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Les peintures postglaciaires en Provence

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Philippe Hameau

3. Répartition

Texte intégral

3.1. Choix des vallées

1L’état actuel de la recherche ne permet pas d’affirmer qu’il y ait eu un choix des vallées où l’on rencontre les sites ornés. Les premières découvertes ont été fortuites. Ensuite, les chercheurs ont trouvé des cavités peintes dans les mêmes vallées parce qu’ils les cherchaient là (voir l’historique des découvertes dans la vallée du Carami et dans les gorges d’Ollioules). En fait on a longtemps porté l’attention sur le remplissage des grottes en délaissant les abris et les cavités sans possibilités stratigraphiques. La visite de ces derniers et une attention portée à leurs parois devraient porter leurs fruits et provoquer de nouvelles découvertes ; ce qui est actuellement le cas. On ne possède pas non plus la totalité des peintures et il faut faire un effort d’anticipation pour évaluer leur ampleur. Par exemple, les deux tiers du panneau peint de l’abri A des Eissartènes ont disparu. Toutefois, il n’est pas possible de systématiser le phénomène de destruction des peintures. Le soleil n’a fait qu’atténuer la vivacité des teintes du panneau A de la grotte Chuchy. La pluie n’a pas réussi à faire disparaître le sujet peint à l’entrée de la grotte des Cabro ou la grande figure exécutée en avant du porche de la grotte de l’Olivier. Au contraire nous sommes certain que des figures ont disparu à la grotte Dumas à cause des nombreux traits sans suite qui accompagnent le sujet principal. Nous avons même observé une dégradation rapide des figures entre 1943, date des premiers relevés, et aujourd’hui pour les figures n° 1 de l’abri Dalger no 3, pour la figure n° 4 de la grotte Monier ou pour les figures n° 1 de l’abri Hillaire. En l’espace de quarante ans, la peinture de la grotte du Charbonnier ainsi que celle du Poste du Lazaret ont disparu.

2La calcite et les coulées stalagmitiques doivent recouvrir certaines représentations ainsi que le fait l’altération noire fréquente dans les cavités des gorges d’Ollioules, ce qui rend presque invisibles les peintures de la grotte de la Béate du Destel. Que dire, enfin, des peintures réalisées dans les grès de la Jaume ou de Sainte‑Anne ; malgré nos prospections, nous n’avons pas trouvé de nouvelles peintures, mais le grès est une roche qui se transforme naturellement en sable (le sable de Sainte‑Anne est communément utilisé dans le bâtiment). Le mamelon Georgeot lui‑même n’a pas été épargné par l’extension du front de taille d’une exploitation de grès. On ne note pas d’orientation préférentielle des vallées puisque la région des gorges d’Ollioules, par exemple, offre toutes les possibilités sur ce point. Le choix n’est pas non plus de nature géologique puisque, même si la majorité des cavités considérées est en zone calcaire, il s’agit de grès pour les abris Georgeot et de la Toulousane, de rhyolites pour la grotte de l’Olivier et d’anagénite pour le gias du Val d’Enfer.

3Dans quatre cas la cavité peinte est isolée dans sa vallée. Les Préhistoriques avaient pourtant à leur disposition un grand nombre de cavités, notamment dans les moyennes gorges du Verdon, mais apparemment ils n’ont exécuté des peintures que dans la grotte de l’Eglise. Dans le vallon du Gueilet, les grottes sont quasi inexistantes et ils n’ont pas craint d’utiliser un abri sous roche. Ils n’ont donc pas choisi ces vallées pour l’ensemble des possibilités qu’elles offraient. Prétendre qu’il s’agit de lieux « privilégiés » est du domaine de la subjectivité et peut convenir à de nombreux sites qui ne sont pas ornés. Dans les gorges du haut Carami, on note une concentration relative des grottes choisies, bien que là encore toutes les cavités n’aient pas retenu l’attention. Dans la zone comprise entre les grottes ornées les plus éloignées entre elles, l’abri du Poste du Lazaret et la grotte des Cabro, une grotte sur trois a été ornée. On ne compte pas les simples renfoncements comme le trou des Deux Amis qui porteraient la proportion à un dixième. Dans les gorges d’Ollioules, les grottes ornées sont plus disséminées ; plusieurs kilomètres séparent le mamelon Georgeot de la grotte Chelo. Il n’y a guère que les trois cavités de la Barre du Taillan qui puissent être considérées comme une concentration. Toutefois, dans l’ensemble des cavités de cette région, les trois sites peints de la Barre du Taillan, les deux sites du massif de la Ripelle, la grotte de la Béate de Destel et la grotte Monier forment un groupe axé sur le confluent de la Reppe et du Destel. Lorsqu’il s’agit de sites qui dépendent des possibilités du terrain, il est certain qu’un groupement n’a plus le sens étroit qu’il aurait en‑d’autres cas.

