Chapitre 5. Exploitation du milieu minéral : technologie, économie et circulation du silex
p. 103‑115
Texte intégral
5.1 Introduction
1L’analyse lithologique, technologique et typologique est ici appliquée au seul matériel lithique en silex soit 3,5 % de la totalité des vestiges recueillis (101 objets sur un total de 2 814 vestiges lithiques). Elle complète les données appréhendées selon la méthode F. Bordes (Bordes 1950) en apportant des informations sur les techniques de débitage, la mobilité du groupe, le territoire parcouru, les stratégies d’exploitation et la gestion économique d’une matière première rare en Quercy, le silex. Avant de présenter les résultats nous réfléchirons sur la représentativité de l’échantillon et nous rappellerons les bases de notre méthode d’analyse (Turq, Dols 1988).
5.2 Représentativité de l’échantillon
2Dans la série examinée nous avons été étonné par la rareté des objets inférieurs au centimètre, que ce soit de petits éclats ou des débris. Ce fait peut avoir trois origines : leur absence dans le site, les conditions de fouilles ou un problème de conservation. D’un point de vue technologique le premier cas paraît peu probable bien que leur pourcentage soit généralement moins important en Quercy qu’en Périgord (résultats inédits provenant notamment de nos fouilles au Mas‑Viel). Pour essayer de trouver une réponse il faut savoir que la majorité du matériel provient du tri de plusieurs mètres cubes de déblais. Les objets étaient enrobés soit dans un sédiment argileux très collant, soit dans des blocs bréchifiés ce qui a rendu leur récolte difficile et interdit tout tamisage. De plus, en raison du degré d’altération observé sur les silex, on peut également envisager la destruction pure et simple de la majeure partie de ces petits vestiges. L’échantillon prélevé nous paraît quant à lui significatif puisque pouvant être estimé à 1/4 voire 1/2 de la totalité du site.
5.3 Bases méthodologiques
3La méthode de travail que nous utilisons consiste en l’étude conjointe de la lithologie, la technologie et la typologie des objets préhistoriques en roche dure. Elle n’est pas nouvelle puisque employée par plusieurs chercheurs dans les années soixante (Tixier 1958‑1959 ; Leroi‑Gourhan, Brézillon 1965 ; Lumley, Brandi 1969 ; Polvêche 1969), mais aujourd’hui elle connaît un renouveau (Turq 1977a, Morala 1980, Demars 1980, Rigaud 1982, Citadelle 1983, Geneste 1985). Ce développement semble découler des progrès faits dans les domaines de la technologie lithique, notamment en matière de lecture technologique et de chaînes opératoires (Tixier 1978 ; Tixier et alii 1980 ; Boëda 1982 ; Boëda, Pélegrin 1983 ; Boëda 1986 ; Geneste 1985), et de la connaissance des ressources en matières premières lithiques (Demars 1980, Morala 1980).
5.3.1 Lithologie
4Dans le Nord‑Est aquitain, d’importants travaux de cartographie et d’échantillonnage des affleurements et des gîtes à silex (Turq 1977a, Morala 1979, Demars 1980, Nigaud 1984, Chadelle 1983, Geneste 1985, Turq 1988 et 1989)1 permettent aujourd’hui de proposer après examen macroscopique et avec une fiabilité satisfaisante une origine géologique pour la majeure partie des objets d’une série lithique. Dans le cas des marqueurs lithologiques, pour des types de silex bien définis et caractérisés par des données paléontologiques et/ou pétrographiques, la précision peut aller jusqu’à l’identification d’une zone géographique. L’étude du cortex permet d’apporter des informations sur le type de gîte exploité : formations fluviatiles, altérités ou autres.
5.3.2 Technologie
5Notre démarche a consisté à mettre au point une méthode d’analyse qui soit pour chaque objet un résumé de sa lecture technologique quelles que soient les techniques de débitage et les chaînes opératoires. Nous avons recherché un système ouvert pouvant être modifié au fur et à mesure de l’avancement de la recherche.
