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Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire)

 | 
Micheline Rouvier-Jeanlin
, 
Martine Joly
, 
Jean-Claude Notet

Introduction

1. Histoire du site antique et des fouilles

H. Louis

Zusammenfassung

De nombreux vestiges pré‑ et protohistoriques ont été recensés depuis le siècle dernier dans différents quartiers de Bourbon‑Lancy et dans la région voisine (outillage paléolithique, haches polies néolithiques, mégalithes, poterie primitive, urnes funéraires) et contribuent à renforcer la thèse du couloir ligérien néolithique. Un tumulus ainsi que de nombreuses monnaies éduennes confirment la probabilité d’une occupation celtique qui transparaît aussi dans la toponymie locale. Cependant, les structures et vestiges les plus abondants datent de l’époque gallo‑romaine. Enfouis en masse dans le sous‑sol, ils témoignent de l’ampleur de l’urbanisation romaine centrée sur le thermalisme, ainsi que de l’assimilation rapide des dieux celtes tutélaires de la cité, Borvo et Damona (vastes égouts monumentaux toujours en service, deux temples sur les coteaux voisins). En 1892, les fouilles de Melin et Bertrand ont apporté la quasi‑certitude que des figurines en terre cuite avaient été moulées à Bourbon. L’existence simultanée des eaux thermales et d’un carrefour routier suffit à justifier le développement local d’un artisanat, vraisemblablement varié. La destruction de la cité semble remonter au milieu du ive s. de n. è.

Volltext

1Les fouilles archéologiques, qui furent menées d’une manière empirique de 1984 à 1985 et plus scientifiquement en 1986, ont permis d’affiner les connaissances déjà étendues que l’on avait sur la longue histoire de Bourbon‑Lancy et des environs (fig. 1 et 2).

● Fig. 1 – Les vestiges antiques aux environs de Bourbon‑Lancy. ◆ : borne milliaire ; ◊ : mégalithe, temple ; ▲ : tumulus ; Δ : autel votif ; ⬤ : monnaies ; O : silex.

● Fig. 2 – Les vestiges antiques à Bourbon‑Lancy. ◆ : bronze ; ◊ : colonne, mur ; ▲ : figurines, moules ; Δ : monnaies ; ⬤ : sigillée ; anciennes paroisses.

  • 1 AMB : Archives Max Boirot : Histoire de Bourbon‑Lancy. Inédit, déposé en mairie de Bourbon, suite à (...)

2C’est au docteur Robert que l’on doit les premières découvertes vers 1840 d’outillages paléolithiques : silex taillés à La Cornière, au Vigneau, à Mont‑au‑Dru, au Pimont. Ils sont visibles dans une des vitrines du musée Saint‑Nazaire. « La densité et la variété des outils trouvés au Pimont permettent de croire qu’il y eut là un atelier «1. Dans les bassins qui recevaient les eaux thermales, le docteur Robert pêcha des haches de pierre polie, elles aussi déposées au musée Saint‑Nazaire. Du Néolithique encore, on possède quelques monuments mégalithiques à Fly (commune de Chalmoux). Ils offrent un mélange de roches entassées faisant penser, les uns à des dolmens, les autres à des pyramides. La main de l’homme y a laissé des entailles profondes de 5 à 6 cm alignées et groupées par trois, et les faces de certains blocs sont nettement aplanies, Les légendes qui se rattachent à ces mégalithes ont pu être qualifiées de préceltiques (Lacaze‑Gaillard 1983). Louis Lagrost (Lagrost nos 57, 64 et 66) recense de nombreux autres mégalithes dans notre région : Dompierre, Pierrefitte, Chirac, Chalmoux, Mont, Maltat et Tazilly ; ces deux derniers seront d’ailleurs réérigés. Dans la forêt de Germigny, près du château du Vigneau, jusqu’en 1938 on pouvait faire osciller une énorme pierre simplement en la touchant avec le doigt. Près de là on signalait un menhir, présentant dans sa partie supérieure la forme d’une figure humaine (AMB). Enfin, sur la colline dominant Bourbon, au lieu‑dit la Cave‑aux‑Fées, on aurait découvert une galerie souterraine, tortueuse et murée (AMB : 34) qui a été interprétée comme le reste d’un temple celte supplanté ensuite par un temple romain ; c’est là qu’on a mis au jour l’inscription sacrvm apollini decatvm signalée par l’abbé Courtépée.

