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Boussargues (Argelliers, Hérault)

 | 
Albert Colomer
, 
Jacques Coularou
, 
Xavier Gutherz

Première partie. Le milieu naturel et le contexte culturel

3. Évolution des garrigues

Jean‑Louis Vernet

Résumé

Ce chapitre présente de façon synthétique le bilan des connaissances sur l’histoire du paysage méditerranéen établies grâce à l’anthracologie.

A partir du point de départ glaciaire, les grandes lignes de l’évolution des paysages végétaux sont tracées. Pour ce qui est du Postglaciaire, quatre grandes phases peuvent être décelées. La phase 1 (de la fin du Postglaciaire au Boréal) se caractérise par une amélioration climatique marquée par l’essor du Genévrier. La phase 2 (8000‑6000 BP) voit la disparition des végétations tardiglaciaires au profit des chênaies, principalement caducifoliées. La phase 3 (6000‑4500 BP) est une phase où commence la régression des végétations forestières. Les transformations liées à l’essor de l’agriculture prennent le pas sur les processus climatiques. La phase 4 (à partir de 4500 BP) est la suite logique de la précédente. Les techniques métallurgiques accentuent la pression anthropique et la garrigue revêt quasiment son aspect actuel.

Texte intégral

3.1. Introduction

1Le paysage méditerranéen que nous connaissons a une histoire ; la connaître, c’est comprendre ipso facto comment vivaient nos ancêtres de la préhistoire. Quelle est l’origine du Chêne vert, du Chêne pubescent et de ces formations si particulières que sont les garrigues ?

2Etymologiquement, la garrigue est une formation peu élevée dominée par le Chêne kermès (Quercus coccifera) mais, par extension, dans le Midi, elle désigne toutes les formations de ligneux bas : cistaies, taillis de Chêne vert, formations à Bruyère et Romarin, à Buis, etc. A côté d’elles coexistent des chênaies de Chêne pubescent, des bois de Pin d’Alep et même de Pin noir de Salzmann. Par ailleurs, les garrigues sont connues comme étant souvent des formations régressives, c’est‑à‑dire provenant de la destruction de formations forestières antérieures par l’abus du pâturage, les défrichements et l’incendie. Mais il existe aussi des formations progressives comme celles à Genévrier, à Spartium junceum, se développant à partir des cultures abandonnées. Le phénomène est très visible à l’heure actuelle où la déprise est très nette. Ainsi depuis les gelées de 1956, nombre de parcelles en Olivier ont été abandonnées. On assiste en leur lieu et place à une progression de la forêt méditerranéenne (Pin d’Alep mais aussi Chêne vert ou Chêne blanc) qui ne va pas sans un certain désordre (« embroussaillement »).

3La préhistoire de nos paysages méditerranéens peut être abordée par l’analyse pollinique et par l’analyse anthracologique. La première demande des dépôts favorables que souvent seules les tourbières littorales ou d’altitude peuvent fournir. L’analyse anthracologique a pour objet l’étude de bois directement prélevés par l’homme dans le milieu végétal. Elle est pour cela d’un apport intéressant pour l’archéologue, puisque l’on est sûr d’étudier du bois qui a été en contact avec l’homme lui‑même. De nombreux travaux réalisés dans la région méditerranéenne et portant sur plusieurs dizaines de milliers de charbons de bois montrent que l’anthracologie permet de connaître à la fois le milieu végétal (paléoécologie) et l’impact de l’homme (palethnobotanique). Les charbons de bois sont prélevés dans les dépôts préhistoriques en distinguant bien foyers et couches ; ces dernières accumulant les rejets successifs sont les plus susceptibles de nous renseigner sur le milieu.

4Nous verrons plus loin comment le Néolithique moyen et le Chalcolithique avec l’usage du métal ont joué un rôle fondamental dans la genèse des paysages actuels. Mais l’on ne peut comprendre la dynamique postglaciaire que si l’on a un aperçu, même succinct, du point de départ glaciaire.

3.2. Le point de départ glaciaire

5Le Languedoc a fourni plusieurs sites fondamentaux pour cette période, celui de l’Hortus (Lumley 1972) étant le mieux étudié pour la période allant de 50000 à 35000 BP. Un abondant matériel paléontologique a pu être exploité ; nous résumerons les données sur la végétation acquises grâce aux pollens et aux charbons de bois (Renault‑Miskovsky, Vernet in Lumley 1972).

