plupart des nouveaux murs du bâtiment A sont liés entre eux et l’examen de leurs angles indique que l’on a ici encore procédé du nord au sud : d’abord M19 et M24 à l’angle sud‑ouest, puis M7‑M26 et tous les murs qui lui sont perpendiculaires. Ces liaisons doivent assurer la solidité de cette extension sud, particulièrement exposée, étant donné l’accroissement de la pente. C’est probablement de la même façon qu’il faut interpréter la présence d’un énorme bloc dressé, comme un contrefort, contre M7 dans le prolongement de M35.

48Si les fondations de ces murs neufs sont construites avec soin, il n’en est pas de même des murs élevés au même moment dans la partie ancienne. Posés sans fondations sur le remblai, M16, M57 et M58 ne présentent un parement grossier que du côté des salles 34 et 37, l’autre côté étant fait de blocs de dimensions très inégales, adossés tu remblai de 33 et de 35. M9 et M12 qui bordent le caniveau et l’égout ne présentent également qu’un seul rarement, mais correctement monté et enrobé à l’arrière d’une épaisse couche de mortier.

49Il faut ajouter que ces murs présentent des irrégularités : variations dans les dimensions ou distorsions dans l’orientation. Est‑ce dû à une certaine maladresse dans la conduite des travaux ? A l’absence de véritables fondations alors qu’il aurait fallu compenser l’épaisseur du mur ? A l’enfouissement clans le remblai ? Ou encore à la pente qui rendait l’installation quelque peu téméraire ? La présence d’un contrefort indique bien les difficultés éprouvées dès la phase du chantier et que les défauts l’exécution ont pu accentuer.

50La terre cuite fait son apparition en parement mais de façon isolée : sous la forme de fragments de tegulae le rebord en façade, de quarts de brique circulaire ou de briques rectangulaires. On la trouve aussi dans le noyau du mur : sous la forme de fragments de briques à échancrure latérale et de traces aux doigts dans M10 (fig. 27, 47‑48)15.

51La présence sporadique de la terre cuite indique que nous sommes tout au début de son utilisation clans les murs : il n’y a pas mise en place d’un matériau spécialisé mais utilisation occasionnelle, et souvent remploi, d’un matériau disponible.

L ’opus spicatum

52Ce type d’appareil est attesté à deux reprises : dans le mur M20, dont l’extrémité nord, appuyée à M1, est exceptionnellement conservée sur une hauteur de 1,30 m (fig. 28) et dans le contreparement de l’hypocauste 34 (fig. 29‑30).

53Sur le parement de M20, quatre assises de pierres alternent avec trois rangs de fragments de tegulae, disposées en oblique dans toute l’épaisseur du mur. Le contreparement de M1 offre un dispositif moins régulier, en particulier à l’extrémité est, où une reprise maladroite a recouru abondamment à la pierre.

54Il faut noter que les fragments de tuile ne sont pas des remplois, mais proviennent de tuiles complètes, brisées sur place. L’utilisation d’un matériau neuf, la mise en œuvre de la pierre et de la brique attestent que la construction de ces murs ne relève pas d’une démarche rapide et improvisée, mais d’un savoir‑faire et d’une tradition artisanale.

55S’il est assuré que l’un des murs de refend était construit en opus spicatum, on peut envisager cette éventualité pour les autres murs de refend de la villa. Il n’en reste aucune trace, car les murs sont ruinés au niveau des premières assises horizontales et les couches d’écroulement qui auraient pu en conserver des éléments ont disparu. Cependant, l’exemple même de la partie sud de M20, arasée un mètre plus bas que la partie nord et où rien actuellement n’indique que l’élévation se poursuivait en spicatum, incite à maintenir une telle hypothèse.

1.2.2.2 Les structures

56La grande transformation de cet état (fig. 10) consiste dans le rattachement de A à B par la construction d’une série de pièces intermédiaires : le bâtiment secondaire est désormais une aile du bâtiment principal. L’adjonction d’une galerie à la façade résidentielle et son prolongement par un retour d’angle le long de M1 assurent la réunification des deux constructions derrière un ensemble homogène.

57Une des conséquences les plus sensibles de cette décision est un exhaussement général des niveaux de circulation d’environ 60 cm. A leur habitude, les constructeurs gallo‑romains, préférant remblayer plutôt que niveler, ont dû s’aligner sur les points les plus élevés du plateau, mettant à profit la déclivité naturelle pour implanter un caniveau et la branche nord de l’égout, dont la couverture correspond au niveau de circulation extérieure de cette époque. Rappelons que c’est lui qui a constitué notre point zéro de référence altimétrique.

58Le remblaiement d’une telle surface, effectué directement sur les sols de l’état 1, a nécessité l’apport d’une quantité considérable de terres, dans lesquelles les gravats provenant de la démolition d’anciennes structures, tiennent la place essentielle. Leur déversement a été fait de façon systématique : peintures dans la galerie 43 et dans les pièces 35, 37, 48, blocs de mortier en 44 et dans la pièce 40 de B. Tout se passe comme si les peintures détruites en premier avaient d’abord été transportées le plus loin possible de leur pièce d’origine, puis qu’avaient été jetés les gravats provenant de la destruction des murs.

Bâtiment B

59Des importantes transformations que le corps central du bâtiment résidentiel doit subir à cette époque, nous ne saisissons qu’une seule : la construction de M43 qui sectionne le grand espace 55 en deux parties : la pièce 40, qui fait toute la profondeur de B, et 41 qui pouvait comporter des murs de refend. Le sol de mortier ne repose pas, comme celui de la galerie 43, sur un hérisson mais sur une couche de remblai : cela est‑il dû à une fréquentation moins importante que dans la galerie ? Les murs devaient être décorés de peintures sur fond blanc, dont quelques fragments, très abîmés, ont été recueillis sur le sol de 4116 .

Galeries et cour 9

60C’est la partie la plus suggestive de la villa car sol et seuil sont encore en place et les éléments de l’élévation, effondrés dans le caniveau à la suite d’un incendie, autorisent les tentatives de restitution.

61Le sol présente encore, à l’angle des galeries 43 et 44, deux couches de mortier superposées, l’une avec des fragments de terre cuite, l’autre avec des petits schistes : elles sont contemporaines, puisqu’on n’y décèle aucun remblai intermédiaire17. On circulait dans les galeries aux environs de +20, ce qui convient au niveau auquel on franchissait le caniveau, puis le seuil pour pénétrer dans la maison (+22 et +24). Ces 20 cm de décalage par rapport à l’extrémité est de la cour, proches de l’égout dont la couverture a constitué notre point zéro de référence altimétrique, montrent que la cour a gardé, pour des raisons évidentes d’évacuation d’eau, une très légère pente.

62Le seul accès connu aux galeries est celui qui s’ouvre dans M38 : il est très décalé sur le côté et l’on peut envisager l’existence d’un accès central et peut‑être même, s’il y a une aile nord, celle d’un troisième, symétrique du premier. Il n’y a pas d’accès direct de l’extérieur vers la galerie 43 sur laquelle devaient pourtant s’ouvrir les pièces de A, dont les sols sont exhaussés. La répartition des entrées relève d’un plan fermement dessiné qui maintient encore à cet état une certaine hiérarchie entre les corps de bâtiment, B assurant toujours la fonction principale, tandis que A n’est desservi que par la galerie secondaire 43.

63L’existence d’une entrée très identifiable, avec dalles de franchissement du caniveau et dalles de seuil sur M38, élimine l’idée que la galerie ait pu s’ouvrir vers la cour par une colonnade sur stylobate. Reste à se demander si M38 et M10 étaient des murs pleins comportant des baies ou des soubassements portant une colonnade. L’effondrement des parties hautes dans le caniveau permet de répondre à cette question. A quatre reprises, sont apparues, dans les niveaux supérieurs du comblement du caniveau, des séries de briques circulaires effondrées les unes sur les autres, avec encore parfois l’épaisseur du mortier de liaison (fig. 31‑32). Ces briques doivent provenir de colonnettes qui prenaient place sur M38 et M10. Deux d’entre elles comportaient treize briques, ce qui permet d’avancer une hauteur minimale de 90 cm18. Cela donne des colonnettes peu élevées qu’il faut jucher sur un soubassement d’une hauteur à peu près analogue pour obtenir le chiffre de 1,80 m à l’aplomb de la toiture. L’emplacement des points de chute des colonnettes suggère un entrecolonnement de 3 m, avec deux colonnettes situées sur M10, une troisième à l’angle M10‑M38, et une quatrième en bordure de seuil. Or, la position des briques de cette colonnette 4 paraît indiquer qu’elles sont tombées, non pas du mur M38, mais de la dalle de franchissement du caniveau au pied de laquelle elles se trouvent. Une légère rigole, creusée dans les dalles, clans l’axe même du caniveau, indique qu’il y avait là une avancée de la toiture destinée à protéger l’entrée : elle pouvait reposer sur des colonnettes.

