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Les tombes romaines d’Armorique

 | 
Patrick Galliou

1re partie. Sépultures et coutumes funéraires en armorique romaine

2. Localisation et organisation des cimetières romains

Texte intégral

2.1. Localisation des cimetières urbains et ruraux

2.1.1. Introduction

  • 1 La loi des Douze Tables souffrait des exceptions dans le cas de personnes de haut rang (Dion Cassiu (...)

1L’histoire des mentalités, récent surgeon de la science historique, a fort bien su nous montrer combien l’attitude des hommes envers la mort, et par là les relations entre le monde des vivants et celui des défunts, avait varié en Occident au fil des âges (Ariès 1975). Si certains cimetières de l’époque de La Tène, ceux de Kerviltré en Saint‑Jean‑Trolimon (Finistère) (Du Chatellier 1887) ou de Kerné en Quiberon (Morbihan) (Le Rouzic 1934) par exemple, se sont développés à proximité immédiate des habitations, certaines tombes découvertes sur le mont Beuvray étant d’ailleurs enfouies sous le sol même des demeures ou des ateliers (Déchelette 1898 : 67 ; Hatt 1951 : 5), et si les Européens du Moyen Age et de l’aube des Temps modernes surent s’accommoder, à l’exemple d’Hamlet, d’une promiscuité grimaçante entre les vivants et les morts (Ariès 1975 : 34), les peuples romanisés d’Europe occidentale paraissent avoir voulu, à la manière de leurs conquérants, repousser le monde des défunts au‑delà de celui des vivants. Sans doute faut‑il voir dans ce fait une profonde césure eschatologique entre l’Europe de la fin de La Tène et celle de l’époque romaine, une rupture due à la pression des coutumes funéraires romaines en partie codifiées par la loi des Douze Tables, qui interdisait toute sépulture à l’intérieur de l’enceinte de la Cité (Cicéron, De legibus : II, 23), mais il ne faut cependant pas négliger l’influence de considérations plus matérielles, d’ordre prophylactique ou économique. Le cas de Rome elle‑même est d’ailleurs caractéristique de cette pression urbaine, les nauséabonds et encombrants puticuli de l’Esquilîn étant comblés et inclus dans les jardins de Mécène (Davies 1977 : 17) alors que de nouvelles nécropoles s’égrenaient le long des voies menant à la Cité1.

2Le nouvel ordre romain, d’ordre économique autant que spirituel et politique, détermina donc l’implantation des cimetières publics des provinces, dont tout site habité, ville, vicus ou hameau était à priori pourvu, les centres importants pouvant d’ailleurs posséder plusieurs nécropoles dont la disposition sur le pourtour des villes paraît refléter l’organisation du monde des vivants (cf. infra § 2.1.2.1. et 2.1.2.4. : Rennes, Carhaix, par exemple). Cette règle, comme nous le verrons plus loin, fut appliquée de manière bien moins stricte dans le cas des cimetières privés des villae ou des tombes isolées des campagnes. Les cimetières urbains s’étendirent donc aux portes des villes et des bourgs, au long des voies qui desservaient ces agglomérations (Van Doorselaer 1967 : 16), « ville des morts aussi populeuse, aussi solide, aussi riche que l’autre » (Jullian 1964 : 77), éternels memento mori dont les stèles invitaient le passant à se souvenir des vertus ou du triste sort des défunts.

2.1.2. Les cimetières urbains

3Bien que notre connaissance de la plupart des villes de la péninsule armoricaine soit passablement limitée par l’absence quasi générale de fouilles récentes, il n’est sans doute pas inutile de présenter ci‑dessous les nécropoles associées à ces agglomérations, et de tenter de montrer de quelle manière elles répondent aux phénomènes d’urbanisation de l’extrême ouest de la Gaule (Pape 1975).

2.1.2.1. Rennes

4Condate (Rennes), chef‑lieu des Riedones, est, comme l’indique son nom, bâtie au confluent de deux rivières, l’Ille et la Vilaine, selon un plan orthogonal, avec carde et decumanus, qui semble dater du règne d’Auguste (Pape 1979). La ville du Haut Empire s’étend sur environ 100 ha, cet espace urbain étant fortement réduit à la fin du IIIe s. par la construction de remparts (Pape 1972 : 38‑41). L’agglomération semble avoir possédé quatre nécropoles, que nous ne connaissons malheureusement que par bribes (fig. 2).

Fig. 2  Rennes antique et ses nécropoles.

5Des fragments de poteries, semblant provenir d’urnes cinéraires, furent découverts en 1882 rue de Brilhac, au nord‑est de l’actuelle place de la Mairie (Decombre 1881 : 325). A proximité de ces fragments furent également exhumés plusieurs « cercueils » de schiste ardoisier, que l’on doit vraisemblablement attribuer à l’époque mérovingienne ou carolingienne (cf. infra). Il n’est pas impossible par conséquent que nous ayons là les maigres traces d’un cimetière d’époque romaine ayant perduré au Haut Moyen Age et situé le long d’une voie se dirigeant vers Suindinum (Le Mans), sur les franges sud‑est de la ville antique.

6La construction du bâtiment des archives départementales en 1881 fit mettre au jour, entre la place Saint‑Melaine et le jardin du Thabor, une vingtaine d’urnes cinéraires, quatre sarcophages en calcaire coquillier ainsi que deux amphores contenant 16 000 monnaies du iiie s. et des bijoux de bronze et d’argent (Decombe 1881). De nombreux sarcophages mérovingiens du même type avaient été exhumés dans les environs (jardin du Thabor, terrains des églises Saint‑Melaine et Saint‑Jean) au cours du xviiie s. Certaines des urnes mentionnées ci‑dessus pouvant être datées des deux premiers siècles de notre ère, il est très vraisemblable qu’il s’agisse là d’une nécropole du Haut Empire qui se développa sur la bordure est de l’agglomération, à proximité d’un diverticule de la voie Rennes‑Avranches. La présence, au milieu des tombes, d’un enfouissement monétaire de lafin du iiie s., vient sans doute prouver que ce cimetière était encore utilisé à cette époque, et il est probable d’ailleurs qu’il le fut jusqu’à la période mérovingienne, le corps de saint Melaine, mort dans son monastère de Brain (Ille‑et‑Vilaine), y ayant été solennellement inhumé au vie s. Cette tombe devint bientôt l’objet d’un pèlerinage et, autour d’une basilique édifiée au‑dessus de la sépulture, se pressèrent les sarcophages des fidèles désirant être enterrés adsanctos (Grégoire de Tours, De gloria confessorum : 54).

7Diverses sépultures, urnes cinéraires, tombes en tuiles, furent mises au jour au siècle dernier aux environs de la rue Saint‑Martin et de la rue d’Antrain (qui suit le tracé de la voie Rennes‑Avranches) (Toulmouche 1847 : 299‑301 ; Banéat 1909a : nos 1772‑1773). Une fouille de sauvetage, menée en 1971 dans la zone dite « Castel Saint‑Martin », montra que ce quartier avait été occupé jusqu’à la moitié du ier s. de n. è. par des habitats indigènes, qui furent remplacés à partir du règne de Claude par des villae suburbaines et des ateliers de potiers. Ce quartier cessa d’être habité au ive s. (informations inédites de la direction des Antiquités historiques de Bretagne). Un certain nombre de sépultures à inhumation (dont quatre sarcophages de plomb du ive s. et plusieurs tombes en pleine terre) ainsi que deux puits « rituels » furent découverts lors de ces fouilles, quelques‑unes de ces tombes ayant d’ailleurs été installées dans des fosses qui traversaient les sols bétonnés des premiers niveaux d’occupation. Ce cimetière se situant à 900 m environ de l’enceinte du Bas Empire et la chronologie des sépultures mises au jour couvrant une période qui s’étend du Haut Empire (urnes cinéraires) à la fin de l’ère mérovingienne (tombes en pleine terre), on peut se demander s’il s’agit bien là d’une nécropole urbaine à proprement parler ou plutôt d’un cimetière suburbain, desservant quelques villae et un quartier d’artisans, et placé le long de la voie Rennes‑Avranches. Il faut enfin noter qu’une église fort ancienne, dite du Vieux Saint‑Martin, se dressait autrefois à proximité de cette nécropole.

8En 1872, deux urnes cinéraires furent mises au jour lors d’importants travaux entrepris rue d’Echange (Mowat 1875 : xxxv, xlvii, xlviii ; Banéat 1909a : nos 1798‑1799), cette découverte entraînant une vive controverse au sein de la Société archéologique d’Ille‑et‑Vilaine, certains de ses membres proposant de placer en ce lieu le « cimetière gallo‑romain de Rennes ». Rien à ce jour ne permet d’infirmer ou de confirmer cette hypothèse, l’exploration archéologique de ce vieux quartier de Rennes commençant à peine. Il n’est toutefois pas impossible qu’un cimetière antique se soit développé sur cette frange occidentale de la ville romaine, à proximité de l’Ille.

2.1.2.2. Corseul

9Une série de prospections aériennes, menées par L. Langouët sur le site de Corseul (Fanum Martis ?), chef‑lieu des Coriosolites, a sans aucun doute permis de mettre en évidence la structure de la ville antique (fig. 3) : organisée suivant un plan orthogonal dès le Ier s. de n. è., la ville s’étend sur 130 ha environ, au sommet d’un plateau (Langouët : 1976). Nous connaissons par contre extrêmement mal la ou les nécropoles desservant cette importante agglomération, bien que quelques découvertes faites anciennement donnent à penser qu’elles devaient se situer sur les franges sud‑est de la ville, le long des voies menant vers Rennes et Jublains (trouvailles des parcelles A. B. 151/M341, A. B. 165‑180, A. B.83) et vers Vannes(?).

Fig. 3 – Corseul antique : découvertes funéraires. D’après Langouët 1976.

2.1.2.3. Alet

10En dépit d’une exploration intense de la Cité d’Alet, oppidum et emporium des Coriosolites à la fin de l’âge du Fer, puis castellum du Tractus Armoricanus et Nervicanus au Bas Empire (Langouët : 1973), nous connaissons encore très mal les cimetières gallo‑romains correspondant à ce site. La découverte de sépultures présumées d’époque romaine dans l’anse Saint‑Père, enfouies dans le sable à 6 m au‑dessous du niveau des plus hautes marées, permet cependant de supposer qu’un des cimetières de la ville avait été établi en ce point, à l’arrière du cordon littoral. La rupture de ce cordon, vers 340 de n. è., contraignit les habitants d’Alet à déplacer leur nécropole vers la terre ferme, ce que semble prouver la découverte de tombes à tuiles, d’un type tardif, aux environs de l’église paroissiale de Saint‑Servan (Langouët 1973 : 84) (fig. 4).

● Fig. 4 – Alet antique et ses nécropoles.

2.1.2.4. Carhaix

11La rectification, à la fin du siècle dernier, du tracé de la route menant de Callac (Côtes‑du‑Nord) à Carhaix (Finistère), amena la découverte, dans les faubourgs de cette dernière ville (Vorgium, chef‑lieu des Osismes), d’une importante nécropole de tombes à incinération (Blois 1868 ; Ropartz 1875 ; Du Chatellier 1900 ; Rolland 1900). Ce cimetière, situé sur un petit coteau, aux limites nord‑est de la ville antique (Blois 1868 : 898‑899), semble s’être étendu sur plus d’un hectare dans l’angle de deux voies menant respectivement à Lannion et à Rennes. On y découvrit un bon millier d’urnes cinéraires et une structure qui est vraisemblablement un columbarium (Rolland 1900 : 84). Un second cimetière qui ne comportait, comme le précédent, que des urnes cinéraires, fut détruit il y a quelques années à l’intersection de la rocade sud et du chemin dit de Saint‑Hernin, dans la parcelle AR no 177 (Sanquer 1975 : 61) : il devait être situé en bordure d’une voie menant à Douarnenez. On notera enfin la découverte récente au lieu‑dit Saint‑Antoine, à proximité de la voie Carhaix‑Rennes, d’une petite nécropole à incinération (enquête de la direction des Antiquités historiques de Bretagne), trop éloignée cependant de l’agglomération antique (environ 2 km) pour avoir servi aux habitants de cette dernière. Sans soute s’agit‑il là, comme à Persivien en Carhaix (Finistère) (cf. infra), du cimetière d’une villaou d’un hameau (fig. 5).

● Fig. 5  Carhaix antique et ses nécropoles.

2.1.2.5. Kérilien‑en‑Plounéventer

12Il est fort possible (contra Pape 1978 : 160), en revanche, que les urnes cinéraires mises au jour au lieu‑dit Diriguin en Saint‑Méen (Finistère), au bord d’une voie conduisant de la toute proche agglomération de Kérilien‑en‑Plounéventer (Finistère) à la pointe Saint‑Mathieu (Finistère) proviennent de l’un des cimetières de la ville précitée, important chef‑lieu de pagus (Vorganium ?) doté d’un théâtre (Pape 1978 : A‑155) et vraisemblablement bâti selon un plan orthogonal. On admettra volontiers, néanmoins, que la trentaine d’urnes recueillies sur ce seul site (Kerdanet 1829 ; Galliou 1979a) ne nous donnent qu’une idée bien ténue de l’importance du site voisin.

2.1.2.6. Douarnenez

13Douarnenez (Finistère), port maritime et vraisemblablement chef‑lieu de pagus, fut, à l’époque romaine, le cœur du complexe « industriel » de la baie de Douarnenez où s’élaboraient garum et salaisons destinés aux marchés gaulois et bretons (Sanquer, Galliou 1972). L’agglomération antique semble s’articuler autour d’un axe nord‑sud conduisant de Douarnenez à Quimper (l’actuelle rue Jean‑Jaurès), au bord duquel fut mise au jour une nécropole à incinération, malheureusement presque entièrement détruite par les constructions modernes (Sanquer 1968 : 238‑240). La superficie de la ville antique est donc inférieure à 40 ha mais, comme le souligne L. Pape (Pape 1975 : 39), Douarnenez est plus une « ville nébuleuse » qu’une ville à plan régulier, de petites nécropoles suburbaines desservant les quartiers suburbains du Ris (Bourde de la Rogerie 1904), de Trogouzel (Sanquer 1970 : 47) et de Kerguesten (Halna du Fretay 1898 : 157), de Menez‑Birou (Sanquer 1975a : 69‑71), de Croas‑Men et de la plage des Sables Blancs (Ogès 1960), sur la rive gauche de la ria de Pouldavid. Il n’est pas impossible non plus qu’un cimetière d’époque romaine ait occupé une partie de la pointe du Guet, à l’extrémité nord‑ouest de la ville antique, dont il faudrait alors encore réduire la superficie habitée : un sarcophage de plomb du ive s. (Du Chatellier 1886 : 221‑222) et un certain nombre d’urnes cinéraires (Le Men 1875 : 127) y furent en effet découverts au siècle dernier (fig. 6).

