Protohistoire du défilé de Donzère
|Chapitre 1. Le site dans son contexte
Résumé
L’étude du mobilier de la Baume des Anges à Donzère (Drôme) s’inscrit dans une recherche globale sur les cultures de l’âge du Bronze rhodanien et en constitue une première approche. Le site de la Baume des Anges, qui demeurait probablement le plus important gisement stratifié de l’âge du Bronze dans la vallée du Rhône, a été fouillé entre 1967 et 1974 avec des méthodes n’ayant pas permis d’observations en plan ou en stratigraphie. Une nouvelle lecture des documents de fouille permet d’assurer que la stratigraphie recelait des vestiges couvrant une période comprise entre le Bronze ancien et le Bronze final 3b, les plus nombreuses occupations, comme habitat semble‑t‑il, s’étant déroulées pendant le Bronze final 1‑2a.
Texte intégral
1.1 Le défilé de Donzère
1.1.1 Situation, genèse et morphologie
1A mi‑distance de Valence et d’Avignon, le Rhône emprunte le dernier des défilés qui jalonnent son cours moyen : le défilé de Donzère (fig. 1). Ce couloir occupe une fraction des communes de Châteauneuf‑du‑Rhône et de Donzère à l’est (Drôme) et de la commune de Viviers à l’ouest (Ardèche), le fleuve marquant la limite entre les deux départements. Son entrée nord, au débouché de la plaine de Montélimar, coincide avec la limite septentrionale de certaines espèces végétales méditerranéennes, Chêne vert et Olivier notamment, que l’on ne retrouve que localement entre Viviers et Valence (Faucher 1968 : 49). Le défilé s’ouvre largement au sud sur les plaines du bas Rhône et sépare le Dauphiné du Comtat et de la Provence.

FIG. 1 – Plan de situation et coupe du défilé de Donzère. La Baume des Anges s’ouvre en rive gauche du Rhône.
2Le modelage de cette micro‑région débute à la fin du Pliocène par la fixation de la rivière de l’Escoutay à l’emplacement d’un cours provisoire abandonné par le Rhône, qui circule alors 5 km à l’est dans l’ancienne vallée messinienne de Roucoule. En fin de constitution de la terrasse d’Allan (glaciation de Donau) le Rhône se surimpose à l’Escoutay et se fixe définitivement à l’ouest (Mandier 1984 : 550‑553). La percée par le fleuve des calcaires urgoniens (Crétacé inférieur) de l’anticlinal de Viviers, d’axe est‑ouest, se poursuit par creusement épigénique lié aux cycles glaciaires suivants (Demarcq 1973 ; 128, 143 ; Bornand et alii 1979).
3Les phénomènes d’érosion différentielle sont à l’origine de la dissymétrie du profil de la vallée. L’érosion de la rive gauche a dégagé une importante falaise subverticale de 40 à 110 m de hauteur, à la base masquée par un important éboulis (fig. 1 à 3). Elle est recoupée par deux profonds ravins, de direction est‑ouest, au fond desquels circule par forte pluie un mince filet d’eau.

FIG. 2 – Vue et plan d’ensemble du défilé de Donzère et position des sites archéologiques protohistoriques. DGC : grotte des Crapauds ; DBN : Baume Noire ; DCS : grotte de la Chauve‑Souris ; DGE : grotte de l’Escalade ; DBA : Baume des Anges ; PSV : Puits Saint‑Vincent.

FIG. 3 – Coupe synthétique ouest‑est et topographie générale du réseau (d’après Aubert, Audouard et Billaud 1977).
4En rive droite, un témoin de la charnière anticlinale visible à la sortie sud de Viviers est la seule éminence qui se détache du massif à pente atténuée, dont la surface rejoint graduellement la plaine alluviale. Le Rhône est ainsi bordé sur 3 400 m par deux reliefs dont l’écartement n’excède pas 1 200 m.