4Dans l’ensemble de la Provence, les zones où se situent les sites ornés semblent, exceptions faites de la grotte de l’Olivier (Estérel) et du glas aux Peintures (Val d’Enfer), s’aligner sur un axe approximativement orienté N.‑S. Nous notons le fait sans en tirer de conclusions car nous avons effectivement deux exceptions et nous ne pouvons appuyer ce fait sur aucune preuve de nature culturelle ou géographique. Les découvertes récentes infirment d’autre part l’observation selon laquelle les peintures seraient concentrées dans le centre de la Provence. Malgré le faible nombre d’exemples et la diversité du relief provençal, il semble pourtant qu’on n’ait peint qu’en zones accidentées.

3.2. Choix des cavités

5Toutes les cavités dont nous avons à nous occuper sont d’un accès relativement facile et à quelques dizaines de mètres d’un talweg. Les accès les plus pénibles seraient ceux des grottes de la Barre du Taillan juste au‑dessus de la Reppe. Elles s’ouvrent quelques mètres au‑dessus du pied de la falaise mais il s’agit d’une difficulté très relative. Un aménagement existe au mamelon Georgeot, aménagement qui consiste en une quarantaine de marches creusées dans la roche. Le grès étant facile à travailler, l’homme a pu se donner cette facilité sans que ce soit une nécessité. Il peut aussi s’agir d’un aménagement tardif à l’époque où le mamelon fut réoccupé.

  • 1 On n’oublie pas le désormais classique gias del Ciari.

6Il n’existe pas vraiment de lieu retiré où l’on aurait orné les parois car dans les gorges d’Ollioules ou celles du Verdon les cavités peintes avoisinent de nombreux habitats. La grotte de l’Eglise a même eu les deux fonctions à la fois. Notons tout de même, grâce à ce dernier exemple, que la distinction entre la zone des peintures et celles de l’habitat est très nette. D’ailleurs les Préhistoriques occupent plutôt le porche des grottes que les galeries éloignées. Par contre, dans la vallée des Merveilles et les vallées adjacentes, malgré l’ampleur du phénomène artistique gravé – et la présence de l’abri peint – les preuves mobilières d’une occupation humaine font encore défaut, du moins si l’on consulte la bibliographie concernant cette région1. Ce n’est pourtant pas une question de climat. Le mont Bégo culmine à 2 872 m au‑dessus d’une vallée dont l’altitude varie entre 2 100 et 2 400 m. Si le manteau neigeux est quasi continu de nos jours, on sait que le climat était moins rigoureux au Chalcolithique et à l’âge du Bronze et la forêt montait plus haut. La fréquentation par l’homme des lieux élevés était donc facilitée. L’orientation des cavités n’a pas d’importance. Toutes les possibilités existent à l’intérieur de la Provence et à l’intérieur d’une même vallée. On a même peint sur abri sous roche, donc sur une paroi ouverte sur plusieurs points cardinaux (abri A des Eissartènes, par exemple).

7La plupart des cavités peintes sont ou ont été humides. C’est un fait en contradiction avec les affirmations des chercheurs précédents mais en accord avec la formation naturelle des grottes. Il ne s’agit pas de grottes très humides mais de cavités dont les parois suintent parfois et où des coulées stalagmitiques ont eu le temps de recouvrir entièrement ou partiellement des peintures (figure n° 3 de la grotte Monier, par exemple). Les Préhistoriques n’ont pas évité ces ruissellements ; ils ont pris le soin de peindre par temps sec, tout simplement.

8La morphologie des grottes n’a pas influé, à première vue, sur le choix des sites. Toutes les sortes de cavités ont été ornées, du simple renfoncement dans la roche comme le trou des Deux Amis ou l’abri Dalger no 3 jusqu’aux grottes profondes comme le réseau supérieur de la grotte de l’Eglise. Cette dernière est la seule grotte provençale qui soit à la fois ornée et de grandes dimensions mais beaucoup de cavités présentent un grand développement dans cette partie des gorges du Verdon. Dans les gorges d’Ollioules, on a effectivement quatre grottes formant couloir et ornées chacune de plusieurs figures (les grottes Dalger, de la Béate du Destel, Monier et Chelo) mais les galeries existent en grand nombre dans cette région. Deux couloirs sont percés à chaque extrémité, la grotte Monier et la grotte Chelo, ce qui est déjà plus rare. Les grands porches seuls sont dédaignés comme la grotte de la Pierre Christianisée et bien d’autres. Dans la vallée du Carami, les cavités sont en général de petites dimensions. On a dédaigné les couloirs mais ce sont les cavités les plus rares et les plus humides de la région. Deux grottes seulement ont un plan similaire, la grotte des Cabro et la grotte Chuchy, avec une petite salle prolongée par une fissure légèrement surélevée et percée du côté gauche. Toutes deux ont effectivement une peinture en relation avec la fissure. Ici s’arrêtent les identités de plan. Ajoutons que dans une même vallée, des grottes de même disposition peuvent avoir été soit ornées, soit habitées, soit même inutilisées. Si ce fait est flagrant dans la vallée du Carami, il l’est encore plus dans la zone des gorges d’Ollioules.