● Fig. 6  Douarnenez antique et ses nécropoles.

2.1.2.7. Quimper

14Quimper (Aquilonia ?), sans doute chef‑lieu de pagus (Pape 1973 : 39), fut un centre important de la cité des Osismes. Carrefour routier du sud de la civitaset site de premier gué sur l’Odet, il fut aux ier et iie s. de n. è. un port de commerce maritime d’où les marchandises venant du sud et du centre de la Gaule étaient « éclatées » vers les établissements du sud de la civitas (Galliou, Le Bihan : 1974). Le réseau hydrographique, qui s’incruste profondément dans le plateau cristallin de Cornouaille, y a découpé une série de promontoires et de collines qui rendent fort difficile tout établissement urbain homogène. Quimper apparaît donc, selon le mot de Louis Pape, comme « une ville polynucléaire, une véritable nébuleuse » (Pape 1975 : 39), dont les divers quartiers s’étendent de part et d’autre de l’Odet et du Steir (fig. 7). Si certaines découvertes, tant sur la rive droite de l’Odet (Kerlagattu : Du Chatellier 1907 : 333) que sur la rive gauche (Lanniron : Serret 1901 : 52, nos 6‑9), signalent l’existence de petits cimetières, probablement associés à des établissements suburbains, les champs d’urnes partiellement dégagés sur les coteaux dominant le quartier de Locmaria forment un ensemble complexe où semblent s’imbriquer une nécropole urbaine et des cimetières dépendant de villae suburbaines.

● Fig. 7 – Quimper antique et ses nécropoles.

15Les très nombreuses urnes cinéraires (plusieurs centaines ?) mises au jour à Créach‑Maria, sur les terrains des établissements Keraluc et dans les jardins de la rue de la Troménie (Merlat 1953), semblent provenir d’une nécropole urbaine étagée à flanc de colline le long de la voie Quimper‑CarhaixNannes (l’actuelle rue du Frugy), et qui semble avoir occupé environ 1,8 ha.

  • 2 On s’étonnera de l’absence de toute nécropole aux abords des quartiers importants de la rive droite (...)

16En 1895‑1896, lors de travaux exécutés dans le Champ de Manœuvre, on mit au jour trois fragments de constructions aux murs parallèles, mesurant chacune environ 15m de long, auprès desquelles furent exhumées près de quarante urnes cinéraires disposées en quinconce (Dizot 1896). Les fouilles ne furent malheureusement pas suffisamment poussées pour que l’on puisse déterminer avec certitude le type d’ensemble mis au jour. S’il est bien possible d’y voir les vestiges d’un établissement suburbain et de son cimetière privé –fort semblable à la villa voisine de Parc‑ar‑Groas (Le Men 1876)– rien n’interdit de penser qu’il puisse s’agir de bâtiments à usage funéraire (mausolées ?) intégrés à une nécropole (ou à une partie de la nécropole précitée ?) située le long d’une voie reliant le gué de Locmaria à la villa de Parc‑ar‑Groas (Pape 1978 : A‑171) et partiellement dégagée à 100 m au nord‑est des découvertes mentionnées ci‑dessus (Dizot 1896 : 239)2.

2.1.2.8. Vannes

  • 3 Elles se trouvent aujourd’hui au musée de la Société polymathique du Morbihan à Vannes, cf. Marsill (...)

17Le site de Darioritum, l’actuelle Vannes (Morbihan), est relativement semblable à celui de Quimper, la ville antique, capitale des Vénètes, s’étendant sur plusieurs collines que séparaient des bras de mer, des vasières ou des marécages (André 1971 : 21). Si nous en connaissons très mal l’organisation interne au Haut Empire, il semble néanmoins que le cœur de l’agglomération ait été situé sur les rives occidentales de l’actuel étang du Duc, dans les parages du cimetière de Boismoreau où les découvertes d’époque romaine ont été très nombreuses. A la fin du iiie s., Vannes, comme bien d’autres villes de la Gaule, réduisit considérablement sa superficie et ses habitants se retranchèrent derrière une muraille sur l’une des collines les plus élevées de l’agglomération du Haut Empire. La seule nécropole antique connue à ce jour se situe à l’est de la dépression où coule le gros ruisseau qui alimente l’étang du Duc et se jette dans le port moderne, et où devait se situer le port de la ville antique : placée dans l’angle formé par l’embranchement de deux voies, menant respectivement à Rennes (avenue de Verdun et RN 166) et à Nantes (rue Aristide‑Briand et RN 165), elle se situe au‑delà des limites de la ville romaine et du gué (‑ritum) auquelle cette dernière doit son nom. Des travaux menés au siècle dernier à l’emplacement des casernes (aujourd’hui quartier Foch et quartier Delestraint) mirent au jour un grand nombre d’urnes cinéraires dont seules quelques‑unes furent conservées (Cussé 1877 ; Closmadeuc 1878) (fig. 8)3.

● Fig. 8 – Vannes antique et sa nécropole.

2.1.2.9. Locmariaquer

18La petite ville romaine actuellement enfouie sous le bourg moderne de Locmariaquer (Morbihan) fut sans doute l’une des principales agglomérations vénètes, bien que son nom antique n’ait pas été préservé (André 1971 : 23). Nous en savons fort peu de choses bien que certaines de ses constructions, encore visibles au xviiie s., aient été décrites à cette époque par le président de Robien, président à mortier du Parlement de Bretagne. Des recherches postérieures ont cependant montré que la ville était alimentée en eau par un aqueduc (Marsille, André 1972 : 25) et possédait un théâtre de 80 m de façade (Closmadeuc 1893). C’est d’ailleurs dans ce dernier bâtiment que fut recueillie une série d’urnes cinéraires d’époque romaine qui, comme le constatait le Dr de Closmadeuc (Closmadeuc 1893 : 190), ne pouvait avoir été déposée qu’après la destruction du théâtre. Le site étant actuellement occupé par un cimetière, toute exploration archéologique y est malheureusement impossible.

2.1.2.10. Nantes

19Nantes (Condevicnum ou Portus Namnetum : cf. Sanquer 1978a : 13) fut sans conteste l’une des principales villes de l’Armorique romaine. Remarquablement située au confluent de la Loire et de l’Erdre, à l’orée de l’Atlantique et au débouché de l’artère vitale de la Gaule, important nœud routier liant l’Armorique à l’Aquitaine et à Lyon, Nantes fut depuis l’aube des temps l’une des « villes les plus considérables de la Gaule » (Strabon : IV, 2, 1) (fig. 9). Bâtie selon un plan orthogonal établi parallèlement et perpendiculairement à la Loire (Sanquer 1978a : 18), l’agglomération paraît avoir comporté plusieurs quartiers distincts, dont un district portuaire qualifié de vicus portensis (C.I.L. XIII, 3106). A la fin du iiie s., sans doute sous le règne de Probus (Sanquer 1978a : 30), les Nantais se dotèrent d’une enceinte édifiée au confluent de la Loire et de l’Erdre, qui englobait 16 ha environ (Sanquer 1978a : 30‑31). La ville antique paraît avoir possédé deux nécropoles, situées au nord et au nord‑est de l’agglomération (fig. 10), et que nous connaissons, là encore, relativement mal.

● Fig. 9  Cimetières romains de Nantes et de ses environs.

● Fig. 10 – Nantes antique et ses nécropoles.

20Les grands travaux entrepris à la fin du siècle dernier dans le centre de la ville moderne, et la percée de la rue de Strasbourg en particulier, mirent au jour un nombre important d’urnes cinéraires, « au moins depuis la Grand‑Rue, à l’angle de la rue de Strasbourg, jusqu’à la place Saint‑Jean » (Wismes 1879 : 17). Il est fort possible qu’un certain nombre de stèles funéraires et de fragments d’architecture (sphinx en particulier), inclus dans la section septentrionale de la muraille du Bas Empire, proviennent de cette nécropole qui devait s’étendre entre la ville antique et le cours de l’Erdre, au départ de la voie conduisant à Rennes.

21La seconde nécropole semble s’être développée au nord‑est de la ville, au long de la voie menant à Chateaubriant (rue Maréchal‑Joffre). C’est du moins ce que donne à penser la trouvaille d’une urne cinéraire rue Dugast‑Matifeux et de vingt‑quatre stèles ou fragments de stèles qui furent incorporés au Bas Empire dans l’une des portes de la muraille (porte Saint‑Pierre) (Parenteau 1869 : 31‑32 ; Legendre 1891).

22On peut d’ailleurs se demander s’il existait une solution de continuité entre ces deux cimetières, géographiquement voisins, d’autant que la nécropole mérovingienne qui leur succéda paraît s’être étendue du sud de la porte Saint‑Pierre et de la rue Saint‑Clément (Maître 1900 : 408 ; Durville 1912) à la zone de la rue du Refuge, d’où provient d’ailleurs une stèle funéraire à inscription chrétienne (C.I.L. XIII, 3136). Il est d’ailleurs à noter que ces nécropoles circonscrivent un espace urbain fort réduit, ne dépassant pas 16 ha (Sanquer 1978a : 18), superficie bien faible, il est vrai, pour un chef‑lieu de civitas au Haut Empire, et très inférieur aux 130 ha de Corseul ou aux 100 ha de Rennes. Là réside sans doute l’un des problèmes cruciaux de l’histoire du Nantes antique, que de futures fouilles permettront peut‑être de résoudre.

23A quelque distance de Nantes, à Saint‑Similien sur la route de Vannes (Maître 1896 ; Lasteyrie 1896) et à Saint‑Donatien sur la voie menant à Chateaubriant (Cahour, Kerviler, Petit : 1874), de petits cimetières d’époque romaine semblent dépendre d’établissements ruraux ou de villae suburbaines dont la structure et la fonction économique étaient sans doute semblables à celles d’établissements comparables situés à proximité de Carhaix (Finistère) ou de Quimper (Finistère) (cf. supra § 2.1.2.4. et 2.1.2.7.).

2.1.2.11. Conclusion

24Ce premier aperçu des nécropoles urbaines de l’Armorique romaine nous permet de constater qu’elles ne diffèrent guère, dans leur disposition aux portes des villes et au long des voies, des autres nécropoles de la Gaule romaine ou même des autres provinces de l’Empire. Elles nous apportent cependant la preuve de l’existence en Armorique d’une politique d’aménagement de l’espace urbain, fondée sur des critères purement romains (Pape 1975 : 37). Loin de nous, pourtant, l’idée de vouloir comparer Carhaix à Lyon, ou Corseul à Trèves : les villes armoricaines, en dépit de leurs théâtres, de leurs temples et de leurs aqueducs, ne furent, à l’échelle des métropoles provinciales, que d’humbles bourgades. On ne peut toutefois nier qu’elles aient réussi, à leur manière, à promouvoir une nouvelle civilisation, un nouveau mode de vie, jusque dans les campagnes les plus reculées de l’extrême ouest gaulois.

2.1.3. Les cimetières ruraux

  • 4 La fouille extensive d’un établissement agricole romanisé mais de tradition indigène dans le sud de (...)

25Il n’est pas rare de découvrir, dans les campagnes bretonnes, de petits ensembles de sépultures romaines, regroupant de deux (par exemple Petit‑Bonalo en Guern, Morbihan) à quinze ou vingt tombes (Les Onglées en Acigné, Ille‑et‑Vilaine), bien que dans la quasi‑totalité des cas, l’archéologue ou l’antiquaire qui les inventa se soit contenté de les signaler dans une publication sans pousser plus loin l’exploration du site, nous laissant de la sorte dans l’incertitude la plus totale quant à l’extension de ces cimetières ruraux. Il nous est aussi généralement impossible, en l’absence de fouilles, de définir avec précision le type d’établissement auquel ces cimetières sont associés, et nous devons souvent nous contenter d’indications fort vagues du genre « importantes substructions à 20 m à l’ouest » (Bilaire en Surzur, Morbihan ; cf. Rialan 1924 : 66), ou bien encore « vases semblables aux urnes funéraires mis au jour à proximité d’un important établissement gallo‑romain » (Deffréac, Loire‑Atlantique ; cf. Maître 1926 : 19). Il paraît néanmoins vraisemblable que, dans la majorité des cas, ces cimetières aient correspondu à des établissements à fonction agricole, villae, fermes isolées, hameaux, ou à rôle artisanal ou industriel, mines, forges, etc. Ces sites habités en permanence devaient tous posséder au moins un cimetière particulier dont la taille variait bien sûr en fonction de l’importance de l’établissement4.

26La plupart des villae fouillées ou reconnues en Armorique ont en effet livré des indices de l’existence, à proximité de leurs bâtiments, de tombes d’époque romaine. C’est bien sûr le cas des villae suburbaines de la banlieue nantaise ou quimpéroise (cf. supra § 2.1.2.7. et 2.1.2.10.), mais aussi celui de ces établissements auprès desquels furent exhumés des sarcophages de plomb (Le Lodo en Arradon, Morbihan ; Kergonc en Bourg‑Blanc, Finistère ; Kertilès en Landrévarzec, Finistère ; Million, Côtes‑du‑nord ; Saint‑Julien en Clohars‑Carnoët, Finistère) ou des urnes cinéraires (Persivien en Carhaix, Finistère ; Trouguer en Cléden‑Cap‑Sizun, Finistère ; Lostmarc’h en Crozon, Finistère ; La Porte Neuve en Riec‑sur‑Belon, Finistère ; Saint‑Frégant, Finistère). Il est aussi fort probable que le monument funéraire qui se dresse aujourd’hui au centre du bourg de Langon (Ille‑et‑Vilaine) (Hatt 1951 : 69‑70) ait dépendu d’une villa toute proche, ou que l’humble statuette, exhumée dans l’un des champs de Kervenennec en Pont‑Croix (Finistère) (Le Carguet 1904 ; Du Chatellier 1904), provienne de la tombe de l’un des habitants de la villa fouillée à 50 m au sud‑ouest. Là encore, la relation entre l’habitat et le cimetière ne diffère guère de ce que l’on peut rencontrer dans d’autres régions de l’Empire, tant en Belgique (Van Doorselaer 1967 : 24‑26) qu’en Rhénanie (Grenier 1934 : 818) par exemple, bien qu’il faille admettre que nous n’avons pas encore pu mettre en évidence en Armorique l’existence, sur les domaines ruraux, de deux cimetières distincts, « l’un de peu d’étendue mais renfermant des tombes au riche mobilier […] réservé au propriétaire ou à l’exploitant et à leur famille respective, l’autre, destiné au personnel d’exploitation, plus étendu mais dont les tombes sont moins bien fournies » (Van Doorselaer 1967 : 24 ; cf. également Grenier 1934 : 818).

