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Les mines d’argent du duché de Lorraine au XVIe siècle

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Jacques Grandemange

Chapitre 1. Histoire des mines ducales du Val de Lièpvre

Les comptes des receveurs (1512‑1628)

1. Geschichte der herzogtümlichen Bergwerke aus dem Val de Liepvre : Rechnenarchive (1512‑1628)

1. History of the Duchy mines : the registers of the receiver’s office (1512‑1628)

Résumé

Les comptes des receveurs des mines permettent de retracer l’évolution de l’activité minière entre 1512 et 1629 avec ses phases de recherche et d’abandon, de production et de déclin. Se répartissant en douze secteurs principaux, 276 mines sont ainsi mises en exploitation, mais 24 seulement vont produire de l’argent, du cuivre et parfois du plomb. Le nombre impressionnant de recherches stériles montre les difficultés mais aussi l’opiniâtreté de la prospection. Celle‑ci mettra d’ailleurs 38 ans pour découvrir les riches filons de la colline de St‑Pierremont. L’essor de la production s’étend sur 20 ans. Il débute en 1551 et s’achève en 1571. Pendant ces 21 ans, la production moyenne s’élève à 1 298 kg d’argent fin par an, ce qui est considérable pour le duché de Lorraine. La quasi‑totalité de cette production est l’œuvre de seulement 4 mines du secteur de St‑Pierremont : St‑Guillaume, St‑Jean, Notre‑Dame‑de‑Pfennigthorne associée à St‑Henry‑l’Empereur-au‑Don‑de‑Dieu et Samson. Mais la production chute inexorablement dès 1572 et, en dehors d’une courte reprise en 1591 et 1593, elle deviendra négligeable à l’aube du xviie s.

Texte intégral

1.1 Introduction

1.1.1 Le cadre

  • 1 Les célèbres mines d’argent de Potosi (Bolivie), Zacatecas et Guanajuato (Mexique) né furent découv (...)

1A la fin du Moyen Age, l’Europe occidentale connaît une pénurie de métaux précieux : l’or africain arrive avec parcimonie, l’argent manque sur le marché. Cette demande insistante et urgente va favoriser une reprise de l’activité minière et métallurgique dans les pays germaniques et leurs marges (Braunstein 1983 : 5). Amorcée dès 1450, cette recrudescence va se prolonger jusqu’au milieu du xvie s. car la conjoncture pour l’argent n’est pas encore modifiée par les arrivages du Nouveau Monde : l’essentiel des valeurs étant alors constitué par l’or d’orpaillage des Antilles, puis par l’or de pillage des trésors aztèques et incas (Chaunu 1969 : 50‑51 ; Peronnet 1981 : 42)1

2Cette relance de la production métallique se vérifie dans tous les sites miniers allant des Carpates aux Vosges : dans sa Cosmographie, Munster confirme qu’« il n’y a aujourd’huy nation ou région en toute l’Europe qui soit riche en métaulx come est la Germanie [...] et singulièrement d’argent, lesquelles ne sont guères sans cuyvre, estain et plomb » (Munster 1552 : 476).

3Ainsi naissent, ou sont remis en exploitation, plusieurs centaines de sites miniers : d’est en ouest, les plus célèbres sont Kremnitz et Schemnitz (monts métallifères, Tchécoslovaquie), Jilhava (Iglau, province de Moravie en Tchécoslovaquie), Kutna‑Hora et Jachymov (Kuttenberg et Joachimsthal, province de Bohème en Tchécoslovaquie), Freiberg, Annaberg, Marienberg et Schneeberg (Erzgebirge en ancienne RDA), Goslar, Rammelsberg (Harz en ancienne RDA) et Schwaz dans le Tyrol autrichien. Sur la bordure ouest de cette étendue minière, s’inscrivent dans la même perspective, les mines du Val de Galilée (La Croix‑aux‑Mines) et du Val de Lièpvre (Ste‑Croix‑aux‑Mines et Ste‑Marie‑aux‑Mines).

  • 2  Der Anschnitt, Juin 1964, 16e année, no 3, p. 8:

4Si la conjoncture économique, associée à une paix relative, a relancé la production métallique, celle‑ci a immédiatement bénéficié d’importantes innovations techniques qui ont modifié en profondeur la conception même des exploitations. L’innovation la plus décisive est l’invention de la voie de roulage et de son « chien » (Benoit 1982 : 69). Dès 1478, dans l’église paroissiale d’Imst, non loin de Schwatz en Autriche, une fresque représente un mineur poussant son chariot à l’intérieur de la mine2. Mais, fait connu de tous ceux qui travaillent sur les sources iconographiques, dans la perspective d’une histoire des techniques anciennes, les représentations sont, dans l’immense majorité des cas, largement postérieures à l’innovation (Benoit 1982 : 67‑83). Tenter une chronologie à partir des documents figurés est très aléatoire. La technique du roulage n’échappe pas à cette règle, comme nous le confirme l’inventaire de la mine de Pampailly (Rhône), établi en 1454 par le procureur Jean Dauvet, qui, à la suite de la saisie des biens de Jacques Cœur, cite les « charretz » pour rouler dans la mine. Les comptes d’exploitation de 1455 à 1457 (Rendu 1984) de cette mine sont encore plus précis : les « ais » ou planches de roulage apparaissent, le maître mineur, un Allemand, est chargé de construire un chariot en 1455... Enfin, les fouilles archéologiques conduites sur ce site par P. Benoit depuis 1981 ont mis au jour les vestiges d’une voie de roulage que le laboratoire romand de dendrochronologie date de 1466 à 1478 (Benoit et al. 1985 RFP : 64). Si cette « voie » est actuellement la plus ancienne connue, il est également certain que cette technique était déjà pratiquée avant 1450 dans des sites miniers des pays germaniques (Benoit 1982 : 67‑83). Exploitée et diffusée par les maîtres mineurs allemands alors fortement sollicités sur l’ensemble des sites de la bordure ouest de leur province minière (Alpes, monts du Lyonnais, Vosges), cette technique semble avoir été rapidement adoptée, sans que l’on puisse pour autant préciser les dates et les itinéraires de diffusion, compte tenu de l’état actuel de nos connaissances.

5Cette technique de roulage, si importante soit‑elle, n’est qu’un exemple. D’autres innovations, d’autres adaptations et leurs perfectionnements, nés de la mine ou adoptés par elle, se mettent en place, créant ainsi un véritable système technique, reflet tangible d’une nouvelle conception de l’espace minier et de son exploitation.

6C’est ainsi que les travaux s’approfondissent considérablement ; les galeries d’exhaure se multiplient et prennent des proportions stupéfiantes ; des systèmes sophistiqués de pompage, actionnés par des roues hydrauliques de 8 à 10 m de diamètre, sont installés dès la fin du xve s. en Slovaquie et dans le Harz (Braunstein 1983 : 6). L’amélioration des techniques, l’adoption et la diffusion de ces innovations indispensables à cet essor minier vont rencontrer, ici et là, des difficultés, des freins, et leurs propres limites. La transmission des nouveaux « savoir‑faire » n’a pas été égale, ni dans les dates, ni dans leur contenu, ni dans tous les centres miniers et métallurgiques (Braunstein 1983 : 7). Ces disparités s’expliquent probablement par de multiples causes qui peuvent être complémentaires : importance des gîtes, nature des minerais, structures juridiques et sociales, abondance ou non de main‑d’œuvre, possibilités d’investissement.

  • 3 Le Graduel de Saint‑Dié, œuvre anonyme, exécutée pour le Chapitre de l’« Insigne Eglise Collégiale  (...)
  • 4 Comptes du receveur de St‑Dié et de La Croix. ADMM B 8838 à 8846, renseignements communiqués par Ja (...)

7Cette effervescence technique, après quelques inévitables tâtonnements, se stabilise dans les premières décennies du xvie s. où les innovations semblent au point et largement diffusées jusqu’à l’autre extrémité de cet espace minier germanique : dans le duché de Lorraine, région de langue française. Deux exceptionnels documents iconographiques attestent cet acquis : le Graduel de Saint‑Dié (1504‑1514)3 et surtout les 25 planches du manuscrit d’Heinrich Gross (1530) qui, par des dessins à la plume rehaussés de couleurs, décrit en détail l’activité de la mine St‑Nicolas à La Croix‑aux‑Mines, dans les Vosges. Ces documents, que nous aurons l’occasion d’étudier plus avant, sont d’une importance essentielle pour l’histoire de la représentation des mines. Comme l’a mis en lumière P. Benoit (Benoit 1982 : 80), ces planches offrent « la première image moderne d’une mine moderne ». Cette vision de la mine principale du Val de Galilée correspond à sa période de production maximale qui, entamée dès 1518, se poursuivra jusqu’en 15384.

8À dix kilomètres de là, à vol d’oiseau vers l’est, les mines méridionales du Val de Lièpvre, à l’Altenberg, sous la juridiction de la seigneurie de Ribeaupierre, sont aussi en plein essor (Grandemange 1983b RFP : 1‑53). Celles du duché de Lorraine, situées essentiellement au nord de la Lièpvrette, n’ont pas encore découvert de riches filons, malgré d’actives recherches comme le montrent les comptes du receveur. C’est en 1549, à une année près, que la découverte a lieu. A la même époque, dans la seigneurie de Ribeaupierre, les riches filons du Neuenberg sont mis en exploitation (Schurra 1580 : 3), relayant avec profit ceux de l’Altenberg qui ont entamé leur déclin. Ces nouvelles et dernières exploitations, très tardives par rapport aux sites miniers germaniques, mais aussi du Lyonnais par exemple, bénéficient alors d’un faisceau de techniques très complet et très performant, arrivé à un point de maturité tel que de grands ouvrages humanistes lui sont consacrés.

  • 5 Haubinsack fut nommé juge du pays (Landrichter) du côté alsacien du Val de Lièpvre en 1531, il le r (...)

9En premier lieu, l’édition française (1552) de la Cosmographie de S. Munster, avec ses pages consacrées à la description des mines du Val de Lièpvre, côté de la seigneurie de Ribeaupierre, et réalisées avec la collaboration du juge du pays, Haubinsack5, fait état de cette situation. Bien plus encore, l’année 1556 livre deux documents exceptionnels qui, par le texte et les dessins, donnent une vue très précise des différentes techniques minières et métallurgiques alors très au point et même très sophistiquées pour certaines d’entre elles. Il s’agit tout d’abord de l’ouvrage de Georgius Agricola, De re Metallica et du Schwazerhergbuch, superbe manuscrit, qui décrit les techniques et les institutions de Schwaz. Ce célèbre district minier argentifère du Tyrol, dont la production est toujours aussi forte à cette date, bien que son apogée date des deux premières décennies du xvie s. fait ainsi déjà partie de l’Histoire.

  • 6 Elles furent exploitées aux xiiie et xive s., voire avant. Bournon, en 1838, signale l’existence d’ (...)
  • 7 Une très importante activité minière s’est déroulée aussi à l’Altenberg (Ste‑Marie‑aux‑Mines) bien (...)
  • 8 La guerre de Trente Ans s’étend de 1618 à 1648 et s’achève par le traité de Westphalie. Mais pour l (...)

10C’est dans ce cadre que s’intégrent les mines du Val de Galilée et, un peu plus tard, celles du Val de Lièpvre. Les premières sont remises6 en exploitation peu après la fin des troubles causés par les guerres de Bourgogne qui s’achèvent devant Nancy en 1477, les secondes ne le sont qu’au début du xvie s.7. La guerre de Trente Ans sonne le glas en 16308 pour ces exploitations qui, épuisées depuis la fin du xvie s., sont agonisantes. Entre les deux, elles participent à l’expansion économique et politique mise en œuvre par les ducs de Lorraine, au moment où les Habsbourg dominent l’Europe.

1.1.2 Les différents secteurs miniers du duché de Lorraine

  • 9 — Conrad Clotz de Kaysersperg : fermier des mines du pays de Voge (ADMM B2, F°81) confirmé dans la (...)
  • 10 ADMM B 421. Ordonnance du 4 juillet 1486. F°1.
  • 11 Id. note 10.
  • 12 — Comte Oswalt de Tierstein, maréchal de Lorraine ; Jean d’Ainvau, lieutenant de St‑Dié et Johannes (...)

11Alors que Conrad Clotz de Kaysersperg9 disposait dès 1481 de « toutes et quelconques mynières de notre pays de Vosges desia trouvées et à trouver de quelque métal et qualité ce feust, tant à Sainct Nicolas de la Croix, au Chippau, comme ailleurs en tout le dit pays »10, le duc René II (1473‑1508) « désirans le bien, prouffit et augmentation de nostre état »11 consent en 1486 à « octroyer à tous qui vouldroient labourer, besongner et sercher mynières en nostre pays, que faire le puissent sans difficulté » après que les nouveaux admodiateurs du pertuis St‑Nicolas12 « se soient advisez que eulx seuls ne pourraient descouvrir ne sercher toutes les mynières estans en notre dit pays de Vosges » (fig. 1).

FIG.1 – Sites miniers polymétalliques du duché de Lorraine (1481‑1630) : vallons miniers du Val de St‑Dié, du Val de Lièpvre et de la vallée de la Haute‑Moselle.

  • 13 ADMM B 421.
  • 14 ADMM B 421. Ordonnance du 12 juin 1508. F°19.

12Le coup d’envoi était donné et les exploitations allaient dès lors se multiplier rapidement dans la région de St‑Dié, dans les vallées de la Meurthe et de ses affluents : la Fave au nord‑est et la Morte au sud‑est. Dès 1486, des exploitations sont attestées13 dans ces trois vallées : St‑Esprit et St‑Jean à Lubine (vallée de la Fave), Ste‑Croix à Mandray (vallée de la Meurthe), Notre‑Dame et St‑Pierre au ban de Laveline, St‑Nicolas‑de‑la‑Croix au Chipal (vallée de la Morte). Cette dernière mine bénéficie d’un statut très particulier dès 1486 car « ses parconniers ont esté les premiers qui du temps du Seigneur roy ont com mencé à besongner esdictes mynes »14. Elle est et sera la plus productive des mines du Val de St‑Dié. Mine maîtresse, elle devient modèle par les célèbres dessins que Heinrich Gross lui consacre en 1530.

  • 15 Le marc utilisé en Lorraine était celui de Troyes pesant 244,7 g, voir le chapitre sur les mesures (...)
  • 16 Cabourdin 1969 : 94. Cette livraison maximale d’argent correspond à la plus forte production de cuv (...)
  • 17 La mine Notre‑Dame‑de‑Lusse, provisoirement abandonnée vers 1540, reprise avec profit en 1553, prod (...)
  • 18 Une mine St‑Jacques est en activité en 1501 (ADMM B 8834). Le 5 novembre 1516, une sentence déboute (...)

13L’apogée des mines du Val de St‑Dié s’étend sur vingt ans. Entamée en 1518, la production décline en 1538 après avoir connu un maximum en 1523 avec la livraison de 6 386 marcs d’argent fin (soit 1 563 kg)15 à la Monnaie de Nancy16. Pendant cette période, et même au‑delà, l’activité minière s’étend considérablement dans le Val de St‑Dié. Outre les lieux‑dits ou vallons miniers cités précédemment, de nouvelles mines sont exploitées à Colroy‑la‑Grande, à Lusse17 et Merlusse dans la vallée de la Fave, au Repas, à Raves, à Bonipaire, Anozel18 et Cheuvry dans la vallée de la Meurthe et même à St‑Jean‑d’Ormont dans le vallon de la Hure, au nord de St‑Dié (fig. 1).

14Pendant ce temps, à 10 km du Val de Galilée, se développait une importante activité minière au Val de Lièpvre, de part et d’autre du ruisseau de la Lièpvrette, tant sur les terres ducales au nord que sur celles de la seigneurie de Ribeaupierre au sud.

  • 19 ADMM B 8835 (1510‑1515). Comptes des mines de St‑Dié et de La Croix.
  • 20 Ce qui place l’ouverture de la mine au moins dix ans avant la date annoncée par Haubinsack : « En 1 (...)
  • 21 A titre de comparaison, 61 recherches minières ont été réalisées sur la partie Alsace dans le même (...)
  • 22 ADMM B 8844 (1529).

15Dès 1512, deux mines sont mentionnées dans les comptes de Gérard d’Allencombe19 : Notre‑Dame « du Val de Lièpvre » et St‑Jacques « à Saincte Marie »20. Là aussi, les exploitations vont se multiplier rapidement surtout après la guerre des Paysans en 1525 : 44 recherches minières sont déjà effectuées entre 1512 et 152621, 88 nouvelles sont mentionnées dans le seul compte de l’année 1529, ce qui sera d’ailleurs le maximum22. Au total, les comptes étudiés ne nous livrent pas moins de 276 mines exploitées dans les différents vallons miniers entre 1512 et 1628, date d’arrêt des travaux. L’essor de la production des mines ducales du Val de Lièpvre s’étend sur vingt ans tout comme celui des mines du Val de St‑Dié, mais lui succède treize ans plus tard. Il débute en effet en 1551 et s’achève en 1571 inclus. Pendant ces vingt‑et‑une années, la production moyenne calculée s’élève à 1 298 kg d’argent fin par an, ce qui est considérable pour le duché de Lorraine. La production chute inexorablement dès 1572 et, en‑dehors d’une courte reprise en 1591 et 1593, deviendra négligeable dès le début du xviie s. (fig. 1).

  • 23 Les mines St‑Pierre, St‑Guillaume, Ste‑Barbe, St‑Jacques sont citées dans les comptes des mines de (...)
  • 24 Ordonnance de Charles III, promulguées les 16 mars 1571, 2 Juin 1588 et 2 septembre 1596. Ordonnanc (...)
  • 25 En dépit de graves troubles causés par une épidémie de peste en 1636 puis par le passage de soldats (...)
  • 26 ADMM B 8335.
  • 27 ADMM B 8341.

16Tout au sud du duché de Lorraine, un troisième et dernier secteur minier se développe dès le milieu du xvie s, dans la vallée de la Moselle sur des filons essentiellement cuprifères, métal qui est alors de plus en plus recherché pour la frappe et dont le prix ne cesse de croître alors que celui de l’argent évolue très lentement et par longs paliers de stagnation. Cette demande de cuivre favorise à partir de 1550 l’exploitation des mines de Bussang23 ainsi que celles du Thillot situées sur le versant nord‑est de la Tête du Midi mais dont les filons se poursuivent sur le versant sud‑ouest, à Château‑Lambert (Grandemange 1978 : 71‑83), territoire des ducs de Bourgogne. Si les premiers travaux dont font état les archives de Haute‑Saône (Chevallot 1893 : 3) remontent à 1510, les ordonnances promulguées à partir de 157124 associées aux mentions tardives des comptes, attestent une forte activité minière à partir du dernier tiers du xvie s. seulement, mais qui se poursuivra jusqu’en 163025. En dehors de ces deux pôles miniers principaux, d’autres recherches infructueuses se sont développées dans la vallée de la Moselle clans la seconde moitié du xvie s. à Ramonchamp26 et Fresse27 principalement (fig. 1).

  • 28 ADMM B 826. F°80.8.

17Cet aperçu sur les différents centres miniers ducaux montre que les phases de production des trois secteurs exploités –Val de Galilée, Val de Lièpvre et mines de la vallée de la Moselle– se succèdent du début du xvie s. jusqu’en 1630. Malgré une ferme politique ducale de soutien à la recherche et à la production du métal blanc qui s’épuise inexorablement dans le Val de Galilée puis dans le Val de Lièpvre, l’exploitation du cuivre, destinée à une importante frappe monétaire visant la revalorisation de l’argent, lui succède dans les mines de la vallée de la Moselle. En vain, puisqu’en 1624 « ledit billon ne se peut plus recouvrer en Lorraine et qu’il est nécessaire de se servir des pays estrangers pour en avoir »28

1.1.3 Le Val de Lièpvre : conflits et compromis entre Lorraine et Empire

  • 29 Traité de partage ou paix castellane « Burgfrieden » du 9 décembre 1399 entre Smassmann de Ribeaupi (...)

