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Les chasseurs d’Aurochs de La Borde

 | 
Jacques Jaubert
, 
Michel Lorblanchet
, 
Henri Laville
, 
et al.

Chapitre 7. Contribution à l’étude du mode de vie au Paléolithique moyen : les chasseurs d’Aurochs de La Borde

Jacques Jaubert et Jean‑Philip Brugal

Texte intégral

7.1 Introduction

7.1.1 Généralités

1Au terme d’une étude des vestiges fauniques qui est plus paléontologique qu’archéozoologique et d’une analyse des assemblages lithiques qui est encore largement tributaire d’approches conventionnelles, il serait audacieux de proposer des reconstitutions pouvant servir une anthropologie préhistorique dans le détail. Nous empruntons à un récent manuel la définition de l’Anthropologie : » science de l’Homme tout entier ; étude de l’Homme dans toutes les sociétés, sous toutes les latitudes, dans tous ses états et à toutes les époques » (Laplantine 1987 : 16). Une définition ne peut guère être plus large et c’est dans ce sens qu’elle peut aisément s’appliquer au champ de l’archéologie, y compris la Préhistoire glaciaire.

2Même si de fortes présomptions inclinent à penser que l’Homme de Livernon (dont aucun vestige n’a été recueilli) appartient à une sous‑espèce différente de la nôtre (groupe des Prénéandertaliens ou Néandeitaliens stricto sensu : Homo sapiens neanderthalensis), cette différence ne peut servir de prétexte pour éviter la discussion dans une optique anthropologique.

3L’absence de témoignages oraux ou écrits n’autorise pas à écarter le débat : l’ambition d’intégrer sans concession les résultats, même très partiels, de la recherche préhistorique à une anthropologie générale constitue pour nous un objectif constant qui nous éloigne d’une archéologie souvent trop statique.

4L’approche sociologique, économique ou culturelle doit donc être systématique. Une anthropologie préhistorique du Paléolithique moyen peut être envisagée même quand le handicap de la qualité des documents, comme c’est le cas ici, pèse sur la difficulté d’interprétation et surtout, limite son champ d’application.

5Cette position justifie donc notre volonté pour que la publication de La Borde puisse présenter ne serait‑ce que quelques éléments, ou plutôt quelques hypothèses provisoires, en dépit d’un contexte de travail limitatif (cf. chapitre 1). Elle s’oppose à celle de nombreux préhistoriens qui, à propos des vestiges du Paléolithique ancien et moyen ne souhaitent pas lancer la discussion. Par exemple D. Cahen et J. Michel, à propos de Mesvin IV (Hainault, Belgique) : « Cet habitat a été perturbé lors d’une crue et le matériel archéologique a été rapidement incorporé au cailloutis de base. Il s’agit d’un remaniement sur place, n’impliquant guère de déplacement latéral, mais suffisant pour que la répartition spatiale du matériel soit dénuée de signification ethnographique » (Cahen, Michel 1986 : 91). Evidemment, un contexte archéologique aussi défavorable affecte sérieusement l’interprétation palethnologique mais, à notre avis, ne doit pas écarter une réflexion d’ensemble sur la signification fonctionnelle du site. Entre les reconstitutions abusives qui ne sont précédées d’aucune critique de la documentation archéologique (cf. à ce sujet les différentes analyses de P. Villa, notamment sur Terra Amata : Villa 1974, 1976a, 1976b), et la position qui consiste à éviter toute allusion à ce sujet, considérant que toutes les stations du Paléolithique moyen sont a priori remaniées (ce qui paraît pour l’heure souvent le cas), il existe une position nuancée pour laquelle nous avons une préférence.

7.1.2 Les travaux antérieurs

6Sans se lancer dans un historique complet de cette question, il ne paraît pas superflu de rappeler quelques‑uns parmi les travaux les plus décisifs ou les plus récents concernant l’interprétation palethnologique de gisements du Paléolithique moyen en Europe.

7Comme on pouvait s’y attendre, sans fouille correctement menée et surtout sans conditionnement du préhistorien, il n’y a guère de possibilité de rencontrer des synthèses sur ce sujet. L’importance accordée à ce que les paléolithiciens appellent généralement la « palethnologie » des sites qu’ils étudient, varie entre quelques lignes et un, voire plusieurs chapitres à part entière dans le cadre d’une monographie. Les travaux européens publiés dans ce sens (monographie pluridisciplinaire d’un site ou d’un niveau du gisement) demeurent encore exceptionnels. Les contributions des archéologues d’Europe centrale ou orientale paraissent précurseurs, comme pour les autres périodes de la Préhistoire glaciaire (Paléolithique supérieur) ou post‑glaciaire (Néolithique, Protohistoire). A leur avantage, le contexte géomorphologique (couverture limono‑loessique) et les conditions de conservation ont favorisé une approche planigraphique des gisements.

  • 1 Il s’agit selon l’auteur d’une séquence acheuléenne mais les principales caractéristiques de l’indu (...)

8Cette liste, non limitative, ne concerne que les monographies de stations du Paléolithique moyen antérieures à la fin 1987 :
– Tata (Hongrie) : Vértes et alii 1964 ;
– Erd (Hongrie) : Gábori‑Csánk 1968 ;
– grotte du Lazaret (Alpes‑Maritimes, France) : Lumley et alii 19691 ;
– grotte de l’Hortus (Hérault, France) : Lumley et alii 1972 ;
– Königsaue (Kr., Aschersleben, Allemagne de l’Est) : Mania, Toepfer 1973 ;
– La Cotte de Saint‑Brelade (Jersey, îles anglo‑normandes) : Callow, Cornford 1986.

9Plusieurs monographies importantes sont en cours de publication (grotte Vaufrey, Dordogne, J.‑P. Rigaud dir. ; Biache‑Saint‑Vaast, Pas‑de‑Calais, A. Tuffreau et J. Somme dir.) qui laisseront sans aucun doute une large part aux discussions proposées pour la reconstitution des modes de vie, de l’organisation de l’habitat et de la nature des sites.

10De nombreux articles traitent également de sujets équivalents mais souvent sont assez limités quand il s’agit d’envisager l’approche anthropologique globale.

11Paradoxalement, les données sont quasiment aussi (peu !) nombreuses pour le Paléolithique ancien de l’ensemble de l’Europe, de Pontnewydd au Pays de Galles (Green 1984), à la vallée du Jarama près de Madrid (Santonja et alii 1980) ou Isernia la Pineta, Molise (collectif 1983). Une grande partie des problèmes sont d’ailleurs sensiblement les mêmes que pour les périodes plus récentes du Pléistocène moyen ou supérieur.

12Quelle que soit la qualité des données disponibles, nous avons souhaité éviter une certaine catégorie de publication qui consiste en une présentation sèche des vestiges, essentiellement orientée vers la reconstitution chronostratigraphique et l’attribution culturelle, mais globalement privée d’une interprétation palethnologique. Il peut en effet être utile de poser certaines questions, même quand les documents n’autorisent pas à dépasser le stade bien élémentaire d’hypothèses peu vérifiables. Cependant, le bilan des connaissances réelles sur ce sujet est encore suffisamment fragile pour justifier la prise en compte constante de garde‑fous méthodologiques.

13C’est cette difficulté même, ce handicap majeur qu’est un site détruit et l’inaccessibilité au gisement actuel, qui rend périlleuse toute discussion, mais qui par ailleurs l’incite. Seul M. Lorblanchet a eu la possibilité de diriger sur le terrain, et durant des délais exceptionnellement brefs, la réflexion d’ensemble pour une interprétation fonctionnelle, sociale et culturelle de cette association de vestiges.

14Les travaux ont été de surcroît engagés hors de toute réflexion collective, et alors que cette problématique n’était guère développée en France. Les réunions et colloques tenus en Europe n’ont réellement abordé ces thèmes pour le Paléolithique ancien et moyen que depuis la fin des années 1970 : Nice 1976 (UISPP), séminaires du Collège de France 1982, 1983, etc., Villerest‑Roanne 1982, Tübingen 1982, Brno 1986, Liège 1986, Cambridge 1987, etc.

7.1.3 Problématique

15D’une manière générale, il est bien entendu préférable de se poser les questions avant et pendant la fouille, et de toutes façons avant l’achèvement des travaux sur le terrain. Pour une intervention dans le cadre d’un sauvetage urgent, la destruction totale ou partielle des niveaux archéologiques, comme c’est le cas pour La Borde, limite le temps réservé à la mise en place d’un programme exhaustif et cohérent.

  • 2 Dans la littérature anglo‑américaine, ces questions fondamentales se sont en outre développées au d (...)
  • 3 Rappel de définitions : Communauté = organismes unis par des liens vitaux effectifs. Assemblage = e (...)