27Tout comme les villae des banlieues ou des campagnes, les établissements artisanaux ou « industriels » situés hors des villes semblent avoir été dotés de leur cimetière privé où pouvaient être enterrés les ouvriers et les membres de leur famille. Sans doute est‑ce ainsi que l’on doit interpréter diverses trouvailles d’urnes cinéraires à proximité des établissements de production de garumel de salaisons de la côte osisme, à Audierne (Finistère) (Le Carguet 1890 : 51, note 1), Malakoff en Combrit (Finistère) (Kerros 1946) et Le Ris en Douarnenez (Finistère) (Bourde de la Rogerie 1904), d’une mine de plomb argentifère exploitée à l’époque romaine à Keranter en Plelauff (Côtes‑du‑Nord) (Sanquer 1977 : 42), ou d’une zone riche en fer et en calcaire àSaffré (Loire‑Altantique)(Leroux 1875 ; Leroux 1920 ; Maître 1919 : 242).

  • 5 La découverte, dans l’angle de l’une des pièces de la villa de Saint‑Christophe en Elven (Morbihan) (...)

28Certains fana romano‑celtiques semblent également avoir été accostés de cimetières d’urnes cinéraires, ceci étant le cas, en particulier, du fanum fouillé par M. Clément à Trogouzel en Douarnenez (Finistère), où une petite nécropole s’étend à 300 m au nord‑est du sanctuaire (Sanquer 1970 : 47). La relation entre les urnes cinéraires mises au jour à Kerlaz (Halna du Fretay 1898 : 156‑157) et à Crozon (Halna du Fretay 1898 : 156‑157) et les « temples » fouillés au siècle dernier dans les parages de ces deux sites est en revanche bien moins certaine. Cette conjonction du sanctuaire et du cimetière est d’ailleurs un fait bien attesté dans ce qu’il est convenu d’appeler l’aire celtique (Lewis 1966 : 6,135 ; Van Doorselaer 1967 : 216‑217), les tombes étant généralement disposées à l’extérieur du temenos, ce fait semblant se vérifier à Trogouzel. Il est fort possible, en vérité, que l’on doive rechercher l’origine des Bezirktempel dans de lointaines traditions de l’âge du Fer où des enclos de tailles diverses étaient associés à des sépultures ou à des puits « rituels » (Schwartz 1962). Il est difficile en fait, exception faite des sites religieux, de définir avec précision la situation topographique de ces cimetières par rapport aux sites habités des campagnes. Les tombes paraissent en effet avoir été placées à des distances variables des bâtiments (20 m à Bilaire en Surzur, Morbihan, cf. Rialan 1924 : 66 ; 300 m à Million, Côtes‑du‑Nord, cf. Goublaye de la Ménorval 1895), et parfois même à l’intérieur du mur d’enceinte qui ferme la grande cour de certaines des villae (Le Lodo en Arradon, Morbihan) : sarcophage de plomb dans la pars rustica ? (Fréminville 1857 : 53)5.

29Comme le souligne néanmoins A. Van Doorselaer, il est bien possible que les cimetières des villae aient été disposés, à la manière des nécropoles urbaines, le long des diverticules reliant ces établissements, situés en général à l’écart des grands axes routiers, à la chaussée la plus proche (Van Doorselaer 1967 : 24) : l’urne cinéraire mise au jour en 1977 à Persivien en Carhaix (Finistère) (Sanquer 1978b : 49‑50), déposée à l’extérieur du mur d’enceinte de la villa, à 1,5 m d’un chemin dallé conduisant à la voie Rennes‑Carhaix, semble bien, en tout cas, confirmer cette hypothèse. Il faut d’ailleurs noter que nombre de cimetières ou de tombes isolées des campagnes bretonnes sont situés à proximité de voies importantes : Fegréac (Loire‑Atlantique) (Maître 1887a), Saint‑Méloir (Côtes‑du‑Nord) (La Chénelière 1882 : 52‑53), Rospez (Côtes‑du‑Nord) (Gaultier du Mottay 1884 : 284), Plaudren (Morbihan) (Lallement 1899), Talhoët en Questembert (Morbihan) (Le Méné 1891 : II, 242), Vendel (Ille‑et‑Vilaine) (Pinczon du Sel 1878), Beuzec‑Cap‑Sizun (Finistère) (Du Chatellier 1907 : 287), Cosmaner en Plonéour‑Lanvern (Finistère) (Du Chatellier 1907 : 278‑279), Coz‑Feunteun en Poullan (Finistère) (Le Men 1875 : 140), Bagatelle en Saint‑Martin‑des‑Champs (Finistère) (Puyo 1876).

2.1.4. Les tombes isolées

30Comme nous l’avons signalé plus haut, il paraît quasiment impossible, dans l’état actuel de la recherche, d’attribuer à un groupe humain précis les tombes apparemment isolées découvertes hors des villes au hasard des travaux agricoles ou archéologiques, et il doit s’agir, dans bon nombre de cas, d’éléments de cimetières plus étendus détruits anciennement ou non explorés par l’archéologue qui inventa la tombe. Un certain nombre de sépultures, enfouies au pied de menhirs (alignements du Ménec en Carnac, Morbihan, cf. Clément, Galliou : 1980 ; menhir de Saint‑Julien en Riec‑sur‑Belon, Finistère, cf. Brémond d’Ars : 1980), dans les terres de tumulus néolithiques ou de l’âge du Bronze (Croezty en Arzon, Morbihan, cf. Le Rouzic 1912 : 135‑139 ; Leucar‑Keristin en Plozévet, Finistère, cf. Du Chatellier 1907 : 282, par exemple), où à l’intérieur d’allées couvertes (La Villecar en Trégueux, Côtes‑du‑Nord, cf. La Chénelière 1882 ; Kermeur‑Bihan en Moëlan, Finistère, cf. Du Chatellier 1883 : 32‑35 ; La Migourdy en Plumelec, Morbihan, cf. Cussé 1885 : 120‑121, par exemple), semblent par contre effectivement isolées et nous reviendrons plus loin sur les problèmes que pose la présence de sépultures et d’objets d’époque romaine au pied ou à l’intérieur de monuments préhistoriques.

2.1.5. Conclusion

  • 6 Lorsque le corps ne pouvait recevoir de sépulture (disparus en mer, à la guerre, etc.) on y érigeai (...)

31Cette première approche des cimetières urbains et ruraux de l’Armorique romaine nous révèle sans aucun doute une organisation de l’espace dont la conception ne diffère guère de ce que l’on constate dans d’autres parties de la Gaule ou de l’Empire romain, ainsi d’ailleurs que des rapports ambigus entre le monde des vivants et celui des morts. Craints et redoutés, les défunts sont rejetés au‑delà des limites, réelles ou fictives, de la demeure ou de la ville, que leur seule présence pourrait souiller, et déposés dans ces cités des morts qui se développent aux portes des villes et des villages, mais ils ne peuvent ni ne doivent6 disparaître à l’esprit des vivants que leur ombre hèle sans cesse du bord des chemins et des routes : une stèle d’Arlon (Belgique) où l’on voit le défunt saluer le passant de la formule doublement lapidaire d’Ave viator, vale viator (C.I.L. XIII, 3983), ne souligne‑t‑elle pas l’aspect éphémère de la vie en regard de l’éternité de la mort ?

2.2. L’aspect de la tombe au‑dessus du sol et l’organisation des cimetières

2.2.1. Introduction

32On doit bien admettre, avec A. Van Doorselaer, que « jamais un cimetière antique n’a été trouvé dans son état originel » et que nous ne possédons par conséquent « que peu de données au sujet de l’aspect extérieur des tombes ou au sujet des monuments dont les sépultures étaient surmontées » (Van Doorselaer 1967 : 15). Nous nous attachons bien souvent à l’aspect purement chtonien de la tombe, négligeant ainsi le fait que la sépulture s’intégre dans une structure de surface relativement complexe‑celle du cimetière‑dans un réseau de tombes à inhumation et à incinération, d’ustrina, de mausolées et de monuments divers, de chemins où circulaient ustores, fossores (Toynbee 1971 : 45) et parents des défunts, un ensemble où pouvaient se succéder des quartiers différents, où reposaient riches et pauvres, jeunes et vieux. Il ne nous paraît donc pas inutile, à l’aide des maigres indices dont nous disposons, de tenter, non certes de reconstruire par l’esprit un modèle de cimetière gallo‑romain, mais plutôt d’appréhender la manière dont les vivants imposaient leur ordre –ou leur absence d’ordre‑au monde des morts.

2.2.2. Le statut de la tombe

  • 7 Il est fort possible que les urnes empilées (cf. par exemple, Quimper nos 29.232.03.74 et 75) corre (...)

33La présence d’une tombe sur un terrain privé ou public suffisait à faire de ce dernier un locus religiosus, que la loi protégeait des profanateurs (Cicéron, De legibus : II, 22, 55 ; Visscher 1963), bien que de nombreuses inscriptions funéraires (cf. par exemple Dessau 1962 : no 8184) ou diverses trouvailles archéologiques (cf. par exemple : Meiggs 1960 : 143 ; Toynbee 1971 : 76‑77) montrent que cette loi était souvent bafouée par des malandrins en quête d’objets précieux, ou par des maçons à la recherche de pierres. Il semble néanmoins que tant la loi que la peur superstitieuse des morts aient protégé la plupart des tombes, et il est particulièrement frappant de constater que, tant en Armorique qu’en Belgique (Lacet 1972 : 20) ou en Narbonnaise (Dumoulin 1958 : 210), les exemples de destruction ou de recoupement de tombes anciennes par des sépultures plus récentes sont pratiquement absents7. Cette « sacralisation » du cimetière et de la tombe, dont de nombreuses civilisations donnent d’ailleurs l’exemple, est également attestée par l’enfouissement de dépôts monétaires au milieu des tombes lors d’époques troublées (fin du iiie s. en particulier), les propriétaires de ces trésors espérant sans doute que la crainte de déranger les âmes des défunts suffirait à écarter de leur fortune des mains avides (Rennes, cf. Decombe 1881 ; Talhoët en Questembert, Morbihan, cf. Le Méné 1891 : II, 242 ; en Morinie orientale, cf. Delmaire 1976 : 205 ; Ville‑sur‑Retourne, cf. Frézouls 1973 : 402 ; près Cherbourg, cf. Legrand d’Aussy 1824 : 331 ; Tipasa, cf. Lancel 1970 : 156).

2.2.3. Indication matérielle et protection de la tombe au‑dessus du niveau du sol

2.2.3.1. Introduction

34Ce respect teinté de terreur qu’engendrait la présence de la mort exigeait bien sûr que la tombe soit protégée tant des intempéries que des maladresses de fossoyeurs qui, creusant une nouvelle tombe, eussent pu bouleverser un dépôt plus ancien, ou qu’elle s’abrite sous un édicule où, lors des fêtes consacrées, dies natalis et dies parentales (sur ces fêtes, cf. Toynbee 1971 : 63‑64), parents et amis venaient sacrifier aux mânes du défunt. Ce mode de protection et d’indication matérielle de la tombe variait, d’ailleurs, selon la position qu’occupait celle‑ci par rapport à la surface du sol environnant.

2.2.3.2. Cippe, ossarium et columbarium

35Dans un certain nombre de cas, en effet, les ossements incinérés, placés dans une urne de terre cuite ou de verre, n’étaient pas enfouis dans le sol du cimetière mais déposés à l’intérieur d’une structure de pierre ou de maçonnerie se dressant à l’air libre et dont nous nous proposons, dans ce qui suit, d’examiner tour à tour les différents modèles.

  • 8 Un cippe funéraire de style différent a été découvert à Rouen (Mangard 1971 : fig. II). Il est data (...)

36Le cippe, bloc de pierre dont l’une des faces ou la partie inférieure était creusée pour accueillir l’urne cinéraire, peut être considéré comme l’un des monuments funéraires les plus communs de la partie occidentale de l’Empire romain et il semble avoir particulièrement convenu aux goûts, et probablement aux ressources financières, de la « petite bourgeoisie » des affranchis (Toynbee 1971 : 253). Le seul exemplaire de ce type de monument connu en Armorique8 provient de la nécropole nord‑est de Nantes, d’où il fut arraché pour être inclus dans la maçonnerie de la muraille du Bas Empire : il se compose de deux parties, une stèle de granit haute de 155 cm et large de 57 cm et portant une inscription, et un socle également en granit comportant une cavité dans laquelle avait été placée l’urne, les deux pierres présentant quatre trous destinés à recevoir les crampons qui les reliaient (Legendre 1891 : 85 ; Durville 1927 : 48 , nos 27‑28 ; C.I.L XIII, 3126).

● Fig. 11 ‑ Ossaria (?) du Morbihan. D’après Lepart 1956,

37L’ossarium, bloc de pierre évidé pour contenir les ossements incinérés ou l’urne cinéraire et les offrandes funèbres (Van Doorselaer 1967 : 155), était fermé par un couvercle rainuré venant s’emboîter dans la partie inférieure. Il n’est pas impossible d’ailleurs que la partie inférieure de ce type de monument ait été enfouie dans le sol dont seule émergeait la moitié supérieure, façonnée en forme d’ovoïde ou de pyramide (Héron de Villefosse 1909). Ces coffres, extrêmement nombreux dans le centre et le centre‑ouest de la France (Audollent 1910 ; Labrousse 1940 ; Delage 1940 ; Vazeilles 1961, etc.), se rencontrent sporadiquement dans d’autres régions, et le nord‑est du pays en particulier (Van Doorselaer 1967 : 155), bien que la présence de monuments de ce type en Bretagne n’ait été signalée que récemment (Lepart 1956). Les ossaria décrits par A. Lepart se composent d’une « petite colonne », haute de 39 cm à 70 cm, de section généralement cylindrique (diamètre : de 42 cm à 57 cm), et dont le sommet est creusé d’une cavité de forme conique, ovoïde ou hémisphérique (Lepart 1956 : 120), profonde de 10 cm à 34 cm, ainsi que d’un couvercle, monolithe quadrangulaire de 57 cm de haut dont le sommet et les angles sont épannelés (Lepart 1956 : 122). A ces deux éléments, fort semblables à ceux des coffres du centre de la France, A. Lepart ajoute une pièce centrale qui paraît s’adapter fort exactement, par un système de gorges et de moulures (fig. 11), sur la partie inférieure : cette couronne paraît, selon lui, « par l’évasement en forme de coupe que porte sa face supérieure, avoir fait fonction de système de libations » (Lepart 1956 : 123). Ces petits monuments sont rarement décorés, sinon d’oreilles latérales et de moulures, et seule la partie centrale du coffre de Carguillotin en Pluherlin serait, d’après A. Lepart, ornée de la représentation en bas‑relief de trois serpents, de deux têtes de bélier, d’une corne d’abondance (?) et d’un oiseau (Lepart 1956 : 120). On ajoutera que le coffre de Branzan en Caden semble porter une inscription, l’auteur y ayant lu : […] M sur le couvercle de loov (?) sur le fût (Lepart 1956 : 123).

