Version classiqueVersion mobile

Une ferme seigneuriale au XIVe siècle

 | 
Patrice Beck

2. Les sources écrites

Written sources

Résumé

La grange du Mont n’est signalée qu’entre 1330 et 1462, essentiellement dans les aveux et dénombrements de la seigneurie de Mont‑Saint‑Jean. Par la suite, le toponyme ne désigne plus qu’un bois. Mais, dès le xve s., voire la fin du xive, l’établissement doit être abandonné : il n’apparaît dans aucun autre document contemporain. A l’évidence, il s’agit d’une installation tardive, de confins, colonisant une zone répulsive, domaine privilégié des bois et des taillis. Elle semble correspondre au besoin d’intensifier le rendement de la réserve seigneuriale à une époque où le domaine foncier, à l’origine très vaste, se trouve fort réduit par le jeu des chasements vassaliques ; le contexte démo‑économique favorable de la fin du xiiie s. rendait possible et nécessaire la mise en valeur des terres jusqu’alors laissées en friches.

Note de l’auteur

Abréviation utilisée : ADCO : archives départementales de la Côte‑d’Or.

Texte intégral

2.1. Introduction

1Ici comme ailleurs, les documents d’archives sont rares avant la fin du Moyen Age. Et si à partir du xive s. les données écrites abondent pour la région, le site lui‑même apparaît peu : il n’est en fait explicitement mentionné que sept fois et encore s’agit‑il pour l’essentiel du même document recopié. Faut‑il s’en étonner ? L’exploitation est établie sur des confins territoriaux, dans des espaces où la présence humaine se fait moins dense.

2Cependant, par la méthode régressive et la survie d’un toponyme, son identification est semble‑t‑il acquise. Mais le tableau de son histoire, de sa composition et de sa fonction, qui peut être dressé à partir des textes, reste très partiel.

2.2. Du « bois de Charny » à la « grange du Mont »

3Le bois de Charny, appelé « Bois d’Amont » sur le cadastre de 1818, apparaît sous l’une et/ou l’autre dénomination dès le xive s. Situé sur la « Montagne » dominant Mont‑Saint‑jean d’un côté, Charny de l’autre, il est délimité par les chemins de Mont‑Saint‑Jean à Thorey‑sous‑Charny, de Mont‑Saint‑Jean à Charny, de Chazelle‑l’Echo à Châtellenot ou Arconcey qui, aujourd’hui comme hier, constituent autant de repères fixes.

  • 1 ADCO XV F liasse I, document IX, f° 18.

4La configuration actuelle de ce bois est en place au moins dès le xviiie s. En 1774, « le bois de Charny [...] de 343 arpents [...] de midi [...] regarde le château de Mont Saint Jean et est bordé par le chemin de Chazelles à Chatelnaud et du bout qui regarde l’orient par le chemin de Thorey à Mont Saint Jean [...] »1. On reconnaît là les limites sud et est de son extension récente.

  • 2 ADCO XV F liasse 17, document CL.

5Les lignes de coupe (fig. 8) qui le divisent sur la carte topographique réalisée en 1957 apparaissent déjà avec le même tracé sur le plan des coupes dressé pour 1766 dans « la forest de Charny [...] bois situé au finage de Charny sur la Montagne entre Charny et Mont Saint Jean en taillis essence de chesne pour la plus grande partie d’un mauvais sol et rapport »2. Sur ce plan comme sur la carte, la troisième coupe est bordée au sud par le « chemin de Chasel à Arconcey » et s’étend de part et d’autre du « chemin de Mont St Jean à Charny », c’est‑à‑dire l’actuel « chemin vicinal ordinaire no 4 » du cadastre. Immédiatement à l’ouest, dans la sixième coupe, l’arpenteur et géomètre a dessiné un rectangle dans lequel il a inscrit, semble‑t‑il, le mot « bâti ». Nous sommes ici dans la parcelle 188 du cadastre communal, à l’emplacement même des vestiges archéologiques. L’arpenteur n’aurait‑il pas ainsi rapporté quelque observation personnelle du terrain et voulu mentionner la présence de vestiges qui, discernables encore en 1980, devaient l’être davantage encore au xviiie s.?

● Fig. 8 – Plans du Bois d’Amont. a– Plan de coupes, 1766. b– Arpentage 1714. c– Carte IGN, 1957. d–Cadastre, 1818‑1958.

  • 3 ADCO XV F liasse 17, document XXI.

6La même parcelle, bordée au sud par la « terre de mon Sainct Jean » et à l’est par le « chemin qui va de mon Sainct Jean à charny », a été arpentée en 1714 ; et dans le bref commentaire qui accompagne le plan au verso, il est fait mention d’un toponyme évocateur de ruines : « un quartier de bois taillis au bois de Charny au quanton appellé Pourchavre et les Maizières ». Le second microtoponyme, aujourd’hui disparu, a pu ainsi garder pendant un temps le souvenir de l’établissement détruit3.

  • 4 ADCO B. 10804, f°3.
  • 5 ADCO XV F liasse 7, document XI.
  • 6 ADCO XV F liasse 17, documents I et II.
  • 7 ADCO XV F liasse 1, document III, f° 1v°.
  • 8 ADCO XV F liasse 9, document III, f° 11.
  • 9 ADCO XV F liasse 30, document III, f° 13v°.

7Pour les siècles précédents, les plans manquent mais les mentions ne sont pas rares. Dans le dénombrement du comté de Charny donné le 16 juin 16684, le « bois a mont » figure en bonne place. « Le bois amont aultrement le grand bois de Charny » est cité dans les « procès verbaux de visitte des bastiment, boy, prey et terre deppendant du Comté de Charny », datés du 16 avril 16525. En 1556, dans les « copies de l’arpentage et du dénombrement de tous les bois du Comté de Charny et dépendances [...], les grand bois de Charny estant en la Montagne entre ledit Charny et Mont Saint Jehan contiennent environ deux cent douze arpants »6. Dans la « déclaracion et dénombrement de la comté de Charny » du 24 avril 1540, est cité au chapitre Charny « le bois amont, un bois de coppes de 160 arpents »7. Le registre des « comptes des receveurs du Comté de Charny » pour l’année 1496‑97 détaille le « rolle du bois à chauffage des bois amont »8 ; celui pour l’année 1475‑76 enregistre la dépense d’un « voiturier et trois corvées [...] employées pour amener les gros bois pris au bois de Charny pour faire réparation au moulin Doyen »9.