18Situées sur le versant est de la chaîne des Vosges, à égale distance (23 km) de St‑Dié à l’ouest et de Sélestat à l’est, les mines ducales se rencontrent plus précisément dans les vallons et monts situés en rive gauche de la Lièpvrette et de la Liverselle, rivières faisant office de frontière entre le duché de Lorraine et la seigneurie de Ribeaupierre depuis le traité du 9 décembre 1399 (fig. 2)29

FIG. 2 – Limites territoriales du Val de Lièpvre d’après un fond de carte d’Adolphe Lesslin (1860). Le grisé délimite la seigneurie de Ribeaupierre.

  • 30 Le 29 septembre 1374 (Buhler 1967 : 15). Echappant au cadre de notre étude, nous n’entrerons pas da (...)
  • 31 Aujourd’hui Echery.

19Ce traité met fin aux premières querelles territoriales qui sévissent entre les deux souverainetés depuis 1381, date de l’extinction de la famille d’Echery, et dont l’enjeu de la succession concerne alors le château d’Echery avec ses droits et fiefs. Les Ribeaupierre, ayant obtenu des ducs de Lorraine des droits d’héritage30 sur les fiefs des Echery, reçoivent la moitié du château et les territoires situés en rive droite de la Lièpvrette : St‑Guillaume31, Ste‑Marie, Fertrupt et St‑Blaise. Les ducs de Lorraine et leurs vassaux, les seigneurs de Hattstatt, successeurs directs de la famille d’Echery, reçoivent l’autre moitié du château ainsi que les territoires situés en rive gauche de la Lièpvrette : Ste‑Marie, Ste‑Croix, le Petit et le Grand‑Rombach, l’Allemand‑Rombach et Lièpvre.

20En fait le traité de partage omet de décrire avec précision les limites des bans et juridictions qui font partie du château d’Echery et du Val de Lièpvre à l’exclusion de sa bordure vers l’ouest caractérisée par la crête « à partir du lieu même où la neige coule dans la vallée » (Buhler 1967 : 18). Ce flou dans les délimitations sera source de nombreux autres conflits territoriaux dont l’enjeu devient les mines d’argent au début du xvie s.

  • 32 Ratification par Antoine, duc de Lorraine, de l’arbitrage intervenu entre les commissaires du duc e (...)
  • 33 ADHR E 1815 (1514).
  • 34 Relation adressée à l’empereur par les membres de la commission impériale des résultats des entreti (...)
  • 35 Désignés par l’empereur, Michel Ott et Kridwis vérifient les limites territoriales relativement aux (...)
  • 36 ADMM B 9648 (1521), copie A Deg. 3511‑3, p. 1.
  • 37 La Furst ou la First : col de Ste‑Marie (772 m d’altitude).

21Haubinsack nous apprend que la mine St‑Jacques est à l’origine du conflit « entre les deux princes d’Autriche et de Lorraine, concernant leur droit de souveraineté, que chacun, conseillé dans un esprit de querelle et dans l’erreur, croit pouvoir s’attribuer à l’exclusion de l’autre » (Haubinsack 1570 : 14). Ce conflit, attesté dès 1513 par une première transaction pour « terminer les differans estant de présent entre nous et eux »32 semble avoir débuté au moins en 1512, date de la première mention de la mine dans les comptes de Gérard d’Allencombe. Cette querelle, loin d’être réglée par l’arbitrage de 1513, est source de nouvelles transactions en 151433 concernant les droits respectifs des deux juridictions sur la Lièpvrette qui sert de limite entre les territoires. Les Ribeaupierre faisant appel à l’empereur Charles Quint, le conflit devient aigu en 1516 : le duc de Lorraine soutient une guerre contre Francis de Sickingen et Gangolphe de Gueroldseck, seigneurs dépendants des Ribeaupierre. De nouveaux entretiens34, de nouvelles vérifications35 débouchent sur la signature d’un accord à Fribourg‑en‑Brisgau le 15 novembre 1518 (Cabourdin 1969 : 94). Le conflit ne cesse pas pour autant ; les Ribeaupierre, forts de l’aide impériale et trop intéressés par la mine St‑Jacques et, par extension, aux futurs autres ouvrages susceptibles de les enrichir, prétendent s’approprier purement et simplement l’ensemble des territoires ducaux comme nous l’apprennent « les dispositions, articles et matières de preuves pour la Sacrez maiestez de l’Empereur, contre le Duc Anthoynne de Loraynne »36. Trente‑six articles composent ce réquisitoire dont les prétentions s’appuient sur un véritable sophisme qui s’articule en cinq points :
– « La montagne de Vosge que l’on dit et appelle en commung langaige thiois et d’Allemaigne die Furst37 a tousiours esté une marche, borne et limite que sépare et despart le pays de Lorraine et aultres seigneuries du pays d’Aulsais » (article 1) ;
–  « En telle sorte que ce qu’est deçà des marches et limites de la haulte montaigne dicte la Furst où que les neiges se fondent et ont leur decours au Rin, cela est d’Aulsais et Allemaigne » (article 1, suite) ;
–  « Le village de Saincte Marie, la clostre et monastère de Lebero, et tout le Vaul de Lyevre sont sys et situez deçà First et des montaignes de Vosge selon que les neiges se fondent et décourent au Rin » (article 25) ;
–  «  Les lectres de fondation, confirmation, libertez et privilèges d’icelluy monastère et esglise de Lebero démonstrent et déclairent amplement que les dictes fondacions, ensemble de leurs prééminances, suprioretez et appartenances, sont situez en Aulsais » (article 26) ;
–  « Et aussi est‑il vrai que les villages de Saincte Marie, Saincte Croix, Leberoix, le Grand et le Petit et les deux Rombach soulloient appartenir à l’esglise et monastère de Leberoix » (article 27).

  • 38 « Interrogatoires pour la part de Monseigneur le Duc de Calabre, de Loreine et de Bar selon lesquel (...)

22Sans affirmer leur implicite prétention de souveraineté sur les terres situées « en deçà de la First », les ambitions des Ribeaupierre sont claires. Dans l’enquête sur les limites territoriales des deux seigneuries38, c’est un témoin, Demoinge Fora, habitant à Ste‑Marie, sous la juridiction des Ribeaupierre, qui fait le pas en avant : « La montagne qu’on dit la First, selon que les neiges se fondent au Rin estoit souveraineté de l’Empereur, et ce qu’estoit deslà la dicte montaingne selon que les neiges se fondent et vont en la Muselle, estoit de la souveraineté de Lorraine. »

  • 39 — Haubinsack reconnaît donc l’existence des terres ducales. Reste à leur trouver, paradoxalement, u (...)
  • 40 Aucun interrogatoire n’est en effet négligé : quelle que soit sa condition, tout homme âgé est appe (...)

23« Pour essayer de résoudre ce conflit entre les deux très louables maisons princières relativement au droit de souveraineté sur la partie lorraine39 du Val de Lièpvre, on s’adressa d’abord aux couvents et conseils de fabrique voisins : on chercha aussi assidûment à recueillir des renseignements et des témoignages40 auprès de nombreuses personnes âgées, et on consulta en particulier le docteur Jeromini Baldung, un homme très avisé qui alla si loin dans son enquête, qu’on interrogea même les chaudronniers et les étameurs ambulants. » (Haubinsack 1570 : 15).

  • 41 Bergwerkspläne bei Markirch im Elsass. 1513‑1520. Tiroler Landesarchiv, Karte no 267.

24Nous devons à ce conflit de territorialité la première carte du Val de Lièpvre41, qui représente de part et d’autre de la Liepvrette les territoires des deux souverainetés avec leurs villages, leurs châteaux, entrées de mines, cours d’eau et chemins respectifs. Cette carte, dressée pour le dossier des Ribeaupierre, donne une vision très déformée du Val : les terres des Ribeaupierre sont considérablement réduites au profit de celles du duché de Lorraine dont l’extension est exagérée (fig. 3). Argument principal de la prétention des Ribeaupierre, la Furst, ligne de crête et de partage des eaux, ancienne limite ouest du Val avant le traité de 1399, est représentée avec ses croix et ses bornes.

FIG. 3 – Le Valde Lièpvrevers 1520.

Cliché Tiroler Landesarchiv, carte no 267.

  • 42 Haubinsack a écrit la majeure partie de sa chronique en 1548 et l’a complétée en 1570.
  • 43 Mines St‑Jacques et St‑Joseph. Cette dernière, mentionnée dans les comptes des receveurs entre 1520 (...)
  • 44 Fron = dîme, Wechsel = taxe du dixième sur le marc d’argent fin.
  • 45 Compromis et transactions passées de 1527 à 1555 entre les Maisons d’Autriche et de Lorraine, au su (...)
  • 46 « Extralct des billons d’argent prouvenans des mynes du Val de Lièpvre, le tout calculez à la certa (...)
  • 47 En 1536, Ferdinand I avait ouvert à Thann un atelier monétaire remplacé en 1584 par celui d’Ensishe (...)
  • 48 ADMM B 10384 (1589).
  • 49 ADMM B 9654 (1554) par exemple.

25Enquêtes, interrogatoires, procès verbaux de visite, transactions, accords se succèdent en vain depuis 1513. Le conflit s’enlise. En 157042, Haubinsack nous relate que « ce différent reste de nos jours encore en suspens, il a néanmoins été convenu, en attendant la résolution du compromis, que chacun des deux princes aie la jouissance de la mine et que chaque partie institue son propre juge des mines ». Le duc de Lorraine, encore vassal de l’Empire, est donc contraint, sous la pression des Ribeaupierre, d’abandonner la moitié du produit de la mine St‑Jacques bien que celle‑ci soit clairement située en rive gauche de la Lièpvrette, sous sa légitime souveraineté. Ce partage du produit des mines43 est déjà attesté pour la période allant du 1er juin 1521 au 1er mars 1523 : « Le fron et le Wechsel44 a été remis à la part de sa Majesté Impériale [...] un montant de 391 florins 23 blapart. La même quantité a été remise au Duc de Lorraine pour sa part. » (Anonyme 1523 : 8). Ce compromis provisoire décidé dans les années 1518‑1521 environ subsistera en fait jusqu’en 1628, date d’arrêt des travaux, et s’appliquera à l’ensemble des mines ducales du Val de Lièpvre. Les aspects essentiels caractérisant ce compromis qui sera complété entre 1527 et 155545 sont les suivants :
– la dîme prélevée sur les productions d’argent, de cuivre et de plomb est partagée entre le duc de Lorraine et l’archiduc d’Autriche ; tous les comptes du receveur en font état ; il en est de même de la dîme prélevée sur les locations ou ventes de fonderies ;
– la production d’argent est également très précisément partagée entre « les deux supérieurs »46 ; la moitié des billons est livrée à la Rappenmütz alsacienne, puis à Ensisheim à partir de 1584 où les archiducs ouvrent un atelier monétaire47 ; l’autre moitié est livrée à la Monnaie de Nancy « ainsi que de coutume »48 ;
– dans la même optique, la participation aux frais d’exploitation et de fonte des minerais, «le 10e denier», est équitablement partagée « qu’est pour la moitié en la part de Monseigneur le Duc »49 ;
– complication administrative et frein au développement des exploitations, les concessionnaires doivent solliciter l’accord des deux juridictions pour obtenir des aides ou l’exemption temporaire de la dîme ; les requêtes signalées dans les comptes montrent la disparité des décisions rendues, l’archiduc réduisant souvent ou n’accordant pas l’aide déjà consentie par le duc de Lorraine.

  • 50 Transaction portant que la rivière dite Landbach, qui sépare les deux territoires aura 20 pieds de (...)

26De nouvelles transactions et nominations d’arbitres s’effectuent pendant ce temps pour tenter de régler l’étèrnelle querelle territoriale qui, de la First, se cristallise sur le ruisseau de la Lièpvrette50, limite enfin reconnue entre les territoires (fig. 4), mais dont il faut établir les droits respectifs.

FIG. 4 – L’ancienne frontière entre les deux seigneuries est toujours visible aujourd’hui sur un pont qui enjambe la Lièpvrette à Ste‑Marie‑aux‑Mines.

Cliché J. Grandemange

  • 51 ADMM B 421. Règlement minier pour le duché de Lorraine du 12 Juin 1508. Celui du 12 octobre 1557 (m (...)
  • 52 ADHR I.E 157 (1552‑1577), inventaire.
  • 53 Inventaires séries E et plus particulièrement E 2028 (1538‑1659), E 1816 (1633‑1713) et E 1817 (173 (...)
  • 54 La Lorraine fut rattachée à la Couronne de France à la mort de Stanislas le 23 février 1766.

27L’essor de l’exploitation minière sur le versant alsacien, dans la première moitié du xvie s., provoque une forte immigration de mineurs et ouvriers allemands qui, adeptes de la Réforme, se fixent dans les villages du côté de Ribeaupierre ; le duc Antoine recrutant « toutes gens de quelques nations, conditions ou estatz ilz soient [...] [mais] de religion et foid catholique »51 et expulsant de Lorraine les calvinistes qui s’établissent à [...] Ste‑Marie‑Alsace52. Cette coupure linguistique et religieuse ne peut qu’exacerber la querelle territoriale. Celle‑ci se prolongera d’ailleurs bien au‑delà de notre cadre, aux xviie et xviiie s., comme le rapporte l’inventaire des archives départementales du Haut‑Rhin53. Ce conflit multiséculaire cessera en fait lors de la constitution des départements en 1790 : les législateurs, s’efforçant de tenir compte des limites naturelles, attribueront les anciennes terres lorraines54 du Val de Lièpvre et de St‑Hippolyte au département du Haut‑Rhin.

  • 55 ADMM B 9693. Compte de la surintendance des mines du Val de Lièpvre rendu par le sieur Pierre Fourn (...)

28Cette courte projection dans le futur permet cependant de mieux mesurer l’omniprésence du conflit dans lequel les mines ducales naissent vers 1512, s’y développent tout au long du xvie s. et y meurent en 1627 : « Le labourage des montagnes des mynes du Val de Lièpvre qu’estoit interrompu peu après le commencement de l’année 1626 et depuis entièrement cessé pendant l’année du présent compte 1627, à cause des difficultés suscitées par la Régence d’Ensisheim et des prétentions en dérivant contre les droictz et authoritez de son Altezze, icelles nestantes encore éclaircies ny terminées, ny a eu aucun denier de recepte desdictes mines pour l’an de ce compte. »55

1.2 Les sources

29Si les mines méridionales du Val de Lièpvre, relevant de l’archiduc d’Autriche sont abondamment citées et décrites par de multiples rapports régulièrement espacés tout au long du xvie s. permettant ainsi d’en suivre l’évolution, il en est tout autrement des mines ducales. Outre quelques mentions ponctuelles rédigées par Haubinsack et Munster principalement, il faut attendre le dernier quart du xvie s. pour avoir enfin un rapport descriptif (Anonyme : 1578) concernant 5 des 16 mines alors en activité. A défaut de localiser ces mines, ce rapport fait le point sur leur état d’avancement. Il en est de même pour les cartes ; le versant ducal est absent des exceptionnelles représentations graphiques de W. Schura qui retrace les entrées de mines, les galeries mais aussi les filons de l’Altenberg et du Neuenberg, les deux grands secteurs miniers archiducaux. C’est dire que les informations sont maigres à travers ces quelques documents...

  • 56 Entre 1473 et 1508 d’après les nominations de présidents, d’auditeurs et de clercs conservées dans (...)

30A défaut de disposer de rapports circonstanciés d’exploitation et de cartes de localisation, nous pouvons néanmoins retracer l’évolution des mines ducales grâce à leur riche comptabilité conservée dans le fonds de la Chambre des comptes de Lorraine aux archives départementales de Meurthe‑et‑Moselle. Cette Chambre des comptes, fondée tardivement à la fin du xve s. par le duc René II56, possède principalement les comptes des receveurs des différents bailliages mais aussi dans une moindre mesure les comptes des gruyers et quelques séries d’actes et de requêtes, ces derniers étant plus tardifs. Deux séries spécifiques de comptes complètent ceux du receveur et du gruyer de St‑Dié/La Croix et du Val de Lièpvre : il s’agit des comptes des mines.

31Dépouillés par J. Laurent dans le cadre d’une maîtrise d’histoire sur les mines du Val de Galilée, les comptes des mines de St‑Dié et de La Croix (B 8833‑8910) livrent les premiers comptes des mines du Val de Lièpvre qui, au début de leur exploitation, étaient tenus par le receveur de St‑Dié et de La Croix. Ces comptes révèlent les dépenses d’exploitation de 182 mines entre 1512 et 1543 (ADMM B 8835 à 8849). Cette série est malheureusement discontinue, les liasses concernant les années 1514, 1515, 1517, 1521, 1525, 1528, 1530, 1531 et 1538 à 1541 n’existent plus. Cette première étude porte donc sur 27 années représentant néanmoins 69,23 % de la période 1512‑1550.

  • 57 Correspondant aux cotes B 9650 (1531, 1533, 1535) ; B 9652 (1553) ; B 9654 (1554, 1555) ; B 9656 (1 (...)
  • 58 Jules Degermann, né à Ste‑Marie‑aux‑Mines le 5 novembre 1828. Après avoir dirigé les ateliers de te (...)

32Les comptes du receveur des mines ducales du Val de Lièpvre (B 9648‑9694) complètent les premiers avec un léger chevauchement car ils fournissent les comptes –de recettes et/ou de dépenses– de 1531 à 1634 (ADMM B 9650 à 9693). Ils se répartissent en 23 registres de comptes et en 22 liasses d’acquits servant aux comptes, parfois complétés de bilans de recettes et de dépenses d’exploitation. Dans cette première approche de la comptabilité des mines du Val de Lièpvre, nous avons étudié les 18 registres57 recopiés avec soin au xixe s. par J. Degermann58 et déposés depuis au fonds d’archives de la ville de Ste‑Marie‑aux‑Mines.

33Cette étude a été complétée par le dépouillement de 270 feuillets originaux correspondant aux registres B 9651 (1546, 1547 et 1551), B 9660 (1566), B 9666 (1571, 1572) et B 9693 (1626, 1627, 1629 et 1634).

34Un autre document concernant les comptes de production des mines a été analysé (B 8866). Rédigé en allemand, il fournit pour chaque mine et halde exploitée la production totale d’argent de 1563 à 1571 inclus, mais aussi la moitié théorique du billon revenant au duc ainsi que la quantité effectivement livrée à la Monnaie de Nancy. Ces comptes, signés de V. Kauffman, qui n’est autre que « l’esprouveur jurez des mines du Val de Lièpvre » de 1553 à 1590, nous ont permis de combler les années 1563, 1565, 1566 et 1570 d’une part et de contrôler, par recoupement, les bilans de production fournis par les comptes du receveur pour les autres années d’autre part.

35L’ensemble de ces documents comptables permet de suivre l’évolution de l’exploitation de 276 mines de 1512 à 1627 globalement, l’enquête étant essentiellement centrée sur le xvie s. Cette période 1512‑1600 est représentée par l’étude de 59 années comptables (soit 67 %), les registres concernant les années 1544‑45, 1548‑50, 1571, 1575‑76, 1585, 1587‑89, 1592, 1594‑96 et 1598‑1600 ayant été perdus et les liasses d’acquits servant aux comptes des années 1575, 1587‑89, 1592, 1594, 1596 et 1598‑1600 n’ayant pas été dépouillées dans cette première approche. La fin de cette exploitation séculaire a été partiellement retracée par l’étude des registres concernant les années 1608, 1610 (B 9683), 1623‑1629 et 1634 (B 9693).

  • 59 G. Cabourdin a surtout utilisé les rapports et mandements à la Chambre des comptes (1545‑1633) : AD (...)

