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Les tombes romaines d’Armorique

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Patrick Galliou

1re partie. Sépultures et coutumes funéraires en armorique romaine

3. Les tombes de l’Armorique romaine

Texte intégral

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Charles Baudelaire, Une charogne.

3.1. Introduction

1Ces deux strophes nous rappellent fort opportunément que la répugnance universelle envers les métamorphoses que subit tout organisme vivant –humain ou animal– après la mort, n’est pas uniquement due à de simples réactions physiologiques ou sensitives, et que le profond dégoût qu’inspire aux hommes la pourriture s’ancre au plus profond d’eux‑mêmes, dans cette horreur qu’engendre le sentiment de l’individualité perdue (Morin 1976 ; Thomas 1980). Le mort que nous regardons devient nous‑même, nous vivons sa disparition et sa décomposition dont nous craignons l’horrible contagion. Il nous faut ainsi neutraliser cette décomposition de la chair, symbole de la mort impure et dangereuse et intégrer ces restes qui furent humains à un univers qui ne nous menace pas, celui du règne minéral, de l’immobilité cristalline des cendres ou des ossements dénudés.

2Cette aversion envers la pourriture qui pourrait envahir et corrompre le monde des vivants explique sans aucun doute les rites de purification –attestés dans presque toutes les sociétés humaines– auxquels sont soumis tous ceux qui ont touché ou approché le cadavre (ablutions, deuil, éloignement, etc.) (Frazer 1935 : 31‑35 ; Morin 1976 : 37 ; Toynbee 1971 : 43), mais module également les manipulations que l’on fait subir au cadavre pour en supprimer la décomposition (crémation, endocannibalisme), la retarder ou l’interdire (dessication, embaumement) ou bien encore la cacher (inhumation).

  • 1 L’embaumement, pratique d’origine orientale, est certes attesté à Rome (Toynbee 1971 : 41‑42) mais (...)

3Les Armoricains, comme la plupart des peuples de l’Europe occidentale, ne paraissent avoir adopté, aux âges historiques, que deux types principaux de pratiques funéraires (incinération et inhumation), avec toutefois de nombreuses variantes dans le détail1. Nous étudierons tour à tour ces deux pratiques, en reportant à un chapitre ultérieur l’examen de leur évolution chronologique, et nous considérerons également la question très controversée des puits dits « funéraires » ou « rituels ».

  • 2 Il semble toutefois que certains cadavres aient été délibérément jetés parmi les détritus dans cert (...)

4La mort, ce chancre au cœur de la vie, engendre, comme nous l’avons souligné plus haut, un système permanent d’angoisses et d’obsessions « que manifeste la prodigieuse importance de l’économie de la mort au sein de l’humanité archaïque » (Morin 1976 : 37‑38), et n’est donc jamais banale, mais toujours chargée d’un lourd fardeau affectif, de crainte ou de regret, d’angoisse ou d’espoir. En raison de cette charge affective, le cadavre, dans les sociétés antiques, n’est pratiquement jamais traité comme une simple charogne destinée au tas d’ordures mais comme un « objet » auquel des soins tout particuliers, codifiés ou ritualisés, doivent être accordés2. Nous tenterons donc, en étudiant les tombes romaines d’Armorique, de démêler les fils archéologiques nous conduisant à ces pratiques et à ces rites, de pénétrer les schémas mentaux et psychologiques de ces Gallo‑Romains de l’extrême Ouest.

3.2. Les tombes à incinération

3.2.1. Introduction

  • 3 Le bustum était une fosse remplie de bois ou sur laquelle était construit le bûcher proprement dit. (...)

5Le rite funéraire le plus couramment pratiqué en Gaule pendant la période qui s’étend de la Conquête à la fin du iiie s. fut sans aucun doute celui de l’incinération, et les témoignages que nous apportent les auteurs anciens sur cette cérémonie funèbre sont suffisamment nombreux pour que nous puissions la reconstituer comme suit : une fois achevées les cérémonies préliminaires (adieux au mort, toilette et exposition du défunt, etc.)(Toynbee 1971 : 44), le mort, revêtu de ses meilleurs vêtements, était placé sur une civière (lectus) ou dans une bière ouverte (area), que l’on portait en cortège jusqu’au cimetière pour l’y déposer sur le bûcher du bustum 3ou de l’ustrinum. Les amis et connaissances y jetaient des offrandes, objets ayant appartenu au disparu ou aliments qu’il avait particulièrement appréciés, et un membre de la famille allumait le bûcher sur lequel les assistants jetaient à nouveau des fleurs et des parfums. Une fois le brasier éteint, les ossements incinérés étaient traités de manière différente selon qu’il s’agissait d’une crémation sur bustum ou sur ustrinum. Dans le premier cas, on se contentait en effet de recouvrir de terre les restes de la crémation, alors que dans le second les ossements étaient soigneusement recueillis puis lavés avant d’être enfouis en terre dans un réceptacle autour duquel étaient déposés divers objets censés suivre le défunt dans l’au‑delà (matériel funéraire) (Daremberg, Saglio 1877‑1918 : art. Funus, 1367‑1409 ; Van Doorselaer 1967 : 30‑31).

6Il s’agit là en vérité d’une règle générale dont l’archéologie nous montre qu’elle était, en réalité, interprétée très différemment de région à région sinon à l’intérieur du même cimetière. Seule une étude très fine des nombreuses variantes typologiques que présentent les tombes, les réceptacles, les offrandes et le matériel funéraire peut par conséquent nous permettre d’approcher les rites funéraires dans toute leur complexité et de définir éventuellement certaines catégories locales, provinciales ou sociales.

  • 4 Des typologies très affinées ont été élaborées par MENNESSIER (C.). — Tombes gallo‑romaines du Limo (...)

7Il nous a paru peu probant d’appliquer aux tombes à incinération d’Armorique des systèmes parfois complexes servant à rendre compte de phénomènes caractéristiques de régions géographiquement et ethniquement très différentes (Uslar 1938 ; Nierhaus 1959), et nous avons également voulu éviter d’élaborer une typologie trop fine qui ne se serait appuyée que sur des témoignages archéologiques peu fiables ou bien trop discutables4, en portant notre choix sur une distinction simple –et peut‑être simpliste– entre tombes sans réceptacle (les restes de la crémation étant déposés dans une fosse) et tombes avec réceptacle (coffre de bois, urne, etc.).

3.2.2. Les tombes sans réceptacle

8Les fouilles de P. Merlat dans la nécropole de Quimper (Finistère) mirent au jour deux fosses, respectivement semi‑elliptique et rectangulaire, profondes d’environ 1 m, contenant un mélange de terre noircie, de cendres et de débris d’os calcinés ainsi que quelques clous oxydés et de rares tessons de céramique (Merlat 1953 : 392‑393, § IV, b ; § V, a). L’absence d’urne cinéraire nous permet de classer ces fosses dans la catégorie des Brandgrubengräber (Von Uslar 1938 : 159‑162), mode de sépulture qui semble être apparu vers 1000 av. n. è. à l’est des Alpes, pour devenir par la suite l’une des caractéristiques de la culture des Germains orientaux (Van Doorselaer 1967 : 90). Comme le fait cependant remarquer A. Van Doorselaer, les Brandgrubengräber sont relativement nombreuses dans les cimetières du nord de la Gaule (Van Doorselaer 1967 : 105‑106), et certains indices nous permettent de penser qu’elles se rencontrent également plus au sud (Quimper ; Jublains, Mayenne, cf. Boissel, Diehl, Petit 1969 : 46, et 1971 : 47 ; Brive, cf. Labrousse 1948 : 364), le petit nombre d’exemples cités ne correspondant sans doute qu’à l’imperfection des fouilles du siècle passé. Il est donc peu vraisemblable que la présence de telles sépultures dans les cimetières du centre et de l’ouest de la Gaule doive s’expliquer par d’éventuelles influences germaniques que l’on ne s’attend guère à rencontrer à date si haute (monnaie de Lucille à Jublains : Boissel, Diehl, Petit 1971 : 26) et dans des régions aussi éloignées du limes. Dans doute ne sont‑elles en fait que la preuve d’une rémanence de certaines pratiques archaïsantes, les Brandgrubengräber de Quimper ne représentant guère que 2 % des tombes de la nécropole, bien que ce pourcentage s’élève à 11 % à Jublains et à plus de 25 % à Bad Canstatt près de Stuttgart (Nierhaus 1959 : 19).

3.2.3. Les tombes avec réceptacle

  • 5 Au lait ou au vin (Van Doorselaer 1967 : 31), ce qui explique leur remarquable état de « propreté »

9Le type de tombe à incinération le plus courant en Europe occidentale depuis l’aube de la Protohistoire (civilisation dite des « Champs d’urnes »), est sans aucun doute la sépulture à réceptacle, les ossements provenant de l’incinération étant placés dans un récipient de céramique, de métal ou de verre, ou bien encore dans un coffret en bois. L’examen du contenu des urnes et coffrets découverts en Armorique montre que, dans tous les cas, les ossements incinérés étaient soigneusement séparés des cendres du bûcher et probablement lavés avant d’être déposés dans l’urne5. Il nous paraît cependant que la plupart des réceptacles ne recevaient pas la totalité des cendres que peut fournir un corps humain (environ 1,5 kg), les ustores se contentant probablement de recueillir les fragments les plus importants et négligeant les esquilles osseuses qui jonchent le sol des cimetières romains d’Armorique. Aux restes humains étaient souvent ajoutées les offrandes provenant du bûcher (monnaies, verre fondu, ossements d’animaux, objets divers) ainsi que quelques clous et certaines pièces du matériel funéraire. Il est à remarquer que certains de ces réceptacles, pleins d’ossements incinérés, contiennent une urne de plus petite taille, elle‑même remplie de cendres humaines (Rennes, cf. Decombe 1881 : 344, nos 11‑12 ; Douarnenez, cf. Sanquer 1975a : 70‑71), le même fait ayant été signalé en Normandie (Cochet 1857 : 412) et en Mayenne (Boissel, Diehl, Petit 1969 : 12, Dep‑6). On peut sans doute considérer qu’il s’agit là de tombes doubles contenant les ossements d’un enfant et de sa mère (?) (Jublains, cf. Boissel, Diehl, Petit 1969 : 13), cette pratique étant attestée dans le cas de tombes à inhumation du Bas Empire (York, cf. R.C.H.M. 1962 : pl. 33) (fig. 17).

● Fig. 17  Ensemble funéraire de Ménez‑Birou en Douarnenez
(Finistère). D’après Sanquer 1975a.

10Les réceptacles étaient ensuite placés en terre, dans des fosses creusées à cet effet dans le substratum, l’espace libre entre les bords de la fosse et l’urne était généralement comblé à l’aide des restes du bûcher funéraire, déversés à la pelle (Wenham 1968 : 26‑27). Ce remplissage, dans lequel étaient déposés les éléments du matériel funéraire (Merlat 1953 : 403, U 22/P 2, par exemple), donne aux tombes à incinération un aspect superficiel extrêmement caractéristique (Carhaix/Saint‑Antoine : inédit ; Quimper, cf. Merlat 1953 : 387‑388 ; Ruffiac, Morbihan, cf. Marsille 1912, etc.) On notera que si la majorité des urnes est enfouie en position « normale » l’ouverture dirigée vers le haut, la position inverse (urne retournée) est également assez courante (Kérity, Côtes‑du‑Nord, cf. La Chénelière 1880 ; Quimper, cf. Merlat 1953 : 388 [U 5], 392 [U 14], 403 [U 33], terrain Philippe), quelques urnes ayant par ailleurs été placées en position couchée (Merlat 1953 : 393 [U 18] ; Sanquer 1969 : 42). Cette disposition très particulière, qui se rencontre également à York (Wenham 1968 : 28, nos 5, 10, 11), à Dourdan (Essonne) (Fleury 1977 : 325), Jublains (Mayenne) (Boissel, Diehl, Petit 1971 : 24) ainsi que sur un certain nombre de sites du nord de la France et de Belgique (Van Doorselaer 1967 : 202‑203), ne nous paraît guère fortuite mais semble au contraire traduire des préoccupations rituelles.

  • 6 Nous devons reconnaître que la majorité des coffrets de pierre signalés en Bretagne (Plougasnou, cf (...)
  • 7 Ces petits coffres de tuiles sont très nombreux dans les provinces par exemple àTipasa, cf. Lancel  (...)
  • 8 Des coffres de ce type sont attestés à Coblence (Günther 1901) et à Meuilley (Côte‑d’Or) (Ratel 197 (...)

11Les dépôts funéraires, menacés d’écrasement par les terres environnantes, sont souvent protégés par des bourrages de pierraille ou de tuiles (Carhaix/Persivien, cf. Sanquer 1978b : 50 ; Quimper, cf. Merlat 1953 : 391 [U 13], 403‑404 [U 10, U 14, U 24] ; Sanquer 1969 : 42), ou bien encore par des structures construites de pierres sèches placées de chant6, des « coffrets » faits de tuiles à rebords (Ruffiac, Morbihan, cf. Marsille 1912 ; Saint‑Méloir, Côtes‑du‑Nord, cf. La Chénelière 1882)7 ou de planches clouées (Vannes [?], cf. Cussé 1877 : 101)8. L’ouverture des urnes, enfin, est normalement occultée par une pierre plate (Rennes, cf. Decombe 1881 : 343 ; Mowat 1875 ; Vannes, cf. Cussé 1877 : 100 ; Quiberon/Kerné, cf. Le Rouzic 1934 : 22 ; Quimper, cf. Dizot 1896 : 236 ; Crozon/Lostmarc’h, cf. Jarno 1904 : etc.), un fragment de tuile (Rennes, cf. Decombe 1881 : 343 ; Vannes, cf. Cussé 1877 : 100 ; Surzur, cf. Rialan 1924 : 66 ; Quimper, cf. Dizot 1896 : 236 ; Plelo, cf. Sanquer 1977b : 352, etc.) ou plus rarement par un vase (Vannes : assiette ; Cussé 1877 : 100 ; Douarnenez/Ménez‑Birou : écuelle ; Sanquer 1975a : 70‑71 ; Quimper, cf. Merlat, 1953 : 393 (U 16) ; Carhaix : assiette Walters 79/80 en sigillée, cf. Ropartz 1875) ou un fragment de vase (Quimper : fragment d’amphore ; Sanquer 1969 : 42) : on aura reconnu là une pratique extrêmement courante dans tous les cimetières romains de l’Europe (Haffner 1971‑1974 : tombes 42, 82, 83, etc. ; Mertens, Rémy 1972 : tombes 1, 2, 9 ; Günther 1901 : fig. 4/1, fig. 5/3, etc., par exemple), et dont la finalité pourrait fort bien être doublement rituelle (protection des ossements et fermeture de la tombe).

3.2.4. Les réceptacles : coffrets et urnes

3.2.4.1. Les coffrets de bois

12Il n’y a guère lieu, comme le fait remarquer A. Van Doorselaer (1967 : 102), de considérer les dépôts funéraires en coffrets de bois comme relevant d’un type particulier de sépulture : il ne s’agit en vérité que d’« un sous‑type des tombes à urne, vu que le réceptacle de bois y joue le rôle de l’urne » (Van Doorselaer 1967 : 102). Nous reconnaîtrons cependant que ce sous‑type, bien attesté dans d’autres nécropoles, à Blicquy (Hainaut), Jublains (Mayenne) (Boissel, Diehl, Petit 1969 : 46 ; id. 1971 : 4) ou Vimy (Monchy 1977), peut être difficile à déceler lors d’une fouille, ce qui permet sans doute de comprendre pourquoi un seul coffre de bois, fait de grosses planches clouées et contenant deux vases, a été signalé en Bretagne alors que des sépultures de ce type sont relativement nombreuses à Jublains par exemple (4 % des tombes).

3.2.4.2. Les urnes en verre

13Le réceptacle cinéraire de loin le plus commun sur tous les sites est l’urne de verre ou de terre cuite, ces vases formant, à Quimper, plus de 98% des tombes. Il ne semble pas, cependant, qu’il y ait adaptation d’un modèle particulier de céramique ou de verrerie aux usages funéraires. S’il est vrai que la plupart des urnes sont des formes dites fermées », on rencontre également des formes « ouvertes » (jattes, etc.) à Carhaix (nos 02.69, 02.146), Plougonver (Gaultier du Mottay 1884 : 34), Quimper (no 03.41) et Vannes, et l’on peut remarquer, dans bien des cas, que les ossements incinérés n’occupent qu’une partie réduite du vase. Tout paraît donc indiquer que les urnes, dans lesquelles étaient enfermées les cendres des défunts, étaient des vases à usage tant domestique (pots à cuire, cruches) (à Carhaix, nos 02.45, 02.84) que funéraire, de production locale ou d’importation.

  • 9 Rennes : rosace. Carhaix : deux cercles concentriques ; deux cercles concentriques, six feuilles en (...)
  • 10 Des bouteilles semblables étaient protégées dans des emballages de bois (Pompéi, cf. ISINGS (C.). — (...)
  • 11 C’est ce qu’indiquent les monnaies trouvées dans ces urnes : sesterce de Trajan à Quimper (no 03.34 (...)
  • 12 Ce vase est du type Isings 21 (Isings, op. cit.) et peut être daté de la période 75‑200 de n. è. Un (...)
  • 13 L’urne de Saint‑Frégant est du type Isings 67 c (75‑225 de n. è.), celle de Vannes du type Isings 9 (...)
  • 14 Bien que des vases de verre aient été importés en Armorique dès la 1re moitié du ier s. de n. è., i (...)
  • 15 Les statistiques portant sur les urnes de Rennes peuvent être faussées par la petite taille de l’éc (...)
  • 16 R. Ratel a pu faire la même remarque à propos des urnes de verre de Meuilley (Côte‑d’Or) (Ratel 197 (...)

14Une trentaine d’urnes de verre ont été découvertes en Bretagne, tant dans des nécropoles urbaines (Rennes, Kérilien, Quimper, Carhaix, Vannes) que dans des cimetières ruraux (Acigné, Ruffiac, Saint‑Méloir, Saffré, Sucé, Plounévez‑Lochrist, Carhaix/Saint‑Antoine, Saint‑Frégant) (fig. 18). Il s’agit, dans la grande majorité des cas (24/31 ), de bouteilles à parois épaisses, de couleur bleue ou bleu‑vert, à fond carré ou polygonal (Quimper, no 03.33) parfois estampillé9, et dont le type général a été fort bien étudié par Mme Charlesworth (Charlesworth 1966) : ces récipients, de capacité très variable, paraissent avoir été fabriqués dans la partie occidentale de l’Empire aux ier et iis. de n. è. et avoir servi à transporter10 et à conserver des liquides (probablement du vin). De très nombreuses découvertes (par exemple à York, cf. R.C.H.M. 1962 : 137) viennent confirmer la remarque de Mme Charlesworth : « Many endedup as cinerary urns » (1966 : 26), bien qu’il faille ajouter que des fragments de vases semblables se rencontrent également sur des sites d’habitat (Quimper, Pont‑Croix [Finistère], Saint‑Christophe, Elven [Morbihan], etc.). Les découvertes armoricaines, si elles ne permettent pas de confirmer l’existence d’un hypothétique atelier régional, se situent néanmoins très précisément dans la « fourchette » chronologique déterminée par Mme Charlesworth11. Les autres vases de verre sont de modèles très variés, coupe de forme conique allongée à Rennes (Decombe 1881 : 346, no 20)12, urnes globuleuses à Saint‑Frégant (Sanquer, Galliou 1969 : 185, fig. 4), Saint‑Méen (Miorcec de Kerdanet 1829 : 193‑194), Sucé (Lisle de Dreneuc 1903 : 50, no 324) et Vannes (avec monnaie de Postume, cf. Closmadeuc 1878), coupe apode à Saffré (Galliou 1978 : no 1)13. L’usage d’urnes de verre semble certes avoir duré en Armorique pendant une grande partie de la période romaine14, mais ces vases sont néanmoins peu nombreux dans les cimetières de la région et ne représentent guère plus de 4 % des urnes de Carhaix, 3,5 % de celles de Quimper et 9 % de celles de Rennes15, le pourcentage étant d’ailleurs sensiblement le même à Jublains (4 %). Il n’est pas impossible qu’il faille y voir les tombes d’Armoricains sensiblement plus aisés que ceux utilisant des urnes en céramique commune, d’autant que le pourcentage d’urnes de ce type contenant des monnaies (12 %) est bien plus élevé que celui des urnes en céramique commune. Nous ajouterons que ces vases ne contiennent jamais, à l’exception des monnaies, de matériel funéraire ou d’offrandes retirées du bûcher16.

● Fig. 18  Répartition des urnes de verre découvertes en Armorique.

3.2.4.3. Les urnes en terre cuite

15Les urnes cinéraires faites de terre cuite forment de toute évidence l’essentiel des découvertes funéraires d’époque romaine en Armorique, mais il faut bien avouer que cette masse de documents ne nous fournit qu’une quantité d’informations relativement limitée, la grande majorité de ces vases relevant de séries typologiquement uniformes ou ayant peu varié au cours des siècles. Seuls quelques vases de céramique fine, de provenance régionale ou provinciale (céramique fumigée, céramique sigillée), parfois figurés et surtout mieux datés, nous permettent d’affiner la chronologie des cimetières et des nécropoles.

◼ Les urnes en céramique locale

  • 17 Cet usage est également attesté à York (Wenham 1968 : 27, 29) et à Jublains (Boissel, Diehl, Petit  (...)
  • 18 Il s’agit là en vérité d’une impression subjective plus que d’une certitude scientifique, mais on n (...)

16Comme nous l’avons souligné plus haut, les urnes de céramique locale dans lesquelles étaient enfermés les ossements incinérés, ne paraissent pas avoir été réservées à un usage strictement funéraire, les séries de vases mises au jour à Quimper, tant dans la nécropole que dans les niveaux urbains chronologiquement équivalents étant, par exemple, parfaitement identiques. La présence, dans certains cimetières, d’urnes de qualité très médiocre (vases déformés à la cuisson à Carhaix : nos 02.83, 02.140) permet cependant de penser que certains potiers ou negotiatores écoulaient à prix réduit leurs vases de second (ou de troisième) choix aux portes de ces cimetières17. Bien que nous connaissions relativement mal l’évolution des ateliers de potiers d’Armorique et par là les raisons et la chronologie de l’évolution typologique de certaines formes, il nous semble néanmoins que les Armoricains aient utilisé des urnes de forme biconique pendant la 1re moitié du ier s. de n. è., l’usage du vase ovoïde (vase à cuire ou récipient à provisions) paraissant se généraliser à partir des années 50 de n. è.18. On notera enfin que certains de ces récipients paraissent avoir été déjà cassés ou percés lorsqu’ils furent placés en terre : c’est le cas en particulier de deux urnes de Quimper (Sanquer 1969 et no 03.72) dont la panse est perforée, les fragments provenant de ce bris ayant d’ailleurs été déposés à l’intérieur du vase. Comme nous le verrons plus loin, il s’agit là d’une pratique rituelle, dite du Seelenloch (passage de l’âme), bien attestée dans d’autres régions (Jublains, cf. Boissel, Diehl, Petit 1971 : 23 [Y/3‑10], 43 [Z/ 3‑6] ; Birten, Allemagne, cf. Hinz 1973 : 72 ; Meuilley, Côte‑d’Or, cf. Ratel 1977 : 95, etc.).

  • 19 Un atelier produisant de la terra nigra a été fouillé en 1971 à Rennes (secteur du Castel Saint‑Mar (...)
  • 20 Plusieurs fragments de vases de ce type sont conservés au musée de la Société polymathique à Vannes (...)
  • 21 Ce dernier terme est la traduction littérale de l’anglais bobbin‑shaped beaker, sur ce type de vase (...)
  • 22 Il est proche de la forme 175 de M.‑H. et J. Santrot (« Céramiques communes gallo‑romaines d’Aquita (...)

17Les vases de céramique fine, relativement peu nombreux dans les cimetières urbains ou ruraux (2,5 % à Carhaix, 4 % à Quimper), ne forment pas un groupe homogène, car il s’agit, là aussi, de récipients d’utilisation courante (vaisselle de table, emballages) « détournés » de leur utilisation première. Les vases de céramique fumigée, ou plus exactement de terra nigra d’origine régionale19, se rencontrent assez fréquemment dans les cimetières d’Armorique, les formes les plus courantes étant le bol à panse évasée, dit bol de type « Kérilien » (Pape 1978 : 142, A‑269), dont plusieurs exemplaires ont été découverts dans la nécropole de Vannes20, et la jatte biconique ou « vase‑bobine »21 à décor de cordons en relief (Quiberon/Kerné, cf. Le Rouzic 1934 : 22 ; Quimper : n° 03.35). Ces deux types, courants en Bretagne dans la 1re moitié du ier s., paraissent de production locale (Galliou 1980a : 233, no 7 et 228‑229, no 1), bien que les « vases‑bobines », de tradition gauloise et dérivant de prototypes en bois tourné, se rencontrent fréquemment dans les provinces occidentales de l’Empire (Galliou 1980a : 228‑229). Nous ajouterons que le vase de Quiberon/Kerné, moins évolué typologiquement que celui de Quimper, doit être sensiblement plus précoce (Auguste ?)22.

◼ Les urnes en céramique importée

  • 23 On y a découvert cinq ou six vases de ce type dont l’un contenait une monnaie de Domitien, datée de (...)