  • 10 Respectivement ADCO XV F liasse 1, doc XXXIII ; ADCO B 10513, document XIV ; ADCO XV F liasse I, do (...)

8Le bois de Charny est encore cité dans cinq dénombrements donnés au duc de Bourgogne par les seigneurs de Mont‑Saint‑Jean en 1348, 1365, 1404, 1457 et 1462. Les deux premiers sont en latin, les autres en langue vulgaire mais il s’agit en fait du même document recopié, traduit10. Le bois de Charny sert ici de confront aux terres de « la grange du Mont » :

  • 11 ADCO B 10513, document XIV : dénombrement de 1365.

9« Item nemorem grangie montis tenentem unum arpentem nemoris vel circa.Item plateum et domum grangie montis et terras arabiles dicte grangie montis prout se extendit ad cheminos de charneyo usque ad cheminos de sancto theobeoz, a dictos cheminos de sancto theobeoz usque ad cheminos de thoreyo et de gisseyo et a dictos cheminos usque ad nemorem de charneyo, contenent guegnagium uni aratri vel circa »11.

  • 12 ADCO XV F liasse 1, document XXXIV : dénombrement de 1404.

10« Item le bois de la grange du mont contenant ung arpent ou environ.
Item la place et maison de la grange du mont et les terres arables de la dite grange du mont ainsi comme elles s’étendent depuis le chemin de charny jusque au chemin de saint thibaut et depuis ledit chemin de saint thibaut jusque es chemin de thorey et de gissey et desdits chemins jusque es bois dudit charny, contenant le gagnage d’une charrue de beuf ou environ »12.

11Bois d’Amont et bois de Charny, amalgamés ou dissociés comme ici, voisinent visiblement : comment ne pas voir alors dans les vestiges découverts au bois d’Amont ou de Charny les restes de cette grange du Mont qui, dans la documentation écrite, est l’unique établissement humain repéré audit lieu, dont la localisation, bien que manquant de précision, correspond toutefois à celle du gisement archéologique et dont le nom, à peine déformé, a perduré jusqu’à nos jours en s’imposant largement à toute la zone ?

2.3. Le laconisme des textes

  • 13 Respectivement ADCO B 5484 bis et ADCO B 1388, f° 15.

12La grange du Mont n’apparaît que dans deux autres documents, datés de 1330‑31 : issus de la comptabilité ducale, ils sont en fait assimilables et ne contiennent qu’une seule et même information. L’un est « le compte André Aliot de Saint Thiebault, gouverneur de la terre de Mont Saint Jean pour Monseigneur le duc de Bourgogne de toutes receptes et missions qu’il a faites au dit gouvernement de la dite terre [...] » : y est enregistrée la recette d’ « un muil [...] de gros blez [...] pour le pariage de la grange dou mont », L’autre est la réception de cette gestion par la Chambre des Comptes de Dijon13.

13C’est à un accident de l’histoire de la seigneurie qu’on doit cette mention de la grange dans les archives comptables ducales. En 1307, Etienne III de Mont‑Saint‑Jean refuse foi et hommage pour le château de Mont‑Saint‑Jean à son suzerain Hugues V duc de Bourgogne ; il s’arme même quelque temps après contre lui : l’affaire se solde par une amende de 2 000 francs et la confiscation des fiefs (Bobin 1892). C’est ainsi que les revenus de la seigneurie se trouvent placés sous gouvernorat ducal en 1330‑31. Sans doute l’étaient‑ils déjà depuis quelques années et l’ont‑ils été encore jusqu’en 1333, date de la mort de ce seigneur turbulent. Mais les documents manquent.

  • 14 ADCO B 10484, f°82v°.

14Tout rentre dans l’ordre par la suite comme l’attestent clairement les papiers de la maison des Mont‑Saint‑Jean, notamment les aveux et dénombrements de 1348 et 1365. Bien préservées de la destruction et de la dispersion, intégrées notamment en 1456 à celles des sires de Charny, lors de la fusion des deux seigneuries et leur érection par lettres patentes de Philippe le Bon en un seul et même fief sous le titre de comté de Charny14, les archives des Mont‑Saint‑Jean sont aujourd’hui essentiellement regroupées et conservées parmi les 35 épaisses liasses portant la cote XV F FONDS DE CHARNY des archives départementales de la Côte‑d’Or.

  • 15 ADCO XV F liasse 30, document I.

15C’est dans celles‑ci qu’ont été extraits les plans d’arpentage et les différents actes de propriété qui ont permis l’identification du site, qu’ont été découverts certains des dénombrements évoquant la grange du Mont. Elles comportent aussi des comptes domaniaux dont le plus ancien, datant de 1432‑3315, est donc contemporain des dénombrements. Des granges y sont mentionnées, clairement identifiées et localisées mais aucune récolte, aucune réparation, aucun labour ni ensemencement évoquant une exploitation « en direct », aucun loyer trahissant une mise en valeur indirecte par fermier interposé, n’y suggère l’existence de la grange du Mont.

  • 16 ADCO série B, notamment B 10424 et B 10425.
  • 17 Charmasse 1880 : documents XLII et XLIII, p. 46‑49 ; document XLV, p. 52.
  • 18 Pourtant, rien dans les archives de l’abbaye, notamment dans les liasses concernant la grange de Ve (...)

