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Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire)

 | 
Micheline Rouvier-Jeanlin
, 
Martine Joly
, 
Jean-Claude Notet

Deuxième partie. Le mobilier d’accompagnement

3. La céramique plombifère

Jean‑Claude Notet

Résumé

Un certain nombre de tessons de céramique plombifère jouxtaient la sigillée précoce, de même que des tessons typologiquement voisins, qualifiés de périplombifères du fait de l’absence volontaire ou accidentelle de toute glaçure. Malgré la petite taille des morceaux, la forme 93 semble la plus représentée. On peut signaler aussi l’existence de gobelets du type d’aco. Les motifs décoratifs pourraient faire partie d’un répertoire local. Signalons aussi l’existence du décor en épingle à cheveux sur parois minces à glaçure plombifère.

Deux objets retiennent l’attention : le premier est un fond de moule pour vase globuleux, orné de palmettes et de rosaces ; le second est un moule pour relief d’applique représentant un bélier à corps serpentiforme stylisé ; il s’agit à l’origine d’un attribut celtique de Mars ou Cernunnos, qui illustre parfaitement la précocité de ces productions plombifères étroitement associées aux figurines.

Texte intégral

3.1. Introduction

1Avant de présenter les tessons de ce type de céramique qui voisinaient avec les statuettes, il est indispensable d’expliciter la terminologie que nous allons employer. C’est en effet par l’utilisation pragmatique d’un néologisme que nous avons résolu le problème typologique qui se posait : celui du rangement pour le moins paradoxal d’objets non glaçurés dans la catégorie glaçurée.

  • 1 Sur un site producteur, cette dernière éventualité peut parfois correspondre à des ratés de fabrica (...)

2Nous qualifierons de « périplombifère » toute céramique, généralement en terre blanchâtre ou beige clair, apparentée à la plombifère mais dépourvue de glaçure parce qu’elle n’en a jamais reçu ou parce qu’elle l’a perdue1. On ne pourra donc parler de céramique périplombifère que dans la mesure où il existe, même en faible quantité, des productions identiques ou approchantes avec glaçure plombifère. Les gobelets du type d’Aco, par exemple, s’intègrent dans cette catégorie.

3Comme on a pu s’en rendre compte lors de leur étude respective, certains vases zoomorphes et lampes en terre cuite, bien que plombifères, sont exclus arbitrairement de cette étude. Par tradition, ils sont plutôt rattachés aux statuettes dont ils empruntent les techniques d’élaboration.

  • 2 H. Vertet a signalé ce travail en cours par une communication en 1986 au congrès de la SFECAG à Tou (...)

4Il faut préciser enfin que ce genre de production n’a suscité jusqu’à ce jour que des articles isolés. Une publication de synthèse concernant les formes, les ateliers, le répertoire iconographique est annoncée2.

3.2. Étude du matériel

5Seuls des fragments de petites dimensions nous sont parvenus (fait qui, comme pour la sigillée, indique une certaine précocité), et leur nombre limité permet une étude détaillée. Les références typologiques sont empruntées à H. Vertet (Vertet 1986) (fig. 63).

Fig. 63 – Céramiques plombifères et périplombifères.

6No 1 : Terre très blanche. Forme indéterminée ornée d’un relief d’applique partiellement décollé (tête de Mercure sans doute). Périplombifère.

7No 2 : Rebord de forme 93 orné d’un magnifique mascaron de Bacchus ou de Silène. Même pâte. Il ne subsiste de la glaçure que de très rares particules dorées. Le profil rappelle beaucoup celui de la tasse à deux anses de la rue des Farges à Lyon (Desbat 1987 : pl. 2, 4)

8No 3 : Rebord identique au précédent. Périplombifère.

9No 4 : Pâte blanc rosé. Forme indéterminée. Décor : médaillon d’applique très empâté, montrant les jambes et le tronc d’un homme nu qui s’accoude sur un autel. La glaçure est réduite à quelques points dorés visibles au fond des dépressions.

10No 5 : Petit fragment de rebord mouluré (forme 93) en pâte blanc rosé. Surface extérieure blanche, ornée d’une tête non identifiable. Glaçure : même remarque que pour le no 4.