16La problématique a été envisagée, ou plutôt complétée, au fur et à mesure que l’étude pluridisciplinaire progressait (Lorblanchet, Genot 1972). Trois étapes peuvent être distinguées2, la première concerne l’étude de la formation du site :
– quel est le mode d’accumulation des vestiges (taphonomie), c’est‑à‑dire quels sont les agents responsables du dépôt et quel est le degré de perturbation subi pendant et après ce dépôt (dynamique sédimentaire et biologique largo sensu) ?
– l’accumulation résulte‑t‑elle d’activités humaines et peut‑elle être considérée comme un assemblage archéologique3 ?
– quelle est la signification de cet assemblage (dynamique culturelle), et quelles sont les différentes activités (alimentaire, technique,...) qui ont présidé à sa mise en place ? quelles sont les stratégies d’approvisionnement de matière première, d’acquisition (chasse ou charognage, technique de chasse) et d’utilisation (consommation) du gibier ?
– quelle est la date d’occupation dans le calendrier des hommes préhistoriques et quelle est la durée de ces occupations et leur nombre ? Un second niveau d’analyse porte sur l’interprétation générale du site et des populations du Paléolithique moyen :
– quelle est la fonction spécifique du site (ou les fonctions) ? quel est le rapport qui peut exister entre sa nature (topographique, bioclimatique) et les occupations qui semblent à La Borde spécialisées ?
– combien d’individus y ont‑ils séjourné, et quelle est la représentativité de cette population : groupe isolé de chasseurs ou population plus large ?
– y a‑t‑il une relation entre la spécialisation de la grande faune et la composition de l’industrie lithique ?

17A la suite de ces questions d’ordre démographique et socio‑économique posées sur un même site, une dernière phase dans l’analyse doit synthétiser des données plus globales (régionales) sur des ensembles de sites ou plutôt sur des systèmes de sites (Binford 1983) :
– à quel groupe de gisement se rattache‑t‑il ? y a‑t‑il contemporanéité et/ou complémentarité avec une autre catégorie de sites connus par ailleurs ?
– ce type de gisement est‑il caractéristique et/ou représentatif du Paléolithique moyen ? de l’ensemble des occupations de nomades prédateurs quelle que soit la période ? ou d’une certaine région ? etc.

18Bien évidemment, à cette série de questions, ne pourra être apportée une réponse précise à chacune, mais à travers les étapes de ce questionnaire, pourtant élémentaire et commun à beaucoup de gisements, nous tenterons d’indiquer quelques pistes.

7.2 Le site et ses vestiges

7.2.1 Nature du site

19La nature du site, sa position clans le paysage, au centre d’un vaste plateau aux reliefs peu marqués, permettent de lui attribuer une signification palethnologique assez inhabituelle, du moins dans le contexte du Paléolithique aquitain au sens large.

20La morphologie de la barre rocheuse, l’absence de falaise et de véritable ligne d’abris mais surtout les phénomènes d’aspiration karstique fossilisés dans le remplissage (sous‑tirages entraînant une partie non négligeable des sédiments) confèrent à ce gisement un rôle d’aven (« igue » dans la terminologie locale).

21Il est assez commun de rappeler que, de tout temps, y compris jusqu’à aujourd’hui, ce type de dépression karstique a joué un rôle de piège naturel pour les animaux, notamment les herbivores qui ne possèdent pas toujours les moyens de s’affranchir d’un tel obstacle.

  • 4 La découverte d’une dent humaine ne modifie pas l’interprétation générale du site comme aven‑piège (...)

22Les avens sont, en premier lieu, des stations de mort accidentelle sans intervention humaine. Un large spectre de la population animale sauvage y est parfois représenté. Les exemples sont très nombreux : aven de Vergranne, Doubs (Campy 1983)4, aven de La Fage, Corrèze (Mourer‑Chauvriré et alii 1975) et les nombreux avens des Causses du Quercy : Nespouls, Jaurens, Siréjol, etc. (Philippe et alii 1980 ; Guérin, Philippe 1971 ; etc.).

  • 5 Les différents écosystèmes (tropical, tempéré, arctique,...) ne sont pas distingués mais il est cla (...)

23Une étape intermédiaire entre le cas de figure précédent et le suivant serait la récupération par des groupes humains du stock animal naturellement piégé, ou d’une partie de celui‑ci, autrement dit le charognage. Cette stratégie, très opportuniste, est une caractéristique des prédateurs carnivores (de 0 à 33 ) ou rapaces (100  chez le vautour griffon) (Ports 1984). L’Homme a certainement pu l’appliquer en surveillant régulièrement les principaux avens d’une région aisément contrôlable. Le résultat d’une telle stratégie nous paraît cependant bien aléatoire pour être systématiquement adoptée par les chasseurs du Paléolithique moyen. Pour les périodes antérieures, de telles hypothèses ont été souvent avancées par certains préhistoriens comme L.R. Binford (1981), et de telles stratégies seraient utilisées également pour des périodes plus récentes (site MSA de Klassies River Mouth en Afrique du Sud, Binford 1984)5.

24En troisième lieu, l’intervention de l’Homme joue le rôle moteur dans cette « utilisation » des avens comme pièges naturels. Il est totalement et délibérément responsable de l’accumulation des carcasses : les chasseurs y dirigent un troupeau ou des bêtes isolées vers une mort facile et quasi certaine ; les victimes, une fois prisonnières et blessées, peuvent être ensuite aisément achevées. Ou bien, les hommes occupent le site pour ses qualités d’abri naturel (campement) et ramènent des carcasses ou des parties de carcasses à consommer (sans préjuger de leurs acquisitions).

25Dernière possibilité, difficilement applicable ici : comme dans la plupart des régions calcaires criblées d’ouvertures naturelles, l’Homme se sert régulièrement des avens et gouffres » pour y précipiter les bêtes mortes, notamment en périodes de fortes épidémies.

26On retrouve donc trois grands schémas des rapports qui lient les avens (et autres grottes effondrées, dolines, gouffres...) au milieu animal et aux activités humaines :
1 – sans aucune intervention humaine, type Vergranne, La Fage, etc. ;
2 – avec intervention opportuniste comme lieux de charognage ;
3 – utilisation contrôlée par l’Homme du site qui devient en fait une annexe de son territoire parcouru, soit comme piège de chasse (3a), soit comme campement (3b), soit comme exutoire ou dépotoir (3c).

27Avant d’avancer plus en détail dans l’interprétation, le site de La Borde pourrait appartenir soit au modèle 2 soit au modèle 3a (ou combinaisons 3a + 3b, 3a + 3c, etc.).

28Dans ce dernier cas (utilisation du site comme aven) sa localisation géographique dans le paysage pourrait apparaître moins importante. En effet il s’agirait d’un gisement stratégique délibérément choisi non en fonction de sa position topographique (passage des troupeaux, gué,...) mais plutôt en fonction de sa morphologie naturelle favorisant une utilisation comme piège.

29Sa proximité des grandes routes de migration est cependant tout à fait plausible : une circulation dans la vallée du Célé n’est guère aisée, celle‑ci étant assez encaissée et difficilement pénétrable si la végétation arbustive est importante. Au contraire, les communications par le plateau (est‑ouest) sont plus faciles et ne devaient pas être bien différentes de l’actuel durant les interglaciaires du Pléistocène. Les troupeaux d’Aurochs pouvaient ainsi transhumer vers les hautes terres du Massif central (une quinzaine de kilomètres vers l’est) et regagner les régions orientales du Bassin aquitain avant la mauvaise saison.

7.2.2 Représentativité et mise en place des vestiges

30La question essentielle est bien de savoir comment et quand le matériel faunique et lithique s’est mis en place dans l’aven. Autrement dit, quelle est la part de l’Homme dans le résultat de cette accumulation en tant qu’assemblage archéologique.

31L’association entre la grande quantité de vestiges fauniques et lithiques peut nous permettre d’ores et déjà d’écarter deux origines différentes. Les étroites relations qui existent entre eux plaident nettement en faveur d’une origine commune. L’association os et artefacts reste une preuve contextuelle signifiante (Brain 1981). Pour étudier la nature de cet assemblage, il est capital de connaître les conditions de sa formation ainsi que la qualité de l’échantillonnage. Pour le mobilier lithique, il n’y a guère de problème : on peut aisément pondérer, rectifier, moduler le décalage entre une récolte de qualité médiocre et un échantillon exhaustif. La fouille minutieuse d’autres gisements nous a appris à cerner ces difficultés. Ce point a déjà été abordé dans les chapitres 1, 4 et 5.

32Pour le matériel faunique, l’appréciation est plus mesurée : on ne peut jouer sur l’expérience, et rectifier artificiellement l’échantillonnage ; il est souvent impossible de discerner le degré de contribution de chaque agent à la formation et à la conservation de l’assemblage faunique. Là où l’intervention humaine est directe par constitution d’un stock technologique bien connu par‑ailleurs (expérimentation, récolte intégrale en milieu archéologique), la constitution d’un stock animal multiplie les facteurs qui ne sont pas directement contrôlés par l’Homme (cf. à ce sujet et aussi pour les questions de conservation différentielle, la synthèse de F. Poplin in : Approche écologique de l’Homme fossile [Poplin 1977], et Binford 1981 ; Brain 1981).

33La mise en place de la couche archéologique obéit, dans son ensemble, à une dynamique de type colluvial (cf. chapitre 2). La fraction fine du remplissage, constituée par une argile limoneuse faiblement sableuse, est issue des produits d’altération de l’assise calcaire jurassique et d’éléments de plaquages superficiels (Sidérolithique) ; son origine est donc allochtone. La fraction grossière est caractérisée par une grande hétérométrie et des blocs fortement émoussés qui concourent à interpréter, là également, une mise en place dans un contexte de colluvions. La transformation sur place des sédiments (décarbonatation, concrétionnement) achevant de lui donner son aspect actuel.

34Si, dans l’ensemble, les sédiments qui ont livré les vestiges sont attribuables à des colluvions, il n’est donc pas exclu que le mobilier soit, lui aussi, mis en place par colluvionnement et donc en position dérivée. Ce point est important puisqu’il décide de l’interprétation du site soit comme piège à sédiment (et donc comme piège à vestiges entraînés dans les colluvions) soit comme lieu utilisé par les chasseurs paléolithiques. Les deux scénarios suivants au moins sont envisageables.