9Toutefois, et ceci est un choix de cavités autant que de parois, les Préhistoriques ont préféré des cavités dont la roche est de teinte orangée. Nous avons constaté que le choix des simples abris exposés à l’air libre (Dalger no 3, Deux Amis, Hillaire...) était toujours guidé par la couleur de la roche. D’autres anfractuosités parfois proches n’ont pas eu les mêmes honneurs car de teinte grise ou blanche. Les cavités plus profondes n’ont pas toujours été l’objet de ce choix par la couleur. Cependant, on constate ce fait pour des sites particulièrement excentrés (la grotte Chelo, par exemple). Le choix surprenant au premier abord des cavités creusées dans les grès de Sainte‑Anne pourrait s’expliquer par la patine qui rend la roche légèrement ocrée. L’abri de la Toulousane et le mamelon Georgeot sont d’ailleurs éloignés du reste du groupe. Une exception flagrante à la règle est constituée par l’abri Bernard aux parois immaculées.

10Nous sommes conscient qu’existent en Provence des centaines de cavités aux parois ocrées car creusées dans des roches rougeâtres ou des calcaires contenant de l’oxyde de fer. Nous n’avons que des roches de teinte rouge dans le massif de l’Estérel. Il existe une importante série de cavités orangées non utilisées dans les barres calcaires situées en aval du Pont Romain dans les gorges du Carami. Nous pensons seulement que lorsqu’il peut choisir, l’artiste préfère les cavités dont les parois d’entrée au moins sont d’une teinte rouge, fût‑elle légère.

3.3. Les parois

11Bien que nous n’ayons pas de cavités de plan identique, nous pouvons apprécier les emplacements choisis. Les peintures ne sont pas effectuées au fond des grottes, c’est‑à‑dire dans une zone reculée. Les grottes du Carami sont de dimensions trop modestes pour que l’on parle d’extrémité des grottes. Un seul cas s’oppose à cette assertion, celui de la grotte de l’Eglise où certaines figures ont été exécutées dans des diverticules encore plus éloignés que le reste des peintures (figures no 15 à 18, par exemple).

12Si les peintures ne sont généralement pas exécutées à l’entrée, exceptions faites pour celles de la grotte des Cabro (figure no 2), de la grotte Monier (figure no 1 ) et de la grotte de l’Olivier, elles en sont pourtant assez proches. Les figures les plus éloignées seraient celles de la grotte Dalger, à l’entrée de la galerie terminale, mais la morphologie de cette cavité les rapproche de l’extérieur.

  • 2 En principe nous ne prenons nos renseignements que dans le rapport de A. Glory et alii de 1948. C’e (...)

13Dans la vallée du Carami, à plusieurs reprises, les dessins sont en relation avec les fissures de la cavité. Le dessin est exécuté à l’entrée de la fissure à la grotte des Cabro, déjà légèrement inséré dans la fissure à l’abri Hillaire ou à la grotte Chuchy, ou sur une partie de la fissure de telle façon que son auteur n’a pu voir le dessin pendant qu’il en réalisait le trait ; c’est le cas des figures du trou Nicole et de la grotte Neukirch et des peintures les plus profondes de l’abri Hillaire. A la grotte Neukirch, nous n’attestons pas comme A. Glor (1948)2 un agrandissement de l’ouverture de la fissure « par de nombreux attouchements anciens » mais tout au plus un léger poli des bords de cet orifice qui n’est certainement pas contemporain de la peinture. Ce poli, dû au passage des animaux, est même fréquent sur les roches de la vallée du haut Carami. Un examen de toutes les fissures des cavités de la vallée du Carami n’a pas été concluant et il n’est pas certain qu’elles aient été systématiquement recherchées pour être ornées. Les fissures de la grotte Alain, par exemple, ne sont pas utilisées.

