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Une exploitation minière du XVIe s. dans les Vosges

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Bruno Ancel
, 
Pierre Fluck

Conclusion

Texte intégral

1Le filon St‑Louis apparaît à l’heure actuelle comme le plus beau système vertical de France, tant sur le plan de la spéléologie minière que sur celui du patrimoine archéologique. Rendu accessible par plus de dix années de campagnes spéléologiques, il peut être considéré comme un modèle d’étude d’une exploitation minière verticale. Il est en même temps représentatif du système des sept filons du secteur du Neuenberg.

2Très attendues sont l’analyse des actes du procès de 1560 –l’affaire Eisenthür– dans laquelle St‑Michel cherchait à outrepasser ses droits et, surtout, la confrontation du plan des mines en conflit (St‑Michel‑Eisenthür et Le Chêne) avec les ouvrages souterrains actuellement visitables. Il faut noter avant tout la grande précision de ce plan du xvie s., qui, cependant, se restreint strictement au cadre du conflit, à savoir les galeries principales de part et d’autre de la jonction jusqu’aux limites de concession. Les différents rapports d’exploitation de cette époque font également apparaître le caractère conquérant de cette mine St‑Michel. Celle‑ci englobe rapidement Eisenthür, dont elle prend le nom, puis Le Chêne, pour fusionner enfin avec toutes les autres mines du filon, Notre‑Dame, St‑Oriel... Alors que le filon St‑Louis commence à montrer des signes d’épuisement, Eisenthür s’attaque aux autres filons du Neuenberg et partage l’exploitation avec l’Armée Céleste, une autre grande mine.

3L’inventaire des vestiges de surface est d’une importance primordiale pour guider à la fois l’exploration et l’étude des vestiges souterrains. Il nous rappelle que plus de la moitié de ces ouvrages restent encore inaccessibles et qu’il sera difficile d’y pénétrer. Leur originalité réside dans la présence de travaux au jour, les Verhaue, qui, dans ce cas, ne semblent pas correspondre à une exploitation médiévale.

4L’étude des vestiges souterrains a permis de découvrir ou de confirmer un grand nombre de faits. Cette campagne de fouille, mais aussi les activités menées pendant près de vingt ans par les spéléologues miniers locaux, nous ont donné les moyens de faire un bilan de l’architecture des ouvrages miniers, des méthodes de creusement, etc. Une topographie précise et la simple et patiente observation du milieu souterrain ont suffi pour mener à bien cette analyse. Sa force réside dans l’ampleur du champ d’investigation qui englobe tous les travaux miniers du filon St‑Louis, soit près de 4 km de réseau. L’apport de la spéléologie a été essentiel, notamment pour l’étude des dépilages. En effet, elle nous a permis de reconstituer l’évolution dynamique de l’exploitation, grâce à l’observation des sens de creusement des galeries et des puits, les unes et les autres ayant servi d’abord à explorer l’étendue des colonnes minéralisées, puis à les exploiter.

5La fouille s’est enfin déportée vers les autres filons du Neuenberg pour s’intéresser aux travaux effectués par l’Eisenthür. Malheureusement la plupart d’entre eux sont encore inaccessibles. Durant la fouille, nous avons néanmoins exploré, sur le filon St‑Guillaume, les niveaux inférieurs de Glückauf (Eisenthür inférieur) de même que des chantiers qui appartenaient à St‑Oriel, puis à Grandes Haldes. Ainsi ont été découverts et décrits un puits du xvie s. muni de son boisage et un carrefour de voies de roulage du xviiie s., tous deux en excellent état de conservation.

6L’étude structurale du champ filonien de Ste‑Marie‑aux‑Mines est au programme des axes de recherche en matière de sciences de la Terre. Si cet aspect n’a été que brièvement évoqué à l’occasion de la fouille des mines de Plomb en 1982, celle de St‑Louis nous a permis de livrer au lecteur les premiers résultats concrets d’une ébauche plus détaillée, centrée sur un quartier bien précis, de cette vaste étude, et d’entrevoir son impact sur la compréhension de l’exploitation des corps minéralisés d’un filon.

7La minéralisation du filon St‑Louis a été revue à l’occasion de cette fouille dont la grande nouveauté est de permettre un positionnement précis des espèces minérales dans le plan du filon, première approche de leur zonalité verticale. Les analyses chimiques des espèces porteuses d’argent nous ont fait entrevoir l’application possible de la minéralogie à l’histoire économique de l’exploitation. Enfin, plusieurs espèces secondaires inédites ont été récoltées dans la zone d’oxydation du filon, qui sont actuellement à l’étude dans le cadre des inventaires minéralogiques départementaux dirigés par le BRGM.

8Enfin l’étude climatologique vient à présent en complément de celle du système des mines de Plomb. Alors que cette dernière nous avait permis de tracer dans un même plan horizontal les courbes d’égale température de l’intérieur de la Terre, les investigations à St‑Louis ont abouti à leur tracé dans le plan vertical du filon. Ceci nous laisse entrevoir la possibilité d’utilisation de ces méthodes pour la reconstitution dans les trois dimensions du gradient géothermique. Cette recherche fondamentale, à notre connaissance originale, vient du reste en complément d’une foule d’investigations intéressantes en elles‑mêmes sur les circulations d’air et d’eau en milieu souterrain, et leurs applications à des fins archéologiques (mise en évidence de réseaux cachés, de jonctions...).

9Voilà donc présentée une étude globale d’un filon, qui met en œuvre des approches multiples et complémentaires. Quand on sait que cinq autres filons d’importance comparable sillonnent le Neuenberg, et que ce dernier n’est que l’un des quatre secteurs miniers de Ste‑Marie‑aux‑Mines, on prend conscience de l’ampleur des recherches qui attendent encore nos spéléologues‑archéologues miniers.

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1988

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