  • 9 L’usage assigné à la partie centrale par A. Lepart nous semble particulièrement peu plausible. On p (...)

38Il faut bien avouer que la reconstitution de A. Lepart nous laisse quelque peu perplexe, sinon sceptique, aucun de ces monuments n’ayant été découvert complet et encore moins in situ 9. Il n’est pas impossible, toutefois, que certains de ces coffres de pierre, que l’on rencontre surtout au nord et à l’est de Vannes (Lepart 1956 : 119) et au nord de Lorient (Lepart 1956 : 124), aient effectivement servi d’ossaria, mais beaucoup d’autres peuvent être plus tardifs. On ne sait enfin si la sépulture mise au jour à Corseul en 1865, et comportant «un tronçon de colonne de granit de 30 cm de diamètre et de 55 cm de haut recouvrant une urne en terre noirâtre contenant des ossements humains placée sur un plateau de granit de même circonférence que la colonne » (Harmois 1909 : 56, 59), relève de la catégorie des ossaria ou des cippes funéraires.

39Comme le fait remarquer A. Van Doorselaer (1967 : 180) les columbaria, fréquents en Italie (Toynbee 1971 : 113‑118), ne semblent guère se rencontrer dans le nord de la Gaule et il est bien vrai qu’aucun monument de ce type n’a été à ce jour dégagé en Bretagne. On remarquera néanmoins que la niche découverte au siècle dernier dans l’une des pièces de la villa de Saint‑Christophe en Elven (Morbihan), et qui contenait deux urnes cinéraires (Cayot‑Délandre 1847 : 250, note 1), tient à la fois du loculus purement méditerranéen et de la niche‑réceptacle de tradition indigène (Van Doorselaer 1967 : 157‑163), bien que nous ne connaissions d’exemple comparable ni en Gaule, ni dans les provinces voisines.

40Les remarques qui précèdent concernent exclusivement, comme on peut le constater, les tombes à incinération, les tombes à inhumation ne pouvant dans la plupart des cas, et pour des raisons évidentes, être placées au‑dessus de la surface du sol. On peut néanmoins penser que certains sarcophages, inscrits ou décorés, étaient exposés dans des cryptes ou des mausolées après avoir été hermétiquement scellés au plomb (Toynbee 1971 : 270). Tel était vraisemblablement le cas du sarcophage de granit conservé dans l’église de Saint‑Lunaire (Ille‑et‑Vilaine), sur l’un des grands côtés duquel on pouvait encore lire au siècle dernier l’inscription suivante : M(ARCVS) [S]EVE[R][VS] (La Borderie 1881 ; Banéat 1973 : III, 480‑482).

2.2.3.3. La réutilisation de stèles pré‑ et protohistoriques

41Il est cependant évident, lorsque l’on étudie le corpus des découvertes funéraires d’époque romaine faites en Armorique, comme d’ailleurs dans l’ensemble de la Gaule, que l’écrasante majorité des sépultures étaient enfouies en terre, à des profondeurs variables. Cet enfouissement posait, comme nous l’avons vu plus haut, le problème de l’indication matérielle des tombes à la surface du cimetière, problème que les Gallo‑Romains semblent avoir résolu de diverses manières, qui peuvent varier selon les lieux de sépulture mais également à l’intérieur d’un même cimetière.

  • 10 On notera cependant que le charbon de bois associé aux urnes typiquement laténiennes du cimetière d (...)

42La pratique, bien attestée en Armorique depuis le début du second âge du Fer, de placer des sépultures, isolées ou en petits groupes, au pied de stèles de granit taillé (Giot 1979 : 255‑256), semble s’être poursuivie, sous une forme légèrement différente, pendant une partie de l’époque romaine. Si l’on ne rencontre guère d’urnes gallo‑romaines à proximité de stèles laténiennes10, il n’est par contre pas rare que des urnes de la période qui nous occupe aient été enfouies au pied de monuments plus anciens : menhirs (Kerhign en Saint‑Pabu, Finistère, cf. Le Roux 1964 : 47 ; Saint‑Julien en Riec‑sur‑Belon, Finistère, cf. Brémond d’Ars 1890) ; cromlec’h (Crucuny en Carnac, Morbihan, cf. Le Rouzic 1931) ; alignements de menhirs (Clément, Galliou 1980) et parfois même autour d’une roche brute (Kerguesten en Douarnenez, Finistère, cf. Halna du Fretay 1898 : 157‑158). Il est néanmoins possible que certains petits cimetières à incinérations, du type de celui mis au jour à Roc’hellaz en Plestin‑les‑Grèves (Côtes‑du‑Nord)(Gaultier du Mottay 1884 : 308), puissent être attribués au début de l’époque romaine plutôt qu’à la fin de celle de La Tène (Giot 1979 : 258). On ne voit guère, cependant, dans l’état actuel des recherches sur les phénomènes de transition entre l’Armorique indépendante et l’Armorique romaine, comment expliquer cette soudaine désaffection des Armoricains envers les stèles de l’âge du Fer et cet engouement, qui semble se poursuivre jusqu’au ive s., pour les monuments préhistoriques. Peut‑être s’agit‑il là d’un phénomène plus ample et l’on remarquera ainsi la présence d’un dolmen et d’un menhir dans la nécropole urbaine des Dunes à Poitiers (Eygun 1933).

2.2.3.4. Les stèles « à la romaine »

  • 11 Cf. cependant les stèles exhumées dans la nécropole de Lattes (Hérault) ; cf. Demougeot 1972.
  • 12 Sur la manière dont ces stèles étaient fichées dans le sol, cf. Ratel 1977 : 81‑89.

43Les stèles « à la romaine », portant une inscription et souvent ornées de motifs figurés, sont parmi les monuments les plus communs de l’art funéraire romain. Bien qu’elles aient rarement été trouvées en place11, ayant dans la plupart des cas été remployées dans les enceintes urbaines du Bas Empire, elles sont une source précieuse de renseignements sur la démographie, l’art, la religion, l’onomastique des provinces de l’Empire romain. Les stèles trouvées en Armorique sont, là encore, peu nombreuses et nous n’avons guère pu en dénombrer plus d’une trentaine (fig. 12). Elles se concentrent d’ailleurs dans l’est de la région, chez les Namnètes (26 stèles) et les Coriosolites (5 stèles), leur absence dans certains centres urbains et chef‑lieux de civitates étant d’ailleurs assez surprenante (à Rennes, Carhaix et Vannes en particulier). L’érection de stèles de pierre, au‑dessus de tombes à incinération ou à inhumation12, semble, en Armorique du moins, un phénomène presque strictement urbain, 93,5% de ces monuments provenant des villes de Nantes et de Corseul (Côtes‑du‑Nord). On ne peut guère, de la sorte, douter de ce que ces stèles témoignent d’une romanisation plus poussée de certains secteurs de l’Armorique, d’autant que les deux seules stèles découvertes dans les campagnes, à Langon (Ille‑et‑Vilaine) et Bécherel (Ille‑et‑Vilaine), sur le territoire des Coriosolites, proviennent d’une zone d’intense activité commerciale qui, reliant le bassin de la Vilaine à celui de la Rance, évitait aux navigatores le long et pénible détour de la pointe de Bretagne.

● Fig. 12 – Répartition des stèles funéraires d’époque romaine. Petit triangle : 1 stèle ; grand triangle : de 2 à 30 stèles.

44La seule stèle découverte in situ fut exhumée au début du siècle dernier du sol de la chapelle Sainte‑Agathe à Langon (Ille‑et‑Vilaine), mais la description des fouilles que nous a laissée Bachelot de la Pylaie (1975 : 6) ne nous permet guère de savoir sur quel type de tombe elle avait été dressée, et les autres stèles de Bretagne, remployées dans des bâtiments plus récents, muraille du Bas Empire à Nantes, église à Corseul, ne nous fournissent aucun renseignement sur l’organisation des nécropoles de ces villes.

2.2.3.5. Les bustes « Hermaïques »

45Il est également fort tentant de classer parmi les stèles funéraires un petit groupe de monuments figurés mis au jour en divers endroits de Bretagne, à La Vraie‑Croix (Morbihan) (Marsille 1939), Billiers (Morbihan) (Richard 1973 : 26‑28) et Plaintel (Côtes‑du‑Nord) (Richard 1972), de style certes très différent mais ressortissant tous à une même tradition iconique, celle des bustes dits « hermaïques ».

  • 13 On peut comparer la coiffure de la « femme » de La Vraie‑Croix à celle des impératrices du début du (...)

46Le buste de La Vraie‑Croix (Morbihan), fut mis au jour en 1937 au lieu‑dit Toulhouet, à 500 m à l’ouest d’un important établissement gallo‑romain (villa ?) dont l’exploration avait livré tuiles, poteries, monnaies et meules (Marsille 1939 : 28). Il ne semble cependant pas que le champ où fut découvert le buste ait livré d’autres vestiges, à l’exception d’un autel qui gisait à proximité de la pierre sculptée. Ce dernier monument, taillé dans une granulite locale, figure un buste de femme, légèrement plus grand que nature, émergeant d’un socle grossièrement rectangulaire (haut, de l’ensemble : 1 m ; larg. : 25 cm ; haut, du buste : 40 cm). Le visage, traité sur une surface plane, est d’exécution assez maladroite, tandis que le cou et la chevelure sont dessinés de manière plus réaliste. Un bandeau enserre le front et des mèches contournent les oreilles et retombent sur la nuque qu’elles recouvrent. Malgré la difficulté que présente la datation d’un monument figuré à partir du style de la coiffure (Wegner 1938 ; Wessel 1947), il est vraisemblable que l’on peut dater le buste de Toulhouet du iie s. de n. è.13 (fig. 13).

● Fig. 13  Buste de La Vraie‑Croix (Morbihan).

  • 14 Il faut remarquer, que selon P.‑M. Duval (« Chronique gallo‑romaine », Revue des études anciennes, (...)

47Le buste de Billiers (Morbihan) est bien plus fruste que le précédent. Également taillée dans une granulite locale, cette sculpture représente une tête à peu près ronde, reposant presque directement sur des épaules à peine esquissées. Le nez est complètement épaté et de simples incisions figurent les yeux et la bouche (Richard 1973 : 26‑28) ; les dimensions de ce monument sont les suivantes : hauteur, 41 cm ; hauteur de la face, 19 cm ; largeur de la base, 35 cm ; profondeur de la face, 24 cm ; largeur de la face, 20 cm. Le contexte de sa découverte est totalement inconnu14.

  • 15 Les dimensions de ce fragment sont les suivantes : hauteur totale à gauche, 32 cm et à droite, 27 c (...)

48Mis au jour à proximité d’un important site d’habitat de l’époque romaine (vicus ?), le fragment de buste des Aires du Rillan en Plaintel (Côtes‑du‑Nord) figure une tête probablement masculine, au cou large et ramassé, à la mâchoire inférieure massive, aux fortes pommettes (Richard 1972), sculptée, comme les monuments précédents, dans une granulite locale15.

  • 16 Cf. PARIS (G.) et alii. — Fouilles de Belo (Bolonia, province de Cadix), II. Paris, Bibliothèque de (...)
  • 17 On pourrait certes nous objecter qu’un important courant commercial apportait jusqu’à l’ouest de la (...)

49Comparer, comme n’a pas craint de le faire L. Richard (1973 : 26‑28), ces bustes hermaïques aux muneros du sud de l’Espagne, représentations figurées du ier s. de n. è., placées sur des coffres funéraires et toujours tournées vers la mer, est sans doute tentant16. Mais il faut bien avouer que l’on ne distingue guère, dans ce cas, comment de telles influences stylistiques auraient pu franchir la distance qui sépare le sud de l’Espagne du nord‑ouest de la Gaule sans laisser de trace archéologique parfaitement attestée dans les régions intermédiaires17, et l’on est dès lors contraint de puiser à des sources géographiquement plus proches si l’on veut tenter de percer le mystère –que l’on n’ose qualifier d’artistique– des bustes armoricains.

  • 18 Cf. BENOIT (F.). — L’Art primitif méditerranéen de la vallée du Rhône. Paris, 1945. Pl. XXIII.

50P. Lambrechts, dans un bref mais remarquable ouvrage (Lambrechts 1954), a en effet signalé la découverte fréquente, dans la partie occidentale du monde celtique, de stèles ou de monuments figurés en ronde‑bosse représentant des têtes ou des bustes masculins ou féminins, et dont la plastique diffère fondamentalement de celle des portraits funéraires de tradition italique (Toynbee 1971 : 48), les bustes provinciaux, « espèce de cartouche que l’artisan ne s’est pas donné la peine de détailler et qui était restée à l’état brut » (Lambrechts 1954 : 99), étant en effet réduits à leur plus simple expression, la tête occupant un volume excessif par rapport au monument tout entier. Il y a vraisemblablement là, comme le pense P. Lambrechts, une exaltation de la tête par rapport au reste du corps, une représentation du mort comme tête, selon une tradition indigène remontant à l’époque de l’Indépendance et dont on pourrait retrouver le prototype dans le « buste » funéraire de Sainte‑Anastasie18. Il n’est donc pas impossible que les bustes mis au jour en Armorique relèvent de la plastique funéraire gauloise plutôt que de lointains courants artistiques ibériques.

  • 19 Je dois ces Indications à G. Bernier, que je remercie tout particulièrement. A défaut d’une publica (...)

51Nous hésitons cependant à classer parmi ces bustes une remarquable stèle figurée exhumée au sud‑est du village de Kerné en Quiberon (Morbihan). Taillée dans le granit (haut. : 55 cm ; larg. : 32 cm), elle représente une tête humaine, masculine sans aucun doute, traitée de manière très fruste (Anonyme 1971 : 40, no 243) : les oreilles sont indiquées par de simples bourrelets circulaires, la bouche par une incision horizontale et le nez et les sourcils par une figure en forme de T ; les yeux semblent clos. Ce monument‑ou plutôt ce fragment de monument, car il est brisé au niveau du « cou » –fut découvert en remploi, la tête en bas, au sommet d’un coffre constitué de grandes dalles, qui ne contenait rien sinon un billon gaulois et un aes 3/4 frappé pour Constantin ; d’autres monnaies de ce dernier type furent également mises au jour à proximité immédiate. Hors du coffre, à l’ouest, et à un niveau inférieur au fond de celui‑ci, le fouilleur remarqua quelques pierres rougies ainsi qu’une couche noirâtre avec fragments d’os, et, à 17,50 m de cet ensemble, il dégagea une structure carrée, de 5 m de côté, aux murs bâtis de quatre assises de pierres plates non jointoyées, et dont l’intérieur était jonché de matériel archéologique, céramique (ferra nigra, sigillée), métal (4 douilles, clous, plaques avec trous, scories de fer), monnaies (7 sesterces du Haut Empire), statuettes de terre blanche (5 Vénus, 2 déesses‑mères) associées à des vases de poterie locale19. G. Bernier, qui dut fouiller ce site dans des conditions particulièrement difficiles, est d’avis que la construction carrée qu’il dégagea est un petit fanum romano‑celtique, le coffre voisin ayant eu, selon lui, des fonctions rituelles plus que funéraires, ce que n’infirme nullement la nature des trouvailles. On remarquera néanmoins que la « stèle », qui relève très nettement de la plastique pré‑romaine, rappelle très fortement les figurations de têtes coupées du sud de la Gaule en particulier et qu’elle pourrait ainsi ressortir à une tradition indigène (Lambrechts 1954 : 37‑55), où semblent se mêler culte des ancêtres et rite de sacrifice des ennemis vaincus. Le monument de Kerné, retrouvé brisé et à l’envers, ne paraît toutefois pas devoir être directement associé à un quelconque culte funéraire.

