1. Le site archéologique
p. 58‑76
Résumés
L’enceinte occupe 860 m2, Elle a une forme hexagonale et dans chaque angle se trouve une structure à plan circulaire. A l’intérieur de l’espace clos, ont été édifiées au moins quatre habitations à murs de pierre sèche et à simple ou double abside. Une autre habitation se trouve à l’extérieur. La technique de construction des murs est uniforme : double parement et bourrage interne de cailloux. L’épaisseur est quasi constante. Une seule porte s’ouvre dans le mur de ceinture au N.‑E.
Les matériaux constitutifs des structures rondes sont différents de ceux des autres constructions. Ce sont des dalles de calcaire local. La forme en dôme des éboulis est caractéristique. Le locus 1 est une petite cellule annexe à la cabane 1. La grotte qui s’ouvre au centre du site est un aven colmaté non encore fouillé. Une étude quantitative des modules des matériaux de construction fait ressortir les différences entre structures rondes et cabanes ou mur de ceinture.
La structure 5, la cabane 1 et le locus 1 font l’objet d’une description plus détaillée. On décrit leur remplissage et leur mobilier. Ce secteur ouest a été abandonné après un incendie et jamais réoccupé.
The 860m2 enclosed space is hexagonal, with a round structure in each corner; inside were built at least 4 houses with drystone walls and a simple or double apse; there is another house outside. The building technique of the walls is always the same (double face filled with stones), as well as the thickness. A single door is in the North‑West wall of the enclosure.
The round structures are made of local limestone blocs and have a particular dome shape, unlike the other buildings. The locus 1 is a small cell belonging to the hut 1. A swallowhole opens in the middle of the enclosed space but has not been excavated yet. A quantitative analysis of the building materials shows differences between round structures and huts or the enclosing wall.
Structure 5, hut 1 and locus 1 are described in detail through their filling and the finds. The West area was definitely abandoned after it burnt.
Texte intégral
1.1. Description générale
1Le site de Boussargues se présente actuellement sous la forme d’une enceinte en pierre sèche dessinant un hexagone irrégulier de 28 sur 38 m (fig. 17). Une seule porte, large de 0,7 m s’ouvre dans l’enceinte, au nord‑ouest. Le trait le plus marquant est la présence, à chaque angle de cet hexagone, d’une construction circulaire. Les six constructions circulaires ont été numérotées de 1 à 6, selon l’ordre de leur découverte. Elles possèdent toutes une ouverture unique vers l’intérieur de l’espace clos. Le dégagement du cailloutis superficiel a fait apparaître d’autres structures à l’intérieur de cet espace et une seule à l’extérieur. Ces structures sont des cabanes à simple ou double abside, caractéristiques de l’architecture fontbuxienne.

● Fig. 17 – Plan du site relevé au théodolite avec implantation du carroyage
relevé et dessin J. Coularou
2Les cabanes 1 et 2 étaient nettement visibles après le premier travail de dégagement superficiel. La cabane 1 est actuellement fouillée et restaurée. La cabane 2 est en cours de fouille. Par contre, seuls quelques tronçons de mur, formant au moins deux absides accolées signalent la présence des cabanes 3 et 4 dans le secteur sud du site. La cabane 5, à double abside et murs comportant des orthostates, a été construite sur la pente ouest, à 2 m à l’extérieur de l’enceinte. Les cabanes 1, 3 et 4 sont disposées de telle façon qu’elles délimitent un espace entre elles et le mur de ceinture. Dans le cas de la cabane 1, actuellement la mieux dégagée, cet espace a été fermé par un mur de façade comportant une porte. Cette cellule a été désignée sous le nom de locus 1. Il est encore trop tôt pour savoir si cette association cabane et locus se retrouve dans le secteur sud avec les cabanes 3 et 4, mais cela est probable. Le dégagement du cailloutis superficiel qui a dû être interrompu dans ce secteur, très érodé, ne permet pas dans l’état actuel de le confirmer. Une prochaine campagne de fouilles sera consacrée à la fouille intégrale de ce secteur.
3Aucune autre structure n’est actuellement visible sur le site, pas plus à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’espace clos. Au centre du site, s’ouvre une petite cavité naturelle formant une modeste salle à 1 m sous la surface. Cette salle se prolonge vers le sud par une étroite galerie descendante vide de tout vestige archéologique. La cabane 2 est construite contre le tronçon du mur de ceinture qui relie les structures rondes 3 et 4. L’accès à ces dernières passe donc obligatoirement par la cabane qui possède deux absides opposées et deux portes latérales.
4L’espace clos est de 860 m2. A l’extérieur, la cabane 5 occupe une surface d’environ 45 m2. Les surfaces internes des cabanes entièrement visibles à l’intérieur de l’enceinte sont les suivantes : cabane 1 : 37 m2 ; locus 1 : 20 m2 ; cabane 2 : 60 m2. Les structures rondes ont toutes des dimensions quasiment égales, soit environ 5 m2 de surface interne.
5Le dégagement superficiel de l’ensemble du site a permis de préciser les étapes de construction, confirmées par la fouille approfondie de certains secteurs. Tous les tronçons du mur de ceinture s’appuient contre les structures rondes sans jamais leur être liés par la maçonnerie de pierre, Aux abords de la structure 2, le mur de ceinture a été rétréci lors de sa construction pour éviter l’obstruction de la porte de cette structure. Ces éléments prouvent que les structures rondes ont été bâties avant le mur de ceinture. Les murs des cabanes s’appuient contre ce mur de ceinture sans imbrication. Des contre‑murs ont été ajoutés au fond du locus 1 et de la cabane 1. Ces cabanes et locus sont donc postérieurs à la construction de l’enceinte et des structures rondes. Le temps écoulé entre chaque étape de la construction ne peut être évalué. Il semble logique que les différents tronçons qui forment la ceinture de l’habitat aient été édifiés immédiatement après la construction des structures circulaires, car une telle organisation architecturale ne peut avoir été conçue que dans son ensemble. On en a pour preuve la position des portes des structures rondes. Les cabanes et locus ont pu être construits plus tardivement et pas forcément tous en même temps. Ce problème ne peut être résolu.
1.2. Caractères spécifiques des diverses structures et techniques de construction
6Deux principes de base qui semblent avoir régi toutes les étapes de la construction peuvent être dégagés. L’épaisseur des murs est quasi constante ; elle est d’environ 1 m. Les cas où cette épaisseur n’est pas respectée sont rares. De part et d’autre de la porte d’accès, sur une longueur de 1 m à 1,5 m de chaque côté, le mur de ceinture est épaissi (environ 1,5 m). Près de la structure 2, le mur de ceinture pourtant plus large à quelques mètres au nord, s’amincit sensiblement (0,7 m d’épaisseur contre la porte de la structure 2). La cause de cet amincissement est connue et a été décrite ci‑dessus.
7Le deuxième principe réside dans la technique de construction. Il s’agit dans tous les cas de murs à double parement avec fourrure interne de blocaille et cailloutis (fig. 18). Cette technique est identique dans toutes les constructions fontbuxiennes de l’arrière‑pays montpelliérain. Seuls les modules des pierres de parement changent ici selon les structures considérées. Mur de ceinture et cabanes sont construits avec des matériaux identiques. Ce sont des moellons polyédriques ou parallélépipédiques ou encore cubiques, d’origine strictement locale.