16L’enquête a été alors élargie, bien au‑delà des fonds propres de la seigneurie, afin de rechercher notamment le partenaire des Mont‑Saint‑Jean dans l’exploitation de la grange du Mont, dont le terme de « pariage « utilisé dans le compte de 1330‑31 implique l’existence (Bossard‑Beck 1983 : 31). Elle s’est révélée vaine. Rien n’est apparu dans les registres des fiefs et le trésor des chartes et des lettres du duc qui recèlent les dénombrements des seigneuries locales16 ; rien dans les archives de celles qui, peu ou prou, entretenaient des relations avec les Mont‑Saint‑Jean, tel l’évêque d’Autun17 ou l’abbaye de La Bussière avec laquelle, précisemment, d’après le compte de 1432‑33, le sire de Mont‑Saint‑Jean a passé accord pour participer à l’exploitation de l’une des granges du monastère : la grange de Veuchey située sur le territoire de Bellenot‑sous‑Pouilly à quelques kilomètres à l’est de Mont‑Saint‑Jean18.

  • 19 ADCO B2 417.

17Rien non plus dans les « tenues des jours et plaids » de l’administration judiciaire des seigneuries locales. Celle‑ci a laissé des registres dont les plus anciens témoignent des affaires de police et de criminalité jugées à Mont‑Saint‑Jean entre 1442 et 1445, à Charny de 1457 à 150719 : des « mésus » d’animaux, des appropriations abusives de terres et de bois communaux ou seigneuriaux, perpétrés sur la « Montagne de Mont‑Saint‑Jean », y sont dénoncés en grand nombre mais la grange du Mont n’est mentionnée ni directement ni indirectement comme confront ou patronyme.

  • 20 ADCO B 11512 à B 11519.

18Rien encore dans les huit « cherches des feux du baillage d’Auxois » qui sont parvenues jusqu’à nous20. Réalisées entre 1377 et 1543, elles entendent dresser, par lieux habités, la liste nominale des chefs de famille en vue d’établir l’assiette d’impôts extraordinaires octroyés au duc puis au gouverneur royal par les Etats de Bourgogne. Leur intérêt documentaire est inégal : celle de 1377 ne s’intéresse qu’aux feux « survenus de nouvel, comme ceux qui sont absentés et défaillant par mort, par départ ou aultrement pour deux années » ; celles de 1397, 1413, 1442, 1460, 1461 et 1470 dénombrent les feux imposables –roturiers– résidant tant dans les villes et les villages que dans les écarts que sont les moulins et les granges ; les deux premières, comme celle de 1543, enregistrent même « tout habitant, tant manant que noble et homme d’église », c’est‑à‑dire aussi bien les foyers imposables que les exemptés ; celles de 1397 et de 1413 font aussi état des lieux inhabités.

19Un tableau du peuplement de la région à la fin du Moyen Age peut être ainsi dressé, non sans difficultés certes car lacunes, erreurs et fraudes se sont à l’évidence glissées dans ces « proto‑recensements » réalisés par une administration centrale encore tâtonnante ; et il faut bien se garder de croire que chaque renseignement a toujours été systématiquement enregistré.

20En tout cas, la grange du Mont ne figure pas dans ces listes, ni directement, comme lieu habité, ni indirectement, comme connotation anthroponymique. Elle a pu être tout simplement oubliée ou, en tant qu’établissement domanial exploité en faire‑valoir direct et donc exempté de l’impôt, elle a pu être volontairement omise. Elle pouvait aussi bien être déjà abandonnée en 1397 ; elle devait bien l’être en 1432‑33 comme paraît l’attester son absence du document comptable de la seigneurie. Son apparition dans les dénombrements rédigés, ou plutôt copiés et traduits, au xve s. ne serait due qu’au caractère formel de ces actes que les scribes recopiaient inlassablement sans référence aux mutations de la réalité, dont l’objet n’était pas la gestion précise de biens mais l’hommage vassalique.

  • 21 Deux mentions, fort douteuses, pourraient par ailleurs l’évoquer : dans une déclaration des droits (...)

21Pour évoquer directement la réalité de la grange du Mont, il ne reste donc que ce compte de 1330‑31 et ces quelques aveux et dénombrements21. Toutefois, la masse documentaire considérable parvenue jusqu’à nous pour cette seigneurie permet aussi de dessiner le paysage physique et humain qui l’entourait, de cerner l’assiette territoriale dont elle dépendait.

2.4. Un milieu naturel répulsif

  • 22 ADCO XV F liasse 1, document IX.

22En 1774, la comtesse de Brionne fait dresser une évaluation détaillée de sa « baronnie de Mont Saint Jean et des villages en dépendant »22. L’enquêteur, nourri de connaissances et de principes physiocratiques, évalue, à l’article 24 du compte rendu de son inspection, les possibilités d’accroître le rendement d’une « pièce de terre de trois cent journaux » située « sur la Montagne de Mont Saint Jean [...] près le bois de Charny, allant droit à la croix Thomas [...] : [...] c’est à l’inspection d’une aussi grande étendue de terrein que j’ai combiné que si le sainfoin pouvait y croître, ce terrein dont à peine on a osé entreprendre de labourer une petite partie, deviendrait infiniment précieux. L’on pourrait construire près de la fontaine Vaseau qui joint le bois de Charny limitrophe des campagnes ci‑dessus une ferme qui ne serait point dispendieuse à raison de la proximité des matériaux que l’on prendrait du débris du chateau de Charny et des bois à bâtir qui n’en sont point éloignés ; si donc le sinfoin pouvait venir dans cette sorte de terre l’on occuperait une partie suffisante pour fournir abondemment des fourrages pour la nourriture des bestiaux nécessaires à l’exploitation de ces terres et à fournir des engrais en suffisante quantité pour les amander comme contenant peu de sels à cause de leur aridité et d’ailleurs étant situées sur une montagne. Par cette disposition l’obstacle de l’éloignement et la difficulté du charroye des fumiers se trouverait vaincue, en établissant ainsi un cultivateur sur les lieux [...] »

23On le voit, les terres de la Montagne n’ont pas bonne réputation. Celles de la ferme de La Borde au‑dessus de Charny, comme le rapporte le même enquêteur, « sont réputées ingrates ». Arides et éloignées des centres habités, elles sont sous‑exploitées, laissées pour une bonne part en friche et apparaissent comme des déserts que l’on songe au xviiie s. à peupler. Mais le projet ne s’est jamais réalisé et la fontaine Vaseau, à quelques centaines de mètres en amont des premières maisons de Thorey‑sous‑Charny, est restée environnée de taillis.