64Aucun élément pouvant appartenir à un chapiteau, même très sommaire, en terre cuite n’a été recueilli. Rien non plus qui indique que les colonnettes, en briques, étaient revêtues d’un enduit. En revanche, de nombreux fragments de briques de revêtement, à stries faites au peigne, ont été trouvés au pied de M10 et de M38, ou sur M64. Leur étaient associés des fragments d’enduits portant ces mêmes empreintes en relief au revers (fig. 33) et dont la face, grossièrement lissée, était peinte en blanc19, ainsi que quelques clous en T20. Tout cela indique qu’un revêtement assurait la protection des murs de façade, constituant le support d’une peinture unie, camouflant les assises de petit appareil.

65Enfin la présence de très nombreux fragments de tegulae et d’imbrices, voire d’éléments complets au fond du caniveau aussi bien qu’en surface, reflète les péripéties de l’incendie de la charpente. Leur position, fréquemment inclinée au pied de M10 et de M38, laisse supposer qu’il s’agit surtout de tuiles de bordure qui ont glissé, puis sont tombées à l’extérieur de la galerie, alors que la plus grande partie de la toiture a dû s’effondrer sur place, sur le sol même de la galerie.

66Le dernier aménagement lié aux galeries est le caniveau chargé de recueillir les eaux de pluie tombant du toit et de les conduire au collecteur. L’exhaussement du sol très au‑dessus du niveau géologique a nécessité sa réalisation, de façon totalement artificielle, dans le remblai argileux rapporté pour le sol de la cour. Il est bordé d’un côté par les murs M9 et M63, adossés au remblai, et de l’autre par M10 et M38, doublés par un contreparement M64 et M65 dont la fonction est manifestement de protéger la base du mur de la galerie de l’humidité du caniveau.

67Le sol, fait de tegulae liées au mortier et alignées longueur contre longueur perpendiculairement à l’axe du caniveau, suit une pente générale de 2 % qui, à 4 m de sa rencontre avec l’égout, s’accentue jusqu’à 5 %21. Les parois en maçonnerie présentent un profil légèrement évasé vers le bas ; elles ne semblent pas avoir été enduites de mortier de tuileau. Le remblai argileux, sous le sol et derrière le parement de M9, devait assurer l’imperméabilité nécessaire.

68Au pied de l’angle des galeries, à la rencontre des deux pans de la toiture, deux imbrices, emboîtés l’un dans l’autre, la cavité tournée vers le ciel et placés en pente sur le contreparement, étaient chargés de recueillir les eaux de la noue et de les conduire au caniveau (fig. 34). C’est ce même rôle que jouaient les tuiles, rebord placé sur le ressaut de M10 et de M38 (fig. 27, 34), alignées sur le contreparement et qui se sont brisées net à l’aplomb du ressaut, à la suite de la chute des parties hautes. Le contreparement lui‑même était protégé du ruissellement des eaux tombant du toit et coulant vers le caniveau par des tegulae placées selon une pente de 30 %, le rebord posé sur le ressaut de M10. L’effondrement de la toiture lors de l’incendie final a brisé la plupart des tuiles à l’aplomb du ressaut qui a maintenu en place le rebord tandis que le reste de la tuile glissait dans le caniveau. De larges fragments de tegulae, rebord tourné contre terre, recouvraient également le sommet de M9, au niveau du sol de la cour. La position fortement inclinée des tuiles du contreparement et la fragilité même de ce matériau ne suggèrent, pour le caniveau, qu’un seul type de couverture possible, s’il en fallait vraiment un pour empêcher la chute des débris divers dans le fond : des claies de bois, qui ont pu disparaître dans l’incendie, sans s’opposer à l’effondrement des parties hautes. De toute façon, la façade étant sans communication directe avec la cour, le caniveau non couvert ou légèrement couvert ne constituait pas un danger pour le piéton qui ne pouvait aller s’égarer devant un mur aveugle.

69Dans l’aménagement assez banal de ce caniveau, il faut souligner l’importance de la terre cuite. La pierre n’apparaît ici que pour les dalles de franchissement du caniveau, matériau imposé par sa solidité et par ses dimensions. Partout ailleurs, c’est la tegula qui est employée en fragments ou entière. Ses dimensions deviennent même le module de base des dispositifs : c’est sa largeur qui impose celle du contreparement et sa longueur, la largeur du caniveau.

70Cette remarque s’ajoute à d’autres concernant la façade rénovée, qui permettent une approche un peu plus précise ici de ce dispositif, en définitive très banal, de la galerie de façade enveloppant le corps principal et les ailes du bâtiment résidentiel et constituant autour de la cour d’entrée un décor typiquement gallo‑romain.

71A défaut de pouvoir chiffrer avec exactitude l’élévation et en particulier le rapport mur/colonnettes, on dispose d’un nombre suffisant d’éléments pour imaginer l’effet produit : un mur inférieur conçu comme une plinthe auquel succèdent une rangée de colonnes en briques, puis une toiture de tegulae et d’imbrices. Rien du matériau local n’apparaît dans cette façade : on ne l’a choisi ni pour les colonnettes, ni pour la toiture, et on l’a camouflé lorsqu’on a eu recours à lui pour les assises inférieures du mur. Un tel choix illustre la place importante que la terre cuite occupe dans la gamme des matériaux utilisés : briques circulaires et briques de revêtement paraissent bien avoir été fabriquées –ou achetées– spécialement pour cette nouvelle façade.

72Peut‑être est‑il possible de proposer une restitution « en couleurs » : l’emploi des colonnettes en briques imposait à la façade une tonalité rouge, reprise en écho, en haut par les tuiles de la toiture, en bas par celles du caniveau, et mise en valeur par la haute plinthe blanche du mur. A cela devait s’ajouter le remblai d’argile de la cour qui ne paraît avoir reçu aucun aménagement particulier en surface. Comme contrepoint : les dalles de franchissement du caniveau, le seuil de la porte d’entrée en grès de teinte grise et en arrière‑plan les peintures de la galerie, dont nous ignorons la couleur, sur lesquelles se détachaient les colonnettes.

Bâtiment A

73Cette deuxième période correspond dans le bâtiment A, à un remaniement total : non seulement l’adjonction de nouvelles pièces permet de rattacher le bâtiment secondaire au bâtiment principal, mais on assiste, dans les anciennes pièces, à une redistribution complète de l’espace et à des transformations profondes. Seule la pièce 6 ne paraît pas subir de modifications et cela pourrait confirmer qu’il ne s’agit pas d’une pièce d’habitation mais d’un accès extérieur.

● Les salles à hypocauste 37 et 34 et leurs annexes 32 et 51 (fig. 35)

74Elles ont été créées à la suite d’un remaniement des salles 3, 4 et 5, avec arasement de M59 et de M3 (moitié sud) et construction de nouveaux murs M57, M58, M16. L’hypocauste 37 bénéficie d’un agrandissement vers le sud grâce aux murs M35, M7 et M.34. Dans ce remodelage de l’espace, les anciennes structures imposaient des contraintes avec lesquelles les constructeurs ont dû composer. L’existence de la pièce 6 et de M40 ne laissait pas d’autre choix pour l’emplacement de M16 et l’ouverture du praefurnium 32. Mais ils ont su tirer profit des données antérieures : la différence de niveau existant, à l’état 1, entre la cour 9 et le bâtiment A a été habilement exploitée pour y loger les hypocaustes permettant aux pièces nouvellement chauffées d’avoir leur sol au niveau de celui de la galerie. Il n’est pas jusqu’aux murs arasés au niveau du sol de l’hypocauste qui n’aient été utilisés tels quels par économie ou par commodité.

Le praefurnium 32

75Il est délimité par l’ancien mur M40 et le nouveau mur M33 que devait rejoindre un mur nord‑sud. De son aire de chauffe, il reste, malgré la transformation ultérieure en pièce, quelques traces qui permettent de restituer une sole tapissée de tuiles protégées par une couche de glaise. Devant, se trouve un sol de mortier très décomposé, mêlé de cendres ; une recharge argileuse atteste une certaine durée d’utilisation. L’ouverture faite dans M2 est reprise avec des fragments de briques de pilettes et de tegulae. On peut restituer un arc en claveaux de terre cuite, comme l’invite à le faire la position déjà inclinée des tuiles du piédroit nord (fig. 36).