35Dynamique de colluvions
En dehors des périodes froides et sèches, généralement synonymes de forte gélivation avec apport détritique autochtone, ou de périodes d’arrêt sédimentaire (concrétionnement, pédogénèse, lessivages), la cavité se comble d’apports latéraux. Si le processus colluvial est suffisamment puissant pour entraîner la fraction grossière (blocs d’au moins 30 cm), il peut démanteler une zone d’occupation humaine située en plein air. L’interprétation de l’aven comme piège de chasse devient alors caduque. Les vestiges sont au moins en position secondaire et l’absence de décapages planigraphiques menés dans le cadre d’une fouille minutieuse ne doit pas être regrettée. A ce schéma pessimiste s’oppose au moins un argument : l’état physique du matériel ne montre pas un transport violent et long. La faune est relativement bien préservée, la patine des silex est raisonnable. Leur état de conservation exclut un long séjour à l’air libre sans sédimentation. Le très faible pourcentage d’outils à retouche alternante n’indique que des phénomènes très localisés de concassage et de toute façon écarte les grands remaniements périglaciaires (coulées de solifluxion, cryoturbation...).

36La présence d’une occupation sur le glacis qui domine l’aven (modèle 3c, supra) et qui aurait été emportée patruissellement aurait eu, selon nous, assez peu de chances de résister à une telle dynamique colluviale, même en masse.

37Dynamique mixte
La sédimentation de la fraction fine et une partie de la fraction grossière est allochtone, mais se croise avec une accumulation humaine ou naturelle autochtone. La distribution verticale des vestiges sur 50 cm introduit l’hypothèse d’occupations répétées à caractère peut‑être saisonnier, ou suffisamment espacées les unes des autres pour que les vestiges de la précédente soient ennoyés par des colluvions. De telles possibilités ont déjà été évoquées par C. Farizy (1983) pour valider l’hypothèse de retours successifs et donc de déplacements liés à un site de plein air (Mauran). Là également, un brassage des déchets abandonnés par les Moustériens est fortement probable mais le remaniement est plus local et modérément destructeur. Si la quasi‑totalité des restes fauniques ainsi que l’industrie lithique sont imputables à une action humaine, la présence de quelques volumineux blocs calcaires, parfois assez réguliers, est à souligner (chapitre 1, fig. 12‑16). Une utilisation, ou du moins une récupération, à des fins domestiques quelconques est toujours possible sinon probable.

  • 6 Sans étude tracéologique, il est impossible d’être affirmatif.

38La présence dans l’aven de déchets d’activité humaine peut également être le résultat d’une accumulation de type dépotoir. Si l’absence d’organisation spatiale et la découverte de structures évidentes sont difficiles à prouver faute de fouille en décapage, l’expérience établie à partir de plusieurs sites régionaux en cours d’étude (Mauran, Coudoulous –couche 4–, Les Fieux –couche K–, Le Rescoundudou, Puycelsi) nous incline à rassembler ces gisements suivant leur dynamique d’accumulation. L’abondance des vestiges fauniques, la présence d’une ou deux espèces‑proies dominantes, la faible représentation des carnivores, des industries lithiques généralement spécialisées6, leur situation topographique, l’absence d’organisation apparente des assemblages, la puissance des niveaux (environ 40‑50 cm), etc. (Brugal, Jaubert, en préparation et tabl. I) : tout concourt à y voir le résultat d’activités assez évoluées dans l’exploitation des grands herbivores favorisant la création de sites‑dépotoirs avec une mise en place sous régime colluvial modérément destructeur.

TABL. I – Principaux sites paléolithiques français comportant une grande faune dominée par les grands bovidés.

39En résumé, le déplacement des objets après leur abandon par les hommes peut être soit imputable à une sédimentation allochtone (colluvions), soit à un transport sur une faible distance (< 10 m) à l’intérieur même du gisement, l’évolution du dépôt se faisant par illuviation, concrétionnement, puis soutirage par aspiration karstique ayant ensuite fossilisé ou déstabilisé une grande partie de celui‑ci. L’inaccessibilité actuelle au terrain rend illusoire une discussion plus tranchée.

7.3 Les activités pratiquées

  • 7 Les chasseurs‑cueilleurs actuels exploitent de vastes territoires de l’ordre de plusieurs milliers (...)

40Les activités mises en évidence à Livemon ne sont en rien représentatives de la somme de celles pratiquées par les populations du Paléolithique moyen. Elles ne témoignent que d’une ou de quelques‑unes de celles‑ci liées à leur mode de vie : un moment dans leur calendrier d’exploitation de leur territoire7. De plus, un gisement ne peut présenter à l’archéologue qu’une vision limitée et biaisée d’un ensemble complet des opérations réalisées sur le site.

41L’assemblage archéologique qui nous sert à décrire ce groupe humain est donc représentatif d’une partie de leurs activités, probablement répétitives (occupation récurrente, notion de palimpseste) pratiquées autour et/ou dans cet aven. Seule une infime portion de leur mode de vie extérieur au site ou à son environnement immédiat nous est connue grâce à l’importation de quelques silex exotiques (cf. chapitre 5).

42Si l’interprétation se dirige vers une utilisation de l’aven comme site d’abattage (kill site) et de boucherie (butchery areas) il est évident qu’il ne faudra pas y rechercher des éléments d’habitat permanent. Cette quête de la « structure » est donc superflue comme est gênante l’application pour les époques antérieures au Paléolithique supérieur de modèles conçus à partir de sites plus récents (cf. à ce sujet Farizy 1982 ; Villa 1976a, 1976b). Les données ethnographiques, quant à elles, nous permettent de concevoir un site, ou un ensemble de sites, comme partie d’un système culturel global résultant d’une grande variété d’activités de populations humaines exploitant un espace donné.

7.3.1 Déplacements

43L’étude lithologique de l’industrie de Livernon (chapitre 5) permet d’envisager l’existence de notions aussi complémentaires que la prédétermination (technique Levallois), les réserves de matière première (nucléus préparé et gardé en stock, outils destinés au réavivage et introduits déjà façonnés) ou le nomadisme (produits « exotiques »). Ces déplacements dont la cartographie est reprise ici (fig. 80) sont évidemment commandés par un mode de vie totalement lié à l’exploitation active et raisonnée du milieu tant minéral, qu’animal ou végétal. Ces observations sont suffisamment généralisées pour ne pas y revenir, même si, dans le détail, on manque encore cruellement de données précises.

FIG. 80 – Carte des territoires parcourus ou connus des Moustériens de La Borde. 1 – zone sûre ; 2 – zone probable (d’apr. A. Turq infra) ; abc – routes possibles des migrations d’Aurochs entre le Bassin aquitain et le Massif central.

44En ce qui concerne les matières premières, ces déplacements commencent à être bien connus pour l’ensemble du Bassin aquitain (travaux de J.‑M. Geneste, A. Turq, A. Morala, P.‑Y. Demars, etc.).

45La présence de quelques pièces et d’outils fabriqués à l’extérieur du site (fig. 81), importés sur de grandes distances (au moins 50 km), alors que les déchets correspondants sont absents, va à l’encontre des théories sur le comportement opportuniste des hommes du Paléolithique moyen. La mise en évidence de ces outils préparés à l’avance ainsi que l’existence de véritables réserves (le grand nucléus Levallois) s’opposent à l’image un peu caricaturale des Moustériens fabriquant leur outils au fur et à mesure de leurs besoins. Cette hypothèse est donc à abandonner y compris pour la phase ancienne d’âge rissien du Paléolithique moyen.

FIG. 81 – Pourcentage des différents artefacts classés en quatre grandes catégories :
A – extraction et production sur place (ateliers) ; B – extraction proche et production sur place (sites ou habitats proches des lieux d’extraction) ; C – extraction éloignée, production importée déjà préparée (sites mixtes) ; D – introduction de produits finis (sites spécialisés occasionnels).

46La petite quantité de silex amenés sur le site déjà débités ou préparés permet de penser qu’un assez petit nombre d’individus suffisait à leur transport, à l’aide de bagages vraisemblablement légers de type sacs en peau ou en matière végétale quelconque (?).

47En ce qui concerne les rapports avec le milieu animal, l’éthologie des espèces‑gibiers, leur état physiologique et le déplacement saisonnier des troupeaux (transhumance) vont influer sur le séjour du groupe.

48D’après A.W.F. Banfield (1974) cité par K. Scott (1984), si les conditions climatiques sont relativement bonnes, la mobilité des troupeaux d’herbivores (l’étude porte essentiellement sur le Renne) est limitée, à l’opposé de conditions périglaciaires où les déplacements sont de plus grande ampleur (migration). Le milieu contemporain de l’occupation du site étant proche de conditions interglaciaires, on pourrait raisonner sur un schéma de quasi permanence des Aurochs dans le proche environnement, sinon à de courtes transhumances des troupeaux. La région d’origine peut être soit les Causses du Quercy avec refuge pendant la belle saison dans le Massif central (fig. 80 hypothèse a), soit des zones plus basses du Bassin aquitain (Agenais, Périgord, Guyenne) avec migration vers les Causses l’été (hypothèse b de la fig. 80). Une migration est‑ouest plus importante avec passage obligé par le Quercy (hypothèse c) est également envisageable.

