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Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire)

 | 
Micheline Rouvier-Jeanlin
, 
Martine Joly
, 
Jean-Claude Notet

Deuxième partie. Le mobilier d’accompagnement

4. Les lampes

Jean‑Claude Notet

Resumen

Avec Vichy et Lezoux, BourbonLancy fait partie des rares ateliers arvernes producteurs de lampes en terre cuite. Huit lampes, moules ou fragments ont été découverts au Breuil. Parmi cinq lampes du ier s. (bec ogival ou ogivotriangulaire à volutes saillantes du type II) trois sont de petite taille. L’important empâtement des reliefs provoqué par des surmoulages successifs, de même que le manque de soin au niveau de la réalisation, permettent de les considérer comme des rebuts de fabrication. Une sixième lampe, plombifère, ainsi que deux valves de moules appartiennent au type des Firmalampen. La valve creuse provient d’un contexte daté de la seconde moitié du ier s. ; obtenue par surmoulage, elle montre au fond du réservoir la marque inédite d’un modeleur probablement bourbonnais : LITOGENF. Ces observations convergentes attestent par conséquent la réalité d’une production de lampes à Bourbon dès le ier s.

Texto completo

4.1. Introduction

1Les découvertes de lampes en terre cuite dans plusieurs ateliers de Gaule centrale incitent à croire à des productions locales. Pourtant, malgré leur polyvalence reconnue, rares sont les ateliers arvernes qui ont livré des moules pour lampes : on ne pouvait guère citer jusqu’à ce jour que Vichy et Lezoux (Vertet 1983). La découverte à BourbonLancy de huit objets appartenant à cette catégorie va contribuer à élargir nos connaissances en ce domaine, plus par leur caractère inédit que par leur modestie quantitative et qualitative.

2Ces huit lampes sont illustrées par la fig. 67 avec leurs numéros respectifs. Deux lampes complètes sont à signaler (nos 1 et 2), ainsi que quatre fragments de lampes (nos 3, 4, 5 et 6) et deux valves de moules, pour réservoir (no 7) et médaillon (no 8). Trois modèles (nos 1, 2 et 3) sont des miniatures, alors que les trois autres pouvaient contenir une réserve d’huile supérieure.

Fig. 67 – Lampes et moules de lampes en terre cuite.

4.2. Étude du matériel

4.2.1. Lampe no 1

3Il s’agit d’une petite lampe sans anse, de 65 mm de longueur, 45 mm de diamètre, et 22 mm de hauteur, en terre beige clair à peine micacée, conservant par endroit des vestiges d’engobe brunâtre. Le bec, sans doute à l’origine ogival avec volutes saillantes, correspond au type II Ba (Ponsich 1961), ce qui permet une situation chronologique. Le médaillon, partiellement détruit, ne semble porter aucun décor si ce n’est un bouton en relief situé entre les volutes. L’empâtement important de ces dernières ne peut résulter que de surmoulages successifs.

4.2.2. Lampe no 2

4C’est encore un modèle réduit dont les dimensions et le type sont identiques à ceux de la lampe cidessus. La pâte, à peine plus jaunâtre, montre des traces plus importantes d’engobe brun orangé. La réalisation dénote un travail rapide et peu soigné. Le potier a réalisé un mauvais ajustage des deux valves du moule : on peut estimer le décalage à 3 mm environ. Le rattrapage a nécessité un lissage important ayant entraîné au niveau du bec la disparition presque totale des volutes. Il n’a pas été suffisant toutefois pour masquer le joint de collage des deux parties, toujours matérialisé par un sillon périphérique.

5Un examen attentif laisse à peine soupçonner l’existence primitive d’un décor, au centre d’un médaillon double à couronnes chevronnées. Obtenu à la suite de nombreux surmoulages, son empâtement est tel que toute indentification est devenue impossible.

4.2.3. Lampe no 3

6Il s’agit du réservoir complet d’une petite lampe dont le couvercle s’est décollé. Sa morphologie indique une fois de plus une typologie et une datation identiques à celles des deux premiers exemplaires, les dimensions étant par ailleurs analogues. La pâte, franchement orangée, contient des inclusions quartzeuses et n’a apparemment jamais été engobée. Le pied ne présente aucune moulure, contrairement à celui des lampes 1 et 2. Il s’agit probablement aussi d’un rebut d’atelier.

4.2.4. Lampe no 4

7Voici l’extrémité du bec ogivotriangulaire d’une lampe de type II en pâte semifine blanche, avec quelques traces d’engobe rose orangé. C’est le plus petit fragment retrouvé, mais de loin le moins fruste. Les volutes, ainsi qu’une dépression rectangulaire sur le bec, sont ornées chacune d’une ponctuation.

4.2.5. Lampe no 5

8Il s’agit de la moitié inférieure d’un bec appartenant certainement encore au même type de lampes à volutes saillantes, mais de module plus grand. Il présente pourtant certaines particularités. La pâte tout d’abord, grise avec de nombreux dégraissants quartzeux semigrossiers, n’a manifestement jamais été engobée. La forme ensuite, à fond plat et bord vertical, alors que le profil du bec affecte généralement la forme d’un biseau. Il s’agit à n’en pas douter d’un rebut de fabrication.

4.2.6. Lampe no 6

9Ce fragment au bec droit provient d’une Firmalampen de taille moyenne, presque superposable d’ailleurs au moule du no 8. On pourrait s’attendre à un rebut de production, mais des traces de carbonisation au niveau de l’orifice du bec prouvent que ce luminaire a été utilisé. Sa surface externe présente encore des restes de glaçure plombifère jaunâtre.