2.2.3.6. Les stèles de bois et les tertres

52La grande majorité des sépultures d’époque romaine exhumées en Bretagne ne paraît pas, cependant, avoir été signalée par des monuments aussi importants, stèles ou bustes, dont l’usage paraît avoir été réservé à la « bourgeoisie » des villes et des campagnes. Les humbles devaient sans doute se contenter de mémoriaux plus modestes, de bois, de céramique ou de terre, dont les traces archéologiques sont, de toute évidence, d’une identification très difficile.

53Bien qu’aucun monument de ce type n’ait été conservé, il n’est pas impossible que certaines tombes aient été signalées et identifiées à l’aide de stèles de bois, semblables aux Rettbretter de Franconie et de Bavière qui, grossièrement découpées en forme humaine, peintes et couvertes d’inscriptions (nom du défunt, date de sa mort, maximes), furent utilisées dans ces régions jusqu’au xixe s. (Salin 1952 : 70). L’usage de poteaux de bois (Desforges, Fournier 1931 : 19 ; Ratel 1977 : 89), de fonction similaire, est aussi attesté.

  • 20 Les six statuettes disposées en cercle au‑dessus d’une sépulture à incinération de la nécropole du (...)
  • 21 Les cols d’amphores pouvaient dans ce cas servir de conduit à libations. C’est en particulier le ca (...)

54De nombreux indices nous donnent également à penser que certaines tombes à incinération n’étaient pas enfouies très profondément dans le sol antique, dont leur partie supérieure émergeait peut‑être parfois20. Sans doute est‑ce ainsi qu’il faut interpréter la présence de graffites exécutés après cuisson sur le haut de la panse d’urnes mises au jour à Quimper : [...]ANNO[..] (Dizot 1896 : 235), CAN (Dizot 1896 : 236) ; Rennes : CAM (Decombe 1881 : 344, no 11), XI (id : 343, no 7) ; Nantes : METICCA (Vismes 1879 : 10) ; Saint‑Méen (Finistère) : X (Galliou 1979a : 43). Des inscriptions semblables, mentionnant l’âge : MATVR[I]NIS III A[...] (Maturinus, il vécut trois ans...) à Jublains (Boissel, Diehl, Petit 1969 : 25‑26), ou le nom du défunt (Le Mas‑d’Agenais, Gironde : INGENVI, cf. Coupry 1967 : 358‑359 ; Apt, Vaucluse : PELVS, cf. Dumoulin 1958 : fig. 15, no 5 ; CAM, MARCELLINVS, IIRMIIS, PASS [Campanus, Ermès, Passiénus], cf. Dumoulin 1964 : tombes 9, 17, 23, 24), ont été signalées dans d’autres parties de la Gaule ainsi d’ailleurs qu’en Bretagne (Ospringe, Kent : cf. Whiting, Hawley, May 1931 : pl. LII‑LIII) : elles étaient placées sur l’urne cinéraire ou sur l’un des vases d’accompagnement ou bien encore sur la moitié d’amphore qui coiffait l’incinération21, et peuvent, selon toute vraisemblance, être considérées comme un substitut à bon marché des inscriptions lapidaires.

55L’un des moyens les plus simples, cependant, de signaler et de protéger la tombe, était de l’enfouir sous un tertre de terre ou une chape de cailloux, méthodes dont l’origine se perd dans la nuit des temps.

56Il est souvent impossible de prouver, par la fouille, l’existence de cairns (pierres entassées) au‑dessus des tombes car les travaux postérieurs (épierrement, labours, etc.) en ont généralement fait disparaître la majeure partie, sinon la totalité. Ce système de protection a cependant été reconnu à Loc‑Brévalaire (Finistère) (Le Guen 1888 : 127‑128) ainsi qu’à Quimper (Finistère) (urne no 29.232.03.65) et, bien qu’il paraisse puiser ses origines dans la préhistoire bretonne, est également attesté à York (Eburacum), dans des contextes très romanisés (Wenham 1968 : 34 ; R.C.H.M. 1962 : no 79a).

  • 22 Ce fait est attesté pour l’époque mérovingienne par le récit que nous donne Grégoire de Tours (Hist (...)
  • 23 Une lettre de Sidoine Apollinaire (III, xii) nous décrit de façon très réaliste la manière dont le (...)

57Les tertres gazonnés qui, à l’époque romaine comme au Haut Moyen Age, recouvraient de nombreuses sépultures armoricaines22, ont également disparu depuis fort longtemps sous l’assaut des hommes et des éléments23. Seuls ont été conservés quelques rares monuments, que leur taille ou leur situation géographique –à l’écart des villes– ont préservé des destructions.

2.2.3.7. Les tombelles et les tumulus

58Les tombelles du Toumelin en Billiers (Morbihan) (Rollando 1966 ; Lejards 1966), sous lesquelles furent découvertes des incinérations que l’on peut dater de la fin de La Tène III ou du début de l’époque romaine, perpétuent un type de monument extrêmement commun en Bretagne au premier âge du Fer, entre le viie et le vie s. av. n. è. (Giot 1979 : 221‑223), et l’on peut d’ailleurs se demander si ces sépultures romaines ne sont pas adventices dans une tombe bien plus ancienne.

59Le tumulus de Kerlan‑en‑Goulien (Finistère) (Du Chatellier 1886 : 221‑232) est, à notre connaissance du moins, unique dans l’ouest de la Gaule. Situé sur un plateau élevé de la presqu’île du cap Sizun, à une centaine de mètres au sud d’une voie romaine qui relie Douarnenez à la pointe du Van, il mesurait, avant la fouille, plus de 2 m de haut et environ 10 m de diamètre. La technique de fouille adoptée par P. Du Chatellier –une tranchée au centre du monument– permet de certifier que la sépulture décrite ci‑dessous n’est pas adventice, mais qu’il s’agit bien de la tombe primitive au‑dessus de laquelle fut édifié le tumulus. La tranchée d’exploration montra tout d’abord que ce monument était entièrement constitué de terre rapportée, puis atteignit une épaisse couche de tessons d’amphores à pâte jaune, au milieu desquels furent reconnus des débris de bois pourri et des clous en fer à tête plate ronde et à tige quadrangulaire, longs de 10,5 cm, mêlés à des charbons et des cendres abondants. Un des culots d’amphore portait une estampille qui fut lue : T. OC. M. On dégagea ensuite une urne en terre noire, à deux anses, qui contenait, outre les ossements incinérés, un certain nombre d’objets en bronze, « une belle fibule en bronze, ronde, toute ajourée », plusieurs « gouttières » auxquelles étaient fixés, à l’aide de rivets, des objets de bois (garnitures de coffret ?), un bracelet creux en bronze, un manche de couteau représentant un oiseau. Ces objets, bien conservés, avaient été déposés sur les ossements incinérés au milieu desquels se trouvaient des fragments de bronze et de fer fondus provenant de l’incinération proprement dite. L’urne reposait enfin sur une nouvelle couche de bois pourri et de tessons d’amphores.

60Cette description relativement précise de la sépulture de Kerlan permet de reconstituer comme suit les étapes de la construction du monument : « Le bûcher préparé, on y a placé le corps de la défunte vêtu de ses plus beaux vêtements et de ses bijoux les plus chers, et on l’allumé. L’incinération faite, on a recueilli dans l’urne ses restes incinérés, sur lesquels on a placé en offrande les divers objets que nous avons décrits. Ce précieux dépôt a ensuite été placé dans un coffre de bois de chêne, de soixante centimètres de côté et de profondeur, dont les diverses parties étaient réunies par des clous en fer de dix centimètres et demi de long, où l’on a également recueilli les cendres du bûcher qui n’avaient pas trouvé place dans l’urne. Le coffre étant hermétiquement clos, on l’a transporté sur le sommet du coteau où devait être élevé le tumulus et où l’on avait préalablement creusé, jusqu’au tuf du sous‑sol, c’est‑à‑dire à soixante‑dix centimètres de profondeur, une excavation de deux mètres de côté que l’on avait remplie de débris d’amphores, espérant par cette enveloppe le préserver de l’humidité ; après quoi on a amoncelé sur l’ensemble des terres qui, avant le tassement dû aux siècles qui se sont écoulés depuis, durent former une butte d’au moins trois mètres de hauteur » (Du Chatellier 1886 : 231‑232).

  • 24 Près de Nîmes, dans le Gard, le Puy‑de‑Dôme, la Corrèze et la Creuse (cf. Kœthe 1939 : 113, note 8)
  • 25 Chambre funéraire creusée dans le sous‑sol à Colchester (Laver 1927 : fig. 2) et à Antoing‑Billemon (...)

61Le tumulus de Kerlan semble donc bien appartenir à cette série de monuments d’époque romaine, que l’on rencontre en nombre assez considérable dans la région de Trèves (Koethe 1939), en Belgique (Amand 1969), en Grande‑Bretagne (Laver 1927 ; Jessup 1959), dans le Norique et en Pannonie (Amand 1965) et enfin en Thrace (Mansel 1943), un petit nombre de ces sépultures ayant par ailleurs été découvert dans le sud et le centre de la Gaule24. Ces monuments présentent de nombreuses variantes structurales –chambres bâties ou non, couloirs d’accès, etc.– sur lesquelles nous ne nous arrêterons pas sinon pour remarquer que bon nombre d’entre eux sont bâtis sur un modèle semblable à celui du tumulus de Goulien25. Les archéologues ne s’accordent guère sur l’origine de ce type de tombeau monumental, et l’on ne sait encore aujourd’hui s’il faut y chercher une influence purement romaine –celle des tombeaux d’Auguste ou d’Hadrien– ou bien un héritage architectural du premier âge du Fer où les sépultures circulaires sont assez fréquentes (Van Doorselaer 1967 : 176 ; Toynbee 1971 : 179‑188), mais tous en attribuent la construction à une classe aisée de commerçants ou de propriétaires terriens (Toynbee 1971 : 180).

  • 26 L’estampille sur amphore peut être développée en : T. Octavii. M... selon CALLENDER (M. H.). — Roma (...)

62La présence de ce monument à l’extrême pointe de Bretagne fait bien sûr problème en raison du hiatus géographique qui le sépare des tumulus les plus proches, ceux de Creuse et de Corrèze, et l’on ne voit guère non plus à qui en attribuer l’érection dans une région relativement peu fertile. Le matériel, peu abondant et d’une richesse également toute relative, permet de dater ce tombeau du ier au iie s. de n. è.26, ce qui correspond fort bien à la datation de ces structures dans le reste de l’Empire romain (cf. Van Doorselaer 1967 : 175, par exemple).

2.2.3.8. Les réutilisations des monuments mégalithiques

  • 27 Sur de telles « réutilisations » au Haut Moyen Age, cf. FLEURIOT (L), GIOT (P.‑R.). — Early Brittan (...)

63Nous avons également signalé plus haut la présence, dans certains monuments funéraires mégalithiques, de sépultures romaines à incinération : Moëlan (Finistère)(Du Chatellier 1883 : 32‑35 ; Du Chatellier 1907 : 348‑349) ; Plougasnou (Finistère) (?) (Du Chatellier 1907 : 82) ; Plozevet (Finistère) (?) (Du Chatellier 1907 : 282) ; Riec‑sur‑Belon (Finistère) (Du Chatellier 1883 : 25‑27) ; Trégueux (Côtes‑du‑Nord) (La Chénelière 1882) ; Arzon (Morbihan) (Le Rouzic 1912) ; ou à inhumation : Plounévez‑Lochrist (Finistère) (Du Chatellier 1907 : 90‑91) ; Plumelec (Morbihan) (Cussé 1885 : 120‑121). Elles sont malheureusement très mal connues, les antiquaires du siècle dernier ayant souvent négligé ces vestiges trop peu « celtiques » à leur goût. Tout au plus peut‑on noter qu’il s’agit d’une pratique assez répandue dans l’ouest et le nord de la Gaule (Van Doorselaer 1967 : 178‑179), qui traduit très probablement des intentions rituelles de protection « magique » : nombre de dolmens ou de chambres sous tumulus du Morbihan et du sud‑Finistère ont en effet livré des foyers et des dépôts d’objets (monnaies et statuettes en terre blanche en particulier) d’époque romaine, qui ne semblent pas associés à des sépultures. On peut penser que la taille de ces monuments, l’obscurité et le mystère de leurs entrailles, suffisaient à créer une atmosphère propice aux pratiques magiques27 ou funéraires (fig. 14).

● Fig. 14 – Répartition des sépultures préhistoriques contenant du mobilier d’époque romaine.

  • 28 Les constructions romaines encore intactes à cette période devaient être peu nombreuses (à l’except (...)

64On peut aussi classer au chapitre des sépultures secondaires l’inhumation, datable de la seconde moitié du ive s., qui fut découverte à Goaz‑an‑Eyet en Pont‑de‑Buis (Finistère) (Abgrall 1911). Le corps avait été déposé dans une structure maçonnée qui semble un four à chaux désaffecté. On peut sans doute exclure dans ce cas toute intention rituelle, sinon peut‑être le désir d’abriter le corps à l’intérieur d’une construction pérenne28.

2.2.3.9. Les bâtiments maçonnés et les mausolées

  • 29 Comme par exemple à Saint‑Cyr‑sur‑Mer : BENOÎT (F.). — Sépulture‑maison à la Madrague de Saint‑Cyr‑ (...)
  • 30 On peut également supposer l’existence de mausolées à Saint‑Lunaire (IIIe‑et‑vilaine) et à La Vraie (...)