49Il semble qu’il existe une homogénéité éthologique parmi les représentants des Bovini (Schloeth 1958 ; Sinclair 1977 : chapitre 6) et le comportement migratoire de Bison en Amérique du Nord ainsi que l’éthologie de l’actuel bison européen pourraient illustrer et s’appliquer, dans une certaine mesure, à Bos primigenius. L’Aurochs est un animal de milieu relativement ouvert, recherchant les prairies humides, et son alimentation est composite (herbes, feuilles, bourgeons). Toutefois, la possibilité d’occupations pluri‑saisonnières, comme semble le montrer l’analyse de R. Slott‑Moller, augmente l’incertitude de ce schéma uniquement raccroché aux seules migrations animales (cf. infra).

7.3.2 Processus d’obtention : la chasse spécialisée à l’Aurochs

50Sur plusieurs milliers de vestiges fauniques récoltés, un peu moins de 500 sont identifiables : Bos primigenius représente 93,2  du nombre de restes (NR) (cf. chapitre 3). L’étude de ce matériel faunique, handicapée par des vestiges plutôt mal conservés et surtout systématiquement prisonniers d’une gangue de sédiments concrétionnés, s’est donc limitée à une analyse essentiellement paléontologique. L’observation des états de surface (identification de stries, de percussions, etc.), de la fracturation volontaire et des décomptes (par taxon, âge, sexe et parties anatomiques), destinée à retrouver la taphonomie de l’ensemble n’a pu être que sommairement engagée, ce qui grève sérieusement une tentative de reconstitution palethnologique.

51Le manque de données est malheureusement assez fréquent pour les échantillons contemporains du Paléolithique moyen et anéantit bien souvent l’espoir, comme ici, de pousser très en avant une interprétation fiable du site.

7.3.2.1 Courbe de mortalité et structure de la population d’Aurochs

52Le profil d’âge de la population de La Borde (histogramme construit suivant les données du tablxxix, chapitre 3) s’apparente au type de courbe » catastrophique », c’est‑à‑dire un profil typique d’une population naturelle vivante, stable en taille et en structure (Klein 1982). Cette population se compose de jeunes individus, d’adultes et de vieux‑très vieux en proportion décroissante.

  • 8 Si l’on considère la limite d’âge de 4 ans, on obtient 48,6  de jeunes (17 individus) et 51,4  d’ad (...)

53A La Borde, les Aurochs juvéniles et subadultes (n’ayant pas atteint la maturité sexuelle) représentent environ 61  (22 individus ; âge inférieur ou égal à 4,6 ans, estimé à partir de l’éruption et l’usure dentaire de Bos taurus [Grigson 1982] et de Bison bison [Reher 1974]) et les adultes d’environ 39  (14 individus) (tabl. ii)8. L’espérance de vie de cette population est de l’ordre de 11 ans, ce qui paraît faible en regard de la longévité écologique potentielle (LEP) qui est de 24 ans chez Bos primigenius (Klein, Cruz‑Uribe 1984 : tabl. 4.2). La durée de vie des bisons holocènes de sites paléoindiens est de l’ordre de 12 à 17 ans (Reher 1974 ; Wilson 1980) pour une LEP de 25‑30 ans, avec des taux moyens d’attrition des molaires de 3,3 mm/an (population de 17 ans) à 6 mm/an (population de 12 ans).

TABL. II – Groupes d’âges et mesure de l’usure dentaire des M1 inférieures de l’Aurochs de La Borde, calculés à partir du tabl. XXIX de R. Slott‑Moller (chapitre 3).

54Or le taux d’attrition des molaires de l’Aurochs de La Borde est en moyenne de 3,55 mm/an (période de 0 à 8,6 ans) (tabl. II et fig. 82). Ce taux est relativement régulier et faible : il n’évoque pas l’existence de stress climatique induisant des usures plus fortes (via un fourrage plus abrasif) et indique un environnement stable. Ceci est en accord avec l’appartenance du site à une période tempérée du Pleistocène (interglaciaire ?).

FIG. 82 – Histogramme et courbe de l’usure dentaire des M1 inférieures d’Aurochs de La Borde, à partir des données du tabl. II. h.c. = hauteur couronne (protoconide).

  • 9 Une autre explication concerne l’existence de transport et de traitement différentiel des très Jeun (...)

55Quoi qu’il en soit, il existe dans la population de La Borde un réel manque de sujets âgés. Le profil d’âge est unimodal avec beaucoup d’individus compris entre 2,6 et 5,6 ans, la fréquence la plus importante étant dans la classe 3,6‑4,6 ans (subadultes). Le déficit en très jeunes est dû vraisemblablement à des problèmes de conservation différentielle9.

56Le modèle catastrophique dans un contexte archéologique paléoindien reflète une méthode de chasse coopérative par rabattage et correspond à un événement saisonnier. L’existence de saisonnalité est mise en évidence par une périodicité de la hauteur des couronnes des molaires qui forment une série de pics espacés (Kurten 1953 ; Wilson 1980). Ce n’est pas le cas à La Borde où il n’existe pas de réelle discontinuité dans la hauteur des molaires (voir tabl. xxix du chapitre 3). Il apparaît ainsi une contradiction entre les deux termes de l’analyse : catastrophique et saisonnalité.

57Selon le modèle cinétique de R. Slott‑Moller (chapitre 3) les histogrammes mensuels montrent une distribution répartie sur toute l’année (fig. 83). La fréquence des jeunes individus (basée sur le nombre total des M1 inférieures) présente des périodes plus caractéristiques : hiver (novembre‑décembre), printemps et début de l’été (mars à juin) et début de l’automne (septembre). Le cumul des sujets adultes change légèrement ce schéma : ceux‑ci sont en majorité morts entre janvier et mars. Dans l’ensemble les pics majeurs sont respectivement centrés sur les mois de février, avril et novembre. Les mois d’été, particulièrement août, livrent le moins d’individus. Il serait ainsi possible d’isoler trois périodes de mortalité : fin automne‑début hiver, hiver‑tout début printemps, printemps‑début été, et de construire des courbes d’âge pour chacune. Sans entrer dans le détail de l’analyse, les trois distributions obtenues sont également unimodales avec une majorité d’individus jeunes et subadultes (très net pour fin automne‑début hiver), et sont semblables au type catastrophique. La somme de ces trois périodes présente ce même modèle comme nous l’avions remarqué, et la contradiction apparue entre nature de l’abattage et saison ne reflète en fait que le même processus d’obtention, autrement dit la même orientation/décision vers des proies jeunes durant toute la durée des occupations.

FIG. 83 – Distribution mensuelle des mortalités dans la population d’Aurochs de La Borde (fréquence basée sur le nombre total des M1 inférieures), suivie des histogrammes en fonction des périodes distinguées. Le dernier histogramme est la somme des trois précédents (voir explication dans le texte).

58Les os des membres (radius, métacarpe distal, astragale, cubonaviculaire,... ; tabl. II, III, IV de R. Slott‑Moller, chapitre 3) sont de petite taille, et appartiennent vraisemblablement à des sujets subadultes et/ou adultes femelles. Les groupes de La Borde seraient alors constitués de juvéniles, jeunes adultes et femelles adultes, ce qui rappelle les éléments sur l’organisation sociale et la structure de populations chez le Bison américain. Ce dernier est formé principalement de deux groupes : groupes de vaches et de jeunes (cotes groups ou nursery berds), groupes de taureaux (bulls groups), vivant séparés une grande partie de l’année, et se mélangeant à la saison du rut fin été‑début automne, particulièrement en août. C’est justement à cette période que se place à La Borde le plus faible effectif constaté.

59Ainsi à La Borde seraient représentés de tels groupements, présents toute l’année sur les plateaux des Causses ; les stratégies sociales et reproductives de l’Aurochs pourraient donc être assez proches de celles des bisons actuels, et ce malgré des différences dans leur biotope et leur alimentation. Un complément d’étude est toutefois indispensable pour préciser l’éco‑éthologie de l’Aurochs, la comparaison des structures sociales demeurant ici liminale.

60En résumé, à La Borde, on observe un manque manifeste d’individus âgés, la présence et la mort systématique d’animaux jeunes s’effectuant à l’intérieur d’une structure sociale déterminée. L’obtention du gibier se réalise sur toute l’année (ou sur plusieurs années consécutives) et n’est pas événementielle comme dans les sites paléoindiens.

7.3.2.2 Interprétation

61En tenant compte du contexte du site (aven, cf. supra), et des associations (autres espèces, lithique), plusieurs hypothèses peuvent être discutées :

62A – Des individus isolés ou des petits groupes tombent naturellement dans l’aven, plus ou moins régulièrement (modèle no 2, supra), et sont exploités sur place par les hommes. Deux points permettent d’écarter ce cas : l’absence de vieux et de mâles de Bos, et surtout l’absence d’autres herbivores pouvant également tomber dans ce piège naturel.

63On peut envisager que le site ait servi de repaire à des carnivores, et que l’Homme a récupéré des morceaux déjà sur place. Le faible pourcentage de carnivores (on remarquera l’absence de la hyène, principal responsable d’accumulation osseuse) ainsi que le rapport important des restes crâniens sur les restes post‑crâniens ne permettent pas de retenir cette hypothèse (Klein, Cruz‑Uribe 1984 : tabl. 5.2).

64B – Les hommes collectent des carcasses aux alentours du site, suite à des morts naturelles (maladie, climat rigoureux,...) ou suite à une chasse par un prédateur carnivore (hyène, loup) (modèle no 3b, supra). Ce charognage plus actif que le précédent (il nécessite un transport des morceaux dans le site) donnerait une courbe de type « attritionnelle » (voir Klein 1982), ce qui n’est pas le cas.