5Le tracé actuel du fleuve résulte d’une série de travaux destinés à sa mise en valeur économique, depuis la fin du xixe s. La portion comprise entre Châteauneuf‑du‑Rhône et Donzère a vu l’aménagement de ses berges et la correction de sa vitesse moyenne par l’accroissement de sa profondeur, suivis du creusement des canaux d’amenée et de fuite des barrages édifiés en amont et en aval (fig. 1). Avant ces travaux, le Rhône avait tendance à divaguer, laissant en rive droite de son lit majeur de faux bras (les lônes) et des levées résultant de ses crues spectaculaires.
6Le cours ancien du fleuve a été restitué sur la base de données topographiques tirées de cartes et cadastres anciens et d’après les traces discernables sur des photos aériennes.
1.1.2 Les grottes
7Elles se sont formées aux dépens de profondes fractures qui ont entaillé les calcaires compacts et fins, mais très diaclasés et gélifs. Ce réseau de diaclases découpe ainsi des blocs de dimensions variables, qui se retrouvent sans cohésion à la suite des alternances des phénomènes de gel‑dégel et de l’action des décompressions, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des massifs.
8Entre 1967 et 1977, le groupe spéléologique de Montélimar (MASC) s’est livré à la prospection systématique du karst du défilé de Donzère. Le repérage de toutes les cavités ainsi que les topographies des principales d’entre elles furent réalisés ; une série de sondages permettant de mesurer leur intérêt archéologique fut également effectuée. Cet inventaire descriptif est le plus complet qui ait été dressé concernant soixante‑cinq cavités de la rive gauche du Rhône et une quinzaine sur la rive droite, de dimensions variables.
9Seules cinq grottes de la rive orientale situées sur la commune de Donzère semblent avoir été occupées intensément durant la Protohistoire. Elles ont pour nom, du nord au sud (fig. 2) :
– la grotte des Crapauds (DGC), alt. 92 m ;
– la Baume Noire (DBN), alt. 146 m ;
– la grotte de la Chauve‑Souris (DCS), alt. 142 m ;
– la grotte de l’Escalade (DGE), alt. 126 m ;
– la Baume des Anges (DBA), alt. 115 m, et son orifice supérieur, le puits Saint‑Vincent (PSV), alt. 168 m.
10Les autres cavités présentant un intérêt archéologique, la Baume Ecrite, l’abri de Jonas et l’abri des Deux Cloches, ne concernent pas directement notre sujet ou renferment uniquement du mobilier gallo‑romain (Lambert 1980 : 22).
11Peu d’indices archéologiques ont été relevés en rive droite où les calcaires sont peu karstifiés. Seule la grotte de Fontbonne, qui s’ouvre au sud dans un vallon perpendiculaire à l’axe du Rhône et fonctionne temporairement en résurgence (Audouard 1982), a livré lors de nos prospections quelques tessons protohistoriques.
1.1.3 Historique des recherches et origine des collections
12Depuis plus d’un siècle les visiteurs se succèdent dans les cavités de Donzère et leur intérêt s’est avant tout porté sur la plus accessible : la Baume des Anges.
13Dès 1875, Camille Béranger y recueillit des poteries et Marie Bompart récolta « des haches, des pointes de flèches et des ossements d’animaux », qui ne nous sont pas parvenus (Bompart 1895 et 1933 : 10 ; Veyrier 1941 : 64). Peu après, Anfos Martin tira des couches inférieures « deux poinçons magdaléniens », attribution chronologique qui fut ensuite rejetée (Martin 1928 : 10 ; Veyrier 1941 : 59). Lucien Mayet est le premier, vers 1910, à publier les observations stratigraphiques faites dans les tranchées qu’il creuse à la Baume des Anges « qui a servi d’habitation à l’homme à diverses époques » (Mayet 1911‑1913 ; 3). En 1934, Pierre Ageron remonte du puits Ricard un squelette accompagné de monnaies médiévales.