36A la différence de G. Cabourdin qui a étudié essentiellement les comptes de livraison d’argent à la Monnaie de Nancy59, notre enquête se situe en aval et révèle, au sortir des fonderies, les chiffres de la production métallique, cuivre et plomb compris. Cet aspect nous donne une vision plus concrète de l’exploitation qui complète les travaux de G. Cabourdin.

37Afin d’obtenir d’utiles renseignements susceptibles de compléter le schéma de cette production métallique, les inventaires des comptes du gruyer (B 9624 à 9647) et du receveur du Val de Lièpvre (B 9539 à 9623) ont été consultés. Seules les cotes B 9541 à 9544 (1550‑1564), recopiées par J. Degermann, ont été dépouillées. C’est ainsi que nous avons appris que plusieurs mines achètent des pièces de bois pour » faire des corps à mener l’eau », « refectionner » ou « astan‑Ceonner » leurs ouvrages, ou encore pour recouvrir les toits de leurs bâtiments.

38En dehors de ces sources comptables, nous avons utilisé principalement les documents des archives départementales de Meurthe‑et‑Moselle. Dans le trésor des Chartes de Lorraine, l’inventaire des lettres patentes des ducs de Lorraine de 1473 à 1675 (index alphabétique dressé par E. Delcambre entre 1949 et 1963, Nancy, 7 vol. in 4°) et les ordonnances ducales du 4 juillet 1486, 12 juin 1508 et du 12 octobre 1557 concernant les mines du Val de St‑Dié puis du Val de Lièpvre (cartulaire de Lorraine, B 421). A nouveau dans les archives de la Chambre des comptes et plus particulièrement dans les comptes des mines de St‑Dié et de La Croix le « Recueil de tout le besongné de messieurs les présidents, procureur général et du greffier des comptes de Lorraine, commis par monseigneur de Vaudemont à la visitation des mynes du Val de Lièpvre et de La Croix, en l’année mil cinq cens cinquante sept » (B 8853) (fig. 5 et 6). Ce document important, outre qu’il dresse l’inventaire » de toutes les montagnes qui sont lébourées au Val de Lièpvre », anticipe sur le règlement minier du 12 octobre 1557 en citant les principaux articles sur « l’ordre qui est observé d’ancienneté ez mynes du Val de Lièpvre » (20 août 1557).

FIG. 5 – Extrait d’un compte de contrôle du receveur de St‑Dié. Folio 8, ADMM B 8853.

FIG. 6 – Un article de « l’ordre qui est observé d’ancienneté ez mynes du Val de Lièpvre ». Extrait des folios 4 (a) et 5 (b). 1557, ADMM B 8853.

  • 60 Thierry Alix, né vers 1530, devient en 1552 tabellion –juré des bailliages de Nancy et des Vosges e (...)

39T. Alix nous livre un second inventaire des mines d’argent, plomb et cuivre qui « se labourent présentement » dans son Dénombrement du Duché de Lorraine de 159460 publié en 1870 dans le Recueil de documents sur l’histoire de Lorraine.

40Telles sont les principales sources écrites utilisées pour retracer les grandes lignes de l’histoire des mines ducales du Val de Lièpvre. Nous ferons remarquer que, dans cette première approche, nous avons laissé de côté, outre les liasses d’acquits aux comptes du receveur des mines et les rapports et mandements à la Chambre des comptes déjà cités, les comptes de livraison d’argent à la Monnaie établis par H. Courcol, conservés dans la collection Lorraine à la Bibliothèque nationale de Paris (ms 317) ainsi que les Layettes du Trésor des Chartes de Lorraine et plus particulièrement les liasses B 492 et 493 (Ribeaupierre), B 739 et 740 (Hattstatt) et B 952 à 955 (Val de Lièpvre). C’est dire qu’il reste du travail pour affiner l’histoire de l’activité minière ducale que nous présentons.

1.3 Les receveurs et leurs comptes

1.3.1 Les receveurs

41Secteur minier annexé à celui du Val de St‑Dié pendant les deux premières décennies du xvie s., les comptes des mines du Val de Lièpvre sont non seulement tenus par les receveurs de St‑Dié et La Croix, mais inclus dans leurs liasses jusqu’en 1526.

  • 61 Ce compte a été perdu ainsi que les quatre suivants. Le 6e compte concernant l’année 1531 est en fa (...)

42Vraisemblablement suscité par la découverte des mines productives Ste‑Anne et Herrschafft à Musloch, le premier compte des billons d’argent du « Val de Lièpvre », établi par Jacques Reynette I, apparaît à cette date61 alors que les comptes « tant en recepte come en despens des dismes et neufièsme » sont toujours tenus par Georges d’Einvaux dans les liasses de « La Croix et du Chipal » jusqu’en 1543. En 1546, ces comptes sont tenus par Claude Leblanc, contrôleur des mines de La Croix, mais dans les liasses du « Val de Lièpvre »...

  • 62 Voir à ce sujet les grandes lignes généalogiques de la famille Reynette (Ronsin 1982).

43Nous présentons ci‑dessous la liste des différents receveurs qui se sont succédé entre 1512 et 1629 pour tenir les comptes des mines ducales du Val de Lièpvre. Une famille domine sans conteste cette administration minière comptable : les Reynette62,

Liste des receveurs des mines du Val de Lièpvre de 1512 à 1629

441512
Gérard Dallencombe, receveur des mines de La Croix.

451516
Régnier Widt, receveur des mines de Lorraine.

461518‑1543
Georges d’Einvaux, receveur des mines de La Croix, tient les comptes jusqu’en 1543.

  • 63 1535 correspond à son dixième compte. La perte des liasses ultérieures ne nous permet pas de précis (...)
  • 64 ADMM B 9650 (1531), copie A Deg. 3512‑1, p. 1.

471526‑153563
Jacques Reynette I, lieutenant du bailli de St‑Dié et justicier des mines de la prévôté de St‑Dié (5 janvier 1510), capitaine et châtelain de Spitzemberg (25 juin 1517), « commis pour superintendant »64 des mines du Val de Lièpvre en 1526. Tient les comptes des billons d’argent (fig. 7).

FIG. 7 – « Le justicier en son siège, ordonnance et serment des compagnons : Jacques Reynette du prince » n’est autre que Jacques Reynette I, justicier des mines et de la prévôté de St‑Dié, « commis pour superintendant » des mines du Val de Lièpvre en 1526. Heinrich Gross, folio 2.

Cliché de l’Ecole des Beaux‑arts de Paris.

481546‑1547
Claude Leblanc, contrôleur des mines de La Croix.

491548‑1578
Jacques Reynette II, fils du précédent, capitaine de Spitzemberg et officier du Val de Lièpvre, nommé surintendant des mines du Val de Lièpvre le 15 décembre 1548. Tient les comptes des « billons d’argent faictz ».

  • 65 ADMM B 9660, B (1566) F°1.

501566‑1582
Pierre Fournier, receveur de St‑Dié et de Raon, lieutenant du superintendant, tient les « pappiers des receptes et mises des deniers prouvenans des parçons et neufièsmes que Monseigneur le Duc faict labourer par toutes les montaingnes du Val de Lièpvre »65.

  • 66 ADMM B 9665 (1572), copie A Deg. 3512‑2, p. 14 du compte.

511572‑1584
Nicolas Philippe, nommé tabellion du bailliage de Nancy et au Val de Lièpvre le 15 avril 1559, lieutenant du superintendant des mines du Val de Lièpvre, « tient la justice des mynes avec les registres et la ballance à peser les billons avec le coing à marquer iceulx »66. Contrôle des comptes de Fournier de 1577 à 1584.

521579‑1593
Jacques Reynette III, fils du précédent, nommé capitaine de Spitzemberg le 1er juin 1573, capitaine de Zuckmantel et superintendant du Val de Lièpvre en remplacement de son père décédé (15 novembre 1578).

  • 67 ADMM B 75, F°174 et B 77, F°84.

531594‑1608
Jean‑Jacques Reynette, fils du précédent, seigneur de Voisey, capitaine de Spitzemberg et surintendant du Val de Lièpvre, en remplacement de son père le 5 mars 1594, sera nommé capitaine, officier, gruyer et receveur de St‑Hippolyte en 160867.

  • 68 ADMM B 9683 (1608), copie A Deg. 3512‑5, p. 1 du compte.

541608
Nicolas Ruyr, procureur demeurant à St‑Dié, présente le compte « de la mine et pains d’argent faicts et tirés des montagnes du Val de Lièpvre pour et au nom des vefve et héritiers du feu Seigneur de Voysey »68.

  • 69 ADMM B 9683 (1610), copie A Deg. 3512‑5, p. 1 du compte.

551610‑1634
Pierre Fournier, fils du précédent ?, conseiller secrétaire au « conseil d’Estat de son Altesse », surintendant des mines « et dudit Val de Lièpvre »69.

  • 70 ADMM B 9693 (1626), F°1.

561626
Georges Bertrand, receveur de St‑Dié et de Raon, tient les comptes « des portions du neufième que son Altesse faict labourer par toutes les montagnes du Val de Lièpvre »70.

  • 71 ADMM B 9693 (1629), F°20.

571629
Charles Guenault, lieutenant et surintendant, contrôle les « mynnes livrées et fondues » mais ne reçoit en « l’an de ce controlle aucun compte des mynes »71. Ces dernières sont en effet abandonnées en 1627.

1.3.2 Les comptes : apports et lacunes

58Superintendants et lieutenants nous livrent des comptes de nature différente : les premiers font état des « billons d’argent faictz », les seconds délivrent « les receptes et mises des deniers prouvenans des parçons et neufièsme que Monseigneur le Duc faict labourer par toutes les montagnes du Val de Lièpvre ». En tout état de cause, ils sont parfaitement complémentaires puisque les premiers mentionnent exclusivement les mines productives et les seconds essentiellement les mines stériles ou non encore productives.

59Ces derniers comptes rendus huit ou six fois l’an, permettent de suivre l’évolution des travaux relatifs à la recherche minière. Si l’on peut appréhender les noms et lieux‑dits des différents ouvrages avec leur dépenses respectives nous faisant apprécier la relative importance des travaux engagés, ces derniers, par contre, ne sont jamais explicités.

60Les comptes des superintendants sont consacrés aux différentes livraisons métalliques. Ils s’articulent en trois points.

Comptes des recettes « pour la moitié dudict disme sur les billons d’argent faictz »

  • 72 Minerai très médiocre ayant déjà subi au moins une opération métallurgique semble‑t‑il.

61Cette série est capitale car elle indique pour chaque mine, halde et fonderie toutes les productions métalliques : argent, cuivre noir ou rouge, plomb, hcrplin, gerlin et glatin venant de la fonte et pourceau de hutte72. Pour chaque production, le compte mentionne très précisément son origine, sa date de livraison, son poids « au fin poid de Troye », le lieu où il est pesé, sa destination, sa valeur avec indication du prix alors en vigueur, le montant de la dîme, la somme restant aux parçonniers après déduction de cette dîme, et enfin le montant de la « moitié dudict disme en la part de nostre Souverain Monseigneur le Duc », l’autre moitié allant à l’archiduc. Un bilan de ces recettes est effectué pour chaque ouvrage. Toujours pour ce chapitre, sont comptabilisées les recettes de location ou de vente des fonderies que l’on peut ainsi inventorier.

Comptes des dépenses « des fondaiges de laquelle somme en payent les deux supérieurs le dixièsme denier »

  • 73 Verweser : personnage qui tient les comptes de la mine « qu’il a en charge aux justiciers, controll (...)
  • 74 La « charrée de charbon » vaut 1 florin, 14 gros en 1551. ADMM B 9651, F°100. La charrée pèse envir (...)

62Cette série livre la dépense annuelle totale de la fonte des minerais de chaque ouvrage, le montant du dixième denier puis de sa moitié « en la part dudict Seigneur le Duc ». Ces comptes étant effectués en présence des Verwesers73 des différentes mines, leurs noms sont régulièrement cités. A défaut de détailler les différentes opérations métallurgiques et leurs coûts, les comptes annoncent parfois le nombre de fontes effectuées et plus sporadiquement quelques prix de fournitures comme ceux des « chârrées de charbon »74. Au chapitre des dépenses sont consignés ensuite les frais de transport des billons à la Monnaie de Nancy, les gages des officiers : doyen de superintendant, superintendant, lieutenant, « esprouveur jurez » ainsi que leurs éventuels frais de déplacement. Quelques dépenses ponctuelles d’achat de matériel ou de réfection de la maison de « nostre souverain Seigneur au lieu de Ste‑Marie, là où on tient la justice » sont inscrites aussi à ce registre. Suit le bilan général des recettes et des dépenses.

Comptes des pains d’argent « délivrez en la monnoye de Nancy »

  • 75 ADMM B 9654 (1554), copie A Deg. 3512‑2, p, 30.

63La production étant partagée entre les deux seigneuries, ce compte récapitule le nombre et le poids « au lieu de Saincte Marie » des billons livrés dans l’année ainsi que leurs valeurs (avec indication du prix du marc en vigueur) à payer aux parsonniers. Il fait état aussi du poids qui, contrôlé à Nancy, est légèrement différent de celui de Ste‑Marie » ad cause que le poid du Val de Lièpvre et celuy de la dicte monnoye ne se rapporte point pour ce s’en fault »75. Le prix payé aux parsonniers est ajusté en conséquence.

64Ces comptes, par leur multiplicité, leur relative régularité et leur richesse, nous permettent de retracer l’évolution de l’activité minière ducale du Val de Lièpvre qui, entre1512 et 1629, avec ses phases de recherche et d’abandon, de production et de déclin, était encore très méconnue. Ils complètent en outre, lorsqu’ils ne les rectifient pas, les rares rapports qui, concernant ces mines, ne donnent qu’une vision ponctuelle et parfois subjective des activités qui y régnent.

  • 76 ADMM B 8853 (1557), F°4.

65Malgré les exceptionnels renseignements qu’ils nous apportent, les comptes des receveurs ont aussi leurs limites. Aucune information n’est donnée sur le nombre, les fonctions et les salaires des ouvriers. Nous n’avons pas plus de données sur la nature et les prix des matériels et des matériaux utilisés tant sous terre que dans les ateliers d’élaboration et de transformation des minerais. Toutes ces données ne relèvent d’ailleurs pas des receveurs et de leurs comptes, mais plutôt des Verwesers comme nous le confirme » l’ordre qui est observé d’ancienneté ez mines du Val de Lièpvre : Aussy doit avoir ung chacun ferweser ung livre ou il escrit toute la dépense et recepte de sa montagne, et le compte rendu doit estre signé par les supérintendentz et doit ledit ferweser garder son livre quand il est plain ou le porter en la maison de la justice »76 (fig. 8).

FIG. 8 – Extrait du folio 4, 1557, ADMM B 8853.

1.3.3 La datation des comptes

  • 77 Le style Pascal a été adopté par la France et une partie de la Chrétienté à partir du xiie s. (Flan (...)
  • 78 ADMM B 9651, F°65.

66Tous les comptes des receveurs du Val de Lièpvre commencent le 1er janvier pour se terminer le 31 décembre, mais, sous l’influence du style Pascal qui fait commencer l’année le jour de Pâques77, les comptes antérieurs à cette fête mobile comprise entre le 22 mars et le 25 avril portent le millésime de la période » après Pasques » de l’année précédente. La correction du millésime des comptes rendus entre le 1er janvier et Pâques a été aisée puisque les receveurs les ont toujours inclus dans la liasse correspondant au millésime du style moderne. C’est ainsi que toutes les comptabilités ont été rendues de cette manière jusqu’en 1577, même si elles portent encore par habitude l’écriture des millésimes du style Pascal. Par exemple, dans le troisième compte de Jacques Reynette, « commencéant au premier jour de janvier 1550 et finissant au dernier jour de décembre 1551 »78, les comptes rendus avant Pâques, donc datés 1550, sont bien livrés avec ceux de 1551. Afin de lever toute ambiguité, le superintendant ajoute clairement que ces comptes « des mynes du Val de Lièpvre [sont] pour l’an 1551 ».

  • 79 ADMM B 9670, copie A Deg. 3512‑6, p. 1 du compte de 1577.
  • 80 ADMM B 9670, copie A Deg. 3512‑6, p. 1 du compte de 1578.
  • 81 Compte de 1597. ADMM B 9678, copie A Deg. 3512‑4, p. 1 du compte.
  • 82  Premier compte des receveurs du Val de Lièpvre à être parvenu jusqu’à nous.

67Cette présentation quelque peu bâtarde des comptes au regard de la datation adoptée se poursuit jusqu’en 1577. Le compte « des receptes et mises faictes par noble homme Pierre Fournier [...] commencéant le premier jour de janvier 1576 avant Pasques et finissant au dernier jour de décembre 1577 »79 est le dernier à conserver l’écriture pascale. Elle est définitivement abandonnée dès l’année suivante dans le compte de notre noble homme Pierre Fournier "commencéant le premier jour de janvier 1578 et finissant au dernier de décembre au dict an »80. Outre une dernière réminiscence81, toutes les comptabilités, déjà tenues dans le fond dans le style moderne depuis 153082, le seront dans la forme à partir de cette date.

1.3.4 Les mesures de poids

  • 83 ADMM B 9652 (1553), copie A Deg. 3512‑2, p. 4.

« Le troisièsme jour de Juin 1553 a esté faict ung pain d’argent [...] et a pesé le dict pain au lieu de Saincte Marie, au dict Val de Lièpvre, au fin poid de Troyes, 59 marcs 5 onces 6 tréseaux 2 grains 3/4. »83

68Toutes les productions métalliques sont pesées au poids de Troyes, mesure couramment utilisée en Lorraine, dont l’unité, le « marc », équivaut à 244,7 g (Cabourdin 1974 : 725) (Fournial 1970 : 161‑164).

  • 84 « Le marck d’argent fin, pold de Troye at 8 onces, l’once at 8 trézeaux » ADMM B 9671 (1583), B 967 (...)
  • 85 Par exemple : 79 marcs 1 once 6 tréseaux 2 grains 5/8, (21 décembre 1554), 77 marcs 7 onces 7 trése (...)

69Les multiples et sous‑multiples sont les suivants84 (tabl. I) : Les billons d’argent sont toujours pesés très précisément jusqu’au grain, parfois au‑delà. Le bilan des pesées des 414 pains d’argent livrés entre 1553 et 1557 montre que plus de 75 % d’entre elles sont poussées jusqu’au 3/4, 1/2 ou 1/4 de grain (soit 0,039 g, 0,026 g et 0,013 g respectivement). Cette précision au centième de gramme nous laisse perplexe et notre incrédulité augmente en ce qui concerne les pesées conduites jusqu’au 1/8 et même 1/16 de grain85, soit au millième de gramme (0,006 et 0,003 g). Toutes ces précisions ont été conservées dans nos calculs de conversion dans le système métrique mais, afin de ne pas trop alourdir cette étude, nous avons limité les poids des productions à la précision du gramme (arrondi par excès ou par défaut selon le cas).

TABL. I – Mesures de poids de Troyes.

  • 86 ADMM B 9651 (1551) F°103. Le marc de Strasbourg s’apparente au marc de Cologne : il vaut 8 onces, 1 (...)
  • 87 A Hanus Berman de St‑Nicolas. Seize ans plus tôt, les superintendants des deux seigneuries achètent (...)

70Au sortir des fonderies, les billons étaient pesés « au lieu de Saincte Marie » sur une balance « avecq un fléau et deux balanciers ajjustez de cordes ». Compte tenu du partage de la production, cette balance est livrée » avecque quattre pilles de cuyvre, chacune desdictes pilles pour peser au poids de Troyes et autre au poids de Strasbourg »86. Cet instrument de précision (fig. 9), acheté en 155187, vraisemblablement en remplacement d’un autre, coûte fort cher : 62 florins 10 gros 3 deniers. Cela équivaut à un pain d’argent de 1,91 kg ou à sept mois et demi du salaire du superintendant Jacques Reynette II.