18Nous avons récemment montré (Galliou 1980b : 20‑22) que certaines urnes cinéraires, à pâte gris clair très bien cuite et à décor à la molette très caractéristique, n’étaient pas, comme le pensait L. Pape (1978 : 169), des poteries locales dont le style aurait trahi l’archaïsme, mais au contraire des importations en Armorique de productions bien attestées en Aquitaine sous les Flaviens (Santrot, Santrot, Tassaux 1975 : 142‑147). Il n’est pas impossible que ces vases, dont une petite série a été mise au jour dans la nécropole de Quimper23, et qui se rencontrent égalementsur des sites d’habitat (Quimper, Vannes, etc.), n’aient pas été exportés pour eux‑mêmes mais comme emballages d’une denrée dont toute trace a évidemment disparu. Il s’agirait dans ce cas d’un nouvel exemple de la réutilisation comme urnes cinéraires d’« emballages perdus ».

  • 24 Sur ce type de vase, cf. Hawkes, Hull, op. cit., note 21,237‑241.

19On doit également classer parmi les céramiques importées un petit groupe de vases à pâte grise ou blanc‑crème et à engobe rouge ou brun clair, du type dit « butt‑beaker » 24, dont le décor consiste en des rangées parallèles de palmettes stylisées tracées à la roulette sur le flanc du vase. Nous avons pu montrer que ces gobelets, que l’on rencontre dans les nécropoles de Quimper (no 03.36) et de Carhaix (no 02.132), étaient produits dans le 1er quart du ier s. de n. è. dans le centre de la Gaule d’où ils étaient exportés vers l’ouest de la Lyonnaise en particulier (Galliou : 1981a). Nous pensons pouvoir ajouter à cette série, d’origine relativement bien attestée, un autre vase découvert à Quimper (Sanquer 1969 : 41, fig. 4,12‑12 bis), dont la panse est ornée de deux zones de guillochis séparées par des baguettes rondes : nous ne connaissons pas d’autre exemplaire de ce type de vase en Gaule, mais tout permet de penser qu’il fut lui aussi fabriqué dans les ateliers de la vallée de la Loire (ou de l’Allier).

20Les deux gobelets ovoïdes en céramique métallescente découverts à Nantes, dans le cimetière dépendant de la villa de Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : pl. XI, 1‑2), sont des productions très caractéristiques des ateliers de Lezoux dans la période 80‑120 (Sénéchal 1972 : 18‑19) et, contrairement à ceux découverts dans le cimetière de Vannes, ont bel et bien servi d’urnes cinéraires. Nous ne pouvons avoir la même certitude en ce qui concerne les fragments de céramique sigillée ornée découverts, au gré des fouilles, dans un certain nombre de cimetières romains de la région (Nantes : rue de Strasbourg ; Vannes, cf. Cussé 1877 : 100 ; Quimper : nos 03.47, 03.48, etc.). Seuls deux gobelets de forme Déchelette 72, mis au jour à Carhaix, paraissent avoir rempli cet usage.

21Le premier, mis au jour en 1868 (Ropartz 1875 : 313), est décoré de rinceaux faits à la barbotine et de personnages exécutés en relief d’applique. On y reconnaît les motifs suivants :

22– Abondance ou Fortune revêtue d’une longue tunique à manches courtes, tenant de la main gauche une corne d’abondance et de la droite un gouvernail (Déchelette 1904 : no 71) ;

23– Hercule nu et imberbe, tourné à gauche, étouffant dans ses bras le lion de Némée (Déchelette 1904 : no 63) ;

24– Minerve debout, coiffée d’un casque corinthien à haute crista, vêtue d’une longue tunique et portant l’égide ; la main droite, levée, s’appuie sur une haste, l’autre, abaissée, soutient le bouclier qui repose sur un petit socle (Déchelette 1904 : no 14) ;

25– « Bacchus assis » (?), personnage viril à demi nu, assis sur un siège, un quadrupède indéterminé à ses pieds ;

26– Vénus assise à droite sur un siège (Déchelette 1904 : no 27).

27On aura reconnu là une production très classique des ateliers de Lezoux dans la période 150‑250, dont un autre exemplaire fut également découvert à Carhaix (Galliou 1974a : 17‑21). Bien qu’un vase de ce type ait aussi servi d’urne cinéraire dans la nécropole des Dunes à Poitiers (Eygun 1933 : 27), il est peu vraisemblable que ces gobelets aient été choisis pour la valeur symbolique de leur décoration et sans doute ne représentent‑ils qu’un signe extérieur de prospérité.

28Le second vase, de même forme mais de décor plus simple, fut mis au jour en 1898 et est aujourd’hui conservé au Musée départemental breton à Quimper (Finistère) (no 02.11 ). Son décor de feuillages incisés à la gouge est également très caractéristique des productions de Lezoux dans la période 150‑250 de n. è.

29Nous conclurons cette énumération par la mention de deux vases en céramique dite « à l’éponge », produite en Aquitaine entre la fin du iiie et la fin du ive s. (Raimbault 1973 ; Galliou, Fulford, Clément : 1980) et utilisés comme urnes cinéraires : l’un de ces vases –une jatte de forme Raimbault V– fut découvert dans une petite nécropole rurale à Saffré (Loire‑Atlantique) (Galliou 1978 : 52, no 3) et l’autre –un gobelet de forme Raimbault VIII– au pied d’un des menhirs des alignements du Ménec à Carnac (Clément, Galliou 1980). L’intérêt de ces deux vases ne réside pas tant dans leur présence en Armorique ou dans leur utilisation comme urnes cinéraires que dans le témoignage qu’ils nous apportent d’une longue persistance des pratiques incinérantes en Armorique.

3.2.4.4. Conclusion

  • 25 S’il est vrai que les urnes de marbre se rencontrent presque exclusivement en Narbonnaise, on peut (...)

30Il paraît donc clair, à la lecture de ce qui précède, que le choix du réceptacle ne diffère guère en Armorique de ce que l’on peut constater dans l’ensemble du nord de la Gaule. Comme partout ailleurs le choix de l’urne est fonction des goûts personnels et vraisemblablement du statut social des familles qui paraissent cependant préférer ici les vases de tradition locale aux récipients plus dispendieux, de verre, de marbre ou de plomb, qui n’apparaissent guère dans l’extrême Ouest25. Il est vrai, néanmoins, qu’en l’absence d’un corpus analytique complet des nécropoles et cimetières de la Gaule, de telles comparaisons sont fort aléatoires et qu’une telle tentative d’exploration de la sociologie des choix funéraires doit nécessairement aborder aussi le chapitre des offrandes et du matériel placé dans la tombe, destiné à accompagner le défunt dans l’au‑delà, et s’efforcer de dégager de cet examen des lignes de force complémentaires.

3.2.5. Offrandes et matériel funéraire

3.2.5.1. Généralités

  • 26 Cf. César, De Bello Gallico : VI, 19, 4, et le « testament du Lingon » (Hatt 1951 : 68‑69).
  • 27 A la différence d’A. Van Doorselaer (1967 : 100), nous préférons inclure dans la catégorie des offr (...)

31Tant les textes que l’archéologie nous apportent la preuve que les Gaulois, puis les Gallo‑Romains avaient l’habitude de brûler des offrandes sur le bûcher funèbre et de déposer un matériel parfois abondant dans les tombes26. Cette pratique, que l’on rencontre dans la plupart des sociétés humaines, n’a en vérité rien de surprenant et atteste, comme nous le verrons, une croyance mal définie à une survie du défunt dans l’au‑delà. Nous distinguerons cependant entre deux catégories d’objets offerts au défunt, les offrandes, brûlées sur le bûcher ou brisées sur la tombe, et le mobilier funéraire déposé dans la sépulture27 , bien qu’elles renvoient toutes deux au même arrière‑plan eschatologique. Il est souvent difficile, en vérité, de distinguer, à la lecture des rapports de fouille du siècle passé, entre les offrandes brisées ou consumées et les éléments du mobilier funéraire placé dans la tombe, et nous ne nous appuierons donc que sur les témoignages les plus précis, évitant de ce fait les zones d’ombre ou les hypothèses trop aléatoires.

32Comme nous l’avons souligné plus haut, le rite de l’incinération supposait que les amis et parents du défunt jettent sur le bûcher des vêtements, des bijoux, de la nourriture et des objets particulièrement appréciés du disparu, et qu’ils versent dans les flammes, à l’aide d’unguentaria de verre, des parfums destinés à dissiper les odeurs infectes de la crémation (Ovide, Fastes : III, 561 ; id., Tristes : III, 3, 69). Ces offrandes brûlées, recueillies parmi les cendres du bûcher, étaient placées dans l’urne (Nantes/Saint‑Donatien, cf. Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 50 ; Billiers, Morbihan, cf. Lejards 1966 ; Vannes, cf. Cussé 1877 : 101 ; Quiberon/Kerné, cf. Le Rouzic 1934 : 22 ; Quimper, cf. Merlat 1953 : 388 [U 6], 389 [U 7], 390 [U 12], etc. ; Carhaix/Saint‑Antoine : inédit ; Carhaix : nos 02.48,49, 51, 100, 132, 153, etc. ; Goulien, cf. Du Chatellier 1886 : 232 ; etc.) ou simplement jetées, avec les restes du bûcher, dans la fosse creusée pour recevoir l’urne (Vannes, cf. Cussé 1877 : 101 ; Locmariaquer, cf. Closmadeuc 1893 : 187, no 9 ; Quimper, cf. Merlat 1953 : 389 [U 10], 390 [U 11], etc. ; Carhaix, cf. Du Chatellier 1900 ; etc.).

3.2.5.2. Les offrandes brûlées sur le bûcher

33Un examen minutieux du contenu de certaines urnes cinéraires et de celui des fosses où elles étaient placées, permet de définir plusieurs catégories d’offrandes jetées sur le bûcher funèbre et par là même de mieux comprendre le sens de ce rite.

◼ Animaux

  • 28 On a pu établir que l’oiseau incinéré déposé dans la sépulture du Plessis (commune de Velles, Indre (...)

34Le dépôt d’ossements d’animaux incinérés au milieu des cendres humaines est une pratique bien attestée en Gaule (Sampont, cf. Noël 1968 [chevreuil, sanglier] ; Prunay II, cf. Bry, Fromols 1938 : tombe 38 [volatiles, avec monnaie de Néron] ; Courcelles et Strée, Hainaut, cf. Van Doorselaer 1967 : 113), qui se rencontre en Armorique à Quiberon/Kerné (Le Rouzic 1934 : 22) et à Quimper (Sanquer 1969 : 43, bovins et caprins). Il semble que des animaux entiers (volailles) ou des quartiers de viande (bœuf, chèvre) aient été brûlés sur le bûcher en même temps que le cadavre28.

◼ Balsamaires

35Des gouttes ou masses de verre fondu se voient assez fréquemment dans les tombes à incinération (Nantes/Saint‑Donatien : Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 50 ; Vannes : Cussé 1877 : 101 ; Quimper : Merlat 1953 : 389 [U 10], 390 [U 11, U 12], 394 [V 5],395 [T 7] etc. ; Carhaix : nos 02.106,02.126, etc.). Elles proviennent de la fusion de balsamaires de teinte bleu‑vert ou jaune, dont les parfums furent versés sur le bûcher. La présence d’unguentaria de type semblable, mais intacts, à l’intérieur de certaines urnes (Vannes, cf. Marsille 1921 : no 1724 avec fragment de lacrymatoire Isings 82 A 2 ; Carhaix : no 02.126 ; Quimper : lacrymatoire de type Isings 28 b [collection privée] ; Concarneau/Le Vuzit : ?) nous révèle par ailleurs que des parfums étaient également versés sur les ossements incinérés placés dans l’urne, à l’intérieur de laquelle on abandonnait le lacrymatoire ayant servi à cet usage.

◼ Coffrets à charnière en os

  • 29 P. Merlat note en effet (1953 : 398) qu’ils sont « très souvent déformés par le contact avec les ce (...)

36Les cylindres d’os évidés et percés d’un ou deux trous (« sifflets des morts » que l’on rencontre également assez fréquemment dans les urnes cinéraires (Nantes : Lisle de Dreneuc 1903 : nos 345,348 ; Quimper : collection Lucas ; Merlat 1953 ; 398‑399 ; Sanquer 1969 : 42 ; Carhaix, cf. Ropartz 1875 : urne no 02.110), posent en revanche un problème relativement complexe : s’il est certain aujourd’hui qu’il s’agit bien d’éléments de charnières et non de sifflets, de pesons de tisserands ou de jouets d’enfants (Fremersdorf 1940 ; Pelletier 1971), il ne paraît cependant guère probable que ces charnières aient servi à articuler le couvercle des bières dans lesquelles étaient placés les défunts. Nous pensons au contraire qu’elles faisaient partie de coffrets de bois placés sur le bûcher29, et qui devaient contenir des objets « précieux » (objets de toilette, bijoux, etc.). Il s’agit d’une pratique courante au Bas Empire où de nombreuses sépultures contiennent de tels coffrets, souvent doublés d’un feuillard de bronze (Radnoti 1957).

◼ Monnaies et objets en métal

  • 30 Il est vrai que dans la plupart des publications l’état des monnaies n’est pas mentionné. Le jet de (...)
  • 31 A Nantes/Saint‑Donatien, Billiers (Morbihan), Ruffiac (Morbihan), etc.

37Il n’a guère été signalé en Bretagne de monnaies jetées sur le bûcher funèbre et tout au plus peut‑on citer ici les deux monnaies découvertes dans une urne de verre à Carhaix/Saint‑Antoine (Finistère), qui portaient les traces d’une forte combustion30. Il est de même bien difficile de déterminer, à l’exception des fragments de bronze et de fer fondus mis au jour dans la sépulture à incinération de Kerlan en Goulien (Du Chatellier 1886), si les objets de métal dont on a parfois signalé la présence à l’intérieur ou à proximité d’urnes cinéraires avaient ou non subi la flamme du bûcher31.

◼ Vases

  • 32 Dans l’urne : Carhaix, no 02.132 par exemple. Sur l’urne : Quimper, no 03.63 (Merlat 1953 : 390 [U  (...)

38Nombreux, en revanche, sont les fragments de poterie découverts dans, sur, ou à côté des urnes cinéraires32, et un examen attentif montre bien qu’ils correspondent à deux moments différents des funérailles.

  • 33 Par exemple à Blicquy (Laët 1972) : tombes 32b, 43, 74,155, 335 ; Étretat (Cochet 1855 : 43), à Sam (...)
  • 34 Ce qui permettrait peut‑être de rendre compte du nombre relativement important de coupelles Drag. 3 (...)

39Il est bien évident que les tessons de céramique qui portent des traces de combustion ont été jetés sur le bûcher, le bris ayant eu lieu avant la crémation, selon une pratique bien attestée ailleurs (Chamalières, Puy‑de‑Dôme, cf. Fournier 1959 : 363‑377 ; York, cf. Wenham 1968 : 25 ; Mackwiller, Bas‑Rhin, cf. Hatt 1967 : 85 ; Lavaud, Creuse, cf. Dupuy 1968 : 114‑117 ; Louroux, Creuse, cf. Autexier, Moret, Roche 1978 : 63 ; etc.). La majorité de ces tessons provient de céramiques différentes de celles des urnes cinéraires et l’on y remarque surtout des coupelles en sigillée Drag. 35/36 dont l’utilisation funéraire est bien connue33 (Quimper, cf. Merlat 1953 : 389 [U 7], 390 [U 11, U 12] ; Sanquer 1969 : 42‑43), des cruches (Carhaix : dans l’urne no 02.132 ; Quimper, cf. Merlat 1953 : 390 [U 10] et note 23 ; etc.) ainsi que divers vases globulaires (Quimper, cf. Merlat 1953 : 394 [U 22] par exemple ; Carhaix : dans l’urne no 02.49 par exemple), et enfin des fragments de sigillée décorée (bols de type Drag. 37 en particulier : Vannes, cf. Cussé 1877 : 100‑101 ; Quimper : collection Lucas). Il est par conséquent fort possible d’imaginer que des vases remplis de nourriture (ovoïdes) et de liquide (cruches) étaient brisés sur le bûcher ou que les assistants, après avoir partagé un repas funèbre en l’honneur du défunt (silicernium), brisaient dans les flammes la vaisselle souillée par la mort34.

40Le bris de vases non brûlés est également attesté à Carhaix/Saint‑Antoine où de nombreux fragments de cruches en céramique à pâte jaune surmontaient l’urne cinéraire. Cette pratique, que l’on rencontre aussi à Blicquy (Hainaut) (Laet 1972 : 31), paraît résulter d’ablutions purificatrices effectuées au‑dessus de la tombe encore ouverte, ou bien encore des dernières libations offertes au défunt. Dans les deux cas, la vaisselle utilisée, salie au contact réel ou imaginaire de la mort, devait être éliminée du monde des vivants.

3.2.5.3. Le mobilier funéraire déposé dans la sépulture

41A cette idée fort répandue de l’impureté du cadavre ou de ses cendres s’oppose, de manière parfaitement paradoxale, le sentiment que le corps mort ou les ossements incinérés sont associés à la survie de l’âme, qu’ils servent de réceptacle à « un corps vaporeux » et que « le défunt conserve tous ses besoins et tous les sentiments qu’il éprouvait auparavant » (Cumont 1949 : 18). L’urne cinéraire « est traitée exactement comme l’était le corps. Elle est placée pareillement dans le tombeau qui la reçoit avec des armes, des outils, des objets de toilette, des mets et des boissons » (Cumont 1949 : 15). Cette conception d’une permanence de la vie au‑delà de la mort, source d’espoir, explique de toute évidence le dépôt dans les tombes, dans l’urne ou dans la fosse qui la protège ‑aucune règle particulière ne semble avoir régi ces dépôts –, d’un matériel funéraire extrêmement varié et dont nous nous proposons, dans ce qui suit, d’examiner les diverses catégories.

◼ Vases

  • 35 A Vannes : « vases de terre fine au milieu des cendres » (Cussé 1877) ; à Carhaix : no 02.117 dans (...)
  • 36 A Quimper, cf. Merlat 1953 : 403 ; Carhaix, cf. Du Chatellier 1900 : lii‑liii.
  • 37 Cette association est fréquente aussi dans les tombes plus tardives (Gagnière, Granier 1972 : 128, (...)
  • 38 C’est en particulier le cas des cruches. Sur les biberons, cf. Laët 1972 (Blicquy : tombes 29, 56)  (...)
  • 39 Vannes : coupe Isings 32 (25‑350 de n. è.) ; Ruffiac : deux coupes Isings 86 ou 93 à décor de filet (...)
  • 40 Tasse en céramique sigillée Drag. 24/25 dans l’urne 02.153. Elle porte l’estampille : DANO de Danom (...)
  • 41 Vannes, cf. par exemple no 1770 ; Carhaix, cf. no 02.98.
  • 42 Inscription : ACAIO en grènetis faits à la barbotine sur panse de petit vase en céramique métallesc (...)
  • 43 Le petit pichet de Carhaix (n° 02.34) porte le graffite LVNARIS autour du col. Il est très probable (...)
  • 44 De telles louches à tête de cygne apparaissent dès le ve s. av. n. è. sur des céramiques grecques e (...)
  • 45 Cf. Galliou 1976b : 36, nos 9‑10. On trouvera des exemples similaires à Narbonne, cf. Robert 1977 : (...)
  • 46 Sur le nombre de vases à offrandes, cf. COLLIS (J.). — Pre‑Roman burial rites in north‑western Euro (...)

42Comme l’a remarquablement prouvé la découverte, aux Martres‑de‑Veyre (Puy‑de‑Dôme), de tombes à inhumation fort bien conservées, le mort emportait dans sa dernière demeure nourriture et boissons placées dans des vases disposés autour du corps ou de l’urne cinéraire (Audollent 1922). C’est très vraisemblablement ainsi qu’il faut expliquer la présence, dans les nécropoles d’Armorique, de cruches, de pichets ou de gobelets enfermés dans la tombe et dont toute trace de nourriture a bien sûr disparu. Bien que l’on puisse remarquer que certains de ces récipients avaient été disposés dans les urnes35, il semble cependant qu’ils aient été, en majorité, placés à proximité immédiate de ces dernières36. Les types de vases utilisés, écuelles à Arzon (Le Rouzic 1912) et Ruffiac (Marsille 1912), cruches carafes et pichets à Arzon (Le Rouzic 1912), Ruffiac (Marsille 1912), Rennes (Decombe 1881 : 347, no 23), Saffré (Leroux 1875 et 1877), Carhaix (Ropartz 1875 : c et h), tasses et gobelets à Vannes (Closmadeuc 1878 ; Marsille 1921 : nos 1765,1768, 1770), Quimper (Merlat 1953 : 403 [U 19] et P 2/U 22) et Carhaix (nos 02.98, 02.116, 02.153 a), et enfin biberons à Saffré (Leroux 1875) et Quimper (no 03.45), trahissent surtout des préoccupations utilitaires, associant vase à liquide et récipient à nourriture37. S’il s’agit, dans la majorité des cas, de pièces de vaisselle d’usage courant38, destinées à l’alimentation du défunt, enfant ou adulte, certains vases, par leur nature –verre à Vannes, Ruffiac, Saffré, Carhaix39, sigillée à Carhaix40, céramique métallescente à Vannes et Carhaix41– ou leur décoration –inscription à ia barbotine à Vannes42, graffite « religieux » à Carhaix43– paraissent traduire le désir des vivants d’offrir au défunt un présent sortant de l’ordinaire. On peut d’ailleurs classer sous la rubrique des « vases à offrandes » certains éléments de matériel funéraire à fortes connotations rituelles mis au jour en Bretagne, tels le fragment de simpulum à tête de cygne de la sablière du Stanq en Plonéour‑Lanvern (Finistère)44 ou bien encore les couvercles (?) miniatures de Bagatelle en Saint‑Martin‑des‑Champs (Finistère)45. Il faut enfin ajouter qu’aucune loi particulière ne semble régir le nombre de vases déposés dans la tombe, ce chiffre variant de un (Quimper, cf. Merlat 1953 : 403 ; Carhaix : nos 02.116, 02.153 a) à huit (Ruffiac, cf. Marsille 1912 (?) ; Quimper : lotissement Philippe, inédit)46. En dépit de sa quasi‑universalité dans le monde romain, la pratique du dépôt d’offrandes alimentaires ne nous semble pas avoir été extrêmement répandue en Armorique : nous n’en voulons pour preuve que le pourcentage relativement bas (environ 10 %) de tombes de la nécropole de Quimper contenant ce type de dépôt. Il faut cependant reconnaître que ce pourcentage n’est guère plus élevé dans d’autres régions (Blicquy : 7,6 % ; Jublains : 19 % ; York/Trentholme Drive : 6 %).

◼ Monnaies

  • 47 Ces pratiques se sont poursuivies jusqu’à l’époque moderne dans certaines régions françaises (Auver (...)

43Il faut également citer, au titre des rites funéraires les mieux attestés, le dépôt d’une ou de plusieurs monnaies dans la tombe (Van Doorselaer 1967 : 123‑124) (fig. 19). On voit habituellement dans ce dépôt l’obole (naulum) à Charon, permettant au défunt de passer le Styx et de pouvoir trouver le repos dans l’au‑delà. Il semble en vérité que ce rite, d’origine méditerranéenne, se soit répandu dans le nord de l’Europe à la fin de La Tène, mais ceci ne signifie pourtant pas, à notre avis, que les Armoricains (et peut‑être les Gallo‑Romains dans leur majorité) aient souscrit à des idées aussi élaborées de la vie future et sans doute ne faut‑il y voir qu’une sorte d’« argent de poche », permettant au défunt d’assurer sa subsistance dans l’au‑delà47. On notera d’ailleurs que ces monnaies sont parfois remplacées par des objets ronds (disque de verre taillé à Carhaix, cf. Ropartz 1875 : 314 ; galets marins à Quimper) selon une pratique connue en de nombreux endroits : Sainte‑Fériole (Corrèze) : palet en verre épais (Delage 1940 : 501) ; Aureil (Haute‑Vienne) : galets de quartz et cristal de roche (Eygun 1957 : 227‑228) ; Jublains (Mayenne) (Boissel, Diehl, Petit 1969 : 14, Dep‑13) ; Blicquy (Laët 1972 : 31) ; Prunay I (Bry 1938 : tombe 43, deux galets ronds) ; Prunay II (Bry, Fromols 1938 : tombe 32, deux galets de rivière ; tombe 47, un galet roulé ; tombe 50, deux galets roulés) ; cf. aussi Van Doorselaer 1967 : 116.

● Fig. 19 – Répartition des monnaies de naulage découvertes dans les tombes romaines d’Armorique.

  • 48 A Blicquy une tombe contenait sept monnaies (Laët 1972 : 24) et l’on a signalé la découverte de 40 (...)