11No 6 : inv. 86.20. En pâte blanc jaunâtre, ce tesson de forme indéterminée porte un épais et incomplet relief d’applique : un buste féminin dénudé et assis (Vénus ?), aisselle gauche reposant sur le dossier du siège. Rares traces de glaçure jaunâtre et mate dans les sillons.

12No 7 : Fragment de panse moulurée (forme 93) orné d’une rosace à 8 pétales. Pâte blanche et glaçure beige, fine et mate.

13No 8 : Fragment de rebord (forme 93) orné d’une volute dentelée.

14No 9 : Fragment provenant de la partie inférieure d’un vase moulé à pied étroit (forme non définie). Pâte de couleur blanc jaunâtre, avec glaçure dorée ne subsistant qu’en de rares endroits. Il faut souligner ici l’originalité décorative : un personnage principal, en tunique, repose son pied gauche sur la cuisse d’un enfant agenouillé ; un second enfant est agenouillé à sa droite. Une Victoire ailée porte la scène.

15No 10 : C’est encore un rebord de forme 93 orné d’un relief d’applique ayant pour thème un personnage alité (érotique ?). Pâte beige. Rares traces de glaçure brun‑jaune.

16No 11 : Décor géométrique sur minuscule fragment de vase moulé indéfinissable.

17No 12 : Rebord de forme 93 en pâte blanche. Périplombifère, avec relief d’applique. Thème : cheval, sans doute ailé.

18No 13 : Minuscule fragment de panse indéfinissable, orné de motifs végétaux.

19No 14 : inv. 86.109. Périplombifère. Pâte rose‑beige. Base d’un gobelet moulé orné de fines pendeloques volutées. Grande finesse du dessin.

20No 15 : Rebord de flacon en terre blanche à lèvre arrondie. Périplombifère.

21No 16 : Pâte blanche, périplombifère. Relief d’applique incomplet.

22No 17 : inv. 86.152. Tronçon de col‑goulot cylindrique cannelé verticalement. A la hauteur de la moulure transversale, l’ouverture ne présente plus qu’un diamètre de 9 mm. Pâte blanc‑beige avec restes de glaçure dorée dans les cannelures.

23No 18 : Anse horizontale formée d’un boudin spiralé en terre blanc jaunâtre. Glaçure marbrée passant du vert pomme au jaune verdâtre.

24No 19 : Fragment caréné de forme moulée 29 en pâte beige. Panse ornée de palissades larges. Glaçure dorée subsistant au fond des creux.

25No 20 : Tronçon de col cylindrique mouluré, en terre blanche périplombifère.

26No 21 : Anse avec stipule d’attache (vue de profil). Glaçure mince jaune verdâtre, finement craquelée.

27No 22 : inv. 86.236. Fragment orné d’une palissade et d’une rangée de bifols. Pâte beige clair périplombifère provenant soit d’un gobelet de forme 57 (Type aco) soit d’une forme 56, soit encore d’une forme 62 (décor renversé dans ce cas).

28No 23 : Fond de coupe non carénée ou de panse appartenant à un vase moulé de forme 61. Pâte claire gris‑beige périplombifère, avec engobe mince, mat et beige sur la surface interne. Décor de palissade, et aster à la périphérie.

29No 24 : Fragment de fond périplombifère moulé, orné de cercles oculés. Terre blanche.

30No 25 : Fond de gobelet périplombifère.

31No 26 : Décor de palissade sur panse de forme moulée 29. Pâte beige, périplombifère.

  • 3 Fouille, dessin et étude de M. Joly.

32Petit vase du type gobelet d’Aco (fig. 64) : inv. 86.293/8. La partie inférieure du récipient et un tesson avec décor végétal sont seulement conservés. Origine : couche d’occupation du secteur 4 (1er tiers du ier s. ap. J.‑C.)3.

Fig. 64 – Gobelet du type d’Aco.