● Fig. 18 – Relevé en plan d’un tronçon du mur de ceinture, montrant la technique de construction employée sur tout le site
dessin Coularou
8Les structures rondes ont été édifiées avec des moellons moins épais, sauf à la base, mais surtout avec des lauzes et des grandes dalles qui constituent la majorité des éléments éboulés à l’intérieur comme à l’extérieur.
1.2.1. Le mur de ceinture (fig. 19)
9Le mur de ceinture1 possède des parements dont l’appareil est disposé en panneresse et posé à joints coupés. C’est une technique universellement utilisée dans la maçonnerie de pierre sèche. Elle est de règle dans la grande majorité des édifices chalcolithiques du sud‑est de la France (Camps‑Fabrer et. alii 1985). Les deux parements ne sont jamais liés par des boutisses parpaignes et la technique de la « clef » (Lassure 1983) a été peu utilisée. Les moellons n’ont pas été épannelés ou bouchardés. Tout au plus présentent‑ils parfois des traces de fractionnement. Il s’agit de blocs cubiques ou parallélépipédiques ; les plus petits ont une face de parement longue de 0,15 m et les plus grands de 0,5 à 0,6 m. Les épaisseurs sont variables. Quelques dalles ont été utilisées (épaisseur inférieure au tiers de la longueur). Les plus fines ont une épaisseur de 0,05 m, les plus grosses, de 0,10 m.

● Fig. 19 – Coupe du mur de ceinture et de ses éboulis extérieurs dans le secteur ouest
dessin Coularou
10On note que certains moellons ont une forme trapézoïdale qui favorise l’insertion de la « queue » de la pierre dans l’épaisseur du mur. La fourrure de cailloux placés sans ordre entre les deux parements assure la cohésion de l’ensemble et joue le rôle de drain pour les eaux pluviales. La disposition en carreau n’a été reconnue que sur l’un des côtés de la porte ouverte dans le mur de ceinture. Il s’agit d’une dalle longue de 0,9 m, haute de 0,5 m et large d’environ 0,25 m.
11Le mur de ceinture est bien conservé sur toute sa longueur. Il n’est interrompu qu’entre les structures 1 et 6 sur 3 m de long, là où l’aménagement d’un sentier, postérieurement à l’abandon du site, l’a détruit. La hauteur conservée varie selon les secteurs de 0,20 m à 1 m. Dans la zone nord‑est, près de la porte, une seule assise de moellons est encore en place sur le substratum. La hauteur initiale du mur de ceinture ne peut être évaluée avec précision. La technique utilisée pour la construction et l’épaisseur du mur autoriseraient une certaine hauteur, vraisemblablement jusqu’à 3 m. Pourtant, nous serions enclins à la considérer comme plus réduite (entre 1,5 m et 2 m) à cause de la disposition de certaines cabanes. La cabane 2 par exemple utilise comme mur gouttereau nord un tronçon du mur de ceinture, compris entre les structures rondes 3 et 4. Si l’on admet que cette cabane était couverte par un toit en bâtière, une hauteur de plus de 1,5 m paraît difficilement acceptable sur ce tronçon.
12Aucun élément ne nous permet de déceler l’existence d’une palissade qui aurait pu couronner ce mur de ceinture. Si celle‑ci –à supposer qu’elle ait existé– était en bois, les calages ne sont plus visibles puisque la partie supérieure du mur est éboulée. L’utilisation d’une palissade en torchis est à exclure, car ce matériau n’a laissé aucune trace dans les secteurs fouillés.
1.2.2. La porte
13La porte donnant accès à l’espace clos s’ouvre au nord‑est, entre les structures 2 et 3. C’est de ce côté que l’accès au site est le plus aisé, la topographie étant quasiment plane sur environ 1 km dans cette direction. Cette porte a été volontairement mise en valeur par la présence de blocs volumineux disposés de façon inhabituelle, si l’on se réfère au reste de l’enceinte. Elle est encadrée par une dalle en carreau au sud‑est et un bloc cubique au nord‑ouest. Du côté intérieur, les angles sont constitués de gros blocs dont l’un, au sud‑est, est placé en carreau dans l’axe du passage (fig. 20). La présence à 1 m vers le nord‑ouest d’une dalle et d’un bloc placés de chant perpendiculairement à l’axe du mur de ceinture laisserait entendre que cette porte avait à l’origine une largeur de 2 m, réduite ensuite à 0,7 m ou encore qu’une sorte de plate‑forme jouxtant la porte avait été bâtie à cet endroit.

● Fig. 20 – Plan de la porte d’accès à l’habitat.
14L’autre trait original de la construction est l’épaississement du mur de part et d’autre du passage. L’épaisseur atteint 1,7 m de chaque côté de la porte. Cette épaisseur diminue progressivement en direction de la structure 3 pour atteindre très vite son module moyen qui est de 1 m. En direction de la structure 2, nous avons déjà mentionné le rétrécissement spectaculaire du mur de ceinture dont l’épaisseur se réduit à 0,6 m contre cette dernière. Les bâtisseurs ont dû choisir entre deux solutions : ou bien maintenir l’épaisseur moyenne du mur de ceinture, et dans ce cas, boucher l’accès à l’intérieur de la structure 2 ‑ à moins de démonter cette structure pour placer son ouverture d’accès différemment – ou bien réduire cette épaisseur, ce qui permettait de ne pas modifier la disposition de la construction ronde. C’est cette deuxième solution qui a été choisie, ce qui montre que le renforcement du mur de ceinture à hauteur de la porte avait un rôle purement symbolique. En effet, à 3 m de là, le même mur est particulièrement mince.
1.2.3. Les structures rondes
15Les structures rondes constituent sans doute les édifices les plus originaux du site. Construites selon une technique unique, elles présentent toutes des dimensions normalisées. Le diamètre hors‑œuvre est de 4,5 m, l’épaisseur des murs de 1 m et la surface utile de 4,5 à 5 m2 (fig. 21 ). Les parties encore en élévation montrent que la technique de construction est la même que pour les autres structures. Toutes les pierres de parement sont disposées en panneresse. La fourrure interne est composée de cailloux anguleux. C’est en réalité dans le choix des matériaux et dans le mode de couverture que ces constructions sont originales. Nous y reviendrons.