65C – Les hommes ont chassés préférentiellement et choisi des individus de nursery group ; ceux‑ci sont plus vulnérables et inexpérimentés, plus faciles à manier, diriger et tuer que des taureaux, voirie des vieux solitaires, irrascibles et agressifs. Il y aurait donc une acquisition active de groupe de jeunes et de femelles durant des séjours consécutifs sur le site ; celui‑ci aurait été utilisé pour ses qualités de piège naturel (modèle no 3a, supra).

66Une alternative est toutefois possible, avec un mélange de chasse active des sujets les plus jeunes, avec ou sans rabattage vers l’aven, et de charognage d’individus adultes. L’absence étonnante de vieux pourrait alors s’expliquer par un schlepp effect (facteur de portabilité) (Binforcl 1981 : § 5). La « spécialisation » de l’association de mammifères, dominée par l’Aurochs, ne confirme pas cette dernière possibilité.

67La chasse spécialisée d’un grand bovidé comme l’Aurochs vivant généralement en troupeau, suppose un choix délibéré de la part des Moustériens et donc un embryon d’organisation sociale (décisions collectives ou prises par des « meneurs »).

68Une chasse collective suppose également l’organisation d’un rabattage vers le piège naturel plus ou moins aménagé, puis une tuerie et enfin une exploitation. Si, ce qui est tout à fait vraisemblable, l’aven a servi de site d’abattage, la fragmentation des restes fauniques assortie d’un abondant matériel lithique et de quelques vestiges brûlés atteste d’une occupation complexe assez longue, avec des retours successifs (occupation récurrente). L’étude des classes d’âge semble enfin indiquer une fréquentation assez souple dans l’année, sinon continue, du moins pluri‑saisonnière. Les grands Bovidés, l’Aurochs et le bison, peuvent être considérés comme une ressource importante dans la vie des chasseurs‑nomades moustériens (cf. infra).

69Les techniques d’abattage, si elles sont liées au rabattage vers un piège naturel, doivent limiter la tuerie à quelques actions consistant plus à achever des bêtes mourantes ou blessées qu’en un véritable carnage artificiel, Actuellement, aucun argument ne nous permet d’avancer la présence d’outils Ethiques de chasse façonnés (silex ou quartz). On ne peut que souligner l’inadéquation de l’industrie lithique utilisée comme instruments pour une chasse active. Elle interviendrait plutôt dans la phase qui précède (exemple : fabrication d’épieux ?) ou qui suit l’acquisition du gibier (boucherie, consommation, etc.). Les épieux durcis au feu ou de lourds blocs calcaires sont généralement (et logiquement) les instruments les plus figurés sur les tableaux de reconstitutions réalistes pour ces scènes sanglantes.

70Cette quasi‑exclusive pour un seul gibier, l’Aurochs, ne semble donc pas répondre à un comportement opportuniste stricto sensu, mais suppose le détournement des troupeaux et dénote tout au moins une certaine facilité d’obtention (faible rapport coût/bénéfice). Cette opportunité se transforme alors en choix, puis en opération préparée, contrôlée, puis enfin intensivement exploitée (sélection culturelle) ; elle constitue une adaptation dans un environnement homogène créant des spécialisations de sites. Cette hypothèse s’éloignerait alors radicalement d’un comportement charognard.

7.3.3 Chasse opportuniste pour les autres espèces ?

71Les autres herbivores (Cheval, Cerf, Asinien) sont trop peu représentés pour avoir fait l’objet d’une chasse organisée collectivement et préparée de longue date. On peut donc logiquement envisager les hypothèses suivantes :
– soit un rabattage occasionnel en fonction de leur présence imprévue sur la route des Moustériens ;
– soit une récupération à partir d’un autre lieu de chasse ;
– soit le prélèvement isolé de quelques dépouilles sur un lieu de charognage.

72La présence du Loup est intéressante car elle indique soit la visite de ce carnivore en dehors des occupations humaines, soit comme pour les herbivores, sa récupération (chasse ou charognage) et donc possibilité de décarnisation pour prélever une fourrure.

FIG. 84 – MGUI : modified general utility index / indice général modifié d’utilité. Données pour le bison d’après J.D. Speth (1987). < 20 = faible valeur nutritive ; 20‑40 = valeur nutritive moyenne ; > 40 = forte valeur nutritive. Les pourcentages mentionnés sont calculés à partir du tabl. I de R. Slott‑Moller (chapitre 3) et portent sur le nombre de restes (NR) des os des membres.

7.3.4 Boucherie et consommation

  • 10 Nous remercions M. Patou d’avoir rapidement examiné le matériel faunique même si l’étude taphonomiq (...)

73On peut regrouper généralement sous cette appellation les activités liées à l’exploitation de la viande, A travers un assemblage archéologique, ces activités peuvent être reconnues soit par l’étude directe des vestiges (traces, stries, fractures, fragmentation, représentativité des différents éléments) soit par la tracéologie du matériel lithique. Ces deux types d’analyses10 n’ayant pu être mises en œuvre pour les raisons maintes fois rappelées, nous nous en tiendrons à quelques généralités.

74La fragmentation poussée des vestiges osseux, largement dominée par un stock d’esquilles non ou peu déterminables, mais surtout leur association avec un outillage Ethique très bien représenté, permettent d’y déceler sans hésitation un intense traitement « domestique ». Les différents morceaux, qui semblent tous représentés dans le niveau archéologique, ont dû être conditionnés, triés et traités suivant leur intérêt culinaire et nutritif. Les restes post‑crâniens sont peu nombreux : 25,7 de l’ensemble des restes d’Aurochs (fréquences basées sur le tabl. I du chapitre 3). Les os compacts (carpe, tarse) et les phalanges (37,7) sont en majorité entiers, alors que les os longs des membres ainsi que de rares tarsiens et phalanges (62,3) sont fracturés. Les os longs (scapula, humérus, radius‑cubitus, fémur, tibia) ayant un modified general utiltty index (MGUI, cf. infra) élevé représentent 28,3, alors que 71,7, dont deux tiers de métapodes, possèdent un MGUI bas (fig. 84). Seules 20  des phalanges sont fracturées. La récupération de certaines parties molles (viande, graisse, moelle) ne fait guère de doute, bien que l’exploitation des os ne soit pas maximale (phalanges).

75Par contre, en l’absence d’arguments décisifs, nous ne pouvons préjuger d’une récupération fonctionnelle (utilitaire) de certaines parties animales comme les os, les tendons, la peau (cuir), la corne ou la panse.

76Gageons que le rapport entre une industrie Ethique spécialisée, notamment en silex (coches et denticulés) et ces restes fauniques doit être smon exclusif, du moins assez serré.

7.3.5 Le feu

77Les seuls vestiges brûlés identifiables sont quelques restes osseux nettement marqués par leur séjour dans un niveau de foyer. Les rares os brûlés reportés sur le relevé de la fig. 18 (chapitre 1) témoignent d’une localisation dénuée de signification spatiale et même stratigraphique à l’intérieur du niveau. Ces esquilles brûlées se répartissent sur l’ensemble de la couche sans concentration particulière. Ceci vient appuyer la thèse d’une mise en place après lessivage d’éventuelles structures de combustion et permet d’apporter un argument supplémentaire à la théorie de l’apport sédimentaire dans un contexte colluvial entraînant une perturbation générale de l’assemblage après le départ des chasseurs.

78La présence de vestiges brûlés est également décisive pour prouver une occupation humaine autre qu’une simple fréquentation d’un lieu de charognage où l’on viendrait épisodiquement récupérer quelques quartiers de viande. La présence d’au moins un feu, son éventuel maintien par une alimentation avec des restes osseux ne peut être associé qu’à l’idée d’une fréquentation de moyenne durée (supérieure à quelques heures). On peut résolument écarter l’idée d’un simple rendez‑vous de chasse, comme l’analyse des vestiges Ethiques semblait déjà le démontrer.

7.3.6 Habitat et durée de séjour

79La signification des vestiges, toutes catégories confondues, conduit à écarter les deux types de reconstitution extrêmes : une courte halte de chasse (transient camp) d’un petit groupe de nomades et un habitat permanent (home base) ou de longue durée recouvrant plusieurs changements climatiques. L’assemblage archéologique correspond à une seule grande période d’occupation centrée sur une seule oscillation climatique, de durée égale, mais très certainement bien inférieure au développement d’un stade isotopique.

80Entre ces deux extrêmes, la marge est grande. La composition de l’industrie Ethique et des vestiges fauniques, leur homogénéité incontestable, rendent vraisemblable l’hypothèse d’une occupation correspondant au moins au retour durant plusieurs saisons, tout au plus plusieurs générations, d’un même groupe culturel ethnique. Aucune évolution n’est perceptible malgré l’association de deux séries Ethiques d’apparence très différente (quartz, silex).

81La puissance de la couche archéologique, le nombre d’individus (40 Aurochs selon R. Slott‑Moller) et la quantité de matériel Ethique récolté (env. 80 kg de quartz), résultats qui sont à multiplier par 2 ou 3 en fonction des zones non fouillées ou détruites, viennent confirmer cette impression d’une fréquentation répétée. Il apparaît improbable, voire impossible, d’abattre en une seule fois 40 animaux de la taille de l’Aurochs, ni de ramener 80 kg de galets de quartz (strict minimum) en un seul voyage.