  • 23 ADCO XV F liasse 17, document CL.
  • 24 ADCO XV F liasse 17, documents I et II.

24D’aussi loin qu’il est possible de remonter dans le temps, la même constatation s’impose : ces hautes terres sont le domaine privilégié de la friche et des bois. Ceux‑là même ne sont pas bien considérés : en 1766, la forêt de Charny est dite « d’un mauvais sol et rapport », comme au reste tous les bois de la seigneurie : « Le bois de la voroille est un bois taillis essence de chesne pour la plus grande partie situé sur la montagne au finage de Mont Saint Jean d’un mauvais sol et produit [...]. Le bois Rouge est un bois taillis essence de chesne et charme scitué au finage de Mont Saint Jean sur une montagne d’un mauvais sol et produit »23. En 1556, les mêmes bois sont dits « assis en montagne en lieu assez maigre »24.

  • 25 ADCO XV F liasse 28, document LVI : « reconnaissance générale des habitants » de Mont‑Saint‑Jean du (...)
  • 26 ADCO XV F liasse 1, document III, f° 1v° et 13v° : dénombrement de 1540.

25Aux limites de l’exploitable, ces terrains sont surtout couverts de forêt résiduelle, de taillis et bois de coupe d’où émergent toutefois quelques cantons de haute fûtaie qui servent notamment de repère aux bornages. L’intérêt de ces massifs boisés n’est certes pas négligeable : ils sont bien intégrés dans l’économie rurale d’Ancien Régime et leurs différents rôles sont rappelés dans la documentation. Réserve de chasse seigneuriale sur laquelle « Mondit Seigneur a droit d’interdir toute sorte de chasse sur peyne de l’amende arbitraire »25, ce sont aussi des terrains de parcours pour le bétail des habitants de la seigneurie. Celle‑ci dispose d’un seul bois de haute fûtaie situé sur les confins des territoires de Charny et de Mont‑Saint‑Jean, produisant glands et faînes. La paisson y était couramment amodiée, comme en 1540 : « un petit bois de haulte futaie appelé Brosse dont la paisson se admodie par commission chaque année trois francs [ à Charny ], deux francs à Mont‑Saint‑Jean »26.

  • 27 ADCO XV F liasse 7, document XI.

26Les déprédations devaient être nombreuses à perturber leur équilibre biologique : un document de 1652 indique que les bois de la seigneurie sont « ruynés mangés du bétail »27.

  • 28 ADCO XV F liasse 29, document LVIII.

27Les bois « nobles » servaient aux constructions. Mais du fait de leur rareté, les récupérations étaient sans doute nombreuses, à l’image de celle qu’un charpentier de Mont‑Saint‑Jean réalise en 1662 en « démontant les bois de la vieille grange du chasteau dudit Mont Saint Jean pour les remonter et restablir en la grange de quatre chatz que l’on veult faire édiffier en la basse court du chasteau »28.

  • 29 ADCO XV F liasse 7, document IV : déclaration des droits de la seigneurie, sans date, XVe s.

28En fait, il s’agit essentiellement de bois de chauffage, généralement vendus par coupe au plus offrant, dont certains cantons pouvaient être réservés à la chauffe du four banal : « [...] ung petit bois dict la Veroille sis en la montagne qui souloit estre en coppe, lequel présentement est destiné pour le chauffage du fourg banal dudit Mont Sainct Jehan [...] Plus ung petit bois appelé le Montoiller sis en ladicte montagne en dessus le village... dont partie a esté destinée pour chauffer le fourg dudit Mont Sainct Jehan et l’aultre moitié se peut vendre de seize en seize ans et duquel l’on peut avoir cent écus la coppe »29.

  • 30 ADCO B2 417 ‑ 2 : registre de la prévôté de Mont‑Saint‑Jean, 1498‑99, f° 28v° et 32.

29Aux lisières, sur les ruptures de pente, des terrains broussailleux, communaux ou seigneuriaux : ces « genaurées », c’est‑à‑dire des terres couvertes de genévriers et sans dévolution particulière, font l’objet ponctuellement d’exploitations sauvages, illicites, rapportées par les archives judiciaires. Ainsi en 1498‑99, « la prevosté de Monseigneur, au plaintif de messiers les bourgeois » de Mont‑Saint‑Jean, demande réparation de 65 sous à « Jehan Roy de Fleurey, à Symon Gras, à Guiot Bricault et à Jehan Gailet [...] à cause du bois et genaurées par eulx pris en la montagne de Mont Sainct Jehan [...] ; Jehan Vertheux de Thorey doit la même amende « [...] pour se qu’il s’est transporté en la mostaigne de Mont Sainct Jehan au lieudit vers le bois de Charny près du chemin des charretons auquel lieu il a cartumé et labourré environ trois ou quatre journaulx de terre ce qu’il ne pouvoit ne devoit faire sans la licence de Monseigneur ou de ses officiers »30.

30Sur ces terres faiblement mises en valeur, il n’est pas étonnant alors qu’une ferme ait pu être établie, sans doute tardivement, par le seigneur foncier : les terres vides ne manquaient pas. Rien d’étonnant non plus qu’elle ait pu disparaître précocement. D’autant que la grange du Mont n’était pas le seul outil d’exploitation de la réserve seigneuriale. Elle ne devait être en réalité qu’un relais, qu’une installation avancée sur des terres éloignées du château de Mont‑Saint‑Jean qui constituait le centre pérenne de décision domaniale.

2.5. Le domaine de Mont‑Saint‑Jean

  • 31 ADCO XV F liasse 1, document III, f° 12v°.
  • 32 ADCO XV F liasse 16, document I, f° 4v°.