44Les monnaies recueillies dans les tombes romaines à incinération d’Armorique sont assez peu nombreuses (tableau I), mais se rencontrent tant dans les cimetières ruraux (Sucé, Peumerit, Tréguennec) que dans les nécropoles urbaines (Vannes, Quimper, Carhaix) : elles sont en général déposées dans l’urne cinéraire, soit au fond (Vannes, Carhaix/Saint‑Antoine) soit au milieu des ossements, au nombre d’une ou deux dans la majorité des cas. Les dépôts plus importants, 6 monnaies du iie s. à Moëlan (Finistère) et 42 monnaies de la 1re moitié du ier s. à Berric (Morbihan) (Clément, Galliou 1978), s’ils sont rares, n’ont rien d’exceptionnel48. On ne peut par ailleurs, comme le montre le tableau I, distinguer de corrélation entre la nature de l’urne (verre, céramique commune, céramique importée) et la présence de monnaies et il n’y a pas non plus, pour autant que nous puissions le savoir, de lien entre le dépôt de monnaies de naulage et d’offrandes alimentaires. Le tableau II montre que le pourcentage de tombes contenant des monnaiesest relativement bas dans les nécropoles urbaines d’Armorique (4% à Quimper, environ 2 % à Carhaix), mais que ces chiffres n’ont rien non plus d’extraordinaire. Sans doute faut‑il admettre que le dépôt d’une monnaie de naulage dans les tombes ne s’est pas généralisé au Haut Empire dans le nord de la Gaule.

● Tableau I – Monnaies et incinérations.

Sites

% de tombes avec monnaie(s)

Quimper

4,00 %

Carhaix

env. 2,00 %

Jublains

7,00 %

York (1966)

2,00 %

Quesques

2,50 %

Apt

15,00 %

Blicquy

14,75 %

Prunay II

24,00 %

Prunay I

15,00 %

Sampont

1,50 %

Meuilley

50,00 %

● Tableau II – Pourcentage de monnaies dans les tombes : quelques exemples.

45La répartition chronologique de ces monnaies montre une concentration assez nette sous les Flaviens et pendant le iie s., ce qui n’a en soi rien d’exceptionnel et correspond seulement à une phase de prospérité de l’extrême Ouest gaulois. Il faut d’ailleurs remarquer que certaines de ces monnaies, et surtout celles de la dynastie antonine, ont pu circuler jusqu’aux années 270 et donc être déposées dans la 1re moitié du iiie s. : la découverte d’une monnaie de Postume dans l’une des urnes de la nécropole de Vannes, la trouvaille, dans des circonstances mal déterminées, de monnaies de Probus (Bagatelle en Saint‑Martin‑des‑Champs, Finistère, cf. Puyo 1876) et de Constantin (Crozon, cf. Halna du Fretay 1898 : 156‑157) soulignent en tout cas une nette persistance des pratiques incinérantes jusqu’à l’aube du ive s.

◼ Lampes à huile

  • 49 Cf. par exemple : BRAILSFORD (J. W.). — Hod Hill, I. London, British Museum, 1962.
  • 50 Un premier recensement des lampes romaines d’Armorique nous en a montré à Rennes, Corseul, Lavret ( (...)

46On a souvent signalé la découverte, dans des tombes d’époque romaine, de lampes à huile destinées, selon toute vraisemblance, à fournir aux esprits des morts la lumière dont ils avaient besoin pour percer les ténèbres de la tombe (Cumont 1949 : 48‑52 ; Van Doorselaer 1967 : 120‑122). Il faut avouer que les trouvailles de ce type ont été extrêmement rares en Bretagne où nous ne pouvons guère recenser qu’une lampe mise au jour à Quimper (no 03.44) et un objet de métal exhumé à Croas‑Men‑en‑Douarnenez, et que le fouilleur a décrit comme « un fer de lance ou angon à extrémité recourbée et à pointe latérale » (B.S.A.F., LII, 1925, p. xxxix) : il n’est pas impossible qu’il s’agisse là d’un crochet à lampe d’un type bien connu à l’époque romaine et encore fabriqué au siècle dernier49. On peut penser que cette quasi‑absence de lampes dans les tombes d’Armorique ne fait que traduire un phénomène social bien attesté dans notre région où ces objets ne se rencontrent qu’en très petit nombre et presque exclusivement dans les villes50.

◼ Objets d’habillement et de parure

47L’essentiel du matériel funéraire des tombes à incinération d’Armorique est constitué de petits objets d’habillement (fibules) ou de parure (colliers, bracelets, etc.) qui n’ont, dans la majorité des cas, pas d’autre signification que celle que leur confère le dépôt dans la tombe. On peut admettre qu’ils relèvent en général du mundus muliebris et signalent par conséquent des sépultures féminines.

  • 51 On verra des peignes semblables dans les publications suivantes : MOREAU (F.). — Album Caranda. Fou (...)

48Les objets d’os travaillé, dont le décor témoigne parfois de l’art de la tabletterie gallo‑romaine, sont relativement rares en Bretagne et tout au plus pouvons nous citer deux épingles de type simple, découvertes à Vannes (Marsille 1921 :no 1783) et Carhaix (dans l’urne n° 02.153), ainsi qu’un peigne à double denture, d’un modèle commun dans l’ouest de l’Empire romain (Quimper : no 03.51)51.

49S’il semble bien que l’on n’ait déposé de collier complet dans aucune tombe d’Armorique, les éléments en sont fréquents et très divers. On y voit alterner des perles d’espacement en verre (Quimper : anneaux de verre, cf. Dizot 1896 ; Sanquer 1969 : fig. 4, 14;Combrit/Gorréquer, Finistère : perle polyédrique en pâte bleu‑turquoise ; Saffré : « petite sphère percée », cf. Leroux 1875) ou en terre cuite (Quimper, cf. Merlat1953 : 403) et des pendentifs variés, lunule de bronze à Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874: pl. VII), rondelles découpées dans des andouillers de cerf à Plonéour‑Lanvern (Finistère) et Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : pl. VII) ou boîte à sceau de récupération à Quimper (Sanquer 1969 : fig. 4, 14 ; Galliou 1975), médiocres bijoux auxquels viennent s’ajouter les « amulettes » découvertes à Spézet (Finistère) (Halna du Fretay 1898 : 157) et le « torques » de Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 36 ? ; comparer avec Jublains, cf. Boissel, Diehl, Petit 1969 : pl. XVII).

  • 52 Ou fibule Ettlinger 24 (E. Ettlinger, op. cit). Il faut bannir le terme de « fibule militaire ».
  • 53 A Quimper (lotissement Philippe et les trois fibules mentionnées dans le B.S.A.F, 1949, P. V., p. x (...)

50Les fibules, compléments indispensables du vêtement féminin mais aussi masculin, se rencontrent dans de très nombreuses tombes à incinération d’Armorique, tant pendant la période de La Tène que pendant l’ère romaine. Le type le mieux représenté est la fibule dite « à queue de paon »52, fabriquée en Gaule au ier s. de n. è. (Carnac/Crucuny, cf. Le Rouzic 1931 ; Quimper, cf. Sanquer 1969 : fig. 4, 13 et collection privée ; Bagatelle en Saint‑Martin‑des‑Champs, Finistère, cf. Galliou 1976b : 40‑41, nos 2‑7), mais l’on y rencontre également d’autres modèles des ier et iie s. à Goulien (Du Chatellier 1886 : 231), Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : pl. VII) et Guern (Morbihan) (Gilles 1931). D’autres trouvailles, enfin, ne nous sont pas parvenues53, pas plus d’ailleurs que les bagues signalées à Combrit/Gorréquer (Finistère) (Du Chatellier 1907 : 305‑306) et Spézet (Halna du Fretay 1898 : 157), tandis que nous avons de bonnes descriptions de bracelets mis au jour à Goulien/Kerlan (Du Chatellier 1886 : 229, feuille de bronze sur âme de bois), Saffré (Leroux 1875 : 50, verre bleu) et Nantes (B.S.A.N. L.I. 1879 : XVIII, p. 14, no 24 : « bracelets incomplets, les uns en verre vert, les autres en verre bleu, variés de formes, mais simples »).

  • 54 Cf. BESSOU (M.). — Le fanum de Camp‑Ferrus à Loubers (Tarn). Gallia, 36, 1, 1978, p. 209, fig. 27, (...)

51On complétera cet inventaire des bijoux et accessoires du vêtement par la mention d’éléments de ceintures (anneaux, chaînette ?) découverts à Plonéour‑Lanvern (Finistère) (inédit) et Quimper (lotissement Philippe : inédit) et de six ornements de bronze en forme de palmettes et portant au dos des rivets qui devaient permettre de les fixer à une pièce de cuir (ceinture ?, baudrier ?) et dont l’équivalent exact est connu dans le Tarn54.

  • 55 Cf. B.S.A.F, 1958, P. V., p. xii. Nous pensons qu’il s’agit de « forces » d’un modèle déjà connu à (...)
  • 56 Petit propose d’y voir « la Félicité debout comme sur le médaillon de Magnia Urbica, femme de Carie (...)
  • 57 Par exemple : Callas (Var), cf. FRANCE‑LANORD (A.). — Boîte à miroir et à fard trouvée à Calas (Var (...)

52Les accessoires de toilette proprement dits sont par contre relativement rares. Si l’on peut douter de la nature exacte du ciseau de bronze découvert à Quimper55, on notera néanmoins la trouvaille de trois miroirs à Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : pl. VII), Quimper (no 03.52) et Carhaix (fragment : Du Chatellier 1900), deux de ces objets étant protégés par des boîtes décorées, l’une d’un surmoulage d’une monnaie de Néron, l’autre d’un motif difficilement identifiable56. Il est vrai que ces accessoires de la beauté féminine sont souvent placés dans des tombes du Haut Empire57.

  • 58 Lunule : ce type d’objet existe en Europe dès l’époque de La Tène (cf. PIC (J.‑L.). — Le Hradischt (...)
  • 59 Par exemple : FILLON (B.). — Lettre à M. Letronne sur un tombeau antique découvert à Saint‑Médard d (...)

53Cette brève énumération des objets de parure mis au jour dans les tombes à incinération de Bretagne est sans aucun doute quelque peu décevante. Nous n’y trouvons qu’un assemblage médiocre de petits objets abandonnés au défunt, destinés sans doute à lui permettre de vivre une existence confortable dans l’au‑delà et peut‑être même à le protéger du mauvais sort58, mais où ne figure jamais, comme dans certaines tombes à inhumation59, la gamme complète des parures et des ustensiles de toilette. Doit‑on alors penser que ce matériel funéraire n’a qu’une fonction symbolique et qu’à l’image de la tombe, maison en miniature, il n’est qu’un abrégé du mundus muliebris ?

◼ Outils et armes

54Un certain nombre de tombes à incinération d’Armorique ont aussi livré des objets de métal, outils et armes, que l’on doit classer sans doute dans des catégories différentes mais qui reflètent, comme les objets de parure décrits plus haut, des préoccupations eschatologiques semblables.

  • 60 On en rencontre fréquemment dans les tombes : par exemple à Aureil : deux clés, cf. Eygun 1957 : 22 (...)

55Il n’est pas rare de trouver, dans les tombes à incinération, de grosses clefs de fer que l’on ne pouvaitguère utiliser que pour ouvrir et fermer des portes d’habitation (Quimper : dans l’urne no 03‑02 ; Goulien, cf. Du Chatellier 1886 : 229, ?)60. Sans doute faut‑il y voir des objets symboliques laissés à la disposition du mort pour qu’il puisse verrouiller à sa guise sa demeure éternelle.

  • 61 Cf. DURRY (M.). — Les Cohortes prétoriennes. Paris, 1938, p. 60‑63 (à Rome).
  • 62 Cf. AYMARD (J.). — Essai sur les chasses romaines des origines à la fin du siècle des Antonins. Par (...)
  • 63 Cf. Aymard, op. cit., p. 201‑202 ; C. Jullian, Histoire de la Gaule, 1908‑1926, t. II, p. 285.

56On a d’ailleurs mis au jour, dans un nombre relativement élevé de sépultures romaines d’Armorique, des objets de métal paraissant être des armes, épées (ou glaives) de fer à Carhaix (Du Chatellier 1900 : liii, posé contre une urne) et Quimper (Merlat 1953 : 403 ; B.S.A.F, 1949, P. V, p. xii), dague et couteaux à Quimper (B.S.A.F., 1949, P. V., p. viii) et Saffré (Loire‑Atlantique) (Leroux 1877), fourche de fer et hache en bronze à Quimper (B.S.A.F. 1949 : P. V., p. viii) et Vannes (Marsille 1921 : no 1788), umbo et bordure de bouclier à Landudec (Finistère). Sans doute serait‑il imprudent de vouloir considérer toutes ces tombes comme les sépultures de militaires d’origine italique ou gauloise, bien que ces derniers aient souvent été inhumés dans des nécropoles « civiles »61, et l’on doit, si l’on veut comprendre le sens de ces dépôts, se référer au testament du Lingon. Le testateur y énumère en effet les objets familiers qu’il désire emporter dans l’autre monde : volo autem omne instrumentum meum quod ad venandum et aucupandum paravi, mecum cremari cum lanceis, gladiis, cultris..., les lanceae et les gladii étant glosés par J. Aymard comme les javelots et les épées courtes destinées à la chasse au gros gibier, et le culter (ou plus exactement culter venatorius) comme le couteau utilisé pour dépecer les bêtes ou se défendre contre les fauves62. Cette analyse permet sans doute de rendre compte de la présence de couteaux et d’« épées » dans bon nombre de tombes armoricaines, où ces objets, soulignant l’amour bien connu des Celtes pour la chasse63, pourraient être considérés comme des signes extérieurs de richesse (Van Doorselaer 1967 : 194‑195), mais n’explique cependant pas le dépôt de Landudec/Guilguifin où une urne cinéraire probablement assez précoce (début du ier s. de n. è. ?) contient deux éléments de bouclier, un umbo de fer et une bordure de bronze : or le bouclier n’est certes pas une arme de chasse (Van Doorselaer 1967 : 194). Le dépôt d’armes dans les tombes est bien attesté dans la protohistoire armoricaine et européenne (Europe du Nord‑Ouest, cf. Collis 1973 : 121‑131), où il paraît réservé aux classes supérieures, celles des princes et des petits chefs. La description que nous donne Tacite de l’armée commandée par Julius Sacrovir lors de la révolte de 21 permet d’ailleurs de confirmer cette analyse : « Ils étaient quarante mille, dont le cinquième était armé comme nos légionnaires ; le reste avait des épieux, des coutelas et toutes les autres armes qu’on emploie à la chasse » (Annales, III, XLIII) : nous avons là, semble‑t‑il, un raccourci saisissant de la hiérarchisation de l’armement dans la société du début de l’ère romaine, qui peut nous autoriser à considérer la tombe de Landudec (Finistère) comme celle d’un petit potentat local du début de l’ère, régnant sur sa parcelle d’une Armorique encore peu romanisée.

◼ Statuettes

57Les statuettes mises au jour dans un certain nombre de tombes à incinération d’Armorique posent aussi de délicats problèmes d’interprétation. Convient‑il en effet d’y voir des représentations à caractère religieux (divinités à caractère « funéraire »), à rôle apotrapaïque (protection du mort contre les démons et les mauvais génies), ou bien encore résultant d’un choix purement personnel (dévotion du défunt pour une divinité) ? Seul un examen de ces petits objets nous permettra d’y voir plus clair.

  • 64 Par exemple : BLANCHET (A.). —‑ Étude sur les figurines en terre cuite dans la Gaule romaine. Mémoi (...)
  • 65 Tréguennec, cf. Du Chatellier 1856 : 529‑536.
  • 66 A moins que l’on doive voir dans la figuration du couple enlacé un témoignage d’une fidélité conjug (...)

58Les figurines de terre blanche, dont les connotations funéraires ont été si souvent soulignées64, ne se rencontrent guère dans l’Ouest, bien que des ateliers de fabrication aient été signalés à Tréguennec (Finistère) et à Rennes (Ille‑et‑Vilaine)65. On ne peut ainsi recenser que deux « déesses‑mères », à Nantes (rue de Strasbourg) et Moëlan/Kermeur‑Bihan (Finistère), deux Vénus anadyomènes à Riec/Kerléon (Finistère) et Moëlan/Kermeur‑Bihan (Finistère), une Epona à Nantes (rue de Strasbourg), un couple enlacé à Nantes/Saint‑Donatien, un Risus et une tête diadémée à Nantes (rue de Strasbourg), une divinité tutélaire et un enfant à Quimper (terre rouge) et enfin un bélier à Nantes (rue de Strasbourg). Si la « qualité funéraire » de certaines de ces statuettes ne paraît guère qu’accessoire (Risus, couple enlacé)66, il n’en va cependant pas de même des autres.

  • 67 Cf. ROUVIER‑JEANLIN (M.). — Les Figurines gallo‑romaines en terre cuite au Musée des Antiquités Nat (...)

59S’il est relativement probable que la figurine d’Epona trouvée à Nantes évoque et accompagne le voyage du défunt vers l’outre‑tombe (Benoît 1950 ; Duval 1976 : 50), on ne peut douter du caractère tutélaire des statuettes de déesses‑mères de Nantes et Moëlan, ces Matres que représente si souvent l’iconographie gauloise, assises dans un fauteuil d’osier à haut dossier et tenant un ou deux enfants dans leur giron67. Leur action bienfaisante et protectrice (Duval 1976 : 56) s’étend en effet au‑delà des frontières de la vie pour assurer au défunt paix et repos dans la tombe (Thévenot 1951 : 21‑22).

  • 68 Cf. PICARD (G.‑CH.). — Vénus funéraire et Libitina. Mélanges de l’École française de Rome, LVI, 193 (...)

60Sans doute est‑ce le même rôle protecteur que sont censées jouer les figurines de Vénus anadyomènes recueillies à Riec et Moëlan (Finistère), « pacotille des foires et des marchés » (Duval 1976 : 106), dont le rôle funéraire et psychopompe est bien attesté68, ainsi que la statuette‑plaque de Quimper/Champ de Manoeuvre (Dizot 1896 : 238), qui représente une femme vêtue (déesse probablement) tenant contre elle un enfant nu qu’elle protège de la main gauche (Thévenot 1951 : 13‑14).

  • 69 Cf. BLANCHET (A.). — Étude sur les figurines en terre cuite dans la Gaule romaine. Mémoires de la S (...)

61Les statuettes de bélier sont relativement rares dans les sépultures, comme nous le montre le catalogue dressé par A. Blanchet69, et ne semblent pas dénoter un quelconque culte funéraire, à moins que l’on ne doive y voir des modèles réduits des chenets à tête de bélier.

  • 70 Par exemple à Wederath (Haffner 1971‑1974 : tombe 162, Vénus), Saint‑Marcel (PICARD [G.‑C.]. — Circ (...)

62Il faut enfin remarquer qu’un certain nombre de ces statuettes sont brisées (Riec, Moëlan) : il n’est pas impossible que ceci témoigne d’un partage rituel, semblable à celui des bracelets de verre. Nous ajouterons également, bien que rien ne le confirme en Bretagne, que ces figurines étaient souvent placées dans des tombes d’enfants70.

  • 71 Recensement des découvertes bretonnes dans : GALLIOU (P.), CLÉMENT (M.). — Deux chenets de pierre à (...)
  • 72 On trouvera une bonne bibliographie de ces trouvailles dans LAËT (S. de). — Chenet celtique à tête (...)

63On découvrit à Lostmarc’h en Crozon, au milieu du siècle dernier, une sépulture à incinération protégée par une pierre plate, qui comportait une urne cinéraire et un vase contenant un chenet à tête de bélier en terre cuite rouge (Jarno 1903‑1904 et 1928). Si la trouvaille d’un tel chenet n’a rien d’exceptionnel en Bretagne71, cette découverte en contexte funéraire est en revanche d’un intérêt remarquable, car il semble que ce soit l’exemple le plus méridional connu à ce jour (Van Doorselaer 1967 : 201). Cette découverte atteste sans aucun doute la permanence, à l’époque romaine, d’un culte « celtique » du foyer associé au culte des morts, qui se traduit par le dépôt dans les tombes de chenets de métal ou de terre cuite, de chaudrons à anses mobiles, de broches, et dont les traces les plus nombreuses ont été reconnues à ce jour chez les Nerviens72.

  • 73 Sur ces objets, cf. par exemple : GUIMET (E.). — Les Isiaques de la Gaule. Revue archéologique, 3e  (...)

64Il est regrettable que nous ne connaissions pas mieux les circonstances de la découverte, au siècle dernier, de cinq ouchabti en faïence émaillée vert clair dans une sépulture de la commune de Plougonven (Finistère), au milieu de ruines antiques (Ploesquellec 1850). Ces figurines, dont trois sont actuellement conservées au Musée départemental breton à Quimper (no catalogue 29.191.00.G.1), représentent des momies humaines, les mains croisées sur la poitrine, la main gauche tenant une pioche (?) et la main droite un hoyau. Derrière l’épaule droite est figuré un sac destiné à contenir du grain. Des inscriptions hiéroglyphiques figurent au droit ou au revers, ou bien sur les deux faces. Les ouchabti, encore produits à l’époque romaine, se rencontrent assez fréquemment dans les sépultures de Gaule où ils témoignent, comme à Plougonven, de la pénétration des religions orientales dans l’ouest de l’Empire romain73.

◼ Clous de fer et de bronze

  • 74 Faut‑il y voir une référence au pouvoir rafraîchissant de l’eau de rivière, apaisant la soif des mo (...)

65On doit conclure cette longue énumération des objets déposés dans les tombes à incinération de l’Armorique romaine par la mention d’objets qui, s’ils ressortissent au matériel funéraire, n’en relèvent cependant pas directement, n’étant pas destinés à faciliter l’existence du défunt dans l’au‑delà mais plutôt à dresser une barrière entre lui et les vivants. Nous voulons bien sûr parler des clous de fer ou de bronze que l’on découvre si fréquemment dans les tombes à incinération de Gaule (Van Doorselaer 1967 : 122), et qui n’ont visiblement pas servi à assembler le lectus, la bière ou le coffre enfermant le dépôt funéraire. La plupart des tombes armoricaines ont en effet livré des clous, dont le nombre varie de un (dans la majorité des sépultures, par exemple Carhaix nos 02.49, 02.59) à trois (Plélauff, Carhaix 02.67) et parfois onze (Carhaix 02.51). L’état d’oxydation du métal rend souvent difficile une identification certaine de ces objets, mais il semble que l’on ait fréquemment placé dans les tombes de grands clous de charpente, longs de 10 à 15 cm (Quimper, cf. Dizot 1896 : 237 ; Carhaix, cf. Du Chatellier 1900 : « dans presque toutes les urnes »), de fer très pur. Cette pratique, très bien attestée ailleurs (Blicquy, cf. Laët 1972 : 30‑31 par exemple), a pour but, comme nous le verrons plus loin, de fixer l’esprit du défunt à sa « demeure certaine », de l’empêcher de revenir sur terre en l’enclouant symboliquement. Il faut enfin signaler la présence, au fond de la plupart des urnes cinéraires de Carhaix, de quelques poignées de petits graviers schisteux qui paraissent avoir été puisés dans l’Hyère, petite rivière coulant à 800 m du nord de la ville antique. Nous ne connaissons pas d’autre exemple de ce rite dont la symbolique reste parfaitement obscure74.

3.2.6. Conclusion

66Cet examen des sépultures à incinération d’époque romaine en Armorique appelle sans aucun doute trois remarques essentielles : les tombes mises au jour sont extrêmement variées, non certes dans les réceptacles qu’elles utilisent (les urnes de céramique étant, comme nous l’avons vu, largement majoritaires), mais dans leur aménagement interne, dans les dépôts de nature diverse qui parfois les accompagnent. Il n’y a pas en Armorique de coutume funéraire parfaitement établie qui ordonnerait, jusqu’à la monotonie, l’organisation de ces tombeaux et si l’incinération suivie d’un dépôt en terre des ossements incinérés est la règle adoptée par tous, ou presque, les différences de détail sont telles qu’elles donnent parfois l’impression d’un rituel sinon individualisé, du moins commun à la famille ou au groupe humain (village, villa, etc.).

67Cette diversité se double pourtant d’une unité culturelle que l’Armorique partage avec le reste de la Gaule. On a eu, en effet, tort de croire, sur la foi du petit nombre de monuments funéraires découverts dans notre région (stèles, piliers, etc.), à un particularisme archaïsant ou conservateur de l’Armorique romaine, affirmation péremptoire que devrait tempérer un examen comparatif et critique des nombreuses nécropoles du nord de la Gaule. Celui‑ci nous donne à voir, comme l’a fort bien perçu J.‑J. Hatt, que le léger vernis de la romanisation masque mal, en Lyonnaise et en Belgique du moins, un particularisme « celtique » dont nombre de cimetières d’époque romaine nous permettent de distinguer les linéaments. On ne perçoit nullement, en effet, de rupture culturelle entre les pratiques incinérantes des âges du Fer en Armorique et celles de la période romaine, et le double mouvement vers l’unique et le multiple est le même qui sous‑tend les coutumes funéraires de la protohistoire armoricaine.

68Il y a également communauté –tant horizontale que verticale– dans la médiocrité, dans ces urnes cinéraires de troisième choix, sinon de rebut, dans cette absence d’offrandes et de mobilier funéraire, au point que nous hésitons à qualifier une seule tombe armoricaine de « riche ». Que faut‑il alors en conclure ? Pauvreté de la région ? Choix du dépouillement dans les coutumes funéraires ? Hasard des découvertes ? Ce sont là questions complexes et multiformes auxquelles nous tenterons, dans la suite de ce travail, d’apporter des réponses prudentes.

3.3. Les tombes à inhumation

3.3.1. Introduction

69Bien que l’on puisse voir se dessiner en filigrane, sous la classique opposition entre incinération et inhumation, une profonde dichotomie culturelle, un dualisme du cuit et du cru, on doit reconnaître que ces deux grandes pratiques funéraires, fondées sur une réduction du vivant au minéral, reviennent finalement au même, le mort, sous forme de cendres ou de cadavre, étant placé en terre, dans la plupart des cas à l’abri d’un réceptacle, humble ou somptueux. La comparaison ne s’arrête d’ailleurs pas là puisque, comme nous le verrons plus loin, le cadavre inhumé est traité avec les mêmes égards que le corps incinéré et reçoit comme lui l’offrande d’un matériel funéraire qui doit l’accompagner dans l’au‑delà.