FIG. 9 – Les trois sortes de petites balances avec lesquelles on pèse les minerais, les métaux et les fondants (Agricola 1556 : 213).

  • 88 ADMM B 9654 (1554), copie A Deg. 3512‑2, p. 30.
  • 89 ADMM B 8853 (1557), F°1.
  • 90 ADMM B 9693 (1627), F°28.

71Les billons étant pesés à nouveau à leur arrivée à la Monnaie, les comptes des receveurs font quelquefois état de légères différences de poids, ceux‑ci n’étant pas parfaitement identiques. Ainsi, en 1554, « ad cause que le poids du Val de Lièpvre et celuy de la dicte monnoye ne se rapporte point pour ce s’en fault [...] il y at tart » de 1,08 kg, soit 0,12 % de la livraison totale (918,034 kg), « laquelle somme les verwesers ont deffalqué et rabattu »88. Egalement en 1557 « a esté trouvé tarre sur un pain d’argent venant de la montagne Sainct Jean »89 laquelle sera déduite aussi du prochain billon (fig. 10). Signalons enfin « la despence pour la tarre » trouvée sur les deux pains livrés par la mine de Ste‑Barbe de Stimbach en 1627: 17,5 g d’écart entre les deux pesées, soit 0,14% des 12,268 kg d’argent livrés90. Les « pilles » utilisées tant au Val de Lièpvre qu’à la Monnaie de Nancy étaient donc très semblables et crédibles.

FIG. 10 – Déclaration de la tare sur un pain d’argent. Extrait du folio 1,1557 (ADMM B 8853).

1.4 Inventaire et distribution générale des travaux : les grandes phases de l’activité minière

72Les comptes du receveur de St‑Dié puis ceux du Val de Lièpvre livrent une liste de 276 travaux effectués dans les différents vallons du Val de Lièpvre entre 1512, date de la première mention, et 1628, date d’arrêt des travaux (tabl. II). Ce chiffre impressionnant doit être immédiatement nuancé afin de refléter la réalité suivante : sur les 276 travaux miniers, 252 sont des ouvrages stériles (soit 91 %) qui sont d’ailleurs rapidement abandonnés en général, 24 seulement sont productifs, soit 9 % (tabl. VII).

TABL. II – Evolution du nombre de mines en activité au Val de Lièpvre de 1512 à 1628. Les nouveaux ouvrages sont représentés en noir.

  • 91 Mine St‑Georges (1518‑1557). L’Allemand‑Rombach, aujourd’hui Rombach‑le‑Franc.
  • 92 La barite (sulfate de baryum, Ba SO4) est généralement présente comme gangue dans les filons polymé (...)

73Les premiers travaux se développent à Ste‑Marie, avec les mines Notre‑Dame‑du‑Val‑de‑Lièpvre et St‑Jacques « au milieu du Bourg, là où sont maintenant le marché et les étaux des bouchers » (Haubinsack 1570 : 14). Amorcée en 1512, cette activité minière est singulièrement freinée par le conflit de territorialité et reste donc très modeste : aucune nouvelle mine ne se crée jusqu’en 1516, et seule la mine St‑Jacques est « labourée ». La recherche de nouveaux filons reprend en 1518 avec la mise en chantier de 6 nouveaux ouvrages à Ste‑Marie et d’1 à l’Allemand‑Rombach91, vallon situé à 9 km au nord‑est de Ste‑Marie où les affleurements très visibles de barite92 semblent avoir retenu l’attention des mineurs. Ainsi s’amorce l’extension des recherches dans l’espace géographique. Celle‑ci restera néanmoins très limitée puisque de 1519 à 1524, 68 % des nouveaux ouvrages seront exécutés dans le seul lieu de Ste‑Marie, les vallons voisins de Denegoutte, Musloch, Stimbach, Ste‑Croix et Lièpvre ne faisant l’objet que d’une recherche chacun.

  • 93 Le rapport du 25 au 27 juillet 1527 de Paumgartner, Schemperger et Gallus Beham ne signale paradoxa (...)

74La découverte en 1526 des mines de Ste‑Anne, Herrschafft et St‑Jean à Musloch relance l’activité minière laquelle, sans abandonner les ouvrages à Ste‑Marie, accentue ses efforts de recherche sur ce nouveau centre d’intérêt et ses vallons voisins : Stimbach et Ste‑Croix. En 1527, 23 mines sont exploitées93 mais il faut attendre 1529 pour voir les recherches se développer de façon spectaculaire. Partant des deux pôles producteurs ; Ste‑Marie et Musloch, l’activité minière se propage sans exception dans tous les vallons et n’engendre pas moins de 88 nouveaux ouvrages, se répartissant de la manière suivante : 9 à Musloch, 7 à Ste‑Marie, 6 à Stimbach, 6 à l’Allemand‑Rombach, 6 au Petit‑Rombach, 6 à Ysenreyn (ban de Ste‑Croix, canton de St‑Blaise), 6 à Ysembach (canton de St‑Blaise), 5 au Grand‑Rombach, 5 à Lièpvre, 4 à St‑Pierremont, 4 à St‑Blaise, 3 à Ste‑Croix, 3 à Schwymbach (Schweinsbach, Lièpvre), 1 à Fénarupt, 17 ne sont pas localisés.

  • 94 Monnaie de Strasbourg.

75A ces 88 nouvelles fouilles, s’ajoutent 25 ouvrages antérieurs qui sont poursuivis. C’est donc au total 113 travaux miniers qui sont « labourés » pendant l’année 1529. Cette exceptionnelle activité minière se traduit par un pic remarquable dans tous les graphiques que nous présentons : évolution du nombre de mines en activité dans le Val de Lièpvre (tabl. II), diffusion géographique des recherches minières (tabl. III, fig. 11), dépenses d’exploitation (tabl. IV et V) et distribution de ces dépenses par secteur minier (tabl. VI). Pour la seule année 1529, les dépenses « prouvenant des portions et neufièsmes que Monseigneur le Duc faict labourer par toutes les montaingnes du Val de Lièpvre » s’élèvent à 1604 florins, 8 gros, 3/4 de denier94, correspondant à un investissement, total, considérable de 14 439 florins 1 gros.

TABL. III – Diffusion géographique des recherches minières.

FIG. 11 – Distribution géographique des mines ducales du Val de Lièpvre de 1512 à 1628. 234 mines sont localisées, 42 ne le sont pas.

TABL. IV – Dépenses d’exploitation des mines ducales du Val de Lièpvre.

TABL. V – Dépenses moyennes d’exploitation par mine.

TABL. VI – Distribution des dépenses d’exploitation par secteur minier. Les dépenses sur le 9ème denier en florins figurent en abscisse, les dates en ordonnée.

TABL. VII – Inventaire général des mines ducales du Val de Lièpvre.

76Ces comptes permettent d’affiner le schéma de diffusion des recherches dans les différents vallons miniers présentés ci‑dessus ; l’effort financier consenti par secteur nous éclaire sur l’importance relative qui leur est conférée dans cette phase de prospection. Les deux principaux centres d’intérêt confirment leur prédominance en totalisant chacun 22,14 % des dépenses totales. Les indices de barite à l’Allemand‑Rombach attirent toujours les mineurs qui y consacrent 1 119 florins, soit 7,75 %. L’investissement dans les autres vallons s’ordonne de la manière suivante : Ysenreyn 5,57 %, St‑Blaise 4,74 %, le Petit‑Rombach 4,24 %, Lièpvre 4,06 %, Ysembach 3,46 %, St‑Pierremont 3,03 %, Stimbach 2,93 %, le Grand‑Rombach 2,18%, Ste‑Croix 2,05 %, Schwymbach 1,91 % et Fénarupt 1,36 %. L’investissement consenti pour les mines non localisées, par manque d’information, complète cette distribution avec 12,44 %. Paradoxe : aucune des 88 recherches menées ne permettra de découvrir un filon un tant soit peu productif et 78 % d’entre elles seront abandonnées dès la fin de cette même année. Il n’en demeure pas moins que l’éclatement des investigations dans l’espace, associé à la multiplicité des travaux, caractérise le futur essor des mines ducales : au‑delà d’une indispensable phase de prospection systématique et malgré des premiers résultats décevants, à terme, cette politique conduira pourtant à la découverte des riches mines de St‑Pierremont. Après cette phase de prospection intensive touchant l’ensemble des vallons, et qui, malheureusement, reste vaine, l’activité minière va se concentrer sur l’exploitation des mines Ste‑Anne et Herrschafft, nouvellement découverte à Musloch, et sur celle de St‑Jacques à Ste‑Marie qui accuse quelques signes de faiblesse puisque sa halde est retraitée pour la première fois en 1535.

77La recherche de nouvelles veines n’est pas abandonnée pour autant dans ces deux secteurs mais elle se limite essentiellement aux anciennes mines. Seules, 4 nouvelles fouilles sont pratiquées à Musloch entre 1533 et 1546 et une seule à Ste‑Marie en 1542. Dans les autres vallons, l’ouverture de nouveaux ouvrages se réduit aussi d’une manière considérable : les secteurs de Lièpvre, Petit‑Rombach et l’Allemand‑Rombach sont totalement abandonnés, ceux de Danigoutte et St‑Pierremont font seulement l’objet de quelques recherches avec respectivement 3 et 4 nouvelles fouilles mises en chantier entre 1532 et 1546. Deux de ces derniers travaux revêtent une importance particulière : les mines Samson (1542) et St‑Bartholomy (1546), qui, malgré une production tardive, sont à l’origine de la découverte des riches filons de St‑Pierremont, attirant dès 1549 l’installation de nouveaux ouvrages.

78En fait, trois vallons seulement font l’objet d’une véritable prospection pendant cette période 1530‑1547 : les anciens secteurs de Ste‑Croix et de Stimbach et surtout celui de Fénarupt, encore à peine reconnu par l’unique mine St‑Nicolas de 1529. 14 nouveaux ouvrages y sont mis en chantier, en quatre ans seulement (1532‑1535). Les comptes de dépenses témoignent de l’effort financier important consenti à ce nouveau vallon : de 1532 à 1537, 10 194 florins, 9 gros, 1/2  denier sont investis, représentant 35,13 % des dépenses totales d’exploitation des mines ducales. Malgré quelques appellations optimistes comme « Silbersflug », aucune mine ne produira une once d’argent et, dès 1536, les investissements se réduisent. Entre 1542 et 1547, ils ne représentent plus que 7,52 % (soit 838 florins, 16 gros, 1 denier et demi) des dépenses totales, malgré l’ouverture de deux nouvelles recherches en 1543, qui restent désespérément stériles elles aussi,

79Les résultats ne sont guère plus satisfaisants dans les vallons de Stimbach et de Ste‑Croix où les 6 et 7 nouveaux ouvrages respectivement exécutés demeurent improductifs. Malgré leur nombre élevé, les travaux sont de moindre envergure que ceux de Fénarupt ou même de Musloch ou de Ste‑Marie, comme nous le laissent supposer les comptes de dépenses de 1532 à 1537. Ceux‑ci se répartissent en effet de la manière suivante : 7,52 % à Fénarupt, 24,35 % à Musloch,15,33% à Ste‑Marie dans ses anciens ouvrages et seulement 9,78 % à Stimbach et 8,18 % à Ste‑Croix, les quelque 7 % restants concernent essentiellement des ouvrages non localisés mais tout aussi improductifs.

  • 95 La mine a pu être abandonnée à partir de 1540 (Haubinsack 1570 :14).

80En 1542, le bilan de 30 années d’activité est particulièrement sombre : sur les 168 travaux effectués dans l’ensemble des vallons, 5 seulement sont encore en exploitation : Herrschafft et St‑Jean à Musloch, St‑Nicolas à Ste‑Croix, Notre‑Dame à Fénarupt et St‑Jean au Petit‑Rombach, ce dernier n’ayant pas fait l’objet de nouveaux travaux depuis 1529 sera d’ailleurs abandonné à la fin de l’année 1542. Aucune de ces opérations n’est productive, y compris les ouvrages effectués dans la mine Herrschafft qui engage pourtant 900 florins, soit plus de la moitié de l’effort financier alloué pour l’ensemble de ces 5 mines. 6 des 10 vallons principaux sont abandonnés au début de 1542. Les mines St‑Jacques à Ste‑Marie95 et Ste‑Anne à Musloch connaissent le même sort. A propos de cette dernière, Haubinsack précise (Haubinsack 1570: 17) en 1552 que cette « ancienne galerie abandonnée [...] fut [...] à nouveau reprise en 1545 ». En attendant, l’activité minière semble compromise à brève échéance : tous les graphiques indiquent un ralentissement des recherches et une réduction importante des investissements. L’histogramme de l’évolution de la dépense moyenne par mine est, à cet égard, significatif (tabl. IV).

  • 96 Prechter, dans son rapport du 1er octobre 1602, apporte quelques éclaircissements concernant l’ouve (...)

81L’échec de la prospection des filons menée depuis trente ans, avec près de 170 ouvrages, illustre la difficulté de l’opération ainsi que son aspect aléatoire, les mineurs fouillant indistinctement toute fracture ou toute faille en espérant qu’elle soit minéralisée96. La multiplicité des fouilles est donc essentielle dans cette démarche empirique. Les 251 recherches stériles sur les 276 exécutées au Val de Lièpvre nous le démontrent amplement. Dans cette optique, 5 nouvelles galeries sont mises en activité en 1542, complétant quelque peu le faible nombre de travaux exploités : St‑Martin et Rudolff, non localisés, seront abandonnés en 1544, St‑Christophe à Ste‑Marie subira le même sort dès la fin de l’année 1542, St‑Jean au Grand‑Rombach, encore cité en 1557, restera improductif et Samson au St‑Pierremont découvrira enfin de riches filons. Avec la mine Ste‑Barbe, ouverte en 1535, mais malheureusement installée sur une fracture stérile, Samson est à l’origine de la diffusion des recherches sur un secteur étonnamment délaissé depuis trente ans : celui du St‑Pierremont. Ce secteur livrera dès 1551 une exceptionnelle production métallique, sauvant ainsi une activité minière qui allait à sa perte, faute d’avoir découvert des filons, ce qui avait fait dire à Munster à propos du versant lorrain : « au reste, le lieu est salvage et stérile ».

  • 97 Haubinsack, « Rapport sur les mines du Val de Lièpvre adressé à Sébastien Munster », fin de l’année (...)
  • 98 Mine St‑Nicolas à Ste‑Croix : 1523‑1547, citée à nouveau en 1578.

82Dans sa Cosmographie, Munster présente une carte du Val de Lièpvre, dressée par Haubinsack en 154497 où « l’on pourra voir les noms des autres puits et mines en la figure subséquente de Leberthal » (fig. 12). Si les mines du versant alsacien sont citées, il n’en est pas de même de celles du versant lorrain : 6 ouvrages sont représentés entre les localités de Musloch et du Petit‑Rombach. L’auteur ayant très vraisemblablement mentionné les mines les plus importantes, nous pouvons supposer qu’il s’agit des mines de Ste‑Anne, Herrschafft et St‑Jean à Musloch, seul vallon pour lequel ces hypothèses soient crédibles. Toute corrélation avec les trois autres mines serait encore plus hasardeuse. Nous nous permettrons pourtant de proposer la mine St‑Nicolas98 pour le vallon de Ste‑Croix, car elle seule accuse une exploitation régulière depuis de longues années. Enfin, il faut noter l’absence de la mine St‑Jacques à Ste‑Marie dans la représentation des travaux, ce qui est en accord avec les comptes du receveur qui la signalent abandonnée.

FIG.12 – Carte des mines du Val de Lièpvre, d’après Haubinsack, publiée par S. Munster (1552). 6 mines ont été représentées sur le versant ducal situé à droite de la Lièpvrette dont Ste‑Anne, Herrschafft, St‑Jean et vraisemblablement St‑Nicolas à Ste‑Croix.

83Nous pouvons encore suivre précisément l’évolution des travaux pendant les années 1546 et 1547, grâce aux comptes de Leblanc : les deux vallons de Fénarupt et de Ste‑Croix sont progressivement abandonnés, celui de Musloch connaît une reprise de la production des mines Ste‑Anne et Herrschafft en 1547 mais les investissements se réduisent considérablement. Seul le secteur de St‑Pierremont accuse une relative expansion avec l’ouverture d’une nouvelle mine en 1546 : St‑Bartholomy et la reprise de l’ancienne fouille St‑Georges exécutée en 1529. La mine Samson par contre n’apparaît plus dans les comptes et semble provisoirement abandonnée, la faille suivie ne semblant pas susciter un approfondissement des travaux.

  • 99 ADMM B 9651 : ce registre contient, outre les comptes des Domaines pour l’année 1535, les comptes d (...)

84Quatre ans plus tard, en 1551, Jacques Reynette II livre la liste des six mines productives : Ste‑Anne et Herrschafft à Musloch, St‑Michel à la Goutte Martin (Ste‑Croix), Ste‑Barbe à Stimbach, St‑Henry‑l’Empereur-au‑Don‑de‑Dieu et St‑Guillaume à St‑Pierremont. Ces quatre dernières mines, non encore signalées dans le compte de 1547, peuvent avoir été créées entre 1548 et 1550, années pour lesquelles l’absence de comptes nous fait cruellement défaut99. Il est en effet surprenant d’avoir des mines immédiatement productives à moins que celles‑ci ne se soient installées directement sur de riches affleurements –paradoxalement délaissés– comme cela semble être pourtant le cas pour les deux mines de St‑Pierremont, secteur pour lequel les recherches n’ont pas été prolixes dans la première moitié du xvie s. Jacques Reynette ne tenant que les comptes de production, nous ignorons donc malheureusement tout des autres ouvrages : leur date et lieu d’installation, leur coût, voire la nature des travaux. Seuls ceux qui deviennent productifs apparaissent dans les comptes. C’est ainsi que les mines St‑Abraham et St‑Jean à St‑Pierremont figurent dans le compte de 1553 lors de la livraison de leur « premier billon ». La mine St‑Daniel, toujours à St‑Pierremont, apparaît dans les mêmes conditions en 1555. De celles‑ci, nous ignorons tout de leurs débuts, mais il est vraisemblable de situer leurs installations quelques années avant leurs dates de production. Cette absence d’information nuit considérablement à l’établissement d’une corrélation archéologique, le seul fait de savoir si un ouvrage accède au filon directement ou par l’intermédiaire d’un travers‑banc, même de faible développement, étant fondamental. Le cas des deux mines St‑Bartholomy et Samson est différent : nous en connaissons les dates d’installation et le coût des travaux, mais nous ne savons pas quelle a été l’évolution de ceux‑ci avant que les mines soient dites productives, en 1553 et 1556 respectivement. Ajoutons que la mine St‑Bartholomy est citée pour la livraison d’un pain d’argent sur lequel les deux seigneuries prélèvent la dîme. Cette mine a donc dû vraisemblablement livrer son premier billon « franc du dîsme » comme c’est la coutume entre 1548 et 1550, années pour lesquelles les comptes font défaut.

  • 100 ADMM B 8853, 20 août 1557.
  • 101 ADMM B 8853, 20 août 1557.