31L’épicentre de la seigneurie, c’est le château : « le château de Mont Saint Jean jurable et rendable » disent les dénombrements médiévaux sans plus de détails. Le dénombrement de 1540 est plus explicite et indique « le chasteaul et maison fort d’illec ensemble la mouthe basse et les foussez alentour ainsi que le tout s’étend et comporte, ensemble mis les jardins et vergers alentour »31. Une prise de bail des seigneuries de Charny et de Mont‑Saint‑Jean, rédigée le 23 août 1569, parle du « chastel et maison fort de Mont Saint Jean, ensemble les estableries estant soubz les greniers qui sont en la basse court [...] »32. En 1658, une estimation de la baronnie de Mont‑Saint‑Jean énumère le château, dont « la muraille est en ruines [...], l’église paroissiale et devant ladicte église [...] un grand corps de bâtiment composé d’une grande écurie [...] et au dessus les greniers, lequel bâtiment dépend dudit chasteau [...], plus un jardin dans l’enclos

  • 33 ADCO XV F liasse 19, document XXII, f° 19v°.
  • 34 ADCO XV F liasse 29, document LVI et LVII.

32deux maisons ruinées et places dans la basse court dudit Mont Saint Jean [...] ; au dessus dudit chasteau et distante de deux cent pas [...] une vieille grange soutenue par six colonnes laquelle est à moitié ruinée »33. Quatre années plus tard, en 1662, les bois de charpente de ce dernier édifice sont récupérés, nous l’avons vu, pour les « remonter et restablir en la grange [...] que l’on veult faire ediffier en la basse court du chasteau » ; pour ce chantier en outre, un charpentier s’engage à « fassoner et dresser tous les bois volant » et des « tailleurs de pierre demeurant audit lieu acceptent [...] toute la massonnerie necessaire a faire pour édifier et construire [...] ladicte grange laquelle aura quarante pieds de goutheros à goutheros et de pignon à pignon quarante huict pieds et les goutheros d’hauteur de douze pieds, les pignons à proportion et ladicte muraille d’épaisseur de deux pieds quatre pousses, au goutherot de devant deux petites portes de taille et un grand portail au carré »34. Soit des murs épais d’environ 0,85 m, d’une hauteur sous gouttereau de 3,90 m, un bâtiment de 15,50 m de long sur 13 m de large.

  • 35 ADCO XV F liasse 30, document II, f° 8 ; document IV, f° 7v°.
  • 36 ADCO XV F liasse 30, document VII, f° 9.
  • 37 ADCO. B 5484 bis.
  • 38 Cf. note 18.

33Le château est donc non seulement la résidence fortifiée du seigneur mais aussi, en sa basse‑cour, le centre d’exploitation de la réserve foncière. Venaient s’y ajouter, selon les besoins et les périodes, des annexes extérieures dont on peine malheureusement à établir la succession tant est partielle la documentation. La « vieille grange soutenue par six colonnes » détruite en 1662 existait sans doute au xve s. : elle est amodiée en 1462 et en 147835 ; le seigneur y « met ses foins, porcs et chevaulx » en 148636. En 1330‑31, au moins, sans doute avant et encore après, est exploitée la grange du Mont dont l’unique et sèche description laissée par les dénombrements ne permet ni d’évaluer la composition du bâti ni de vérifier l’extension des terres car rien n’indique qu’elles se confondaient avec les quatre hectares ou environ limités sur le terrain par la grande enceinte ovalaire. A la même date est louée pour 70 sous une « maison ou l’on a abergé les blés de l’année passée »37. En 1432‑33, pour la dernière fois car il vient de l’amodier, le sire de Mont‑Saint‑Jean reçoit les recettes de la portion des terres de la grange de Veuchey qu’il exploite, y tenant « le labourage d’une charrue de beuf [...] partant avec l’abbé de La Bussière »38.

34Tels sont les bâtiments du domaine dont, à dire vrai, on saisit peu de choses, pas même clairement les mutations. C’est en tout cas dans ceux‑là qu’étaient reçues et conservées les recettes en nature de la seigneurie, tant les redevances des tenanciers que « les moissons du labourage de la grange dudit Mont‑Saint‑Jehan », c’est‑à‑dire du domaine. Avec un siècle d’écart, les comptes de 1330‑31 et de 1432‑33 les évoquent mais bien mal : l’absence de précision et les criantes disparités de contenu empêchent tout constat précis ; l’éloignement dans le temps rend les comparaisons hasardeuses.

35Le plus ancien ne détaille pas tous les chapitres, si bien qu’on ignore la provenance de nombreuses recettes en deniers, froment, gros blé, avoine, foin et vin, rapportées globalement ou seulement évoquées au travers de dépenses d’exploitation. Que penser en outre de ces absences relevées d’un compte à l’autre ? En 1330‑31, la vigne a occasionné les dépenses de 21 sous et d’un setier de gros blé, les recettes de vin se sont élevées à 15 muids : autant d’éléments ignorés du compte de 1432‑33. En revanche, celui‑ci connaît des recettes et des dépenses concernant l’élevage, inconnues du compte du xive s. Il est vrai que cette information est alors donnée essentiellement par la « recette extraordinaire » des ventes de cuirs et de viandes effectuées cette année ; mais l’on y apprend que le sire de Mont‑Saint‑Jean entretenait un important troupeau, en la basse‑cour du château et en la grange de Veuchey. Gardé par « Gauthier Le Lont et trois vallets », il était composé de Bovins ‑ taureaux et bœufs, vaches et veaux ‑, de Porcins et d’Equidés.

36Il est ainsi noté, entre autres, la vente des cuirs d’une « thruie et d’un petit viaul que les loups tuèrent qui estoient fort mangiés et déchirés desdits loups qui estoient des bestes de Voichy » ; celle de « la char d’un petit beuf qui fut advenu dudit Voichy [...], lequel estoit fort malade, dont la char fut vendue à la boucherie dudit Mont Saint Jean » ; ou celle « du cuir d’une vache admenée de Voichy le 15 janvier, tuée à l’hostel de Mont Saint Jean pour les despens de l’hostel ».