L’hypocauste 37

76Sur le passage de l’air chaud, du praefurnium vers 34, ont été disposés deux rangs de tegulae. Près du praefurnium, elles sont enveloppées d’une couche de glaise qui, ayant subi fortement l’action du feu, y adhère encore par lambeaux (fig. 37‑38). Au sud, s’étend un sol de mortier qui ne s’est maintenu que sur le mur arasé M6 et qui n’est plus représenté ailleurs que par une couche de petits fragments de terre cuite ayant perdu leur liant 04018 et 04060 (cf. coupe IJ ; fig. 16 ; tabl. IV).

77Les supports de la suspensura présentent un aspect hétéroclite ; des demi‑pilettes, faites de briques carrées cassées en deux sont plaquées contre M16, probablement pour libérer au maximum l’espace qui est dans l’axe du praefurnium et faciliter ainsi le passage de l’air chaud vers 34. On identifie ensuite, malgré les manques, deux rangées de pilettes carrées. Une brique rectangulaire sur M6 et de nombreux fragments dispersés indiquent un troisième type de support pour la partie sud. La distance d’axe en axe entre les pilettes (60 cm) permet de restituer des bidepales à leur sommet et de compléter les rangées.

Les praefurnia de l’hypocauste 34

78L’intervention clandestine, qui a ruiné une bonne partie des aménagements de la pièce et détruit la stratigraphie, rend ici difficile la compréhension de vestiges encore plus hétéroclites qu’en 37.

79L’hypocauste bénéficie de la chaleur provenant de 37 grâce à un passage entre M57 et M58, mais il dispose aussi de son propre praefurnium 51 situé entre les nouveaux murs M41 et M42. Il ne reste rien de l’ouverture dans M6 ou tout est arasé au niveau du sol de l’hypocauste, ni de faire de combustion. Seule la stratigraphie révèle, au pied de M6, deux couches cendreuses d’utilisation, séparées par une recharge.

L’hypocauste 34

80Le contreparement en spicatum ne subsiste plus que le long de M1 (fig. 29‑30). Il devait avoir pour rôle de réduire les échanges avec l’extérieur et de supporter la suspensura. Il est construit sur un sol de tegulae, placées rebord contre terre. Celles‑ci, engagées seulement de quelques centimètres sous le contreparement, indiquent la contemporanéité des installations qui délimitent bien le périmètre de 34 : cette dernière n’annexait pas, comme 37 l’a fait, les nouvelles salles 47 et 48.

81Le sol de tegulae se développe sur une seule rangée tout autour de la pièce et dans l’axe du passage vers 37. Il semble bien que, comme en 37, les tegulae soient réservées au passage de l’air chaud. Devant le praefurnium 51, il ne reste pas d’autres traces de tegulae que celles collées au mur, mais le mur arasé M59 pouvait permettre de les économiser. Ailleurs on ne retrouve pas, sur le remblai argileux, la moindre trace de tegula ni du mortier de scellement ; pas davantage de trace d’un sol qui aurait pu se décomposer comme en 37. Mais ces vestiges fragiles ont pu disparaître sous la pioche.

82Les angles nord‑ouest et sud‑est sont occupés par des massifs maçonnés de plan irrégulier. Posés sans fondation sur le remblai, ils ont été construits avec les matériaux les plus divers (fig. 39‑40). Si deux de leurs côtés s’alignent sur les murs périmétraux les plus proches, le troisième suit un tracé oblique, parallèle à la ligne qui joint le passage entre 34 et 37 à l’angle nord‑ouest : c’est vraisemblablement le souci d’envoyer l’air chaud jusqu’à l’angle opposé qui a imposé une telle direction.

83La présence de deux massifs aux angles, les traces d’un troisième au sud‑est invitent à en restituer un quatrième à l’angle nord‑est (identique au massif nord‑ouest ?). Une telle restitution laisse de larges espaces où devaient se trouver d’autres supports. A 0,25 m du massif nord‑ouest, se tenait encore debout, enfoncé dans le remblai argileux, un bloc haut de 0,50 m, consolidé à sa base par une pierre plus massive (fig. 41). D’autres blocs jonchaient le sol, dont trois le long de M1, déjà portés sur le plan ancien (fig. 7). Les différents blocs appartiennent par leurs dimensions à deux séries : la première correspond au bloc fiché en terre ; la deuxième au bloc d’appui (fig. 42). On songe évidemment à des piles monolithes qui auraient soutenu la suspensura.

84Massifs et piles se succèdent‑ils dans le temps ou sont‑ils contemporains ? L’absence de stratigraphie ne permet que les observations suivantes : ils sont installés sur –ou dans– le remblai argileux ; leur niveau supérieur est à peu près identique ; l’absence au centre de tegulae de sol s’explique si les supports étaient des piles enfoncées dans le remblai. Tous ces éléments invitent à considérer ces aménagements comme contemporains. Nous aurions ici une variante de l’hypocauste à piles monolithes renforcé, aux angles, de massifs qui s’inspirent de l’hypocauste à conduits, l’ensemble composant un système mixte pour lequel il est bien difficile de trouver des parallèles22. Faut‑il s’en étonner ? Nous avons déjà noté l’aspect hétéroclite de l’hypocauste 37, qui se trouve amplement confirmé ici. L’ensemble donne l’impression d’un bricolage efficace –même s’il n’est guère brillant– qui correspond assez à l’aspect « astucieux » de l’emplacement et du plan des hypocaustes. Les constructeurs composent avec les éléments anciens qu’il faut préserver, avec la pente et avec les matériaux dont ils disposent. Une des consignes paraît avoir été d’économiser la terre cuite. Cependant l’utilisation au même moment de briques circulaires pour les colonnettes des galeries, prouve que la villa dispose d’un approvisionnement normal en matériaux de terre cuite, mais que ceux‑ci sont réservés aux façades.

85On peut s’interroger sur la fonction de ces pièces. L’absence de toute trace de piscine écarte l’idée de thermes. Ceux‑ci sont d’ailleurs construits au même moment dans un bâtiment indépendant, à l’est de cette même aile A. Il n’y a pas davantage de raisons d’évoquer une fonction utilitaire. Leur emplacement dans une aile du bâtiment résidentiel permet de conclure que l’on est en présence de salles d’habitation chauffées.

● Les autres salles

86La création des salles sur hypocauste entraîne celle des pièces 33 et 35, immédiatement remblayées au niveau du sol des pièces voisines, et dont on peut supposer, vu leurs faibles dimensions individuelles, la réunification en une seule pièce. Désormais, tous les sols de la moitié est de A sont de plain‑pied avec celui de la galerie : des ouvertures doivent alors être percées dans M1, permettant l’accès par la galerie 43. Il est même possible, vu la construction du nouveau mur sud et le niveau très inférieur du sol extérieur, que les seuls accès soient désormais au nord.

87Les pièces 33 et 35 isolant la salle chauffée 37 de la galerie en partie ouverte sur l’extérieur, pouvaient constituer une sorte de vestibule‑sas. La pièce 34 a pu jouer par sa superficie, son emplacement et le fait qu’elle était chauffée, le rôle de pièce principale.

88L’extension vers l’ouest et le raccord avec B se font par la construction de murs dans le prolongement de M6 et de M31. Mais des éléments du projet nous échappent : qu’est‑ce qui justifie l’emplacement de M24, créant une pièce 50 en forme de L ? Qu’est‑ce qui explique le décalage de M20 par rapport à M32, entraînant le « recoin « peu exploitable de la pièce 28 ? Or si on couple la nouvelle pièce 27 avec l’ancien couloir 1, on obtient un rectangle de mêmes dimensions que la pièce 34. Comme le couloir a été remblayé au même niveau que 34, il est tentant de penser que M5 a été arasé au niveau du nouveau sol (ce qui confirmerait l’absence –apparente– de mur de refend en 49, dans le prolongement de M5), pour la création de l’ensemble 27‑1, pièce doublet de 34, mais apparemment sans chauffage. Quelle était la fonction de 47, 48, 49 ? L’élévation des murs est‑ouest (M6 et M19) indique qu’elles ne sont pas de simples agrandissements de leurs voisines, mais qu’elles en restent indépendantes. Cependant, leurs dimensions et leur plan suggèrent qu’elles ont servi d’annexe aux grandes salles 27 et 34, 47 et 48 en particulier –avec peut‑être une couverture pour le praefurnium 51– et qu’elles ont pu constituer pour la salle chauffée 34 un volume d’isolation de l’extérieur.