6Pour chaque pièce nous notons d’abord le type de support, éclat, lame ou pointe. Ensuite, en s’appuyant sur le remontage mental (Pélegrin 1986), nous la classons dans des groupes qui correspondent soit à l’une des grandes phases de débitage, soit à l’une des grandes catégories technologiques. Actuellement nous utilisons huit groupes :
7– groupe 0 correspondant à la phase d’acquisition2 :
– groupe 1 : phase de décorticage ;
– groupe 2, 3 et 4 correspondant à des types de supports plus ou moins standardisés généralement issus de la phase de production ; groupe 2 : support à dos naturel ou de débitage ; groupe 3 : support ordinaire ; groupe 4 : support Levallois ;
– groupe 5 : produits de préparation, ravivage et recyclage des nucléus ;
– groupe 6 : les nucléus ;
– groupe 7 : produits liés au façonnage des outils retouchés ;
– groupe 8 : cassons et non caractéristiques.
8Nous complétons cette première approche, soit en notant un élément morphologique supplémentaire, soit en réussissant à replacer certains objets dans l’une des principales chaînes opératoires comme par exemple les numéros 5.1 et 5.2 de notre liste des descripteurs technologiques (en annexe à. la fin de ce chapitre) pour la chaîne opératoire Levallois. Ensuite nous examinons les talons en utilisant les types définis par F. Bordes auxquels nous avons ajouté quelques types. La liste est la suivante : cortical, lisse, lisse incliné, clactonien (Turq 1979), dièdre, facetté, facetté convexe, en chapeau de gendarme, écrasé à la percussion, cassé, ôté, punctiforme, lisse éversé.
5.3.3 Étude typologique
9Elle est faite à partir de la liste utilisée par F. Bordes pour ses décomptes essentiels (Bordes 1950) à laquelle nous avons retranché pour des raisons déjà évoquées (Turq 1977b) les pointes pseudo‑Levallois et les couteaux à dos naturel.
5.3.4 Méthode d ’étude
10A la suite du numéro d’inventaire, nous enregistrons pour chaque pièce, le type de support, la fragmentation, les accidents de taille, la lithologie, la technologie, l’analyse du talon, le type d’outil, les données typométriques et le poids (quand le mobilier archéologique n’est pas trop altéré).
11Nous calculons les pourcentages des principaux groupes technologiques, des catégories, des outils et des divers types de matières premières lithiques que ce soit en données pondérées ou en données numériques. Pour les comparaisons nous utilisons les données expérimentales personnelles ou publiées ainsi que les résultats obtenus sur des séries moustériennes. Pour le calcul des indices classiques (Bordes 1950) nous ne tenons compte que des groupes technologiques 1, 2, 3, 4, 5, moins leurs sous‑catégories 0. Ils sont obtenus de la façon suivante :
– l’indice laminaire à partir des données enregistrées dans la colonne support ;
– l’indice de facettage dans la colonne appelée talon après avoir exclu les cassés, ôtés et écrasés à la percussion ;
– l’indice Levallois en ne tenant compte que des objets pouvant être typologiquement considérés comme Levallois soit la totalité du groupe 4 et éventuellement les sous‑catégories 1 et 2 du groupe 5.
12Ceci nous conduit à calculer un indice Levallois technique correspondant à l’ensemble des vestiges que nous avons pu attribuer à la chaîne opératoire Levallois, soit les catégories 5 du groupe 2, 4 du groupe 3, tout le groupe 4, les catégories 1 et 2 du groupe 5, 3 à 6 du groupe 6.
13Pour la construction des histogrammes technologiques nous introduisons sur la même figure deux types de pourcentages. Pour les groupes 0 à 6 les pourcentages sont calculés à partir du total de ces groupes. Pour les groupes 7 et 8 les pourcentages sont calculés sur la totalité du matériel lithique.
5.4 Analyse technologique
5.4.1 Composition technologique globale
14L’examen de l’histogramme de la fig. 75 permet de faire plusieurs remarques. Il semble que le silex est introduit sur le site la plupart du temps sous forme de bloc décortiqué ou partiellement décortiqué : les groupes 0 et 1 sont faibles comparés à ceux observés sur un atelier comme Barbe Cornio (Clottes, Turq à paraître). Le nombre important de couteaux à dos naturel pourrait indiquer la coexistence de chaînes opératoires non Levallois et Levallois : le groupe 3 est assez développé comme dans les séries où existe le débitage en « tranches de saucisson », exemple dans la couche IXa du gisement de Roc de Marsal (Turq 1979). Le fort pourcentage de nucléus (23 %) paraît lié à la dimension des blocs, généralement petits, dans le cas des silex jurassiques quercynois : noter le pourcentage élevé du groupe 6 sur les sites du Pech (Turq, Dois 1988) et de Barbe Cornio. Les supports Levallois sont surreprésentés donc en partie introduits sous forme de supports déjà débités : le rapport du groupe 3 au groupe 4 est trop fort par rapport au débitage Levallois expérimental.