6Deux parties importantes sont à considérer. A la base, tout d’abord, peut être mise en évidence une végétation de forêts humides avec Chêne à feuillage caduc, Pin et Bouleau. Le Bouleau est un marqueur intéressant caractéristique des régions à étés arrosés et de sols pauvres, érodés. Si bien que l’on peut considérer que la base du remplissage traduit des conditions de climat bien différentes de celles que nous connaissons actuellement, climat de type océanique ou plus vraisemblablement continental du fait de l’influence de la glaciation. Ensuite, un changement apparaît, marqué par la disparition du Bouleau et l’augmentation du Genévrier puis des espèces méditerranéennes dont le Chêne vert. Le climat devient plus sec avec végétation steppique et arbres thermophiles, ces derniers bénéficiant du refuge procuré par la falaise de l’Hortus. Paradoxalement, les hivers ont pu être plus froids que précédemment. On a ici un demi‑cycle de végétation, humide‑sec ; pour avoir un cycle complet, il faudrait revenir à la forêt développée sous climat humide.

7Les grottes de la vallée du Gardon ont fourni des remplissages pour la période 30000 à 13000 BP. Cette période est très froide plus particulièrement vers 18000 / 20000 BP (Bazile‑Robert 1981). Une période humide se place aux environs de 30000 BP complétant le cycle vu à l’Hortus. Au cours de cette période à climat relativement doux, chênes à feuillage caduc mélangés aux chênes verts composaient les forêts. Le Hêtre est présent à 31000, 28000 et 13000 BP au cours de périodes tempérées. Puis se place une phase à Genévrier qui termine cette période humide. Elle précède l’arrivée d’une formation tout à fait différente qui va se centrer autour de 20000 BP et est caractérisée par le Bouleau, le Pin sylvestre et une faible représentation de plantes de climats plus tempérés comme le Pin noir de Salzmann, le Buis, etc. La végétation était très ouverte. Après 20000 BP, le climat va se réchauffer et cela se traduit par la remontée rapide du niveau de la mer et le retour des espèces méditerranéennes. Le Bouleau va disparaître à la fin du Magdalénien, vers 11000 à 12000 BP, c’est‑à‑dire avec le premier grand réchauffement important appelé Alleröd.

8Dans les régions méditerranéennes, la disparition du Bouleau signe le passage des climats continentaux humides aux climats méditerranéens à sécheresse estivale prononcée. La végétation würmienne peut être comparée à l’actuelle sur la base des étages de végétations. Les phases froides s’apparentent aux végétations montagnardes. Les périodes tempérées reproduisent des conditions à Chêne vert et Chêne à feuillage caduc tout à fait analogues au mésoméditerranéen supérieur que l’on retrouvera au cours de l’Holocène. Le passage froid‑tempéré doit, en fait, comprendre la succession suivante : montagnard –oroméditerranéen– supraméditerranéen et mésoméditerranéen.

9On peut quantifier thermiquement cette amplitude et voir qu’elle se situe dans une fourchette maximale de 10°C, valeur conforme aux données communément fournies par les paléoclimatologues sur la base du rapport isotopique O18/O16.

3.3. Le postglaciaire

10Lorsque l’on considère maintenant la dernière période, le Postglaciaire, elle apparaît comme l’une des plus importantes pour l’évolution de l’homme puisque c’est au cours de celle‑ci que s’accomplira la sédentarisation et la néolithisation. Les techniques du métal interviendront ensuite. Les nombreux résultats accumulés par l’anthracologie montrent que les dix derniers millénaires de l’évolution de l’homme méditerranéen peuvent être schématisés en quatre grandes périodes ou phases (Vernet, Thiébault 1987).