● Fig. 21 – Tableau des mensurations des structures rondes.
16Les parements extérieurs comportent au niveau des assises de base quelques blocs dépassant 0,5 m de long et 0,4 m d’épaisseur. Les plus volumineux se trouvent dans la structure 1 (bloc de 1 m de long) et dans la structure 2 (bloc de 0,8 m). Ces blocs n’apparaissent qu’à la base des structures ; à partir d’une hauteur moyenne de 0,7 m, les matériaux utilisés sont constitués à 90 % de lauzes et de grandes dalles. Les murs sont conservés sur une hauteur de 0,8 m dans les structures 5 et 1. Dans la structure 3, des prélèvements modernes ont fait disparaître plusieurs assises sur une partie des parements. Le volume initial de dalles et lauzes mises en œuvre est difficile à évaluer. La masse restante ne représente qu’une partie seulement de ces matériaux, le reste ayant disparu sous les effets conjugués de la dissolution et de la gélifraction (cf. III §1.2.).
17La comparaison entre les différentes structures au niveau du choix des matériaux fait ressortir le caractère spécifique des structures rondes. La fouille, aujourd’hui achevée, des 6 structures rondes de Boussargues a montré que le comblement de dalles et lauzes était systématique. A l’extérieur des murs, les mêmes matériaux éboulés forment une couronne périphérique qui va en diminuant d’épaisseur au fur et à mesure que l’on s’éloigne des constructions, A l’exception de la structure 5, toutes les autres structures sont comblées par un amas de forme conique épais de 0,5 à 0,7 m en son centre. L’amas forme une sorte de dôme, les dalles ayant des pendages plus ou moins forts vers la périphérie. Sur les bords, contre le parement intérieur, on trouve souvent des dalles à pendage subvertical. Dans la structure 5, les dalles éboulées ont pour la plupart un pendage vers l’ouest. Le choix des matériaux et la morphologie des éboulis nous ont amenés à conclure qu’il s’agissait de constructions à couverture encorbellée, du type des abris en pierre sèche des défricheurs d’époque moderne, capitelles ou cazelles du bas Languedoc, bories provençales, gariottes du Quercy (Balbure et alii 1982‑86).
18Les structures 1,3, 4, 5 et 6 possèdent une porte à l’intérieur de l’enceinte. Ces ouvertures sont orientées vers le centre du site. Seule la structure 2 possède une ouverture face au nord‑ouest, dans le même axe que le tronçon de mur de ceinture qui relie cette structure à la porte d’accès de l’enceinte. Cette ouverture a été placée de telle façon qu’on pouvait voir depuis l’intérieur de la structure ce qui se passait à l’entrée du village.
19Pour accéder aux structures 3, 4 et 5, il fallait obligatoirement passer par une cabane. Nous ne savons pas encore s’il en était de même pour les structures 1 et 6 ; seule la poursuite des fouilles nous l’indiquera.
1.2.4. Les cabanes
20Deux cabanes construites à l’intérieur de l’espace clos sont aujourd’hui bien dégagées. La cabane 1 a été entièrement fouillée et restaurée. La fouille de la cabane 2 sera terminée en 1989. Les cabanes 3 et 4 ne sont que très partiellement visibles et seules quelques portions de murs à double parement ont été reconnues. La cabane 5, à l’extérieur de l’enceinte, présente un plan classique bi‑absidial, bien visible grâce aux moellons de parement et à de grands blocs disposés en carreau dans le parement extérieur. Les matériaux utilisés sont des moellons d’origine locale ; quelques blocs et dalles ont été utilisés de temps à autre. Dans la cabane 1, on remarque une seule dalle placée en carreau dans le parement intérieur. Les moellons et blocs sont placés en panneresse.
21La disposition des cabanes dans l’espace clos est variée. La cabane 1 et son annexe, le locus 1, ont une façade tournée vers l’espace médian de l’aire circonscrite par l’enceinte. Chacune de ces deux cellules possède une porte en façade. D’après l’orientation des murs actuellement visibles, il semble que les cabanes 3 et 4 soient disposées selon le même principe, en vis‑à‑vis. La cabane 2 a une orientation différente puisqu’elle est parallèle au mur de ceinture entre les structures 3 et 4 et qu’elle utilise ce mur comme long‑pan au nord. De ce fait, il n’y a pas de porte ouverte dans les absides, elles n’auraient aucune utilité. Par contre les deux portes aménagées dans le long‑pan sud permettent l’accès à partir de l’espace central du site. Cet espace central apparaît comme vide de toute construction, et si l’on observe en détail la disposition d’ensemble des diverses structures et de leurs portes d’entrée, on comprend qu’il ait été réservé pour permettre la desserte de toutes les cabanes.
1.2.5. Le locus 1
22L’espace existant entre le mur de‑ceinture – tronçon sud‑ouest‑et la cabane 1 a été fermé par un mur de façade construit en même temps que la cabane puisque les deux façades sont totalement imbriquées dans leur construction et non pas simplement accolées. Cet espace a été appelé locus 1. Une porte dans le mur mitoyen permet le passage d’une structure à l’autre, l’accès au locus depuis l’espace central étant rendu possible par une autre porte ouverte au milieu de la façade. Au fond de ce locus, c’est le mur arrondi de la structure 5 doublé par un contre‑mur subrectiligne qui ferme l’espace. La surface utile est de 20 m2.
1.2.6. La grotte
23La grotte s’ouvre au centre de l’espace clos. Il s’agit plus précisément d’un aven en grande partie colmaté par des dépôts argileux recouverts de cailloutis calcaire anguleux (fig. 22). Le puits d’accès profond de 1,5 m débouche sur une petite salle de 4 à 5 m2. De cette salle part un étroit boyau descendant qui était obstrué par des éboulis. Nous avons dégagé ce passage, ce qui nous a permis d’accéder à un réseau de boyaux et petites salles basses vides de tout document archéologique. Ces galeries étaient probablement fermées par les éboulis et dépôts sédimentaires au moment de la fréquentation du site. Dans la petite salle d’entrée, quelques tessons de poterie ont été découverts au contact de l’argile rouge du remplissage. Des sondages permettront de savoir si ces documents ont été entraînés là par les ruissellements où s’ils indiquent une utilisation de la grotte par les Préhistoriques. En effet, il est possible que la cavité ait été masquée par les dépôts naturels au moment de l’occupation du site et ne se soit partiellement vidée que plus tard par le jeu des soutirages karstiques. Ce serait donc au cours d’une phase d’érosion du site que des tessons auraient été entraînés avec le cailloutis dans la cavité. Mais cette hypothèse reste à confirmer.