5.4.2 La préparation du débitage
15L’ensemble du débitage est peu facetté (IF = 27 % et IFS = 24 %). Les talons lisses, qu’ils soient inclinés ou non, dominent. Il y a un assez fort pourcentage de talons éclatés que nous obtenons expérimentalement en utilisant un percuteur dur. Il n’y a aucun talon de type clactonien et de talon dit « en chapeau de gendarme ».
16Le facettage varie selon les moments du débitage et les types de support. Lors du décorticage il est inexistant, rare pour les couteaux à dos naturels ou de débitage (IFS = 17) et croît progressivement pour les éclats ordinaires (IFS = 22), les produits de ravivage ou de recyclage du nucléus (IF = 43, IFS = 29) pour atteindre son maximum avec les supports Levallois (IFS = 42).
5.4.3 Les accidents de taille
17Ils sont assez fréquents (accident « Siret », produits de débitage outrepassés, fracture en nacelle). Les causes en sont multiples. La présence de diaclases dans le silex semble être responsable de la fragmentation des nucléus et aussi de certains éclats auxquels manque une portion de bord tranchant (fig. 71, no 1). L’utilisation mal contrôlée du percuteur dur a été à l’origine de quelques talons écrasés et des accidents de type « Siret ». Les tentatives d’exploitation optimale du silex ont favorisé les fractures en nacelle et les supports outrepassés.
5.5 Analyse lithologique
5.5.1 Origine des silex utilisés
18Pour des raisons liées aux conditions de formation des silex quercynois (Turq 1988) et aux possibilités de détermination des microfossiles pour les silex du Crétacé, nous sommes amenés à proposer deux origines géographiques. La première correspond à la distance entre le site et les gîtes les plus proches actuellement connus, la seconde entre le gisement et l’affleurement le plus proche du niveau géologique de formation. Bien que certaines pièces soient patinées ou même fortement altérées nous avons pu identifier 8 types de silex.
19MPO
Silex fortement patiné en blanc, présentant une surface encore dure, mais dont l’intérieur est déjà réduit totalement ou partiellement à l’état de poudre. L’examen du cortex indique que ces matériaux proviennent de dépôts fluviatiles. Pour certaines pièces nous avons pu déterminer l’origine géologique. Il s’agit de silex calcédonieux du Tertiaire et de silex jaspoïde de l’Hettangien. Le gîte exploité semble être les alluvions du Célé situé à 3 km au sud ou au sud‑est.
20MP1A
Silex d’origine jurassique, de couleur gris‑bleu, à grain grenu, à nombreuses microtaches beiges ou plages à limites diffuses de couleur lie‑de‑vin. Un gîte de roche siliceuse très proche est connu dans les calcaires bathoniens. Le même étage géologique affleure à 1,5 km du site. Après examen du cortex il s’avère que les gîtes exploités ne sont pas d’origine fluviatile.
21MP1B
Silex de couleur jaune passant parfois au vert olive qui se patine en blanc. Les rognons qui ont une longueur maximum de 10 à 30 cm sont souvent diaclasés et les fissures sont colmatées par de la calcite. Pour ces raisons lors du débitage on assiste souvent à une fragmentation en morceaux plus ou moins parallélépipédiques. Ce phénomène a d’ailleurs été observé dans le débitage de La Borde. Il provient de la base du Bajocien. Actuellement nous ne connaissons qu’un seul gîte ayant été d’ailleurs exploité au Paléolithique moyen. Il se situe sur la rive gauche de la Dordogne à 31 km vers le nord‑nord‑ouest. Le même niveau géologique affleure à 3 km au nord‑nord‑est ou à 5 km à l’est du gisement. Il n’y a pas de cortex fluviatiles.
22MP2
Silex à grain très fin de couleur gris‑bleu avec parfois soit des inclusions gris ou noir anthracite, soit des traces à aspect de micélium de couleur plus claire. Il se patine en gris clair passant au blanc mais garde toujours au toucher un contact huileux. Il se présente en blocs de petites dimensions à clivages souvent recimentés qui sont lisibles même sur le cortex, généralement très fins, sur lequel ils forment des reliefs en saillie. Le seul gîte actuellement connu se situe au nord‑ouest de Reilhac soit 23 km au nord‑ouest du site et semble provenir d’un niveau du Bathonien moyen. Le même niveau géologique passe à 1 km du site au sud de La Borde. Le cortex est non fluviatile.