85Il est néanmoins possible de combler partiellement cette lacune grâce à la « Déclaration de toutes les montagnes qui sont labourées au Val de Lièpvre » en 1557100. Cet inventaire livre la liste exhaustive des mines alors en activité mais révèle aussi que plusieurs d’entre elles le sont depuis de nombreuses années. Par exemple, la mine Armenrott à St‑Pierremont, mentionnée pour la première fois dans cet inventaire, a pourtant été mise en activité en 1548 puisque Laurent Driebenbacher, son admodiateur, « remonstre que depuis dix ans déjà, il a consumé a peu prez tout son bien au labourage d’icelle »101. Cette date est confirmée par l’absence de la mine clans les comptes de dépenses de Leblanc pour l’année 1547. Dans le graphique concernant l’évolution du nombre de mines en activité, il convient donc de ne pas porter le même regard sur le pic de 1557 que sur celui de 1529, mais de nuancer le premier en le réduisant quelque peu : plusieurs mines ayant été mises en exploitation entre 1548 et 1556. Malgré cette nuance, il n’en demeure pas moins qu’il y a effectivement une forte relance de la recherche minière en ce milieu du xvie s. causée par la découverte et la mise en exploitation des riches mines de St‑Pierremont qui, dès 1554, atteignent leur maximum de production avec une exceptionnelle livraison de 1 885 kg d’argent fin. Ce secteur minier attire donc tout naturellement l’installation de nombreux ouvrages maisrelance aussi la recherche dans les vallons de l’Allemand‑Rombach, Lièpvre, Fénarupt, Stimbach, Ste‑Croix et le Grand‑Rombach. Cette recherche portera ses fruits puisque les trois derniers secteurs découvrent chacun un filon productif exploité par les mines St‑Michel, Ste‑Barbe et St‑Georges qui livrera exclusivement du cuivre. Au total, 39 nouvelles mines sont ainsi mises en chantier en dix ans (de 1548 à 1557) dans l’ensemble des vallons, dont 20 dans le seul secteur de St‑Pierremont, alors véritable centre minier du Val de Lièpvre ducal. 12 d’entre elles resteront malheureusement improductives, mais compte tenu du contexte, seront néanmoins « labourées » avec opiniâtreté pendant de longues années, dans l’espoir de croiser un de ces riches filons qui font la renommée de St‑Pierremont. Ce fait, associé à une exploitation intensive de l’ensemble des mines productives découvertes jusqu’alors, contribue à ralentir considérablement la recherche de nouvelles veines jusqu’en 1571 : 6 nouveaux ouvrages seulement apparaissent en 1566 dans les comptes de Pierre Fournier. Cette double tendance de la concentration des activités dans les « anciennes » mines et à St‑Pierremont essentiellement est nettement confirmée par l’importance des investissements respectifs. En effet, sur 5 415 florins, 23 gros, 3 deniers 1/2 investis en 1566, 4 737 florins, 10 gros, 1 denier 1/2 (soit 87,47 %) le sont dans les « anciens travaux » dont 2 042 florins, 4 gros, 3 deniers 1/4 (soit 37,71 %) au seul secteur de St‑Pierremont, celui de Ste‑Croix venant en seconde position avec 1 059 florins, 13 gros, 2 deniers 1/2 (soit 19,56 %).

86Favorisée par l’amorce du déclin de la production métallique, une relance des recherches marque les années 1571‑1572, pendant lesquelles 12 nouvelles mines sont ouvertes dont 5 au St‑Pierremont qui, avec l’approfondissement des anciens ouvrages, concentre toujours la plus grosse part des investissements (66,42 % des 6 592 florins, 20 gros et 1/4 de denier). Cet élan se poursuit au cours de cette décennie, en s’amplifiant à nouveau avec l’ouverture de 3 nouvelles mines dans le vallon de Fénarupt et de 4 à Lièpvre, les travaux engagés à St‑Pierremont ne donnant pas les résultats escomptés. Dès 1577, les investissements se réduisent considérablement pour ce dernier secteur au profit des deux cités ci‑dessus. Leur répartition pour les années 1580 et 1581 est éloquente à ce sujet :
– Fénarupt : 54,27 % ;
– Lièpvre : 28 % ;
– St‑Pierremont : 12 % ;
– Grand‑Rombach : 5,75 %.

87Si les recherches menées à Fénarupt restent traditionnellement vaines, celles effectuées à Lièpvre débouchent sur la découverte d’un filon grâce à la mine St‑Esprit. Celle‑ci livrera son premier billon le 4 novembre 1583. Exploitée avec profit jusqu’en 1593, elle produira au total un peu moins de 129 kg d’argent, maigre compensation ne pouvant masquer le déclin général des anciens centres de production dont les filons s’épuisent inexorablement.

  • 102 ADMM B 9671. 1583.

88Le dernier sursaut de la production métallique vient de Musloch en 1583, grâce à la découverte de nouveaux filons dans la mine Ste‑Anne et dans ses travaux annexes ou voisins : « l’ouvrage du devant de la montaigne de Sainte Anne appellé Finckaustreich », « les vieulx ouvrages appellés le Grand Feldort » et « la montaingne Stolle Aymé, proche et joindant du porche de Sainte Anne »102. Associée à la livraison, continue mais insignifiante de la mine Herrschafft, la production de ces travaux atteint son maximum en 1591 pour s’éteindre progressivement au tout début du xviie s. Elle ne sera pas relayée par la découverte d’autres filons, toute recherche ayant pratiquement cessé sur l’ensemble des vallons. En 1594, par exemple, aucune nouvelle recherche n’apparaît dans le Dénombrement du duché de Lorraine de Thierry Alix. Ainsi donc, à la fin du xvie s., le champ d’investigation est épuisé, la presque totalité des indices susceptibles d’être exploités fructueusement ayant déjà fait l’objet d’une recherche systématique. Les principales mines productives du Val de Lièpvre ducal sont abandonnées les unes après les autres, filons et haldes épuisés :

1591

St‑Jacques à Ste‑Marie.

1592

St‑Michel à Ste‑Croix.

1597

St‑Guillaume à St‑Pierremonl ; St‑Henry‑l’Empereur‑au‑Don‑de‑Dieu à St‑Pierremont.

1603

St‑Jean à St‑Pierremont.

1606

Herrschafft à Musloch ;
Finckenstreich à Musloch ;
St‑Esprit à Lièpvre ;
Notre‑Dame‑de‑Pfennigthorne à St‑Pierremont.

1610

St‑Abraham à St‑Pierremont ;
Samson à St‑Pierremont.

1611

St‑Bartholomy à St‑Pierremont.

1615

St‑Daniel à St‑Pierremont.

896 nouvelles fouilles sont pourtant ouvertes en 1611, témoignant de la persévérance des mineurs. Cesrecherches n’aboutissent pas et en dehors de la mine St‑Nicolas située au lieu‑dit Allemand Prayes qui est travaillée avec opiniâtreté jusqu’en 1626, les 5 autres sont abandonnées dès 1614. Avant l’abandon général des travaux en 1628, 2 dernières recherches seront encore entreprises : St‑Jean‑de‑Tieffenthal à Musloch en 1623 et St‑Jean à la Goutte des Pommettes (St‑Pierremont) en 1624. Seule la première découvre un peu de minerai qui lui permet de livrer 6,82 kg d’argent fin en 1525 puis 619 g en 1626... 6 mines seulement sont en activité cette année‑là : St‑Nicolas à l’Allemand Prayes, St‑Jean à la Goutte des Pommettes, St‑Jean‑de‑Tieffenthal et l’ancienne mine Ste‑Anne à Musloch, les vieux ouvrages de St‑Georges au Grand‑Rmbach et de Ste‑Barbe à Stimbach. Elles consacrent au total 2 531 florins, 16 gros, 3 deniers 1/4 à leurs travaux dont 810 florins (32 %) pour ceux effectués dans la mine Ste‑Barbe, la seule qui soit encore productive avec celle de St‑Jean‑de‑Tieffenthal.

  • 103 ADMM B 9693. Compte de Pierre Fournier, 1627, F°22.

90« A cause des difficultés suscitées par la Régence d’Ensisheim, et des prétentions en dérivant contre les droictz et authoritez de son altezze, icelles nestantes encor éclaircies ny terminées »103, les travaux s’arrêtent et les mines sont abandonnées en 1626 à l’exclusion des mines St‑Georges au Grand‑Rombach et Ste‑Barbe à Stimbach.

91A la fin de 1627, toute activité minière est suspendue dans le Val de Lièpvre ducal, les troubles engendrés par l’éternel conflit de territorialité précipitent seulement la date d’un abandon qui, véritablement causé par l’épuisement des réserves métalliques, était inéluctable.

1.5 La production métallique

1.5.1 Introduction : nature des livraisons métalliques

92Si les comptes des receveurs de St‑Dié et de La Croix nous fournissent les comptes de dépenses des premiers ouvrages mis en exploitation au Val de Lièpvre, c’est un rapport sur les mines des états antérieurs de l’empire d’Autriche (Anonyme 1523 : 8) de 1523 qui, paradoxalement, livre les premiers comptes de production : « Dans le Val de Lièpvre il y a une mine appelée Saint‑Jacques. On a fait là du premier juin de la 21e année jusqu’au premier mars de la 23e année en tout 367 marcs 12 loths 1 quintel d’argent », soit 89,988 kg. « Il y a aussi une autre mine, appelée Sainct‑Joseph, où ont été faicts 341 loths 2 quintels », soit 5,215 kg d’argent fin. Les comptes des receveurs étant toujours muets quant aux chiffres de production jusqu’en 1530, nous ne savons rien des livraisons effectuées par la mine St‑Jacques depuis 1522 si ce n’est que « pendant vingt ans on y a extrait de la belle et riche mine d’argent grise » (Haubinsack 1570 : 14). Haubinsack ajoute : « cependant la veine n’était pas toujours régulière [...] [mais] on avait affaire à du minerai riche. En 1530, on trouva dans cette mine Saint Jacques un demi quintal d’argent natif d’un très beau blanc », soit un peu moins de 25 kg. Cette livraison correspond à une découverte ponctuelle, vraisemblablement exceptionnelle pour la mine, mais ne permet pas d’apprécier la production totale pour l’année 1530.

  • 104 ADMM B 9650. Copie A Deg. 3512‑1.

93Il faut attendre le sixième compte de Jacques Reynette I de 1531104 pour avoir enfin les premiers chiffres de production des mines ducales, et plus particulièrement de St‑Jacques, Ste‑Anne et Herrschafft, ces deux dernières n’étant exploitées que depuis 1526. Dans les graphiques de production d’argent et de cuivre, nous avons représenté en noir les livraisons de toutes les mines des différents vallons, à l’exclusion de celles des mines de St‑Pierremont, laissées en gris. Nous n’avons pas dressé de graphique pour les rares et faibles productions de plomb qui ne concernent, qui plus est, que deux mines.

  • 105 Les cuivres gris forment une série isomorphe s’étendant de la tétraédrite Cu12 Sb4 S13 à la tennant (...)
  • 106 — La commercialisation du plomb ne pouvait pas échapper aux comptes des superintendants puisque la (...)
  • 107 La métallurgie du cuivre argentifère est plus complexe que celle du plomb car il s’agit de faire pa (...)

94A l’exclusion de la mine St‑Georges au Grand‑Rombach qui ne livre que du cuivre rouge, toutes les mines produisent de l’argent, voire du cuivre et/ou du plomb, métaux annexes qui reflètent la nature des principaux minerais argentifères exploités : cuivre gris ou galène105. (tabl. VIII) Pour de nombreuses mines, le métal associé à l’argent n’est pas indiqué dans le tableau. En dépit des comptes, nous pouvons considérer que leur minerai est généralement plombifère même si ce métal ne semble pas avoir été commercialisé106 ; pour sa part, l’argent est toujours délivré « en billons d’argent fin » au fin poids de Troyes. Le plomb et ses dérivés ainsi que le cuivre sont vendus à la livre. Ce dernier métal est très généralement proposé à l’état de cuivre rouge, seuls les comptes de 1583 et 1584 mentionnent la livraison de cuivre noir, non encore transformé en « rosette »107, par les mines Samson et St‑Guillaume à un prix similaire à celui du cuivre rouge. Les deux mines de Ste‑Barbe à Stimbach et St‑Bartholomy à St‑Pierremont vendent du plomb ainsi que du « herplin, gerlin et glatin », oxydes de plomb issus du four de coupellation. Enfin, entre 1560 et 1562, les mines St‑Guillaume, St‑Henry‑l’Empereur-au‑Don‑de‑Dieu et Samson à St‑Pierremont vendent 43 073 kg de « pourceau de hutte », ce qui semble être du minerai très médiocre ayant déjà subi au moins une opération métallurgique. Ce reliquat est d’ailleurs vendu à un prix très bas : 4 florins les cents livres, soit trois fois moins que le prix du cuivre à cette période. Afin de récupérer la plus faible parcelle de métal précieux, les mineurs, au‑delà d’une exploitation méticuleuse de leurs filons, ont généralement retraité les haldes issues de leurs travaux ainsi que les scories provenant de la fonte des minerais : les « schlacques ». Les livraisons complémentaires d’argent issues de ces retraitements sont comptabilisés dans l’histogramme de production (tabl. IX).

TABL. VIII – Nature des livraisons métalliques.

TABL. IX – Production d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre.

1.5.2 Les données générales

95Au premier regard, le graphique de production d’argent (tabl. IX) révèle la spectaculaire livraison des mines de St‑Pierremont qui, entre 1551 et 1574, éclipse largement celle des mines des autres vallons. Celles‑ci accusent par contre une plus grande longévité qu’il convient de nuancer : des périodes d’abandon ayant rythmé l’exploitation des premières mines productives, St‑Jacques, Herrschafft et Ste‑Anne. Cette dernière, responsable de 69 % des livraisons d’argent effectuées au début des années 1530 fournit encore l’essentiel des productions de 1591 à 1597 et ne sera abandonnée qu’en 1627.

  • 108 Ignorant jusqu’à présent la valeur exacte de la toise des mines, nous utilisions la toise de France (...)

96La corrélation entre les deux graphiques de production (tabl. IX et X) montre d’autre part que la richesse des mines de St‑Pierremont est due à la présence de filons cuprifères quasiment absents dans les autres vallons, ce qui explique, pour une grande partie, leur plus faible rendement. Haubinsack confirme cette relative pauvreté des filons de Ste‑Anne, pourtant la plus riche mine après celle de St‑Pierremont : « On y rencontra un puissant et riche filon avec de la galène. On y travailla longtemps et on fondait là beaucoup d’argent. Malgré tout le profit n’était pas grand parce qu’on avait à faire à des minerais très rudes et difficiles à fondre, ce qui causait des frais élevés. Finalement on a abandonné la partie la plus profonde et les puits, non pas à cause des eaux, mais parce que le filon, bien que puissant et épais de plus d’une toise108 était très dur et médiocre et que l’on y pouvait plus supporter les frais. » (Haubinsack 1570 : 17‑18).

TABL. X – Production de cuivre des mines ducales du Val de Lièpvre.

1.5.2.1 La production de 1530 à 1550 : l’apogée de la mine St‑Jacques

97De 1530 à 1550, nous avons peu d’informations sur les productions : les comptes du receveur ne livrent que celles effectuées en 1531, 1533, 1546 et 1547 par les mines St‑Jacques à Ste‑Marie, Herrschafft et Ste‑Anne à Musloch, seules mines productives découvertes alors. Ces comptes révèlent la très faible production de la mine Herrschafft (7,701 kg d’argent en 1531) pourtant installée « sur les mêmes fentes et filons » (Haubinsack 1570 : 17‑18) que Ste‑Anne dont la production importante ne cesse de croître : 98,565 kg en 1531 (soit 52,3 % de la production totale), 277,535 kg en 1533 (70,76 %), 325,515 kg en 1535 (74,65 %). Le complément de production est alors livré par la mine St‑Jacques qui, après une progression jusqu’en 1533, accuse un léger fléchissement en 1535 partiellement comblé par le retraitement de ses haldes. Cet apport n’est pas négligeable puisqu’il représente 6,48 % de la livraison totale de la mine qui s’élève alors à 110,515 kg.

98De 1538 à 1541, les comptes des receveurs n’existant plus, nous perdons toute trace de ces mines. Celle du Herrschafft réapparaît dans les comptes de dépenses en 1542‑1543. Ste‑Anne est également citée au chapitre des dépenses en 1543 et 1546 ; elle semble bien avoir été provisoirement délaissée pendant quelques années comme le signale Haubinsack : « une ancienne galerie abandonnée [...] fut à nouveau reprise en 1545 » (Haubinsack 1570 : 17‑18), même si cette date ne correspond pas à celle de la reprise des travaux attestée dès 1543 dans les comptes.

  • 109 Nous avons déjà signalé l’erreur d’Haubinsack concernant la date d’ouverture de la mine St‑Jacques. (...)

99Une mine Herrschafft très peu productive au début des années 1530, Ste‑Anne abandonnée de 1537 à 1542, seule St‑Jacques devait donc être productive pendant cette période si l’on en croit « l’abrégé du profict des billons des mynes du Val de Lièpvre, venant de la part de Monseigneur » établi par Henri Lepage et cité par Emile Muhlenbeck (Muhlenbeck 1898 : 180). A défaut de mentionner les origines et les quantités d’argent livrées, ce document fait état d’une production continue de 1536 à 1543 : ascendante jusqu’en 1540, elle diminue régulièrement ensuite. Notre hypothèse de vouloir affecter ces productions à la mine St‑Jacques est quelque peu confortée par Haubinsack qui signale que « pendant vingt ans on y a extrait de la belle et riche mine d’argent grise » (Haubinsack 1570 : 14), soit de 1520‑1522109 à 1540‑1542. Au‑delà de cette hypothèse et en dépit des comptes de dépenses des années 1536‑1537 et 1542‑1543, il n’en demeure pas moins que cette décennie 1536‑1545 reste obscure. L’étude d’autres documents comptables permettra peut‑être de compléter ceux des receveurs de St‑Dié et du Val de Lièpvre, trop peu nombreux pour cette période.

1.5.2.2 La production de 1551 à 1574 : l’apogée des mines de St‑Pierremont

L’argent

100Ces comptes deviennent ensuite plus réguliers et permettent de suivre précisément l’évolution de la production de 1551 à 1574, soit pendant 24 ans, sans interruption (tabl. XII). Fortement dominée par les livraisons des mines de St‑Pierremont, alors à leur indiscutable apogée, la production totale d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre pour cette période s’élève à 29 237,376 kg, soit une moyenne annuelle de 1 218,224 kg.

101Avec des livraisons très modestes ou exceptionnelles, 16 mines contribuent à cette production : St‑Guillaume, St‑Henry‑l’Empereur‑au‑Don‑de‑Dieu associée à Notre‑Dame‑de‑Pfennigthorne, Samson, St‑Jean, St‑Abraham, St‑Daniel, St‑Bartholomy, St‑Pierre et Armenrott situées à St‑Pierremont ; Ste‑Anne et Herrschafft à Musloch, St‑Michel à la Goutte Martin (Ste‑Croix), Ste‑Barbe à Stimbach, Vraie Coste au Petit‑Rombach et St‑Jacques à Ste‑Marie.

102Le secteur de St‑Pierremont écrase littéralement les livraisons effectuées par les ouvrages des autres vallons grâce à 4 mines importantes dont la très fertile St‑Guillaume qui fournit à elle seule plus de la moitié de l’argent du Val de Lièpvre ducal (fig. 13). Les mines St‑Henry‑l’Empereur, Notre‑Dame‑de‑Pfennigthome, Samson et St‑Jean complètent cette spectaculaire production en livrant 18,56%, 9,3 .% et 7,61 % de l’ensemble des billons. A elles quatre, elles fournissent plus de 26 000 kg d’argent entre 1551 et 1574, soit près de 90% de la production totale pour cette période.

FIG. 13 – Distribution statistique de la production d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.

TABL. XI – Ecarts de poids des billons d’argent entre les comptes de Veltin Kauffman et de Jacques Reynette II pour la période 1563‑1571.

TABL. XII – Productions d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.

  • 110 ADMM B 8866 (Cabourdin 1969 :107). Outre de nombreuses erreurs de frappe qui affectent le quart des (...)
  • 111 ADMM B 8866 (Cabourdin 1969 :107). Outre de nombreuses erreurs de frappe qui affectent le quart des (...)

