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Sallèles-d’Aude

 | 
Fanette Laubenheimer

Introduction

Résumé

Dans le cadre d’une recherche sur la production des amphores en Gaule, la fouille de l’atelier de Sallèles-d’Aude s’est développée de façon extensive, à titre de référence dans un domaine encore presque inconnu. Dès lors se fixe une problématique élargie dont les deux lignes de force sont la diversité des productions liées aux besoins de la vie courante et aux exigences d’une agriculture spéculative, et l’organisation de la production dans un véritable complexe qui suggère un modèle nouveau, celui d’une unité peut-être autonome, capable de fournir une large clientèle.

Texte intégral

1Recherches et fouilles d’ateliers de potiers dans la Gaule romaine ont été entreprises, de façon sporadique, depuis près d’un siècle. La production de vaisselle de qualité, vernie, souvent ornée et signée, telle la céramique sigillée, a suscité les premiers intérêts. Cependant, il a fallu attendre les années 1975 pour que s’organisent, dans un nouveau climat d’intérêt général pour l’archéologie matérielle et pour l’histoire économique, les premières tentatives d’explorations d’officines ayant fabriqué des amphores : Aspiran dans l’Hérault et Velaux dans les Bouches-du-Rhône.

2C’est dans ce cadre que je posai les premiers jalons d’une recherche sur la production des amphores en Gaule Narbonnaise. Quelques indices laissaient soupçonner des fabrications dont l’intérêt, dans le cas spécifique des amphores, dépasse très largement celui de la simple vaisselle. En effet, ces contenants fabriqués pour le transport de denrées sont le reflet d’une réalité sociale aux facteurs complexes, tant économiques que politiques.

3L’enquête commença par le recensement des ateliers qui seuls ouvraient la possibilité d’étudier un matériel dont l’origine locale était assurée. Dans un domaine encore presque inconnu, il était capital, en effet, de définir sans ambiguïté les formes gauloises à partir des centres de production. C’est donc cette première problématique, modeste, qui me conduisit à Sallèles-d’Aude.

4En effet, par un heureux concours de circonstances, le site du Clots de Raynaud, à la suite du labour profond d’une parcelle de vigne (fig. 1), venait d’être reconnu depuis peu comme une officine d’amphores (Bouisset, Rancoule 1969). Repéré de longue date par les viticulteurs qui labouraient, ainsi que par M. Blaché, historien local, le site avait été signalé en 1937 comme un atelier de tuiliers (Claustres 1937-38). Grâce aux observations perspicaces faites pendant les travaux de défoncement de 1968 par P. Bouisset et G. Rancoule, les premières données sur sa véritable identité et sa complexité apparurent et furent consignées dans un article concis et précieux. On voyait, notamment, les premiers indices d’une production précoce d’amphores (ier s. ap. J.-C.) jusque-là mal connues et approximativement datées. Au reste, la situation de l’officine, dans une riche plaine agricole, largement occupée et mise en valeur à l’époque romaine, sillonnée par des voies de communication terrestres et fluviales, à quelque 12 km de la capitale de la Narbonnaise et du port de Narbonne, était particulièrement intéressante. Pesait aussi la menace d’une destruction possible du site, alors entièrement planté de vignes, par les travaux agricoles, menés avec des engins de plus en plus puissants, et par l’extension de l’agglomération toute proche.

Fig. 1 – Découverte de l’atelier du Clots de Raynaud après un labour profond en 1968.

Photo P. Bouisset

5C’est ainsi qu’en 1976 et en 1977, j’entrepris des prospections et une petite fouille de sauvetage, qui se voulait brève ; son objectif se limitait à une meilleure connaissance des amphores. Très vite, l’ampleur des premiers résultats imposa de dépasser la question posée initialement et d’ouvrir la problématique aux conditions globales de la production.

6On avait tant d’incertitudes - et si peu de documentation - sur les centres artisanaux de ce type qu’il devint impératif d’en étudier un, très largement, à titre de référence... Sallèles représentait un candidat de choix, à condition de lever les contraintes souvent difficilement négociables d’accès libre au terrain, par l’achat des diverses parcelles. Elles le furent une à une grâce à l’intervention conjuguée de la mairie de Sallèles-d’Aude, aidée par le canton de Ginestas, et du ministère chargé de la Culture.

7Il me paraît utile de résumer brièvement ici comment s’est déroulée régulièrement, pendant ces douze dernières années, une expérience d’une extrême richesse scientifique et humaine, qui mêle la progression des idées, le cheminement des travaux et l’impact d’un programme archéologique lié de près à l’histoire viticole de la commune rurale de Sallèles-d’Aude.

