Les ossements

1Philippe Columeau

2La faune archéologique provenant des fouilles du quartier artisanal de Sallèles‑d’Aude est un petit lot de 176 restes. Quatre espèces seulement sont présentes, toutes domestiques : le mouton (Ovis aries L.), la chèvre (Cupra bircus L.) le porc (Sus domesticus L.) et le bœuf (Bos taurus L). Le bœuf est un animal de taille plutôt réduite, mais, aucun os long n’ayant pu être mesuré, il n’est pas possible de préciser davantage.

3La plus grande partie du squelette est représentée (tableau XIX), notamment chez les ovicaprinés (moutons et chèvres), qui sont aussi les plus nombreux. Pas de vertèbres, mais une forte proportion d’os des membres et plus particulièrement de tibias (16 % des restes attribués au O/C) et de métapodes (métacarpiens et métatarsiens). Les membres antérieurs sont un petit peu moins bien représentés.

4Les porcs ont laissé des squelettes beaucoup plus incomplets : les vertèbres, les côtes, les radio/cubitus sont absents. Les humérus sont plus fréquemment conservés que les dents, si l’on tient compte de leur petit nombre dans un squelette par rapport à celui des dents. Les membres postérieurs sont peu représentés, moins que le crâne et les mandibules, mais il a été trouvé plus de fémurs que de tibias.

5Pour le bœuf, on trouve des vertèbres et des côtes, mais les parties hautes des membres manquent : il n’y a ni humérus, ni radius pour les membres antérieurs, ni fémurs ni tibias pour les postérieurs. Cependant, la scapula et le coxal sont bien représentés.

6La présence de chaque espèce varie d’un secteur à l’autre. Dans les deux tableaux suivants (tableaux XX et XXI), le nombre de restes est légèrement inférieur à celui qui est totalisé dans le tableau XIX, car les dents encore en place dans un maxillaire ou une mandibule ne sont pas comptées, ni les différents fragments d’une même pièce osseuse.

7Il est difficile de conclure à l’aide de ce seul lot de faune archéologique, mais il est intéressant de remarquer deux points qui peuvent contribuer à le caractériser. Le premier, déjà signalé, est l’absence d’animaux sauvages, mais aussi d’oiseaux de basse‑cour, de chiens, de lapins qui figurent d’habitude sur les listes de cette période. Le deuxième point est la grande importance de la proportion de viande provenant des ovicaprinés, par rapport à celle des porcs, et surtout du bœuf, que l’on attendrait, au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne, plus abondant (Columeau 1985). Les proportions des espèces en fonction du poids de viande qu’elles représentent rappellent plutôt celles qui ont été notées, à la fin de l’âge du Fer, en Vannage (pour Nages III final) (Columeau 1978) ou à Vaison‑la‑Romaine (Goudineau 1979 : 311, note 2) et se trouvent très différentes de celles des gisements d’Ambrussum (Quartier du Sablas) (Columeau 1989) ou de Fréjus (Columeau 1985), où le porc a tendance à dominer le ravitaillement en viande. Bien que le lot de faune disponible soit de faible importance, il apparaît, pour son époque, original.

Les empreintes

8Fanette Laubenheimer

9D’autres traces de la faune sont représentées par les empreintes d’animaux qui circulent en liberté dans l’atelier. Pendant le séchage, les matériaux de construction sont exposés à l’air, sur des aires aménagées, couvertes ou non. C’est une opération lente, pendant laquelle des animaux ou des hommes ont parfois accidentellement marché sur les objets, imprimant l’empreinte de leurs pas, qui sera pérennisée par la cuisson. De tels témoignages sont habituels dans les officines : un bon exemple est la présence de plus de cinq cents tuiles et briques portant des empreintes dans la ville de Cavella Atrebatum, au sud de l’Angleterre (Cram 1985).

10A Sallèles, les matériaux marqués d’empreintes sont des tegulae, presque exclusivement (52 exemples) ; on connaît un seul exemple sur un carreau, un autre sur une imbrex.

11Les empreintes humaines, au nombre de 8, naturellement plus rares que celles des animaux, sont celles de semelles de chaussures à clous d’adultes (fig. 131, 1). Il n’y a pas trace de pieds nus.

12L’identification des empreintes d’animaux1 montre la répartition suivante (fig. 131 et 132) :
– chien : 38 ;
– chat: 2 ;
– chèvre : 4 ;
– mouton : 2.

13Le chien apparaît comme l’animal domestique par excellence, gardé en liberté dans l’atelier. Un exemple particulièrement bien conservé, un pas complet sur une tuile, permet de restituer un petit chien de 0,40 m de haut au garrot (fig. 132, 4). Le chat est rare, mais présent tout de même. L’apparition du chien et du chat sur les tuiles ajuste l’image globale donnée par les ossements, dans laquelle leur absence étonnait. Animaux familiers, faisant partie de l’environnement habituel des potiers, ils circulent librement et leurs empreintes ici, comme dans les quelques cas étudiés en Angleterre, sont les plus fréquentes (Cram 1984 : 222).

14La chèvre et le mouton, part importante de la nourriture pourtant, sont peu représentés, leur liberté de circulation n’étant sans doute pas celle du chien. On doit au reste imaginer que la protection des céramiques au séchage était très vraisemblablement assurée par des barrières, palissades ou murets. Aussi n’est‑il pas surprenant que ni le porc ni le bœuf n’aient pu piétiner les tuiles fraîches... En revanche, tant pour les ossements que pour les empreintes, on reste étonné de l’absence totale de lapins, de volaille et plus généralement d’oiseaux et d’animaux sauvages. Est‑ce la confirmation d’une certaine originalité dans l’alimentation camée ou plutôt celle d’un échantillonnage trop faible ?