14Il faut attendre 1935 pour que la première topographie de cette cavité soit dressée par Robert de Joly, à la suite de plusieurs incursions spéléologiques. Pierre Ageron et le groupe de Valence lui succédèrent et réussirent la liaison puits Saint‑Vincent –Baume des Anges– puits Ricard (fig. 3). Entre 1934 et 1942, MM. Arsac, Chézéry et Rodet visitèrent la Baume Noire et la grotte de l’Escalade, alors qu’André Jullien et Maurice Veyrier effectuaient plusieurs sondages dans la Baume des Anges et dans la grotte des Crapauds. Ils en exhumèrent plusieurs pièces de silex et des fragments de poteries et de bronze dont quelques‑ uns furent conservés (d’après des notes manuscrites de Jullien et Veyrier 1941 : 65‑66 et Jullien 1949).
15Dans les années 1960, Claude de Serres effectua des ramassages de surface dans la Baume des Anges et quelques céramiques furent alors publiées (Combier 1963 : 304). Entre 1966 et 1975, simultanément à la reconnaissance des autres cavités, plusieurs campagnes de fouilles autorisées d’envergure se déroulèrent clans la Baume des Anges. Menés sous l’impulsion d’Arsène Héritier, correspondant pour la Drôme de la direction des Antiquités préhistoriques de Rhône‑Alpes, de Maurice Lambert et du MASC, ces travaux n’aboutirent souvent qu’à la mutilation des sites qui livrèrent une quantité impressionnante de vestiges métalliques et surtout céramiques, répartis ensuite entre les membres du groupe (Lambert 1968 ; 1971 : 56‑59 ; 1980 : 21‑30 ; Lambert, Chaze 1973 : 7‑11 ; Lambert et alii 1976 : 32‑ 39 ; Combier 1977 : 611‑613 ; Héritier 1977 : 2‑6 ; 1978 : 1‑4). Enfin, un sondage de contrôle réalisé en 1982 nous permit d’estimer ce qui pouvait subsister du remplissage (Vital 1986a).
16Les collections étudiées ici proviennent des fouilles Béranger 1895, Veyrier 1935, de Serres 1960, Audouard, Billaud, Chaze, Dumas, Héritier, Lambert et Mancip 1966‑1975 ; Boissonnat 1975‑1980. Nous y avons ajouté nos propres découvertes, ainsi qu’une petite série conservée au musée de Donzère et au dépôt de fouille de Romans. Elles rassemblent la majorité des matériaux mais il est impossible de chiffrer plus précisément cette part, plusieurs collections ayant été perdues ou restant inaccessibles. C. Chatelet publia par exemple en 1932 un fragment de moule de hache qui échappa ainsi à cette dispersion.
1.2 La Baume Anges
1.2.1 Spéléogenèse et morphologie
17C’est incontestablement le plus important réseau du défilé puisque ses galeries totalisent près de 700 m de développement, pour un dénivelé maximal de 94 m, du sommet du puits Saint‑Vincent à la base du puits Ricard (fig. 3). Sa formation a pour origine l’élargissement de nombreuses diaclases qui recoupent des joints horizontaux de stratification. Ceux‑ci ont vu la constitution d’un étage moyen de larges galeries (salle Principale, galerie des Pots, salle d’Eau), recelant seules des vestiges archéologiques. Deux étages, supérieur et inférieur, attestent l’évolution spéléogénétique du karst. Le remplissage et la morphologie indiquent une phase d’érosion par circulation d’eau en conduite forcée, suivie d’un stade durant lequel dominèrent les phénomènes de décompression. Les plus anciens niveaux archéologiques reposent sur de puissants éboulis dont on peut seulement assurer une datation antérieure au Néolithique final.
18La salle Principale, seule à bénéficier d’un modeste éclairage, mesure 40 m de longueur et 7,50 m de largeur ; la hauteur de la voûte au sol, qui suit une pente ouest‑est, ne dépasse pas 3 m. L’axe de pénétration majeur du réseau mène de cette salle à la galerie des Pots et à la salle d’Eau, et conduit par d’étroits boyaux à la salle Rouge. Avant l’intervention des spéléologues, ces boyaux étaient colmatés par des éboulis aérés ou argileux. Un éboulis de plusieurs mètres de puissance constitue le sol de la salle Rouge, dont le plafond atteint 40 m par endroit.