70On remarquera, cependant, que les sépultures à inhumation découvertes en Armorique sont extrêmement peu nombreuses –une centaine tout au plus– cette paucité posant bien sûr un problème historique –et méthodologique– de taille. Comment expliquer en effet que l’Armorique du ive s., moins peuplée sans doute que celle du Haut Empire mais où vivaient sans doute deux à trois cent mille habitants, n’ait fourni qu’un nombre aussi réduit de tombes ? Aussi l’étude qui suit, où nous aborderons tour à tour la typologie des tombes et des réceptacles, les problèmes du traitement des corps inhumés et la question du matériel funéraire, est‑elle nécessairement biaisée en faveur des tombes les plus « riches » ou du moins celles dont le réceptacle solide, de pierre, de plomb ou de tuiles a signalé la présence.

3.3.2. Les tombes sans réceptacle

  • 75 On notera cependant qu’une des tombes de la nécropole de Saint‑Urnel en Plomeur pourrait être datée (...)
  • 76 Rennes : un fragment de gobelet en verre et une entrée de serrure en fer (sur douze tombes) ; Pléhé (...)

71Les tombes sans réceptacle, ou tombes en pleine terre, ont été rarement signalées en Bretagne (fig. 20). Les corps, enfermés dans un linceul fermé par une épingle (Pléhérel, cf. Bardel 1977 : 26) ou simplement cousu (Plomeur/Saint‑Urnel, cf. Giot, Monnier 1977 : 161), étaient déposés dans une fosse creusée dans le substratum, sans cercueil ni sarcophage. Il est à noter, toutefois, que certains cimetières de l’âge du Fer (Plougoulm, Finistère, par exemple, cf. Giot 1979 : 260) et du Haut Moyen Age (Crozon/Lostmarc’h, cf. Jarno 1903‑1904 ; Jarno 1928 : 109‑114) ont livré des sépultures à entourage de pierres posées de chant : il n’est pas impossible que cette tradition ait également existé à la fin de l’époque romaine, bien que nous soyons dans l’impossibilité de distinguer les tombes de cette période dans les nécropoles stratifiées dans les dunes littorales75. A l’exception des tombes de Guer (Petit 1970), d’un type très particulier, les sépultures en pleine terre ne contiennent en général qu’une quantité très limitée de matériel funéraire76, ce qui nous interdit, dans la majorité des cas, de les dater avec précision. Il semble toutefois que ce type de tombe, déjà connu en Armorique à la fin de la période de La Tène (Le Rouzic 1934, par exemple), ait ressurgi dans la région dans la 2e moitié du ive s., et qu’il s’y soit maintenu pendant tout le Haut Moyen Age (Rennes : au moins jusqu’au viiie s. ; Plomeur, Finistère : jusqu’au xe s. au moins ; Giot, Monnier 1977).

● Fig. 20 – Répartition des inhumations en terre libre.

72Il faut ajouter à ces sépultures relativement caractéristiques un cas aberrant mis au jour par M. Clément dans le temple de Trogouzel à Douarnenez (Finistère) : un cadavre, déposé sur un hérisson de pierres, avait été recouvert par une chape de béton constituant un sol d’époque flavienne : il est bien difficile de dire s’il s’agit là d’une sépulture « rituelle » à l’intérieur du temenos ou bien des traces d’un crime parfait... ou presque.

3.3.3. Les tombes avec réceptacle

73Comme l’a noté A. Von Doorselaer, « dans la construction d’une tombe, tous les matériaux, pierres, bois, tegulae, ont pu être employés et disposés différemment » (1967 : 146), la nature des matériaux choisis pouvant d’ailleurs dépendre de facteurs fort divers, tant sociaux (position sociale du défunt), qu’économiques (richesses minérales ou forestières de la région par exemple). Nous nous proposons donc d’examiner dans ce qui suit les divers types de réceptacles utilisés dans les tombes à inhumation d’Armorique.

3.3.3.1. Les cercueils de bois

  • 77 Cf. par exemple : BRIARD (J.). — L’Âge du Bronze. In : GIOT (P.‑R.), BRIARD (J.), PAPE (L.) dir. — (...)
  • 78 Sur de telles reconstitutions de cercueils à l’aide des clous d’assemblage, cf. Ratel 1977 : 88 ; G (...)
  • 79 La fosse où avait été déposé l’un des cercueils livra vingt‑sept clous de fer (Cahour, Kerviler, Pe (...)
  • 80 Le Rheu (Ille‑et‑Vilaine) ; Hillion (Côtes‑du‑Nord) ; Douarnenez (Finistère).
  • 81 Nantes/Saint‑Donatien, cf. Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 41‑ 42, 58‑61 (tronc de châtaignier).

74Les cercueils de bois ont rarement été signalés dans notre région (Douarnenez : Hôtel de la Baie, cf. Ogès 1960 [?] ; Nantes/Saint‑Donatien, cf. Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 35, 37, etc.) alors qu’ils ont été utilisés en Europe depuis l’âge du Bronze77. Il est fort possible que cette quasi‑absence ne soit que le résultat de fouilles peu soigneuses ou mal conduites, qui n’auraient pas su mettre en évidence les clous d’assemblage de ces coffres78. Les cercueils de Nantes/Saint‑Donatien, sur lesquels nous possédons quelques minces renseignements, paraissent avoir eu 2,20 m de long environ et avoir été fabriqués à l’aide de planches clouées79, épaisses de 6 à 7 cm. Aucun de ces coffres n’ayant livré de matériel, il est bien sûr impossible de les dater avec précision : nous remarquerons cependant que, selon les fouilleurs de Saint‑Donatien, les cercueils de bois sont antérieurs aux sarcophages mérovingiens en calcaire coquillier (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : pl. V, 3 ainsi que pl. II), et que de tels cercueils reçurent les corps des Enfants Nantais, Donatien et Rogatien, martyrisés sous Dioclétien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 39‑40). Il faut enfin ajouter que certains sarcophages de plomb découverts en Armorique étaient protégés par des coffres de bois cloués80, ou placés dans un tronc d’arbre évidé81 : cette pratique est d’ailleurs bien attestée dans d’autres régions de l’Empire (cf. par exemple Van Doorselaer 1967 : 163 ; Toynbee 1971 : 275).

75Nous désignerons sous le nom de sarcophages les tombeaux construits de matières imputrescibles, pierre, terre cuite, métal, qui, pour les Anciens, étaient censés « manger » les corps en dissolvant les chairs (Pline, N.H. : XXXVI, 131).

3.3.3.2. Les sarcophages en pierre et en terre cuite

  • 82 « […] cercueil de pierre muni de son couvercle. Ce cercueil est monolithe ; il mesure à l’extérieur (...)
  • 83 Découverte inédite (renseignements de la direction des Antiquités historiques de Bretagne) : sarcop (...)

76Les sarcophages de pierre, creusés dans un monolithe, sont relativement rares en Bretagne. Si l’on a en effet signalé la découverte de tels réceptacles au milieu de sépultures à incinération à Quimper82, Carhaix/Saint‑Antoine83 et dans les dunes de l’Île de Sein (Richard 1974 : 8), rien ne permet de les attribuer à l’époque romaine, et seul le sarcophage conservé dans l’église de Saint‑Lunaire (Ille‑et‑Vilaine) peut être considéré comme pré‑médiéval (La Borderie 1881 ; Banéat 1973 : III, 480‑482, 2 fig.). Taillé dans un bloc de granit long de 2,15 m, large de 0,55 m et haut de 0,67 m, il porte sur l’un de ses grands côtés quelques fragments d’une inscription que l’on a pu lire : M(ARCVS) SEVER[VS], Ce type de sarcophage inscrit se voit fréquemment dans les provinces de l’Empire et la ville de York en a livré une série très importante (R.C.H.M. 1962 : 67‑69) : sur les plus beaux exemplaires, l’inscription, placée dans un cartouche, est encadrée de peltae (R.C.H.M. 1962 : pl. 57, 106). Rien ne permet de dater avec précision le sarcophage mentionné ci‑dessus, qui fut réutilisé comme « tombeau de Saint‑Lunaire », mais diverses trouvailles montrent que les sarcophages monolithes sont plus précoces qu’on ne l’a cru jusqu’ici : ils apparaissent en effet en Gaule vers la fin du iers.de n. è. (Mitard 1977 : 224), et leur usage se répand pendant tout le iie s. Il n’est donc pas impossible que l’on puisse dater le sarcophage de Saint‑Lunaire de la fin de l’époque antonine ou de la dynastie des Sévères.

  • 84 Un fragment de sarcophage de marbre blanc représentant « un sphinx et un soldat romain » avait été (...)
  • 85 De tels sarcophages ont été produits jusqu’au vie s., cf. Toynbee 1971 : 274, avec bibliographie. L (...)

77Bien que les sarcophages de marbre à décor figuré, exportés par les ateliers de Narbonnaise ou d’Aquitaine (Hatt 1951 : 112‑114 ; Toynbee 1971 : 270‑275), ne paraissent pas avoir dépassé vers le nord le cours de la Loire84, il faut néanmoins signaler la découverte à Nantes/Saint‑Donatien de plusieurs sarcophages de marbre dont l’un au moins était orné de strigiles (Maître 1900 : 410‑411) : ils doivent cependant être nettement postérieurs à la fin de l’époque romaine85.

  • 86 « Couvercle de terre cuite d’un sarcophage portant la figure d’un enfant en bas‑relief ».

78Les sarcophages de terre cuite, d’inspiration étrusque (Toynbee 1971 : 15), sont fort rares dans le monde romain et nous ne pouvons guère comparer le petit sarcophage contenant des ossements d’enfant qui fut mis au jour à Beuzec‑Cap‑Sizun/Kerzéon (Finistère), qu’à un fragment d’objet de ce type découvert à Recourt‑le‑Creux (Meuse) (Van Doorselaer 1967 : 157)86. Peut‑être s’agit‑il d’un modèle réservé aux tombes d’enfants, que rien ne nous permet de dater avec précision.

3.3.3.3. Les tombeaux en tegulae

79Les tombeaux en tegulae sont, par contre, extrêmement fréquents dans tout le monde romain et ils se rencontrent des rives du Danube (Intercisa, cf. Vago, Bona 1976 :t 33, 45, par exemple) à celles de la Méditerranée (Tipasa, cf. Lancel 1970 : 181), de celles du Rhin (Bonn, cf. Van Doorselaer 1967 : 151) à celles de l’Ouse (York, cf. R.C.H.M. 1962 : pl. 28). Ils sont en général formés de tuiles plates arc‑boutées en forme de coffre ou de bâtière et recouvertes d’autres tuiles plates ou de tuiles demi‑creuses (imbrices) : le corps est allongé à l’intérieur de ces structures, sur la terre nue ou bien sur un dallage de briques. Un nombre relativement important de ces tombeaux ayant été découvert en Bretagne (fig. 21), il n’est sans doute pas inutile de les présenter en suivant le classement typologique établi par S. Gagnière pour les tombes à inhumation de la basse vallée du Rhône (Gagnière 1960).

● Fig. 21 – Répartition des tombes en tegulae. type 1 ; ▲ type 2 ; ◼ type 3 ; ? indéterminé.

◼ Premier type : tombeaux en tegulae, en forme de coffres alignés

  • 87 Sans doute faudrait‑il ajouter à cette liste un certain nombre de tombes à tuiles de type mal défin (...)

80Ce type de coffre à section quadrangulaire semble de loin le plus fréquent en Armorique, où il se rencontre à Rennes (ruelle Saint‑Martin, cf. Toulmouche 1837 : 300), Cléguérec (Morbihan, cf. Aveneau de la Grancière 1901‑1902 : 294‑295), Quiberon/Saint‑Clément (Lavenot 1888 : 184), Nantes/Saint‑Donatien (Petit 1879), et peut‑être Pannecé (Maître 1887 b : 164)87. La longueur de ces tombes varie entre 1,40 m à Nantes/Saint‑Donatien (Petit 1879 : 237) et 2,20 m à Cléguérec (Aveneau de la Grancière 1901‑1902 : 295), et la sépulture la mieux décrite, celle de Nantes/Saint‑Donatien, était constituée de vingt‑deux tuiles de 0,37 m sur 0,28 m.

◼ Second type (troisième type de Gagnière, 1960) : tombeaux en tegulae en forme de toit ou en « bâtière »

  • 88 Cf. Gagnière 1960 ; LAMBOGLIA (N.), MARTINI (U.). — Nuovi ritrovamenti sul « Cavo » di Ventimiglia. (...)
  • 89 Cette tombe est composée de tuiles obliques, jointes au mortier et reposant sur des murettes ; cf.  (...)

81La seule tombe de ce type connue en Bretagne est celle qui fut mise au jour au siècle dernier à Ruffiac (Morbihan) (Marsille 1912). Elle est composée de « faîtages en place au sommet d’un petit toit fait de briques et de tuiles liées par un mortier très dur. Ce petit toit, fait de deux rangées de briques et de tuiles inclinées l’une vers l’autre et liées par du mortier, avait la ligne du sommet protégée et maintenue par des tuiles courbes (imbrices), et les côtés, à leur base, par deux petits murets de pierre. Le fond de cette construction était dallé de quatre briques de 0,54 m de côté placées bout à bout, à plat, sur une ligne. Ce monument mesurait intérieurement 2,15 m de longueur sur 0,55 m de largeur et 0,25 m de hauteur. Les deux extrémités étaient également fermées par des tuiles. Il était orienté nord‑sud ». Ces tombes a cappucina, plus économiques que les coffres parallélépipédiques, leur semblent postérieures88, et l’on peut d’ailleurs se demander si la sépulture de Ruffiac, hermétiquement fermée par des joints de mortier, était bien placée sous la surface du sol ou bien s’il ne s’agit pas, comme dans le cas de la tombe de Glandève (Basses‑Alpes), d’une sépulture en area 89.

◼ Troisième type (non répertorié par Gagnière) : tombeaux composés de murettes de tuiles posées à plat

  • 90 A Nyons par exemple, cf. LEGLAY (M.). — Informations archéologiques. Circonscription de Rhône‑Alpes (...)
  • 91 Cf. par exemple, Ponsas : mobilier et monnaies des années 350 (LEGLAY (M.). — Informations archéolo (...)

82Ce type de sépulture, non répertorié par Gagnière, comporte un entourage de murettes composées de tegulae superposées et liées par du ciment, la structure étant enfin recouverte de tegulae. Il est attesté à Nantes/Saint‑Similien (Maître 1893 a : 498) et à Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 29, 46 ; Petit 1879 : 238‑239) ainsi qu’à York (R.C.H.M. 1962 : 83 et pl. 28). Ces tombeaux en tegulae, innovation technologique venue d’Italie, sont relativement bien datés en Gaule et dans la partie occidentale de l’Empire en général. S’il n’est pas impossible que certaines de ces sépultures doivent être datées du ier ou du iie s.90, on doit bien admettre qu’elles appartiennent en majorité aux deux siècles suivants. Le type I semble bien daté de 1a 2e moitié du iiie siècle et surtout du ive s. par le matériel funéraire que livrent les tombes91, alors que le type II (troisième type de Gagnière) paraît se développer à partir de l’extrême fin du ive s. pour dis paraître –du moins dans la vallée du Rhône– dans le courant du viie s. Nous n’avons enfin aucun moyen de dater notre type III.

  • 92 C’est‑à‑dire une ligne qui court le long du Gouët, du cours supérieur de l’Oust puis descend en lig (...)

83Les sépultures de ce type découvertes en Bretagne n’ont, à une exception près –et encore n’est‑elle pas datable (Anetz, Loire‑Atlantique)– pas livré de matériel funéraire, ce qui interdit bien sûr toute chronologie relative ou absolue. On remarquera cependant qu’aucune de ces tombes n’a été dégagée dans les zones « bretonnantes » de la Bretagne, c’est‑à‑dire à l’ouest de la « ligne Loth »92. On peut certes se demander s’il s’agit là d’une simple coïncidence, due au hasard des trouvailles archéologiques, ou bien au contraire de la traduction dans les habitudes funéraires de faits historiques que nous commençons à mieux cerner et dont nous aborderons plus loin l’influence sur les pratiques funéraires.

3.3.3.4. Les sarcophages en plomb

  • 93 A Domagné (Ille‑et‑Vilaine), Le Rheu (Ille‑et‑Vilaine), Rennes (Ille‑et‑Vilaine), Hillion (Côtes‑du (...)
  • 94 C’est le cas du Maroc (cf. PONSICH (M.). — Recherches archéologiques à Tanger et dans sa région. Pa (...)
  • 95 Cf. BRIARD (J.). — Les Dépôts bretons et l’Âge du Bronze atlantique. Rennes, 1965, p. 21.
  • 96 C’est ainsi que l’on peut expliquer l’abondance des monnaies d’argent des Coriosolitae. Des traces (...)
  • 97 Trémuson/Plérin, cf. GESLIN DE BOURGOGNE. — Rapport sur le monument gallo‑romain de Port‑Aurel. Mém (...)
  • 98 Parmi une abondante bibliographie on peut citer : BEAULIEU. — Des Sarcophages de plomb. Mémoires de (...)

84Le sol de l’Armorique a livré un nombre relativement élevé de sarcophages de plomb (une vingtaine)93 (fig. 22), ce qui ne saurait nous surprendre car l’on sait que l’utilisation de ce type particulier de sarcophage est souvent subordonnée à l’existence de ressources locales en minerai94. Or le Massif armoricain recèle des quantités appréciables de plomb argentifère, à Pontpéan (Ille‑et‑Vilaine), Trémuson et Plélauff (Côtes‑du‑Nord), Huelgoat‑Poullaouen (Finistère) et Donges‑Crossac (Loire‑Atlantique) –pour ne citer que les principaux gisements– qui furent exploitées dès l’âge du Bronze95, puis pendant les âges du Fer96 et enfin lors de la période romaine97 . En dépit du petit nombre d’exemplaires conservés, il nous est possible d’établir une typologie de ces réceptacles qui tient compte des travaux déjà publiés sur le sujet98.

● Fig. 22 – Répartition des sarcophages de plomb.  1 exemplaire ; ◼ 2 à 10 exemplaires.

85Le type le plus fréquent (Hillion, Arradon, Nantes/ Saint‑Donatien, Nantes/Saint‑Similien, Bourg‑Blanc, Clohars, Douarnenez, Landrévarzec) est en forme d’ « auge » ou plus exactement de parallélépipède. La cuve est faite d’une seule feuille de plomb repliée (Cochet 1978 a) et parfois soudée aux angles. Le couvercle, également fait d’une seule pièce aux bords pliés, recouvre la cuve qui s’y emboîte exactement. C’est là sans aucun doute le modèle le plus répandu dans le monde romain (Toller 1977).

86Nous ne connaissons pas d’équivalent exact du second type, attesté à Rennes/Saint‑Martin seulement. En forme de demi‑cylindre, il se compose d’une feuille de plomb repliée dont les deux côtés, se rejoignant par chevauchement, constituent le fond plat. Un couvercle rapporté est soudé à chaque extrémité (fig. 23).

Fig. 23 – Sarcophage de Rennes/Saint‑Martin.

photo Musée de Bretagne, Rennes

87Le troisième type, connu au Rheu (Ille‑et‑Vilaine) et à Nantes/Saint‑Similien (Maître 1893 a : 498), se compose de « lames de plomb » maintenues en place par une armature de fer. Un sarcophage semblable a été découvert à York (R.C.H.M. 1962 : 84, iv).

  • 99 On peut lire cette marque rétrograde : R. FILIOR(VM)

88Les dimensions de ces sarcophages sont très variables (tableau III), ce qui semble montrer qu’ils n’étaient pas fabriqués à l’avance, mais au contraire, à la manière des cercueils de bois, taillés aux mesures des défunts, enfants ou adultes, qu’ils allaient recevoir (Cochet 1978 : 226). L’existence d’une marque de fabrique sur le sarcophage de Clohars‑Carnoët (Finistère)99 semble par ailleurs prouver qu’ils étaient produits par des ateliers spécialisés (fig. 24).

● Tableau III – Dimensions des sarcophages de plomb découverts en Bretagne.

Fig. 24  Inscription du sarcophage de Clohars‑Carnoët (Finistère).

  • 100 Le sarcophage de Landrévarzec pesait, à titre d’exemple, plus de 200 kg. Les coffres de plomb étant (...)
  • 101 Un caveau semblable a été dégagé à York, cf. R.C.H.M. 1962 : 95, fig. 72.

89Contrairement à ce que l’on peut remarquer dans les autres régions de la Gaule (Cochet 1978 a) ou en Bretagne (Toller 1977), les sarcophages bretons sont très rarement décorés : tout au plus peut‑on signaler « des caractères qu’on n’avait pu lire et quelques figures » sur les exemplaires de Domagné (Ille‑et‑Vilaine) (Bachelot de la Pylaie 1974 : 5) ainsi qu’un réseau de traits tracés à la pointe sur les côtés longs de la châsse de Nantes/Saint‑Donatien (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : pl. VI, b‑c). Il est vrai que nombre de ces sarcophages étaient enchâssés et parfois cloués dans des cercueils de bois (Le Rheu, Million, Nantes/Saint‑Donatien, Douarnenez), auxquels étaient adaptées des poignées de métal permettant de porter l’ensemble jusqu’au lieu de la sépulture100. Ces sarcophages de plomb étaient enfouis dans des fosses creusées à cet effet, sans protection particulière. Seul un sarcophage de Nantes/Saint‑Similien se vit accorder le privilège du dépôt dans un étroit caveau de briques (Maître 1893 a : 498)101.

  • 102 Cf. par exemple : PETIT (P.). — Le IIe siècle après J.‑C. État des questions et des problèmes. In :(...)

90Tant le matériel qu’ils contiennent (verrerie, objets de parure, monnaies, etc.) que les comparaisons extra‑régionales, permettent de dater les sarcophages de plomb de Bretagne du Bas Empire, et plus précisément du ive s. de n. è. Ils sont également répartis dans les cinq civitates armoricaines mais se rencontrent surtout dans les campagnes, à proximité de villae rurales (54 %) ou suburbaines (23 %), les villes étant, contrairement à ce que l’on peut noter en Grande‑Bretagne (Toller 1977 : 4), relativement mal représentées (23%). On peut se demander si cette répartition ne reflète pas un phénomène social relativement commun au Bas Empire, celui de la fuite des possédants vers les campagnes, où se fige la féodalité des honestiores 102: les sarcophages de plomb et les objets qui les accompagnent dénotent en effet une certaine richesse –sinon une richesse certaine (Toller 1977 : 4)– de ces propriétaires terriens, bien que cette prospérité ne soit ni généralisée, ni durable (Galliou 1979b). Il n’est pas impossible non plus, qu’à une époque où les pratiques incinérantes se perpétuent dans les campagnes (Saffré, Loire‑Atlantique ; Carnac/Le Ménec, Morbihan), les classes les plus riches et les plus profondément romanisées aient été pénétrées de l’espérance d’une survie du corps dans l’au‑delà, de cette humanitas du Bas Empire. Comme nous le verrons plus loin, certains matériels funéraires attestent des contacts économiques et sans aucun doute spirituels entre l’Armorique du Bas Empire et certains grands centres urbains, creusets des bouleversements intellectuels du IVe s. (Trèves, Cologne, York, etc.).

3.3.4. La disposition du corps dans la tombe

  • 103 Cf. Maître 1887 b : 163‑168 ; id. 1893a : 25‑26 : « dans plusieurs de ces tombeaux on avait disposé (...)
  • 104 Cf. Van Doorselaer 1967 :130. Pour le Haut Moyen Age, cf. YOUNG (B.). — Paganisme, christianisation (...)

91Il semble bien que, dans la grande majorité des tombes à inhumation d’Armorique, le défunt ait été déposé en position de repos, allongé sur le dos, les bras le long du corps, croisés sur la poitrine ou bien encore les mains jointes sur le bassin. Cette similitude entre cette position et celle du sommeil est parfois accentuée par le dépôt d’une brique destinée à surélever la tête du défunt (Alet en Saint‑Servan, Ille‑et‑Vilaine ; cf. également : Van Doorselaer 1967 : 130). On remarquera toutefois la position peu « naturelle » du squelette no IV de Pléhérel (Côtes‑du‑Nord), dont le bras gauche ramené sur le visage semble esquisser un geste de défense (Bardel 1977 : fig. 6). Les sépultures, à l’exception de celles de Pléhérel (quatre individus) et d’Anetz (deux individus)103, ne comportent qu’une inhumation. On sait d’ailleurs que les inhumations multiples dans la même tombe, qu’elles soient le résultat d’événements violents (Pléhérel) ou de simples intrusions, n’ont rien d’exceptionnel104. Pour autant que nous puissions le savoir, les défunts étaient inhumés habillés et parfois même parés de leurs plus beaux atours. L’ensevelissement dans un linceul est en revanche rarement attesté. Avant que la sépulture soit refermée, isolant à jamais le défunt du reste du monde, les assistants se livraient parfois à certaines pratiques que l’on doit, sans aucun doute, qualifier de « rituelles ».