23MP3
C’est un silex jurassique de couleur beige à traînées verdâtres, d’origine actuellement inconnue.
24MP4
Il s’agit du silex gris ou noir du Sénonien (Coniacien, Santonien ou Campanien). Un examen attentif y compris à la binoculaire n’a pas permis une attribution à un étage géologique plus précis. Malgré tout un objet par sa texture et un fossile malheureusement difficilement déterminable sembleraient pouvoir provenir du Campanien à Subalvéolines déjà identifié dans plusieurs sites moustériens quercynois (Mas‑Viel et Les Fieux). Les gîtes coniaciens les plus proches se situent en Gourdonnais à 41 km à l’ouest‑nord‑ouest. Les premiers affleurements du Campanien à Subalvéolines sont ceux de la vallée de la Nauze (région de Belvès) soit 67 km vers l’ouest‑nord‑ouest.
25MP5
Ce type de matière a été retrouvé vers Magnagues, sur la rive gauche de la Dordogne à la surface du causse à 32 km nord‑nord‑ouest de La Borde. Ce silex présente un nombre de plans de clivage moins important que MP1B mais n’ayant pas été trouve in situ, son origine géologique demande à être précisée. Il semble qu’il soit issu d’un niveau attribuable au contact Bajocien / Bathonien, qui affleure à 3 km au nord‑nord‑est et 5 km à l’est du site.
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Silex lacustre de type calcédonieux grenu d’origine tertiaire, identique à celui que nous trouvons dans les alluvions du Célé. Il convient de noter que l’un des objets présente un cortex fluviatile. Le gîte exploité semble être les alluvions du Célé distant de 3 km au sud ou au sud‑est.
5.5.2 Evaluation du territoire d’approvisionnement (fig. 76)
27Sa mise en évidence est tributaire de la présence de bons marqueurs lithologiques. De plus, ce que nous appréhendons correspond au territoire parcouru pour la collecte des matières premières lithiques mais aussi pour toutes les autres activités de subsistance. Les matières premières exogènes peuvent donner des informations sur l’origine géographique des occupants (dans le cas d’organisation de vie nomade ou semi‑nomade) mais aussi sur une partie des déplacements qui ont eu lieu lors du séjour sur le site. Ayant donné pour chaque type de silex deux sources d’approvisionnement possibles nous proposerons deux types de territoire3, l’un que l’on peut appeler maximum (en considérant les gîtes les plus proches actuellement connus) et l’autre minimum (en raisonnant sur la distance la plus courte entre le site et l’affleurement géologique succeptible de fournir le type de matière).
28Territoire minimum
Il se réduit presque exclusivement aux environs immédiats du site : 99,52 % des matériaux proviennent d’un rayon de 5 km soit des alluvions du Célé et/ou des épandages fluviatiles anciens (quartz, MP0 et MP6) soit d’éventuels gîtes du causse (MP1A, 1B, 2, 3 et 5). Les 0,48 % restant sont les matériaux exogènes, les silex du Gourdonnais (MP4). On peut émettre l’hypothèse suivante : les quelques objets en silex crétacés correspondent au résidu du mobilier lithique que transportait le groupe humain lors du voyage qui les a conduits à La Borde. Il indique le lieu d’origine des occupants de La Borde qui, une fois installés, ont utilisé les ressources locales.
29Territoire maximum
Il couvre la quasi‑totalité du causse de Gramat et se subdivise en deux sous‑systèmes : le premier, d’un rayon de 3 km, a fourni 97,3 % des matériaux (quartz, MP1 et MP8) et correspond à l’exploitation des alluvions du Celé et des épandages fluviatiles anciens. Le second qui se développe vers le nord‑ouest, sur une distance maximum de 30 à 35 km, donne 2,22 % de matières premières lithiques qui sont le reflet exact des ressources naturelles actuellement connues pour cette zone. Quant aux 0,48 % de MP5, ils proviennent de la région de Belvès.
30Ici l’hypothèse d’un groupe humain venant du Périgord peut toujours être envisagée. Lors de son séjour à La Borde il exploite les environs immédiats mais reste assez longtemps ou revient assez souvent, la bonne connaissance des ressources lithologiques du nord‑ouest du causse de Gramat ne pouvant être obtenue en quelques jours.