103Les tableaux XIII et XIV détaillent les quantités précises d’argent produites par les 16 mines de 1551 à 1574. Ces chiffres proviennent des comptes de Jacques Reynette II, sauf pour les années 1563, 1565, 1566 et 1570 pour lesquelles ils font défaut. Les comptes de Veltin Kauffman110 (tabl. XI) « l’esprouveur juré des mynes du Val de Lièpvre » ont permis fort heureusement de combler cette lacune et aussi de contrôler les chiffres de Reynette pour la période 1563‑1571, lesquels, à quatre exceptions près sont similaires, à quelques grammes près, voire identiques au dixième de gramme !111

TABL. XIII – Production d’argent en kilogramme des mines de Saint‑Pierremont de 1551 à 1574. Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes. Les points d’interrogation correspondent à une absence d’archive. En italique, livraison du premier billon « franc du disme ».

TABL. XIV – Production d’argent en kilogramme des mines des autres vallons de 1551 à 1574. Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes. Les points d’interrogation correspondent à une absence d’archive.

  • 112 Non compris les années 1558 et 1559 pour lesquelles nous n’avons pas le détail de la production.

104Les tableaux XV et XVI récapitulent aussi les quantités d’argent délivrées par le retraitement des haldes et des scories. Déjà signalée dès 1535, à propos de la halde de St‑Jacques à Ste‑Marie, cette opération s’intensifie singulièrement à partir de 1560, afin de compenser une production qui décline déjà. L’apport n’est pas négligeable puisqu’entre 1554 et 1570112, les retraitements fournissent 646,562 kg d’argent dont 538,355 kg des haldes (83,26 %) et 108,207 kg des scories (16,74 %). Mais seules les haldes des principales mines sont exploitées.

TABL. XV – Productions d’argent issues du retraitement des haldes des mines de St‑Pierremont.

TABL. XVI – Evolution de la production d’argent issue du retraitement des haldes entre 1560 et 1570.

105Cette livraison complémentaire d’argent, encore dédaignée de 1551 à 1557, au profit d’une exploitation intensive des filons, devient très régulière de 1560 à 1570 et représente jusqu’à 13,85 % de la production totale pour l’année 1566. Le tableau XVI illustre l’évolution de cet apport qui diminue progressivement à partir de 1566 pour devenir insignifiant en 1570, les haldes étant alors épuisées.

Le cuivre

  • 113 Comptes manquants : 1552, 1558, 1559, 1563, 1565, 1566 et 1570.

106Les chiffres de production du cuivre sont plus difficiles à suivre pour cette période puisque seul Jacques Reynette les mentionne dans ses comptes de recettes, Veltin Kauffman, « l’esprouveur juré», ne s’occupant légitimement que des productions d’argent. Sept comptes de Reynette faisant défaut sur les 24, nous livrons ici les grands traits de cette production plutôt que sa véritable évolution113.

  • 114 Les calculs ont été effectués à l’année, utilisant donc pour chaque livraison de cuivre, le prix du (...)
  • 115 Nous pouvons envisager une lacune des sources concernant la production de cuivre, mais les corrélat (...)

1077 mines produisent du cuivre dont 5 sont situées à St‑Pierremont, secteur pour lequel nous avons déjà signalé l’existence d’importants filons cuprifères, les 2 autres étant à la Goutte Martin (Ste‑Croix) et à Stimbach. La production totale s’élève à 57 842,19 kg pour les 17 années citées, elle est donc minime au regard de la période 1551‑1574, compte tenu des lacunes signalées ci‑dessus. Cette incomplète mais néanmoins importante livraison de cuivre est secondaire sur le plan économique puisqu’elle est vendu à des tarifs encore faibles : entre 9 florins, 10 gros, 1/4 de denier et 13 florins, 12 gros, les 100 livres. La recette s’élève au total à 14 044 florins, 10 gros, ce qui équivaut à 382,029 kg d’argent114, soit à peine 60 % de la seule production d’argent issue du retraitement des haldes et des scories... La figure 14 retrace la distribution de cette production. Ce schéma est à comparer avec celui de l’argent. Nous y retrouvons nos 4 principales mines dans l’ordre, à une exception près : Samson, classée troisième pour la production de l’argent, occupe ici la seconde place juste devant celles de l’Empereur/Notre‑Dame (leurs livraisons respectives pour les années citées sont indiquées dans le tableau XVII). De plus, la corrélation entre les productions d’argent et de cuivre des mines de St‑Pierremont fait très nettement apparaître, pour chaque mine concernée, une concomitance des livraisons confirmant la nature des minéralisations de leurs filons. Si ceux des mines St‑Guillaume (tabl. XVIII), St‑Jean (tabl. XIX) et St‑Abraham semblent exclusivement cuprifères, l’absence de production de cuivre associée à la première livraison importante d’argent des deux mines l’Empereur/Notre‑Dame (tabl. XX) et Samson (tabl. XXI) laisse présager un remplissage filonien différent pour ces deux filons qui ne peuvent être alors que plombifères115. Cette déduction est d’ailleurs confirmée pour l’Empereur/Notre‑Dame par le seul rapport descriptif des mines du versant lorrain (Anonyme 1578 : 88‑91) actuellement connu qui indique la présence d’un filon cuprifère et l’existence d’un second dont le minerai est « presque entièrement de la galène ». A défaut d’avoir une confirmation similaire pour le Samson, notre hypothèse est néanmoins corroborée par la découverte, lors des fouilles effectuées en 1985, de fragments de galène à proximité des bassins de lavage (Grandemange 1985 RFP).

FIG. 14 – Distribution statistique de la production de cuivre des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.

TABL. XVII – Production en kilogramme de cuivre rouge des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.

TABL. XVIII – Production d’argent et de cuivre de la mine St‑Guillaume à St‑Pierremont. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1552, 1558 et 1559.

TABL. XIX – Production d’argent et de cuivre de la mine St‑Jean à St‑Pierremont. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1558 et 1559.

TABL. XX – Production d’argent et de cuivre des mines St‑Henry‑l’Empereur‑au‑nom‑de Dieu et Notre‑Dame‑de‑Pfennigthorne. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1552, 1558 et 1559.

TABL, XXI – Production d’argent et de cuivre des mines Samson à St‑Pierremont. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1558 et 1559.

1.5.2.3 Le déclin de la production

L’argent

108Les tableaux et les graphiques qui viennent d’être présentés montrent un indiscutable déclin des productions qui, malgré le redressement effectué entre 1569 et 1571, marque l’ensemble des mines du Val de Lièpvre ducal et plus particulièrement celles de St‑Pierremont dès 1559.

109Encore honorable entre 1572 et 1574, les livraisons de ces mines chutent considérablement en l’espace de quelques années (tabl. XXII), A défaut d’en suivre l’évolution précise, faute de chiffres de production pour les années 1575‑1582, la quantité d’argent délivrée en 1583 ne représente plus que 26,5 % de celle de 1574. La principale mine productive de St‑Pierremont est alors Samson. En 1583, elle produit plus de 78 % de l’argent de ce secteur et ne sera abandonnée qu’en 1610.

TABL. XXII – Production d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre de 1583 à 1627. Les tirets indiquent que les mines ne sont pas citées dans les comptes.

  • 116 ADMM B 9678 (1597), copie A Deg. 3512‑4, p. 3.

110L’effondrement de la production s’accélère dans les dernières années du xvie s. : les trois anciennes mines les plus riches du Val de Lièpvre parviennent encore en 1597 à produire quelques centaines de grammes d’argent. St‑Guillaume, Samson, l’Empereur/Notre‑Dame livrent ainsi respectivement 0,803 kg, 0,731 kg et 8,721 kg de métal blanc. La même année, le retraitement des quatre haldes de l’Empereur/Notre‑Dame, St‑Daniel et St‑Guillaume qui « sont ensemblement annexées et labourées »116 complète quelque peu l’insignifiante production en livrant 535 g d’argent (tabl. XXIII)...

TABL. XXIII – Productions d’argent des mines de St‑Pierremont de 1583 à 1627 (en kg). Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes.

  • 117 Afin de soutenir une activité minière défaillante, les deux seigneuries accordent en 1581 aux parso (...)

111Cinquante ans après son exceptionnel essor qui lui avait permis de supplanter les mines de Musloch, le secteur de St‑Pierremont, dont les filons, haldes et schlacques sont épuisés, ne délivre plus que 6 % de l’argent des mines du Val de Lièpvre, l’essentiel étant produit par cet ancien vallon qui redevient le principal centre d’intérêt ducal dès 1591 grâce à la découverte de nouveaux filons dans la mine Ste‑Anne et ses ouvrages annexes : le Grand‑Feldort, Finckenstreich et, dans une moindre mesure, la Stolle‑Aymé (tabl. XXIV). La production de ces mines engendre un net redressement des activités entre 1591 et 1597, le seul ouvrage du Grand‑Feldort livrant par exemple en 1593 plus de 239 kg de métal précieux soit 74 % de l’argent ducal. De 1591 à 1597, les mines de Musloch délivrent ainsi de 68,7 % à 94 % de l’ensemble des billons, y compris les faibles mais régulières livraisons de la mine Herrschafft, A défaut de connaître toutes les livraisons annuelles de cette mine (l’irrégularité des comptes de production pour la fin du xvie s. en est la cause) nous savons par contre qu’elle produit 5,398 kg d’argent par an entre 1581 et 1597, soit 91,767 kg au total117.

TABL. XXIV – Productions d’argent des mines des autres vallons de 1583 à 1627 (en kg). Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes. En italique : livraison du premier billon « franc du disme ».

112En dehors des mines de Musloch qui relayent avec profit celles de St‑Pierremont, tous les autres anciens ouvrages productifs accusent de sérieux signes de faiblesse dans ce dernier quart du xvie s. La mine St‑Michel à la Goutte Martin, après avoir été faiblement mais régulièrement productive de 1560 à 1571 «n’a rien faict et repose » en 1572. Hormis une livraison de 1,713 kg en 1573, la mine reste abandonnée jusqu’en 1576, date à partir de laquelle son verweser, Jean Simon le Lacquay, qui est aussi celui de Ste‑Barbe à Stimbach depuis 1571, obtient des deux seigneuries l’exemption « du dîme des premiers cinq cent marcs de billons » (Cabourdin 1969 : 111) pour ses deux ouvrages. Malgré l’aide accordée, leur production commune n’excède pas 22,18 kg d’argent pour la période comprise entre 1577 et 1580. Après avoir été délaissée à nouveau pendant quelques années, St‑Michel produit encore 18,341 kg de métal blanc entre 1591 et 1592. En 1593, « il n’a esté libvrée aulcune misne provenant des ouvrages de Saint Michel » et celle‑ci est finalement abandonnée. Ste‑Barbe connaît un avenir encore plus sombre puisqu’elle est délaissée de 1580 à 1623 vraisemblablement. Elle est pourtant reprise dès 1625 et Demenge Grand‑Jean, son verweser, aura l’honneur de fournir en 1627 les trois derniers billons des mines ducales du Val de Lièpvre, totalisant 12,461 kg d’argent fin. Maigre consolation...

  • 118 ADMM B 9671 (1583), copie A Deg. 3512‑3, p. 2.
  • 119 ADMM B 9675 (1591), copie A Deg. 3512‑3, p. 2.

113Malgré l’effondrement des productions et la fermeture, provisoire ou définitive, de nombreuses mines, les recherches opiniâtres, évoquées auparavant, suscitent l’ouverture de deux nouvelles mines productives : St‑Esprit à Lièpvre en 1575 (Cabourdin 1969 : 109) et St‑Jean‑de‑Tieffenthal à Musloch en 1623. Ce n’est que le 4 novembre 1583, neuf ans après son ouverture que St‑Esprit livre son premier pain d’argent de 9,803 kg. « Pour estre nouvellement érigée, les parsonniers d’icelle sont exempts de payer disme du billon jusques à la concurrence de cinq cens marcks » soit 122,35 kg118. Dans les tableaux de production annuelle présentés, l’irrégularité des comptes du receveur permet seulement d’appréhender quatre livraisons ponctuelles, effectuées entre 1583 et 1591, totalisant 45,174 kg d’argent sur les 122,66 kg véritablement produits pendant ces neuf ans. Effectivement, en 1591 « les personniers ont fourny sur les 500 marcs de franchise 501 marcs 2 onces 1 tréseau 2 grains 1/4 et conviendra doresnavant qu’ilz payent disme des billons qu’ilz tireront des dits ouvrages et montaignes »119. Le filon est alors déjà presque épuisé, la production chute à 6,11 kg en 1593 et « en la présente année [1597] ne s’a tiré aucune myne du porche et montagne appelée Saint Esprit ». Malgré le percement d’un nouveau travers‑banc, aucun autre filon important n’est trouvé et la mine est finalement abandonnée dans la première décennie du xviie s.

  • 120 « Les comparsonniers de ceste montagne ont obtenu exemption du disme sur toute la mine s’en livrera (...)

114St‑Jean‑de‑Tieffenthal120, seconde et dernière mine un tant soit peu productive, ouverte au‑dessus de Musloch un peu avant 1623 vraisemblablement, est un pis‑aller. Seul ouvrage productif du Val de Lièpvre ducal pour la période 1623‑1625, sa discrète production, de 9,94 kg d’argent en 1623 s’effondre à 619 g en 1626...

Le cuivre

115Principal minerai des filons de St‑Pierremont, les livraisons de cuivre chutent en même temps que celle de l’argent (tabl. XXV). Entre 1583 et 1586, deux mines seulement ont produit du cuivre : St‑Guillaume et Samson, 76,7 % de la production venant de cette dernière.

TABL. XXV – Production de cuivre des mines ducales du Val de Lièpvre de 1583 à 1615 (en kg). Les chiffres en italique correspondent à des livraisons de cuivre noir.

116Les comptes du receveur font état de trois autres livraisons en 1597, 1610 et 1615 effectuées respectivement par Ste‑Anne à Musloch, la fonderie de Ste‑Croix qui retraite les schlacques et par St‑Georges au Grand‑Rombach. Le tableau XXV récapitule les quantités livrées à l’exception de celles provenant de St‑Georges, non chiffrées, mine donnant pourtant de « la mine de cuivre en bonne quantité » (Cabourdin 1969 ; 117).

Bilan

  • 121 Il s’agit des exploitants des mines Flnckenstreich, Stolle Aymé, Herrschafft à Musloch et St‑Jean à (...)

117Ainsi, la production des mines ducales du Val de Lièpvre s’effondre au tout début des années 1580 : les filons, riches mais de faible envergure, ne pouvaient soutenir une activité florissante au‑delà de 25 années d’exploitation continue. Après le redressement passager (correspondant aux livraisons comprises entre 1583 et 1597), dû essentiellement aux nouvelles mais ultimes découvertes de filons à Musloch et, dans une moindre mesure à Lièpvre, nous pouvons considérer qu’à l’aube du xviie s., l’ensemble des réserves métalliques du Val de Lièpvre est inexorablement épuisé par un immense et opiniâtre effort de prospection suivi d’une intensive exploitation. En 1603, les exploitants des mines des deux plus anciens secteurs productifs du Val de Lièpvre, Musloch et St‑Pierremont, estiment que leurs ouvrages « sont de si petit revenu qu’il leur est impossible que d’iceluy ils puissent entretenir leurs ouvriers et familles »121. En 1605, les mines sont tombées dans une telle décadence qu’on y travaille « sinon par manière d’acquis avec ung ou deux myneurs seulement et de huictaine ou quinzaine à autre » (Cabourdin 1969 ; 117).

1.6 Le prix des métaux et leur évolution

1.6.1 L’argent

  • 122 ADMM B 421. Ordonnance ducale du 12 juin 1508, F°21.1 florin = 2 francs monnaie de Lorraine. Tous l (...)
  • 123 ADMM B 421. Ordonnance ducale du 12 octobre 1557, F°33.

118Lorsque les premières mines ducales du Val de Lièpvre sont mises en activité en 1512, le prix du marc d’argent au fin poids de Troyes a déjà été fixé par l’ordonnance de 1508 à « seize francs monnoye de Lorraine ou huit florins d’or, sans que jamais ilz le puissent remonter »122. En vigueur à la fin du xve s. pour‑les billons d’argent livrés par les mines de La Croix, ce prix stagne pendant plus d’un demi‑siècle. En 1557, alors que la production des mines du Val de Lièpvre est depuis 1554 à son plus haut niveau, le duc confirme sa volonté de maintenir « pour chacun marc huict florins »123.

  • 124 ADMM B 9658, copie A Deg. 3512‑2, p. 19.

119Les premiers signes du déclin de la production provoquent une revalorisation du prix de l’argent : en 1562, le duc accorde « aux parsonniers des mynnes du Val de Lièpvre leur estre paié le pris de 10 florins par marc à commencer es le premier jour d’Octobre »124.

  • 125 ADMM B 9663 (1568), copie A Deg. 3512‑2, p. 1.
  • 126 ADMM B 9665 (1572), copie A Deg. 3512‑2, p. 6.

120Ce prix restera en vigueur pendant 21 ans, mais afin d’enrayer quelque peu la chute de la production, le duc favorise la relance des recherches en accordant une plus grande participation financière aux travaux et en réduisant la dîme prélevée sur la production d’argent. Ce « décret », en date du 4 janvier 1568, par lequel « Monseigneur tient quicte les parceonniers, en paiant le disme sur huict florins seulement, nonobstant qu’ilz en tirent dix florins du marc »125 est appliqué pour quatre ans, puis reconduit le 16 décembre 1571 pour une durée équivalente. Ce décret concerne les anciennes mines et les deux seigneuries, pour encourager les autres recherches, accordent l’exemption totale de la dîme, pour quelques années, ou jusqu’à concurrence de 500 marcs soit 122,35 kg : « à chascune des nouvelles mynes qui doresnavant se trouveront»126. Ouverte en 1575, la mine St‑Esprit bénéficie pleinement de ce « traicté » puisqu’elle est presque épuisée après avoir livré ses 500 marcs d’argent francs en 1591.

121En conséquence, les mesures accordant la réduction ou l’exemption de la dîme ont permis d’entretenir et même de relancer la production entre 1569 et 1571, sans provoquer une nouvelle augmentation du prix de l’argent, décision qui ne pouvait se prendre qu’après mûre réflexion car elle concernait l’ensemble de la politique monétaire du duché.

  • 127 ADMM B 9671 (1583), copie A Deg. 3512‑3, p. 1 (Cabourdin 1969 :113).
  • 128 — A défaut d’avoir le compte du receveur pour l’année 1606, celui de 1608 confirme la hausse du pri (...)
  • 129 ADMM B 9693 (1626), F°25.

122L’effondrement de la production, au début des années 1580, conduit à une nouvelle augmentation en 1583 : « Au présent compte, à compter treize florins pour chascun marck d’argent fin comme l’Altèze de monseigneur at permis estre paié aux parsonniers des misnes qu’est à raison de deux francs le florin, monte à vingt six francs. »127. Cette valeur stagnera pendant 23 ans, période durant laquelle la production se redresse notablement, de 1591 à 1597, avant de s’effondrer définitivement à la charnière des xvie et xviie s. La rareté de l’argent devient alors telle que le duc est à nouveau contraint de revaloriser le prix du marc en 1606, d’autant que celui du cuivre ne cesse d’augmenter depuis 1583. Le marc d’argent passe ainsi à 15 florins128, stagne à nouveau pendant 20 ans, avant d’être faiblement augmenté en 1626 pour atteindre 16 florins 12 gros129.

1.6.2 Le cuivre

  • 130 Les premières livraisons peuvent avoir été effectuées entre 1549 et 1552, années pour lesquelles le (...)

123Tardivement découverts au Val de Lièpvre, les filons cuprifères de St‑Pierremont ne produisent du cuivre qu’à partir de 1557130. Nous n’avons donc aucune donnée concernant ce métal avant cette date. Le prix du « cent », c’est‑à‑dire de cent livres de cuivre (48,95 kg), est sensiblement différent cette année‑là pour les livraisons des mines Sl‑Guillaume et St‑Jean : 10 florins, 10 gros et 9 florins, 10 gros, 1/4 de denier respectivement.