92La fouille, très partielle, d’un cimetière de « Lètes » à Guer (Morbihan) montra qu’un feu violent avait été allumé dans la tombe : l’examen du contenu du foyer révéla, mêlés à d’importantes quantités de charbon de bois et d’ossements calcinés, trois petits clous de fer et un petit bronze frappé pour Valens (Petit 1970 : 276). On peut supposer qu’il y a là les traces d’un feu rituel ou d’un feu ayant servi à préparer le repas funéraire, ou encore d’un brasier destiné à purifier la tombe avant qu’on y déposât le cadavre. Selon E. Salin, cette coutume, bien attestée à l’époque mérovingienne, serait le résultat d’influences germaniques transmises par la » civilisation des Lètes » (Salin 1952 : II, 202‑212) ; mais il faut reconnaître qu’elle se rencontre aussi en de nombreux sites où une influence culturelle germanique est Improbable (Young 1977 : 30‑36) ou même impossible (Mackwiller : iie s. de n. è. ; Hatt 1967 : 82). Il n’est pas invraisemblable, comme le souligne A. Van Doorselaer (1967: 132, note 5), qu’il s’agisse d’une tradition pérenne d’origine pré‑romaine.

  • 105 Les analyses faites sur les matériaux de ce type recueillis dans les tombes sont rares. A Hadrumète (...)

93Le dépôt, dans une tombe à tuiles dégagée à Rennes au siècle dernier, d’une épaisse couche de « chaux » qui remplissait la sépulture (Toulmouche 1847 : 300), est particulièrement intéressant, comme l’a fort opportunément rappelé un récent article de Christopher Green (1977). Cette pratique est en effet bien attestée dans de nombreuses régions du monde romain, en Afrique du Nord (Hadrumète, cf. Leynaud 1922 : 89‑90, par exemple), en Italie (Green 1977 : 49), à Trèves (Wightman 1970 a : 247), en Grande‑Bretagne (Poundbury, Dorset, cf. Green 1977 : 50 ; York, cf. R.C.H.M. 1962 : pl. 33) et enfin en Gaule (Poitiers, cf. Eygun 1933 : tombes nos 39, 180, 185 ; Lyon, cf. Cochet 1978 a ; Rouillé, Deux‑Sèvres, cf. Salin 1952 : II, 198, etc.) et en Belgique (Van Doorselaer 1967 : 132). Elle consiste à déposer, sur le corps enveloppé dans un linceul, une masse de substance calcaire, chaux, plâtre ou poudre de gypse105, pour éliminer l’humidité et enrayer la progression de la décomposition bactérielle. On pourrait en fait qualifier cette opération d’embaumement à bon marché et il semble bien, selon Green, que cette pratique puisse être considérée comme chrétienne, car, pour les premiers chrétiens, l’appel de la résurrection pouvait intervenir à n’importe quel moment et le corps, susceptible d’une véritable résurrection physique, devait donc être préservé (cf. Jean : 19, 39‑42 ; Tertullien : De resurrectione carnis, CXXVII). Cette coutume est, comme on peut le constater, radicalement opposée à celle de l’inhumation en sarcophage de type « normal » censée, elle, hâter la décomposition des matières organiques.

94Plusieurs tombes en pleine terre de Rennes/Saint‑Martin (tombes 5, 7, 9) contenaient trois grands clous de fer, longs de 8 à 10 cm, placés sous la tête, au niveau du bassin et à hauteur des genoux. Ce rite d’« enclouage » est, comme nous l’avons vu précédemment, bien connu dans le cas des tombes à incinération et se perpétue dans les sépultures à inhumation (Wernert 1970, avec bibliographie).

  • 106 Pour les chrétiens le défunt, en position de prière, doit être prêt à se présenter au souverain jug (...)
  • 107 Cf. J. Beleth, Rationale divinorum officiorum (Vers 1160), cap. 159, De sepultura Christianorum : « (...)
  • 108 Cf. par exemple, Van Doorselaer 1967 : 133‑136 ; Young 1977 : 18. De légères variations sont très f (...)

95On trouvera ci‑après, sous forme de tableau synoptique, un recensement des orientations des tombes à inhumation d’Armorique : bien que la direction est‑ouest paraisse prédominer, il faut se garder d’en tirer des conclusions péremptoires. Il semble en effet que le dépôt du corps la tête face au soleil levant106 ne soit devenu la règle que très avant dans le Moyen Age, sous la pression d’une pensée normative107, et que le changement de direction des tombes, que l’on observe en effet au Bas Empire dans un certain nombre de cas108, soit loin d’être dû à la seule influence chrétienne (cf. en particulier Young 1977 : 19‑20).

3.3.5. Le matériel funéraire

3.3.5.1. La disposition du matériel

96Il y a certes lieu, comme le souligne A. Van Doorselaer(1967 :136‑137), de distinguer entre les objets divers recueillis dans les tombes à inhumation, de séparer soigneusement les accessoires relevant de la parure du défunt des éléments du mobilier funéraire proprement dit, dont la fonction ne semble guère différer de celui des tombes à incinération. Sans doute n’est‑il pas non plus inutile de s’attacher à relever la disposition du matériel dans la tombe, de tenter de distinguer si des pratiques particulières s’attachent à cette organisation (tableau IV).

Site

Orientation

Tête

Pieds

Rennes
(p.t.)

E.‑O.

E.

O.

Le Rheu
(s.p.)

E.‑O.

E.

O.

Hillion
(s.p.)

E.‑O.

O.

E.

Pont‑de‑Buis
(P.t.)

E.‑O.

O.

E.

Tréboul
(P.t.)

E.‑O.

O.

E.

Clohars‑Carnoët
(s.p.)

E.‑O.

E.

O.

Cléguerec
(t.t.)

E.‑O.

?

?

Guer
(p.t.)

N.‑ E./S.‑O.

S.‑O.

N.‑E.

Nantes/St‑Similien
(s.p.)

N.‑ E./S.‑O.

?

?

● Tableau IV – Orientation des tombes à inhumation d’Armorique. p.t. = pleine terre ; s.p. = sarcophage de plomb ; t.t. = tombe à tuiles.

  • 109 Cf. par exemple, Coupry 1967 : 328 (fioles de verre sur le couvercle d’un sarcophage de Bordeaux) ; (...)

97Si le dépôt du matériel funéraire à l’intérieur du sarcophage est de règle, il n’est pas rare de constater la présence de vases placés au pied du cercueil (Le Rheu, Ille‑et‑Vilaine), ou sur le couvercle de ce dernier. Cette pratique, courante dans le cas des sarcophages du Haut Empire (Mitard 1977), est bien attestée au Bas Empire également109. Il n’en reste pas moins vrai que, dans la grande majorité des cas, l’essentiel, sinon la totalité du matériel funéraire est disposé à l’intérieur du sarcophage, autour du corps, suivant des règles relativement précises. L’examen du faciès funéraire du Bas Empire en Gaule et en Belgique montre en effet que la vaisselle funéraire placée dans les tombes est pratiquement toujours déposée à la tête ou aux pieds du cadavre, les pieds étant toutefois l’emplacement le plus souvent choisi (Young 1977 : 38) : un bref tableau synoptique des trouvailles faites en Bretagne (tableau V) nous révèle une disposition de la vaisselle funéraire qui est pratiquement identique à celle qu’on peut relever dans les grands cimetières du Bas Empire du nord de la Gaule et de la Belgique (par exemple à Vermand, cf. Eck 1891), cette uniformité du rite suggérant une tradition commune. Le reste du matériel funéraire des tombes armoricaines (armes à Guer, Morbihan, coffret à Clohars‑Carnoët, Finistère) était placé à proximité des mains du défunt, lui permettant ainsi de s’en saisir plus aisément.

● Tableau V  Disposition de la vaisselle funéraire autour du corps.

3.3.5.2. Les éléments de parure

◼ Vêtements

  • 110 On trouvera un bon recensement des trouvailles funéraires dans : WILD (J. P.). — Textile manufactur (...)
  • 111 Cf. Eusèbe de Césarée, De laudibus Constantini, éd. Migne, Patrologie grecque, t. XX, col. 1337.
  • 112 Selon E. Wightman (1970a : 63), ces tissus étaient réservés aux dignitaires de l’Église et aux memb (...)

98Le défunt était souvent enseveli dans ses vêtements et emportait dans la tombe les éléments de sa parure, qui semblent, si l’on en croit la disposition des trouvailles, avoir été effectivement portés par le défunt et non déposés près de lui. Il est bien sûr fort rare, en raison de la décomposition des matières organiques, de trouver dans les tombes des fragments des vêtements dont était revêtu le défunt110. Nous ne pouvons guère citer ici que les minuscules lambeaux, découverts dans le sarcophage de plomb de Douarnenez (Finistère), d’un tissu lamé d’or. On sait que ces étoffes, à l’origine fabriquées en Syrie (Bréhier 1903), furent mises à la mode par Aurélien et Dioclétien et que sous Constantin furent ouvertes à Trèves des fabriques impériales, employant des barbaricarii sive argentarii, et produisant pour l’usage de l’empereur et de sa cour des tissus brodés d’or et d’argent (Daremberg, Saglio 1877‑1919 : article Barbaricarii) : ainsi Constantin paraissait‑il, les jours de cérémonie, revêtu d’une tunique de drap d’or enrichi de fleurs tissées111. La présence, dans la lointaine Armorique, d’un tel vêtement, probablement acheté à Trêves, souligne sans aucun doute la richesse et la position sociale de la défunte112.

◼ Épingles à cheveux

99Les éléments de parure proprement dits, s’ils nous fournissent des renseignements extrêmement intéressants, sont cependant peu nombreux dans les tombes armoricaines.

  • 113 Cf. Pline, Naturalis Historia : XXXVI, 141 ; Solinus, Collectanea rerum memorabilium : XXII, 11.
  • 114 A Metz par exemple, cf. Anonyme 1964. La Civilisation gallo‑romaine dans la cité des Médiomatriques (...)
  • 115 On rappellera bien sûr la dédicace de Bordeaux par M. Aurelius Lunaris, datée de 237. La pierre est (...)

100Les épingles à cheveux, caractéristiques des tombes de femmes (Böhme 1974 : 35‑39), ne se rencontrent qu’à Douarnenez, dans le sarcophage de plomb mentionné ci‑dessus. On y découvrit en effet cinq épingles de jais, longues d’environ 8 cm, que l’on peut classer en deux séries : type à tête polyédrique, très fréquent en Rhénanie (Hagen 1937) : un exemplaire ; type à tête en forme de canthare (Hagen 1937 : type F 5), bien représenté à York (R.C.H.M. 1962 : 143) et moins fréquent en Rhénanie (cinq exemplaires) : trois épingles à Douarnenez. On sait que le jais, variante du charbon et du lignite, se rencontre dans les niveaux du lias (Jurassique inférieur) d’un certain nombre de régions (Souabe, Franconie, Aragon, Asturies, Aude, etc.), mais qu’il ne fut vraisemblablement travaillé à l’époque romaine que dans la région de Whitby (sur la côte du Yorkshire, Grande‑Bretagne) où il se présente sous la forme de nodules ou de lentilles qu’il est facile de tailler ou de travailler au tour. Les Anciens, ayant remarqué les propriétés électrostatiques de ce matériau, le considéraient comme magique113. Tout permet de penser que le jais recueilli à Whitby était travaillé à Eburacum (York), d’où il était exporté vers le nord de la Gaule114 et la Rhénanie (Hagen 1937). Les épingles de Douarnenez attestent donc l’existence de relations entre la capitale de la Britannia Secunda et les franges atlantiques au Bas Empire115.

◼ Fibules

  • 116 Les deux butoirs qui arrêtent l’ardillon sont constitués par des enroulements du fil de l’arc dans (...)

101Les fibules sont également peu nombreuses et ne se rencontrent qu’à Guer (Morbihan) et Pléhérel (Côtes‑du‑Nord). Il s’agit d’ailleurs dans les deux cas du même type d’objet (de fibules pénannulaires du type Fowler C)116, dont nous avons pu montrer la spécificité (Bardel 1977 : 29‑34). La carte de répartition de ces fibules tardives montre en effet une nette concentration le long du limes, sur les rives du Rhin et du Danube, et il est donc très probable que ces agrafes –caractéristiques du vêtement masculin et servant à agrafer le manteau sur l’épaule droite (Keller 1971 : 55)– dénotent la présence à Guer et à Pléhérel d’éléments germaniques ou « germanisés »

◼ Plaques‑boucles

  • 117 Sur ce point, cf. BOUBE (J.). — Fibules et garnitures de ceinture d’époque romaine tardive. Bulleti (...)

102Trois tombes à inhumation armoricaines ont livré des plaques‑boucles, autre élément caractéristique du vêtement masculin (Böhme 1974 : 53‑97), ou plus exactement de l’équipement des militaires, des paysans militarisés et des fonctionnaires du Bas Empire117.

103La plaque‑boucle de Pont‑de‑Buis/Goaz‑an‑Eyet (Finistère) (Abgrall 1911 ; Sanquer 1977b : 62‑67) se compose de trois éléments, plaques de 0,04 m et 0,05 m de longueur : « elles sont encadrées de riches bordures faites de filets perlés ou guillochés, sertissant des frises de postes en S, des suites d’oves allongés, ou autres ornements moins chargés. Le milieu est occupé par des compartiments carrés, dans lesquels sont inscrits des losanges enfermant des rosaces à lobes aigus, avec pois ronds dans les angles ; l’un des losanges est rempli par une grecque simulant un peu la croix gammée » (Abgrall 1911). Une trouvaille récente, dans un niveau tardif du temple de Trogouzel en Douarnenez, d’un fragment de plaque semblable, nous a montré que ces plaques n’étaient pas fabriquées selon la technique bien connue du Kerbschnitt mais produites par estampage d’une feuille de bronze par une matrice (de métal ?), suivi de retouches à la pointe. La plaque‑boucle de Pont‑de‑Buis semble bien datée de la 2e moitié du ive s. par la coupe de verre déposée dans la tombe.

104La plaque de ceinturon recueillie dans une tombe de Guer (Morbihan), est également bien datée par une monnaie de Valens (364‑378) (Petit 1970). Faite de tôle de bronze, elle se compose de quatre éléments, deux de forme rectangulaire supportant la boucle et l’ardillon et deux plaquettes triangulaires placées de part et d’autre des éléments précédents. Le décor, en taille biseautée, comporte des motifs en forme de rosace, de S et d’ove qui s’encadrent dans des rectangles et des cercles à bords perlés. Ces diverses parties étaient fixées par des rivets au cuir de la ceinture dont des fragments subsistaient encore au dos de la plaque.

105On ne peut que regretter que la tombe mise au jour fortuitement dans les dunes d’Etel au cours de la Seconde Guerre mondiale (Jacq 1943) n’ait pas été décrite. Les éléments recueillis comprennent un vase, un couteau de fer et une boucle de ceinture en bronze à décor de cercles concentriques dont le type est bien connu dans le nord de la Gaule et le long du limes (cf. Bullinger 1969 : Tab. III, 2 ; XXIX, 1 ; fig. 13, 1 ; etc.). Une boucle semblable, découverte dans le cimetière de Vert‑la‑Gravelle (Marne), est datée par une monnaie de Valens (Lantier 1948 : 377).

◼ Bracelets

  • 118 Des anneaux de jambe ont néanmoins été taillés dans le jais à York ; cf. R.C.H.M. 1962 : 82a, 144a.

106Les bracelets, qui se rencontrent très fréquemment dans les tombes féminines du Bas Empire (cf. Böhme 1974 : 44‑46), ne sont représentés en Armorique que par un seul exemplaire mis au jour dans la tombe no 2 du cimetière de La Hérupée à Guer (Morbihan) (Petit 1970 : 277, b). Encore ne s’agit‑il là que d’un objet de fer oxydé, d’attribution douteuse. On notera par ailleurs la découverte, sur le tibia gauche du squelette de Pont‑de‑Buis/Goaz‑an‑Eyet, d’un anneau de jambe en bronze, objet rarement signalé dans les ouvrages traitant des objets de parure118.

◼ Divers

107On ajoutera enfin à ce bref répertoire des objets de parure, un grattoir néolithique en silex découvert dans la tombe no 2 du cimetière de Guer (Petit 1970 : 277, f), qui devait, à l’origine, être contenu dans une bourse de cuir ou de tissu. Il pourrait s’agir d’un phylactère ou plus simplement d’une pierre à feu (Böhme 1974 : 116 [avec bibliographie]).

3.3.5.3. Les vases

108Le mobilier funéraire recueilli dans les sépultures à inhumation d’Armorique est relativement varié, s’il n’est guère abondant, et il n’est sans doute pas inutile d’en explorer les diverses catégories.

  • 119 On remarquera cependant qu’un des vases de verre de Clohars‑Carnoët contient « une couche épaisse c (...)

109Le dépôt d’offrandes alimentaires dans les tombes, tant à incinération qu’à inhumation, est un phénomène bien attesté pendant toute la période romaine. Au Bas Empire cette coutume se traduit par le dépôt, dans les sépultures à inhumation, d’aliments solides ou liquides placés dans des récipients de céramique ou de verre (Böhme 1974 : 133‑136 ; Young 1977 : 37‑38). Aucune tombe tardive d’Armorique n’ayant cependant conservé les offrandes alimentaires qui lui avaient été confiées, nous ne pouvons guère déterminer leur nature qu’à l’aide des récipients où elles avaient été placées. Or l’on peut constater qu’à l’exception de la coupe de verre de Pont‑de‑Buis/Goaz‑an‑Eyet et peut‑être des deux gobelets ovoïdes en céramique placés sur l’un des sarcophages de Rennes‑Saint‑Martin, tous les récipients que nous avons pu recenser sont des « formes fermées » –bouteilles, carafes, verres à boire– et donc associés à des offrandes liquides, fait qui forme contraste avec ces monotones assemblages de bols à nourriture et de verres à boire du nord de la Gaule (Böhme 1974 : 136). Faut‑il en conclure que les Armoricains du ive s., ou du moins ceux qui plaçaient un mobilier funéraire dans leur tombe, étaient surtout préoccupés par la terrible soif de l’au‑delà ?119. On notera également que, parmi les vases à offrandes alimentaires que nous avons pu recenser (32 exemplaires), moins de 16 % sont des récipients en céramique, les vases de verre étant, par conséquent, fortement majoritaires. Le petit nombre de céramiques recueillies (quatre) interdisant toute tentative de typologie ou de comparaison entre les diverses trouvailles, nous avons choisi d’étudier en détail les verreries mises au jour dans ces tombes.

  • 120 Une bouteille semblable a été découverte dans la tombe 83 de la nécropole d’Abbeville‑Homblières, à (...)
  • 121 Le même ensemble de gobelets a été découvert à York (R.C.H.M. 1962 :140, fig. 90). On a également s (...)

110Les fioles (récipients à liquides ou à parfum) sont présentes dans un bon nombre de sépultures, bien que les types en soient très variés. L’un des sarcophages de Rennes à livré une aryballe à deux anses et décor de filets appliqués, produite à Cologne (cf. Doppelfeld 1966 : fig. 104) ainsi qu’un petit flacon à panse sphérique et col sub‑cylindrique pincé à la base (type Isings 103 [250‑400 de n. è.] ; cf. aussi Doppelfeld 1966 : fig. 154, 165) ; la tombe de Clohars une petite bouteille en verre bleu‑vert et à panse godronnée du type Isings 104 (250‑400 de n. è.)120 ; le sarcophage de Douarnenez deux petits gobelets à bord rentrant du type Isings 130 (275‑400 de n. è.)121. D’autres petits récipients semblables ont été signalés à Hillion (Côtes‑du‑Nord) et Nantes/Saint‑Similien mais les renseignements que nous possédons à leur sujet sont bien trop limités pour que nous puissions avancer une datation.

111Des bouteilles (récipients à liquides de plus grande taille) se rencontrent dans un certain nombre de sarcophages de plomb (Hillion, Nantes/Saint‑Similien, Clohars‑Carnoët, Trédrez) ainsi que dans une sépulture en pleine terre (Guer no 3). Les exemplaires de Trédrez et de Nantes, mal décrits, ne nous fournissent aucune indication sur la chronologie de ces tombes, ce qui n’est pas le cas des deux barillets frontiniens d’Hillion (ive s.), des trois « Eau de Cologne Flaschen » de Clohars‑Carnoët (iiie ‑ ive s. ; cf. Isings type 129 ; Doppelfeld 1966 : 62‑63, etc.), ainsi que des flacons Isings 103 et Isings 101 de Clohars‑Carnoët (Blois 1846 : 449, no 1 ) et de Guer (Petit 1970 : 277, no 3).

  • 122 Cf. par exemple, HARDEN (D. B.). — Glass vessels in Britain and Ireland, A.D. 400‑1000. In : HARDEN (...)
  • 123 Cf. Doppelfeld 1966 : fig. 182‑3 ; Harden, op. cit., fig. 25, type XI b1.

112Tant le vase à boire de Guer (Petit 1970 : 277, no 2, d) que la coupe apode de Pont‑de‑Buis/Goaz‑an‑Eyet (Abgrall 1911) annoncent par contre des productions moins classiques, plus « germaniques ». Le grand gobelet de Guer, en verre verdâtre (hauteur : 0,19 m), correspond à la forme Isings 106b, datable de la fin du ive s., qui se rencontre par exemple dans la tombe 11 de Haillot (Province de Namur) avec des monnaies de Valentinien I (364‑375) et Gratien (367‑378) (Böhme 1974 : 291, no 121), et préfigure, par sa forme, les gobelets francs des vevie s.122 , tandis que la coupe de Pont‑de‑Buis, aux flancs décorés de filets blanchâtres de verre fondu, est très caractéristique des productions « paléochrétiennes » du dernier quart du ive s. et du début du siècle suivant (Pfeffer 1953 : 147‑160; Foy 1977 : 277‑278) qui évolueront vers les formes classiques du Haut Moyen Age occidental123.

113Il semble bien que la majorité des verreries importées en Bretagne au Bas Empire furent produites dans les ateliers du nord de la Gaule, de Belgique et de Rhénanie, et particulièrement dans ceux de Cologne (Doppelfeld 1966), qui demeurèrent actifs jusqu’à une période avancée du Haut Moyen Age. La présence de telles productions dans la lointaine Armorique n’a rien de bien surprenant et leur commerce accompagnait très vraisemblablement celui des céramiques sigillées de la forêt d’Argonne, dont la plupart des sites d’Armorique occupés au ive s. ont livré des fragments (Galliou 1977).

114Le nombre des vases à offrandes paraît varier d’une sépulture à une autre, d’un récipient à Trédrez ou Pont‑de‑Buis à sept ou huit à Nantes/Saint‑Similien, le chiffre variant sans doute selon les circonstances ou la richesse de la famille du défunt. On notera par ailleurs le redoublement de certains objets (Rennes : deux gobelets de céramique commune ; Hillion : deux barillets frontiniens ; Douarnenez : deux gobelets à bord rentrant ; Clohars : deux (ou trois ?) « Eau de Cologne Flaschen ») : il s’agit d’une pratique à la signification incertaine mais bien attestée au Haut Empire dans un certain nombre de tombes romaines de la Gaule (Mitard 1977 : 227).

3.3.5.4. Les monnaies

115La pratique du dépôt dans les tombes d’une monnaie de naulage paraît avoir subi un net recul en Armorique au ive s. En effet, alors que cette coutume est normale dans les cimetières du Bas Empire du nord de la Gaule (Young 1977 : 40‑41) ou du centre de la province (Desforges, Fournier 1931 : 6), seules trois tombes d’Armorique ont livré des monnaies (Pléhérel : Gallien ; Clohars‑Carnoët : deux monnaies de Constantin ; Guer, tombe no 1 ; Valons). Il ne semble pas, comme dans le cas des sépultures à incinération, qu’il y ait corrélation entre l’abondance –certes toujours très relative– de matériel funéraire dans la tombe et la présence de monnaies. Sans doute ces deux types de dépôts correspondent‑ils à des conceptions eschatologiques différentes.

3.3.5.5. Les objets usuels

116On ne voit guère non plus, dans ces tombes d’Armorique, les objets usuels que renferment les sépultures d’autres régions et nous ne pouvons guère citer, dans cette catégorie de matériel, que le coffret de bois plaqué d’une mince feuille de bronze découvert dans le sarcophage de Clohars‑Carnoët. D’un type très répandu dans tout le monde romain au Bas Empire (Radnoti 1957 ; Böhme 1974 : 49‑50), il mesurait 8 cm sur 12 cm et contenait une tablette à onguents en jadéite verte, d’un modèle également très commun (Galliou 1974b), ainsi qu’une ligula de bronze. Il avait été déposé près de la main droite de la défunte.

3.3.5.6. Les armes

117On ne saurait, en vérité, considérer les armes qui se voient dans un certain nombre de sépultures à inhumation d’Armorique comme de simples présents destinés à assurer au défunt de fructueuses chasses dans l’au‑delà. Les armes que contiennent les tombes du Bas Empire, période troublée où s’interpénétrent les cultures germanique et romaine, n’ont assurément pas la même fonction que celles des sépultures à incinération des siècles précédents. Elles caractérisent en effet un faciès culturel provincial dont nous tenterons, dans ce qui suit, d’analyser la nature, et se présentent rarement seules dans la tombe. Les trouvailles de Guer (Morbihan) et de Trédrez (Côtes‑du‑Nord), celles d’Étel et d’Alet nous permettent en effet de tracer un bref tableau analytique de ce groupe de tombes si caractéristique (tableau VI).