31Quel que soit le territoire retenu, il correspond à la partie nord du causse de Gramat. Il est intéressant de noter la non‑exploitation des gîtes à silex du causse de Saint‑Chels (causse compris entre les vallées du Lot et du Célé) proches et exploités au Paléolithique moyen notamment à Barbe Comio.
5.6 Analyse litho‑techno‑typologique
32Pour essayer de trouver des éléments permettant d’étayer ou de contredire l’une ou l’autre des hypothèses émises ci‑dessus, nous avons fait l’étude litho‑technologique des 8 types de silex.
5.6.1 Stratégie d ’exploitation de chaque type de silex (fig. 77)
33Les résultats de ce travail sont donnés à titre indicatif (tabl. I) en raison du faible effectif (de 2 à 22 objets par type de matière).
34MPO
Cette matière étant très altérée elle n’a pas été pesée. Elle est représentée par 21 objets soit 20,8 % des silex ou 0,72 % de la totalité du matériel : pour cette matière il semble qu’il y ait eu un peu de débitage sur le site, surtout une production de quelques supports (déchets de taille assez fréquents, produits de maintenance). Par contre la majorité de la matière aurait été introduite sous forme de couteaux à dos naturel, de supports ordinaires et Levallois et surtout de nucléus. Ces derniers sont généralement globuleux à plusieurs plans de frappe et un seul discoïde a pu être à un moment Levallois. Le facettage des supports est très fort (IF = 80). Le taux de transformation est de 28,6. Les outils sont surtout des denticulés (1 racloir, 3 denticulés, 1 pointe de Tayac, 1 divers).
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8 objets soit 7,9 % des silex et 0,3 % du total du matériel, 88 g : il semble qu’on soit ici en présence d’objets débités selon une chaîne opératoire non Levallois et à l’extérieur du site. Ce choix est peut‑être lié au type de silex présentant souvent des clivages (les cassures selon les clivages sont fréquentes) qui cèdent lors du débitage d’où l’intérêt de transporter des supports débités. Outre quelques déchets de taille il y a seulement un éclat de décorticage, des éclats ordinaires et un éclat de ravivage ou recyclage de nucléus. Lors du débitage aucun talon n’est facetté. La morphologie des nucléus nous est inconnue mais un éclat montre qu’il est issu d’un nucléus à plan de frappe perpendiculaire. Deux denticulés et un racloir ont été faits dans cette matière (taux de transformation de 37,5 %).
36MP1B
17 objets soit 16,8 % des silex et 0,6 % de l’ensemble, 383 g : il y a un peu de débitage effectué sur place (groupes 5 et 7 présents). La matière a été introduite sous forme d’éclats de décorticage, de couteaux à dos naturel, éclats ordinaires et Levallois et de nucléus. La chaîne opératoire Levallois est représentée par 5 pièces. Trois nucléus sont épuisés et cassés, mais ont produit, du moins dans leur dernière phase de production, des éclats à talon facetté (fig. 69, no 1). Parmi eux, deux, après fracture, sont recyclés en discoïdes. Pour les deux éclats Levallois, l’un est à plage corticale et à talon lisse (fig. 72, no 9) l’autre qui est débordant est à talon dièdre et de grande taille. Il est difficile de dire s’il a existé une autre chaîne opératoire. Un nucléus est non épuisé de type divers. Il est limité par des fractures (liées à des cassures selon des plans de clivage) et les derniers produits qui en sont issus étaient à talon non facetté. Il est intéressant de noter que les nucléus ont livré des supports à talons facettés alors que les supports retrouvés ne sont pas facettés (IF = 14 et IFS = 0). Nous avons ici une économie très poussée de la matière première (fig. 72, no 6). Le taux de transformation en outil est fort puisque de 30 %, soit 2 racloirs, 1 encoche, 1 denticulé, 1 bec. Les fractures selon les plans de clivage sont fréquentes et il y a un accident de type « Siret ».