8Le démarrage des travaux (de 1976 à 1978) est la période des contraintes les plus fortes : le site s’étendait sur six parcelles de vigne, en pleine exploitation par quatre propriétaires différents. L’exploration, organisée alors dans le cadre du Groupe d’archéologie nucléaire d’Orsay-Saclay (GANOS), et soutenue par un crédit Fonds d’intervention pour l’archéologie de sauvetage (FIAS) en 1977 et 1978, s’oriente d’abord vers les prospections, aussi utiles que nécessaires dans un terrain cultivé et au demeurant très favorable à ce type de recherche.

9La moitié de la surface est ainsi étudiée. Sans donner une vue globale, elle montre déjà une concentration des fours et révèle des zones de production spécialisées. La fouille se limite obligatoirement à des sondages très ponctuels, ciblés sur des fours accessibles : sous des chemins, tas de pierres, ou plants manquants.

10Deux lignes de force se dégagent des premiers travaux :
– la production de l’atelier, et donc sa fonction, est diverse ; avec à la fois des matériaux de construction, de la vaisselle commune et des amphores, elle est liée aux besoins d’une part de la vie courante et d’autre part de l’agriculture ;
– on commence à saisir quelques aspects de l’organisation de la production, avec la notion de quartiers spécialisés, de diversité dans l’architecture des bâtiments et des fours, au demeurant de tailles variées ; surtout, la capacité globale de l’officine suggère un modèle nouveau, celui d’une unité peut-être autonome, à même de fournir une large clientèle.

11L’intérêt de ces premiers résultats, le sentiment d’avoir affaire à un complexe de production complet où développer une problématique très vaste, l’état de conservation exceptionnel des vestiges suffisaient largement à motiver de nouvelles recherches.

12Mais on ne pouvait aller plus avant sans acheter les terrains et envisager la protection des structures découvertes. Portant un vif intérêt à son patrimoine archéologique qui témoigne de l’antiquité des racines de son vignoble, la commune de Sallèles-d’Aude sait jouer alors un rôle fondamental pour la sauvegarde du site et assurer la poursuite de son exploration, en procédant à l’achat de toutes les parcelles successivement. Une Association des fouilles archéologiques de Sallèles-d’Aude se crée au même moment dans le village. Elle assure un soutien permanent et efficace aux travaux de fouille, de protection et de promotion du Clots de Raynaud.

13Dès lors une nouvelle phase de travaux est entreprise sous la forme d’une fouille programmée que j’ai dirigée avec la collaboration de Vincent Semeels et, à partir de 1984, de Michel Perron d’Arc. Elisabeth Pontier, géomètre, implante les repères de base et le quadrillage global ; puis Sylvie Eusèbe, architecte, assure les relevés.

14Une problématique globale se met en place avec deux grandes orientations :

151° les relations de l’atelier avec son territoire nous conduisent, avec la collaboration des chercheurs locaux pour des prospections au sol et aériennes, à dresser une carte archéologique de la partie orientale du canton de Ginestas ;

162° l’atelier lui-même :
– la cartographie des objets en surface, la prospection magnétique doublée d’une prospection électrique sont achevées, mettant en évidence un ensemble complet de 2,5 ha, comprenant un habitat, une zone artisanale avec 11 fours et une carrière d’argile ;
– une fouille extensive vise à étudier les problèmes d’organisation de l’espace par quartiers, les problèmes d’architecture, de technique de fabrication et de production en analysant leur évolution dans le temps sur environ trois siècles ; quel est le statut de l’atelier, quels sont ses produits, pour quels consommateurs ? L’apparition des amphores à un moment précis de la vie de l’officine reste un des points les plus passionnants qui souligne le développement d’un vignoble orienté vers l’exportation spéculative.

17L’exploration de l’atelier est toujours en cours ; nous nous proposons de présenter ici la partie du secteur artisanal dont la fouille est achevée, celle qui, comme l’indiquaient les prospections, est spécialisée dans la production des amphores. Après un regard sur le paysage du complexe de Sallèles, nous analyserons trois points :
– l’esquisse d’une stratigraphie globale des ateliers ;
– l’architecture des ateliers et l’organisation de l’espace ;
– la variété des productions céramiques.

18On voudra bien se reporter aux rapports déposés à la direction des Antiquités du Languedoc-Roussillon pour l’analyse détaillée des fouilles, année par année, dont ce livre présente la synthèse. Cette publication est la première d’une série qui sera consacrée aux divers aspects du complexe de Sallèles-d’Aude.

19Paris, décembre 1987

Table des illustrations

Légende Fig. 1 – Découverte de l’atelier du Clots de Raynaud après un labour profond en 1968.
Crédits Photo P. Bouisset
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35950/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 55k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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