82Les techniques de boucanage et de conservation des quartiers de viande ne se sont apparemment développées qu’avec les chasseurs du Paléolithique supérieur, notamment les cultures contemporaines du Tardiglaciaire, et il n’est pas du tout certain que les populations du Paléolithique moyen aient intégré à leur mode de vie la notion de réserve culinaire. On pourrait alors se diriger vers la proposition d’un modèle d’occupations récurrentes essentiellement basées sur l’abattage, l’exploitation et la consommation sur place d’un gibier choisi et collectivement chassé, l’Aurochs.

83Les hommes préhistoriques de La Borde revenaient régulièrement dans l’aven qui servait de piège de chasse ou d’abri temporaire (contre le vent, les précipitations) et qui éventuellement leur fournissait de l’eau (?). Ce site devait faire partie d’un itinéraire précis. Cette notion est renforcée par la présence de réserve lithique (nucléus Levallois).

7.4 Comparaisons ethno‑archéologiques

7.4.1 Paléolithique ancien et moyen européen

84La chasse spécialisée clans les stations du Paléolithique moyen d’Europe centrale et orientale est parfois nettement affirmée. Les espèces sont variables (Ours, Equidés, Mammouths) mais la préférence pour les grands Bovidés, d’ailleurs uniquement représentes par le bison, demeure exceptionnelle. La synthèse de M. Gábori (1979) permet de retenir deux gisements d’Union soviétique : Soukhaïa Metchetka près de Volgograd (plaine de la Volga) et Ilskaïa dans la région du Kouban (nord‑ouest du Caucase).

  • 11 Travaux en russe cités par M. Gábori (1979).

85A Soukhaïa Metchetka (Würm ancien /W1 ), site de bord de rivière, Bison prisons (NR = 366) représente 71,5  des espèces chassées (également présents : Mammouth, Cheval, Saïga et Cerf) dans un contexte de steppe herbeuse (travaux de M.N. Grichtchenko, VI. Gromov, V.I. Gromova et S.N. Zamiatnine entre 1951 et 1965)11.

86Pour le site d’Ilskaïa (travaux de S.N. Zamniatnine, Hančar et Gorodtsov entre 1929 et 1940)11 qui occupe une position équivalente à celui de Molodova (deuxième terrasse au‑dessus du fleuve), l’estimation d’extension de la couche archéologique, épaisse de 40 à 50 cm, atteint 10 000 m2 dont environ un demi‑hectare a été fouillé. Ce gigantesque gisement de plein air a livré, dissociés des concentrations de restes fauniques, quelques outils et des zones beaucoup plus denses en vestiges lithiques (ateliers). S.N. Zamiatnine a calculé que pour l’ensemble de la station, le nombre d’animaux chassés devait atteindre environ 2 400 individus (!) toutes espèces confondues (30 bisons pour la partie fouillée ; NR = 568). V.I. Gromova interprète cette spécialisation en faveur du Bison (68 du NMI, 89 du NR) comme un choix pour une chasse intense en relation avec une émigration des troupeaux vers le sud pour des raisons climatiques.

87En Europe occidentale et méridionale, les sites équivalents sont vraisemblablement assez nombreux mais les grandes synthèses font encore défaut, ne permettant de proposer qu’une liste très provisoire de gisements, faisant d’ailleurs état de données partiellement inédites. Toutes concernent des stations du sud‑ouest de la France (tabl. I).

88La grotte/aven effondrée de Coudoulous I (Lot, fouille J. Glottes, E. Bonifay, entre 1978 et 1982) présente une importante séquence attribuée au Pléistocène moyen dont le sommet a livré une couche très riche en vestiges lithiques et osseux, de type dépotoir sans organisation apparente. Il s’agit d’une cavité située à la confluence de deux importantes vallées, celles du Lot et du Célé, dominant un large panorama en bordure de plateau. La faune récoltée dans la couche 4 (âge proposé « Riss I‑II » ou « II‑III », Clottes 1979, 1981) est très nettement dominée par les grands Bovidés (Bison priscus, environ 95 ; détermination J‑P. Brugal, inédit). Les autres espèces reconnues appartiennent à des Cervidés (Cervus elaphus, Megaceros giganteus), au Cheval, au Rhinocéros (?) et au Loup (M.‑F. Bonifay, inédit, in Jaubert 1984 : 121). L’analogie avec La Borde ne s’arrête pas à la faune et à la topographie ; la composition générale de l’outillage est également tout à fait comparable : tant pétrographique (95 de quartz, 3,5 de silex, 0,8 de roches diverses), que technologique (débitage Levallois passant à une exploitation de petits nucléus discoïdes) et typologique (coches, denticulés, outils lourds de type choppers et percuteurs en quartz).

89La principale différence résulte en fait de la situation géographique du gisement, mais le rôle de la cavité comme piège naturel paraît, comme à Livernon, tout à fait envisageable. Un âge antérieur à celui de La Borde permettrait de reculer la limite des stratégies d’exploitation des grands Bovidés proposées pour Livernon, et ce, à partir d’une documentation recueillie dans de meilleures conditions de fouille (décapages, photographies systématiques, plans, profils, etc.). Malheureusement les vestiges sont aussi marqués par les processus de fossilisation, d’altération et de concrétionnement.

90Plusieurs niveaux moustériens de la grotte des Fieux également dans le Lot (fouille F. Champagne, J. Jaubert) d’âge Würm ancien sont caractérisés par une association de grands herbivores où le Bison atteint parfois 86,5 (NR) comme dans la couche K (espèces complémentaires : Renne, Cerf, Cheval, Asinien, Renard ; déterminations J.‑L. Guadelli, inédit in Jaubert 1984 : 241 et fig. 57). Les vestiges sont en position nettement dérivée, mis en place dans un contexte colluvial. La part de l’intervention humaine dans la constitution du stock animal reste encore à apprécier (techniques d’acquisition) mais l’exploitation « domestique » est certaine, tant du point de vue de la consommation alimentaire (fracturations systématiques, stries...) que de son utilisation fonctionnelle par la présence de quelques outils aménagés sur des diaphyses de Bison (Clottes 1985 : 354 et fig. 24). Aucune preuve d’utilisation du feu n’a été décelée dans la couche K. L’industrie associée est un Moustérien à denticulés de débitage non Levallois, pauvre en outils caractéristiques (quartz et silex locaux avec quelques outils importés) (Champagne, Jaubert 1986).

91L’interprétation palelhnologique de la couche K n’est pas encore fixée, mais la morphologie de la cavité (grotte effondrée ouverte à la surface du plateau) a pu faire office de piège, hypothèse également envisagée pour La Borde et Coudoulous.

92Le vaste gisement de plein air de Mauran (Haute‑Garonne) occupe une position topographique caractéristique : il domine la vallée de la Garonne, contrôlant une zone de contact entre le Bassin aquitain et les Pré‑Pyrénées. Il est associé à une sorte d’ « écaille » de calcaire presqu’entièrement démantelée.

93Les fouilles dirigées par C. Farizy (1974‑1981) ont permis de reconnaître une importante séquence stratigraphique dont le sommet a livré une puissante couche archéologique explorée en décapages (Girard et alii 1975 ; Girard, Leclerc 1981). Les perturbations semblent limitées à quelques déplacements localisés et à des tassements dus au poids des sédiments. Les grands Bovidés sont en proportions équivalentes à ceux de La Borde (98  de Bison contre 2  d’Equidés). Les auteurs interprètent l’aire fouillée comme une zone dépotoir résultant de l’accumulation d’une chasse volontaire et spécialisée, répétée durant plusieurs générations. Compte tenu de la faible surface fouillée (25 m2) le nombre d’individus est important : 108 bêtes, essentiellement composées d’animaux jeunes et adultes (Girard, David 1982).

94Nous avons déjà fait allusion (chapitre 6) à l’outillage lithique très spécialisé de Mauran : coches et denticulés en silex, galets aménagés et percuteurs en roches métamorphiques locales. L’âge relatif du gisement n’est pas encore connu mais devrait être antérieur à la fin du dernier interglaciaire (stade 5), soit plus ou moins contemporain de Livernon.

95En Dordogne, le site du Roc, apparemment assez semblable à Mauran par sa position dans le paysage, est établi sur un replat en contrebas d’une falaise dominant la vallée de l’Euche. Il a également livré une association de vestiges lithiques et fauniques comparables. Ce gisement n’a fait l’objet que de sondages et l’information est essentiellement extraite de ramassages de surface sur une zone bien limitée (400 m2). Tous les restes fauniques appartiennent aux grands Bovidés et l’industrie lithique, un Moustérien à denticulés façonné à partir de matières premières locales, est dominée par le débitage non Levallois (Geneste 1985). Contrairement à Mauran ou Coudoulous, l’outillage lourd sur galet est très pauvre. Par la seule étude techno‑typologique, J.‑M. Geneste mentionne pour ce gisement une occupation spécialisée, fait qui est largement confirmé par la composition des vestiges osseux et dentaires.

7.4.2 Paléolithique supérieur européen

96La principale station d’âge Paléolithique supérieur comparable par sa composition faunique aux sites plus anciens précédemment mentionnés est celle de Fongaban (Gironde ; Rigaud et alii 1972) (tabl. I). Il s’agit cette fois d’occupations tardiglaciaires attribuables au Magdalénien supérieur final (14 300 ± 680 BP). La zone fouillée n’a concerné qu’un petit secteur interprété comme un dépotoir non structuré. Les restes de Bison dominent dans les différents niveaux, représentant dans la couche 3, 98,55  du total des herbivores, soit un nombre d’individus de 23 (Delpech 1972 : 615). Les Magdaléniens de Fongaban ont apparemment chassé de préférence des bêtes jeunes et certaines parties anatomiques sont sous‑représentées, notamment les os correspondant aux quartiers les plus charnus. Les espèces complémentaires sont l’Antilope saïga, le Cheval et le Renne.

