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Les souterrains médiévaux du Limousin

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Serge Gady

Introduction

Volltext

1L’histoire de l’habitat médiéval en Limousin est particulièrement mal connue. L’intérêt porté aux sites gallo-romains et protohistoriques a retenu l’attention des chercheurs régionaux, au détriment de l’étude de gisements plus récents. Or, si la rareté des villages du Moyen Age actuellement répertoriés ne permet pas encore de tenter une synthèse régionale, le nombre élevé de cavités aménagées par l’homme fut rapidement perçu par les érudits locaux dès le xixe s. La bibliographie établie à propos des souterrains de la Marche consiste donc en un catalogue permanent, entrepris depuis plus de cent ans, et qui s’allonge aujourd’hui au hasard des découvertes.

  • 1 L’existence d’une cavité est bien connue dans certains villages, alors que son emplacement exact es (...)

2Les tableaux dressés par l’abbé Lecler (Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin) et Pierre de Cessac (notes manuscrites, collection particulière) dans la seconde moitié du xixe s. énumèrent la mise au jour de souterrains. Le progrès des techniques agricoles (labours profonds) est à l’origine de la révélation d’un grand nombre de cavités. Mais bien des monuments souterrains étaient connus des villageois et la connaissance de leur emplacement se transmettait de génération en génération1.

  • 2 Les objets les plus inattendus apparaissent en effet dans le remplissage des cavités et peuvent, en (...)

3Cependant les chercheurs ont toujours hésité à expliquer la présence de cavités dans le sous-sol de notre région. La visite rapide d’un souterrain pouvait avoir pour conclusion une interprétation hâtive, élaborée à partir de constatations non discutées : présence d’une tuile à rebord, d’un fragment de hache polie, d’une monnaie médiévale... L’absence d’interrogation sur la stratigraphie des sites concernés rend aujourd’hui ces conclusions trop souvent inutilisables. Les différents auteurs tiennent compte en effet dans leurs datations d’objets découverts dans les cavités et sur lesquels il n’est pas donné d’indication stratigraphique : par exemple P. Piboule dans Les souterrains aménagés de la France traite de « plusieurs datations absolues provenant de découvertes de monnaies ou de mobilier » (Piboule 1978 : 122). Les éléments archéologiques reposant au sein de couches d’occupation sont ainsi mêlés dans l’interprétation chronologique avec les documents associés au comblement des cavités (dépôts naturels fossilisant progressivement les couches archéologiques après abandon du site ou remblayage du souterrain)2.

4La première moitié du xxe s. est associée à la poursuite du répertoire des cavités : Franck Delage (Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin et notes manuscrites déposées aux archives départementales de la Haute-Vienne). A. Blanchet dans sa synthèse sur les souterrains-refuges de la France (Blanchet 1923), reprend la bibliographie existant alors et établit une origine généralement gallo-romaine ou gauloise pour les cavités, dont celles de la Marche. La confusion dans les interprétations ne doit cependant pas contribuer à occulter l’aspect novateur de l’œuvre d’A. Blanchet : cet auteur a conduit la première synthèse sur les souterrains français.

5Depuis 1960, en Limousin comme ailleurs en France, une recherche sur les cavités s’est largement développée, avec des résultats très inégaux. La somme importante des découvertes sur tout le territoire n’est pas exploitable en grande partie à cause d’un manque de démarche objective au stade des relevés et de la prise des informations stratigraphiques et mobilières éventuelles. On ne remarque aucune décision d’entreprendre des campagnes de fouilles véritables et, de ce fait, l’archéologie des souterrains laisse le champ libre (tout comme autrefois) aux interprétations personnelles, ne reposant souvent que sur des a priori.

6La découverte d’une cavité bien conservée à Bessines-sur-Gartempe, en Haute-Vienne, a été le point de départ d’une série de réflexions sur le souterrain lui-même et les cavités de la région. Pour étayer cette recherche, nous avons bâti une méthode d’exploitation des documents exhumés par la fouille : architecture, stratigraphie et mobilier. Elle représentait à notre sens un élément nécessaire à la démarche archéologique : un tel gisement doit être considéré avant tout comme un site archéologique, possédant par conséquent un potentiel d’informations auxquelles on ne peut accéder que par l’intermédiaire d’une méthodologie objective. La terminologie alors disponible dans le domaine architectural était celle de Chthonia, revue fondée par M. Broëns, et à laquelle succéda une typologie quasiment identique, publiée dans le Bulletin de la section française du Centre international de recherches d’archéologie chthonienne. La volonté de certains chercheurs étant de démontrer le caractère essentiellement cultuel des cavités qu’ils étudiaient, la typologie reflétait une tendance vers cette interprétation. D’autres chercheurs, tenants du rôle de refuge (ou de défense) attribué aux souterrains, s’appuyaient dans le cadre de cette terminologie sur des termes, des expressions ou des définitions de caractère interprétatif : « trou de visée », « fosse-piège »...

7L’interprétation des données acquises au Bois-du-Mont nous a permis d’élargir les interrogations posées à d’autres cavités qui ne livrent, par manque de fouilles méthodiques, que des renseignements disparates. La poursuite de notre recherche sur les souterrains a alors dépassé l’analyse des seuls vestiges visibles. Dans leur ensemble ils ne pouvaient être interprétés par leur seule étude archéologique. Ils ont été pris en compte dans un système d’analyses relatives à leurs contextes physique, géographique et historique.

8Pour conduire cette étude nous avons choisi comme cadre général la Marche, frange septentrionale du Limousin. Mais la Marche couvrant un espace géographique important, nous l’avons considérée dans les limites du bassin hydrographique de la Gartempe, de son cours supérieur à la ville de Bellac. La zone ainsi fixée s’étend sur 1 500 km2 et regroupe 65 communes. 94 sites ont été cartographiés (dont 2 caractérisés par la présence exclusive de silos : Razès, nos 78 et 79). Nous proposons donc un essai d’analyse des souterrains au sein de leur environnement, puis une méthodologie d’étude des cavités aménagées avec pour exemple la fouille du Bois-du-Mont.

Anmerkungen

1 L’existence d’une cavité est bien connue dans certains villages, alors que son emplacement exact est oublié. Parfois les souterrains sont encore utilisés de nos jours comme caves (cavités de la région de Saint-Pardoux, Haute-Vienne, etc.).

2 Les objets les plus inattendus apparaissent en effet dans le remplissage des cavités et peuvent, en cas d’absence d’analyse stratigraphique précise, conduire à des confusions dans les datations ; par exemple : au Bois-du-Mont (no 42), un fourneau de pipe fut révélé au contact de la stratigraphie médiévale...

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