  • 2 D’après Firmin Lamy : Notre‑Dame de Sept‑Fons.

3Vers 1870, sur l’autre rive de la Loire, en creusant des fossés pour drainer les tourbières, les moines de Sept‑Fons mirent « au jour des pieux à peine ébauchés [...] restes d’habitations préhistoriques [...]. Le père Benoit découvrit non loin de là des instruments de terre cuite que les archéologues déclarèrent contemporains des pilotis, une hache en pierre polie et des débris de poterie toute primitive. D’autres fouilles exhumèrent une grande quantité d’ossements humains et des fragments d’urnes funéraires »2. La densité des traces de l’occupation préhistorique vient renforcer la thèse de l’importance du couloir ligérien au Néolithique.

  • 3 Rossignol, ancien conservateur du musée des Antiquités nationales (MAN) de Saint‑Germain‑en‑Laye, é (...)
  • 4 Vitrine no 2 du musée Saint‑Nazaire. Le reste a été envoyé au MAN de Saint‑Germain.

4Outre ce que pourrait révéler la toponymie –Gléné, Le Breuil, Mont‑au‑Dru...– les Celtes nous ont laissé aussi des monnaies en quantité. Quatre cents monnaies éduennes ont été trouvées au fond d’un vase déterré le long du ruisseau de Vezon en 1878 par Rossignol3. Les deux cents pièces qu’il a pu observer (Rossignol 1879) étaient toutes du même type : pièces d’argent d’environ 2 g, de 11 à 12 mm de diamètre, dont l’avers, convexe, porte une figure casquée et imberbe, et le revers, concave et mieux conservé, un cheval au galop. Une vingtaine d’entre elles portaient une inscription. Les textes mentionnent d’autres trouvailles dans les fondations de la piscine thermale, dans les vignes de Saint‑Martin, à Mont‑au‑Dru, à Montplaisir, dans la source du Lymbe, dans les fondations du nouvel hospice (AMB : 41, Compin 1903). Aux Buttes, un tumulus fournit un rasoir, des fragments de bracelets et des haches en bronze4. Des pilotis, des traces de huttes rondes, des chenêts d’argile, ont été repérés par l’équipe qui a fouillé en 1980 l’emplacement de la grande surface commerciale, près de l’actuel plan d’eau (Colomier 1980). Enfin, les Celtes ont laissé Borvo et Damona comme dieux tutélaires de la cité, dieux que les Romains assimilèrent rapidement en les citant très souvent dans les ex‑voto que l’on a trouvés près de la station thermale (Boirot GH).

5L’occupation romaine fut massive et fonda définitivement un centre urbain autour des sources : les Aquae Bormonis. Les thermes furent aménagés, mais les bains et les piscines de marbre décrits par Aubery (Aubery 1604), Ban (Ban 1618) ou Comiers ont disparu. Il ne reste rien de la basilique ; seule demeure l’inscription la consacrant à Borvo et Damona (Compin 1903). Cependant, on utilise encore aujourd’hui les égoûts bimillénaires. Des colonnes, comme celle découverte en 1968 à Saint‑Prix et érigée dans le jardin de la Collégiale, des statues, de nombreuses inscriptions sauvées durant le xixe s., attestent l’importance de la colonisation romaine centrée sur les eaux. Eaux chaudes qu’Eumène, rhéteur des écoles d’Autun, signalait à Constantin en 309 : « Elles sont aussi limpides que des eaux froides » (Boirot GH).

6La cité s’étendit sur les collines environnantes : un temple était consacré à Apollon vers la Cave‑aux‑Fées (voir l’inscription citée plus haut). Un autre temple à Saint‑Martin (Boirot GH) correspondait au quartier des artisans où l’on a retrouvé des enduits peints gallo‑romains (Uffler 1969). La stèle funéraire du peintre Diogène Albinus, conservée au musée Saint‑Nazaire, et les marbres qui l’accompagnent indiquent un lieu de culte païen que les disciples de saint Martin transformèrent en sanctuaire chrétien. Le docteur Compin pense qu’il s’agit d’un peintre du ier s.