89L’extrémité ouest de A présente des pièces à des niveaux très inférieurs : sol de terre battue à ‑100 en 28, à ‑150 à l’extrémité sud‑est de la pièce 50 (coupe QR, fig. 19 ; tabl. VII). La pièce 28 avait un revêtement peint dont ne subsiste que la partie cachée par l’escalier, plaqué ultérieurement contre M25. Leur emplacement à l’angle des deux bâtiments leur interdit tout accès par les galeries : la communication avec B ne peut se faire que par M25, mais il n’y en a pas de trace. Il peut s’agir de sous‑sols, mais l’installation ultérieure de l’escalier ferait plutôt penser à des pièces utilitaires (réserve ou cuisine).

90Une telle transformation du bâtiment A avec adjonction de salles et exhaussement des sols entraîne évidemment la réfection totale de la toiture. Il faut donc lui restituer un toit à double pente, perpendiculaire à celui de B (celui‑ci a‑t‑il également été refait ?) avec lequel il fait sa jonction par une noue qu’évoque particulièrement bien l’imbrex encore en place à l’angle des deux bâtiments, et lui ajouter sur chaque façade le toit à un seul pan de la galerie.

91L’analyse des structures montre bien que, si la construction du nouveau mur sud peut faire penser à l’adjonction d’une galerie, la présence de murs de refend et le traitement des espaces intérieurs correspondent à une conception toute différente : les nouvelles surfaces, morcelées, ne sont que des compléments aux pièces qui donnent au nord sur la galerie 43. Le déplacement de la façade principale vers la cour consacre le nouveau statut de l’édifice qui appartient désormais au bâtiment d’habitation. La conception du projet ne manque pas d’une certaine ampleur : l’adjonction de la partie sud, tout en résolvant des problèmes d’espace pour des pièces trop à l’étroit, permet de donner à la branche latérale de la composition, la même largeur que celle du bâtiment principal et d’assurer l’homogénéité des différentes façades.

● L’égout et le balnéaire

L’égout

92Le débouché du caniveau se fait à travers une ouverture rectangulaire, pratiquée dans le mur M12 (fig. 43), sommée d’un bloc de schiste engagé clans le mur et supporté par une brique taillée en corbeau, plaquée par du mortier sur M9 et M10. L’eau tombait dans un égout en partie creusé dans le sol naturel, bordé de murs à un seul parement, appuyés au remblai argileux de la cour, renforcé de très nombreux fragments de terre cuite et couvert de grosses dalles de schiste.

Le balnéaire

93Construit à l’état 2, il a fait l’objet de remaniements importants à l’état 3. En l’absence de fouilles, les données du plan ancien (fig. 7) suggèrent que les salles 11 et 13, limitées au sud par un mur qui paraît situé dans l’alignement du nouveau mur sud (M7) du bâtiment A, ainsi que la salle 15, limitée au nord par un mur situé dans l’alignement de M1, et peut‑être également la salle 14 dont le mur nord n’est pas indiqué, pourraient appartenir à l’état primitif. Le balnéaire aurait alors présenté la même largeur que l’aile A. A l’extrémité est se situe une cour à laquelle on accédait par un escalier et qui permettait d’alimenter les praefurnia des salles 11 et 14. Ceux‑ci sont bordés de hautes dalles de schiste dont l’état (la chaleur les a fait éclater) atteste une longue utilisation.

94Du matériel en terre cuite et des éléments de décor –fragments de peinture, de stuc et moulures en pierre– y ont été recueillis. Mais l’absence de stratigraphie empêche toute exploitation chronologique et toute comparaison avec les systèmes de chauffage et la décoration du bâtiment d’habitation. Le balnéaire est situé au sud‑est de la composition, ce qui ne correspond pas aux orientations conseillées ; mais la topographie n’offrait guère d’autre possibilité que l’extrémité d’une aile : il valait mieux l’aile sud que l’aile nord.

95Quant à l’égout, il a été décidé de le faire passer entre l’extrémité du bâtiment principal et le balnéaire, solution peu élégante, mais commode à l’évacuation des eaux. Reste le problème de l’approvisionnement en eau pour lequel nous n’avons aucun indice23.

1.2.2.3 Les transformations de l’état 2b

96A un moment impossible à préciser, une modification intervient en 32. Le praefurnium ouvert dans M2 est condamné, l’ouverture bouchée avec une plaque de schiste et comblée avec des matériaux divers (surtout des peintures) (fig. 36‑37). L’aire de combustion est démontée et l’ancienne cour d’alimentation du foyer devient une pièce avec sol de mortier blanc étalé, sans autre préparation, sur les couches de cendres de la première utilisation. Le mur M2 est revêtu d’un enduit blanc masquant les joints au fer de l’état 1 et l’ouverture du praefurnium. Une pièce supplémentaire est ainsi ajoutée à la série A. Elle est très incomplètement connue, puisque sa partie est n’a pas été fouillée. Son sol, en contrebas de 120 cm par rapport au sol de 37 et de 40 cm par rapport à celui de 36, ainsi que sa proximité de l’égout en font probablement une pièce secondaire.

97La plupart des matériaux sont alors récupérés et les hypocaustes comblés ; des fragments de peintures, appartenant à un même décor et utilisés en remblai en 34 comme en 3724 confirment que l’opération a été menée en même temps dans les deux pièces. La transformation est de taille et affecte le confort des pièces d’habitation. Est‑ce le signe de difficultés à entretenir deux pièces chauffées25 ? Ou bien, nécessitée par la construction de la pièce 32, la suppression du praefurnium correspond‑elle simplement à un réaménagement de l’aile A ? Dans le tableau X est présenté le matériel recueilli dans les remblais de construction (fig. 46 à 51).

1.2.2.4 Conclusion

98Le passage de l’état 1 à l’état 2 illustre parfaitement le processus de constitution de la plupart des grandes villas : les bâtiments isolés de la période précédente sont devenus de longues ailes jointives, derrière l’alignement des façades à colonnettes (fig. 44‑45). De telles transformations révèlent le succès d’un projet architectural qui permet de garder le noyau ancien derrière les agrandissements.

99Le bâtiment d’habitation voit sa surface tripler par rapport à celle de l’état 1. Plutôt qu’une augmentation notable du nombre d’habitants, il s’agit en fait d’une élévation très nette de la qualité des besoins en matière d’habitat : galeries, salles chauffées, pièces secondaires et balnéaires obligent à multiplier les espaces couverts qui sont autant de manifestations de la réussite du propriétaire. En cette seconde époque, cette réussite s’exprime par un certain conformisme, clans le plan et dans le décor, aux modèles proposés. On ne retrouve ni la variété des matériaux en terre cuite, ni l’équivalent des peintures figurées de la première époque qui se détachaient du lot par une originalité attribuable au propriétaire lui‑même. La personnalité du propriétaire s’estompe derrière la façade parfaitement conventionnelle qu’il présente à la vue de tous.

1.2.3 Etat 3

100Il s’agit d’une vaste réfection de l’égout et des salles thermales qui le longent. Elle affecte secondairement l’extrémité est de A et s’accompagne de modifications à l’autre extrémité (fig. 11).

1.2.3.1 La construction

Les murs du balnéaire

101Les seuls murs qui ont pu être observés sont ceux qui bordent l’égout. Leur emplacement les destinait à des précautions particulières et il n’est pas sûr qu’ils soient représentatifs de toutes les pratiques constructives de cette période.

102La tendance à renforcer l’angle avec de la terre cuite devient habituelle et les briques –complètes le plus souvent– remplacent les fragments de tuiles. C’est le cas de l’angle des murs de la partie nord de l’égout (M12 et M13) avec leurs prolongements sud M56 et M14 (fig. 52), ainsi que de l’extrémité sud de M11 (fig. 53). La nouveauté, c’est l’introduction de briques en arases, par exemple clans les nouveaux murs de l’égout M11 et M14. Mais l’emploi n’en paraît pas systématique : le mur curviligne M56 n’en a pas.

Le mur de refend M23

103C’est le seul mur connu de cette période dans le bâtiment A. Des fragments de tuile au pied du mur, ainsi qu’un niveau horizontal de mortier, au‑dessus d’une élévation en petit appareil invitent à restituer ici une élévation en opus spicatum, avec alternance de tuiles et d’assises horizontales en moellons, analogue à celle du mur M20 de l’état 2.

1.2.3.2 Les structures

104La réfection de l’égout se traduit par la construction de nouveaux murs. Après la destruction de l’angle M1‑M12, l’extrémité de ce dernier est refaite, en liaison avec le mur courbe M56 composé de deux tronçons collés l’un à l’autre selon un angle obtus et adoptant, au fur et à mesure de leur élévation, un tracé curviligne. A l’est, un double mur est construit : M53, mur des nouvelles pièces thermales, et M14 son contreparement. Leur épaisseur globale de 1 m doit répondre au double souci de réduire les pertes de chaleur et d’isoler les pièces de l’humidité.