19De ce carrefour, plongé dans une totale obscurité, dérivent le puits Saint‑Vincent et le réseau des Archanges qui ressort en falaise 20 m au sud du porche de la Baume des Anges, et 25 m plus haut. On accède à la salle Principale depuis le Rhône en franchissant l’éboulis basal, puis quelques ressauts rocheux.
Situation : |
x = 788,27 |
y = 242,34 |
|
z= 115m |
1.2.2 Les travaux antérieurs
20La position des sondages effectués par C. Béranger et M. Bompart en 1895, par A. Martin vers 1900, par L. Mayet vers 1910 et par C. de Serres vers 1960 n’a pu être retrouvée. En 1935 et 1936, A. Jullien et M. Veyrier ouvrent une série de tranchées clans le premier tiers de la salle (fig. 4a, points V). Ils rencontrent des sables et limons argileux sur 1,60 m de profondeur, avant de s’interrompre sur un amas de blocs. En surface, dans une « terre noire », ils recueillent de nombreux fragments de poteries et des restes osseux. L’exploration de la chatière orientale, qui communique avec la salle Rouge, leur livre les restes d’un individu « d’âge récent » ainsi que des tessons ornés de cordons digités. Un bracelet en bronze est découvert à l’entrée (fig. 52, no 18).

FIG. 4a Position des fouilles Lambert (secteurs A à E), Veyrier (V) et de la fosse F1. Les points A à F indiquent les limites des coupes relevées (d’après Lambert 1967 à 1975).
21Lorsque Maurice Lambert et le MASC entreprennent leurs fouilles, c’est surtout la partie antérieure de la salle Principale qui a été exploitée. Ils portent alors leur intérêt sur sa zone médiane et sur l’ensemble du réseau, de 1966 à 1975. De la galerie des Pots (fig. 3, points H), dont le sol n’est qu’un vaste éboulis aéré instable, ils tirent de nombreuses céramiques, sans qu’aucune obser vation stratigraphique ne soit possible. Il en est de même dans la salle d’Eau où d’importantes portions de récipients sont extraites de deux coulées de calcite (fig. 3, point J). La chatière orientale livre à nouveau les restes de plusieurs individus parmi les éboulis qui l’encombrent.

FIG. 4b – Répartition du mobilier archéologique parmi 24 sondages du secteur A. Trois zones de densité, estimée en poids, sont discernables.
22Sept sondages effectués dans la salle Principale et à proximité immédiate fournissent des vestiges ; six n’apportent aucun renseignement concernant la chronologie des dépôts qui se résume ainsi (fig. 3 et 4a) :
– secteur B : sédiments cendreux sur 50 cm d’épaisseur, puis argile ocre stérile ;
– secteur C : la fouille atteint rapidement d’énormes blocs ;
– secteur D : 0 à 30 cm, couche remaniée ; 30 à 40 cm, sables argileux protégeant un dépôt de 3 épingles du Bronze final (fig. 52, nos 7 à 9) ; 40 cm et plus, argile ocre stérile ;
– secteurs E et F : couche cendreuse remaniée sur 30 cm, puis argile ocre stérile ;
– secteur G : couche sableuse qui renfermait, en particulier, une sépulture chalcolithique tronquée par des fouilles clandestines.
23Seul le centre du secteur A échappe à cette monotonie. Durant les deux premières campagnes, deux coupes relevées à 50 cm l’une de l’autre dans les sondages 1 et 12 montrent la succession suivante (Lambert 1967 à 1975) (fig. 4a et 5) :
– couche 1 : couche cendreuse remaniée gallo‑romaine ;
– couche 2a : cendres blanches reposant sur un cailloutis ;
– couche 2 : succession de niveaux cendreux de coloration variée, séparés par des couches de fins cailloutis ; Bronze final 2 et 3, Gallo‑Romain par place ;
– couche 3 : sédiments cendreux reposant sur une blocaille peu serrée ; Bronze final 2 et 3 ;
– couche 4 : gros éboulis suivi jusqu’à 2,10 m de profondeur ; Chalcolithique et Bronze ancien.