37MP2
23 objets soit 22,70 % des silex et 0,78 % du total du matériel, 170 g : cette matière qui se présente sous la forme de petits rognons de bonne qualité semble avoir été apportée sous forme de blocs testés, de quelques produits de débitage (probablement des éclats Levallois), puis débitée sur place sans être réellement décortiquée, vraissernblablement pour des raisons d’économie. Les supports sont peu facettés (IF et IFS = 14) et de petite taille. Les nucléus sont plats et les rares plages « corticales » sont des surfaces naturelles liées à des plans de clivage. Leur exploitation très poussée a donné lieu à des accidents de taille : éclats outrepassés (fig. 73, no 2) et talon écrasé par l’impact du percuteur dur sur des plans de frappe trop réduits. Lors de leur abandon les nucléus sont fragmentés (souvent au niveau de clivages) et ne sont plus de type Levallois. Le taux de transformation est de 30 %. Les outils sont surtout des encoches et denticulés (5 encoches ou denticulés, 1 racloir, 1 divers) faits souvent sur des déchets de taille, des débris (fig. 73, no 8 ; fig. 74, no 3) et même sur un nucléus épuisé (fig. 74, no 1).
38MP3
12 objets soit 11,88 % des silex et 0,41 % de l’ensemble des matériaux, 109 g : c’est un peu la même stratégie d’exploitation que pour MP2 : les cassons sont très nombreux (probablement liés aux clivages fréquents dans les silex jurassiques), mais ici il n’y a pratiquement pas de produits de débitage. Ont‑ils existé ? Ont‑ils été emportés ? Le taux de transformation est de 41,7 %. Parmi l’outillage les denticulés et les encoches dominent (fig. 72, no 3 et fig. 73, nos 3 et 7).
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14 objets soit 13,86 % des silex et 0,48 % du total des matériaux, 179 g : cette matière exotique n’a pas été débitée sur place mais introduite sur le site sous forme de supports, à dos naturel, ordinaires mais surtout Levallois (fig. 71, no 2), souvent déjà transformée en outil (fig. 71, nos 7‑8). Un racloir double a été cassé (fig. 70). La partie proximale a été reprise. Le taux de transformation est de 57,1 %. Les types d’outils sont : 4 racloirs latéraux simples, 1 burin, 1 denticulé et 2 divers.
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4 objets soit 3,98 % des silex ou 0,13 % du total du matériel, 580 g : tous les objets sont bruts et peuvent provenir d’une chaîne opératoire Levallois. Ce sont 3 éclats, un petit ordinaire (moins de 30 mm), un de préparation de plan de frappe, un à dos naturel et un nucléus Levallois abandonné après l’enlèvement d’un éclat Levallois linéal (fig. 68). Cette pièce pèse encore 536 g et est la plus grosse de la série lithique. Sa lecture technologique est intéressante. La face inférieure, clivée, a été préparée avant la surface Levallois. Antérieurement à sa mise en forme définitive, le plan de frappe a été choisi, puis la courbure transversale a été donnée et ce n’est qu’à la fin qu’un dernier éclat a donné la bonne courbure au fond du nucléus. Cette préparation a été faite avec soin comme le montrent les traces d’abrasion encore visibles. On peut se demander si ces objets ne sont pas une réserve, un stock de matière première lithique.
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2 objets soit 1,98 % des silex ou 0,06 % de la totalité du matériel, 47 g : ce sont deux objets bruts, un fragment mésial d’éclat sans cortex et un débris supérieur à 30 mm.
5.6.2 Gestion des supports
42Il existe des différences notables entre les types d’outils, les supports et les matières premières (tabl. II).
43Les racloirs sont surtout fabriqués à partir d’éclats à dos naturel, ordinaires ou Levallois. Les encoches ont souvent pour support des débris. Des observations similaires ont été faites, dans les niveaux de Moustérien de type Quina du Roc de Marsal (Turq 1979, in étude descriptive) et dans de nombreux gisements du Périgord (Geneste 1985). Les produits de plein débitage (couteaux à dos naturel, éclats ordinaires et Levallois) associés aux racloirs semblent plus mobiles que les encoches et les denticulés qui ont souvent pour support des déchets de taille ou des sous‑produits du débitage et ont une tendance à la sédentarisation.
44Les premiers sont plus nombreux pour MP4, silex exogène, et les seconds sur les silex locaux MPO et MP1A. Si l’on suit cette logique on peut essayer de préciser si MP1 B, MP2 et MP3 sont d’origine locale ou pas. Le premier semble exotique, les deux autres locaux.