124Après une importante et rapide augmentation de l’ordre de 25 %, le « cent » de cuivre se vend 13 florins dès 1561. De cette date à 1584, le prix du métal rouge reste stationnaire malgré quelques fluctuations portées sur le tableau XXVI.

TABL. XXVI – Evolution du prix du cuivre rouge de 1561 à 1584.

125Ainsi, à la fin de 1583, le prix du cuivre –après avoir momentanément chuté– retrouve son ancienne valeur de 1561, soit 13 florins pour cent livres, au moment même où l’argent est revalorisé de 30 %. Mais ce n’est qu’à partir de 1586 que le cuivre, activement recherché pour la frappe, augmente considérablement : de 15 florins en 1586, il passe à 18 florins 18 gros en 1597 pour atteindre 28 florins 3 gros en 1610. De 1583 à 1610, le cuivre augmente donc de 116,35 %, alors que l’argent n’enregistre qu’une hausse de 15,38 %.

1.6.3 Le plomb et ses dérivés

  • 131 — Au prix de 1610.

126Nous n’avons qu’une seule mention de prix concernant le plomb, les très rares autres livraisons de ce métal ou de glatin (son oxyde issu du four de coupellation) ne comportant jamais d’indication ni de poids, ni de prix unitaire. En 1627, cent livres de plomb valent 4 florins 4 gros, soit 7 fois moins cher que le cuivre131.

127La comparaison entre le prix du cuivre et celui de l’argent (tabl. XXVII) est difficile puisque le premier est celui du marché alors que la valeur du second est fixée par le duc qui détient le monopole d’achat du métal à la monnaie. L’évolution de ces prix mériterait une étude plus approfondie afin de les replacer dans le cadre de l’économie européenne.

TABL. XXVII – Comparaison de l’évolution du prix du marc d’argent (244,75 g) et de cent livres de cuivre rouge (48,95 g).

1.7 Chronologie de l’activité minière d’après les comptes

Des débuts difficiles

La ruée vers... l’argent

L’exploitation des trois mines productives

De l’épuisement à l’abandon

Le « Don de Dieu »

L ’apogée des mines ducales : près de 30 tonnes d’argent en 24 ans

Le déclin

Notes

1 Les célèbres mines d’argent de Potosi (Bolivie), Zacatecas et Guanajuato (Mexique) né furent découvertes qu’en 1545,1548 et 1558. Elles fournirent des quantités considérables d’argent dans la seconde moitié du xvie s., la plus forte importation se situant dans la dernière décennie avec 2 707 tonnes. Le minerai était traité par amalgamation avec le mercure des mines de Huancavelica (Pérou, 1554) et d’Almaden (Espagne). Ces districts miniers argentifères sont toujours activement exploités de nos jours (Anonyme 1975, p. 42).

2  Der Anschnitt, Juin 1964, 16e année, no 3, p. 8:

3 Le Graduel de Saint‑Dié, œuvre anonyme, exécutée pour le Chapitre de l’« Insigne Eglise Collégiale » de St‑Dié entre 1504 et 1514, comporte 371 feuillets dont 22 particulièrement enluminés. Manuscrit 74 de la Bibliothèque municipale de St‑Dié (Vosges). Le feuillet 353 représente les travaux des mines avec les armoiries de Vautrin Lud, maître général des mines de Lorraine.

4 Comptes du receveur de St‑Dié et de La Croix. ADMM B 8838 à 8846, renseignements communiqués par Jacques Laurent.

5 Haubinsack fut nommé juge du pays (Landrichter) du côté alsacien du Val de Lièpvre en 1531, il le restera jusqu’à sa mort en 1577.

6 Elles furent exploitées aux xiiie et xive s., voire avant. Bournon, en 1838, signale l’existence d’ordonnances ducales concernant les mines du Val de Galilée en 1250, 1317 et 1378. Cité par J. Degermann, A Deg. 3547, p. 1 et 2.

7 Une très importante activité minière s’est déroulée aussi à l’Altenberg (Ste‑Marie‑aux‑Mines) bien avant le xvie s. Si quelques textes y font allusion, ce sont surtout les fouilles archéologiques qui ont permis de mesurer l’ampleur insoupçonnée de ces premiers travaux, que nous supposons être des xexiiie s (Grandemange 1986). Par contre, le Val de Lièpvre ducal ne semble pas avoir fait l’objet d’une exploitation si ancienne. Quelques rares vestiges troublants existent néanmoins dans la mine St‑Jacques à Ste‑Marie « Lorraine ».

8 La guerre de Trente Ans s’étend de 1618 à 1648 et s’achève par le traité de Westphalie. Mais pour la Lorraine, ces limites chronologiques n’ont guère de sens, le conflit ayant touché ce pays à partir de 1630 seulement. En revanche, il connaît des prolongements jusqu’en 1663. Nulle rupture n’est plus évidente dans l’histoire de la Lorraine que celle produite par cette guerre qui laissa le pays ravagé et ruiné (Gaber 1979).

9 — Conrad Clotz de Kaysersperg : fermier des mines du pays de Voge (ADMM B2, F°81) confirmé dans la concession des mines métalliques du Chipal le 28 octobre 1484 (B2, F° 308‑311).

10 ADMM B 421. Ordonnance du 4 juillet 1486. F°1.

11 Id. note 10.

12 — Comte Oswalt de Tierstein, maréchal de Lorraine ; Jean d’Ainvau, lieutenant de St‑Dié et Johannes Lud, secrétaire, maître général et justicier des mines de Lorraine succédèrent à Conrad Clotz de Kaysersperg qui abandonna la mine St‑Nicolas « doublant et craindant les despences ou pour aucunes autres causes ». ADMM B 421, F°1.

13 ADMM B 421.

14 ADMM B 421. Ordonnance du 12 juin 1508. F°19.

15 Le marc utilisé en Lorraine était celui de Troyes pesant 244,7 g, voir le chapitre sur les mesures de poids.

16 Cabourdin 1969 : 94. Cette livraison maximale d’argent correspond à la plus forte production de cuveaux de mine analysée par Jacques Laurent dans les comptes du receveur de St‑Dié et de La Croix (ADMM B 8841).

17 La mine Notre‑Dame‑de‑Lusse, provisoirement abandonnée vers 1540, reprise avec profit en 1553, produit 176 m d’argent (43 kg) en 1562, 834 m (204 kg) en 1570 et 1571. En 1583, quatre puits atteignent 125 m de profondeur et la mine est à nouveau abandonnée en octobre 1586 à cause d’une venue imprévue et importante d’eau. En 1591, le minerai était toujours affiné à Ste‑Croix et, en 1594, elle produit 207 m d’argent (50 kg) sous l’impulsion des frères Friedrich et Wilhem Prechter de Strasbourg. Elle est abandonnée en 1608 (Cabourdin 1969 : 99‑101, 105, 109, 113, 115).

18 Une mine St‑Jacques est en activité en 1501 (ADMM B 8834). Le 5 novembre 1516, une sentence déboute Gregorius Hirs de Schneeberg des mines de « Notre‑Dame d’Anoise » et en reconnaît la possession à Régnier Widt, receveur des mines de Lorraine (B 14, F°42 à 44). Cabourdin cite la mine St‑Jean d’Anozel comme abandonnée de 1489 à 1592, puis de 1604 à 1605 « faute d’invention à tirer les eaux qui noyoit leur ouvrage « (Cabourdin 1969 : 105). Sainfeld cite un inventaire de 1610 (B 8900) qui fait état de « quatre cores de cuivre fait exprès au lieu de balles pesant 540 livres et deux grosses gornes de fer fondu pesant 366 livres » (Sainfeld 1957).

19 ADMM B 8835 (1510‑1515). Comptes des mines de St‑Dié et de La Croix.

20 Ce qui place l’ouverture de la mine au moins dix ans avant la date annoncée par Haubinsack : « En 1522, Uzenfeider, un bon et Intelligent mineur, ouvrit avec Jean Bock la Fundgrube Saint‑Jacques, sur la partie lorraine de Sainte‑Marie, là où se tient maintenant le marché [...] ». Un peu plus loin, Haubinsack nous signale que cette mine « fut commencée vers 1520 » (Haubinsack 1570 : 3‑29).

21 A titre de comparaison, 61 recherches minières ont été réalisées sur la partie Alsace dans le même laps de temps. En 1526, 50% de ces ouvrages sont abandonnés, certains d’entre eux ne l’étant que provisoirement (Buhler 1526, ADHR) (Michel Bulher est nommé à l’emploi de juge et de surintendant des mines par l’archiduc d’Autriche en 1524, avec 80 florins d’or pour appointements ; il le restera jusqu’en 1535).

22 ADMM B 8844 (1529).

23 Les mines St‑Pierre, St‑Guillaume, Ste‑Barbe, St‑Jacques sont citées dans les comptes des mines de St‑Dié et de La Croix (ADMM B 8849, 8855 et 8859). Les comptes du gruyer de Ramonchamp et Bussang (1561‑1702) devraient nous apporter aussi d’utiles renseignements. D’après M. Richard, les archives mentionnent 23 mines (Richard 1909).

24 Ordonnance de Charles III, promulguées les 16 mars 1571, 2 Juin 1588 et 2 septembre 1596. Ordonnance d’Henri II promulguée le 19 novembre 1612 (Rogeville 1777). Ordonnance du 1er mars 1627 (Saur 1757).

25 En dépit de graves troubles causés par une épidémie de peste en 1636 puis par le passage de soldats en janvier 1638, l’exploitation du versant comtois, malgré l’abandon en 1622 du percement de la galerie d’écoulement des eaux (St‑Jean), se maintient jusqu’en 1670 (Bohly 1984).

26 ADMM B 8335.

27 ADMM B 8341.

28 ADMM B 826. F°80.8.

29 Traité de partage ou paix castellane « Burgfrieden » du 9 décembre 1399 entre Smassmann de Ribeaupierre et Frédéric de Hattstatt, vassal du duc de Lorraine (Buhler 1967 :15‑20).

30 Le 29 septembre 1374 (Buhler 1967 : 15). Echappant au cadre de notre étude, nous n’entrerons pas dans les longs et fastidieux méandres politiques qui, de la fondation du prieuré du Lièpvre, ont conduit au partage du Val de Lièpvre à la fin du xive s. (Degermann 1892), (Buhler 1963), (Wilsdorf 1966).

31 Aujourd’hui Echery.

32 Ratification par Antoine, duc de Lorraine, de l’arbitrage intervenu entre les commissaires du duc et ceux de Schmassmann et ses neveux, seigneurs de Ribeaupierre, 5 décembre 1513. ADHR E 1812, copie A Deg. 3143, p. 1 à 3.

33 ADHR E 1815 (1514).

34 Relation adressée à l’empereur par les membres de la commission impériale des résultats des entretiens qui ont eu lieu entre les envoyés de la seigneurie de Ribeaupierre et ceux du duché de Lorraine, concernant la propriété du village de Leberthal, revendiquée par les princes d’Autriche et les seigneurs de Ribeaupierre d’une part, et par le duc de Lorraine d’autre part. ADHR E 1819 (1516‑1518).

35 Désignés par l’empereur, Michel Ott et Kridwis vérifient les limites territoriales relativement aux mines et visitent les mines de Ste‑Marie et du Val de Lièpvre. 20 Juin 1518. ADHR E 1971. Copie A Deg. 3449, p. 1 à 3.

36 ADMM B 9648 (1521), copie A Deg. 3511‑3, p. 1.

37 La Furst ou la First : col de Ste‑Marie (772 m d’altitude).

38 « Interrogatoires pour la part de Monseigneur le Duc de Calabre, de Loreine et de Bar selon lesquels le procureur du dit seigneur requiert ung chascung des dicts tesmoins à produire pour la maiestez impériale. » A Deg. 3511‑3, p. 12.

39 — Haubinsack reconnaît donc l’existence des terres ducales. Reste à leur trouver, paradoxalement, un souverain... Le conflit de territorialité est d’ailleurs à sens unique, le duc de Lorraine ne semble pas avoir de prétentions sur les terres de Ribeaupierre : « les villages le Petit Lebero, dit le Vieux Eckerich, Sainct Guillaume, Sainct Blaise et Fortelbach, tous de la seigneurie de Rappolstein, sont situez au dit Vaul de Lyèvre, et que ladicte seigneurie en a lajoyssance, souveraineté, haulte justice [...] mynes et montagnes d’icelles et nommément en Fortelbach, et à joir et user de ces choses [...] pacifiquement et sans nulle inquietation ou empeschement du Duc de Lorraynne et de tous aultres ». ADMM B 9648 (1521), copie A Deg. 3511‑3, p. 11 (article 33).

40 Aucun interrogatoire n’est en effet négligé : quelle que soit sa condition, tout homme âgé est appelé à témoigner « et ne déposer choses qui ne sache véritablement ». Laboureurs, charretiers, charpentiers, maréchaux‑ferrants, hôteliers sont questionnés. Outre les témoignages recueillis dans le Val de Lièpvre, l’enquête s’élargit considérablement : on interroge des gens de Saales, Lapoutroie, Fréland, Presse, St‑Maurice‑sur‑Moselle et même de Vescemont et de Lepuix près de Giromagny dans l’actuel territoire de Belfort. ADMM B 9648.

41 Bergwerkspläne bei Markirch im Elsass. 1513‑1520. Tiroler Landesarchiv, Karte no 267.

42 Haubinsack a écrit la majeure partie de sa chronique en 1548 et l’a complétée en 1570.

43 Mines St‑Jacques et St‑Joseph. Cette dernière, mentionnée dans les comptes des receveurs entre 1520 et 1526, est aussi située à Ste‑Marie‑Lorraine.

44 Fron = dîme, Wechsel = taxe du dixième sur le marc d’argent fin.

45 Compromis et transactions passées de 1527 à 1555 entre les Maisons d’Autriche et de Lorraine, au sujet de la juridiction et de leurs droits respectifs sur les mines de la vallée de Lièpvre. ADHR E 1939.

46 « Extralct des billons d’argent prouvenans des mynes du Val de Lièpvre, le tout calculez à la certaineté & extraictz des registres des esprouveurs et verweisers des dictes mynes, par Veltin Kaufmann, à présent esprouveur juré, ensemble de déclairation du partaige faict des billons sur la moictié appartenant aux deux supérieurs. » ADMM B 9653 : comptes et partages de 1551 à 1561, et ADMM B 8866 :
comptes des 1563 à 1571. En dehors de ces comptes spécifiques, exclusivement consacrés au partage des billons, cet état de fait apparaît dans tous les autres documents.

47 En 1536, Ferdinand I avait ouvert à Thann un atelier monétaire remplacé en 1584 par celui d’Ensisheim qui était le siège du gouvernement de l’Autriche antérieure (Cabourdin 1969 : 95).

48 ADMM B 10384 (1589).

49 ADMM B 9654 (1554) par exemple.

50 Transaction portant que la rivière dite Landbach, qui sépare les deux territoires aura 20 pieds de largeur, et que, pour la contenir dans cette largeur, il sera construit sur ses deux rives des murs aux frais des propriétaires riverains. ADHR E 1915 (1513‑1557), inventaire.

51 ADMM B 421. Règlement minier pour le duché de Lorraine du 12 Juin 1508. Celui du 12 octobre 1557 (même référence) n’impose plus la religion catholique.

52 ADHR I.E 157 (1552‑1577), inventaire.

53 Inventaires séries E et plus particulièrement E 2028 (1538‑1659), E 1816 (1633‑1713) et E 1817 (1737‑1780).

54 La Lorraine fut rattachée à la Couronne de France à la mort de Stanislas le 23 février 1766.

55 ADMM B 9693. Compte de la surintendance des mines du Val de Lièpvre rendu par le sieur Pierre Fournier, surintendant des dictes mines et du dit Val pour l’an 1627, F°22.

56 Entre 1473 et 1508 d’après les nominations de présidents, d’auditeurs et de clercs conservées dans les registres des lettres patentes du duc (Collin 1984 : 76). L’auteur signale aussi que le duc Antoine confie à cette juridiction, par son ordonnance du 9 juin 1531 (ADMM B 844, F°34), la vérification des recettes domaniales et le contrôle de la gestion des procureurs, receveurs et gruyers du duché.

57 Correspondant aux cotes B 9650 (1531, 1533, 1535) ; B 9652 (1553) ; B 9654 (1554, 1555) ; B 9656 (1556, 1557) ; B 9657 (1560) ; B 9658 (1561, 1562) ; B 9659 (1564) ; B 9661 (1567) ; B 9663 (1568, 1569) ; B 9665 (1571, 1572) ; B 9667 (1573, 1574) ; B 9670 (1577, 1578, 1580 à 1582) ; B 9671 (1583, 1584) ; B 9673 (1586, 1590) ; B 9675 (1591) ; B 9678 (1597) ; B 9683 (1608 et 1610).

58 Jules Degermann, né à Ste‑Marie‑aux‑Mines le 5 novembre 1828. Après avoir dirigé les ateliers de teinture de l’importante fabrique de tissu de son père, il se consacre en 1864 à l’étude de la minéralogie et de la géologie en compagnie d’Adolphe Lesslin. Passionné aussi par l’histoire de sa vallée, il entreprend en 1875 de classer les archives communales en respectant les instructions officielles de classement contenues dans la circulaire du 25 août 1857. Il publie tardivement quelques monographies remarquables : La Donation de Charlemagne au Prieuré de Lièpvre (1892), Le Monastère d’Echery au Val de Lièpvre (1895) et L’Etat du temporel de quelques paroisses situées en Alsace et autrefois dépendantes du Duché de Lorraine (1896). Il s’éteint le 11 octobre 1898 à l’âge de 70 ans.

59 G. Cabourdin a surtout utilisé les rapports et mandements à la Chambre des comptes (1545‑1633) : ADMM B 10356‑10431.

60 Thierry Alix, né vers 1530, devient en 1552 tabellion –juré des bailliages de Nancy et des Vosges et greffier de la Chambre des comptes. Reçu secrétaire du duc Charles III en 1553, il prend la charge de conseiller– auditeur de la Chambre des comptes en 1562 avant d’en devenir le président en 1569. Il entre enfin au conseil privé du prince en 1574 et ne le quittera qu’à sa mort en 1594. Thierry Alix a classé le trésor des Chartes et a rédigé les 90 volumes du cartulaire de Lorraine (Collin 1984 : 24).

61 Ce compte a été perdu ainsi que les quatre suivants. Le 6e compte concernant l’année 1531 est en fait le premier du « Val de Lièpvre » à être parvenu jusqu’à nous.

62 Voir à ce sujet les grandes lignes généalogiques de la famille Reynette (Ronsin 1982).

63 1535 correspond à son dixième compte. La perte des liasses ultérieures ne nous permet pas de préciser à quelle date Jacques Reynette I arrête de tenir les comptes.

64 ADMM B 9650 (1531), copie A Deg. 3512‑1, p. 1.

65 ADMM B 9660, B (1566) F°1.

66 ADMM B 9665 (1572), copie A Deg. 3512‑2, p. 14 du compte.

67 ADMM B 75, F°174 et B 77, F°84.

68 ADMM B 9683 (1608), copie A Deg. 3512‑5, p. 1 du compte.

69 ADMM B 9683 (1610), copie A Deg. 3512‑5, p. 1 du compte.

70 ADMM B 9693 (1626), F°1.

71 ADMM B 9693 (1629), F°20.

72 Minerai très médiocre ayant déjà subi au moins une opération métallurgique semble‑t‑il.

73 Verweser : personnage qui tient les comptes de la mine « qu’il a en charge aux justiciers, controlleurs des dictes mynes et parçonniers d’icelle montagne ». Il est tenu d’avoir « ung livre pour y inscrire toutes receptes et despences de sa montagne ». Règlement minier du 12 octobre 1557. ADMM B 421, F°32.

74 La « charrée de charbon » vaut 1 florin, 14 gros en 1551. ADMM B 9651, F°100. La charrée pèse environ 500 livres, soit 245 kg (Cabourdin 1974 : 725).