105Le fond de l’égout, creusé d’environ 60 cm dans le sol géologique, est recouvert d’une couche d’argile renforcée de petits fragments de terre cuite. Une rigole quelque peu irrégulière, large de 30 cm, y serpente au centre. Aménagée de main d’homme, elle a été affouillée par l’eau. Aucune trace de mortier de tuileau n’apparaît sur les murs bordant l’égout. Le dépôt d’une couche cendreuse sur les blocs inférieurs, en même temps que dans l’égout en confirme d’ailleurs l’absence. Tout cela présente un aspect assez sommaire, mais le creusement de l’égout dans le sol géologique rendait probablement inutiles les habituelles précautions contre les infiltrations d’eau.

106Quelle est la raison d’être de cet aménagement curviligne dont les dimensions ne permettaient qu’une couverture en bois ? La couche cendreuse pourrait correspondre à son incendie. On pense à un regard, installé au point de jonction des eaux du caniveau et de la partie nord de l’égout avec celles provenant des nouvelles salles 16 et 1826.

Les nouvelles salles thermales

107Si l’ensemble des installations est encore en place actuellement, c’est qu’elles sont nettement en contrebas par rapport au sol des pièces de l’aile A (celui de la pièce 18 est à 90 cm plus bas). Nous avons pu observer que l’hypocauste y est intact, avec pilettes carrées et suspensura. L’élévation de la pièce elle‑même subsiste sur une hauteur de 50 cm ; elle comporte des lubuli au pied desquels le décor peint gît en fragments.

108La présence d’un sol de tuileau très dense et les traces d’une ouverture évoquent l’existence d’une piscine chauffée, avec un dispositif d’évacuation de l’eau vers l’égout. Dans ce cas 18 serait un caldarium et 16, d’après les indications portées sur le plan, un tepidarium. Cette nouvelle série de salles chaudes installées à l’ouest double les anciennes de l’est qui sont peut‑être alors désaffectées.

Les transformations de l’aile A

109A l’extrémité est, la construction du dispositif curviligne M56 entraîne l’ouverture d’une vaste tranchée qui entame les couches des états précédents (en particulier le comblement du bassin) et fait disparaître M1 jusqu’à sa rencontre avec M2 ; l’extrémité est de la galerie est alors supprimée.

110Au sud de M1 les pièces 32 et 6 sont détruites, les murs démontés, les pierres récupérées jusqu’aux fondations. Après la construction de M11, toute la zone fait l’objet d’un vaste remblai contenu par le mur de contrebutement M1727 et trois gros blocs de schiste. Elle pouvait atteindre le niveau de la galerie et de la cour. S’il ne semble pas qu’elle ait eu une issue vers le sud, un passage devait être assuré au nord vers la cour 9, comme l’indique une dalle retrouvée à cheval sur le caniveau.

111Entre le bâtiment d’habitation et les thermes, il y a désormais un espace en plein air, dont la création est due aux importants travaux de l’égout. L’amputation de l’extrémité est de A n’a pas de conséquences trop graves pour la composition d’ensemble où l’aile est enveloppée par une cour qui semble un prolongement de la cour principale (fig. 54). Les conséquences en sont plus importantes pour l’organisation interne de A qui se voit privée de deux de ses salles, au moment, semble‑t‑il, où l’extrémité ouest fait également l’objet de remaniements.

112A l’extrémité ouest, la construction de M23, à peu près dans l’axe de M32, et l’installation d’un escalier dans l’angle M25‑M23, s’accompagnent de l’arasement des deux autres murs de 28 –M19 et M24– sur lesquels un sol est étalé. Les anciennes pièces 28 et 50 disparaissent pour céder la place à la vaste pièce 39, de même largeur que le bâtiment B, auquel elle est immédiatement reliée par l’escalier qui compense une dénivellation de près d’un mètre. Aucune ouverture n’apparaissant dans M23, cette nouvelle salle semble bien être coupée définitivement de A et rattachée à B dont elle constitue l’extrémité sud.

113De l’ancienne pièce 38, il ne subsiste plus qu’un espace étroit, compris entre M20 et M23. La construction de M23 a imposé de couper M19 ; on n’a même pas pris la peine de raccorder les deux murs 38 ne doit plus être, entre A et 39, qu’un espace condamné. L’aile A est désormais bien réduite en surface : après la destruction de 32 et de 6 et le rattachement de 39 à B, il ne lui reste plus que les pièces centrales.

114L’apparente aisance que suggèrent ces travaux cache‑telle une certaine forme de récession qui oblige à choisir entre les bâtiments et à opter pour l’entretien des thermes et du corps central de l’habitation et donc pour l’abandon de l’aile ? Cependant l’ampleur de la réfection de la partie thermale peut aussi témoigner d’un changement dans le goût : priorité donnée à l’agrément et au confort des thermes ainsi qu’à l’aménagement de l’habitation principale, parti d’allègement de la construction par l’insertion d’une nouvelle cour, désintérêt pour les longs développements latéraux de l’habitation. Il ne s’agit plus en tout cas que de réfection des volumes anciens et non pas d’extension comme à l’état 2. C’est celui‑ci qui a donné à la villa sa surface maximale et son aspect définitif. L’état 3 ne correspond qu’à des modifications du projet antérieur.

1.2.3.3 Les modifications de l’état 3b

115Une fois de plus, les thermes sont concernés par la construction des salles 22 et 23 sur hypocauste et l’établissement d’un nouveau réseau de canalisations en provenance de l’est. L’extension vers le sud oblige à prolonger le système d’évacuation des eaux, mais on renonce aux dimensions de l’égout collecteur et on met en place en 54 un pavement de dalles de schiste bordant le caniveau. Celui‑ci longe M30, construit dans le prolongement de M11, dans un appareil de moellons de dimensions diverses et sans aucun élément en terre cuite (fig. 53). Le bas du mur est protégé de l’humidité du caniveau par des dalles de schiste dressées à l’imitation des gros blocs des assises inférieures de M11, mais ici il s’agit d’un placage.

116La construction de M29, à peu près dans le prolongement de M34, dont il entaille l’angle avec M7 pour s’y insérer plus solidement, permet la création de la pièce 53. Sa situation en contrebas de près de 2 m de la cour 36 récemment créée, invite à y voir un accès –probablement un escalier– vers cette cour et de là vers la cour principale.

117Dans ces derniers travaux, les façades des bâtiments ne sont pas touchées. Seul l’arrière est exploité, avec la création d’un accès latéral vers la cour 9, conséquence du dégagement de l’espace 36 et de l’adjonction de nouvelles salles chauffées. Celles‑ci correspondent à une troisième série. Leur construction signifie‑t‑elle que les autres salles sont désaffectées ?

118La disparition de la terre cuite dans les murs, ainsi que l’utilisation, peu fréquente jusque là pour le sol extérieur, de dalles de schiste, signalent un contexte nouveau pour la construction et peut‑être pour la première fois une raréfaction de l’approvisionnement en terre cuite. Le tableau XI rassemble le matériel de la phase de construction (fig. 55‑56).

FIG. 55 – Matériel de l’état 3. Phase de construction : jatte carénée.

1.2.4 Destruction et réoccupations

119C’est un incendie qui détruit la villa ; elle ne sera pas reconstruite. Il a dû être violent et total, touchant la galerie dont les colonnettes, entraînant une partie de la charpente, s’effondrent dans le caniveau et dévastent la salle 40 de B ; le sol de celle‑ci, couvert de cendres mêlées à des peintures brûlées et à des tegulae, a lui‑même subi l’action du feu. Il atteint la salle 39, dont les peintures s’écroulent, et laisse des traces visibles (mortier rosi et pierres fortement rougies) sur le parement sud de M1, en 38 (fig. 23). Parti probablement des thermes, il a dû se propager dans l’aile A et atteindre le bâtiment B. Il a été, en tout cas, suffisamment destructeur pour qu’on ne songe pas ensuite à remettre en état la villa, qui a dû être abandonnée. Seules, quelques traces fugitives indiquent peut‑être une réoccupation passagère, peu de temps après la catastrophe. Le tableau XII présente les quelques tessons recueillis dans les couches de destruction (fig. 57).