97Comme dans les sites du Paléolithique ancien et moyen, les vestiges sont parfois brûlés sans pour autant être associés à des structures de combustion évidentes, résultant donc d’un lessivage naturel ou d’une vidange anthropique. La destruction partielle du secteur sous abri empêche les auteurs de trancher entre l’hypothèse d’une zone dépotoir dépendant d’un éventuel habitat voisin ou celle d’un site spécialisé complémentaire d’un habitat plus éloigné.

98Comment ne pas terminer cette revue des différents gisements paléolithiques dominés par la présence des grands Bovidés par une allusion à l’Art quaternaire et notamment à son représentant le plus prestigieux, Lascaux. Les grands Bovidés y sont omniprésents, Aurochs et bison, et les représentations de vaches et de taureaux témoignent d’une maîtrise parfaite de leur anatomie alors que les vestiges sont beaucoup plus rares parmi les listes de restes recueillis à la fouille ou dans des niveaux plus ou moins contemporains. Les différentes figurations de Bos primigenius de Lascaux ou de la grotte de la Mairie à Teyjat permettent de nous familiariser avec une image moins lourde et moins figée de l’Aurochs (fig. 85).

FIG. 85
a – Lascaux (Dordogne), peintures d’Aurochs (taureaux, vaches) du Magdalénien ancien‑moyen.
Dessin A. Leroi‑Gourhan, p. 183, in L’Art des cavernes : Atlas des grottes ornées paléolithiques françaises, Paris, ministère de la Culture / Imprimerie nationale, 1984.
b ‑ Gravures d’Aurochs de la grotte de la Mairie à Teyjat (Dordogne).

Dessin N. Aujoulat, p. 235, in op. cit.

7.4.3 Sites paléoindiens

99Le « comparatisme » ethnoarchéologique à travers l’espace et le temps doit être assorti d’un certain nombre de prescriptions afin d’éviter toute généralisation abusive. Habituellement le principal danger retenu est la comparaison entre des groupes humains de degré évolutif et de systèmes culturels distincts, évoluant dans des environnements trop différents pour que les rapprochements soient valides.

100En ce qui nous concerne, la comparaison entre des occupations du Paléolithique moyen ancien et les kill‑sites nord‑américains d’âge historique, donc holocènes, n’est pas handicapée par des milieux écologiques si différents. Si on raisonne sur des peuplements paléolithiques essentiellement limités à des oscillations climatiques plutôt tempérées, voire franchement interglaciaires, seules l’immensité des grandes plaines américaines et la rareté des cavités karstiques associées tranchent nettement avec le contexte géographique du sud‑ouest de l’Europe. Ces réserves ne sont pas applicables aux deux stations Risses (Volgograd et Ilskaïa).

101Par ailleurs, pour tous les gisements sauf Livernon, le bison semble être le seul boviné jusqu’à présent identifié. Cependant le comportement et les habitudes des deux principaux grands Bovidés (Bos, Bison) sont vraisemblablement assez proches (cf. supra) pour que des stratégies communes d’exploitation puissent être envisagées : charognage, chasse collective ou individuelle, guet, approche des troupeaux, tuerie...

102En fait, la principale difficulté tient évidemment à comparer deux populations radicalement distinctes : d’une part, des Néandertaliens ou pré‑Néandertaliens européens pour lesquels nous n’avons actuellement que quelques données sommaires ou ponctuelles et une Connaissance encore lacunaire de tout ce qui tient à leur mode de vie et leur organisation sociale ; d’autre part des Amérindiens, descendants de populations asiatiques (H. sapiens sapiens) dont nous connaissons assez bien le mode de vie, en tout cas pour leurs derniers représentants, ceux‑ci ayant développé un comportement nomade, bien adapté aux milieux dans lesquels ils ont évolué.

103Ainsi la comparaison achoppe assez rapidement à cause du degré d’évolution techno‑économique atteint par les chasseurs américains y compris leurs plus vieux représentants comme ceux de Clovis, Folsom (New Mexico) ou de Kit‑Carson (Colorado) datés d’environ 10 000 à 8 000 BC. La possession de véritables armes de jet (pointes taillées à cannelure et emmanchées) leur permettait, sinon facilement, du moins sûrement, avec une certaine sécurité et en grand nombre, d’abattre des herbivores sans autre défense que leur vitesse de course et leur force naturelle.

104La grande majorité des sites fouillés est située clans les grandes plaines du nord et du centre (Frison 1978 ; Davis, Wilson 1983 ; Reeves 1983), par exemple : Alberta et Saskatchewan au Canada (Gull Lake site), Wyoming (Finley, Eden, environ 7000‑5000 BC), Montana, Nebraska (Scottsbluff, environ 7500‑5000 BC), lowa (Anderson, Semken 1980), Colorado (Olsen‑Chubbuck, 8200 BC ; Wheat 1972). Il y a quelques sites plus méridionaux, au Texas (Plainview, environ 7000‑5000 BC ; Bonfire shelter, environ 8000 BC) et au Nouveau Mexique. Le modèle communément accepté consiste à interpréter les gisements comme des kill‑siles saisonniers dont le bison est la principale victime. D’après les études archéozoologiques, l’abattage intéressait essentiellement les femelles et leurs jeunes et se déroulait à l’automne ou au début de l’hiver afin de stocker pour la période froide de grandes quantités de viande, de graisse et de peaux.

105Cette notion de stockage, évidente pour les populations nord‑américaines, très probable pour les chasseurs de rennes du Tardiglaciaire européen, devient assez problématique pour les cultures antérieures à 30000 BP. Les énormes accumulations de vestiges osseux des stations du Paléolithique moyen nécessiteraient des études archéozoologiques poussées et généralisées pour confirmer ou au contraire rejeter cette notion de réserve alimentaire domestique et fonctionnelle du stock animal.

106Les techniques de rabattage des Paléoindiens sont par contre applicables dans une certaine mesure aux populations du Paléolithique moyen : les chasseurs détournent les troupeaux de leurs zones de pâturages vers des enclos ou corals aménagés, vers des rivières, des culs‑de‑sac naturels ou les dirigent vers des falaises, des gouffres ou des amoncellements de neige qui leur sont fatals. « Certains de ces lieux de mise à mort étaient utilisés à maintes et maintes reprises d’où peu à peu l’édification d’immenses amas d’os représentant les vestiges de centaines ou même de milliers d’animaux » (Speth 1987 : 896). En dehors de l’aménagement d’enclos ou de corals, remplacés par des pièges karstiques naturels, les Néandertaliens possédaient selon toute vraisemblance les moyens d’organiser de tels rabattages collectifs.

107Autre élément pouvant contribuer à un « comparatisme » constructif et récemment accessible grâce à l’excellente étude de J.D. Speth (1983) à partir du site de Garnsey (New Mexico) : la parfaite connaissance par les Indiens des animaux chassés en fonction de leurs qualités nutritives. Contrairement aux sites des grandes plaines du Nord, au Nouveau Mexique les troupeaux étaient abattus, non à la fin de l’automne ou au début de l’hiver mais au printemps. L’étude des amas d’ossements a permis d’évaluer à quelques années, au plus quelques décennies près, les périodes d’abattage vers 1450 AD. J.D. Speth a appliqué l’indice créé par L.R. Binford (1978) à partir des caribous chassés par les Nunamiuts, connu sous le sigle MGUI : modifïed general utility index/indice général modifié d’utilité (fig. 84). Cet indice basé sur la quantité de viande, graisse et moelle d’un élément squelettique, exprime la valeur nutritive de chaque partie anatomique.

108La particularité de Garnsey réside dans le soin apporté à un choix différentiel de sélection du gibier en fonction du sexe. Les mâles constituaient la proie favorite, les meilleurs morceaux étant logiquement emportés alors que les carcasses de femelles n’étaient pas autant exploitées malgré le bon indice de certains quartiers abandonnés sur place. J. D. Speth a donc été amené à interpréter cette non‑exploitation des femelles en raison de leur faible valeur nutritive au moment de l’abattage (printemps) : c’est en effet la saison de la gestation chez les femelles qui doivent puiser dans leur propre réserve de graisse pour nourrir les fœtus.

109En fait, la subtilité de sélection des bêtes est encore plus étonnante car les chasseurs de Garnsey prélevaient sur les mâles abattus des morceaux au MGUI moyen, voire faible, ce qui traduirait vraisemblablement une période de pénurie. Donc, alors qu’ils manquaient de nourriture, les Indiens du New Mexico au xve s. préféraient négliger en toute connaissance de cause de consommer de la viande maigre, évitant ainsi de manger d’énormes quantités pour satisfaire les besoins de leur organisme en calories. Ces différentes applications de la connaissance du gibier, de ses qualités nutritives, non seulement fonction des morceaux mais surtout des classes d’âge et de sexe en relation avec la saison, se retrouvent chez de nombreux peuples de chasseurs‑cueilleurs. Ils trouvent ainsi des réponses aux problèmes de la pénurie alimentaire grâce à différentes stratégies d’adaptation (Speth 1987 900‑901).