● Fig. 22 – Plan et coupes de la grotte s’ouvrant au centre du site.
1.2.7. Le choix des matériaux de construction
24Lors du décapage effectué de part et d’autre du mur d’enceinte, puis pendant la fouille des secteurs ouest et nord, nous avons constaté une différence notable entre les modules des pierres provenant d’une part de l’enceinte et des cabanes, d’autre part des structures rondes et de leurs abords. Il nous a paru utile d’essayer de chiffrer cette différence. Plusieurs pierres ont ainsi été mesurées :
nombre de pierres mesurées :
st. 1 : 59,
st. 5 : 44
mur entre st. 1 et st. 2 : 49
mur entre st. 3 et st. 4 : 15
enceinte contre loc. 1 : 27
25Le rapport de leur longueur sur leur épaisseur nous a donné une proportion en fonction de laquelle nous avons calculé le pourcentage de pierres provenant de chacun des secteurs envisagés. Le rapport de leur longueur sur leur épaisseur nous a donné une proportion en fonction de laquelle nous avons calculé le pourcentage de pierres provenant de chacun des secteurs envisagés.
26Un graphique a été établi (fig. 23). Il permet de définir deux types de courbes : celles des portions du mur d’enceinte et celles des portions de parements des structures rondes 1 et 5. Pour les premières, on remarque que des pierres de proportion longueur/épaisseur 1,3 et sur tout 2 ont été choisies tandis que pour les secondes, ce sont plutôt des pierres de proportion 3, 4, 5 et supérieure à 6 qui ont été utilisées.

● Fig. 23 – Graphique de distribution des pierres de construction des différentes structures en fonction de leurs proportions (rapport longueur/épaisseur).
27Premier ensemble : locus 1, mur 3‑4, mur 1‑2.
2840 à 47 % des pierres de chacun de ces trois secteurs ont un rapport longueur/épaisseur de 2. Nous avons donc majoritairement affaire à des pierres relativement massives. Il n’existe par contre qu’un faible pourcentage de pierres de proportion 5‑6, 7 % environ et donc très peu de pierres plates.
29Les proportions n’excèdent pas le chiffre 6. Les proportions 1‑3‑4 sont inégalement représentées. Si l’on considère séparément chacun des secteurs de ce premier ensemble, on constate dans le locus une quasi‑absence de pierres plates (85 % des pierres ont une proportion de 1 à 2) alors que pour les murs 1‑2 et 3‑4, les proportions moyennes (notamment 3) sont davantage représentées (de 18 à 27 %).
30Second ensemble : structure 5, structure 1.
31L’échelle des proportions est pour cet ensemble mieux représentée. Il n’existe pas de proportion dominante. La proportion 5, la plus fréquente pour la structure 5, ne représente que 25 % des pierres mesurées ; la proportion 3, la plus fréquente pour la structure 1 ne représente que 22 % des pierres mesurées. A défaut d’une proportion fortement majoritaire, le nombre des proportions représentées est plus important que dans l’ensemble 1. Les proportions 7‑8‑9, absentes dans l’ensemble 1, représentent pour chacun des secteurs de ce second ensemble, de 2 à 7 % des pierres mesurées. Ainsi les pierres apparaissent dans les structures rondes moins massives et plus plates que dans les cabanes ou l’enceinte, ce qui correspond aux observations faites en cours de fouille. Ces pierres ont été sélectionnées et l’on peut mettre en relation ce choix avec la technique utilisée (couverture en encorbellement).
1.3. Le secteur ouest (ou ensemble 1) : les structures et leur contenu archéologique (fig. 24)
1.3.1. La structures 5
32Située dans l’angle ouest de l’enceinte, la structure 5 a été fouillée au cours de deux campagnes, en 1978 et 1979 (fig. 25). Construite à la limite du plateau, pratiquement sur la rupture de pente et sur un substrat lapiazé, elle n’est pas parfaitement circulaire. La base de la construction, encore en élévation sur 0,8 m de haut, a subi des déformations et des fentes de décollement sont visibles dans le parement intérieur. Ces éléments, ajoutés à la morphologie du comblement, déjà décrit plus haut, suggèrent un éboulement massif. A l’origine, il y a sans doute un affaissement d’une partie des assises de base, favorisé par le soutirage karstique, la gravité ayant alors entraîné la chute de la construction. La dissymétrie n’est pas totalement imputable aux déformations subies. Il semble bien que, lors de la construction, la structure était déjà dissymétrique, car il aurait fallu déporter bien davantage le mur vers l’ouest pour obtenir un cercle parfait.

● Fig. 24 – Vue du secteur ouest depuis le N.‑O. ; au premier plan, la structure 5
cliché Colomer

● Fig. 25 – Plan de la structure 5
dessin Coularou
33Du point de vue du choix des matériaux, il n’y a pas de différence entre les parements intérieur et extérieur, les pierres les constituant étant en majorité des dalles de 0,50 sur 0,40 m de côté pour une épaisseur de 0,10 à 0,20 m. Les quelques rares blocs employés à la base sont beaucoup moins gros que dans les structures 1 et 2. Une dalle en saillie sur 0,30 m se trouvait fixée dans le parement intérieur, du côté nord ; cette dalle est placée en boutisse saillante (L : 0,55 m, 1: 0,30 m, ép. : 0,13 m) (fig. 26). Il s’agit probablement d’une étagère, placée à 0,35 m au‑dessus du sol. Ce type d’aménagement n’a été retrouvé dans aucune autre structure ronde.