120Bien plus tard, une structure représentée par l’angle de deux murs, construits sans fondations avec des pierres et des tuiles de récupération, sans liaison de mortier ni de terre (fig. 58‑60), est édifiée sur la couche d’abandon qui a peu à peu recouvert les traces de l’effondrement de la villa. La suite des murs a été coupée par les fouilles anciennes, lors de la reconnaissance de la galerie 44 et aucun prolongement n’en a été retrouvé plus loin.

121L’orientation choisie, en rupture manifeste avec les lignes de force de l’habitat antique, indique que celles‑ci avaient déjà disparu du paysage. Seuls des débris devaient être assez visibles pour y attirer un habitat qui a su les réutiliser. Cependant, l’absence totale de matériel ne permet pas de proposer une date. La technique de la construction en pierres sèches peut d’ailleurs indiquer une construction jusqu’à l’époque moderne.

1.2.5 Le matériel recueilli hors stratigraphie

122Lors des travaux de nettoyage des salles déjà fouillées, nous avons recueilli un peu de matériel céramique, dont certains éléments particulièrement intéressants, mais que nous ne pouvons rattacher à aucun état de la villa. Nous les citons cependant (tabl. XIII, fig. 61) car ils contribuent au contexte chronologique et économique du site. C’est dans le même esprit que nous présentons, parmi le matériel ramassé lors des fouilles anciennes, les éléments identifiables (tabl. XIV, fig. 62 à 74).

dessin L. Brissaud

1.3 Le matériel archéologique

1.3.1 Les matériaux de construction en terre cuite28

1.3.1.1 Les pâtes

123Quatre types ont été déterminés en fonction de la nature et de la densité des éléments non plastiques présents dans les argiles :
– type A : présente en abondance des cristaux de quartz très grossiers (jusqu’à 7 mm) et des éléments schisteux ;
– type B : présente des cristaux de quartz en abondance, mais de proportion plus faible qu’en A (jusqu’à 3 mm) et quelques traces de mica ;
– type C : présente quelques cristaux de quartz très fins et de nombreuses traces de mica ; les très faibles proportions de ces éléments donnent à cette pâte un aspect très homogène ;
– type D : présente quelques traces de quartz et de nombreux éclats de mica ; la structure de la pâte est comparable à C mais tous les éléments appartenant à ce type sont très mal cuits et offrent un caractère friable qui contraste avec la résistance de C.

124Les pâles A et B n’ont livré que des éléments de couverture, alors que les pâtes C et D ont fourni, outre ces mêmes matériaux, toutes les variétés de briques présentes sur le site (tabl. IX à XIV).

1.3.1.2 Les types

Tegulae et imbrices29

125Aucune estampille ni aucun graffito n’est à signaler ; seules ont été repérées les traces en demi‑cercle couramment mentionnées et quelques empreintes d’animaux (chat, chien, fouine, oiseau). L’utilisation d’un même module pour les pâtes A et B d’une part, C et D d’autre part, invite à les regrouper deux à deux, ce que confirme la chronologie (tabl. XV). En effet, l’utilisation des tegulae de pâte A et B dans le bassin à chaux de la phase de construction de l’état 1 et leur présence sporadique dans les remblais des états 1, 2 et 3 suggèrent qu’elles ont pu apparaître à la phase qui précède la construction de la villa. Quant aux tegulae de pâte C et D, la découverte de certains de leurs fragments dans les remblais d’aménagement de l’état 2 laisse penser à leur emploi dès l’état 1. Mais c’est surtout de l’état 2 que relève cette production, représentée par deux modules, ayant chacun une attribution spécifique : le grand module pour le sol des hypocaustes ; le petit module, associé à l’imbrex de grand module, pour la toiture de la galerie et les aménagements du caniveau.

Briques

Fonctions

126La typologie fait apparaître la diversité des formes duc pour une part, à l’existence de modules différents dans une même série30, et pour une autre part à la variété, voire à l’ingéniosité, des formules élaborées en réponse aux divers besoins.

127Si la majeure partie du matériel relève des modèles italiens (briques en quart de cercle, lubuli, briques circulaires, carrées, rectangulaires), certaines formes restent isolées ou ne sont signalées que dans un contexte lémovice :
– briques de revêtement destinées à porter un enduit peint avec des traces faites aux doigts ;
– briques à large échancrure, présentant des courbes varices, ouvertes tantôt à droite, tantôt à gauche (tabl. XVIII) (fig. 47‑48) ; portant des traces de brûlé, ou liées entre elles par de la glaise, elles ont été utilisées pour la construction de cheminées semi‑circulaires31 ;
– briques carrées ou rectangulaires à évidement central ou latéral qui semblent, par un système d’empilement alterné, jouer un rôle comparable à celui des tubuli32 (fig. 69‑70) ;
– entretoises avec fiches en T33 (fig. 71) ;
– fragments de briques à « crête », dont on n’a pu identifier ni la forme ni la fonction (fig. 49).

128L’absence de références hors du cadre gallo‑romain peut suggérer que l’invention de certaines formes spécialisées comme les briques de cheminées –qui relèvent d’ailleurs de structures que semble ignorer l’Italie– ou certaines variantes de briques réservées aux thermes (entretoises, briques à évidement central ou à évidements latéraux) est à mettre au compte des potiers gallo‑romains.

Chronologie

129Le rattachement des formes aux différents états permet de déceler des changements dans la production : certains types, présents à l’état 1, disparaissent de l’approvisionnement de l’état suivant (tabl. XVI). Ils peuvent cependant s’y retrouver en remploi, détournés de leur fonction initiale.

Dimensions (tabl. XVII, XVIII et XIX)

130La recherche de multiples ou de sous‑multiples du pied romain dans les differentes catégories de briques (chiffres en gras dans les tabl. XVII et XVIII) révèle l’adoption, pour certaines d’entre elles, des mesures utilisées pour les productions romaines (Adam 1984 : 159)34. Ce choix concerne tous les types, y compris les formes qui pourraient relever de créations gallo‑romaines, comme les briques à échancrure ou celles à évidement. D’autres y échappent, comme certains modules de tuiles ou de briques rectangulaires, sans que l’on puisse pour l’instant rendre compte de ces différences.

1.3.1.3 Remarques sur l’atelier de production

131L’identification de pâtes différentes et la variété des formes suggèrent, au moins pour les pâtes C et D, un approvisionnement extérieur et non pas une fabrication sur place (évoquée parfois ailleurs en raison de la découverte de fours). L’évolution typologique des matériaux en pâte C indiquent, pour cette tuilerie, une production échelonnée sur plusieurs décennies, capable de se diversifier en fonction des besoins et des innovations techniques. Des briques en pâte D présentent les mêmes traces au peigne que celles en pâte C. Or, on interprète habituellement ces techniques comme des traditions de fabriques (Green 1979). On pourrait alors rattacher à ce même atelier les productions en pâte D qui s’en différencieraient seulement par une mauvaise qualité de cuisson.

1.3.2 Etude archéomagnétique

132Elle a été menée sur des échantillons de tuiles et de mortier de tuileau, provenant de l’hypocauste 37.

133La direction moyenne d’aimantation rémanente de la structure étudiée calculée par la statistique de Pisher, est la suivante :
I = 57°9 ± 1°7
D = 2°5 E± 3°1
k = 876

134Afin de comparer l’inclinaison trouvée avec les valeurs de la courbe I = f(t) –courbe de variation de l’inclinaison du champ magnétique terrestre dans le passé– une correction de latitude doit lui être appliquée pour la ramener à la valeur qu’elle aurait eu à Paris :

135I_Paris = 60°2 ± 1°7

136Portée sur la courbe sus‑mentionnée, à l’état actuel de cette courbe, cette valeur se retrouve aux époques suivantes :
– 2^e moitié du ii^e s. A.D. ;
– fin du iii^e s. A.D. ;
– xii^e s. A.D. ;
– 1420 –1475. ;

137Mais, associée à la valeur trouvée de la déclinaison magnétique, elle désigne une direction qui, portée sur la courbe I – D (courbe de variation de la direction du champ magnétique terrestre dans le passé) ne se retrouve qu’à l’époque romaine. Pour cette époque :
– la variation de l’inclinaison est très rapide : elle diminue constamment pendant plus de 200 ans –le minimum atteint (I = 58°) se situant vers le milieu du iii^e s. A.D.– pour remonter après presque symétriquement ;
– la déclinaison magnétique ne varie pratiquement pas –elle oscille sensiblement autour de 0°, prenant des valeurs tantôt faiblement est, tantôt faiblement ouest.