4.2.7. Moule pour lampe no 7

10C’est la pièce majeure de ce chapitre. Nous en connaissons approximativement le contexte de découverte : elle jouxtait un ensemble de statuettes et de moules du ier s., ainsi qu’un vase zoomorphe à glaçure plombifère (cerf).

  • 1 En l’absence de l’élément déterminant, le couvercle, la typologie a été établie en tenant compte de (...)
  • 2 La graphie complète, utvghnos (Corrocher 1981), est très différente de la nôtre. Remarquons aussi s (...)
  • 3 A ne pas confondre avec le potier rutène litvgenvs, dont la marque –uniquement en écriture cursive– (...)
  • 4 Nos fouilles sur les ateliers de potiers de Gueugnon nous ont apporté à plusieurs reprises la preuv (...)

11L’intérêt présenté par cet objet résulte bien entendu essentiellement de la signature rétrograde qu’il porte : litogenf (avec F et N ligaturés), pour litogenus, Réalisé dans une pâte blancbeige, nous sommes en présence d’un moule en terre cuite pour Firmalampen 1obtenu vraisemblablement par surmoulage du réservoir d’une lampe estampillée préexistante ; en font foi les imperfections de la signature ainsi que les traces de pressions digitales dans la pâte au dos du moule. Aucune marque identique ne semble avoir été trouvée jusqu’à présent dans les ateliers arvernes. Certes, l’atelier de Vichy a bien livré une marque sur lampe, de consonnance voisine, litugenos 2, potier inconnu ailleurs3. S’agitil d’une similitude onomastique provoquée par une simple variante orthographique (mais alors dans quel sens s’estelle produite ?), ou bien réellement de deux potiers différents ? Dans la première hypothèse, nous pourrions être en présence du surmoulage d’un produit vichyssois, alors que dans la seconde il faudrait admettre l’existence d’un potier spécifiquement bourbonnais, dont le moule retrouvé ne serait qu’une copie de travail4. L’importance de la différence graphique entre les marques plaide en faveur de la seconde hypothèse. Il ne faut pas oublier que l’atelier n’a pas encore été retrouvé, et qu’en conséquence bien des surprises restent possibles.

4.2.8. Moule pour lampe no 8

12Ce moule de taille modeste servait à la réalisation des médaillons de Firmalampen. Les encoches de positionnement sont toujours apparentes. Le fragment de lampe no 6 peut donner une idée de l’aspect et de la dimension du produit fini.

4.3. Conclusion

13Les cinq premières lampes ou fragments de lampes cidessus décrits appartiennent au même type, assez précoce. Il est peu probable que les lampes 1 et 2, fonctionnelles malgré leur petite taille (qui leur assignait peutêtre un autre rôle), aient été importées. Inachevées et sans engobe, les lampes 3 et 5 sont à coup sûr des déchets de fabrication. Ne seraitce même que par la présence du moule de Litogenus, nous avons donc pour la première fois une production de lampes attestée à BourbonLancy. Malheureusement, et jusqu’à preuve du contraire, elle ne semble avoir brillé ni par sa qualité, ni par son originalité, ni par sa quantité.

14Il reste le problème de la datation. Si nous ne pouvons savoir dans quel contexte précis se trouvaient les lampes de petit module, les surmoulages observés peuvent nous fournir quelques arguments. Les modèles originaux sont attribués à une période peu avancée au cours du ier s. L’empâtement extrême des reliefs, résultat de plusieurs générations de surmoulages successifs, implique obligatoirement un certain décalage chronologique. Vouloir en préciser l’ampleur s’avère pratiquement impossible. Fautil tabler sur une durée de quelques années ou quelques décennies ? En tout état de cause, il ne paraît pas possible de quitter le ier s. ap. J. C. En revanche, le contexte de gisement du moule signé, tel que nous l’avons décrit plus haut, nous conduit sans équivoque à la seconde moitié du ier s. La glaçure plombifère de la lampe no 6, par ailleurs typologiquement identique, confirme absolument cette chronologie. On pensait jusqu’à présent que la production arverne de lampes n’avait pas débuté avant la fin du ier s. ou le début du iie, contrairement aux lampes lyonnaises ou méridionales. Les découvertes de BourbonLancy permettent donc de reculer les débuts de cette production. Dans cet atelier tout au moins, des lampes furent fabriquées au cours du ier s. Cette production s’intègre d’ailleurs tout à fait dans la chronologie habituelle des Firmalampen gauloises.

Notas

1 En l’absence de l’élément déterminant, le couvercle, la typologie a été établie en tenant compte de la longueur importante et de la simplicité morphologique du bec.

2 La graphie complète, utvghnos (Corrocher 1981), est très différente de la nôtre. Remarquons aussi sur notre marque la taille sensiblement plus faible du o, pouvant aussi laisser penser à une association de deux potiers.

3 A ne pas confondre avec le potier rutène litvgenvs, dont la marque –uniquement en écriture cursive– a été identifiée à La Graufesenque sur Drag. 37 et sur poinçon intradécoratif (Bémont 1970).

4 Nos fouilles sur les ateliers de potiers de Gueugnon nous ont apporté à plusieurs reprises la preuve de l’utilisation simultanée d’un nombre parfois important de moules identiques. Il serait aussi possible de les assimiler à des copies de sauvegarde destinées à protéger les originaux, un peu à la manière des supports magnétiques informatiques actuels. Ces observations concernent des moules pour reliefs d’applique, mais il y a tout lieu de penser qu’il en était de même pour la fabrication des lampes en terre cuite.

Índice de ilustraciones

Leyenda Fig. 67 – Lampes et moules de lampes en terre cuite.
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