37En cette année, huit bœufs, un taureau une vache, un veau, une jument et une truie furent ainsi amenés de Veuchey. Il faut y ajouter cinq bœufs des « bœufs de la charrue de Monst‑Sainct‑Jehan » qui, logés dans les bâtiments de la basse‑cour, subirent le même sort.

38Assurément, les informations sont trompeuses. Le rendement de la réserve ne peut être clairement défini ; celui de la grange du Mont, limité à un muid de gros blé dont la valeur ne peut pas même être précisément traduite en mesures contemporaines étant donnée l’indigence de nos connaissances en métrologie (Bailly 1901‑1904 ; Richard 1944‑45), est sans doute tronqué et ne peut être mesuré même relativement. Il ne doit pas, en tout cas, correspondre à la récolte et donc, bon an mal an, à la capacité productive de la grange : le terme de pariage implique en effet l’association de deux parties pour la fondation et donc la gestion de l’établissement ainsi défini ; dans le cas d’une exploitation par un tiers, il ne s’agirait en outre que du montant du loyer. Il serait ainsi fort hasardeux de conclure que la grange du Mont n’était capable de produire que des céréales de second choix, même si cela est conforté par la nature ingrate de son milieu d’implantation.

39Les informations qu’apportent au moins les aveux et dénombrements du xive s. sur l’extension et la composition du fief de Mont‑Saint‑Jean, partant de la réserve, paraissent en revanche plus fiables (fig. 9). Le sire de Mont‑Saint‑Jean avoue tenir « de la main » du duc de Bourgogne le château et ses dépendances, puis son « étang et moulin situé au dessous de Mont‑Saint‑Jehan », actuellement le moulin de l’Etang, ainsi que « l’étang de Varennes situé entre les villes de Varennes et de Sonote », aujourd’hui asséché mais repérable sur les cartes dans le toponyme « pré de l’étang » effectivement situé entre les deux écarts. Il dispose en outre de deux champs de 20 journeaux chacun, soit environ 13,7 ha de labour ; s’y ajoutent quatre pièces de pré totalisant 29 soitures soit environ 10 ha, et encore près de 6 ha de bois divisés en trois massifs dont le petit bois de la grange du Mont évalué à un arpent, soit 42,75 ares ; il exploite enfin 80 ouvrées de vigne en une pièce, soit 3,4 ha.

● Fig, 9 – La seigneurie de Mont‑Saint‑Jean : dénombrement de 1365 : la localisation des biens. 1 à 4 : localités de situation des biens constituant la réserve ; 5 à 24 : localités de situation des biens érigés en fief. 1– Mont‑Saint‑Jean. 2– Morey. 3 –Chambolle. 4– Vougeot. 5– Fontangy. 6– Thorey/Charny. 7– Gissey‑le‑Vieil. 8– La Motte‑Ternant. 9– Missery. 10– Chailly/Armançon. 11– Villargoix. 12– Thoisy‑la‑Berchère. 13– Marcilly‑Ogny. 14– Sussey. 15– Beurey‑Beauguay. 16– Châtellenot. 17– Censerey. 18– Allerey. 19– Essey. 20– Chazilly‑le‑Haut. 21– Manlay. 22– Voudenay. 23– Molinot. 24– Arcey.

  • 39 Comme en Lyonnais par exemple (Lorcin 1974 : 84 sq.). En Bourgogne cependant, d’après M‑Th. Caron ( (...)

40Telle est la réserve foncière de Mont‑Saint‑Jean : sa superficie ne dépasse pas les 35 ha, peut‑être 40 avec les terres difficilement évaluables de la grange du Mont. C’est là un domaine important en regard de ceux reconnus généralement pour les seigneuries laïques à la fin du Moyen Age39. Mais c’est fort peu par rapport aux centaines d’hectares que les monastères totalisent dans chacune de leurs granges, tels les 150 ha au moins que gère la grange cistercienne de Repans en Beaunois (Beck 1975).

41Certes les revenus de la seigneurie ne se limitent pas à cette réserve. Du fief de Mont‑Saint‑Jean dépend aussi un domaine à Morey, sur la Côte viticole : « sa maison près l’église dudit Morey, la vigne et jardin derrière icelle maison ; item quatre pièces de vigne au finage dudit Morey contenant environ 120 ouvrées de vigne ; item une pièce de bois ». Pour ce qu’il est possible de calculer ici, le sire de Mont‑Saint‑Jean comptait sur un peu plus de 5 ha de vigne.

42Les droits sur les habitants de la seigneurie, sur leur tenure et leur production sont, en outre, loin d’être négligeables : « les appartenances dudit chateau, savoir les villes de Mont Saint Jehan, de Glennoul, d’Ormancey, de Melin, de Fleurey et de La Come avec tous les hommes des villes tant francs que taillables et mortuables et leurs tenements et revenus desdits lieux ». Sur ces terres tenues par les paysans, le sire de Mont‑Saint‑Jean lève un loyer : « les censives ». Sur leurs productions il prélève en argent ou en nature des droits multiples : « les revenus, coutumes et dixmes de Fleurey, Molin et La Come, de bled, vin et chanvre ; les coutumes d’avesne et de gelines d’Ormancey, Flerey, Molin et La Cosme ». Sur la transformation de ces produits, le « ban vin » et le droit de cuire au four de la ville lui sont dus ; sur leur commercialisation, il perçoit « le péage » de Mont‑Saint‑Jean et celui de Huilly, ainsi que les « droits de vente à la foire et marchié » de Mont‑Saint‑Jean.