138Par conséquent, à partir des résultats de l’étude archéomagnétique, les deux périodes de l’époque romaine pendant lesquelles l’inclinaison a pris la valeur mesurée (2^e moitié du ii^e s. A.D. et fin du iii^e s. A.D.) sont tout aussi probables en tant que date du dernier fonctionnement de l’hypocauste. Mais compte tenu de la datation obtenue à partir des données archéologiques (postérieur à 150‑160 A.D. –antérieur à 200 A.D.–, il apparaît que la date 2^e moitié du ii^e s. A.D. serait à retenir.

1.3.3 La céramique

139Si la plupart des tessons trouvés en stratigraphie ne permet guère de disposer d’un répertoire de formes, la reconnaissance des techniques de fabrication et de cuisson permet de distinguer trois grandes séries chronologiques qui rythment l’occupation du site35. Les deux premières correspondent à des tessons recueillis dans les remblais des états 1 et 2 (tabl. IX et X), tandis que la troisième est composée essentiellement de vases recueillis hors stratigraphie dans les thermes et correspondant probablement aux couches d’occupation au moment de la destruction (tabl. XIV).

140La première série comprend les quelques tessons de pâte grossière qui ont pu être identifiés et qui proposent un horizon de La Tène finale ou du gallo‑romain précoce. La seconde présente des pâtes fines (sigillée de La Graufesenque, gobelet à décor à casier rectangulaire d’obliques opposées, décor en épingle à cheveux, décor sablé) caractéristiques d’une production de la seconde moitié du i^er s.

141La troisième offre un matériel abondant, bien daté sur d’autres sites lémovices de la fin du ii^e et du iii^e s., qui correspond à l’occupation de la villa jusqu’à sa destruction par l’incendie : le seul tesson trouvé en stratigraphie qui puisse proposer une datation (médaillon d’applique de Drag. 72 : tabl. XII) confirme les données de la céramique hors stratigraphie. Cette dernière série permet de s’interroger sur l’approvisionnement en céramique d’une villa lémovice. On remarque la même diversité dans les pâtes fines que sur d’autres sites lémovices contemporains :
– sigillée de Lezoux de la deuxième moitié du ii^e s., voire du début du iii^e s. ;
– vases métallescents à guillochis, apparaissant dès la deuxième moitié du ii^e s. et vraisemblablement originaires de Lezoux ;
– vases à médaillon, vase à décor excisé représentant une production qui se situe dans la tradition de la sigillée, issue probablement des ateliers du Centre bien que, selon G. Lintz, une origine régionale ne soit pas à écarter ;
– imitations de céramique à l’éponge.

142Cet ensemble se détache sur une céramique commune abondante, caractérisée en particulier par la réapparition de certaines traditions indigènes du i^er s. av. J.‑C. (urnes peignées), à propos de laquelle se pose le problème de la provenance. Une courte étude à la binoculaire, complétée par une série de lames minces au microscope polarisant36, a permis de démontrer que toutes les variétés de pâte grise présentaient les éléments constitutifs de l’amphibolite. Celle‑ci se déploie en une suite de bandes, tout autour du site, dans un rayon de 7 à 8 km, avec une concentration dans l’entourage immédiat de la villa37. La concordance entre le milieu géologique et les caractéristiques minérales de la pâte permet d’assurer que celle‑ci est de fabrication locale, ce qui indique que la source d’approvisionnement est proche, mais n’implique pas que la céramique ait été fabriquée dans le cadre de la villa38.

143La plupart des vases offrent en surface ou dans la pâte, des grains de mica dispersés. Leur présence ne tient pas à la volonté de produire un effet, comme dans le cas d’une couverte micacée, mais au contexte géologique : la plus grande partie du territoire lémovice appartient en effet à l’aire du mica. On peut alors supposer que cette céramique est d’origine régionale. En revanche, l’absence de mica permet d’assurer que le vase vient d’ailleurs. C’est le cas de deux écuelles (fig. 67, 1) et d’un pot (fig. 67, 3) qui, par la forme et par la pâte, relèvent d’importations, au même titre que les productions métallescentes.

1.3.4 Les creusets

144Ils présentent tous deux des traces de métal sur lesquelles a pu être menée une analyse spectroscopique d’émission X39 :
– Creuset 12E : la « goutte » d’alliage recueillie à la surface permet de déduire que le creuset a servi à préparer un alliage d’argent ; le minerai de l’alliage contient du cuivre, du zinc et du fer en proportion variable suivant l’élément de surface analysé, mais de toute façon en proportion importante par rapport à l’argent. On peut en conclure que le creuset a servi, soit pour une phase de purification du minerai d’argent, soit pour une fabrication d’un objet (la teneur en argent peut être moins forte).
– Creuset 81‑70 : le métal récupéré à la surface est de l’argent presque pur (le minerai est déjà purifié). Le creuset a pu servir à la refonte d’argent (plutôt qu’à la purification brute du minerai), mais on peut aussi avoir affaire à une préparation pour un objet, avec de l’argent presque pur (bijou ?). La présence de ce métal pose des problèmes intéressants. S’il est fréquent de trouver, dans le contexte d’une villa, une forge pour les besoins de l’exploitation40, il l’est moins de trouver des traces de fonte de minerai d’argent ou de fabrication d’objets précieux. L’artisanat de luxe, en particulier la fabrication de fibules émaillées dans le contexte des villas, avait été évoqué à propos de la villa d’Anthée (Del Marmol 1877, 1881). Les auteurs y voyaient un bon exemple de ces villas tardives devenues centres de production. Or des travaux récents ont montré qu’il y avait trop peu d’éléments à verser au dossier de la fabrication sur place pour qu’une telle hypothèse soit retenue (Spitaels 1970).

145La découverte ici de deux creusets constitue‑t‑elle une présomption suffisante en faveur d’un atelier de fonte d’argent établi dans le contexte de la villa ? Nous rejoignons la question des liens pouvant exister entre la villa et les activités minières ou métallurgiques, qui avait été évoquée à propos de la localisation de la villa en bordure de secteur minier ; en l’absence d’une documentation plus précise, la découverte de ce matériel laisse le dossier ouvert41.

1.3.5 La faune

146Les os collectés dans la villa sont en très petit nombre et en piteux état ; aussi cette étude n’apportera‑telle que peu de renseignements sur la vie quotidienne de la villa et aucune réponse sur l’élevage et la domestication des espèces présentes à cette époque dans la région. Toutefois, compte tenu du petit nombre de travaux effectués sur la faune dans le Limousin, il était nécessaire de l’entreprendre et de la publier malgré ses modestes résultats (Bordes 1973, 1976, 1979, 1982, 1984).

1.3.5.1 Résultats globaux

147Nous obtenons un total de 107 fragments d’ossements dont 56 ont pu être déterminés, soit 52,4 %. On peut constater la prédominance des espèces domestiques : 92,8 %. Parmi celles‑ci, le bœuf est le mieux représenté avec 23 restes ; puis viennent le porc avec 17 restes et le mouton/chèvre avec 9 restes,

148Le nombre de restes par espèce et le nombre minimum d’individus par état sont présentés dans les tableaux XX et XXI.

149A l’état 1, seulement trois espèces sont représentées : le porc par 3 fragments, le mouton/chèvre par 2 fragments et le bœuf par un seul ; ces restes nous donnent au minimum un individu par espèce.

150A l’état 2, toutes les espèces présentes sur l’ensemble du site, hormis le chien, sont représentées. Le porc totalise à lui seul 11 fragments sur 27, parmi eux une canine inférieure de truie. Le mouton/chèvre comptabilise 6 restes. Parmi les 5 restes attribués au bœuf, 2 mandibules ainsi que les dents qu’elles portent encore, nous permettent de déceler la présence de deux individus d’âge différent : un jeune et un adulte.

151A l’état 3, en plus du bœuf et du mouton/chèvre, seuls le chien et le poulet sont représentés par un fragment chacun. 15 des 17 fragments attribués au bœuf sont des mandibules, des maxillaires ou des dents. L’usure de celles‑ci nous indique la présence d’au moins deux individus. Dans le cas du porc, nous avons également deux individus repérables à l’épiphysation plus ou moins avancée des os longs. L’un des métapodes porte des traces de découpe dans le sens proximal‑distal.

152Les espèces sauvages ou domestiques présentes sur le site sont très fréquentes en milieu rural. En revanche, il est inhabituel de trouver une pince de crabe : son mauvais état de conservation n’a pas permis une détermination plus précise de son espèce.

153Nous avons signalé le très mauvais état de conservation des ossements à cause de l’acidité de la terre. Nous voyons que ce sont les dents qui ont le mieux résisté, en particulier celles de bœuf. Nous avons au total 19 dents isolées et 6 fragments de mandibules portant encore des dents, en général les molaires et les prémolaires. Puis viennent les métapodes de porcs, 8 pièces, les tibias, 6 pièces dont 3 attribuées au porc, les phalanges, les radius et les fémurs (tabl. XXII). Aucune mesure n’est possible sur les os incomplets et rongés.