● Fig. 26 – Pierre en saillie, « étagère », dans la structure 5
dessin Coularou
34Le dégagement du cailloutis superficiel a fait apparaître une couronne de dalles verticales contre le parement intérieur. Le centre était comblé par de grandes dalles à pendage accentué (60 à 70°) ; la direction générale de ce pendage est est‑ouest. Tout le comblement est constitué de dalles dont l’épaisseur varie de 0,10 à 0,15 m. Le cailloutis de gélifraction et les sédiments récents n’ont pas pénétré dans cette masse de pierre qui avait une puissance totale de 0,70 m. A la base de ce comblement, la couche archéologique était peu épaisse et même inexistante par endroits. Le mobilier, peu abondant et constitué essentiellement de céramique, reposait dans les dépressions du substratum. Ce substratum est un lapiaz très fragmenté. Les têtes de lapiaz déjà arrondies naturellement par la dissolution sous un ancien sol (cf. M. Ambert, I § 1) ont été martelées pour obtenir un sol plus régulier. Dans le passage donnant accès à la structure depuis la cabane 1, c’est toute une partie du lapiaz qui a été enlevée par percussion. Aucun autre aménagement du sol n’a été constaté et il n’y a aucune trace de combustion volontaire (foyer) ou accidentelle (incendie).
35Le dégagement des éboulis extérieurs à l’enceinte a permis de relever une coupe à l’extérieur de la structure 5. On y observe des empilements obliques de dalles. Ces dalles ont été bloquées après leur chute entre le parement extérieur et une tête de lapiaz. Le mobilier provenant de cette structure sera décrit dans un autre chapitre et sa répartition spatiale fait l’objet d’un développement spécifique (cf. III § 1.2.). Nous donnerons ici un bref inventaire.
36Céramique : 1 vase orné de pastilles ; 2 coupes dont une brisée sur place ; 2 grands panneaux appartenant à une jarre ; fragments d’un grand vase à cordon lisse.
37Lithique : 6 galets de rivière en schiste portant des traces de percussion ; 1 galet de quartz laiteux ; 1 nucléus polyédrique en silex blanc ; quelques éclats naturels de silex brûlé.
38Ossements : 1 esquille brûlée.
39Divers : 341 charbons de bois, dont de gros fragments.
40La position des fragments du vase orné de pastilles au repoussé apporte une information. Les plus gros fragments du vase se trouvaient pris entre les dalles du comblement sur une hauteur de 30 cm, le plus haut étant à 50 cm au‑dessus du sol. Vers la base du comblement et sur l’argile du fond, les fragments étaient plus petits. On peut donc reconstituer les étapes qui ont conduit à ce type de dépôt. Le plan de liaison des fragments jointifs montre que le vase se trouvait dans le couloir d’accès. La projection montre qu’il occupait une position haute. Comme il est peu probable que le vase ait été suspendu dans ce passage étroit, on pense plutôt à l’aménagement d’une niche dans la paroi. Lorsque le mur s’est éboulé, le vase a été brisé et les plus petits fragments sont descendus peu à peu à travers le comblement de dalles.
1.3.2. La cabane 1 (fig. 27 et 28)
41La cabane 1 repérée en 1976, fut fouillée de 1977 à 1981. Elle est par ses dimensions, le principal édifice du secteur ouest. La surface utile est de 37 m2 contre 20 m2 pour le locus 1 et 5 m2 pour la structure 5.

● Fig. 27 – Vue générale du secteur ouest de l’habitat depuis le S.‑E., après restauration des murs
cliché Colomer

● Fig. 28 – Cabane 1 et locus 1: représentation des principaux reliefs du lapiaz avec indication des traces de régularisation par piquetage du rocher (1), des colorations dues à l’incendie et au foyer central sur le rocher (2) et sur les murs (3).
1.3.2.1. Morphologie
42Les dimensions internes sont de 9,50 m de long pour 4,20 m de large. Les murs ont une épaisseur d’environ 1 m. La forme générale est celle d’un rectangle aux angles arrondis, la partie avant formant une abside avec une porte centrale. Le chevet s’appuie contre le mur de ceinture par l’intermédiaire d’un contre‑mur en petits moellons de second choix disposés en panneresse. L’épaisseur de ce contre‑mur est de 0,50 m. Derrière son parement, au fond de la cabane, se trouve un blocage de cailloux, le tout étant plaqué contre le parement intérieur du mur de ceinture. Bien que ce contre‑mur ait un tracé légèrement courbe, il ne forme pas un vrai chevet en abside. A l’ouest, la structure 5 est en saillie dans la cabane. La communication entre les deux structures se fait à cet endroit. Une porte a été aménagée entre la cabane et le locus 1, dans leur mur mitoyen.
43Les murs sont bâtis en moellons mais quelques blocs ont été insérés dans le parement intérieur. Ce sont des blocs de 0,40 m de haut environ pour 0,50 à 0,60 m de long. Le mur nord‑est comporte une dalle disposée en carreau dans le parement intérieur, non loin du fond de la cabane. Dans l’angle nord, un bloc parallélépipédique a été placé en boutisse dans le parement du contre‑mur. Il semble délimiter un espace vide dont l’autre paroi serait constituée par le parement intérieur du mur nord‑est de la cabane qui se prolonge jusqu’au mur de ceinture. Plusieurs explications sont envisageables : niche, cheminée...
44La hauteur des murs conservée varie de 0,10 à 0,70 m. Dans un premier temps, nous avions pensé que le mur de façade du locus était plaqué contre celui de la cabane qui aurait été construite antérieurement. Les travaux de restauration qui ont nécessité un démontage partiel des murs ont fait apparaître une construction unique, sans parement interne. Cette observation est importante car elle montre que dans le projet initial des bâtisseurs, il était nécessaire de juxtaposer deux cellules, communiquant entre elles. Il est probable que ces deux cellules répondaient à des fonctions complémentaires. L’analyse de la distribution des vestiges permettra de tester cette hypothèse.
1.3.2.2. Le remplissage (fig. 29)
45La fouille de la cabane 1 a montré que le remplissage présentait d’importantes variations d’épaisseur. Ces différences sont essentiellement dues aux irrégularités du sol rocheux.