● Tableau VI – Type de tombe : t.I = terre libre ; t.t = tombe à tuiles ; s.p = sarcophage de plomb. Date : Val. = Valentinien I.

118S’il est évident que seule la tombe de Guer –la seule à avoir été fouillée de façon scientifique– a livré un équipement « militaire » complet, on s’aperçoit sans peine de la récurrence de certaines armes :

119– la lance (ou le javelot), à lame large et longue (0,34 m à Guer) et à talon métallique se rencontre fréquemment dans les tombes germaniques du nord‑est de la Gaule (Böhme 1974 : 100‑104) ; l’exemplaire de Guer paraît avoir été disposé obliquement dans la tombe (Petit 1970 : 275) ; – les haches de fer, à lame recourbée vers le bas (type C de Bôhme), sont des armes de combat, qui se rencontrent très fréquemment dans la zone précitée (Böhme 1974 : 104‑110) ; il est possible que le défunt no 1 de Guer ait tenu cette arme dans la main gauche (Petit 1970 : 275) ;

120– les couteaux, enfin, longs de 12 cm à Guer et de 13 cm à Étel, sont des instruments qui furent souvent déposés dans les tombes germaniques du vaste territoire qui s’étend entre le cours inférieur de l’Elbe et la Loire (Böhme 1974 : 128‑130) ; bien qu’ils se rencontrent dans les tombes féminines comme dans les tombes masculines –ce qui nous révèle qu’il s’agit d’outils plutôt que d’armes– il nous paraît que leur répartition en Armorique est suffisamment caractéristique pour qu’on puisse admettre qu’ils sont associés à des tombes « militaires ».

121Ces quelques objets paraissent définir, comme nous l’avons souligné plus haut, un faciès culturel très différent de celui des tombes « civiles » du Bas Empire et dont la chronologie paraît s’appuyer sur des faits historiques bien établis. Il y a, en vérité, dans ces sépultures à inhumation du Bas Empire, une telle imbrication de coutumes funéraires, de pressions économiques ou de bouleversements historiques, qu’il est nécessaire d’en démêler le complexe écheveau.

3.3.6. Les tombes à Inhumation du bas empire : problèmes et hypothèses

122Certains objets déposés dans les tombes à inhumation d’Armorique nous permettent, comme nous l’avons constaté ci‑dessus, de dater ces sépultures avec une précision moyenne. Mais il importait également de mettre au point une chronologie relative de ces tombes en tentant de montrer à quels phénomènes particuliers elles répondaient et nous proposerons donc dans ce qui suit un découpage historique fondé sur des travaux récents.

3.3.6.1. Première moitié du iiie s.

123L’incinération est encore la pratique funéraire dominante en Armorique et la seule inhumation que nous pouvons raisonnablement dater de cette période est celle de Saint‑Lunaire (sarcophage de granit). Elle pourrait correspondre à une prospérité certaine de l’Armorique et provenir d’une des riches villae côtières qui s’égrènent de l’embouchure de la Rance à celle de la Loire (Galliou : 1981b).

3.3.6.2. Deuxième moitié du iiie s. (Jusqu’à 290 environ)

124C’est une période extrêmement difficile pour l’ouest de la Gaule, pendant laquelle se succèdent raids barbares (des pirates de la mer du Nord) et crises sociales et économiques (Galliou 1979b ; 1981b). Aucune des tombes à inhumation découvertes à ce jour ne paraît dater de cette période, où les pratiques incinérantes persistent dans les campagnes comme dans les villes (urne de verre avec monnaie de Postume à Vannes).

3.3.6.3. « Renaissance constantinienne » (Circa 290 à 340)

125La « renaissance constantinienne », bien attestée dans d’autres parties de la Gaule, se traduit en Armorique par une certaine reprise de l’économie, par la reconstruction de certains monuments, par un renouveau du commerce maritime (Galliou 1977). Il y a, à cette époque, véritable intégration de l’extrême Ouest gaulois à la civilisation de l’ensemble de la province. Cela se traduit par l’adoption de nouvelles pratiques funéraires (inhumation, qualité et disposition du mobilier funéraire), due à des influences religieuses (christianisme, etc.) ou autres. Bien que l’on incinère encore les défunts au début du ive s., la coutume de l’inhumation se répand dans les villes et dans les milieux les plus favorisés et les plus cultivés des campagnes. Les réceptacles utilisés sont de bois (Nantes/Saint‑Donatien) ou de plomb (Hillion, Bourg‑Blanc (?), Douarnenez, Landrévarzec(?), Clohars‑Carnoët, Arradon (?) et le mobilier qu’ils contiennent relativement « riche » et uniforme. La disposition des vases dans les tombes souligne une évidente communauté culturelle. Il est vrai, cependant, que ces sépultures sont celles des classes les plus aisées et que nous ne savons rien de la tombe du vulgus pecus.

3.3.6.4. Deuxième moitié du ive s. (Circa 340‑400)

  • 124 Cf. PÉRIN (P.). — Les Caractères généraux des nécropoles mérovingiennes de la Champagne du Nord et (...)

126Cette période est extrêmement complexe et voit se mêler des influences très diverses. Une désintégration probable de l’économie armoricaine (Galliou 1979b : 414), une disparition presque totale des espèces monétaires après 350‑360 et un passage à une économie de troc peuvent expliquer la disparition presque totale du mobilier funéraire dans les tombes de cette période. Ce phénomène n’est cependant pas localisé à la seule Armorique et se rencontre également à Paris124 et dans la vallée du Rhône (Gagnière 1960 : 46), on peut penser que les raisons de cette évolution ne sont pas d’ordre purement économique. Les tombes « civiles » de cette époque paraissent avoir utilisé des réceptacles de bois (Nantes/ Saint‑Donatien) ou de plomb (Nantes/Saint‑Similien‑Le Rheu), dont le mobilier est absent ou réduit à une simple fiole de verre (Nantes/Saint‑Similien). Il est possible que l’on ait commencé à bâtir des tombes à tuiles à partir de cette période : à Alet ces tombes sont très certainement postérieures à 340 (Langouët 1973 : 85).

127Les problèmes militaires posés par les pirates francs, saxons ou irlandais amenèrent les autorités romaines à implanter une ligne de défense sur les rivages de la Gaule, le tractus armoricanus et nervicanus, dont la mise en place dans l’ouest remonte peut‑être au début du ive s. (Galliou 1979b). Il est certain, toutefois, que ce tractus fut réorganisé sous Valentinien (Galliou 1979b), que de nouveaux corps de troupe furent amenés du limes rhénan (Hoffman 1969 : 351) ainsi sans doute que des « Lètes » germaniques. C’est très vraisemblablement à ces derniers contingents que l’on doit attribuer les tombes à armes (ou contenant des objets à connotations « militaires ») de Pléhérel, Trédrez, Pont‑de‑Buis, Étel et Guer. Ces sépultures sont de nature très variée (sarcophage de plomb à Trédrez, inhumations en terre libre à Pléhérel et Guer, dans un four à chaux à Pont‑de‑Buis) et contiennent un mobilier réduit, mais qui paraît légèrement moins « pauvre » que celui des tombes « civiles » de la même période.

3.3.6.5. Le ve siècle

128Nous manquons presque totalement d’informations sur les sépultures armoricaines du ve s., d’autant que l’on peut considérer qu’il y a rupture au cours de ce siècle entre une Armorique peuplée d’immigrants bretons et le reste de la Gaule. Les très maigres indices dont nous disposons nous montrent des tombes entièrement vides de tout mobilier funéraire, disposées en pleine « terre » avec entourage de galets à Saint‑Urnel en Plomeur (Finistère) (Giot, Monnier 1977), ou dans des coffres de tuiles en haute Bretagne, c’est‑à‑dire dans la partie gallèse de la péninsule.

3.3.7. Conclusion

129Ce canevas simplifié est, nous en avons conscience, probablement simpliste et ne prend pas en compte les habitudes locales ou même personnelles pouvant expliquer le choix de tel type de réceptacle ou de telle variété de mobilier funéraire. Mais on doit reconnaître que le corpus des tombes à inhumation de l’Armorique romaine est extraordinairement limité et que nous sommes contraint à brosser un tableau des plus schématisés, que de nouvelles fouilles sur des sites bien choisis permettront, nous l’espérons, d’animer.

3.4. Puits funéraires ou puits rituels ?

3.4.1. Introduction

  • 125 La bibliographie concernant ces puits est très vaste et de qualité très inégale. On peut citer, par (...)
  • 126 Cf. ci‑dessus : J. Quicherat, op. cit., note 125, p. 367, écrit « On est en droit d’affirmer, à l’h (...)
  • 127 Les puits des Namnètes ont été étudiés par R. Sanquer, op. cit., note 125, et l’on trouvera en anne (...)

130On ne saurait certes traiter du problème des sépultures et des coutumes funéraires de l’Armorique romaine sans aborder la question très controversée des puits dits « funéraires »125. Ces puits, abondants dans certaines parties de la Gaule126, se rencontrent en effet en nombre assez élevé en Bretagne127 et on peut souhaiter que l’étude qui suit puisse contribuer à l’élaboration future d’une approche globale du problème. Sans doute n’est‑il pas inutile, avant de considérer les puits de Bretagne, de rappeler les données archéologiques dont nous disposons, de souligner la spécificité de certains groupes régionaux.

  • 128 Sur les cimetières à enclos, cf. en particulier, BRISSON (A.), HATT (J.‑J.). — Cimetières gaulois e (...)

131Le groupe le plus ancien est sans aucun doute celui mis au jour dans le sud de la Bavière (Schwartz 1962), la zone du Rhin moyen (Zurn 1971) et dans le département de la Marne (Brisson, Loppin, Fromols 1959). Les puits de Holzhausen (Bavière) ou de Tomerdingen (Würtemberg), associés à des enceintes quadrangulaires (Viereckschanzen) à fonctions cultuelles, datent de la fin de la période de La Tène et ceux de Normée (Marne), placés à proximité d’un ensemble complexe comprenant une « enceinte sanctuaire », deux enclos quadrangulaires et un cimetière à enclos très caractéristique128, de La Tène II. Bien que leur structure interne soit différente –le puits no 2 de Holzhausen a 18,35 m de profondeur et le no 3 36,50 m alors que les fosses de Normée ne dépassent pas 3,70 m– on ne peut douter qu’ils aient servi à des fins cultuelles ou « sacrificielles ». Les puits d’Allemagne –et ceux de Holzhausen en particulier– se caractérisent par des dépôts en paquets de cendres et de charbon de bois provenant de combustions répétées et par la présence, dans les terres de remplissage, de nitrites et d’albumines dont le taux élevé dénote la décomposition de matières organiques (viande) : le puits no 2 de Holzhausen contenait d’ailleurs un crochet à viande à deux dents. Au fond des puits de Tomerdingen (Zurn 1971) et de Schönfeld (Dauber 1948) avait été planté un poteau (ou un pieu) de 2 m de long dont la base était calée par un blocage de pierres. Les fosses de Normée, en revanche, n’étaient pas de forme cylindrique mais s’élargissaient en poire vers le bas : leur remplissage était également stratifié, des couches de craie blanche alternant avec des couches de terre végétale. Dans le puits A se trouvaient deux squelettes humains déposés à des profondeurs différentes, l’un de ces corps reposant sur le côté droit, les bras réunis dans le dos ayant probablement été liés ; A. Brisson en conclut que ces fosses servaient à des sacrifices humains.

  • 129 Cf. FOUET (G.). — Un Nouveau puits funéraire gaulois rue Saint Roch à Toulouse. Mémoires de la Soci (...)
  • 130 Cf. Fouet 1958 :115‑196 ; FOUET (G.). — Vieille‑Toulouse : puits funéraire no IV. Pallas, IX, 2, 19 (...)
  • 131 G. Fleury, op. cit., note 125, p. 115, avait noté qu’à Saint‑Rémy‑des‑Monts les puits ne contenaien (...)

132Un groupe plus récent, remontant à la fin de La Tène III sinon au tout début de l’époque romaine, se situe dans le sud‑ouest de la France, àToulouse129 et Vieille‑Toulouse130, Ramiers (Ariège) (Moran 1972), Le Mas‑d’Agenais (Nicolaï 1895 : 149‑150), etc. La profondeur de ces puits varie entre 2,5 m et 5,5 m et leur remplissage est pratiquement identique : un certain nombre de vases archéologiquement complets sont déposés sur le sol et une couche neutre les sépare d’une ou deux épaisses strates d’amphores fragmentées. On y recueille également des tessons d’autres céramiques (gobelets d’ACO, céramiques communes, etc.), quelques petits objets et de nombreux ossements d’animaux, mais jamais le squelette d’un individu complet131. La découverte d’un puits similaire dans la grande villa de Montmaurin (Haute‑Garonne) montre que cette tradition s’était perpétuée jusqu’au ive s. de n. è. (Fouet 1969 a : 159 sq.).

  • 132 Le fouilleur mentionne cependant la découverte de restes humains incinérés (contenus ou non dans de (...)
  • 133 Cf. par exemple : Baudry 1873 : 5 ; MERLAT (P.). — Fouilles et sondages à Rezé. Annales de Bretagne(...)

133Les puits mis au jour en Vendée (Baudry 1873) sont d’un type sensiblement différent. Au Bernard, l’abbé Baudry mit au jour dans un espace restreint (550 m x 300 m) plus de trente puits associés à des sépultures à incinération et à des bâtiments à fonction indéterminée. Profonds de 3 à 14 m, ces puits présentaient des caractères communs : de forme cylindrique et de diamètre variant entre 1 et 1,35 m, leur sommet était souvent coiffé d’une voûte en pierres sèches placées en encorbellement et dont l’ouverture sommitale était fermée par une large pierre. L’analyse de la stratigraphie montre que, comme les puits de Bavière, les fosses du Bernard avaient été remplies par étapes, par paquets, les couches de dépôts « rituels » étant séparées par de véritables « pavés » de pierres ou de mortier qui dissociaient les strates. Les dépôts étaient constitués d’animaux entiers ou découpés (quartiers de viande ?) et dans la partie inférieure du remplissage se trouvaient des objets divers, céramiques, monnaies, etc. ainsi que des morceaux de bois. Dans le troisième puits un petit chêne était planté debout et traversait six des couches. Dans le vingtième puits une statue de bois haute de 51 cm et représentant une « déesse‑mère » (Baudry 1873 : 180‑181), était posée verticalement sur le fond. Ces puits, bien que qualifiés de « funéraires », ne contenaient guère de tombes vraiment bien définies132, et le matériel qui y fut recueilli les date de la période ieriiie s. Il faut ajouter que de nombreux puits d’un type semblable furent découverts à Rezé, sur la rive gauche de la Loire, à peu de distance de Nantes133 : on s’étonnera qu’ils n’aient pas été répertoriés par K. Schwartz (Schwartz 1962 : Beilage 5, 4).

3.4.2. Structure des puits armoricains

  • 134 Les diamètres varient de 1 m à 1,40 m.

134La profondeur des puits répertoriés en Armorique varie de 2,80 m (Rennes/Castel‑Saint‑Martin) à plus de 7 m (Corseul/École libre ; 10 m à Plumergat ?). Ils sont généralement de forme cylindrique134, la partie supérieure, plus étroite, étant maçonnée à sec (Rennes/Saint‑Martin ; Rennes/rue de Dinan, I et III ; Bangor ; Blain/ chemin des Noyers, etc.) (fig. 25) ou parfois laissée brute de taille (Rennes/rue de Dinan II ; Blain/Nouvelle Gendarmerie Il ; Blain/Nouvel Hôpital), et la partie inférieure, plus large, n’étant pas dans la plupart des cas appareillée. Aucune de ces calottes, si caractéristiques des puits du Bernard, du Mas‑d’Agenais (Nicolaï 1895 : 150) ou de Rezé, n’a été signalée à ce jour. Nombre de ces excavations semblent avoir été fermées par des « margelles » monolithiques, dalles percées d’un trou d’accès de 0,60 m de diamètre environ (Corseul ; Saint‑Brandan ; Quimper ; Bangor [?] ; Guérande) que l’on pouvait aisément obturer (grosse boule de granit à Corseul/Château de Lessart par exemple).

● Fig. 25  Puits de Rennes/Castel‑Saint‑Martin.

photo direction des Antiquités historiques de Bretagne

3.4.3. Remplissage des puits armoricains

135Il est extrêmement difficile, en l’absence de fouilles récentes de ce type de structure en Bretagne, de définir la manière dont ces puits étaient remplis. On notera tout d’abord que la plupart des auteurs y signalent des cendres en quantités importantes (Rennes/rue de Dinan ; Corseul/École libre ; Vieux‑Marché ; Bulat‑Pestivien ; Kergrist‑Moëlou ; Plougonver ; Rosporden ; Vannes/Petite Garenne ; Blain/chemin des Noyers, etc.) qui semblent confirmer les remarques de K. Schwartz à Holzhausen. Le reste du matériel archéologique est, comme dans les puits de Vendée, extrêmement divers et comprend des ossements d’animaux (Rennes/Saint‑Martin ; Rennes/Castel Saint‑Martin ; Rennes/rue de Dinan ; Corseul ; Vieux‑Marché ; Rosporden ; Vannes ; Blain/chemin des Noyers, Nouvelle Gendarmerie ; Escoublac ; Guérande) parfois déposés en quantités importantes, des ossements humains (Rennes/ruelle Saint‑Martin) et des ossements incinérés placés dans des « urnes » couvertes (Bulat‑Pestivien ; Kergrist‑Moëlou ; Rosporden), des monnaies (Rennes/ruelle Saint‑Martin ; Rennes/rue de Dinan ; Corseul/ École libre ; Blain/Nouvelle Gendarmerie ; Guérande), de la céramique, de petits objets de parure (bagues à intaille à Corseul/École libre et Rennes/rue de Dinan par exemple), des fragments de bois et de végétaux (Rennes/rue de Dinan ; Corseul/École libre [branche de pommier, cône de pin] ; Blain/Nouvelle Gendarmerie {noyaux de pêches, noisettes, graines, écailles de cône de pin]) et des statuettes de terre cuite (Rennes/ruelle Saint‑Martin [Vénus anadyomène et Risus] ; Le Gavre [Vénus]), des meules à grain (Blain/nouvel Hôpital ; Corseul) et des fragments de statue de pierre (Corseul/château de Lessart [sphinx] ; Corseul/lieu inconnu [deux têtes]). On notera enfin que trois pieux étaient fichés verticalement dans le fond du puits de Blain/nouvel Hôpital.

136La lecture des rapports de fouille du siècle dernier donne cependant à penser que la stratigraphie des puits armoricains était assez semblable à celle des puits de Vendée : des vases intacts étaient déposés au fond (Rennes/Castel Saint‑Martin ; Blain/Nouvelle Gendarmerie) (fig. 26) puis recouverts d’un empilement de couches dont le dépôt s’espaçait dans le temps. D’autres vases (les « cachettes » de l’abbé Baudry), parfois protégés par des couvercles d’ardoise ou de tuile, étaient également déposés intacts dans les puits puis recouverts de couches de remblais. L’aménagement sommital de ces structures (dalles percées, couvercles) nous permet également de croire qu’elles n’étaient jamais remblayées en une seule fois mais qu’on pouvait au contraire y accéder à volonté (fig. 27).

● Fig. 26 – Vase au fond du puits de Rennes/Castel‑Saint‑Martin.

photo direction des Antiquités historiques de Bretagne

● Fig. 27  Coupe d’un puits de Rezé. D’après Plouhinec 1961.

3.4.4. Datation

137L’usage de ces puits paraît s’être maintenu pendant toute la période romaine. Les plus anciens, ceux de Rennes/rue de Dinan et de Blain/Nouvelle Gendarmerie, furent utilisés dès l’époque augustéenne (estampille d’ATEIVS à Rennes, gobelet à pal mettes stylisées à Blain) et pendant tout le ier s. (Blain ; Drag. 29 de La Graufesenque datable du règne de Néron ou de celui de Vespasien) sinon le second. Le puits du Yosquet en Guérande a, par ailleurs, livré des monnaies de Septime Sévère et celui de Rennes/ruelle Saint‑Martin une monnaie de Constantin. Ces datations rejoignent celles observées à Montmaurin et à Allonnes (Sarthe) (Biarne 1977 : 22).

3.4.5. Conclusion

  • 135 Cf. le mundus romain : DUMÉZIL (G.). — La Religion romaine archaïque. Paris, Payot, 1966, p. 344‑34 (...)
  • 136 Cf. par exemple, le Mas‑d’Agenais, cf. Nicolaï 1895 : 149‑150 ; COUPRY (J.). — Informations archéol (...)

138Il est bien évident, en l’état actuel de la recherche, que rien ne permet de considérer les puits armoricains comme des « puits funéraires » stricto sensu et l’on ne peut guère s’appuyer sur les témoignages du siècle passé et leurs descriptions d’« urnes remplies de cendres » pour en conclure que leur fonction première était de recevoir des corps incinérés, ce qui ne veut certes pas dire qu’ils n’en reçurent jamais. L’explication de ces structures, avancée dès 1962 par Klaus Schwartz, nous semble en vérité bien plus probante. Pour ce chercheur, le comblement périodique des puits, le dépôt de matières organiques (viande, sang), immédiatement recouvertes par des couches stériles, dénotent un rite sacrificiel à une divinité chtonienne lors de fêtes bien déterminées de l’année celtique. Il est fort possible qu’à l’origine ces puits aient reçu des sacrifices humains –et l’on songe bien sûr à l’une des scènes figurées sur le chaudron de Gundestrup (Schwartz 1962 : fig. 29)– mais ils paraissent correspondre surtout à un rite bien attesté dans l’Antiquité, consistant à faire couler dans une fosse diverses libations‑eau, vin, sang des bêtes immolées ‑ en l’honneur des divinités135. Cet usage paraît s’être répandu dans l’aire celtique à la période de La Tène II et s’être perpétué jusqu’à la fin de l’époque romaine. On notera enfin, et ce n’est pas là le fait le moins important, que ces puits sont très souvent associés à des sépultures à incinération ou à inhumation de type classique136 et à des sanctuaires « celtiques » (Schwartz 1962).

139Diverses trouvailles, faites aux confins de l’Armorique, nous permettent en effet de mieux comprendre le rôle que jouaient les puits de notre région, dont le contenu n’a jamais donné lieu à une analyse scientifique. A Allonnes (Sarthe), par exemple, J. Biarne a dégagé un ensemble d’une trentaine de puits qui s’intégrait à de complexes structures de surface, fossé, « autels », petites fosses, et il conclut qu’ « il s’agit d’un site religieux en plein air, limité par un fossé, des alignements de pierres, où se serait déroulé un rituel d’offrandes, de libations, de sacrifices de gros et petits animaux » (Biarne 1977 : 26‑27), tandis qu’à Rezé (Loire‑Atlantique), l’exploration d’un puits montra que le fond et les parois de presque tous les vases portaient des traces de miel, dont d’abondantes quantités avaient été déversées sur les offrandes (Plouhinec 1964 : 131‑132). On peut donc en conclure que, selon toute vraisemblance, les puits armoricains, comme ceux du Maine ou de la Vendée, étaient remplis de la manière suivante :

    • 137 Au Mans la plupart des puits contiennent un dépôt d’huîtres, cf. Chappée 1920, op. cit. note 125, p (...)
    • 138 Cf. Blain/Nouvel Hôpital ; Tomerdingen (Zurn 1971) ; Schönfeld (Dauber 1948).
    • 139 A Holzhausen (Schwartz 1962) et au Mans (Chappée 1920, op. cit. note 125, p. 87).

    un premier dépôt d’offrandes alimentaires137, auquel s’ajoutait parfois un pieu disposé verticalement138, était placé dans une cuvette taillée dans le rocher139 ;

  • des couches successives d’offrandes alimentaires, de restes de bûchers sur lesquels avaient été consumés des quartiers de viande et brisés des vases (Biarne 1977:27), parfois séparés par des niveaux stériles, se superposaient jusqu’au sommet du puits, la disposition de certaines offrandes donnant à penser qu’elles n’étaient pas jetées sans soin de la surface, mais au contraire soigneusement installées à l’abri de tuiles ou de pierres. D’abondantes libations, d’eau, de miel ou de vin devaient également accompagner ces offrandes.

  • 140 On pensera bien sûr à la fête des morts (1ernovembre) (cf. GRENIER (A.).— Les Gaulois. Paris, Payot (...)

140Nous ne savons pas, bien sûr, si ces dépôts avaient lieu une ou plusieurs fois l’an, bien que certains fruits mis au jour dans les puits du groupe « atlantique » (noisettes à Blain et au Bernard, châtaignes au Bernard, pêches à Blain) signalent des pratiques étalées dans le temps entre la fin du mois d’août et le début du mois de novembre140.

  • 141 C’est le cas des pommes de pin découvertes à Blain/ Nouvelle Gendarmerie et Rezé (fouilles du Group (...)
  • 142 Il fut détruit lors de la construction du bâtiment de la médecine préventive. Les travaux livrèrent (...)

141Le terme de « rituel » paraît donc le mieux adapté à la description des puits du groupe « atlantique », mais cette définition nous conduit tout naturellement à nous demander à quels rites bien précis correspondaient le creusement et le remplissage de telles structures. Bien que notre connaissance des puits d’Armorique soit très imparfaite, on ne peut manquer de remarquer qu’ils sont, dans un certain nombre de cas, associés à des cimetières (Loc‑Brévalaire [Finistère], Rieux [Morbihan], Rennes [Ille‑et‑Vilaine]) ou qu’ils recèlent des objets à fortes connotations « funéraires »141. On ajoutera que les « puits » de Quimper paraissent avoir été creusés à proximité d’un bâtiment en grand appareil qui pourrait fort bien être un sanctuaire142 (fig. 28).