24Des industries asynchrones étaient associées en plusieurs endroits clans cette séquence et des remaniements furent soupçonnés en être la cause, sans que ceux‑ci soient circonscrits, décrits ou expliqués de manière rationnelle. Ce phénomène, qui semblait se répéter, conduisit les fouilleurs à extraire les 60 m3 restant dans le secteur A sans relevé précis.
25Toutefois, les altitudes du mobilier archéologique ayant été notées dans le sondage 1 (fig. 4a, quadrilatère ABCD), nous avons poussé l’analyse en étudiant la répartition stratigraphique des 720 fragments extraits (fig. 5). Seuls deux d’entre eux purent être rapportés avec certitude à la fin du Néolithique (NF), huit au Bronze ancien (BA), neuf à la phase ancienne du Bronze final (BFA) et douze à sa phase récente (BFR), les pénétrations du mobilier gallo‑romain (GR) étant symbolisées par des hachures. Nous avons procédé de même pour trente‑quatre tessons du sondage 12 (quadrilatère CDEF), répartis en stratigraphie suivant leur identité. Les quelques différences qui apparaissent par rapport à nos décomptes de 1984 résultent de l’affinement de nos datations.

FIG. 5 – Stratigraphies schématiques des sondages 1 et 12 (d’après Lambert 1967 à 1975). La position des différentes coupes est donnée sur la figure 4a. La chronologie des dépôts est proposée d’après les projections des céramiques (BA : Bronze ancien ; BFA : Bronze récent et Bronze final 2a ; BFR : Bronze final 3b ; GR : remaniements gallo‑romains).
26Les projections du sondage 1 se superposent imparfaitement aux formations sédimentaires car il est impossible de tenir compte de la position topographique des objets dans cette séquence affectée de pendages est‑ouest et nord‑sud, aucun relevé en plan n’ayant été produit. Cela nous empêche d’interpréter avec certitude les recoupements entre les ensembles mis en évidence ; quoi qu’il en soit, la succession des différentes phases est globalement cohérente, notamment dans la partie sud du sondage 1, ce qui autorise à rejeter l’hypothèse du remaniement général des niveaux.
27La présence de « cendres blanches, jaunes et rouges » a été notée mais nous ne disposons d’aucune description ni d’analyse de ces produits. On peut penser qu’il existait de réelles structures de combustion, en rappelant que des amas localisés et non structurés de ce qui semblait être des cendres et des sédiments rubéfiés ont été relevés sommairement en coupe à plusieurs reprises par l’équipe du MASC (fig. 5) et auparavant, dès 1910, par L. Mayet qui résume ainsi ses remarques : « […] j’ai pratiqué plusieurs tranchées et ai constaté en divers points une série de couches irrégulières représentant des foyers superposés, succession et mélange de cendres, de bois carbonisé, de terre rubéfiée, d’ossements calcinés ou non, de tessons […] ».
1.2.3 Les fouilles récentes
28Une visite complète du réseau en 1982 nous a rapidement convaincu qu’il ne recelait plus aucun vestige archéologique apparent. Seuls les deux massifs concrétionnés de la salle d’Eau emprisonnaient encore quelques tessons et charbons pris en brêche parmi un amas de blocs. Selon nos prédécesseurs, l’intervalle compris entre les secteurs A et E de la Salle principale était néanmoins susceptible de conserver des couches intactes.
29Les fouilles conduites dans cette zone ont révélé l’existence d’une fosse creusée dans le substratum stérile, à fin probable d’extraction de matériau argilo‑limoneux (fig. 4a, point F1). L’étude de son remplissage montre qu’elle reçut un petit foyer, 4abc, utilisé comme dépotoir entre deux épisodes, 5 et 4 (Vital 1986a). Le mobilier archéologique diffus fournit quelques indices chronologiques précieux (fig. 6), permettant de rapporter respectivement les couches 5, 4c et 4a‑4 au Bronze final 2a, 2b et 3b. Une nouvelle appréciation des contextes locaux a autorisé une séparation typochronologique entre 5 et 4c que nous n’envisagions pas jusqu’alors.