3.3.1. Phase 1

11C’est la phase de transition avec le dernier glaciaire et sa végétation froide de type montagnard. Elle est caractérisée, entre 10000 et 8000 BP par l’établissement de forêts ‑ steppes à Pin sylvestre et Genévrier coexistant avec les steppes d’Armoise et Chenopodiacée des palynologues (Triat‑Laval 1978)‑, impliquant très vraisemblablement un climat méditerranéen semi‑aride froid (2 < m < 0) qui peut être comparé à celui de l’étage oroméditerranéen ou variante plus méditerranéenne du montagnard. Les analyses montrent, dans le détail et de façon très régulière, que cette phase 1 admet deux subdivisions, l’une ou sous‑phase 1 a est plus exactement la période qui rappelle le plus la végétation du maximum du froid du dernier glaciaire mais sans certains marqueurs et notamment sans le Bouleau. Elle se termine vers 9000 BP et peut aussi être corrélée avec la fin du Dryas récent des palynologues. La sous‑phase 1 b est caractérisée entre 9000 et 8000 BP environ par la dominance anthracologique du Genévrier. Il s’agit bien d’une période d’amélioration climatique. En Andorre (Vernet, Krauss‑Marguet 1985), c’est avec elle qu’apparaît le Sapin, indiquant le passage du subalpin au montagnard dans la vallée. On ignore encore avec précision l’identité des genévriers de cette sous‑phase 1b. Il pourrait s’agir de genévriers méso‑ à supraméditerranéens que sont Juniperus oxycedrus ou d’espèces à plus grande amplitude écologique comme Juniperus phœnicea. On sait que ce dernier peut croître indifféremment depuis l’étage thermoméditerranéen jusqu’à l’oroméditerranéen. Juniperus thurifera, lui, est plus caractéristique du supraméditerranéen et surtout des formations oroméditerranéennes. Mais il n’a pu jusqu’ici être mis en évidence.

12La phase 1 inclut donc le plus souvent la fin du Tardiglaciaire avec le Dryas récent mais surtout le Préboréal et la plus grande partie du Boréal de la chronologie classique. Du point de vue préhistorique, la phase 1 traduit les conditions écologiques des populations épipaléolithiques et mésolithiques de chasseurs‑cueilleurs.

3.3.2. Phase 2

13Cette phase est capitale pour comprendre l’écologie préhistorique. Elle est marquée à partir de 8000 BP et jusque vers 6000 BP par la disparition des végétations précédentes au profit des forêts de Chêne à feuillage caduc et de Chêne vert, le Chêne caducifolié étant largement dominant. Cette installation se fait dans un contexte encore mésolithique, puis les premiers Néolithiques apparaissent. On peut aujourd’hui chiffrer à 1 millénaire et sans doute moins l’intervalle qui sépare l’installation des forêts de l’optimum forestier holocène et celle des Néolithiques. Dans l’hypothèse où les conditions écologiques sont à la base, au moins en partie, du processus de néolithisation, on a là un résultat intéressant que l’on peut laisser discuter aux ethnologues et aux sociologues.

14Au cours de la fin du Mésolithique puis durant le Néolithique ancien, la forêt est exploitée par l’homme qui prélève bois et feuillage pour ses besoins domestiques et pour la nourriture du bétail. On a pu montrer ainsi que l’usage du feuillage de Frêne comme fourrage vert d’appoint aux bovidés est une pratique ancienne, mésolithique, qui a culminé au Néolithique pour perdurer jusqu’à nos jours, en particulier dans le Vercors (Thiébault 1983).

15Les analyses anthracologiques pour cette période 8000/6000 sont parmi les plus riches en espèces que l’on connaisse. On y rencontre une grande diversité d’essences typiques surtout dans les régions supraméditerranéennes comme en Andorre par exemple à la Balma Margineda. Parmi ces taxons qui correspondent tous aux taxons polliniques (Tilia, Ulmus, Acer, etc.) aucun ne présente de sur‑représentation notable. Bien au contraire, des espèces comme le Bouleau ou le Buis qui caractérisent de nos jours les formations régressives en montagne et dans les collines méditerranéennes ne sont que peu représentées.

16Nous concluons que la fin du Mésolithique et le Néolithique ancien sont des périodes d’exploitation équilibrée du milieu. Rien ne vient prouver la détérioration du tapis végétal ou plus exactement si exploitation il y a, et cela nous ne le savons pas, elle ne provoque pas la déchirure des végétations.

