Version classiqueVersion mobile

Une ferme seigneuriale au XIVe siècle

 | 
Patrice Beck

5. Conclusion

Conclusion

Résumé

Conçue pour durer, la grange du Mont n’a pourtant été occupée qu’un siècle. Installée à la fin du xiiie s. pour exploiter un domaine agro‑pastoral que l’on devine important mais aussi ingrat, elle est abandonnée à la fin du siècle suivant. La Peste Noire à partir de 1348, la guerre de Cent Ans et, notamment, l’épisode des Grandes Compagnies, vers 1350‑60, saignent le pays. Les armées ont cependant épargné le site, qui ignore toute trace de violence et, si les pandémies ont emporté certains des occupants, d’autres auraient pris la place si l’établissement avait été encore jugé rentable. Mais les survivants se replient sur les meilleures terres laissées vacantes et le grand commerce lainier délaisse désormais la Bourgogne. La grange du Mont, habitat fragile car récent et aventuré en un milieu répulsif, aura été une victime facile du mouvement de récession démographique et économique de la fin du Moyen Age.

Texte intégral

1La grange du Mont fut un établissement éphémère. Elle a certes été conçue et construite pour durer : en témoignent la qualité de la construction, les investisements consentis (fig. 89 et 90). L’occupation a été cependant brève. Il est impossible d’en évaluer l’exacte durée mais les mobiliers fournissant une datation la limitent au xive s., la tirant plus vers le siècle précédent que vers le suivant. Ils confirment ainsi les données des sources écrites : au xve s., la grange du Mont n’est plus que trompeusement présente dans les aveux et dénombrements de la seigneurie.

● Fig. 89 – Essai de restitution de l’ensemble construit.

● Fig. 90 – Essai de restitution de l’ensemble construit.

2Elle fut érigée vraisemblablement à la fin du xiiie s. en un lieu jusqu’alors inhabité et, en raison des conditions naturelles très défavorables, sans doute depuis toujours faiblement exploité. L’occupation se veut pourtant permanente et solidement organisée : l’installation est munie de tous les moyens de produire et de résider. Ceux‑là prennent même une ampleur exceptionnelle et traduisent autant le rang de la seigneurie fondatrice que l’importance du but poursuivi par celle‑ci.

3A cet égard, la documentation écrite suggérait un défrichement tardif, né comme à Dracy de l’extrême pression démographique qui caractérise la fin du xiiie s. et de la nécessité de mettre alors en valeur toutes les surfaces agricoles disponibles, même les plus rebutantes. Le seigneur de Mont‑Saint‑Jean aurait ainsi accru, selon des modalités d’exploitation qui malheureusement nous échappent (affermage à des particuliers ou exploitation en direct par des serviteurs ?), la capacité de production de son domaine qui était fortement réduit par le jeu des liens vassaliques.

4Les données de la fouille ont apporté d’autres précisions. La spécialisation pastorale de l’établissement est évidente et si les emblavures ne sont sans doute pas absentes, l’élevage ovin constitue à la grange du Mont une activité fort développée sinon principale. Les moutons dominent largement le cheptel et la courbe des âges à l’abattage montre qu’il s’agit d’animaux élevés pour la laine.

5Cette orientation de la production était certes directement dictée par les possibilités restreintes du milieu naturel ; elle correspondait aussi à l’existence du marché bourguignon de la laine, florissant au xive s., alimentant par les grands troupeaux de l’Auxois, du Châtillonnais et de l’Arrière‑Côte, les marchands de l’Italie du Nord via les foires de Dijon, Sombernon et Saulieu. La construction de la grange du Mont apparaît alors être une opération autant spéculative que conjoncturelle. Comme d’autres seigneurs laïcs et ecclésiastiques, le sire de Mont‑Saint‑Jean, afin d’alimenter ses finances et soutenir ainsi son rang et sa puissance, a pu être attiré par les profits que pouvait engendrer un tel secteur d’activité.

6Mais dans la seconde moitié du xive s. la conjoncture est dramatiquement inversée. Les événements ne peuvent cependant suffire à expliquer la désertion ; la guerre, d’ailleurs, a vraisemblablement épargné le site qui ignore toute trace de violence. La peste de 1348 et ses récurrences ont pu emporter certains des occupants mais d’autres auraient pris la place si sa rentabilité avait été encore assurée. Seulement, les mortalités ont partout libéré des terres plus riches et accueillantes sur lesquelles se sont repliés les survivants ; et le grand commerce de la laine, on le sait, a changé ses routes et ses sites de distribution (Bautier 1953) ; les foires de Champagne périclitent et emportent dans leur déclin la production lainière de Bourgogne. De ce mouvement de récession économique, l’établissement fragile de la grange du Mont a dû être une victime facile.

Table des illustrations

Légende ● Fig. 89 – Essai de restitution de l’ensemble construit.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/34505/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 58k
Légende ● Fig. 90 – Essai de restitution de l’ensemble construit.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/34505/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 125k

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1989

Licence OpenEdition Books

Lire

Open access

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search