7Les hauteurs du Châtelet et de Chanteau recélaient aussi des vestiges de l’occupation romaine (Forest 1968). Torses de marbre et statues de calcaire se trouvent au musée d’Autun. A l’attrait qu’exerçaient les eaux thermales, il faut ajouter le rôle de carrefour que joua Bourbon à ses débuts. La voie romaine qui longeait la Loire sur sa rive droite croisait celle qui, venant d’Autun, franchissait le fleuve vers Gilly. Certains auteurs (Compin 1903, Lacaze‑Gaillard 1983) signalent d’autres voies romaines se dirigeant soit vers Saint‑Seine, soit vers Toulon‑sur‑Arroux par Minières (borne milliaire ?), soit vers Chalmoux par la vieille route. La conjonction de ces deux facteurs économiques que sont les communications et le thermalisme justifie le développement de quartiers artisanaux, voire préindustriels.

  • 5 La plupart des objets se trouvent aujourd’hui dans les réserves de la Société d’émulation du Bourbo (...)

8Les fouilles de l’abbé Melin et M. Bertrand, en 1892, ont déjà permis d’émettre l’hypothèse que des ateliers de coroplathes produisaient dès le premier siècle, dans les environs du Châtelot (Melin, Bertrand 1892). Près de 120 objets ou ensembles d’objets furent découverts, certains dans un puits de la vigne du Chapitre, aujourd’hui propriété Vanier, au Châtelot. Carreaux de fer aciéré voisinaient avec des cruches de terre cuite, des vases, des chaudrons et des clés en bronze. Une soixantaine de figurines et de moules furent mis au jour dans des remblais voisins du puits. Quantité d’objets divers sont mentionnés dans le rapport de fouilles ; ils ont été recueillis sans doute par les terrassiers, de part et d’autre de la route de Moulins5.

9Les vitrines du musée Saint‑Nazaire consacrées à cet artisanat, si intéressantes qu’elles soient, ne renferment que peu de moules. Aussi, lorsqu’on 1984 furent trouvés des débris de moules et une tête d’enfant surcuite, grandit l’espoir de confirmer la présence d’ateliers de coroplathes, d’autant qu’on dit que tout près, lors de la construction des maisons du Coteau justement situées entre le ruisseau de Borne et le Châtelot, des fours auraient été détruits.

10La plus récente des monnaies recueillies par les archéologues de 1892 porte l’effigie de Magnence. Ce serait donc dans la première moitié du ive s. que la cité gallo‑romaine dédiée à Borvo aurait été détruite. La christianisation acheva d’enfouir les derniers vestiges.

Anmerkungen

1 AMB : Archives Max Boirot : Histoire de Bourbon‑Lancy. Inédit, déposé en mairie de Bourbon, suite à un achat de la municipalité.

2 D’après Firmin Lamy : Notre‑Dame de Sept‑Fons.

3 Rossignol, ancien conservateur du musée des Antiquités nationales (MAN) de Saint‑Germain‑en‑Laye, était le grand‑père de Max Boirot.

4 Vitrine no 2 du musée Saint‑Nazaire. Le reste a été envoyé au MAN de Saint‑Germain.

5 La plupart des objets se trouvent aujourd’hui dans les réserves de la Société d’émulation du Bourbonnais. Mme Vennetier, présidente de l’antenne locale des Amis du Dardon, a réussi à obtenir des moulages.

Abbildungsverzeichnis

Bildunterschrift ● Fig. 1 – Les vestiges antiques aux environs de Bourbon‑Lancy. ◆ : borne milliaire ; ◊ : mégalithe, temple ; ▲ : tumulus ; Δ : autel votif ; ⬤ : monnaies ; O : silex.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35715/img-1.jpg
Datei image/jpeg, 69k
Bildunterschrift ● Fig. 2 – Les vestiges antiques à Bourbon‑Lancy. ◆ : bronze ; ◊ : colonne, mur ; ▲ : figurines, moules ; Δ : monnaies ; ⬤ : sigillée ; anciennes paroisses.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/35715/img-2.jpg
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