17Ces résultats ne concernent que les zones marginales de la région méditerranéenne comme le Languedoc – Roussillon, voire la Provence, encore que cette région présente une certaine originalité qui l’apparente avec des régions beaucoup plus chaudes comme celles d’Espagne sous le 40e parallèle (Vernet et alii 1983).

3.3.3. Phase 3

18C’est au milieu de la période atlantique des palynologues, vers 6000 BP que commence la phase 3 ou première phase de régression des végétations forestières. On peut dire que, si au Néolithique ancien, l’équilibre régnait, avec les Chasséens c’est la rupture. Le Néolithique moyen puis le Néolithique final et sa spécialisation en petites communautés indiquent les limites de cette phase 3.

19Les caractères de cette phase sont bien marqués par une accentuation, dans les analyses anthracologiques, des restes de Buis mais aussi de Chêne vert alors que le Chêne à feuillage caduc amorce un déclin inexorable. Le Pin d’Alep est très bien représenté en Provence à cette époque et, bien sûr, en Espagne chaude (Grau‑Almero 1984). Les témoins de l’agriculture s’intensifient aussi. Ces changements sont tellement importants qu’ils masquent toute fluctuation climatique. En d’autres termes, l’action de l’homme atteint au cours de cette époque une intensité telle qu’elle devient désormais le « moteur » de l’évolution des écosystèmes. Sans aller jusqu’à dire que toute la végétation est transformée et prend son aspect actuel, il est certain que l’on s’en rapproche beaucoup.

3.3.4. Phase 4

20C’est la dernière phase que l’on peut mettre en évidence pour le moment ; elle est la suite logique de la précédente et traduit la poursuite de la régression des végétations à partir de 4500 BP. L’invention des techniques métallurgiques pèse d’un grand poids dans l’exploitation des milieux. La garrigue prend alors son aspect pratiquement actuel qui ne sera affiné que plus tard. L’analyse pollinique des sédiments de l’étang de l’Or (ou de Mauguio) (Planchais 1982), permet d’avoir une approche détaillée de cette ultime phase :

  • a 4760/4460 BP ; Quercus ilex et Quercus suber sont présents dans la végétation régionale, ce dernier sur les substrats non calcaires ; le Pin d’Alep est très rare dans toute la séquence pollinique et les pollens observés proviennent de loin ; on note un très fort pourcentage de pollens de Hêtre ; cela signifie‑t‑il que le Hêtre a continué à subsister dans des refuges jusqu’à une époque proche de l’actuelle ? (on rappellera qu’il est présent dans les dépôts archéologiques de la vallée du Gardon au Paléolithique supérieur) ;

  • b 4460/2800 BP : légère décroissance des pollens de Quercus suber, augmentation de Quercus ilex ;

  • c 2800/2770 BP : décroissance à la fois de Quercus ilex et de Quercus suber ;

  • d 2270/1300 BP : important accroissement d’Erica arborea et de Quercus ilex ; la culture du Noyer et de l’Olivier commence (colonisation romaine) ;

  • e 1300 BP à l’actuel : augmentation des pollens de Cupressacées (Genévrier probable), extension de la culture de l’Olivier, décroissance et disparition d’arbres comme Quercus ilex et Fagus sylvatica.

21Triat‑Laval (1978) avait posé le problème de la survivance du Hêtre à l’étage mésoméditerranéen. Il est à nouveau posé avec l’analyse pollinique de l’étang de Mauguio. Pourtant, les analyses anthracologiques réalisées à ce jour ne semblaient pas confirmer la présence du Hêtre en Languedoc en dehors du dernier glaciaire (Bazile‑Robert 1981). Le Hêtre est absent des niveaux mésolithiques, néolithiques et des âges des Métaux aussi bien de basse Provence que du Languedoc. Il a été rencontré, toutefois, en Ligurie et de façon exceptionnelle (Vernet 1970, 1974) ce qui accrédite l’idée de refuges. Mais l’on peut se demander pourquoi ces refuges n’étaient pas exploités dès le Mésolithique. Or, de nouvelles données anthracologiques pour les périodes romaine et médiévale permettent maintenant de renouveler notre approche. Ce sont des données qui sont en cours de publication mais que l’on peut résumer ici : dans les forêts mésophiles néolithiques de la région de Nice, le Hêtre était présent à côté du Chêne à feuillage caduc (entre 5420 et 4500 BP) puis une importante période d’érosion modifie le paysage, la forêt s’ouvre (Vernet in Dubar et alii 1986).