65Cette volonté de protection de la tombe et de ses annexes (stèles, autel, etc.) se traduit également, dans un petit nombre de cas, par l’érection au‑dessus de la sépulture d’un bâtiment maçonné, ces house‑tombs si nombreuses en Italie, à Rome le long de la Via Latina (tombeaux des Valerii et des Pancratii) ou dans la nécropole de l’isola Sacra à Portus Augusti (Toynbee 1971 : 132‑143), par exemple, mais aussi en Belgique et dans la région de Trèves (Van Doorselaer 1967 : 171‑172), ainsi que dans le grand cimetière de Poundbury (Dorset) (Green 1974). L’édifice de Vendel (Ille‑et‑Vilaine), petit bâtiment carré de 2,20 m de côté aux murs de granit et de brique épais de 90 cm, contenait ainsi plusieurs sépultures, inhumations sans cercueil ou sarcophage. L’épaisseur des murs – inhabituelle dans les constructions romaines de cette nature ‑ et la présence de contreforts saillants aux angles donnent à penser qu’il possédait un étage29, ou du moins une superstructure assez importante (fig. 15). Il s’agit là d’un mausolée de type très simple, dont un autre exemplaire, très mal décrit, peut avoir existé à proximité d’Yffiniac (Côtes‑du‑Nord) (Gaultier du Mottay 1884: 174). On remarquera que ces deux mausolées, situés à peu de distance de voies romaines importantes (Vendel : Avranches‑Nantes [?] ; Yffiniac : Saint‑Brieuc ; Corseul), sont éloignés de toute agglomération antique et devaient donc dépendre de villae voisines, comme d’ailleurs les mausolées de Saint‑Similien et de Saint‑Donatien (élevé sous Constantin pour les Enfants Nantais ?) (Cahour, Kerviler, Petit 1874 : 82), qui, munis d’une abside, sont d’un plan légèrement plus élaboré que les précédents30.

● Fig. 15 – Mausolée de Vendel (Ille‑et‑Vilaine). Plan d’après la description ancienne.

  • 31 On compte cinq arases de briques sur les grands côtés.
  • 32 Le dauphin semble chevauché par un personnage ailé, probablement un Eros.

66Tout permet aussi de penser que le remarquable monument –aujourd’hui chapelle Sainte‑Agathe– qui se dresse sur la place du bourg de Langon (Ille‑et‑Vilaine) est un mausolée, ou plus exactement une cella memoriae‑alliance de la tombe et du sanctuaire, « édifice dédié à la mémoire du défunt, où sera célébré son culte » (Hatt 1951 : 69) –dépendant d’un grand domaine voisin (historique des recherches sur le monument de Langon, cf. Daucé 1961 : 115‑146) (fig. 16). Il se compose d’une cella rectangulaire, longue de 8,10 m et large de 3,50 m (dimensions intérieures) sur les côtés de laquelle courent deux décrochements en forme de banc, et d’une abside en hémicycle moins élevée mais de même largeur que la nef et profonde de 2 m. Une arcade, dont le cintre est en briques, sépare les deux parties du monument dont les murs, épais de 0,39 m à 0,41 m, sont composés de moëllons de petit appareil enchâssés dans une épaisse couche de mortier et séparés par des arases de grandes briques31. L’entrée se fait aujourd’hui par un porche situé sur le côté méridional du bâtiment‑d’orientation est‑ouest –mais on peut penser que l’on accédait autrefois à ce mausolée par le petit côté occidental – à l’opposé donc de l’abside– où se voit une porte murée. La voûte en cul‑de‑four de l’abside est ornée d’une fresque quelque peu dégradée, où l’on distingue cependant une figuration de Vénus anadyomène, tordant ses cheveux de la main gauche et entourée d’animaux marins (dauphin, congre, poissons divers, oursins, praire, couteaux)32. A l’intérieur de ce monument se voyait au siècle dernier une structure que Bachelot de la Pylaie décrit ainsi : « L’autel qui est resté intact, se trouve placé antérieurement au milieu du sanctuaire, sans cependant déborder l’arcade où celui‑ci se termine : c’est comme tous les autels payens un cube irrégulier ayant trois pieds en tous sens sur chacune de ses faces : il est fait avec le même ciment que les murailles et nous offre des cordons de briques entre les assises de petites pierres qui le composent » (Bachelot de la Pylaie 1975 : 3). Elle a aujourd’hui disparu. Bachelot de la Pylaie signale par ailleurs qu’en creusant le sol « on découvrit une petite figurine exécutée en demi‑relief sur un bloc de pierre, représentant une femme ayant la gorge nue, avec les mains appuyées au‑dessous de ses seins et l’une au‑dessous de l’autre, sur le milieu de son corps. La partie inférieure de celui‑ci était recouverte par une robe mais tout le reste est nu. La tête oblongue et sans cheveux paraît recouverte en‑dessus d’une petite calotte ; trois petites fossettes sont sur le front, l’une au‑dessus de chaque œil et la centrale au‑dessus du milieu du nez […] Enfin, pas d’oreilles et les deux bras fort grêles arqués comme des anses de panier » (Bachelot de la Pylaie 1975 : 6) : il s’agit très vraisemblablement de la stèle de calcaire, en fort mauvais état, que l’on peut voir au‑dessus du porche.

● Fig. 16a – Mausolée de Langon (Ile‑et‑Vilaine). Vue d’ensemble.

● Fig. 16b  Vue de l’abside.

● Fig. 16c – Stèle de calcaire au‑dessus du porche.

● Fig. 16d – Intérieur de la chapelle.

  • 33 Le Cartulaire de Redon (ixe s.) indique : « Hoc factum est in ecclesia Sancti Veneris in Langon » e (...)

67Les fouilles menées aux alentours de ce monument, dont l’inclinaison des arases de briques révèle qu’il était à l’origine placé sur une légère pente, montrèrent qu’il n’était associé à aucune autre structure, mais mirent au jour un bon nombre de sarcophages mérovingiens en calcaire coquillier (Merlat 1954 : 164) : ce mausolée semble en effet avoir été transformé, à la fin de l’Antiquité, en chapelle chrétienne dédiée à saint Vénier, vocable qui masque mal le nom de Vénus33.

  • 34 Sur ce mausolée, qualifié de temple (aedem), cf. Hatt 1951 : 69.
  • 35 Il n’est pas impossible que les mausolées de saint Donatien et de saint Similien à Nantes aient été (...)

68J.‑J. Hatt (Hatt 1951 : 69‑71) semble avoir été le premier à attirer l’attention des archéologues sur le parti que l’on peut tirer de tels monuments à la lecture du célèbre texte dit « testament du Lingon » (C. I. L. XIII, 5708), et l’on ne peut en effet manquer de noter les nombreux points de ressemblance entre le tombeau de Langon et celui décrit par l’inscription (plan, présence d’un autel [?], sièges). Ces mausolées auxquels on peut comparer le tombeau de Lanuéjols daté du temps des Sévères34 et le « temple » situé près du mausolée du « Château des Cars » (Saint‑Merd‑les‑Oussines, Corrèze) (Prieur, Delage 1947 : 51‑59, fig. 1, 2) paraissent, à la différence de ceux décrits plus haut (Vendel, Yffiniac, etc.), avoir répondu à une double fonction, funéraire et cultuelle, et reçu, lors des Parentalia, les parents et amis du défunt venus partager devant la tombe le repas du disparu (sur ce rite, cf. Hatt 1951 : 72‑75 ; Toynbee 1971 : 62‑63). Il n’est donc pas impossible que les bancs latéraux de Langon –s’ils sont bien antiques– aient servi à cet usage. On reconnaîtra volontiers, cependant, que le petit mausolée armoricain est, par rapport à d’autres monuments de Gaule, bien modeste, mais il nous semble témoigner, à sa mesure, d’une certaine aisance des classes romanisées, commerçants et propriétaires terriens, de l’Armorique antique35.

2.2.3.10. Les tombeaux monumentaux des nécropoles urbaines

69Cette relative prospérité de certaines parties de l’Armorique, sinon de la région toute entière, se traduit aussi par l’érection, dans les nécropoles urbaines, de tombeaux monumentaux dont nous ne possédons malheureusement que de rares vestiges architecturaux, inclus dans les murailles du Bas Empire ou dans des constructions postérieures. L’enceinte urbaine de Nantes a livré en particulier quatre blocs de grand appareil à décor figuré, qui furent découverts lors des démolitions du secteur de la rue du Bouffay et de la tour de l’Horloge (Parenteau 1869 : 33‑34, no 28 ; Espérandieu 1907 : III/2, nos3010, 3023 ; Durville 1927 : no 46). Leur décor, représentant le combat des Grecs et des Amazones, est de toute évidence calqué sur les poncifs de l’art gréco‑romain (Hatt 1951 : 194 et sq.), et l’on retrouve un thème semblable sur l’une des tombes de Petra –la Khazne– où, selon Mme Toynbee, les Amazones et les Victoires qui en ornent la façade symbolisent la victoire des défunts sur la mort (Toynbee 1971 : 194‑195). C’est à un thème opposé, celui du triomphe de la mort dévorante sur les vivants, que l’on doit vraisemblablement rattacher un petit groupe de monuments mis au jour à Nantes (rue Royale, 1849, cf. Parenteau 1869 : 35, no 29 ; Espérandieu 1907 : no 3014 ; Durville 1927 : 57, no 42 ; angle des rues de Strasbourg et Garde‑Dieu, 1876, cf. Durville 1927 : 57, no 43) et Corseul (Gaultier du Mottay 1884 : 452), représentant un sphinx ou une sphinge, et dont le symbolisme funéraire est bien attesté (Renard 1968 ; Toynbee 1971 : 278‑279). Les figurations armoricaines, de calcaire (Nantes) ou de granit (Corseul), apparentées à celles de Mâcon (Devauges 1974 : 445), d’Alba Julia en Dacie (Ferri 1933 : 368‑369), de la tombe de Dexileos dans le cimetière du Céramique (Toynbee 1971 : 279), ou de Camulodunum (Colchester) (Toynbee 1964 : pl. 29a), représentent, dans leur majorité (quatre sur cinq), des sphinges ailées, à buste de femme et corps de louve, et n’ont donc pas le caractère menaçant de la plupart de ces représentations plastiques, où le monstre androphage symbolise la mort s’emparant de sa proie (Lambrechts 1954 : 59‑67). Les monuments armoricains pourraient avoir été placés au sommet de monuments funéraires (aux angles ?) ou, comme dans le cimetière du Céramique, sur le couronnement des murets délimitant des enclos sépulcraux.

2.2.3.11. Conclusion

70Cette longue énumération de monuments funéraires dont la présence effective ou symbolique assurait protection à la tombe et repos au défunt, suffit sans doute à confirmer la boutade de Camille Jullian : « La Gaule a laissé près de vingt mille tombeaux et peut‑être n’y en a‑t‑il pas deux qui soient absolument identiques » (Jullian 1964 : V, 205), mais nous conduit également à nous demander comment des monuments aussi variés pouvaient trouver place dans un cimetière, comment ces sépultures étaient réparties dans la ville des morts.

2.2.4. L’Organisation des cimetières romains d’Armorique

71L’implantation désordonnée et parfois quasi anarchique des tombes dans de nombreux cimetières d’Italie (Toynbee 1971 : 74‑91) ou des provinces de l’Empire (Brive, cf. Labrousse 1948 ; Blicquy, cf. Laët 1972 : 19 ; Hachy, Belgique, cf. Noël 1968 ; Fouches, Belgique, cf. Roosens 1954 : 177 ; Vimy, Nord, cf. Monchy 1977 ; Cabasse, Var, cf. Bérard 1961, par exemple) paraît sans doute confirmer l’hypothèse de J. M. C. Toynbee selon laquelle « the alignements of the varions groupe of tombs in a single cemetery are [...] sometimes so different from one another that we can only deduce the absence of any public control of a cemetery’s growth and of any overall rational planning of it as an entity » (Toynbee 1971 : 74), le désordre apparent de ces nécropoles étant dû au fait qu’il s’agissait de terrains privés dont les concessions étaient vendues aux particuliers par des spéculateurs (Toynbee 1971 : 74‑75). S’il est vrai que l’hypothèse avancée par Mme Toynbee paraît parfaitement s’appliquer à la nécropole urbaine de Quimper (Finistère) (Merlat 1953 : 404), on ne peut cependant manquer de remarquer que nombre de cimetières à incinérations d’Armorique ou de Gaule semblent disposés selon des plans réguliers : à Carhaix par exemple, les urnes sont placées sur de longues lignes parallèles de direction nord‑sud, perpendiculairement à la voie Callac‑Carhaix (Du Chatellier 1900 : lii‑liii), la même disposition se rencontrant à Surzur (Morbihan) (Rialan 1924 : 66), La Trinité‑Langonnet (Morbihan) (Leroux 1920 : 48) et Saffré (Loire‑Atlantique) (Leroux 1875) ainsi qu’au Mas‑d’Agenais (Gironde) (Nicolai 1895 : 142, 248), Prunay II (Marne) (Bry, Fromols 1938 : 134), ou bien encore à Coblence (Günther 1901 : 76, fig. 3) et Littlington (Grande‑Bretagne) (Kemp 1836). Le lieutenant Dizot nota par ailleurs que les urnes mises au jour dans le Champ de Manoeuvre à Quimper (Finistère) étaient disposées avec symétrie (Dizot 1896 : 237), et parfois même en quinconce (Dizot 1896 : 236), et les dépôts funéraires semblent avoir été placés parfois à intervalles réguliers : Guern (Morbihan) : 2 m (Gilles 1931) ; Acigné (Ille‑et‑Vilaine) : 1 m (Hamard 1880) ‑ comparer : Mas‑d’Agenais : 1,40 m (Nicolaï 1895 : 142) ; Littlington : 1 m (Kemp 1836). Cette régularité dans l’implantation des tombes à incinération se retrouve également dans le cas des inhumations dont les cercueils ou les sarcophages sont fréquemment déposés en rangées parallèles (Nantes : Saint‑Donatien et Saint‑Similien ; Rennes : inhumations en pleine terre du Castel Saint‑Martin ; Le Rheu, Ille‑et‑Vilaine) (Banéat 1973 : III, 274).

72Si bon nombre de cimetières d’Armorique paraissent ainsi avoir été régulièrement organisés, la profondeur d’enfouissement des dépôts funéraires y varie presque de tombe à tombe : les inhumations sont, dans la très grande majorité des cas, placées dans des fosses profondes de 2 m alors que les incinérations, engagées dans des « nids de poule » creusés dans le subsfratum sableux (Quimper, Saffré) ou rocheux (Surzur, Vannes), ne s’enfoncent jamais à plus de 70 cm sous la surface du sol antique.

73Les tombes romaines d’Armorique sont donc, dans leur grande majorité, individualisées par leur loculus, par le monument, humble ou ostentatoire, qui les surmonte : les tombes collectives, attestées dans d’autres régions (cf. par exemple : Laët, Thoen, Van Doorselaer 1970) y sont rares et paraissent répondre à des conditions bien particulières (existence d’un collège à Carhaix? Inhumation lors d’une époque troublée à Sables‑d’Or‑les‑Pins, Côtes‑du‑Nord ?). Ce fait, qui semble bien établi, ne doit cependant pas nous faire oublier l’existence, dans un certain nombre de cimetières d’Armorique, d’un autre mode d’implantation des sépultures, dont le tracé a pu se superposer à l’organisation orthogonale, quasi urbaine, de certaines nécropoles, et qui paraît puiser ses sources dans l’ordre familial et social du monde gallo‑romain.