110Rien ne s’oppose à une application de tels modèles pour les hommes‑prédateurs du Paléolithique européen, dans la mesure où ils ont eu à faire face à ces pénuries essentiellement caractéristiques d’environnements extrêmes. A La Borde, le manque de précisions sur la sélection et le traitement des carcasses (par individus, jeunes ou vieux, mâles ou femelles) ne permet pas d’indiquer des choix nutritifs, tels ceux des Paléoindiens de Garnsey. De plus, l’existence d’occupations plurisaisonnières à La Borde ne correspond pas à de telles stratégies qui n’en demeurent pas moins d’excellents exemples ethnoarchéozoologiques.

7.4.4 Conclusion

111L’étude de La Borde n’autorise pas les auteurs à embrayer vers la proposition d’un modèle irréfutable, et ne constitue qu’un premier exemple méthodologique, une « étude de cas ». Cependant il apparaît assez évident que les sites spécialisés dans l’abattage et l’exploitation de troupeaux d’Aurochs ou de bisons sont fréquents et caractéristiques du Paléolithique moyen. Ces gisements sont généralement contemporains de périodes tempérées, par exemple les stades 7 (environ 200 Ka) et 5 (environ 130‑75 Ka) de la chronologie isotopique. Les industries associées sont souvent aussi spécialisées avec un outillage léger dominé par les coches et denticulés associé à un outillage lourd en roche locale (quartz, quartzite). Le débitage Levallois existe et intervient en tant que technique complémentaire liée à la notion de stock de taille.

112L’inventaire des gisements ayant comme point commun la présence d’une grande faune dominée à plus de 80  par les grands Bovidés, regroupe deux types de sites : d’une part, les occupations de plein air (Mauran, Le Roc,…) et d’autre part celles liées à des avens ou grottes/pièges (Coudoulous, Les Fieux, La Borde). Malgré ces différences topographiques il est possible de dresser un bilan cohérent quant à leurs analogies géographiques, chronologiques, écologiques, cynégétiques, culturelles ou industrielles.

113Cette stratégie de subsistance présente des modalités similaires de l’utilisation du milieu (topographique et biologique) impliquant des unités socio‑démographiques correspondantes. Un facteur sociologique commun serait la mobilité de telles unités et leurs relations avec différents lieux d’occupation (habitats, campements,...).

114D’autre part, les exemples nord‑américains, beaucoup plus lointains dans le temps et l’espace, constituent des référentiels précieux. Par leurs conditions de conservation, leur relative contemporanéité, la publication d’hypothèses plus ou moins vérifiables par l’enquête ethnohistorique, les sites paléoindiens permettent d’élargir le champ des explications vers des reconstitutions infiniment plus précises mais complémentaires de nos vieux schémas européens. Les occupations paléolithiques ne paraissent pas devoir être comparées sans restrictions aux kill‑sites nord‑américains. L’interprétation de profil d’âge est grandement redevable à la comparaison avec d’autres profils, notamment ceux fournis par les sites paléoindiens. L’analogie inter‑sites, même sur des périodes de temps et des environnements très différents, est importante : elle nous renseigne sur la structure des populations, et sur l’éthologie des espèces étudiées. Ce dernier point est fondamental pour notre compréhension des relations de l’Homme avec le milieu animal.

FIG. 86 – Cartes des sites mentionnés dans le texte : 1 – Gull Lake site ; 2 – Eden ; 3 – Finley ; 4 – Scottsbluff ; 5 – Olsen‑Chubbuck ; 6 – Kit Carson ; 7 – Folsom ; 8 – Clovis ; 9 – Garnsey ; 10 – Plainview ; 11 – Fongaban ; 12 – Mauran ; 13 – Coudoulous ; 14 – La Borde ; 15 – Les Fieux ; 16 – Le Roc ; 17 – llskaïa ; 18 – Volgograd.

Notes

1 Il s’agit selon l’auteur d’une séquence acheuléenne mais les principales caractéristiques de l’industrie lithique, surtout pour les niveaux supérieurs, permettent de la rattacher au Paléolithique moyen lato sensu.

2 Dans la littérature anglo‑américaine, ces questions fondamentales se sont en outre développées au début des années 80, notamment autour des études sur les comportements de subsistance des premiers hominidés d’Afrique du Sud et de l’Est (travaux de Clark, Isaac, Behrensmeyer, Binford, Brain,...).

3 Rappel de définitions : Communauté = organismes unis par des liens vitaux effectifs. Assemblage = ensemble pour lesquels ces liens sont supposés. Association = lot se trouvant simplement ensemble. Accumulation = mettre ensemble, fait d’être « mis ensemble ».

4 La découverte d’une dent humaine ne modifie pas l’interprétation générale du site comme aven‑piège naturel.

5 Les différents écosystèmes (tropical, tempéré, arctique,...) ne sont pas distingués mais il est clair que les comportements humains varient en fonction de ceux‑ci.

6 Sans étude tracéologique, il est impossible d’être affirmatif.

7 Les chasseurs‑cueilleurs actuels exploitent de vastes territoires de l’ordre de plusieurs milliers de kilomètres carrés (voir par exemple Binford 1983 : chapitre 6).

8 Si l’on considère la limite d’âge de 4 ans, on obtient 48,6  de jeunes (17 individus) et 51,4  d’adultes (18 individus) ; le taux d’attrition moyen est égal à 3,82 mm/an (M1 inf., période de 0 à 8 ans), peu différent de celui donné dans le texte. Il faut souligner l’existence d’une marge d’incertitude sur les âges proposés (R. Slott‑Moller, comm. pers.) qui, sans fausser le déroulement de l’analyse, pourrait introduire une variabilité dans les courbes obtenues.

9 Une autre explication concerne l’existence de transport et de traitement différentiel des très Jeunes ; « data on bison weight indicate that these animals (“juvéniles”) could have been reduced to more easily portable packets with a minimum of field dressing and quartering » (Reher 1974 : 122).

10 Nous remercions M. Patou d’avoir rapidement examiné le matériel faunique même si l’étude taphonomique n’a pu aboutir faute d’un matériel prisonnier de sa gangue de concrétion et très altéré.

11 Travaux en russe cités par M. Gábori (1979).

Table des illustrations

Légende TABL. I – Principaux sites paléolithiques français comportant une grande faune dominée par les grands bovidés.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 103k
Légende FIG. 80 – Carte des territoires parcourus ou connus des Moustériens de La Borde. 1 – zone sûre ; 2 – zone probable (d’apr. A. Turq infra) ; abc – routes possibles des migrations d’Aurochs entre le Bassin aquitain et le Massif central.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 75k
Légende FIG. 81 – Pourcentage des différents artefacts classés en quatre grandes catégories :A – extraction et production sur place (ateliers) ; B – extraction proche et production sur place (sites ou habitats proches des lieux d’extraction) ; C – extraction éloignée, production importée déjà préparée (sites mixtes) ; D – introduction de produits finis (sites spécialisés occasionnels).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 45k
Légende TABL. II – Groupes d’âges et mesure de l’usure dentaire des M1 inférieures de l’Aurochs de La Borde, calculés à partir du tabl. XXIX de R. Slott‑Moller (chapitre 3).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 33k
Légende FIG. 82 – Histogramme et courbe de l’usure dentaire des M1 inférieures d’Aurochs de La Borde, à partir des données du tabl. II. h.c. = hauteur couronne (protoconide).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 63k
Légende FIG. 83 – Distribution mensuelle des mortalités dans la population d’Aurochs de La Borde (fréquence basée sur le nombre total des M1 inférieures), suivie des histogrammes en fonction des périodes distinguées. Le dernier histogramme est la somme des trois précédents (voir explication dans le texte).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 54k
Légende FIG. 84 – MGUI : modified general utility index / indice général modifié d’utilité. Données pour le bison d’après J.D. Speth (1987). < 20 = faible valeur nutritive ; 20‑40 = valeur nutritive moyenne ; > 40 = forte valeur nutritive. Les pourcentages mentionnés sont calculés à partir du tabl. I de R. Slott‑Moller (chapitre 3) et portent sur le nombre de restes (NR) des os des membres.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 82k
Légende FIG. 85a – Lascaux (Dordogne), peintures d’Aurochs (taureaux, vaches) du Magdalénien ancien‑moyen.Dessin A. Leroi‑Gourhan, p. 183, in L’Art des cavernes : Atlas des grottes ornées paléolithiques françaises, Paris, ministère de la Culture / Imprimerie nationale, 1984.b ‑ Gravures d’Aurochs de la grotte de la Mairie à Teyjat (Dordogne).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 71k
Légende FIG. 86 – Cartes des sites mentionnés dans le texte : 1 – Gull Lake site ; 2 – Eden ; 3 – Finley ; 4 – Scottsbluff ; 5 – Olsen‑Chubbuck ; 6 – Kit Carson ; 7 – Folsom ; 8 – Clovis ; 9 – Garnsey ; 10 – Plainview ; 11 – Fongaban ; 12 – Mauran ; 13 – Coudoulous ; 14 – La Borde ; 15 – Les Fieux ; 16 – Le Roc ; 17 – llskaïa ; 18 – Volgograd.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/36138/img-9.jpg
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Auteurs

Conservateur du Patrimoine, Direction des Antiquités de Provence‑Alpes‑Côte‑d’Azuret UA 275 du CNRS, Laboratoire d’ethnologie préhistorique, Paris.

Chargé de Recherche au CNRS, Faculté des sciences de Luminy, Laboratoire de géologie du Quaternaire, Marseille.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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