● Fig. 28 – Répartition des puits à mobilier romain.

  • 143 Cf. CLÉMENT (M.). — Le Tesson aux svastikas deTrogouzel et la pierre de Kermaria (Finistère). Étude (...)
  • 144 Sur le cimetière de Saint‑Uriac en Corseul, cf. BARDEL (A.). — Urnes funéraires gauloises à Corseul (...)

142Il faut sans doute conclure de cette brève étude, qu’en Armorique comme dans d’autres régions de la Gaule ou de l’aire « celtique », le royaume des morts et le domaine du sacré s’interpénétraient en une mouvante osmose, unissant dans le même espace le sanctuaire, humble ou monumental, les essaims de puits rituels et les tombes des fidèles. On ne peut guère douter, en vérité, que cette tradition qui se perpétua en Gaule jusqu’à la fin du iiie s. au moins, trouve ses origines dans le passé pré‑romain : l’association à Douarnenez/Trogouzel d’un cimetière à stèles de La Tène ancienne et d’un édifice en bois construit au iie s. av. n. è.143, la juxtaposition à Corseul (Côtes‑du‑Nord) d’une source entourée de stèles de l’âge du Fer, d’une petite nécropole de La Tène ancienne et d’un grand temple gallo‑romain d’où provient probablement un cippe dédicacé par un affranchi à la déesse Sirona144, le prouvent amplement. Mais faut‑il en conclure qu’il y a là « archaïsme » dans les croyances et les pratiques religieuses ? Nous ne le pensons pas car, si ces associations complexes semblent absentes en Narbonnaise, l’ensemble cimetière/puits funéraires est loin d’être rare en Aquitaine, même dans les sites les plus romanisés, et cela jusqu’à la fin de la période romaine. Cet ancrage dans le passé n’est alors pas le signe d’un conservatisme étriqué mais d’un « vigoureux archaïsme » ou « il y a l’instinct de conserver ses forces intègres » (Duval 1976 : 127).

Notes

1 L’embaumement, pratique d’origine orientale, est certes attesté à Rome (Toynbee 1971 : 41‑42) mais c’est un fait rare, exotique. B. Cunliffe pense d’autre part avoir mis en évidence des pratiques d’exposition des cadavres et de nécrophagie à l’âge du Fer, dans le hill‑fort de Danebury en particulier ; cf. CUNLIFFE (B,). — Iron Age communities in Britain. London, R.K.P., 1974, p, 292.

2 Il semble toutefois que certains cadavres aient été délibérément jetés parmi les détritus dans certains oppida du sud de l’Allemagne (Manching) et dans certains sites suisses (Usine à gaz de Bâle) ; cf. WIEDMER (H.R.). — Menschliche Skelettreste aus spätlatène — Siedlungen in Aipenvorland. Germania, 41, 1963, p. 269‑317.

3 Le bustum était une fosse remplie de bois ou sur laquelle était construit le bûcher proprement dit. Sur ce type de structure, cf. MAU (A.). — Bustum. In : WISSOWA (G.), KROLL (W.), MITTELHAUS (K.). — Pauly’s Realencyclopädie der klassischen Altertumswissenschaft III. Stuttgart, 1894. Col. 1078,

4 Des typologies très affinées ont été élaborées par MENNESSIER (C.). — Tombes gallo‑romaines du Limousin : Traitement graphique de l’information. In : DUVAL (P.‑M.) et ses élèves. — Recherches d’archéologie celtique et gallo‑romaine. Paris‑Genève, Droz, 1973. p. 83‑95, et par JONES (R.), — A Quantitative approach to Roman burial. In : Reece 1977, p. 20‑25.

5 Au lait ou au vin (Van Doorselaer 1967 : 31), ce qui explique leur remarquable état de « propreté ».

6 Nous devons reconnaître que la majorité des coffrets de pierre signalés en Bretagne (Plougasnou, cf. Du Chatellier 1907 : 82 ; Plozévet, cf. Du Chatellier 1907 : 282 ; Rospez, cf. Gaultier du Mottay 1884 : 284) pourraient également être attribués aux âges du Fer. Seul le coffret de Plougonver (Gaultier du Mottay 1884 : 34) pourrait être d’époque romaine.

7 Ces petits coffres de tuiles sont très nombreux dans les provinces par exemple àTipasa, cf. Lancel 1970 : 181 ; Bavai, cf. Will 1955 : 147 (avec monnaie de Claude II) ; Chichester, cf. CUNLIFFE (B.). — The Regni. 1973, p. 64 ; Asciburgium, cf. BECHERT (T.). — Asciburgium ‑ Ausgrabungen in einem römischen Kastell am Niederrhein. Duisburg, 1974, p. 195.

8 Des coffres de ce type sont attestés à Coblence (Günther 1901) et à Meuilley (Côte‑d’Or) (Ratel 1977 : 77‑78) par exemple.

9 Rennes : rosace. Carhaix : deux cercles concentriques ; deux cercles concentriques, six feuilles en relief rayonnant du cercle central : entre les feuilles, lettres en relief, P, T, (?). Carhaix/Saint‑Antoine : deux cercles concentriques et lettres A, H, B, (?) dans les angles.

10 Des bouteilles semblables étaient protégées dans des emballages de bois (Pompéi, cf. ISINGS (C.). — Roman glass from dated finds. Groningen, 1957, p. 68, forme 50) ou d’osier (bas‑relief de Neumagen, cf. Charlesworth 1966 : 26).

11 C’est ce qu’indiquent les monnaies trouvées dans ces urnes : sesterce de Trajan à Quimper (no 03.34), as de Domitien et sesterce d’Hadrien à Carhaix/Saint‑Antoine.

12 Ce vase est du type Isings 21 (Isings, op. cit.) et peut être daté de la période 75‑200 de n. è. Un vase semblable provient d’une tombe de Jublains (Boissel, Diehl, Petit 1971 : p. 28).

13 L’urne de Saint‑Frégant est du type Isings 67 c (75‑225 de n. è.), celle de Vannes du type Isings 94 (100/150 ‑ 300/350 de n. è.) et celle de Saffré du type Isings 106 c (300‑375 de n.è.).

14 Bien que des vases de verre aient été importés en Armorique dès la 1re moitié du ier s. de n. è., il semble que l’usage de placer les ossements incinérés dans des urnes de ce type ne soit pas antérieur à la fin de ce siècle. Cet usage paraît s’être éteint avec la disparition des incinérations, dans la 1re moitié du ive s.

15 Les statistiques portant sur les urnes de Rennes peuvent être faussées par la petite taille de l’échantillon (une vingtaine de vases).

16 R. Ratel a pu faire la même remarque à propos des urnes de verre de Meuilley (Côte‑d’Or) (Ratel 1977 : 77).

17 Cet usage est également attesté à York (Wenham 1968 : 27, 29) et à Jublains (Boissel, Diehl, Petit 1969 : 16 [Dep‑20], 20 [Dep‑32]).

18 Il s’agit là en vérité d’une impression subjective plus que d’une certitude scientifique, mais on notera cependant que les vases biconiques sont précoces en Aquitaine, cf. FOUET (G.). — Vases gaulois de la région Toulousaine. Gallia, XXVIII, 1,1970, p. 20‑23.

19 Un atelier produisant de la terra nigra a été fouillé en 1971 à Rennes (secteur du Castel Saint‑Martin) et certaines formes (cf. infra, bol type « Kérilien ») paraissent particulières à l’ouest de la Gaule.

20 Plusieurs fragments de vases de ce type sont conservés au musée de la Société polymathique à Vannes (Cf. Marsille 1921 : nos1727, 1754, 1756, 1767, 1771).

21 Ce dernier terme est la traduction littérale de l’anglais bobbin‑shaped beaker, sur ce type de vase, cf. HAWKES (C. F. C.), HULL (M. R.). — Camulodunum. First report on the excavations at Colchester, 1930‑1939. Antiquaries, 1947. type 51 A.

22 Il est proche de la forme 175 de M.‑H. et J. Santrot (« Céramiques communes gallo‑romaines d’Aquitaine », Bordeaux, 1979), également produite dans l’Ouest aux environs du début de l’ère ; cf. GRUET (M.). — La Formation du site d’Angers. Bulletin des Musées d’Angers, 37, 1977, fig. 4, no 38.

23 On y a découvert cinq ou six vases de ce type dont l’un contenait une monnaie de Domitien, datée de 88 de n. è.

24 Sur ce type de vase, cf. Hawkes, Hull, op. cit., note 21,237‑241.

25 S’il est vrai que les urnes de marbre se rencontrent presque exclusivement en Narbonnaise, on peut s’étonner de ne pas rencontrer en Armorique d’urnes cinéraires en plomb, fréquentes en Normandie (Yvart 1966) et en Grande‑Bretagne (Tôlier 1977 : 27), d’autant que les sarcophages en plomb sont assez nombreux dans notre région.

26 Cf. César, De Bello Gallico : VI, 19, 4, et le « testament du Lingon » (Hatt 1951 : 68‑69).

27 A la différence d’A. Van Doorselaer (1967 : 100), nous préférons inclure dans la catégorie des offrandes les vases déposés brisés sur ou dans la tombe. Ils nous semblent attester des pratiques sacrificielles ou libatoires qui font encore partie du monde des vivants, le mobilier funéraire étant la part du mort.

28 On a pu établir que l’oiseau incinéré déposé dans la sépulture du Plessis (commune de Velles, Indre) était une perdrix rouge (Albert, Chaix 1977 : 251‑270).

29 P. Merlat note en effet (1953 : 398) qu’ils sont « très souvent déformés par le contact avec les cendres incandescentes ». Nous avons par ailleurs retrouvé, dans des urnes des nécropoles de Vannes (Marsille 1921 : no 1734) et de Carhaix (no 02.153), des boules de bronze à tige de fer qui doivent être des pieds de coffrets,

30 Il est vrai que dans la plupart des publications l’état des monnaies n’est pas mentionné. Le jet de monnaies sur le bûcher est attesté à York (Wenham 1968 : 25).

31 A Nantes/Saint‑Donatien, Billiers (Morbihan), Ruffiac (Morbihan), etc.

32 Dans l’urne : Carhaix, no 02.132 par exemple. Sur l’urne : Quimper, no 03.63 (Merlat 1953 : 390 [U 11]). A côté de l’urne : Quimper (Merlat 1953 : 389‑390) par exemple.

33 Par exemple à Blicquy (Laët 1972) : tombes 32b, 43, 74,155, 335 ; Étretat (Cochet 1855 : 43), à Sampont (Noël 1968) : tombes 21, 29 ; Wederath (Haffner 1971‑1974) : tombes 34, 162, 458, 575, 685, 758 ; Hultehouse (BILLORET (R.). — Informations archéologiques. Circonscription de Lorraine. Gallia, XXVIII, 2, 1970, p. 282) : dans presque toutes les tombes à incinération, etc, Les tasses Drag. 33 semblent, elles aussi, nombreuses dans les sépultures (Autexier, Moret, Roche 1978 : 53).

34 Ce qui permettrait peut‑être de rendre compte du nombre relativement important de coupelles Drag. 35/36 trouvé dans certaines tombes de Quimper (Merlat 1953 : 389 [U 7] : au moins trois ; 390 [U 11] : au moins cinq ; 390 [U 12] : au moins six).

35 A Vannes : « vases de terre fine au milieu des cendres » (Cussé 1877) ; à Carhaix : no 02.117 dans l’urne 02.116, tasse Drag. 24/25 dans l’urne 02.153.

36 A Quimper, cf. Merlat 1953 : 403 ; Carhaix, cf. Du Chatellier 1900 : lii‑liii.

37 Cette association est fréquente aussi dans les tombes plus tardives (Gagnière, Granier 1972 : 128, par exemple).

38 C’est en particulier le cas des cruches. Sur les biberons, cf. Laët 1972 (Blicquy : tombes 29, 56) ; R.C.H.M. 1962 : fig. 71, H 2076, fig. 69, H 1049 ; SENNEQUIER (G.). — L’Époque gallo‑romaine. In : La Normandie souterraine. Rouen, Musée Départemental des Antiquités, 1975. nos 238 (Neuville‑les‑Dieppe), 518‑ 9 (Le Catillon), etc., et Van Doorselaer 1967 : 65‑66.

39 Vannes : coupe Isings 32 (25‑350 de n. è.) ; Ruffiac : deux coupes Isings 86 ou 93 à décor de filets appliqués, caractéristiques des productions de Cologne de la fin du iie s. ou du début du siècle suivant (cf. Doppelfeld 1966 : nos110 sq.) ; Saffré : « carafes en verre blanc, bouteille » (types indéterminés) ; Carhaix : Isings 94 (Ropartz 1875 : h).

40 Tasse en céramique sigillée Drag. 24/25 dans l’urne 02.153. Elle porte l’estampille : DANO de Danomarus, potier à Lezoux dans la 1re moitié du ier s.

41 Vannes, cf. par exemple no 1770 ; Carhaix, cf. no 02.98.

42 Inscription : ACAIO en grènetis faits à la barbotine sur panse de petit vase en céramique métallescente (Closmadeuc 1878 : fig. 1,2): le sens de l’inscription n’est pas clair, mais des gobelets inscrits de la sorte semblent avoir été fabriqués dans la vallée du Rhin aux iiie et ive s. (cf. par exemple, MAY (T.). — The Pottery found at Silchester. Reading, 1916, p. 105 ; C. I. L. XIII, lii/2, 10018).

43 Le petit pichet de Carhaix (n° 02.34) porte le graffite LVNARIS autour du col. Il est très probable que le O placé sous la jonction du S et du L forme avec ces derniers le mot : SOL. On peut donc lire le graffite : SOL LVNARIS.

44 De telles louches à tête de cygne apparaissent dès le ve s. av. n. è. sur des céramiques grecques et se rencontrent également à Pompéi. Sur le type cf. : DENBOESTERD (M.H.P.). — The Bronze vessels in the Rijksmuseum G. M. Kam at Nijmegen. Nijmegen [Nimègue], 1956. n° 96 ; TASSINARI (S.). — La Vaisselle de bronze romaine et provinciale au Musée des Antiquités Nationales. XXIXe supplément à Gallia, 1975, pl. X‑XI, nos 41 ‑ 46.

45 Cf. Galliou 1976b : 36, nos 9‑10. On trouvera des exemples similaires à Narbonne, cf. Robert 1977 : 270, fig. 9, 10, 12 et Gudendorf, cf. Böhme 1974 : vol. 2, tab. 20, 16. Il pourrait s’agir de creusets à encens (?) mais on peut remarquer que le dépôt, dans des tombes à incinération ou en milieu consacré, de vases miniatures dont la forme imite celle des grandes céramiques de la sépulture est fréquent à La Tène I/II dans le nord‑est de la Gaule (cf. par exemple : CADOUX (J.‑L). — Informations archéologiques. Circonscription de Picardie. Gallia, 35,2,1977, p. 304 ; PÉTRY (F.). — Informations archéologiques. Circonscription d’Alsace. Gallia, 32, 2, 1974, fig. 35, 1‑8.) et se rencontre également à l’époque romaine : cf. Laët 1979 :32 (dans 4 % des tombes) ; Van Doorselaer 1967 : 117‑118. On peut enfin considérer certains vases de Carhaix (nos 02.99, 02.133) comme des réductions de vases plus importants.

46 Sur le nombre de vases à offrandes, cf. COLLIS (J.). — Pre‑Roman burial rites in north‑western Europe. In : REECE (R.) éd. — Burial in the Roman world. London, Council for British Archaeology, 1977, p. 5 (âge du Fer) ; Mitard 1977 : 226‑227.

47 Ces pratiques se sont poursuivies jusqu’à l’époque moderne dans certaines régions françaises (Auvergne, Corrèze, Bourbonnais), cf. Ratel 1977 : 97. L’exposition Les rituels de la mort au musée de l’Homme a également montré que de telles habitudes existaient en Extrême‑Orient.

48 A Blicquy une tombe contenait sept monnaies (Laët 1972 : 24) et l’on a signalé la découverte de 40 aureide lafin du iers. de n. è. dans une tombe de Tilly‑Capelle (Nord) (Delmaire 1976 : 204).

49 Cf. par exemple : BRAILSFORD (J. W.). — Hod Hill, I. London, British Museum, 1962.

50 Un premier recensement des lampes romaines d’Armorique nous en a montré à Rennes, Corseul, Lavret (île Bréhat), Quimper, Vannes, Guer, Blain et Carhaix. Le même fait a été constaté en Morinie orientale (Delmaire 1976 : 211) et la nécropole de Blicquy a livré une seule lampe romaine (Laët 1972 : 26). Sur les lampes déposées dans les tombes on consultera aussi : MENZEL (H.). — Lampen im römischenTotenkult. Festschrift des R.G.Z.M., III, 1952, p. 131‑138.

51 On verra des peignes semblables dans les publications suivantes : MOREAU (F.). — Album Caranda. Fouilles de 1877. Villa d’Ancy, terroir de Limé (Aisne), pl. 75, no 1 ; RITTERLING (E.), — Hofheim. p. 454, fig. 71, no 3 ; BRAILSFORD (J. W.). — Guide to the antiquities of Roman Britain. London, British Museum, 1964. fig. 5, 13. Les peignes sont beaucoup plus abondants dans les tombes du Bas Empire et de l’époque mérovingienne : cf. THOMAS (S.). — Studien zu den germanischen Kämmen der römischen Kaiserzeit. Arbeits‑ und Forschungsberichte zur sächs. Bodendenkmalpflege, 8, 1960, p. 54 sq.

52 Ou fibule Ettlinger 24 (E. Ettlinger, op. cit). Il faut bannir le terme de « fibule militaire ».

53 A Quimper (lotissement Philippe et les trois fibules mentionnées dans le B.S.A.F, 1949, P. V., p. xii), Ruffiac (Marsille 1912), Carhaix (Du Chatellier 1900), Morlaix et Penmarc’h (Du Chatellier 1907 : 310).

54 Cf. BESSOU (M.). — Le fanum de Camp‑Ferrus à Loubers (Tarn). Gallia, 36, 1, 1978, p. 209, fig. 27, 16. Ces objets ont été trouvés au contact de monnaies du ier s. av. n. è. et de fibules précoces (type dit de CRICIRV).

55 Cf. B.S.A.F, 1958, P. V., p. xii. Nous pensons qu’il s’agit de « forces » d’un modèle déjà connu à La Tène II (Déchelette, Manuel, fig. 554‑555), très répandu au Haut Empire dans le nord de la Gaule (Fouches, cf. Roosens 1954 : tombes 34, 37 ; Sampont, cf. Noël 1968 : tombes 87, 89, 104, 111, 123 ; Wederath, cf. Haffner 1971‑1974 : tombes 58, 175, 290, 465, 665 (dans un étui), etc. ; Coblence, cf. Günther 1901 : 81, fig. 5, 17) ainsi qu’au Bas Empire dans les tombes « germaniques », cf. Böhme 1974 : tab. 60, 9 ; 61, 11 et 96, 19, etc.). E. Bonis a estimé que ces ciseaux, destinés à la taille des cheveux et de la barbe (cf. LINDENSCHMIDT (L.). — Handbuch der deutschen Altertumskunde, 1. 1880‑1889, p. 320 sq ; Bry, Fromols 1938 : 138), faisaient partie intégrante de l’équipement des militaires du Bas Empire, cf. BONIS (E.). — Römerzeitliche Gröber in Halimba. Folia archaeologica, 12, Budapest, 1960, p. 109.

56 Petit propose d’y voir « la Félicité debout comme sur le médaillon de Magnia Urbica, femme de Carien, Cohen, 5, pl. XI, B 368 ». Nous nous demandons s’il ne s’agit pas plutôt de Venus Victrix à droite, thème fréquent sur les gemmes et les monnaies ainsi que sur les miroirs ronds, cf. ZAHLHAAS (G.). — Römische Reliefspiegel. Kallmünz, 1975, (Katalog der prähistorischen Staats sammlung, no 17), no 6, tab. 20‑21.

57 Par exemple : Callas (Var), cf. FRANCE‑LANORD (A.). — Boîte à miroir et à fard trouvée à Calas (Var). Gallia, XIX, 2,1961, p. 254‑259 ; Coddenham (Suffolk), cf. « A letter fromJohn Gage... to Sir Henry Ellis... accompanying a Roman speculum exhibited by Sir William Middleton », Archaeologia, 27, 1838, p. 359‑360, 1 pl. Sur le type, cf. FROEHNER. — Grands‑bronzes de Néron transformés en miroirs. Annuaire de la Société française de numismatique, XIII, 1889, p. 395‑405, qui cite d’autres exemples de trouvailles dans des sépultures.

58 Lunule : ce type d’objet existe en Europe dès l’époque de La Tène (cf. PIC (J.‑L.). — Le Hradischt de Stradonitz en Bohême. Leipzig, 1906, p. 61‑62, note 93), et au Moyen‑Orient depuis le premier millénaire avant notre ère (cf. HIGGINS (R. A.). — Greek and Roman jewelry. London, 1961, p. 179 ; Isaie : III, 18 ; Juges : VIII, 21,26). A l’époque romaine, les lunules étaient passées au cou des femmes et des enfants et, censées écarter le mauvais œil, étaient souvent offertes en cadeau d’anniversaire, cf. Plaute, Epidicus : V, 1, 369. On trouvera une bibliographie relativement complète sur ces objets dans : GALLIOU (P.). — A Propos de deux pendentifs gallo‑romains du Musée archéologique de Nantes. A B.P O., 81, 2, 1974, p. 259‑283. Une trouvaille récente d’une lunule d’argent dans un contexte funéraire de la fin du ivs. (avec monnaie de Valentinien) a été signalée par M. Loizel (1977 : 169, fig. 43 à comparer à Eygun 1933 : tombe 332). Rondelles découpées dans des andouillers : la valeur apotrapaïque de ces objets a été soulignée par J.‑J. Hatt (« Médaillons en corne de cerf, R.A.E., VI, 1955, p. 58 sq. »). Ces rondelles, que l’on trouve fréquemment dans les tombes (Wederath, cf. Haffner 1971‑1974 : tab. 80, tombes 314, 12 ; Prunay II, cf. Bry, Fromols 1938 : tombe 11) sont très certainement les étoiles » du « testament du Lingon : « ... et stellas omnes ex cornibus alcinis ». Bracelets de verre : H. von Petrikovits a assigné aux bracelets de cristal de roche et de verre une puissance magique (PETRIKOVITS (H. Von). — Das römische Neuss. Neue Ausgrabungen in Deutschland, Berlin, 1958, p. 298‑301). Le cristal de roche et sa version à bon marché le verre ont été considérés comme des formes solides de l’eau (Cumont 1949 : 30, 268, 435, 453) et possèdent donc des vertus réfrigérantes permettant au défunt de passer le Pyriphlégéton, fleuve de flammes. Les moitiés de bracelets trouvés à Nantes pourraient correspondre à une autre tradition, signalée par Van Doorselaer (1967 : 124‑125, 204‑205) de partage du bracelet entre le défunt et le vivant.

59 Par exemple : FILLON (B.). — Lettre à M. Letronne sur un tombeau antique découvert à Saint‑Médard des Prés. Revue archéologique, VIII, 1847‑48, p. 618‑621.

60 On en rencontre fréquemment dans les tombes : par exemple à Aureil : deux clés, cf. Eygun 1957 : 227‑228 ; Saint‑Martial‑de‑Gimel (Corrèze), cf. Fournier 1961 : 358‑359 ; Poitiers, cf. Eygun 1933 : 35 ; Wederath, cf. Haffner 1971‑1974 : tombes 46, 698, etc. ; Jublains, cf. Boissel, Diehl, Petit 1969 : 34.

61 Cf. DURRY (M.). — Les Cohortes prétoriennes. Paris, 1938, p. 60‑63 (à Rome).

62 Cf. AYMARD (J.). — Essai sur les chasses romaines des origines à la fin du siècle des Antonins. Paris, 1951, p. 316‑317.

63 Cf. Aymard, op. cit., p. 201‑202 ; C. Jullian, Histoire de la Gaule, 1908‑1926, t. II, p. 285.

64 Par exemple : BLANCHET (A.). —‑ Étude sur les figurines en terre cuite dans la Gaule romaine. Mémoires de la Société des antiquaires de France, 60, 1901, p. 233.

65 Tréguennec, cf. Du Chatellier 1856 : 529‑536.

66 A moins que l’on doive voir dans la figuration du couple enlacé un témoignage d’une fidélité conjugale au‑delà de la mort, si souvent attestée par les épitaphes.

67 Cf. ROUVIER‑JEANLIN (M.). — Les Figurines gallo‑romaines en terre cuite au Musée des Antiquités Nationales. XXIVe supplément à Gallia, 1972, p. 156‑184.

68 Cf. PICARD (G.‑CH.). — Vénus funéraire et Libitina. Mélanges de l’École française de Rome, LVI, 1939, p. 121‑135.

69 Cf. BLANCHET (A.). — Étude sur les figurines en terre cuite dans la Gaule romaine. Mémoires de la Société des antiquaires de France, XLI, 1891, p. 82‑84. Un bélier de terre cuite a été découvert à Angers dans un sarcophage de plomb du Bas Empire, cf. Provost 1978 : 120, fig. 13.