  • 36 On a pu faire des remarques semblables à propos des cimetières de Blicquy (Laët 1972 : 20), d’Apt ( (...)
  • 37 Il s’agit sans doute d’une sépulture offerte par le collège lui‑même, cf. Hatt 1951 : alinéa b.

74Nous avons souligné plus haut, à propos de lacella memoriae de Langon (Ille‑et‑Vilaine), la pérennité d’un culte des ancêtres et, par là, de la famille, dont l’origine lointaine paraît devoir être recherchée dans le fonds culturel indo‑européen et ses avatars celte et italique (Hatt 1951 : 73, 75) : sans doute est‑ce à cet attachement familial que l’on doit l’existence, dans un certain nombre de cimetières, de groupes plus ou moins importants d’urnes cinéraires, de deux à trois à Kerlaz (Finistère) (Halna du Fretay 1898 : 156‑157), à cinq ou six à Saint‑Méen (Finistère) (Miorcec de Kerdanet 1829: 193‑194), ou bien encore d’urnes empilées (Quimper, cf. supra § 2.1.2.7.)36. On ne sait par contre si le caveau mis au jour à Carhaix en 1860, dans la parcelle dite « Parc Ar Limag Bras », « monument de quatre mètres sur cinq [...] occupé par une immense chambre funéraire toute voûtée en briques. L’intérieur, qui a une profondeur d’environ deux mètres, contient une grande quantité de cendres étendues sur une grande épaisseur dans toute l’étendue du parquet. Sur cette couche étaient disposées cinquante ou soixante urnes contenant également des cendres et des morceaux d’ossements à moitié carbonisés » (Rolland 1900 : 84), doit effectivement être rattaché à ce même substrat cultuel (ou sentimental) : ce type de monument est attesté en Gaule Belgique (Van Doorselaer 1967 : 154), mais le plus remarquable hypogée provincial est sans aucun doute celui de Weiden, près de Cologne qui, bien plus achevé que celui de Carhaix, comporte vingt‑neuf niches murales où étaient déposées les urnes cinéraires (Toynbee 1971: 212‑216). On a pu, à juste titre, considérer l’hypogée de Weiden comme la sépulture familiale de riches propriétaires terriens dont la villa rustica se serait dressée à proximité (Toynbee 1971 : 216), mais nous devons reconnaître que le nombre d’urnes découvert dans le caveau de Carhaix nous semble trop élevé pour que ce dernier puisse être qualifié de « caveau de famille ». Ne faudrait‑il pas plutôt y voir la tombe collective –ou plus exactement possédée collectivement– d’un de ces collegia funeraticia si nombreux en Gaule (Hatt 1951 : 77‑84) et dont l’existence en Armorique semble attestée par l’épitaphe de Pessicinus Sabinus, membre de la corporation des nautae Ligirici (à Nantes, C.I.L. XIII, 3114) ?37.

75L’existence, dans les nécropoles de Gaule, de quartiers « pauvres » et « riches » est un fait souvent mentionné par les archéologues qui s’appuient, pour les distinguer, sur l’étude du matériel funéraire, qualifiant celui‑ci de pauvre et celui‑là de somptueux (Provost 1978 : 115, par exemple). Il faut pourtant bien reconnaître qu’à l’exception de tombes au matériel particulièrement luxueux, rien dans le matériel d’une quelconque sépulture à incinération de Gaule dont l’épitaphe n’aurait pas été conservée ne permet d’y voir une tombe d’esclave, d’affranchi ou de commerçant aisé, de riche ou de pauvre, ces deux notions étant par ailleurs des plus difficiles à définir. Comme l’ont très bien senti F. Eygun (Eygun 1933 : 13) et R. Etienne, « il ne faut pas croire à l’existence d’un cimetière des riches différent d’un cimetière des pauvres […] la mort –et c’est un sentiment bien romain– efface les différences sociales et les diversités ethniques » (Etienne 1962 : 179). Nous ajouterons que l’absence ou l’abondance de mobilier dans les tombes peuvent s’expliquer par diverses raisons qui n’ont que peu de choses à voir avec des considérations purement matérielles.

  • 38 On remarquera qu’à York les enfants et la plupart des adolescents sont inhumés dans une position tr (...)

76L’exploration de la nécropole urbaine de Quimper mit toutefois en évidence l’existence d’un quartier où n’avaient été enfouies que des urnes contenant les ossements incinérés d’enfants en bas âge et d’adolescents (jusqu’à dix‑neuf ans) (Merlat 1953 : 397‑398, 404, 407‑ 408). Cette découverte que l’on ne peut manquer de rapprocher de celle faite à Alise‑Sainte‑Reine, d’un « cimetière gallo‑romain de bébés » (Joly 1951), pose d’une façon nouvelle le problème des rites funéraires réservés aux enfants dans la civilisation gallo‑romaine (Deonna 1955 ; Van Doorselaer 1967 : 61‑67). S’il est en effet probable, comme le souligne W. Deonna, qu’un traitement spécial ait été réservé aux immaturiet aux mort‑nés qui, à Rome, n’étaient pas incinérés mais inhumés (Pline, Histoire naturelle : VII, chap. XV), et dont l’âme, privée du bonheur terrestre, devenait malfaisante (Cumont 1949 : 315 ; id. 1966 : 282), on ne voit guère pourquoi ce rite particulier s’appliquait également aux grands adolescents et aux jeunes gens, d’autant que, comme le souligne L. Pape (Pape 1978 : 170, note 116), les tombes d’« enfants » contenaient un matériel plus « riche » que celui des tombes d’adultes de la nécropole. Il y a là un mystère que de nouvelles fouilles de cimetières urbains permettront peut‑être d’éclairer38.

77Tout cimetière antique devait posséder, comme d’ailleurs les cimetières modernes, des structures annexes permettant d’assurer les funérailles des défunts et la circulation entre les tombes, structures auxquelles on n’a, d’ordinaire, accordé que peu d’intérêt.

  • 39 Les ustrina de Mackwiller (Hatt 1967 : 78‑85) sont associés à un mausolée isolé et non à un cimetiè (...)
  • 40 C’est le cas par exemple de l’ustrinum (?) découvert à Saffré (Loire‑Atlantique) qui se composait d (...)
  • 41 Cf. par exemple les deux ustrina de Carnuntum : « Der römische Limes in Osterreich », cahier I, Vie (...)

78La loi des Douze Tables exigeant que les corps soient incinérés en‑dehors des limites de Rome, les ustrina servant à cet usage étaient, d’ordinaire, placés dans les cimetières des villes et des campagnes39 et, bien que les structures elles‑mêmes aient parfois disparu, on peut reconnaître aisément leur emplacement aux épaisses couches de cendres qui se sont accumulées à leurs abords (cf. par exemple : Wenham 1968 : 21‑26). Les crematoria les plus simples ne comportaient guère qu’une fosse parfois parementée de pierres, le bûcher étant placé au niveau du sol (Van Doorselaer 1967 : 34),40, mais il semble que le modèle le plus répandu dans l’ouest de la Gaule (Loc‑Brévalaire, cf. Le Guen 1888 ; Quimper [?], cf. Merlat 1953 : 395) ait été constitué d’« un foyer destiné à la crémation. Le pavé était fait de pierres extraites de l’endroit ; elles étaient restées rouges et pour la plupart on les voyait calcinées. Le foyer avait deux mètres de longueur et un mètre de largeur, des briques de 7 à 8 centimètres en garnissaient les contours » (Le Guen 1888). On remarquera cependant que des structures plus élaborées, qui préfigurent certains ustrina de l’époque romaine41, étaient utilisées en Armorique à l’époque de La Tène, comme le montre la description du foyer du cimetière de Roz‑an‑Tremen (Plomeur, Finistère) : « il se composait de deux rangs de pierres verticales dont l’écartement allait en se rétrécissant sur un plan incliné, de telle sorte que l’ascension du tirage puisse se faire naturellement entre les corps à brûler placés dessous et les fagots posés par‑dessus. Les débris d’incinération encombraient le foyer ; d’énormes coquilles d’huîtres devaient servir à ramasser les ossements brûlés, des poteries vides étaient prêtes à les recevoir » (Bénard 1929 : 286).

79Il est souvent difficile, également, d’apporter la preuve archéologique de l’existence de chemins de servitude entre les tombes, d’autant qu’il s’agit en général de structures très simples, fugitives. Diverses fouilles dans des cimetières de Gaule (Prunay II, cf. Bry, Fromols1938 : 134 ; Le Mas‑d’Agenais, cf. Nicolaï 1895 : 145) ou d’autres provinces de l’Empire (Wederath, cf. Haffner 1971‑1974 ; Cannington, Somerset, cf. Rahtz 1977 : 57) ont mis en évidence de telles « allées » empierrées ou simplement constituées d’une couche tassée de tessons et de fragments de tuiles permettant aux visiteurs d’éviter la boue noirâtre du cimetière : on peut soupçonner l’existence de telles structures dans la nécropole urbaine de Quimper (Merlat 1953 : fig. 2, zone P 1 par exemple).

2.2.5. Croissance et extension des cimetières

80Un cimetière est, si l’on peut accepter ce mot quelque peu paradoxal, un organisme vivant. Il naît, croît, prospère ou décline puis meurt dans le souvenir des hommes. Un examen de la courbe de développement et de déclin d’un cimetière romain ‑ si jamais un tel site pouvait être fouillé in extenso – nous permettrait donc de mieux saisir les raisons de la croissance et de la mort du site habité dont il dépend. Avouons que c’est là chimère et qu’aucune nécropole armoricaine n’a été fouillée avec suffisamment de soin ou de science pour qu’il soit possible d’analyser les lignes de son développement. Tout au plus pourra‑t‑on remarquer que le matériel recueilli dans la partie occidentale de la nécropole de Quimper paraît être le plus précoce du site (Auguste‑Tibère). Peut‑être faut‑il alors situer là le point de départ de ce cimetière bien que la prudence doive nous rappeler que la croissance de ces ensembles est loin d’être régulière (Toynbee 1971 : 74).

81Cette première approche du fait funéraire en Armorique romaine semble mettre en lumière l’hétérogénéité culturelle de cet extrême ouest gaulois, diversité que paraît sous‑tendre un réseau de groupes humains –et donc de pratiques culturelles– qui double les mailles de l’entremêlement gallo‑romain. Sans doute l’implantation des nécropoles et des cimetières, aux portes des villes et des villae reflète‑t‑elle un ordre consenti, mais on pressent quand même, aux franges de ce monde romanisé, l’existence de marges indécises qui vacillent entre les pratiques héritées de leurs ancêtres et les linéaments d’une civilisation nouvelle, et dont les tombes isolées et les humbles cimetières des campagnes nous offrent, pourrait‑on dire, l’image en négatif.

82C’est cette double variété, ce contrepoint culturel (et cultuel ?) que traduit également le choix des monuments funéraires censés, par leur présence ou leur masse, assurer la pérennité de la tombe. Aux tumulus, édifices mégalithiques et stèles laténiennes, monuments des campagnes auxquels s’attache sans doute une fidélité immémoriale, s’opposent les stèles à la romaine, les bustes et les mausolées, monuments des villes et des grandes voies romanisées et dont l’extrême diversité paraît renvoyer à des goûts individuels ou communautaires. Existe‑t‑il pour autant, dans cette dialectique ville‑campagne, quelque signe d’une quelconque persistance, particulière à l’Armorique, de « traditions celtiques » (Jullian 1964 : VI, 318), d’un « conservatisme archaïsant» (Pape 1978 : 169‑170)? Un rapide examen de quelques régions de Gaule et de Belgique (Franche‑Comté, cf. Walter 1974 : 10 ; Morinie orientale, cf. Delmaire 1976 : 203 ; Normandie, cf. Mangard 1971 : 8 ; Mayenne, cf. Boissel, Diehl, Petit 1969 : 47) montre qu’il n’en est rien et que les monuments « à la romaine » se rencontrent presque exclusivement dans les villes et les campagnes les plus romanisées. Peut‑être faut‑il alors tenter de définir un faciès funéraire propre à la Celtique ou de montrer comment les pratiques funéraires des Armoricains puisent à des sources communes à la majorité des peuples du nord de la Gaule : c’est là une tâche complexe que seule une étude approfondie des tombes et des rites afférents nous permettra vraisemblablement d’accomplir.

Notes

1 La loi des Douze Tables souffrait des exceptions dans le cas de personnes de haut rang (Dion Cassius : Ixviii, 16 ; Ixix, 2) ou de haute valeur (Cicéron, De legibus : il, 23, 58). Cf. également, RICHARD (J.‑C.). — Incinération et inhumation aux funérailles impériales : Histoire du rituel de l’apothéose pendant le Haut Empire. Latomus, XXV, 1966, p. 784‑804.

2 On s’étonnera de l’absence de toute nécropole aux abords des quartiers importants de la rive droite de l’Odet et de Roz‑Avel en particulier.

3 Elles se trouvent aujourd’hui au musée de la Société polymathique du Morbihan à Vannes, cf. Marsille 1921 : nos 1714‑1796.

4 La fouille extensive d’un établissement agricole romanisé mais de tradition indigène dans le sud de l’Angleterre a mis au jour 70 tombes datables du iiie s. av. n. è. au ive s. ap. n. è. J. Collis a pu, à partir de ces données, établir que cette « ferme » n’avait pas été occupée par plus de deux familles (1977 : 26‑34). Il devait bien sûr en aller tout autrement des villae où s’activait une population nombreuse, cf. PERCIVAL (J.). — The Roman villa. An historical introduction. London, Batsford, 1976. chap. 6 en particulier.

5 La découverte, dans l’angle de l’une des pièces de la villa de Saint‑Christophe en Elven (Morbihan), d’une niche ayant la forme d’un « carré long » (sic) où étaient placées deux urnes entières, remplies de cendres et d’ossements brûlés (Cayot‑Délandre 1847 : 250, note 1) pose un délicat problème d’interprétation : s’agit‑il d’une permanence de rites de l’âge du Fer (cf. Hatt 1951 : 5) ou de la description d’un columbarium situé dans l’enceinte de la villa ?

6 Lorsque le corps ne pouvait recevoir de sépulture (disparus en mer, à la guerre, etc.) on y érigeait un cénotaphe (cenota‑phluni) et l’on invitait l’âme du défunt à venir s’y installer en l’appelant par trois fois. Cf. Virgile, Enéide : VI, 505‑506.