14Hormis les représentations de la grotte de l’Eglise, les peintures ne sont pas effectuées dans l’obscurité, à peine dans la pénombre dans le cas des grottes Dalger et Chelo, pénombre à laquelle on s’habitue très rapidement et qui n’empêche pas de distinguer presque nettement les dessins. Les fissures n’interdisent pas de discerner sans éclairage les figures du trou Nicole ou de la grotte Neukirch. La grotte de l’Eglise a en revanche nécessité un luminaire ; de petits vases ont pu assumer cette fonction. Il est possible pourtant d’affirmer que certaines figures de la grotte de l’Eglise ont été réalisées dans l’obscurité. En effet, au lieu d’avoir des figures rayonnantes où les rayons se coupent au même endroit, on observe parfois des figures où les rayons se rencontrent en divers endroits et où l’on note un décalage du centre du dessin (la figure n° 7, par exemple).

15Il ne faut pas oublier que les grottes Alain et Monier étaient obstruées à l’origine par un muret encore visible à l’entrée de la première. Si les peintures ont été réalisées pendant l’utilisation de ces cavités, leurs auteurs devaient donc éclairer la paroi. Il est vrai aussi qu’il y avait en général un passage réservé dans le muret à chaque nouvelle inhumation et que ce rayon de lumière suffisait à distinguer des peintures non dissimulées.

16La grande majorité des peintures est à hauteur d’yeux. On inclut dans ce groupe les dessins représentés à une hauteur moindre mais dans des lieux où il faut s’accroupir pour entrer (le trou des Deux Amis, l’abri Hillaire, la grotte du Pin, par exemple). L’abri des Eissartènes montre à cet égard une concentration des figures du panneau C très évocatrice sur une hauteur de 0,50 m en moyenne et à 1,50 m du sol.

17On a pourtant quelques cas de représentations proches du sol. A la grotte Monier, la figure no 4 en forme de losange, exécutée sur une petite banquette, devait n’être surélevée que de quelques centimètres par rapport à la couche archéologique. Elle pourrait aussi avoir été réalisée 0,40 m au‑dessus du sol initial de la grotte et avant l’utilisation de celle‑ci. Nous formulons la même observation pour la figure de la grotte du Pin. A la grotte du Charbonnier, la figure était au‑dessous du niveau actuel de l’humus et probablement du sol à l’époque de sa réalisation.

18Les représentations sur la voûte sont assez rares et dans tous les cas toujours accessibles. Il n’y a guère qu’à l’abri des Eissartènes que l’auteur de l’animal qui orne le plafond, Préhistorique ou non, a été obligé d’utiliser un échafaudage. Ce dernier devait être léger car il ne s’agissait que d’accentuer les contours d’une aspérité naturelle. Dans la grotte de l’Eglise, la voûte a été ornée à plusieurs reprises. Le plafond a fréquemment la forme d’une petite coupole qui délimite un espace restreint et semble accentuer le caractère du dessin. Mais dans cette cavité les passages les plus bas sont également ornés des mêmes figures.

19Le choix de l’emplacement paraît être celui de l’emplacement du dessin. Dans la grotte des Cabro, si l’on veut admettre une analogie de plan avec la grotte Chuchy, la figure no 1 aurait dû être exécutée au début de la fissure. Son auteur a préféré user de la surface plane proche mais légèrement en retrait. Autant qu’ils l’ont pu, les Préhistoriques se sont gardés d’utiliser un sillon de la roche ou d’une paroi accidentée. Pourtant, s’ils ont pris toutes les précautions pour le signe scalariforme de la grotte Dalger, par exemple, ils ont tout de même tracé un cercle pointé sur une zone parcourue de petits sillons (figure no 1). A la grotte Neukirch, le dessin le plus élevé est tracé sur une veine de calcite et au trou Nicole, le trait a tendance à se confondre avec les veines de la roche, d’une teinte analogue.

20Dans les gorges du Carami, dans le groupe de cavités constitué par le trou des Deux Amis, le trou Nicole et la grotte Alain, distantes entre elles de quelques mètres, une quatrième cavité n’a probablement pas été ornée parce qu’elle ne présentait pas la moindre surface lisse. Ses parois sont garnies de petites boursouflures.

21L’attention portée à la paroi est flagrante dans l’usage qui est fait des formes et aspérités de la roche. Au trou des Deux Amis, le signe losangique n° 1 suit parfaitement les contours d’une bosse du rocher. En revanche, un deuxième signe sans doute identique est effectué sur la paroi lisse à 0,50 m plus à droite. A la grotte Dumas, la représentation est résolument déportée sur la gauche pour qu’une partie du contour épouse la forme d’une saillie qui la délimite. Il en est de même de la figure n° 1 de la grotte de l’Olivier. Le dessin de droite à l’abri Dalger n° 3 suit approximativement l’arrondi de l’arête de la roche qui lui sert de support..