● Fig. 29 – Coupe transversale N.‑S. du remplissage de la cabane 1
dessin Coularou
46Dans les deux tiers est de la cabane, le substrat calcaire est constitué de bancs épais de 0,50 m, inclinés à 45° vers l’est. L’extraction volontaire de dalles et blocs ou la destruction naturelle de strates ont créé un profil en dents de scie. Le dernier tiers est formé par un lapiaz arrondi, parcouru d’un réseau de diaclases orthogonales, mais formant un sol à peu près horizontal qui contraste avec l’aspect tourmenté de l’autre partie de la cabane. Ce sol se trouve à 0,30 m en contrebas de la zone précédente. En conséquence, la zone déprimée possède un comblement épais (0,70 m) alors qu’en certains points de la partie est, le cailloutis de surface repose directement sur le rocher qui affleurait par endroits, avant la fouille. Ces différences sont à l’origine de la variabilité d’épaisseur du comblement. Dans les parties les plus basses, les agents destructeurs, érosion karstique, gélifraction, racines, ont épargné les couches inférieures d’éboulis. Dans les parties hautes, ces mêmes agents, en nivelant murs et comblement jusqu’à l’état de surface actuel, ont fait presqu’entièrement disparaître la couche d’éboulis. Dans la zone ouest de la cabane, de nombreuses dalles provenant de l’éboulement de la structure 5 sont mêlées au comblement. Dès que l’on s’éloigne de cette zone, ce sont les moellons issus des murs de la cabane qui sont les plus nombreux. Les cailloux anguleux proviennent de l’éclatement de ces mêmes moellons. En surface, comme sur l’ensemble du site, les moellons ont été réduits à l’état de cailloutis.
47Sous ces éboulis et en contact direct avec eux, des plaquettes gréseuses se répartissent le long du mur nord‑est ainsi que dans l’abside antérieure, côté sud, le tout sur une largeur d’environ 1 m. Ces matériaux non locaux ont été étudiés par L. Damais (cf. III § 1.3) qui a déterminé leur lieu d’extraction probable. Sauf cas particulier où des tessons jointifs reposaient sur quelques dalles de grès, la quasi‑totalité de ces plaquettes recouvrait les vestiges mobiliers et on est amené à les considérer comme des éléments provenant de la toiture. Dans l’angle nord‑est de la cabane, deux dalles de grès fin avaient été posées à plat sur le sol, puis se sont fracturées en une cinquantaine de fragments, sans déplacements importants. Nous avons interprété ces plaques comme une sole de foyer. Certains fragments sont entièrement brûlés.
48Sous les couches de destruction des murs et sous les plaquettes de couverture, ont été retrouvés les vestiges mobiliers reposant directement sur le substratum rocheux ou sur l’argile rouge qui colmate le lapiaz. Une part non négligeable du mobilier était noyée dans cette argile. De nombreux cailloux sont mêlés à l’argile. On peut considérer qu’il n’y a pas de dépôt sédimentaire contemporain de l’occupation actuellement visible. Par endroits, des lentilles de terre brune humique ou de limons gris pulvérulents résultent d’infiltrations récentes ou de la décomposition de racines actuelles. Les creux importants séparant les arêtes rocheuses sont comblés par un remplissage d’argile rouge caillouteuse. Si une partie de ce remplissage est géologiquement en place depuis le Quaternaire, un apport volontaire lié à l’aménagement du sol ne peut être exclu dans certaines zones. En effet, ce comblement vient parfois s’appuyer contre les parements de la cabane, au nord‑est ou contre la partie du banc rocheux encore en place sous ces assises.
49L’étude géomorphologique réalisée par M. Ambert tend à montrer que le substratum local était en grande partie masqué par un sol avant l’installation des Chalcolithiques. Dès lors, l’extraction des matériaux de construction a nécessité un creusement préalable. En cours de fouille, nous avons rencontré quelques grosses souches de chênes verts encore en place. Ces racines ont par endroits soulevé et brisé des portions de substrat.
1.3.2.3. Le mobilier archéologique
50La description exhaustive du mobilier et l’étude de sa répartition dans la cabane font l’objet de chapitres séparés. Comme pour la structure 5, nous nous contenterons ici d’établir un inventaire sommaire des objets découverts en évoquant brièvement leurs conditions de dépôt.
51La céramique est l’élément majeur. Sa répartition n’est pas uniforme. Des groupements très denses de tessons ou de petites concentrations appartenant à des vases quasiment complets ou à d’importants panneaux contrastent avec des espaces vides (fig. 30). Les travaux de reconstitution ont permis d’identifier 34 vases dont 11 sont à peu près complets. A ces vases, s’ajoutent des groupes de quelques tessons ou des tessons isolés correspondant à 17 autres récipients. Le plan de répartition fait apparaître deux types de dépôt : les vases brisés sur place ou dont les fragments sont faiblement dispersés et les panneaux ou tessons isolés correspondant à des vases dont la majeure partie a été détruite ou évacuée au cours de l’occupation.