43De ces lieux et habitants, le seigneur possède les droits et donc les revenus de la « justice, haute, moyenne et basse, excepté à glenoul où le prieur dudit lieu a la moitié de la moyenne et basse justice et ledit seigneur de Monct Sainct Jehan la haute justice quant à l’exécution dans les cas des criminels, ainsi qu’à Marrey où le seigneur a ladite haute justice et la moitié des amendes de 65 solz qui seront faictes par les estrangiers et forains seulement qui se partagent par moitié avec ledit seigneur et l’abbé de Sainct Martin d’Autun ». Il détient en outre la haute justice de Morey, Chambole et Vougeot, partage en ces lieux la moyenne et la basse, « partant avec les religieux de Cîteaux ».

44D’autres possessions étaient instituées en fief. Les dénombrements en énumèrent 56, tenus par autant de vassaux. Les Mont‑Saint‑Jean s’assuraient ainsi la clientèle, la fidélité de ces lignages nobles, un pouvoir donc et un prestige ; mais ils démembraient du même coup un domaine s’étendant sur vingt localités autour de Mont‑Saint‑Jean et que l’on devine, malgré la brièveté des descriptions, riche et important.

45Pour 45 de ces chasements nobles, dont trois non localisables, la teneur n’est pas précisée. Ils pouvaient consister en quelques biens seulement, pas même fonciers, comme celui que tient « Jehan de Bassy à Burry à cause des dixmes de Gilette de Jonchery » : Allerey en concentre 5, Thorey, Beurey‑Beauguay et Arcey respectivement 4 ; 12 d’entre eux sont situés dans les hameaux de Mont‑Saint‑Jean à Melin, Sonote, Fleurey, La Côme, Varennes ; les 16 derniers se répartissent dans 14 autres localités. Mais certains fiefs sont visiblement plus importants. L’un d’entre eux comprend le moulin de Melin et les hommes de Missery ; quatre autres sont fondés sur « une maison et les droits en dépendant », respectivement à Allerey, Beurey‑Beauguay, Huilly près d’Allerey et Argey près de Sussey. Les « maison forte et appartenances » de Villeneuve, de Voudenay, de Ruillon ont été aussi constituées en fief ; comme le « château vieux de Gissey » et les châteaux de Molinot et de Chatellenot, avec leurs dépendances.

  • 40 ADCO B 10485.

46Enfin, outre le fief éponyme de Mont‑Saint‑Jean, le lignage jouit d’autres fiefs et possède des « francs alleux », répartis tant « dans le duché de Bourgogne qu’au comté de Chalon » : une lettre d’Etienne III datée de 1307, confirmant celle rédigée par Etienne II son père en 129140, les énumère. Il tient ainsi « Juancé, Martigné et leurs dépendances qui sont de l’arrière fief du duc [...], la ville de Hautmont et dépendances qu’il a acquis de franc alleu [...], ce qu’il a acquis de franc alleu en la ville et finage de Verrey de Guillaume et Jehan de Verrey, frères, dont il a repris en fief de l’abbé de Clugny [...], ce qu’il a en la ville et finage de Charancey dont il tient la moitié de ladite ville du au fief de Monseigneir Philippe de Vienne et l’autre moitié il l’a tient en franc alleu [...], la maison qu’il tient à Autun qui est du fief du comte de Nevers ».

  • 41 Peincedé, Recueil, manuscrit conservé en usuel aux archives départementales de la Côte‑d’Or, t. 26, (...)

47Entouré de nombreux vassaux, allié aux plus puissantes familles et institutions de Bourgogne et des régions voisines, le seigneur de Mont‑Saint‑Jean fait partie des grands du duché. En 1098, Hugues de Mont‑Saint‑Jean souscrit à la fondation de Cîteaux ; Guillaume I de Mont‑Saint‑Jean, sire aussi en partie de la puissante seigneurie de Vergy, est inhumé à Cîteaux en 1223 ; Guillaume III épouse en 1240 Marguerite fille du duc Hugues IV et se croise, dit‑on, en 1247 ; le dénombrement de 1348 est donné par Hugues III de Mont‑Saint‑Jean qui apparaît en outre dans la montre d’Avallon de 1358 à la tête de 22 hommes à cheval41, c’est‑à‑dire d’une compagnie importante seulement surpassée par celles des princes du sang et des très grands lignages. Hugues III est aussi le dernier du nom : Jeanne, sa fille et héritière, épouse Pierre de Thil qui prend possession de la seigneurie de Mont‑Saint‑Jean avant 1371. D’un mariage ou d’un héritage à l’autre, la seigneurie finit par entrer dans les possessions de Pierre de Beaufremont, déjà seigneur de Charny et de Molinot, puis de Pouilly et d’Arnay par son mariage avec Marie, fille de Philippe le Bon duc de Bourgogne ; l’ensemble est érigé en comté par lettres patentes en 1456. Par mariage des héritières, le comté, et donc la seigneurie de Mont‑Saint‑Jean, passe tour à tour aux mains des Luxembourg à la fin du xve s., des Princes d’Orange jusqu’au début du xviie s. des Chabot ensuite, puis des Lorraine et de la comtesse de Brionne, enfin de la maison de Saint‑Cyr avant d’être démembré à la Révolution (Courtépée 1774‑1986 : t. IV p. 110 sq ; Bobin 1892).

48Mais le domaine des Mont‑Saint‑Jean est, au xive s et sans doute déjà bien avant, largement démembré par les nécessités du jeu des chasements vassaliques. Autour du château principal, la réserve est réduite. C’est sans doute la meilleure part : le château de Mont‑Saint‑Jean est une forteresse puissante et la ville, seule « bonne ville » avec foire et marché entre Pouilly et Saulieu, est riche, active. L’exploitation agricole pouvait cependant apparaître comme trop petite, insuffisante pour nourrir une maignie importante, subvenir aux besoins d’un hôtel abondamment peuplé.

49L’existence de la grange du Mont puis de cette prise de participation dans l’exploitation de la grange de Veuchey –l’une a pu remplacer l’autre– suggèrent que le seigneur de Mont‑Saint‑Jean avait au moins le souci d’accroître la capacité productive du domaine.