33Fond de moule (fig. 65) : En terre blanche plutôt rêche, non engobée ni glaçurée, le récipient est orné intérieurement de motifs apposés avant cuisson dans la pâte encore molle. Le décor ne montre rien de bien original. Sous une ligne de ponctuations, on peut voir une rangée de palmettes finement pennées, toutes identiques. Au‑dessous se trouve une rangée de rosaces identiques multiradiées, parmi lesquelles on remarque un seul modèle différent, cruciforme. Pourquoi cette intrusion ? On ne peut guère songer qu’à une négligence de la part du créateur du moule. Cet objet a pu servir à orner aussi bien la moitié supérieure d’un vase globuleux que sa moitié inférieure. Remarquons enfin que ce type de décor, certainement recouvert de glaçure plombifère, n’est pas sans rappeler celui qui resurgira trois siècles plus tard sur les céramiques paléochrétiennes.

Fig. 65 – Moule pour vase plombifère.

  • 4 Notamment sur un pilier provenant de Mavilly, exposé au musée de Dijon, ainsi que sur le chaudron d (...)

34Moule pour relief d’applique (fig. 66) : inv. 86.302. Un moule pour relief d’applique de 10 cm de hauteur a pu être reconstitué. Un moulage à la plastiline (à droite sur la figure) montre un bélier à corps de serpent superbement traité. Le serpent à tête de bélier est connu dans l’iconographie gallo‑romaine : il accompagne en général Mars, et parfois même Cernunnos4. Mais ici se manifeste la volonté de privilégier le mammifère, en lui faisant adopter une position cabrée qui ne manque pas de grâce, et en l’affublant d’un ornement ventral bouclé qui rappelle étrangement le corps lové du serpent. Sur le plan artistique, on peut considérer cet objet comme un véritable petit chef‑d’œuvre, puisqu’il a été obtenu par transformation d’une représentation divine dans un pur souci d’esthétisme. Ce moule, dont le dos porte un graffite indéchiffrable (à gauche sur la figure), a certainement servi à la fabrication de reliefs d’applique pour vases à glaçure plombifère.

Fig. 66 – Moule pour relief d’applique avec son graffite (à gauche) et son moulage (à droite).

35Parois fines : Au matériel ci‑dessus retrouvé, il faut aussi ajouter les tessons de gobelets dits « à épingles à cheveux ». En pâte claire, à paroi fine ornée à la barbotine et au calibre (épingles parallèles ou croisées), ils peuvent être plombifères, périplombifères ou engobés. Nos différents sondages nous ont montré qu’ils provenaient de la couche la plus profonde, en argile cendreuse.

3.3. Conclusion

36Parmi les nombreux indices chronologiques convergents et relatifs à l’installation des coroplathes, la céramique plombifère se trouve en bonne place : bien datée du ier s. dans les ateliers de Gaule centrale, elle date du même coup les nombreux moules et figurines qui l’accompagnaient stratigraphiquement.

37Il est certes difficile, dans un premier temps, de différencier le matériel produit sur place du matériel éventuellement importé. Nous ne sommes pas exactement sur l’atelier, et la spécificité n’apparaît pas encore.

38Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces trouvailles atteste l’existence d’une activité céramique à Bourbon dès le ier s. Cette production primitive aurait rapidement évolué –peut‑être par suite des résultats trop fluctuants obtenus– en direction des vases zoomorphes puis des figurines en terre blanche, dont la fabrication massive l’aurait alors supplantée.

Notes

1 Sur un site producteur, cette dernière éventualité peut parfois correspondre à des ratés de fabrication.

2 H. Vertet a signalé ce travail en cours par une communication en 1986 au congrès de la SFECAG à Toulouse, ainsi que dans les actes de ce congrès (Vertet 1986).

3 Fouille, dessin et étude de M. Joly.

4 Notamment sur un pilier provenant de Mavilly, exposé au musée de Dijon, ainsi que sur le chaudron de Gundestrup (Nerzic 1989 : 52‑58).

Table des illustrations

Légende Fig. 63 – Céramiques plombifères et périplombifères.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35835/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 179k
Légende Fig. 64 – Gobelet du type d’Aco.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35835/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 25k
Légende Fig. 65 – Moule pour vase plombifère.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35835/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
Légende Fig. 66 – Moule pour relief d’applique avec son graffite (à gauche) et son moulage (à droite).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35835/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 122k

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1989

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