● Fig. 30 – Plan de répartition des fragments de poterie dans la cabane 1. Dans l’angle N.‑E. sole foyère en dalles de calcaire marneux
dessin Coularou
52Le matériel de broyage constitue en importance, la deuxième catégorie de mobilier. Une étude détaillée a été réalisée par H. Marchesi (cf. II § 2.3). 4 meules planes ont été identifiées dans la cabane ainsi que 3 molettes convexes et 5 broyeurs. Les meules ont été obtenues dans des blocs de poudingue provenant d’une zone peu éloignée du site. Il en est de même pour les molettes. Les broyeurs sont des galets de quartzite. L’outillage lithique n’est représenté que par un éclat de silex débité mais non retouché. Des blocs de chaille brisés en petits fragments ont été retrouvés près de la porte de la structure 5. Tous les éclats sont dus au feu et ne possèdent aucun stigmate de taille intentionnelle.
53L’industrie osseuse est absente. La faune est très rare : dents et fragment de mandibule d’ovi‑capridés ; fragments de molaire de cerf.
54Les macrorestes végétaux sont abondants. En premier lieu, nous trouvons des glands carbonisés disposés en amas et, dans un cas, contenus dans le fond d’un vase. Le poids total actuel de ces restes carbonisés est d’environ 1 kg. Dans l’angle nord‑est de la cabane, à côté de la sole foyère, on a découvert une trentaine d’arbouses carbonisées. Il faut aussi mentionner quelques baies de genévrier. Les charbons de bois étaient dispersés sur l’ensemble de la cabane sans concentration notoire, 500 charbons ont été soumis à l’analyse anthracologique.
1.3.2.4. Les foyers
55Nous avons signalé la présence, dans l’angle nord‑est, de plaques de calcaire gréseux non local fracturées en plusieurs morceaux. Certains morceaux sont nettement brûlés mais cendres et charbons sont absents. Cette sole occupe un espace subrectangulaire de 1,80 m sur 0,70 m. Une zone vide de mobilier la cerne.
56Dans la partie antéro‑centrale de la cabane, le substrat forme un large replat entre deux zones déprimées. C’est sur ce replat que se dessine, après humidification de la roche, une tache subcirculaire, d’un diamètre d’environ 80 cm, fortement colorée en bleu au centre et en rose à la périphérie. Cette coloration a le feu pour origine. La forme même de la tache, la disposition en auréoles concentriques des colorations et l’éclatement du substrat nous amènent à considérer cet ensemble comme un foyer à plat.
1.3.2.5. Les traces d’incendie (fig. 28)
57Ce n’est qu’à la faveur de pluies que des traces de forte coloration des parements intérieurs de la cabane et de certaines têtes de lapiaz apparaissent. Cette coloration, de teinte rose ou bleue affecte la quasi‑totalité du parement intérieur sur une tranche superficielle de 2 à 5 cm d’épaisseur. De même, les parties les plus saillantes du substratum sont colorées. Les plaquettes issues de la toiture ont, elles aussi, été colorées. Cette coloration est due à une chauffe importante qui résulte obligatoirement d’un incendie. Les expériences de combustion de roche locale que nous avons pu réaliser nous l’ont confirmé. La patine de la roche estompe les couleurs après un laps de temps assez court (quelques années) et seule une humidification les fait ressortir. Il nous a été facile de constater, à l’aide d’un pulvérisateur, que seul le parement intérieur de la cabane –tout comme celui du locus 1– porte de tels stigmates. La structure 5 ne présente aucune trace de coloration, pas plus que le mur de ceinture. L’incendie a donc consumé les parties inflammables des constructions du secteur ouest, c’est‑à‑dire les toitures.
58La structure 5, qui ne comportait pas de matériaux inflammables, a été épargnée. L’incendie a provoqué l’effondrement des toitures de la cabane et du locus et le feu a coloré les parements ainsi que les têtes de lapiaz qui émergeaient du sol. Le fait que seules ces parties saillantes du substrat aient été colorées montre que des sédiments recouvraient et ont ainsi protégé une grande partie du sol rocheux. Ces sédiments ont ensuite été entraînés par les ruissellements et les soutirages.
59Certains vestiges portent les stigmates de l’incendie : vase en cours de séchage cuit brutalement dans le locus 1 (analyse de J.‑C. Echallier, II § 2.2), broyeurs et blocs de chaille éclatés, meules en grès fragilisées et réserves de glands carbonisés. La conséquence principale de cet incendie a été l’abandon définitif de cette partie de l’habitat. Cet état de fait, en fossilisant ces espaces domestiques en cours d’occupation, facilite grandement leur étude archéologique.
1.3.3. Le locus 1 (fig. 27, 28 et 31)
60Nous avons brièvement évoqué l’existence de cette structure particulière dans la description générale qui précède. Il s’agit d’un espace délimité sur trois côtés par des murs appartenant à d’autres structures. Au fond, c’est le parement extérieur de la structure 5, doublé par un contre‑mur, qui ferme le locus. A l’ouest, le mur de ceinture lui‑même, d’ailleurs renforcé extérieurement par un contre‑parement, sert de mur gouttereau au locus. A l’est, c’est le mur gouttereau de la cabane 1 qui sert également au locus. Au sud‑est, il suffisait d’ajouter un mur de façade, avec porte centrale pour parachever la fermeture de cet espace et le rendre accessible depuis l’espace central de l’enclos. Le locus 1 a une longueur de 8 m et sa largeur varie de 3,50 m vers l’entrée sud‑est à 2,20 m au centre et 1,60 m au fond. La communication avec la cabane 1 était rendue possible par l’aménagement d’une porte ouverte dans le mur mitoyen. Nous avions noté que les deux façades, celles de la cabane et du locus, avaient été construites en une seule fois puisqu’elles s’interpénètrent dans leur masse. Ce détail de construction confirme, s’il en était, la complémentarité des deux édifices accolés. Plus petit que la cabane, le locus apparaît comme une cellule adventice dont la fonction est étroitement liée à celle de la cabane. La comparaison des vestiges contenus dans ces deux structures devrait permettre de préciser ce point. Avec la structure 5, dont l’unique accès passe par la cabane 1, on se trouve en présence d’un ensemble constitué par trois cellules de surface inégale mais qui ont été utilisées conjointement.

● Fig. 31 – Vue du locus 1 en cours de fouille. On note dans la partie centrale la couche de lauzes de toiture effondrées
cliché Colomer
1.3.3.1. Le remplissage (fig. 32)
61Le cailloutis de gélifraction est ici moins épais que dans la cabane 1. Dès la surface, se rencontrent des pierres provenant de l’éboulement des murs. Dans la moitié sud, le jeu de l’érosion a considérablement réduit l’épaisseur de cette couche de destruction. Celle‑ci varie de 0,20 à 0,50 m selon les zones. Les pierres sont souvent fracturées et, dans la tranche supérieure, réduites en éclats.