1.2.4 Nature des occupations
30Les quelques observations qui précèdent permettent de conclure à l’utilisation probable comme habitat de la partie médiane de la salle Principale, où la voûte est la plus élevée, entre le Bronze ancien et l’âge du Fer. Cette hypothèse se fonde sur la présence de sédiments stratifiés dont une part, les produits de combustion, devait être d’origine anthropique. L’analyse sédimentologique des formations de la fosse Fl en apporte une preuve indirecte, la fréquence des éléments détritiques parmi la fraction fine se révélant toutefois dominante dans cette structure, alors que les sédiments caractérisant les fèces d’ovi‑capridés ne représentent qu’une pollution par piétinement (Brochier in Vital 1986a).
31La répartition des vestiges céramiques tous niveaux confondus, par manque d’information (fig. 4b), indique des zones de densités plus ou moins fortes. Il est possible qu’elles correspondent à des aires complémentaires de rejet et de stationnement, suivant les modèles de la grotte de la Chauve‑Souris (Vital 1982 ; 1984 : fig. 11 à 19).
32D’après le faible volume des produits de combustion d’aménagements visibles en stratigraphie, il ne semble pas que les occupations du Chalcolithique, du Bronze ancien et du Bronze moyen aient été très fréquentes ou durables. C’est pendant le premier tiers du Bronze final (Bronze récent et Bronze final 2a) que durent s’accumuler les couches alternées de cendres et de cailloutis (fig. 5). Le sommet de la séquence est remanié à l’époque gallo‑romaine, mais les niveaux du Bronze final 2b à 3b ne semblent pas avoir constitué une épaisseur importante.
33D’autres salles du réseau ont été vouées à des utilisations complémentaires durant l’âge du Bronze : alimentation en eau par l’intermédiaire des égouttoirs de la galerie des Pots et de la salle d’Eau ; dépôts d’inhumations dans les galeries profondes, salle Rouge et diverticule est, un grand récipient (fig. 13, no 1) et les restes de trois individus ayant été découverts lors de la désobstruction de ce dernier. Malheureusement, nous ne connaissons ni les circonstances de ces trouvailles, ni la nature des vestiges anthropologiques.
Table des illustrations
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Légende | FIG. 1 – Plan de situation et coupe du défilé de Donzère. La Baume des Anges s’ouvre en rive gauche du Rhône. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36225/img-1.jpg |
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Légende | FIG. 2 – Vue et plan d’ensemble du défilé de Donzère et position des sites archéologiques protohistoriques. DGC : grotte des Crapauds ; DBN : Baume Noire ; DCS : grotte de la Chauve‑Souris ; DGE : grotte de l’Escalade ; DBA : Baume des Anges ; PSV : Puits Saint‑Vincent. |
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Légende | FIG. 3 – Coupe synthétique ouest‑est et topographie générale du réseau (d’après Aubert, Audouard et Billaud 1977). |
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Légende | FIG. 4a Position des fouilles Lambert (secteurs A à E), Veyrier (V) et de la fosse F1. Les points A à F indiquent les limites des coupes relevées (d’après Lambert 1967 à 1975). |
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Légende | FIG. 4b – Répartition du mobilier archéologique parmi 24 sondages du secteur A. Trois zones de densité, estimée en poids, sont discernables. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36225/img-5.jpg |
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Légende | FIG. 5 – Stratigraphies schématiques des sondages 1 et 12 (d’après Lambert 1967 à 1975). La position des différentes coupes est donnée sur la figure 4a. La chronologie des dépôts est proposée d’après les projections des céramiques (BA : Bronze ancien ; BFA : Bronze récent et Bronze final 2a ; BFR : Bronze final 3b ; GR : remaniements gallo‑romains). |
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Légende | FIG. 6 – Mobilier de la fosse F1. Couche 5 : Bronze final 2a ; couche 4c : Bronze final 2b ; |
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© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1990