5.6.3 Approche économique
45J. Jaubert à plusieurs reprises mentionne une exploitation maximum des outils arrivant parfois à un état d’exhaustion. Notre propre travail ne fait que confirmer cette observation. Le taux de transformation, faible pour le quartz est généralement fort pour les silex, variant entre 28 % pour les silex locaux à 57 % pour les silex exotiques. Par contre on doit noter l’existence de stock (MP5). Avant de transporter les 580 g de cette matière, le bloc choisi a subi un aménagement permettant de juger de sa qualité et ainsi de diminuer considérablement le risque d’accident lors de son exploitation et de le transformer en un produit particulièrement intéressant : un nucléus Levallois. Sous cette forme il constitue une réserve de matière pouvant produire à tout moment les supports nécessaires.
5.7 Conclusions
46L’étude de cette modeste série nous a permis malgré tout de faire de nombreuses observations. Elle montre notamment que dès cette période, l’homme exploite rationnellement son environnement minéral et le gère parfaitement. Les contraintes des divers matériaux l’amènent à adapter ses techniques de taille mais ne l’obligent pas à modifier sa production. Les matières emportées lors des déplacements semblent particulièrement choisies tant d’un point de vue technologique que typologique. Ces comportements observés dans ce vieux moustérien quercynois vont se poursuivre durant tout le Würm ancien où le quartz restera la première matière utilisée. Dès le début du Paléolithique supérieur, le développement de la technique laminaire verra son rôle s’estomper, mais les comportements peu changer. Il faudra attendre le Solutréen et le Magdalénien pour voir s’intensifier la fragmentation des chaînes opératoires dans l’espace parcouru par les groupes humains, donc la spécialisation des sites.
Annexe : liste des descripteurs technologiques
47Groupe 0
0,1 rognon, plaquette, galet brut ;
0.2 rognon, plaquette, galet testé ;
0.3 éclat de gel, congelifrat.
48Groupe 1
1.1 éclat d’entame ;
1.2 éclat de décorticage (cortex supérieur à 50 %) ;
1.0 fragment d’éclat > 3 cm à surface corticale.
49Groupe 2
2.1 couteau à dos naturel cortical ou autre ;
2.2 couteau à dos naturel enveloppant ;
2.3 couteau à dos de débitage ;
2.4 couteau à dos partiel ;
2.5 couteau à dos dans débitage Levallois.
50Groupe 3
3.1 éclat ordinaire sans cortex ;
3.2 éclat ordinaire à plage corticale (cortex < 50 %) ;
3.3 éclat de préparation de plan de frappe ;
3.4 éclat ordinaire mais dans débitage Levallois ;
3.0 fragment supérieur à 3 cm sans cortex.
51Groupe 4
4.1 éclat Levallois ;
4.2 éclat Levallois principal (linéal de E. Boëda) ;
4.3 éclat Levallois récurrent ;
4.4 éclat Levallois latéral ;
4.5 éclat Levallois à clos cortical ou de débitage ;
4.6 éclat Levallois à plage corticale ;
4.7 éclat Levallois torse.
52Groupe 5
5.1 éclat Levallois rattrapant le fond du nucléus ;
5.2 éclat Levallois débordant ;
5.3 éclat reprenant le bord de nucléus ;
5.4 éclat, laminaire ou lame à crête ;
5.5 tablette de ravivage ;
5.6 flanc de nucléus ;
5.7 crête partielle.
53Groupe 6
6.1 nucléus globuleux ;
6.2 nucléus discoïde ;
6.3 nucléus Levallois à éclat ;
6.4 nucléus Levallois à éclat principal ;
6.5 nucléus Levallois à pointe ;
6.6 nucléus Levallois à lames ;
6.7 nucléus divers ;
6.0 fragment de nucléus.
54Groupe 7
7.1 éclat de taille de biface ou de grands racloirs ;
7.2 éclat Kombewa ;
7.3 chute de burin ;
7.4 éclat de retouche.
55Groupe 8
8.1 débris supérieurs à 3 cm ;
8.2 débris inférieurs à 3 cm ;
8.3 éclats ordinaires avec ou sans cortex < 3 cm ;
8.0 cassons.
Notes de bas de page
1 Pour une bibliographie plus détaillée, se reporter à Demars 1980, Morala 1980, Geneste 1985, Turq sous presse b.
2 Pouvant également être le support d’objet dans un schéma de façonnage (Tixier et alii 1980 : 38).
3 Ici nous raisonnons non plus uniquement sur les silex (3,59 % des vestiges lithiques) mais aussi sur l’ensemble des roches employées sur le site.
Auteur
Ingénieur, Direction des Antiquités préhistoriques d’Aquitaine et Institut du Quaternaire, centre François‑Bordes, URA 133 du CNRS, Talence.
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