154Toutes proportions gardées, le mouton/chèvre est l’animal le mieux représenté sur ce site. En effet, les pièces osseuses sont peu nombreuses mais très diverses. En revanche, le bœuf, bien qu’il totalise 23 restes, n’est représenté que par 4 pièces osseuses différentes : 1 fragment de fémur, 1 de radius, 1 de tibia et enfin 1 ensemble de 4 mandibules et 16 dents isolées.

1.3.5.2 Conclusion

155Mis à part le crabe, les espèces représentées sur le site par les ossements sont fréquentes en milieu rural. Nous retrouvons les mêmes à la villa « du Boin ». Toutefois les proportions entre les espèces diffèrent. A la villa du Liégeaud, toutes périodes confondues, le nombre minimum d’individus du bœuf est le plus fort, vient ensuite celui du porc et enfin celui des moutons/chèvres. Dans le contexte de la villa « du Boin », l’espèce prédominante est le porc, suivi des moutons/chèvres, le bœuf venant en dernier. Cependant, comme l’a souligné P. Bordes, ces restes ne sont que le reflet des animaux consommés et non pas celui des animaux élevés puis commercialisés. Quant aux huîtres, il nous est impossible de comparer les espèces trouvées sur les deux sites ; l’état de conservation des quelques fragments que nous possédons ne nous permet pas une identification spécifique.

156Dans ce cas comme dans l’autre, des ossements portent des traces de débitage. De nombreux os longs mis au jour dans la villa « du Boin » ont été débités à l’aide d’outils tranchants, réduisant ceux‑ci en petits fragments. A la villa du Liégeaud, on peut signaler deux cas similaires : sur le deuxième exemple sont visibles en outre des traces de carbonisation ; sans doute s’agit‑il de restes alimentaires.

157Quelle que soit la pièce fouillée et quel que soit l’état d’occupation, c’est seulement dans les remblais que les ossements ont été trouvés, en quantité plus ou moins variable. L’absence de toute couche d’occupation nous prive de renseignements quant à la fonction des pièces.

1.4 Chronologie absolue

158Il s’agit de voir si nous disposons d’assez d’éléments pour jalonner les différentes périodes reconnues.

159Le matériel céramique a révélé des tessons appartenant à la deuxième moitié du i^er s. av. J.‑C. qui témoignent d’une occupation précoce du site. Mais la pauvreté du matériel et l’absence de structure ne permettent pas de dire si elle correspond à une simple fréquentation ou à l’installation d’un habitat.

160En revanche, la découverte, de nombreux matériaux déconstruction dans les remblais de l’état 1 indique l’existence d’un habitat maçonné, antérieur à cet état, qu’accompagnent des tessons du i^er s., voire du début du ii^e s.

161Lui succède la période qui voit s’élever la villa proprement dite. Les seules informations sont fournies par le matériel ante quem avec en particulier un fragment d’amphore antonine Dr. 20 ; celle‑ci a été fabriquée au plus tôt vers 140. On pourrait retenir la date de 150 ap. J.‑C., confirmée nous le verrons, par certains détails iconographiques de la peinture trouvée dans les remblais de l’état 2 et qui, selon toute vraisemblance, a été exécutée pour une des salles de l’état 1 (fig. 9).

162Aucun élément ne permet d’avancer une date pour les transformations de l’état 2 (fig. 10). Seule l’étude archéomagnétique effectuée sur l’hypocauste 37 donne pour date de fonctionnement de celui‑ci, la période 100‑200 ap. J.‑C. Ces transformations n’ont pu avoir lieu qu’entre 150 et 200 et ont dû se maintenir pendant une ou deux décennies (rappelons la recharge de sol dans le praefurnium), avant qu’intervienne la suppression de l’hypocauste 37 qui correspond à l’état 2b. Le matériel des thermes le plus précoce est représenté par des vases du potier Doeccus, qui pourrait confirmer la datation de l’état 2, des dernières décennies du ii^e s. Il faut supposer une durée courte pour l’état 1, rapidement modifié et agrandi.

163Nous n’avons pas de date pour l’état 3a (fig. 11) ni pour l’état 3b qui doivent se situer dans la première moitié du iii^e s. (le seul tesson datable des remblais de l’état 3 relève des formes indigènes réapparaissant au iii^e s.) (fig. 55). C’est à cette période qu’appartient la plus grande partie du matériel recueilli dans les thermes. Le médaillon Drag. 72, trouvé dans le fond du caniveau (fig. 57) lui fait écho.

164Le matériel d’occupation n’allant pas au‑delà du 3^e quart du iii^e s. (d’après les informations fournies à Limoges), nous devons envisager l’incendie final vers les dernières décennies du siècle. Que devient ensuite le site ? Aucun matériel ne vient confirmer une éventuelle réoccupation éphémère, encore proche de l’incendie. Par la suite, il faut évoquer la fibule mérovingienne (fig. 73, 2), mais les circonstances de sa découverte et le fait qu’elle reste isolée ne permettent pas d’en déduire, de façon sûre, une réutilisation du site au v^e s. Suit une longue période d’abandon pendant laquelle les mines sont enfouies sous plusieurs dizaines de centimètres de terre jusqu’à l’implantation, impossible à dater, de la structure en pierres sèches qui s’établit en complète rupture avec le parcellaire antique (fig. 58‑60).

165Cette chronologie d’occupation est‑elle en concordance avec ce qu’on observe sur les autres villas lémovices récemment fouillées ? A la Chapelle Montbrandeix (Belligaud 1982), l’état 1 des structures fouillées remonte au i^er s. (sigillée de Montans et de La Graufesenque, de 30 à 100). A Brachaud (Loustaud 1982), il est antérieur à 80, sans qu’il soit possible de préciser davantage. A la villa de Saint‑Eloy (Joudoux 1980), si les structures fouillées sont construites vers l’époque flavienne, elles succèdent à un état antérieur précoce, attesté par des monnaies d’Auguste et peut‑être par des traces au sol. Le site de Saint‑Priest‑sous‑Aixe (Boulaud 1969) paraît être le seul à n’avoir rien révélé d’antérieur au ii^e s.

166Ces implantations du i^er s. correspondent bien à ce que l’on devine du site du Liégeaud à la même époque. La question qui se pose est de savoir si une occupation plus ancienne (du i^er s. av. J.‑C.) peut être évoquée sur ces autres sites. Le site de La Chapelle Montbrandeix a révélé, comme celui de Saint‑Eloy, de la poterie de tradition gauloise ; est‑ce suffisant pour évoquer une occupation précoce des tout débuts de la colonisation ?

167Pour toutes ces villas, le ii^e s. est une période d’intense activité éclilitaire (à Brachaud par exemple où pas moins de 4 états se succèdent de 100 à 150). C’est au milieu du siècle, un peu plus tard qu’ailleurs, que se construit la nouvelle villa du Liégeaud, mais elle succède à un bâtiment plus ancien, qui est arasé pour lui laisser la place. Le iii^e s. correspond à une période d’entretien, ou de réfection des installations antérieures, attestant le maintien d’une certaine prospérité. Line chronologie plus fine pourrait permettre de mieux apprécier dans les villas les traits de cette période dont on a pu reconnaître à Limoges les témoignages de l’activité. Celle‑ci s’interrompt dans la deuxième moitié du siècle, sur deux sites (La Croisille, Saint‑Eloy). Est‑ce le fait d’un accident ? Faut‑il évoquer les troubles de la décennie 270‑280 ? Alors que le site du Liégeaud ne semble pas se relever de sa ruine, une reconstruction intervient à Saint‑Eloy, à la fin du iii^e s. Les villas de La Chapelle Montbrandeix, de Brachaud se maintiennent au long du iv^e s., selon un rythme marqué d’une alternance de destructions et de réfections. Celle de Saint‑Eloy livre des traces de réoccupation au Haut Moyen Age.

168Pour certaines villas lémovices, l’occupation commence donc au tout début de la période romaine et se poursuit au‑delà du v^e s. De telles remarques modifient fortement, en l’élargissant vers l’amont et l’aval, le schéma chronologique habituel qui s’appuie essentiellement sur l’observation des structures maçonnées qui ne représentent dans la vie du site qu’une phase, la plus spectaculaire sans doute, mais non la seule. Si au Liégeaud, une telle durée n’est pas assurée, on doit cependant évoquer la possibilité de ces prolongements qui profilent un vaste arrière‑plan derrière la chronologie absolue qui a été établie.