7 Il est fort possible que les urnes empilées (cf. par exemple, Quimper nos 29.232.03.74 et 75) correspondent à l’existence de sépultures familiales. Sur une destruction de sépulture à incinération par une tombe plus récente, cf.  Boissel, Diehl, Petit 1969 : 33‑34 ; on notera cependant la destruction de tombes à incinération par des inhumations à Vert‑la‑Gravelle (Marne) (Lantier 1948 : 387) alors que dans le cimetière de Maltrat (Marne) les sépultures antérieures ont été soigneusement respectées par les nouveaux arrivants : cf. LANTIER  (R.). — Le Cimetière mérovingien de Maltrat à Vouciennes (Marne). Revue archéologique, 1, 1940, p. 210‑246. La fouille de la nécropole de Trentholme Drive à York a révélé des destructions et des recoupements de tombes antérieures, parfois très « fraîches » (Wenham 1968 : 33‑34, 36, 117).

8 Un cippe funéraire de style différent a été découvert à Rouen (Mangard 1971 : fig. II). Il est datable du iie s.

9 L’usage assigné à la partie centrale par A. Lepart nous semble particulièrement peu plausible. On peut se demander s’il ne s’agit pas d’éléments de meules à grain.

10 On notera cependant que le charbon de bois associé aux urnes typiquement laténiennes du cimetière de Pembrat‑Vihan en Lannilis (Finistère) (sur ce site, cf. Le Roux 1964 : 35‑47) a fourni, par la méthode du carbone 14, des datations très tardives (380 ± 150 de n. è. ; 130 ± 150 de n. è.) ; cf. GIOT (P.). — Chronique des datations radiocarbone armoricaines. Annales de Bretagne, LXXII, 1, 1965, p. 144‑145.

11 Cf. cependant les stèles exhumées dans la nécropole de Lattes (Hérault) ; cf. Demougeot 1972.

12 Sur la manière dont ces stèles étaient fichées dans le sol, cf. Ratel 1977 : 81‑89.

13 On peut comparer la coiffure de la « femme » de La Vraie‑Croix à celle des impératrices du début du siècle (Plotine, Marciane, Sabine) ou bien encore à celle de Crispine, épouse de Commode.

14 Il faut remarquer, que selon P.‑M. Duval (« Chronique gallo‑romaine », Revue des études anciennes, LXXVI, 3‑4, 1974, p. 331), ce buste n’est pas antique.

15 Les dimensions de ce fragment sont les suivantes : hauteur totale à gauche, 32 cm et à droite, 27 cm ; hauteur du socle, 17 cm ; largeur du socle, 23 cm ; profondeur du socle, 13 cm ; hauteur médiane (du menton au nez), 12 cm.

16 Cf. PARIS (G.) et alii. — Fouilles de Belo (Bolonia, province de Cadix), II. Paris, Bibliothèque de l’École des hautes études hispaniques, 1923‑26. fasc. VI et VI bis, fig. 15, p. 28 : fig. 49, p. 71, etc. et les pl. IX, XVI‑XIX. On notera par ailleurs que Mme Durand‑Lefebvre avait déjà comparé les Hermès doubles de Narbonnaise à ces monuments hispaniques ; cf. DURAND‑LEFEBVRE (M.). — Hermès double trouvé en Narbonnaise. Gallia, IX, 1951, p. 66‑70.

17 On pourrait certes nous objecter qu’un important courant commercial apportait jusqu’à l’ouest de la Gaule l’huile de Bétique (dans des amphores Dressel 20) et que de nombreuses monnaies coloniales espagnoles, datant du début du Iar s., furent découvertes dans la Vilaine à Rennes (Toulmouche 1847 : 96‑ 102). D’autre part, l’une des habitantes du Corseul antique était « de maison africaine » (cf. C.I.L. XIII, 3147). Il n’est pas impossible non plus qu’une série de monuments semblables, mis au jour dans le sud de l’Aquitaine, puisse constituer le « chaînon manquant » entre l’Espagne et l’Armorique ; cf. HATT. (J.‑J.). — Les Monuments funéraires gallo‑romains du Comminges et du Couserans. Annales du Midi, LIV‑LV, 1945, pl. XIII‑XVII, XX, XXI, XXV‑XXVII.

18 Cf. BENOIT (F.). — L’Art primitif méditerranéen de la vallée du Rhône. Paris, 1945. Pl. XXIII.

19 Je dois ces Indications à G. Bernier, que je remercie tout particulièrement. A défaut d’une publication extensive des trouvailles on trouvera mention de la fouille dans : M. C., « Les Vénus de Kerné de Quiberon : une importante découverte archéologique, La Liberté du Morbihan, 9 septembre 1969.

20 Les six statuettes disposées en cercle au‑dessus d’une sépulture à incinération de la nécropole du Champ de l’image à Saint‑Marcel (Argentomagus) (Indre) devaient dépasser du sol antique ; cf. PICARD (G.‑Ch.). — Informations archéologiques. Circonscription du Centre. Gallia, XXVI, 2, 1968, p. 321‑345.

21 Les cols d’amphores pouvaient dans ce cas servir de conduit à libations. C’est en particulier le cas des tombes de la nécropole de l’isola Sacra à Ostie.

22 Ce fait est attesté pour l’époque mérovingienne par le récit que nous donne Grégoire de Tours (Histoire des Francs, IV, 4) de la manière dont Macliaw, frère du comte Chanao, échappe à ses poursuivants : son ami, le comte Chonomor le cache dans un trou creusé dans le sol, qu’il fait recouvrir d’un tertre « à la manière des Bretons », en laissant un passage permettant au fugitif de respirer.

23 Une lettre de Sidoine Apollinaire (III, xii) nous décrit de façon très réaliste la manière dont le tertre qui recouvrait la tombe de son grand‑père (qui fut préfet du Prétoire en 408) avait disparu sous les assauts quotidiens de la neige et de la pluie. Cf. également Reece 1977.

24 Près de Nîmes, dans le Gard, le Puy‑de‑Dôme, la Corrèze et la Creuse (cf. Kœthe 1939 : 113, note 8).

25 Chambre funéraire creusée dans le sous‑sol à Colchester (Laver 1927 : fig. 2) et à Antoing‑Billemont (Hainaut) (Van Doorselaer 1967 : 178), coffres cinéraires en bois de chêne à HerrestalerHof (près de Trèves) (Kœthe 1939 : 118, note 20) par exemple. Le tumulus de Holborough, près de Snodland (Kent), daté du ier quart du iiie s, de n. è, comprenait un coffre de bois rempli d’ossements humains et animaux incinérés et de verre fondu. Cinq amphores avaient été brisées sur le coffre et les libations de vin versées sur la tombe ; cf, DUNNING (G. C.), JESSUP (R. F.). — Roman barrows. Antiquity, X, 1936, p. 37‑53.

26 L’estampille sur amphore peut être développée en : T. Octavii. M... selon CALLENDER (M. H.). — Roman amphorae. London, 1965. no 1731. Il s’agit selon lui d’une marque italique précoce, antérieure à 50 de n. è. Le reste du matériel ne semble pas être entré dans une collection publique ; on ne peut donc le décrire plus avant, bien que la fibule « ronde et ajourée » soit vraisemblablement du type Ettlinger 40 ou 45 (ETTLINGER (E.). — Die römischen Fibeln in der Schweiz. Bern, 1973) et donc datable du ier ou iie s. de n. è. Ce matériel, bien médiocre si on le compare aux richesses de certains tumulus de Belgique ou du territoire trévire, comprend cependant un bon nombre d’amphores vinaires importées qui semblent particulièrement nombreuses dans cette région de la civitas des Osismes à la fin de l’indépendance et au début de la période romaine.

27 Sur de telles « réutilisations » au Haut Moyen Age, cf. FLEURIOT (L), GIOT (P.‑R.). — Early Brittany. Antiquity, Ll, 1977, p. 110.

28 Les constructions romaines encore intactes à cette période devaient être peu nombreuses (à l’exception des fortifications). Sur ce point : Galliou 1979b.

29 Comme par exemple à Saint‑Cyr‑sur‑Mer : BENOÎT (F.). — Sépulture‑maison à la Madrague de Saint‑Cyr‑sur‑Mer. Revue d’études ligures, XXII, 1965, p. 211 sq.

30 On peut également supposer l’existence de mausolées à Saint‑Lunaire (IIIe‑et‑vilaine) et à La Vraie‑Croix (Morbihan), cf. supra, § 2.2.3.5. Un monument de ce type se dressait également à proximité immédiate de la villa de Lullingstone (Kent), cf. MEATES (G. W.). — Lullingstone Roman villa, Kent 2nd ed. London, 1970, p. 21‑25.

31 On compte cinq arases de briques sur les grands côtés.

32 Le dauphin semble chevauché par un personnage ailé, probablement un Eros.

33 Le Cartulaire de Redon (ixe s.) indique : « Hoc factum est in ecclesia Sancti Veneris in Langon » et le nom de chapelle Saint‑Vénier semble s’être conservé jusqu’en 1674 au moins (Daucé 1961 : 130) ; après cette date la chapelle fut consacrée à sainte Agathe. Bien que le dessin antique ait été masqué par une fresque romane (qui ne fut dégagée qu’au xixe s.), il semble bien que des traditions extrêmement anciennes se soient attachées à ce lieu et que la peu chrétienne sainte Venice, puis sainte Agathe, aient été des saintes « gynécologues », censées pouvoir donner du lait aux nourrices et aux jeunes mères. La stèle de Bécherel, qui ressemble beaucoup à celle de Langon, ayant eu des fonctions semblables, faut‑il alors en déduire que cette dernière fut longtemps exposée dans la chapelle ? On notera enfin qu’existe dans l’église des Cresnays (Manche) une statue de sainte Vénice, représentée nue et sortant du bain (!) que les femmes ayant des problèmes de « santé » venaient implorer en déposant dans ses mains une faveur rouge ou blanche selon les circonstances... Ce culte est également attesté à La Bloutière près de Villedieu‑les‑Poêles (Manche).

34 Sur ce mausolée, qualifié de temple (aedem), cf. Hatt 1951 : 69.

35 Il n’est pas impossible que les mausolées de saint Donatien et de saint Similien à Nantes aient été du type de celui de Langon, car tous deux semblent avoir possédé une abside. On ajoutera enfin qu’une villa importante a récemment été partiellement dégagée dans la commune de Langon : cf. SANQUER (R.). — Informations archéologiques. Circonscription de Bretagne. Gallia, 31, 2, 1973, p. 353‑354. Rien ne permet d’affirmer, cependant, que le mausolée fut érigé sur ses terres. D’autres mausolées sont signalés en Gaule à Lyon (C.I.L. XIII, 2181), Valence (C.I.L. XII, 1751), Aléria (Gallia, XVIII, 2, 1960, p. 325‑326 ; id, 1963, p. 104‑106), Rognes (Bouches‑du‑Rhône) (Gallia, XVIII, 2, 1960, p. 302‑303 ; id. XXVII, 1969, p. 433), Saint‑Clar (Hautes‑Pyrénées) (Gallia, XII, 1, 1954, p. 224), Sisteron (Gallia, VII, 1, 1949 ; id. 2, p. 83‑86), Vallauris (Gallia, XVI, 2, 1958, p. 440), Argentan (Basses‑Alpes) (Gallia, XXII, 2, 1964, p. 551‑553), Arles (Gallia, XXX, 2, 1972, p. 516‑517), Bevons (Basses‑Alpes) (Gallia, XXV, 2, 1967, p. 385‑386), Le Cougnet (Gallia. XXV, 2, 1967, p. 434), Grenoble (Gallia, XXIX, 2,1971, p. 428), Mackwiller (Gallia, XXV, 1, 1967, p. 75‑78), Kœnigshoffen (Gallia, XXX, 2, 1972, p. 393), Cucuron (Vaucluse) (Gallia, XXX, 2, 1972, p. 536‑ 538), Lodève (Hérault) (Gallia, XXII, 2, 1964, p. 491‑493), Cimiez (Alpes‑Maritimes) (Gallia, XXII, 2, 1964, p. 607), etc.

36 On a pu faire des remarques semblables à propos des cimetières de Blicquy (Laët 1972 : 20), d’Apt (Dumoulin 1964 : 108) et de York (Wenham 1968 : 31).

37 Il s’agit sans doute d’une sépulture offerte par le collège lui‑même, cf. Hatt 1951 : alinéa b.

38 On remarquera qu’à York les enfants et la plupart des adolescents sont inhumés dans une position très particulière, totalement différente de celle des adultes (sur le côté, les genoux ramenés sous le menton) (Wenham 1968 : 38).

39 Les ustrina de Mackwiller (Hatt 1967 : 78‑85) sont associés à un mausolée isolé et non à un cimetière.

40 C’est le cas par exemple de l’ustrinum (?) découvert à Saffré (Loire‑Atlantique) qui se composait d’une fosse remplie de pierres rubéfiées et de fragments de charbon de bois provenant de bûches de 15 cm de diamètre au minimum.

41 Cf. par exemple les deux ustrina de Carnuntum : « Der römische Limes in Osterreich », cahier I, Vienne, 1900, col. 113, Tab. XIII, fig. 1‑2.

Table des illustrations

Légende Fig. 2  Rennes antique et ses nécropoles.
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Légende Fig. 3 – Corseul antique : découvertes funéraires. D’après Langouët 1976.
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Légende ● Fig. 4 – Alet antique et ses nécropoles.
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Légende ● Fig. 5  Carhaix antique et ses nécropoles.
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Légende ● Fig. 6  Douarnenez antique et ses nécropoles.
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Légende ● Fig. 7 – Quimper antique et ses nécropoles.
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Légende ● Fig. 8 – Vannes antique et sa nécropole.
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Légende ● Fig. 9  Cimetières romains de Nantes et de ses environs.
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Légende ● Fig. 10 – Nantes antique et ses nécropoles.
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Légende ● Fig. 11 ‑ Ossaria (?) du Morbihan. D’après Lepart 1956,
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Légende ● Fig. 12 – Répartition des stèles funéraires d’époque romaine. Petit triangle : 1 stèle ; grand triangle : de 2 à 30 stèles.
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Légende ● Fig. 13  Buste de La Vraie‑Croix (Morbihan).
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Légende ● Fig. 14 – Répartition des sépultures préhistoriques contenant du mobilier d’époque romaine.
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Légende ● Fig. 15 – Mausolée de Vendel (Ille‑et‑Vilaine). Plan d’après la description ancienne.
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Légende ● Fig. 16a – Mausolée de Langon (Ile‑et‑Vilaine). Vue d’ensemble.
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Légende ● Fig. 16b  Vue de l’abside.
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Légende ● Fig. 16c – Stèle de calcaire au‑dessus du porche.
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Légende ● Fig. 16d – Intérieur de la chapelle.
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© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1989

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