70 Par exemple à Wederath (Haffner 1971‑1974 : tombe 162, Vénus), Saint‑Marcel (PICARD [G.‑C.]. — Circonscription du Centre. Gallia, XXVI, 2, 1968, p. 337 : 3 Vénus, 2 déesses‑mères, 2 chevaux), etc.

71 Recensement des découvertes bretonnes dans : GALLIOU (P.), CLÉMENT (M.). — Deux chenets de pierre à tête de bélier de Riec‑sur‑Belon (Finistère). Gallia, 39, 2, 1981, p. 235‑238 .

72 On trouvera une bonne bibliographie de ces trouvailles dans LAËT (S. de). — Chenet celtique à tête de bélier trouvé à Aalter (Flandre‑Orientale). Helinium, XV, p. 43‑50.

73 Sur ces objets, cf. par exemple : GUIMET (E.). — Les Isiaques de la Gaule. Revue archéologique, 3e série, XXXVI, 1900, p. 75‑86 ; id. : 4e série, XX, 1912, p. 197‑208. Guimet indique (p. 208) que « les objets isiaques ne se trouvent en France que dans les tombes ». Cette affirmation est confirmée par un certain nombre de trouvailles funéraires : Vaison (incinération), Les Aliscamps (id.) (Guimet/1, p. 86) : Sisteron (? : Guimet/2, p. 207) ; Rives du Tarn (Labrousse, Gallia, XIII, 2,1955, p. 218) ; Bazas (Gironde) (? : Grimai, Gallia, VII, 1949, p. 131) ; Blendecques (Nord) (? : LECLANT (J.). — Notes sur la propagation des cultes et monuments égyptiens en Occident à l’époque impériale. B.I.F.A.O., 55, 1956, p. 173‑179), etc.

74 Faut‑il y voir une référence au pouvoir rafraîchissant de l’eau de rivière, apaisant la soif des morts ? Cf. CUMONT (F.). — Lux perpetua. Paris, Geuthner, 1966 (réimp.), p. 387. On rapprochera cette découverte de celle de sable de mer dans une tombe de l’âge du Bronze à Quéménéven (Finistère) : cf. LE ROUX (C.‑T.). — Deux nouvelles tombes de l’âge du Bronze à Quéménéven (Finistère) et Melrand (Morbihan). Annales de Bretagne, LXXX, 1, 1973, p. 7‑20 (cette tombe se situe à une douzaine de kilomètres de la mer) et dans certaines tombes à inhumation de la fin de l’époque romaine ou du Haut Moyen Age à Bénodet (Finistère) (Ogès 1922). On a également remarqué la présence de sable blanc de rivière dans une inhumation sous tumulus de l’âge du Bronze à Kerrien (Côtes‑du‑Nord) ; cf. Gaultier du Mottay 1884 : 40.

75 On notera cependant qu’une des tombes de la nécropole de Saint‑Urnel en Plomeur pourrait être datée du ive s. (Giot, Monnier 1977 : 167) et que le petit établissement romain situé près de la nécropole de Crozon/Lostmarc’h (Finistère) a livré un petit enfouissement de minimi d’époque Valentinienne (en cours d’étude par G. Aubin et P. Galliou). Des monnaies de la fin du iiie s. et du ive s. ont par ailleurs été découvertes parmi les tombes.

76 Rennes : un fragment de gobelet en verre et une entrée de serrure en fer (sur douze tombes) ; Pléhérel : une monnaie de Gallien (matériel funéraire ?) et une fibule (accessoire d’habillement).

77 Cf. par exemple : BRIARD (J.). — L’Âge du Bronze. In : GIOT (P.‑R.), BRIARD (J.), PAPE (L.) dir. — Protohistoire de la Bretagne. Rennes, 1979, p. 59.

78 Sur de telles reconstitutions de cercueils à l’aide des clous d’assemblage, cf. Ratel 1977 : 88 ; Gaignières 1960 : type II (daté de la fin du ive s. et du début du ve s.).

79 La fosse où avait été déposé l’un des cercueils livra vingt‑sept clous de fer (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 75) : ils étaient longs de 4 à 7 cm.

80 Le Rheu (Ille‑et‑Vilaine) ; Hillion (Côtes‑du‑Nord) ; Douarnenez (Finistère).

81 Nantes/Saint‑Donatien, cf. Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 41‑ 42, 58‑61 (tronc de châtaignier).

82 « […] cercueil de pierre muni de son couvercle. Ce cercueil est monolithe ; il mesure à l’extérieur : longueur, 1,40 m ; largeur 0,67 m ; hauteur : 0,45 m. La partie creusée pour recevoir les ossements a 0,98 m de longueur, 0,35 m de largeur, profondeur 0,22 m. Son orientation était d’est à ouest […] on n’y a trouvé qu’un petit morceau de fer » (Serret 1886 : 34‑35).

83 Découverte inédite (renseignements de la direction des Antiquités historiques de Bretagne) : sarcophage « construit » en deux parties, probablement médiéval.

84 Un fragment de sarcophage de marbre blanc représentant « un sphinx et un soldat romain » avait été réutilisé dans les fondations de l’église romane de Vertou (Loire‑Atlantique), au sud de Nantes ; cf. Maître 1887 b : 166.

85 De tels sarcophages ont été produits jusqu’au vie s., cf. Toynbee 1971 : 274, avec bibliographie. La cathédrale de Nantes, construite au vie s. par saint Félix, était luxueusement décorée de marbres importés (cf. Sanquer 1978a : 33).

86 « Couvercle de terre cuite d’un sarcophage portant la figure d’un enfant en bas‑relief ».

87 Sans doute faudrait‑il ajouter à cette liste un certain nombre de tombes à tuiles de type mal défini signalées à Vendel (Ille‑et‑Vilaine) (Banéat 1973 : 279‑281), Rennes (place Saint‑Melaine) (Banéat 1908 : 95), Saint‑Erblon (Ille‑et‑Vilaine) (Banéat 1973 : III, 380), Corseul (voir répertoire), Alet (voir répertoire), Guérande (Loire‑Atlantique) (Maître 1887 : 164 ; Maître 1900 : 418), Anetz (Loire‑Atlantique) (Maître 1887 : 163‑168).

88 Cf. Gagnière 1960 ; LAMBOGLIA (N.), MARTINI (U.). — Nuovi ritrovamenti sul « Cavo » di Ventimiglia. Rivista di studi liguri, XI, 1945, p. 31‑42.

89 Cette tombe est composée de tuiles obliques, jointes au mortier et reposant sur des murettes ; cf. BENOIT (F.). — Sépultures en tuiles. Gallia, I, 2, 1943, p. 282‑285.

90 A Nyons par exemple, cf. LEGLAY (M.). — Informations archéologiques. Circonscription de Rhône‑Alpes. Gallia, XXVI, 2, 1968, p. 593.

91 Cf. par exemple, Ponsas : mobilier et monnaies des années 350 (LEGLAY (M.). — Informations archéologiques. Circonscription de Grenoble. Gallia, XXII, 1964, p. 532‑534). Cabasse(Var) : fin du iiie s. (Bérard 1963), etc.

92 C’est‑à‑dire une ligne qui court le long du Gouët, du cours supérieur de l’Oust puis descend en ligne droite jusqu’à l’embouchure de la Loire. La carte de répartition des tombes à tuiles englobe cependant le pays de Vannes.

93 A Domagné (Ille‑et‑Vilaine), Le Rheu (Ille‑et‑Vilaine), Rennes (Ille‑et‑Vilaine), Hillion (Côtes‑du‑Nord), Trédrez (Côtes‑du‑Nord), Bourg‑Blanc (Finistère), Douarnenez (Finistère), Landrévarzec (Finistère), Clohars‑Carnoët (Finistère), Arradon (Morbihan), Nantes/Saint‑Donatien et Nantes/Saint‑Similien (Loire‑Atlantique). Pour la bibliographie concernant ces différents sites, voir le répertoire.

94 C’est le cas du Maroc (cf. PONSICH (M.). — Recherches archéologiques à Tanger et dans sa région. Paris, CNRS, 1970, p. 291) et de la Grande‑Bretagne (Toller 1977). Il est toutefois probable que ces sarcophages (ou du moins les feuilles de plomb qui les composent) étaient l’objet d’un commerce d’exportation, cf. par exemple : PONSICH (M.). — Le Trafic du plomb dans le détroit de Gibraltar. In : CHEVALLIER (R.) dir. — Mélanges Piganiol, III. Paris, 1966, p. 1279.

95 Cf. BRIARD (J.). — Les Dépôts bretons et l’Âge du Bronze atlantique. Rennes, 1965, p. 21.

96 C’est ainsi que l’on peut expliquer l’abondance des monnaies d’argent des Coriosolitae. Des traces de cupellation de l’argent ont été signalées à Alet (Saint‑Setvan, Ille‑et‑Vilaine) par L. Langouët ; cf. MARÉCHAL (J.). — Note sur un produit métallurgique plombo‑cuprifière découvert à Alet, provenant d’un raffinage primitif. Dossiers du Ce.R.A A., 7, 1979, p. 25‑30.

97 Trémuson/Plérin, cf. GESLIN DE BOURGOGNE. — Rapport sur le monument gallo‑romain de Port‑Aurel. Mémoires de la Société archéologique et historique des Côtes‑du‑Nord, 1852, p. 285‑307 ; Gaultier du Mottay 1869 : 160‑161 ; Gaultier du Mottay 1884 : 146‑147 ; Plélauff, cf. Sanquer 1977a ; Donges, cf. MAÎTRE (L.). — La Mine de Crossac. Revue archéologique, 1926, p. 19.

98 Parmi une abondante bibliographie on peut citer : BEAULIEU. — Des Sarcophages de plomb. Mémoires de la Société des antiquaires de France, 1842, p. 99‑110 ; GODARD‑FAULTRIER. — Sarcophages de plomb du musée d’Angers. Revue de l’art chrétien, I, 1857, p. 464‑466 ; LEBLOND. — Cercueils de plomb gallo‑romains avec bâtons perlés et rosaces découverts à Beauvais. Mémoires de la Société académique de l’Oise, XX, 1907, p. 754‑763 ; PELATAN (J.‑P.), MEYRONEIN (F.). — A Propos des sarcophages de plomb de la fouille de sauvetage du 21 rue Arloing (1967‑1968). Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 1970, p. 1‑10 ; Cochet 1978a : 217‑233 ; Toller 1977.

99 On peut lire cette marque rétrograde : R. FILIOR(VM)

100 Le sarcophage de Landrévarzec pesait, à titre d’exemple, plus de 200 kg. Les coffres de plomb étant fragiles, leur transport exigeait la protection de châsses de bois ; cf. sur ce point Toller 1977 : 2.

101 Un caveau semblable a été dégagé à York, cf. R.C.H.M. 1962 : 95, fig. 72.

102 Cf. par exemple : PETIT (P.). — Le IIe siècle après J.‑C. État des questions et des problèmes. In : TEMPORINI éd (H.). — Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II/3. Berlin/NewYork, 1975, p. 374.

103 Cf. Maître 1887 b : 163‑168 ; id. 1893a : 25‑26 : « dans plusieurs de ces tombeaux on avait disposé deux hommes, l’un ayant la tête où l’autre avait les pieds ».

104 Cf. Van Doorselaer 1967 :130. Pour le Haut Moyen Age, cf. YOUNG (B.). — Paganisme, christianisation et rites funéraires mérovingiens. Archéologie médiévale, VII, 1977, p. 9.

105 Les analyses faites sur les matériaux de ce type recueillis dans les tombes sont rares. A Hadrumète l’examen chimique montra qu’il s’agissait de plâtre (gypse pulvérisé et déshydraté) (Leynaud 1922 : 89‑90).

106 Pour les chrétiens le défunt, en position de prière, doit être prêt à se présenter au souverain juge et à se dresser vers l’Orient où il doit apparaître. Cette croyance date peut‑être du règne de Constantin où le culte chrétien se teinte de croyances païennes (représentations de Christ‑Hélios sur le char solaire).

107 Cf. J. Beleth, Rationale divinorum officiorum (Vers 1160), cap. 159, De sepultura Christianorum : « Ponuntur mortui capite versus Occidentem et pedibus versus Orientem ».

108 Cf. par exemple, Van Doorselaer 1967 : 133‑136 ; Young 1977 : 18. De légères variations sont très fréquentes : cf. par exemple Rahtz 1977 : 58‑59.

109 Cf. par exemple, Coupry 1967 : 328 (fioles de verre sur le couvercle d’un sarcophage de Bordeaux) ; Van Doorselaer 1967 : 137‑138.

110 On trouvera un bon recensement des trouvailles funéraires dans : WILD (J. P.). — Textile manufacture in the Northern Roman Provinces. Cambridge, Cambridge U.P., 1970.

111 Cf. Eusèbe de Césarée, De laudibus Constantini, éd. Migne, Patrologie grecque, t. XX, col. 1337.

112 Selon E. Wightman (1970a : 63), ces tissus étaient réservés aux dignitaires de l’Église et aux membres de la cour impériale.

113 Cf. Pline, Naturalis Historia : XXXVI, 141 ; Solinus, Collectanea rerum memorabilium : XXII, 11.

114 A Metz par exemple, cf. Anonyme 1964. La Civilisation gallo‑romaine dans la cité des Médiomatriques. Metz, musée archéologique de Metz, 1964, p, XXVIII, no 98, ou à La Chapelle‑des‑Fougeretz (Ille‑et‑Vilaine), cf. GALLIOU (P.). — Quelques objets de parure du Bas‑Empire recueillis à La Chapelle‑des‑Fougeretz (Ille‑et‑Vilaine) ; ROUANET‑LIESENFELT (A.‑M.) et alii. — La Civilisation des Riedones. Brest, 1980, p. 221‑222.

115 On rappellera bien sûr la dédicace de Bordeaux par M. Aurelius Lunaris, datée de 237. La pierre est du Millstone Grit des Pennines et dut servir de ballast à un navire faisant le trajet entre la Grande‑Bretagne et Bordeaux.

116 Les deux butoirs qui arrêtent l’ardillon sont constitués par des enroulements du fil de l’arc dans le plan vertical ; cf. FOWLER (E.). — The origins and developments of the penannular brooch in Europe. Proceedings of the Prehistoric Society, XXVI, 1960, 149‑177. Notre type C –à arc plat– est différent du type C (« Belgic ») d’E. Fowler, qui comporte un arc à section circulaire.

117 Sur ce point, cf. BOUBE (J.). — Fibules et garnitures de ceinture d’époque romaine tardive. Bulletin d’archéologie marocaine, IV, 1960, p. 319‑379 ; Bullinger 1969 ; HAWKES (S. C.), DUNNING (G. C.). — Soldiers and settlers in Britain, 4th to 5th century, with a catalogue of animal‑ornamented buckles and belt‑fittings. Medieval Archaeology, V, 1961, p. 1‑70, etc.

118 Des anneaux de jambe ont néanmoins été taillés dans le jais à York ; cf. R.C.H.M. 1962 : 82a, 144a.

119 On remarquera cependant qu’un des vases de verre de Clohars‑Carnoët contient « une couche épaisse composée d’un mélange de sables, de cendres et de fragments d’ossements » (Blois 1846 : 449) et que la tombe no 1 de Guer contenait aussi des ossements incinérés. Faut‑il y voir les traces d’un repas rituel, d’un dépôt funéraire d’un type particulier ?

120 Une bouteille semblable a été découverte dans la tombe 83 de la nécropole d’Abbeville‑Homblières, à côté d’une monnaie de Gratien (cf. Roosens 1962 : 18).

121 Le même ensemble de gobelets a été découvert à York (R.C.H.M. 1962 :140, fig. 90). On a également signalé des vases du même type à Martevilie, cf. Loizel 1977 : 159, fig. 10.

122 Cf. par exemple, HARDEN (D. B.). — Glass vessels in Britain and Ireland, A.D. 400‑1000. In : HARDEN (D. B.) éd. — Dark Age Britain. London, 1956. fig. 25, type III.

123 Cf. Doppelfeld 1966 : fig. 182‑3 ; Harden, op. cit., fig. 25, type XI b1.

124 Cf. PÉRIN (P.). — Les Caractères généraux des nécropoles mérovingiennes de la Champagne du Nord et de Paris. Septentrion, 3, 1973, p. 32.

125 La bibliographie concernant ces puits est très vaste et de qualité très inégale. On peut citer, parmi les titres du siècle passé : ROCHAMBEAU (A.‑L. de). — Mémoire sur les sépultures en forme de puits depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Bulletin monumental, 30, 1864, p. 795‑829 ; QUICHERAT (J.). — Rapport sur l’état de la question des puits funéraires. Revue des Sociétés savantes. Section d’archéologie, 1866, p. 365‑377 ; Baudry 1873 ; FLEURY (G.). — Les Puits funéraires de la villa gallo‑romaine des Terres‑Noires à Saint‑Rémy‑des‑Monts, près Mamers, Sarthe. Revue historique et archéologique du Maine, 1883, 2, p. 104‑124. Et de ce siècle : BAUDOIN (M.). — Découverte d’une nécropole à puits funéraires à Apremont (Vendée). Annuaire de la Société d’émulation de la Vendée, 1906, p. 155‑206 ; BAUDOIN (M.). — La Nécropole à puits funéraires gallo‑romains de Néris‑les‑Bains. Bulletin de la Société préhistorique française, 1910, p. 526‑534 ; BAUDOIN (M.). — Preuve scientifique que les puits funéraires ne sont pas des pourrissoirs. Bulletins et mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, 6e série, 2, 1911, 16 sq. ; CHAPPÉE (J.). — Les Puits funéraires de Saint‑Pavin au Mans. Bulletins et mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, 1920, p. 82‑109 ; SANQUER (R.). — Les Puits rituels des Namnètes. A B.P.O., 81,2, 1974, p. 247‑258 ; Biarne 1977 : 7‑27, etc.

126 Cf. ci‑dessus : J. Quicherat, op. cit., note 125, p. 367, écrit « On est en droit d’affirmer, à l’heure qu’il est, que ce fut un usage général dans la Gaule ».

127 Les puits des Namnètes ont été étudiés par R. Sanquer, op. cit., note 125, et l’on trouvera en annexe un répertoire des puits de Bretagne ayant livré du matériel romain ou pouvant être datés de l’époque romaine. Ceci ne signifie pourtant pas que tous ces puits sont de nature « rituelle » et il peut s’agir dans certains cas de puits à eau comblés, etc.

128 Sur les cimetières à enclos, cf. en particulier, BRISSON (A.), HATT (J.‑J.). — Cimetières gaulois et gallo‑romains à enclos en Champagne, I. R.A.E., 6,1955, p. 313‑333 ; id., II. 1960, p. 7‑ 23. Cf. aussi pour l’époque romaine, Wightman 1970b : 211‑232.

129 Cf. FOUET (G.). — Un Nouveau puits funéraire gaulois rue Saint Roch à Toulouse. Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, XXX, 1964, p. 9‑58 ; Fouet 1969 a : 65‑95.

130 Cf. Fouet 1958 :115‑196 ; FOUET (G.). — Vieille‑Toulouse : puits funéraire no IV. Pallas, IX, 2, 1960, p. 219‑244.

131 G. Fleury, op. cit., note 125, p. 115, avait noté qu’à Saint‑Rémy‑des‑Monts les puits ne contenaient que des cornes gauches.

132 Le fouilleur mentionne cependant la découverte de restes humains incinérés (contenus ou non dans des urnes) dans les puits 1,3, 5.

133 Cf. par exemple : Baudry 1873 : 5 ; MERLAT (P.). — Fouilles et sondages à Rezé. Annales de Bretagne, LXIV, 1,1957, p. 105‑114 ; PLOUHINEC (A.). — Nouvelle découverte de puits funéraires gallo‑romains et constatations archéologiques à Rezé (Ratiatum). Annales de Bretagne, LXVIII, 1961, p. 99‑114 ; PLOUHINEC (A.). — Un Nouveau puits funéraire découvert à Ratiatum (Rezé‑les‑Nantes). Recherches, no 1, 1963 ; Groupe Fédéral d’Archéologie, « Rezé‑les‑Nantes. Fouille d’un puits gallo‑romain », Nantes, s.d.

134 Les diamètres varient de 1 m à 1,40 m.

135 Cf. le mundus romain : DUMÉZIL (G.). — La Religion romaine archaïque. Paris, Payot, 1966, p. 344‑346 ; Homère (Odyssée : XI, 20‑43) nous raconte comment des libations de miel et de lait, de vin et d’eau, étaient versées dans une fosse en l’honneur des morts.

136 Cf. par exemple, le Mas‑d’Agenais, cf. Nicolaï 1895 : 149‑150 ; COUPRY (J.). — Informations archéologiques. Circonscription d’Aquitaine. Gallia, XXVII, 2, 1969, p. 366 ; Bordeaux, cf. COUPRY (J.). — Informations archéologiques. Circonscription d’Aquitaine. Gallia, 31, 2, 1973, p. 451 (l’un des puits contenait un autel votif et un squelette incomplètement calciné) ; Palaminy, cf. LABROUSSE (M.). — Informations archéologiques. Circonscription de Midi‑Pyrénées. Gallia, XXVI, 2, 1968, p. 258.

137 Au Mans la plupart des puits contiennent un dépôt d’huîtres, cf. Chappée 1920, op. cit. note 125, p. 87.

138 Cf. Blain/Nouvel Hôpital ; Tomerdingen (Zurn 1971) ; Schönfeld (Dauber 1948).

139 A Holzhausen (Schwartz 1962) et au Mans (Chappée 1920, op. cit. note 125, p. 87).

140 On pensera bien sûr à la fête des morts (1ernovembre) (cf. GRENIER (A.).— Les Gaulois. Paris, Payot, 1970, p. 305).

141 C’est le cas des pommes de pin découvertes à Blain/ Nouvelle Gendarmerie et Rezé (fouilles du Groupe fédéral d’archéologie). La pomme de pin, emblème très répandu dans l’art funéraire, symbolise l’immortalité de l’âme, cf. Cumont 1966 : 219 ; Delage 1953 : 25‑40. On notera par ailleurs que le dépôt de pignes dans le puits de Rezé ne peut être pure coïncidence car le puits a également livré des pommes de pin en terre cuite blanche, cf. Groupe fédéral d’archéologie, op. cit. note 133, p. 18. Il n’est pas impossible que le choix de certains fruits secs, à longue conservation (noisettes, châtaignes), ne soit pas fortuit : des noisettes sont en effet souvent déposées dans les tombes ; cf. par exemple, Les Martres‑de‑Veyre (Audollent 1922).

142 Il fut détruit lors de la construction du bâtiment de la médecine préventive. Les travaux livrèrent de nombreux blocs de grand appareil dont l’un portait la figuration en relief d’un phallus ; cf. Musées de Quimper, Direction des Antiquités Historiques de Bretagne, Catalogue de l’exposition : L’habitation romaine dans le Finistère, Quimper, 1980, p. 21, n° 22.

143 Cf. CLÉMENT (M.). — Le Tesson aux svastikas deTrogouzel et la pierre de Kermaria (Finistère). Études celtiques, XVI, 1979, p. 53‑61. Un fanum d’époque romaine succéda à l’édifice en bois de l’époque de La Tène.

144 Sur le cimetière de Saint‑Uriac en Corseul, cf. BARDEL (A.). — Urnes funéraires gauloises à Corseul. Difficultés de la datation. A.B.P.O., 84, 1, 1977, p. 111‑124 ; le cippe se trouvait autrefois dans la chapelle du château de Montafilan. Il est aujourd’hui au musée de Dinan. C’est le C.I.L. XIII, no 3143. Sur Sirona, déesse des sources, cf. Duval 1976 : 77.

Table des illustrations

Légende ● Fig. 17  Ensemble funéraire de Ménez‑Birou en Douarnenez(Finistère). D’après Sanquer 1975a.
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Légende ● Fig. 18  Répartition des urnes de verre découvertes en Armorique.
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Légende ● Fig. 19 – Répartition des monnaies de naulage découvertes dans les tombes romaines d’Armorique.
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Légende ● Tableau I – Monnaies et incinérations.
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Légende ● Fig. 20 – Répartition des inhumations en terre libre.
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Légende ● Fig. 21 – Répartition des tombes en tegulae. type 1 ; ▲ type 2 ; ◼ type 3 ; ? indéterminé.
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Légende ● Fig. 22 – Répartition des sarcophages de plomb.  1 exemplaire ; ◼ 2 à 10 exemplaires.
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Légende Fig. 23 – Sarcophage de Rennes/Saint‑Martin.
Crédits photo Musée de Bretagne, Rennes
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Légende ● Tableau III – Dimensions des sarcophages de plomb découverts en Bretagne.
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Légende Fig. 24  Inscription du sarcophage de Clohars‑Carnoët (Finistère).
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Légende ● Tableau V  Disposition de la vaisselle funéraire autour du corps.
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Légende ● Tableau VI – Type de tombe : t.I = terre libre ; t.t = tombe à tuiles ; s.p = sarcophage de plomb. Date : Val. = Valentinien I.
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Légende ● Fig. 25  Puits de Rennes/Castel‑Saint‑Martin.
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Légende ● Fig. 26 – Vase au fond du puits de Rennes/Castel‑Saint‑Martin.
Crédits photo direction des Antiquités historiques de Bretagne
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Légende ● Fig. 27  Coupe d’un puits de Rezé. D’après Plouhinec 1961.
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Légende ● Fig. 28 – Répartition des puits à mobilier romain.
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© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1989

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