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La villa du Liégeaud et ses peintures

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Françoise Dumasy-Mathieu

Avant-propos

Françoise Dumasy

Résumé

Découverte en 1913, la villa du Liégeaud attire en 1960 un fouilleur clandestin. En 1974 y sont menés des sondages pour tester l’intérêt archéologique du site. L’état des structures, les séquences stratigraphiques et la découverte de fragments de peinture murale à figures humaines accompagnées d’une inscription justifièrent l’ouverture en 1975 d’une fouille programmée portant sur la chronologie et le décor d’une villa lémovice. Le choix de la fouille des peintures s’est accompagné de l’installation sur place d’un atelier de restauration qui aboutit, grâce au mécénat du Crédit agricole, à la réalisation de dix panneaux aujourd’hui présentés au musée de Limoges. Par leur épigraphie et leur iconographie, ils illustrent le cycle de l’évergétisme municipal et évoquent la personnalité d’un des propriétaires de la villa.

Texte intégral

1Le site de la villa du Liégeaud à La Croisille-sur-Briance ne se découvre qu’après une longue promenade à travers un bois de châtaigniers : s’ouvre alors, dans l’horizon forestier, un large paysage de prés et de champs qui descend en pente douce vers un vallon dont on devine la courbe. Les lieux sont beaux, empreints de douceur et de charme et l’on comprend qu’à la découverte des vestiges archéologiques, en 1913, P. Delage se soit laissé prendre au plaisir de leur évocation à l’époque antique :

2« Là a dû s’élever jadis une villa romaine, avec les dépendances nécessaires pour la culture d’un domaine. Le site est d’ailleurs intéressant. C’est le versant, à pente très douce, d’un plateau exposé au midi. De là, la vue s’étend sur un gracieux vallon où la Petite-Briance et un ruisselet viennent unir leurs eaux peuplées de truites. Par delà, un cirque de collines boisées forme un fond verdoyant qui repose et rafraîchit les yeux. Dans ce site agréable, on se plaît à se figurer quelque riche gallo-romain menant une vie paisible, loin des tracas municipaux et commerciaux qui le chassaient d’Augustoritum, et venant, au déclin du soleil, lire sur sa terrasse quelque belle page des Géorgiques, tandis que les chariots grinçants remontent du vallon, lourdement chargés d’un foin parfumé » (Delage 1913).

3A la vision des débuts du siècle, nourrie de culture classique, se substitue plus tard le thème populaire du trésor enfoui –ici une statuette animale tout en or– qui attire en 1960 un fouilleur clandestin. Après l’interruption de ses activités sur intervention officielle, le site apparaît dans un bien triste état : une végétation proliférante de taillis s’est emparée des ruines livrées à des pillages sporadiques.

  • 1 Villa du Boin à Saint-Eloy-les-Tuileries (Corrèze) ; villa de Cujasseix à Rougnat (Creuse) ; villa (...)

4La villa, que la rêverie érudite avait su garder intacte, souffrit beaucoup en revanche de l’exploration sauvage. A défaut de pouvoir être réparés, les dommages devaient être évalués par une intervention archéologique qui aurait à décider de son avenir : remblaiement immédiat ou exploitation scientifique ? Des sondages conduits en 1974 par Y. de Kisch livrèrent des résultats encourageants : d’une part, des élévations suffisamment conservées et surtout des séquences stratigraphiques encore en place qui permettaient de récupérer, malgré les lacunes, une bonne partie de l’histoire de la villa ; d’autre part, des fragments de peinture murale présentant des figurations humaines, accompagnées d’une inscription peinte en majuscules sur fond blanc, qui paraissaient pouvoir livrer des éléments intéressants sur les programmes iconographiques d’une résidence rurale lémovice. En 1975, une fouille programmée fut donc décidée avec un projet –limité à la zone la moins touchée par le clandestin et la plus accessible, puisqu’en lisière de bois– portant sur la chronologie et le décor d’une villa lémovice (Kisch 1975). Quatre autres villas, alors en début ou en cours de fouilles1 pouvaient constituer la base d’un programme de recherches.

  • 2 Entre 1973 et 1975, l’atelier fut animé par deux stagiaires du CEPMR (Centre d’études des peintures (...)

5Dès cette première campagne, le choix de la fouille exhaustive des peintures s’est accompagné de la décision de les traiter sur place. En 1975, l’association d’un atelier de restauration à un chantier de fouilles n’était pas encore chose fréquente et l’expérience nous a paru intéressante à mener. Un local communal fut mis à notre disposition, et l’atelier fonctionna d’abord avec des membres du CEPMR (Centre d’études des peintures murales romaines), puis dès l’année suivante, avec des étudiants de la MST (maîtrise de sciences et techniques) de restauration de l’université de Paris I qui, encadrés par les plus anciens, trouvèrent là pendant six ans la possibilité de s’initier à la fouille et à l’étude des peintures murales2.

  • 3 L’atelier de restauration n’ayant jusque là fonctionné qu’en même temps que la fouille, il restait (...)