● Fig. 32 – Coupe transversale N‑S. du remplissage du locus 1 dans la partie antéro‑centrale
dessin Coularou
62Immédiatement au‑dessous de cette première couche, apparaît dans les zones centrale et antérieure une nappe quasi continue de plaquettes de calcaire ou de grès d’origine allochtone. Cette nappe a par endroits près de 0,30 m d’épaisseur. Presque toute la partie antérieure du locus en est couverte. Il s’agit de toute évidence de plaquettes mises en place sur la toiture par les Chalcolithiques. Le volume total des plaquettes extraites du locus, amputées des petits fragments évacués avec les déblais, est de 0,70 m3. Ces matériaux sont beaucoup plus abondants que dans la cabane 1. Le mobilier archéologique est dans sa quasi‑totalité situé au‑dessous de ces plaquettes, ce qui confirme leur utilisation comme matériau de couverture. Comme dans la cabane 1, certaines dalles se trouvaient à la base du remplissage, sous les tessons de poterie et le plus souvent enfoncées dans l’argile rouge qui colmate le substrat. Il s’agit probablement là encore d’un dallage ponctuel qui n’a jamais recouvert de grandes surfaces, mais devait régulariser et renforcer çà et là de petites cuvettes argileuses. A l’examen du plan de répartition des plaquettes dans le locus, on est frappé par leur rareté dans la partie arrière de la structure, rareté qui contraste avec leur extrême abondance dans la partie avant. Nous reviendrons plus loin sur cette question.
63Le mobilier archéologique constitué principalement de céramique, mais aussi de groupes de meules et de très nombreux glands carbonisés, repose entre ce remplissage pierreux et le substrat. Celui‑ci présente, comme dans la cabane 1, deux aspects. Il s’agit par endroits de têtes de lapiaz formant des replats souvent piquetés par les constructeurs qui ont cherché à aplanir le sol, ou d’arêtes anguleuses, elles aussi partiellement piquetées sur les parties les plus tranchantes. L’argile rouge comble la plupart des cuvettes et rigoles karstiques. Le mobilier est parfois noyé dans la tranche supérieure du sédiment. Des fissures et diaclases ont joué le rôle de suçoirs, entraînant en profondeur des vestiges mobiliers et soutirant le colmatage argileux. Ces phénomènes de soutirage ont joué un certain rôle dans la fragilisation des murs. C’est ainsi que le mur de façade, côté sud‑ouest, s’est affaissé dans une fissure, les assises dessinant alors une sorte de « synclinal » particulièrement bien visible sur le parement intérieur.
1.3.3.2. Les traces d’incendie (fig. 28)
64L’incendie qui a affecté la cabane 1 a aussi laissé de nombreuses traces dans le locus. La totalité du parement intérieur est colorée sur une frange peu profonde (2 à 3 cm). Les teintes roses, mauves ou franchement bleues apparaissent nettement après humidification des parois. Comme dans la cabane 1, les têtes de lapiaz sont colorées. Certaines pierres ont éclaté au feu et des objets, comme un broyeur‑percuteur, également. Des meules en grès grossier, chauffées par l’incendie ont perdu leur dureté et s’effritent facilement au toucher. Dans la zone centrale, un vase de forme aberrante avait attiré notre attention. A des fragments absolument plats, s’opposaient des tessons à très forte courbure. La plupart des tessons de ce vase présentent des craquelures profondes. L’étude pétrographique effectuée par J.‑C. Echallier montre que le récipient était gorgé d’eau lorsqu’il a été fortement chauffé. Il est à peu près certain que ce vase était en cours de fabrication au moment de l’incendie du locus.
1.3.3.3. Le mobilier archéologique
65Comme pour la cabane 1, nous donnerons ici un inventaire sommaire du mobilier recueilli, descriptions et études de répartition faisant l’objet de chapitres séparés.
66La céramique est, comme dans la cabane 1, l’élément dominant. Les vases encore entiers ou brisés sur place et les amas de tessons correspondant à plusieurs vases brisés et dispersés sur une faible surface évoquent un abandon rapide de l’habitat et l’absence de réutilisation après l’incendie (fig. 33 à 35), Des fragments isolés ou des vases représentés par quelques tessons seulement peuvent faire penser à des nettoyages effectués au cours de l’occupation. Ils sont toutefois minoritaires. Le long travail de reconstitution a permis d’isoler 24 récipients. 10 vases ont pu être complètement restitués graphiquement. Une quinzaine de vases ne sont représentés que par quelques fragments bien identifiés, mais de nombreux tessons n’ont pu être raccordés à aucun vase faute d’éléments caractéristiques. Le nombre total de récipients identifiés, quel que soit le nombre de fragments conservés ou reconnus, est de quarante.

● Fig. 33 – Plan de répartition des fragments de poterie dans le locus 1
dessin Coularou

● Fig. 34 – Locus 1, carré AN 21. Vase sphéroïdal complet déposé dans l’angle sud, l’embouchure vers le bas. Le fond de ce vase porte une petite perforation ronde intentionnelle
cliché Colomer

● Fig. 35 – Locus 1, carré AM 22. Jarre à carène haute brisée sur place prés du mur de façade
cliché Colomer
67Le matériel de broyage est bien représenté dans le locus 1. L’étude morphologique, réalisée par H. Marchesi fait ressortir la présence de 8 meules planes ou concaves en grès grossier, d’une autre meule ou molette, de 2 broyeurs et de 4 molettes de concassage. Les meules étaient regroupées en deux amas le long du mur ouest, à l’exception de deux pièces isolées. Le silex est très rare dans le locus. La seule pièce avérée est un racloir transversal sur fragment de plaquette de silex lacustre. Les quelques éclats proviennent de blocs de chaille brisés par l’incendie.
68Les macrorestes végétaux sont abondants. Il s’agit principalement de glands carbonisés répartis par grands amas dans la zone antéro‑centrale du locus. Un petit vase caréné contenait une poignée de glands carbonisés. Ces restes calcinés ont actuellement un poids total de 2 240 g. L’étude de leur répartition spatiale suggère la présence de réserves alimentaires (cf. III § 2.2). Parmi les 145 charbons de bois confiés à l’étude anthracologique, 86 sont indéterminables ; les autres se rapportent principalement au Chêne vert. Une trentaine de graines de légumineuses indéterminables proviennent de la partie avant du locus. Elles ont été trouvées dans la tranche supérieure d’argile rouge. De cette zone, proviennent également quelques rares grains de blé et d’orge et une dizaine de baies de genévrier.
69La faune n’est représentée que par quelques rares esquilles dont certaines sont brûlées.
Notes de bas de page
1 Dans ce chapitre, comme dans les autres parties du présent ouvrage, nous employons de façon équivalente les expressions : mur de ceinture ou enceinte. Notre préférence va cependant au premier syntagme qui présente l’avantage d’éviter la forte connotation défensive ou militaire du terme d’enceinte. Nous nous trouvons en effet au cœur d’un débat qui agite encore le microcosme archéologique et qui oppose les militaristes aux écolo‑pacifistes. Nous pensons nous situer en dehors de ce faux débat et le vocabulaire descriptif utilisé restera le plus neutre possible. En ce sens, on comprendra que nous ayons employé l’expression : structures rondes pour désigner les constructions circulaires occupant les angles de l’habitat ceinturé. L’évidence archéologique nous interdisait de toute façon de parler de tours, puisque effectivement elles n’en sont pas.
Auteurs
34, rue Henri‑Barbusse, 93130 Noisy‑le‑Sec
Direction des Antiquités du Languedoc‑Roussillon, 5 bis rue de la Salle‑l’Evêque, 34000 Montpellier
Centre d’anthropologie des sociétés rurales, UPR 290 du CNRS, 56 rue du Taur, 31000 Toulouse
CNRS, ERA 36 du centre de recherches archéologiques, Sophia Antipolis, 06565 Valbonne cedex et Direction des Antiquités du Languedoc‑Roussillon
Faculté des sciences, 2 bd Lavoisier 49045 Angers
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