22Le site archéologique de Médor à Ornaisons a fourni trois unités archéologiques superposées attribuées au Chalcolithique, au Bronze final et à une période tardiromaine ou médiévale ancienne. Dans les niveaux chalcolithiques à Bronze, la flore anthracologique est tout à fait semblable à celle que l’on rencontre au cours du Néolithique avec Chêne vert et Chêne pubescent. A partir de l’unité supérieure on voit dominer le Pin d’Alep jusque‑là absent, « accompagné « du Hêtre. Le Chêne pubescent régresse et la culture de la Vigne fait son apparition (Vernet in Guilaine et alii 1989). Ajoutons que l’étude fine de restes ligneux de dépôts bien datés du Moyen Age vient encore démontrer l’abondance de taxons mésophiles comme le Hêtre ; on a même noté la présence du Sapin. Ces études anthracologiques médiévales sont couplées à l’étude des textes (Durand in Durand, Vernet 1987) et l’on peut finalement arriver à une interprétation qui tient compte des refuges, des analyses polliniques, des défrichements, des mises en culture et de l’occurrence fréquente à partir de l’époque romaine de restes de taxons mésophiles tel le Hêtre.

3.4. Conclusion

23Partons d’abord de l’idée suivante très classique : c’est au Moyen Age que les défrichements ont conduit aux paysages actuels. C’est en particulier l’idée des historiens. Autre idée qui a cours : depuis le Néolithique, la végétation que l’on observe est très dégradée. Nous avons montré que l’on peut fixer au Néolithique moyen le point de départ de cet impact régressif de l’homme sur le milieu. Les textes l’attestent : au Moyen Age, même en région méditerranéenne, il y a eu des défrichements importants. Si les garrigues étaient dans l’état où elles sont aujourd’hui, on ne voit pas très bien ce qui a pu être défriché. Or on a tout lieu de croire que les défrichements importants de l’époque romaine nécessités par l’implantation du vignoble narbonnais ont affecté les zones de plaine, les dépressions, celles où la chênaie pubescente était bien représentée sur des sols profonds particulièrement aptes à la culture. Le Hêtre, qui, rappelons‑le, atteint très facilement le supraméditerranéen peut aussi, dans des conditions de pluviométrie convenable, se mêler au Chêne vert dans le mésoméditerranéen supérieur. Du point de vue écologique, rien ne s’oppose à sa présence en plaine pourvu que les conditions pédologiques viennent compenser le déficit pluviométrique estival. A cet égard, la forêt de Valbonne près de Pont‑Saint‑Esprit est le témoin vivant de notre thèse. Bien entendu, elle n’a pas été détruite car depuis le Moyen Age elle a servi de léproserie puis de résidence à une communauté monacale. Or, l’exploitation de la plaine pour y installer de grandes cultures suppose un outillage particulier que seul le métal est en mesure de permettre. Du Chalcolithique à l’époque romaine, l’exploitation du milieu nous paraît relever encore de la tradition néolithique, à savoir utilisation essentielle des sols de garrigues. C’est le perfectionnement de l’outillage qui permettra d’intervenir sur des terrains de plus en plus lourds. On peut remarquer que l’invention de la charrue à versoir, très adaptée à ce type de travail, n’intervient que fort tard. Pour certains, elle serait médiévale. D’autre part, les textes de cette époque (Durand in Durand, Vernet 1987) montrent que de nouveaux terroirs ont été conquis au Moyen Age sur les sols lourds alluviaux, en particulier ceux qui bordent les fleuves méditerranéens voire les lagunes. On comprend alors le processus : c’est à l’époque médiévale que disparaissent les espèces mésophiles telles que le Hêtre ou le Sapin qui subsistaient jusqu’alors dans une situation sans doute très précaire de refuges. On explique alors les forts pourcentages de pollens de Hêtre à Mauguio (sols lourds d’alluvions) et pourquoi les macrorestes le révèlent au moment précis où il disparaît des spectres polliniques du Moyen Age.

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1990

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