22A la grotte Chelo, la tête peinte sur la voûte s’intègre parfaitement à la forme d’une anfractuosité. Les bords sont rehaussés de peinture rouge de façon à dessiner les contours du visage auquel on a ajouté une coiffe pour remplir parfaitement le creux (figure no 1). A l’abri Hillaire, une des figures de la paroi droite semble dessinée en fonction d’un trou dans la roche que l’on a épargné.

23Les saillies de la roche sont également utilisées ; pour les deux cas évoqués nous sommes toutefois réticent à les inclure dans l’ensemble des manifestations artistiques contemporaines. Parlons‑en, à l’instar des chercheurs précédents, sans toutefois y attacher une trop grande importance. A la grotte de la Béate du Destel, une protubérance cylindrique qui se détache de la paroi est rehaussée de noir sur son contour. L’œil manquant est peint. Au plafond de l’abri des Eissartènes, un éclat de roche ayant résisté à la gélifraction est cerné d’un liseré sombre qui lui donne l’aspect d’un animal au mufle allongé (cheval ?). Le choix d’un emplacement impose à son tour des contraintes dans l’exécution d’une figure ; ainsi la figure no 1 des Cabro est renversée de 90° par rapport à sa position normale. La figure no 11 de la grotte de l’Eglise doit probablement la sinuosité de son rayon inférieur à l’arrêt de la paroi en dessous de laquelle s’ouvre un passage.

24Il est possible qu’on ait nettoyé préalablement certaines surfaces car quelques figures sont dessinées sur une sorte de halo plus clair que la nature de la roche ne justifie pas. C’est le cas du signe scalariforme de la grotte Dalger et peut‑être des deux figures de la paroi droite de la grotte Chelo. Enfin, il semble que la paroi de l’abri orné des Eissartènes‑ait été ocrée préalablement car l’analyse d’un éclat de la roche tout à fait en dessous du panneau peint a donné un résultat identique aux analyses des pigments des figures elles‑mêmes (voir chapitre 5). Nous avons dit précédemment que les Préhistoriques avaient une préférence pour les porches d’une couleur naturellement orangée. Il semble qu’ils aient pallié l’absence de cette teinte dans les calcaires des Eissartènes en peignant la roche elle‑même.

3.4. Conclusion

25La répartition des peintures en Provence n’est donc fonction que de l’avancement de la recherche dans le domaine de l’art postglaciaire et bien sûr des agents atmosphériques qui ont épargné telle ou telle figure. Les peintures du réseau supérieur de la grotte de l’Eglise doivent probablement leur conservation à l’humidité ambiante constante. En revanche, un cas de conservation comme celui des peintures du gias du Val d’Enfer restera probablement unique d’autant plus que le climat est rude à cette altitude et que l’abri a été occupé ultérieurement par l’homme (aménagements visibles). Si la teinte rouge des parois a guidé leur choix, les Préhistoriques ont dû trouver dans le massif de l’Estérel d’énormes possibilités que des prospections méthodiques révéleront peut‑être. Toutefois, nous étudions des phénomènes humains et il ne saurait être question de systématiser nos conclusions en ne prenant en compte que le terrain.

26Il n’y a pas d’art caché en ce qui concerne les sites peints hormis à la grotte de l’Eglise peut‑être ; là encore l’ensemble des figures n’est finalement dessiné que dans les zones non habitées. Seules quelques figures de ce réseau profond sont réellement masquées par un rideau de stalactites ou éloignées au fond de diverticules peu praticables. On peut seulement noter que cet art est réalisé en retrait des habitats et que les Préhistoriques semblent avoir eu une préférence pour les fissures. Le choix de ces dernières est un fait commun aux grottes ornées des gorges d’Ollioules et de la vallée du haut Carami, Son absence à l’abri des Eissartènes, dans les grottes de l’Eglise et de l’Olivier et au gias aux Peintures nous empêche d’y voir un indice d’homogénéité de l’art postglaciaire en Provence.

Notes

1 On n’oublie pas le désormais classique gias del Ciari.

2 En principe nous ne prenons nos renseignements que dans le rapport de A. Glory et alii de 1948. C’est le rapport le plus complet. Celui de 1944 est réservé aux grottes du haut Carami et n’est qu’un résumé du suivant. Pour certains relevés d’après A. Glory, les restitutions sont différentes d’un rapport à l’autre et nous les notons (figures de l’abri Hillaire, par exemple).

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