75 ADMM B 9654 (1554), copie A Deg. 3512‑2, p, 30.

76 ADMM B 8853 (1557), F°4.

77 Le style Pascal a été adopté par la France et une partie de la Chrétienté à partir du xiie s. (Flandre dès le milieu du ixe s.) (Delort 1969 : 111).

78 ADMM B 9651, F°65.

79 ADMM B 9670, copie A Deg. 3512‑6, p. 1 du compte de 1577.

80 ADMM B 9670, copie A Deg. 3512‑6, p. 1 du compte de 1578.

81 Compte de 1597. ADMM B 9678, copie A Deg. 3512‑4, p. 1 du compte.

82  Premier compte des receveurs du Val de Lièpvre à être parvenu jusqu’à nous.

83 ADMM B 9652 (1553), copie A Deg. 3512‑2, p. 4.

84 « Le marck d’argent fin, pold de Troye at 8 onces, l’once at 8 trézeaux » ADMM B 9671 (1583), B 9675 (1593), copies A Deg. 3512‑3, p. 1 pour chaque liasse. ADMM B 9693 (1634) F°2.

85 Par exemple : 79 marcs 1 once 6 tréseaux 2 grains 5/8, (21 décembre 1554), 77 marcs 7 onces 7 tréseaux 2 grains 1/16, (21 janvier 1554 année Pascale, donc 1555). Ces pains sont livrés par la mine St‑Guillaume à St‑Plerremont.

86 ADMM B 9651 (1551) F°103. Le marc de Strasbourg s’apparente au marc de Cologne : il vaut 8 onces, 16 loths, 64 « quint » ou quentschen, 256 » gran » ou pfennigs, 512 heller. Son poids, non défini dans nos textes, oscille entre 233,8 g et 235,5 g. ADHR E 1944 (1611,1615) (Cabourdin 1969 : 94), (Fournial 1970 :167).

87 A Hanus Berman de St‑Nicolas. Seize ans plus tôt, les superintendants des deux seigneuries achètent « un poid de Strasbourg pour peser les pains d’argent » 3 florins 6 gros. ADMM B 9650 (1535), copie A Deg. 3512‑1, p. 7.

88 ADMM B 9654 (1554), copie A Deg. 3512‑2, p. 30.

89 ADMM B 8853 (1557), F°1.

90 ADMM B 9693 (1627), F°28.

91 Mine St‑Georges (1518‑1557). L’Allemand‑Rombach, aujourd’hui Rombach‑le‑Franc.

92 La barite (sulfate de baryum, Ba SO4) est généralement présente comme gangue dans les filons polymétalliques. C’est à ce titre qu’elle a été retenue comme indice en 1518. Malheureusement, cette barite –outre quelques traces de fer et de cuivre– était pure. Elle n’a été exploitée avec profit qu’en 1900 puis 1960 (Castro, Sainfeld 1956), (Sainfeld 1957).

93 Le rapport du 25 au 27 juillet 1527 de Paumgartner, Schemperger et Gallus Beham ne signale paradoxalement que trois mines en exploitation « sur le côté welsche du Val de Lièpvre un mineur travaillait dans chacune des mines Ste‑Catherine et Ste‑Croix, deux étant occupés dans St‑Jean avec puits. Les mines de la Trinité, de l’Assomptlon‑de‑Notre‑Dame, St‑Joseph, Ste‑Madeleine et St‑Jacques, le long de la route vers Ste‑Marie étaient inexploitées. » (Paumgartner, Schemperger, Beham 1527 : 8). Dans les 5 mines citées comme inexploitées, seules St‑Joseph et Assomption‑Notre‑Dame le sont ; toutes les autres ont été « labourées sur les portions et neufièsmes de Monseigneur le Duc ». Il lui en coûte d’ailleurs 476 florins 16 gros 4 deniers et demi dont 60 florins 15 gros 2 deniers pour la seule mine St‑Jacques. Le rapport ayant été rédigé à la fin du mois de juillet, on peut supposer que les mineurs ont abandonné très provisoirement leurs ouvrages pour se consacrer aux travaux agricoles.

94 Monnaie de Strasbourg.

95 La mine a pu être abandonnée à partir de 1540 (Haubinsack 1570 :14).

96 Prechter, dans son rapport du 1er octobre 1602, apporte quelques éclaircissements concernant l’ouverture des mines : « Au début, quand on entrevoit la possibilité d’établir une exploitation minière, que ce soit grâce au fait des filons et des failles affleurent au jour, qu’ils soient lavés par les pluies, mis à découvert par la chute des arbres déracinés, que l’on découvre l’indice détaché d’un filon en cultivant les champs, qu’ils soient décelés avec les baguettes divinatoires ou fouillés de quelque autre manière, au début donc il est nécessaire de reconnaître soigneusement les directions de ces filons et le côté vers lequel ils ont leur pendage ; aux endroits où cela est possible, on doit y pratiquer des fouilles au jour et y établir des travaux. » (Prechter 1602 : 25).

97 Haubinsack, « Rapport sur les mines du Val de Lièpvre adressé à Sébastien Munster », fin de l’année 1544. Publié dans la Cosmographie (Munster 1552).

98 Mine St‑Nicolas à Ste‑Croix : 1523‑1547, citée à nouveau en 1578.

99 ADMM B 9651 : ce registre contient, outre les comptes des Domaines pour l’année 1535, les comptes du receveur des mines pour les seules années 1546, 1547 et 1551.

100 ADMM B 8853, 20 août 1557.

101 ADMM B 8853, 20 août 1557.

102 ADMM B 9671. 1583.

103 ADMM B 9693. Compte de Pierre Fournier, 1627, F°22.

104 ADMM B 9650. Copie A Deg. 3512‑1.

105 Les cuivres gris forment une série isomorphe s’étendant de la tétraédrite Cu12 Sb4 S13 à la tennantite Cu12 As4 S13. Il existe plusieurs variétés dues à de nombreuses substitutions. La formule générale des cuivres gris s’écrit : (Cu, Ag)10 (Cu, Zn, Hg, Fe)2 (As, Sb)4 S13 avec:Cu = 22 à 53 %, Ag = 0 à 18 %, Zn =0 à 9%, Hg = 0 à 17 %, Fe = 0 à 13%,As = 0 à 20%, Sb = 0 à 29 %, Bi = 0 à 4,5 %, S = 20,6 à 29,1 %. La freiberglte (de Freiberg, Harz) désigne les tétraédrites riches en argent (jusqu’à 18 %), la schwatzite (de Schwaz, Autriche), les tétraédrites riches en Hg (jusqu’à 13 %). Les tétraédrites, de densité 5, s’altèrent en malachite, azurite et oxydes d’antimoine, les deux premiers minéraux faisant office d’excellents traceurs... La galène Pb S est le principal minerai de plomb avec Pb = 86,6 % et S = 13,4 %. Elle peut contenir 0,01 à 0,05 % d’argent, exceptionnellement jusqu’à 1 %. Cet argent est généralement individualisé sous forme de porteurs microscopiques : tétraédrites, argents rouges ou noirs et sulfures d’argent (Auber, Guillemin, Pierrot 1978 : 112‑113,116‑117), (Bariand, Cesbron, Geffroy 1977 : 399‑401, 344‑347).

106 — La commercialisation du plomb ne pouvait pas échapper aux comptes des superintendants puisque la dîme était prélevée sur toutes les productions métalliques sans exception.

107 La métallurgie du cuivre argentifère est plus complexe que celle du plomb car il s’agit de faire passer dans le plomb l’argent contenu par le cuivre. Outre une phase de grillage préalable, il y a au moins deux fusions du minerai avec adjonction de plomb. Le mélange Pb‑Ag sera traité ensuite par coupellation. Le cuivre noir s’obtient à la première fusion, le cuivre rouge, dit aussi rosette, à la seconde. (Agricola 1556 : 291‑395.)

108 Ignorant jusqu’à présent la valeur exacte de la toise des mines, nous utilisions la toise de France (1,94 m). L’étude des repères d’arpentage gravés dans la mine inférieure de la Fontaine des Chouettes nous permet maintenant de préciser la valeur de la toise utilisée : 1,8 m (voir § 2.4 « Architecture et percement des galeries »).

109 Nous avons déjà signalé l’erreur d’Haubinsack concernant la date d’ouverture de la mine St‑Jacques. Il semble néanmoins que les vingt ans de production correspondent aux années 1520‑1540 qui, après les troubles causés par le conflit de territorialité, marquent l’apogée de cette mine. Le « demi quintal d’argent natif » découvert en 1530, les fortes productions attestées en 1531,1533 et 1535 confirment aussi cette hypothèse. Enfin, St‑Jacques est citée parmi les cinq mines productives par Sigmund Schemperger : « Im ganzen werden jetz auf des Luttringer seiten 21 Gruben gebaut, darunter haben 5 erz, nämlich die Herrschafft (des Landesfürst), St Anna, St Johann, St Barbara und St Jakob, der sindjetzt also hoffentlich. « Rapport du Bergrichter de Schwaz, Sigmund Schemperger, 1546. Staatsarchlv Innsbrück, Pestarchiv XIV, 471‑1 (Cabourdin 1969 :100).

110 ADMM B 8866 (Cabourdin 1969 :107). Outre de nombreuses erreurs de frappe qui affectent le quart des chiffres de son tableau, l’auteur ne mentionne pas les livraisons effectuées par la mine St‑Michel à la Goutte Martin (Ste‑Croix) ainsi que par les haldes des mines de St‑Pierremont. Le tableau de production de la mine St‑Guillaume, dressé par R. Maurer pour la période 1554‑1571 est encore plus faux puisque cet auteur se contente de recopier les erreurs de frappe du premier en y rajoutant indistinctement pour les années 1557 à 1559, non pas les chiffres de production mais ceux des livraisons effectuées à Nancy, pourtant clairement explicités par G. Cabourdin (Maurer 1984 RFP : 30).

111 ADMM B 8866 (Cabourdin 1969 :107). Outre de nombreuses erreurs de frappe qui affectent le quart des chiffres de son tableau, l’auteur ne mentionne pas les livraisons effectuées par la mine St‑Michel à la Goutte Martin (Ste‑Croix) ainsi que par les haldes des mines de St‑Pierremont. Le tableau de production de la mine St‑Guillaume, dressé par R. Maurer pour la période 1554‑1571 est encore plus faux puisque cet auteur se contente de recopier les erreurs de frappe du premier en y rajoutant indistinctement pour les années 1557 à 1559, non pas les chiffres de production mais ceux des livraisons effectuées à Nancy, pourtant clairement explicités par G. Cabourdin (Maurer 1984 RFP : 30).

112 Non compris les années 1558 et 1559 pour lesquelles nous n’avons pas le détail de la production.

113 Comptes manquants : 1552, 1558, 1559, 1563, 1565, 1566 et 1570.

114 Les calculs ont été effectués à l’année, utilisant donc pour chaque livraison de cuivre, le prix du marc d’argent alors en vigueur.

115 Nous pouvons envisager une lacune des sources concernant la production de cuivre, mais les corrélations citées inclinent à soutenir les hypothèses développées ci‑après.

116 ADMM B 9678 (1597), copie A Deg. 3512‑4, p. 3.

117 Afin de soutenir une activité minière défaillante, les deux seigneuries accordent en 1581 aux parsonniers de la mine Herrschafft l’exemption « de paier dismes du billon prouvenant d’icelle Jusques à la concurrence de quatre cens marcs d’argent « (soit 97,88 kg), raison pour laquelle les livraisons annuelles sont récapitulées dans les comptes du receveur de 1593 et 1597. De 1581 à 1593, la mine produit 60,406 kg, de 1581 à 1593 : 31,361 kg. ADMM B 9675 (1593), copie A Deg. 3512‑3, p. 9.

118 ADMM B 9671 (1583), copie A Deg. 3512‑3, p. 2.

119 ADMM B 9675 (1591), copie A Deg. 3512‑3, p. 2.

120 « Les comparsonniers de ceste montagne ont obtenu exemption du disme sur toute la mine s’en livrera iusques à la concurrence des premiers cinq cents marcs [...] au compte de l’an 1623 folio 3 en marge, » De 1623 à 1626, la mine livre au total 70 marcs 7 onces 4 tréseaux 6 grains 1/4 (soit 17,359 kg) « reste encor du billon franc ausdicts comparsonniers 409 marcs 7 onces 3 tréseaux 3 grains 1/4 ». ADMM B 9693, F° 16 et 17.

121 Il s’agit des exploitants des mines Flnckenstreich, Stolle Aymé, Herrschafft à Musloch et St‑Jean à St‑Pierremont.

122 ADMM B 421. Ordonnance ducale du 12 juin 1508, F°21.1 florin = 2 francs monnaie de Lorraine. Tous les comptes sont tenus en « florins qui vault vingt quatre gros, le gros vault 6 deniers », les bilans sont convertis en monnaie de Lorraine. ADMM B 9671 (1583), copie A Deg. 3512‑3, p. 1 (par exemple).

123 ADMM B 421. Ordonnance ducale du 12 octobre 1557, F°33.

124 ADMM B 9658, copie A Deg. 3512‑2, p. 19.

125 ADMM B 9663 (1568), copie A Deg. 3512‑2, p. 1.

126 ADMM B 9665 (1572), copie A Deg. 3512‑2, p. 6.

127 ADMM B 9671 (1583), copie A Deg. 3512‑3, p. 1 (Cabourdin 1969 :113).

128 — A défaut d’avoir le compte du receveur pour l’année 1606, celui de 1608 confirme la hausse du prix de l’argent à 15 florins. ADMM B 9683, copie A Deg. 3512‑5.

129 ADMM B 9693 (1626), F°25.

130 Les premières livraisons peuvent avoir été effectuées entre 1549 et 1552, années pour lesquelles les comptes font défaut, à l’exception de celui de 1551.

131 — Au prix de 1610.

Table des illustrations

Légende FIG.1 – Sites miniers polymétalliques du duché de Lorraine (1481‑1630) : vallons miniers du Val de St‑Dié, du Val de Lièpvre et de la vallée de la Haute‑Moselle.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-1.jpg
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Légende FIG. 2 – Limites territoriales du Val de Lièpvre d’après un fond de carte d’Adolphe Lesslin (1860). Le grisé délimite la seigneurie de Ribeaupierre.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-2.jpg
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Légende FIG. 3 – Le Valde Lièpvrevers 1520.
Crédits Cliché Tiroler Landesarchiv, carte no 267.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 339k
Légende FIG. 4 – L’ancienne frontière entre les deux seigneuries est toujours visible aujourd’hui sur un pont qui enjambe la Lièpvrette à Ste‑Marie‑aux‑Mines.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 107k
Légende FIG. 5 – Extrait d’un compte de contrôle du receveur de St‑Dié. Folio 8, ADMM B 8853.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
Légende FIG. 6 – Un article de « l’ordre qui est observé d’ancienneté ez mynes du Val de Lièpvre ». Extrait des folios 4 (a) et 5 (b). 1557, ADMM B 8853.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
Légende FIG. 7 – « Le justicier en son siège, ordonnance et serment des compagnons : Jacques Reynette du prince » n’est autre que Jacques Reynette I, justicier des mines et de la prévôté de St‑Dié, « commis pour superintendant » des mines du Val de Lièpvre en 1526. Heinrich Gross, folio 2.
Crédits Cliché de l’Ecole des Beaux‑arts de Paris.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 228k
Légende FIG. 8 – Extrait du folio 4, 1557, ADMM B 8853.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
Légende TABL. I – Mesures de poids de Troyes.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 15k
Légende FIG. 9 – Les trois sortes de petites balances avec lesquelles on pèse les minerais, les métaux et les fondants (Agricola 1556 : 213).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 152k
Légende FIG. 10 – Déclaration de la tare sur un pain d’argent. Extrait du folio 1,1557 (ADMM B 8853).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-11.jpg
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Légende TABL. II – Evolution du nombre de mines en activité au Val de Lièpvre de 1512 à 1628. Les nouveaux ouvrages sont représentés en noir.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-12.jpg
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Légende TABL. III – Diffusion géographique des recherches minières.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-13.jpg
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Légende FIG. 11 – Distribution géographique des mines ducales du Val de Lièpvre de 1512 à 1628. 234 mines sont localisées, 42 ne le sont pas.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36488/img-14.jpg
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Légende TABL. IV – Dépenses d’exploitation des mines ducales du Val de Lièpvre.
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Légende TABL. V – Dépenses moyennes d’exploitation par mine.
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Légende TABL. VI – Distribution des dépenses d’exploitation par secteur minier. Les dépenses sur le 9ème denier en florins figurent en abscisse, les dates en ordonnée.
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Légende TABL. VII – Inventaire général des mines ducales du Val de Lièpvre.
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Légende FIG.12 – Carte des mines du Val de Lièpvre, d’après Haubinsack, publiée par S. Munster (1552). 6 mines ont été représentées sur le versant ducal situé à droite de la Lièpvrette dont Ste‑Anne, Herrschafft, St‑Jean et vraisemblablement St‑Nicolas à Ste‑Croix.
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Légende TABL. VIII – Nature des livraisons métalliques.
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Légende TABL. IX – Production d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre.
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Légende TABL. X – Production de cuivre des mines ducales du Val de Lièpvre.
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Légende FIG. 13 – Distribution statistique de la production d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.
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Légende TABL. XI – Ecarts de poids des billons d’argent entre les comptes de Veltin Kauffman et de Jacques Reynette II pour la période 1563‑1571.
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Légende TABL. XII – Productions d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.
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Légende TABL. XIII – Production d’argent en kilogramme des mines de Saint‑Pierremont de 1551 à 1574. Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes. Les points d’interrogation correspondent à une absence d’archive. En italique, livraison du premier billon « franc du disme ».
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Légende TABL. XIV – Production d’argent en kilogramme des mines des autres vallons de 1551 à 1574. Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes. Les points d’interrogation correspondent à une absence d’archive.
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Légende TABL. XV – Productions d’argent issues du retraitement des haldes des mines de St‑Pierremont.
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Légende TABL. XVI – Evolution de la production d’argent issue du retraitement des haldes entre 1560 et 1570.
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Légende FIG. 14 – Distribution statistique de la production de cuivre des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.
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Légende TABL. XVII – Production en kilogramme de cuivre rouge des mines ducales du Val de Lièpvre de 1551 à 1574.
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Légende TABL. XVIII – Production d’argent et de cuivre de la mine St‑Guillaume à St‑Pierremont. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1552, 1558 et 1559.
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Légende TABL. XIX – Production d’argent et de cuivre de la mine St‑Jean à St‑Pierremont. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1558 et 1559.
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Légende TABL. XX – Production d’argent et de cuivre des mines St‑Henry‑l’Empereur‑au‑nom‑de Dieu et Notre‑Dame‑de‑Pfennigthorne. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1552, 1558 et 1559.
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Légende TABL, XXI – Production d’argent et de cuivre des mines Samson à St‑Pierremont. Les productions d’argent sont estimées pour les années 1558 et 1559.
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Légende TABL. XXII – Production d’argent des mines ducales du Val de Lièpvre de 1583 à 1627. Les tirets indiquent que les mines ne sont pas citées dans les comptes.
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Légende TABL. XXIII – Productions d’argent des mines de St‑Pierremont de 1583 à 1627 (en kg). Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes.
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Légende TABL. XXIV – Productions d’argent des mines des autres vallons de 1583 à 1627 (en kg). Les tirets indiquent que la mine n’est pas citée dans les comptes. En italique : livraison du premier billon « franc du disme ».
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Légende TABL. XXV – Production de cuivre des mines ducales du Val de Lièpvre de 1583 à 1615 (en kg). Les chiffres en italique correspondent à des livraisons de cuivre noir.
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Légende TABL. XXVI – Evolution du prix du cuivre rouge de 1561 à 1584.
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Légende TABL. XXVII – Comparaison de l’évolution du prix du marc d’argent (244,75 g) et de cent livres de cuivre rouge (48,95 g).
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