2.6. Conclusion

  • 42 L’hypothèse est en tout cas conforme à la théorie des Wüstungen de Wihlelm Abel (1955), largement c (...)

50La grange du Mont pourrait être née ainsi de ce besoin de produire plus : dans le cours du xiiie s. sans doute, en tout cas avant 1330, date de la première mention. Son abandon, à l’évidence précoce, s’inscrit bien dans le processus général de désertification enclenché dans la seconde moitié du xive s. par les effets de la Peste Noire et de la guerre de Cent Ans. La grange du Mont, égarée sur cette montagne aride, ventée, isolée, a pu être emportée par la tourmente42. L’investigation archéologique devait vérifier ces hypothèses.

Notes

1 ADCO XV F liasse I, document IX, f° 18.

2 ADCO XV F liasse 17, document CL.

3 ADCO XV F liasse 17, document XXI.

4 ADCO B. 10804, f°3.

5 ADCO XV F liasse 7, document XI.

6 ADCO XV F liasse 17, documents I et II.

7 ADCO XV F liasse 1, document III, f° 1v°.

8 ADCO XV F liasse 9, document III, f° 11.

9 ADCO XV F liasse 30, document III, f° 13v°.

10 Respectivement ADCO XV F liasse 1, doc XXXIII ; ADCO B 10513, document XIV ; ADCO XV F liasse I, documents XXXIV, XXXV et XXXVI.

11 ADCO B 10513, document XIV : dénombrement de 1365.

12 ADCO XV F liasse 1, document XXXIV : dénombrement de 1404.

13 Respectivement ADCO B 5484 bis et ADCO B 1388, f° 15.

14 ADCO B 10484, f°82v°.

15 ADCO XV F liasse 30, document I.

16 ADCO série B, notamment B 10424 et B 10425.

17 Charmasse 1880 : documents XLII et XLIII, p. 46‑49 ; document XLV, p. 52.

18 Pourtant, rien dans les archives de l’abbaye, notamment dans les liasses concernant la grange de Veuchey (12 H 69 et 12 H 71), n’évoque cette association ou toute autre du même type.

19 ADCO B2 417.

20 ADCO B 11512 à B 11519.

21 Deux mentions, fort douteuses, pourraient par ailleurs l’évoquer : dans une déclaration des droits de la seigneurie de Mont‑Saint‑jean, non datée mais médiévale et postérieure à 1441, sont dus par des individus malheureusement non identifiés sinon par le fait qu’ils sont « demeurant à la Montagne de Mont Saint Jean [...] deux boisseaux par moitié forment et avesne mesure dudit lieu, pour le droit qu’ils ont de cuire leur pain en leur maison » (ADCO XV F liasse 7, document IV, f° 6v°). Autre mention sybilline et isolée, une prise de bail du comté de Charny en date du 23 août 1559 dénombre les « terres assises en la Montagne provenant de la mitancherie de Chastellerus [...] « (ADCO XV F liasse 16, doc. I, f° 5).

22 ADCO XV F liasse 1, document IX.

23 ADCO XV F liasse 17, document CL.

24 ADCO XV F liasse 17, documents I et II.

25 ADCO XV F liasse 28, document LVI : « reconnaissance générale des habitants » de Mont‑Saint‑Jean du 17/2/1675.

26 ADCO XV F liasse 1, document III, f° 1v° et 13v° : dénombrement de 1540.

27 ADCO XV F liasse 7, document XI.

28 ADCO XV F liasse 29, document LVIII.

29 ADCO XV F liasse 7, document IV : déclaration des droits de la seigneurie, sans date, XVe s.

30 ADCO B2 417 ‑ 2 : registre de la prévôté de Mont‑Saint‑Jean, 1498‑99, f° 28v° et 32.

31 ADCO XV F liasse 1, document III, f° 12v°.

32 ADCO XV F liasse 16, document I, f° 4v°.

33 ADCO XV F liasse 19, document XXII, f° 19v°.

34 ADCO XV F liasse 29, document LVI et LVII.

35 ADCO XV F liasse 30, document II, f° 8 ; document IV, f° 7v°.

36 ADCO XV F liasse 30, document VII, f° 9.

37 ADCO. B 5484 bis.

38 Cf. note 18.

39 Comme en Lyonnais par exemple (Lorcin 1974 : 84 sq.). En Bourgogne cependant, d’après M‑Th. Caron (1987 : 93 sq.), le faire‑valoir direct dans les patrimoires nobiliaires reste un phénomène important.

40 ADCO B 10485.

41 Peincedé, Recueil, manuscrit conservé en usuel aux archives départementales de la Côte‑d’Or, t. 26, p. 504.

42 L’hypothèse est en tout cas conforme à la théorie des Wüstungen de Wihlelm Abel (1955), largement confirmée par la suite, notamment en France (AVD 1970, VDHE 1965).

Table des illustrations

Légende ● Fig. 8 – Plans du Bois d’Amont. a– Plan de coupes, 1766. b– Arpentage 1714. c– Carte IGN, 1957. d–Cadastre, 1818‑1958.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/34490/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 100k
Légende ● Fig, 9 – La seigneurie de Mont‑Saint‑Jean : dénombrement de 1365 : la localisation des biens. 1 à 4 : localités de situation des biens constituant la réserve ; 5 à 24 : localités de situation des biens érigés en fief. 1– Mont‑Saint‑Jean. 2– Morey. 3 –Chambolle. 4– Vougeot. 5– Fontangy. 6– Thorey/Charny. 7– Gissey‑le‑Vieil. 8– La Motte‑Ternant. 9– Missery. 10– Chailly/Armançon. 11– Villargoix. 12– Thoisy‑la‑Berchère. 13– Marcilly‑Ogny. 14– Sussey. 15– Beurey‑Beauguay. 16– Châtellenot. 17– Censerey. 18– Allerey. 19– Essey. 20– Chazilly‑le‑Haut. 21– Manlay. 22– Voudenay. 23– Molinot. 24– Arcey.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/34490/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 45k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Lire

Open access

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search