6L’aboutissement normal de ce travail était le sauvetage définitif des peintures par leur report sur mortier synthétique et leur présentation au musée municipal de Limoges où la conservatrice nous proposait de les accueillir. Mais il nous fallait pour cela des moyens financiers qui dépassaient nettement les ressources d’un chantier de fouilles3. C’est dans ces perspectives que fut créée l’Association pour la sauvegarde de la villa gallo-romaine du Liégeaud en Limousin : elle rassemblait tous ceux qui, originaires de La Croisille, de Limoges ou d’ailleurs, s’étaient intéressés au site, souhaitant le voir protégé et ses peintures présentées au public. Elle s’attela immédiatement à la mise au point d’un programme de sauvetage des peintures, avec proposition d’un calendrier des opérations et chiffrage des besoins en matériel et en personnes. Ce projet valut à l’Association d’être lauréate, en 1982, de la Fondation des pays de France (animée par le Crédit agricole) pour le département de la Haute-Vienne, et de bénéficier d’une importante subvention qui, complétée par des contributions de la Ville de Limoges (pour le musée des Beaux-Arts) et du Conseil général de la Haute-Vienne, permit de faire fonctionner l’atelier pendant six mois avec trois restauratrices. En février 1983 eut lieu, dans les locaux du Crédit agricole de Limoges, une exposition qui présentait les panneaux de peinture et retraçait les étapes du travail de restauration.

7L’intérêt de ces peintures, pourtant très lacunaires, n’avait pas été surestimé. On verra que, dans le cadre de l’architecture résidentielle de la Gaule romaine, elles constituent, par leur épigraphie et leur iconographie, un unicum (ce qui n’a pas été d’ailleurs sans nous rendre la tâche difficile, voire hasardeuse) qui permet d’évoquer la personnalité d’un des propriétaires de la villa et d’en illustrer une évergésie.

8Quant à la fouille des structures elles-mêmes, le programme défini initialement s’est achevé en 1981 : en fait, il s’est avéré rapidement que la zone retenue correspondait à une aile du bâtiment résidentiel. Malgré les nombreux dégâts causés par l’exploration clandestine, elle a livré suffisamment d’informations pour que nous ayons pu analyser les phases successives du bâtiment résidentiel et les accompagner d’observations sur la construction et sur l’évolution du plan.

  • 4 Cf. la publication, à ce moment-là, de G. Chouquer et F. Favory (1980) et la présentation de l’expo (...)

9S’est alors posée la question de savoir si l’on élargirait la fouille aux autres structures. En quelques années en effet la démarche de la recherche à l’égard de l’habitat rural gallo-romain s’était modifiée. On prenait conscience du peu de résultats obtenus par des fouilles trop longues ; les progrès des différents modes de prospection transformaient l’approche de l’espace rural ; la fouille en aire ouverte introduisait des rythmes nouveaux. Il devenait clair que la problématique s’élaborait désormais en d’autres termes que ceux de la fouille traditionnelle4.

10Au Liégeaud, les recherches devaient porter non seulement sur la suite du bâtiment résidentiel mais aussi sur les locaux d’exploitation, les dispositifs agricoles et l’environnement rural. Si le couvert forestier constituait un obstacle pour des fouilles de faible envergure, il était aussi un garant de la conservation des structures et de la stratigraphie. Mais il fallait alors envisager la mise en place d’un programme riche en moyens scientifiques et financiers pour être mené à bien dans les délais les plus courts et établi dans le cadre d’une région suffisamment vaste.

11Or il est apparu que, mise en concurrence avec d’autres sites, la villa du Liégeaud ne correspondait pas au meilleur choix pour une telle opération. Il a donc fallu en rester à des résultats très partiels qui portent –déjà– la marque de la décennie 1970-1980 et qui reflètent l’état de la recherche en archéologie gallo-romaine. Nous avons cependant considéré que les observations faites et les résultats obtenus nous autorisaient à entreprendre la publication de cette fouille, dont nous sommes les premiers à souligner le caractère très incomplet. La seule action qui nous soit encore possible pour le site, est d’y garantir la possibilité de recherches ultérieures en assurant sa protection définitive. Aussi l’Association s’emploie-t-elle à obtenir, en accord avec les autorités compétentes, l’inscription du site à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, afin d’y constituer une des réserves archéologiques du Limousin gallo-romain.

Notes

1 Villa du Boin à Saint-Eloy-les-Tuileries (Corrèze) ; villa de Cujasseix à Rougnat (Creuse) ; villa des Couvents à la Chapelle-Montbrandeix (Haute-Vienne) (Kisch 1975).

2 Entre 1973 et 1975, l’atelier fut animé par deux stagiaires du CEPMR (Centre d’études des peintures murales romaines, Soissons). A partir de 1978, ce sont des étudiants de la MST (maîtrise de sciences et techniques) de conservation et restauration des objets d’art et des sites et du matériel archéologique de l’UER 03 de l’université Paris I qui en assurèrent le fonctionnement. Chaque année, sous la direction des trois diplômées de cette formation qui menèrent en 1982 les opérations de restauration, nous pûmes accueillir de 2 à 4 stagiaires qui participèrent aussi bien à la fouille des peintures qu’à leur traitement en atelier.

3 L’atelier de restauration n’ayant jusque là fonctionné qu’en même temps que la fouille, il restait des milliers de fragments à nettoyer et à consolider. Il fallait ensuite passer à la confection des panneaux muséographiques.

4 Cf. la publication, à ce moment-là, de G. Chouquer et F. Favory (1980) et la présentation de l’exposition « Esclaves et maîtres en Etrurie romaine, les fouilles de la villa de Settefinestre ». La Programmation de la recherche archéologique de terrain en France, ministère de la Culture, sous-direction de l’Archéologie, parue en 1982, invitait fermement au renouveau.

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