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Une exploitation minière du XVIe s. dans les Vosges

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Bruno Ancel
, 
Pierre Fluck

5. Les enseignements de l’étude souterraine

Texte intégral

5.1. Les galeries

« De telles galeries sont conçues et menées obliquement par rapport aux filons, afin que ceux‑ci soient attaqués lorsqu’on les traverse en croix ; de cette façon on ne peut pas les manquer. Si alors on rencontre du minerai, on suit la veine. Dans le but de trouver de nouvelles failles et filons, un mineur entreprenant ne manque pas de poursuivre en champs frais sa galerie sur la faille croiseur, afin de reconnaître si d’autres filons encore peuvent être rencontrés ».
Guillaume Prechter, 1602

1Bien qu’aucun relevé systématique de sections architecturales n’ait été effectué, les quelque 2 500 m de galeries étudiées ont néanmoins livré ou confirmé un grand nombre d’enseignements (Fluck, Bari 1983 ; Maurer, Frechard 1977).

2Le style architectural d’une galerie (ou d’un travers‑bancs) dépend en premier lieu de la nature de la roche encaissante ou de l’accident tectonique qu’elle suit. Creusée sur une faille ébouleuse, une galerie est informe tout en demeurant plus étroite qu’une galerie creusée à l’explosif (à partir du xviie s.). Il en est de même dans les zones proches de la surface où la roche est extrêmement fracturée et altérée. A l’inverse, c’est en roche vive qu’une galerie montre les plus belles sections. Dans les travaux du filon St‑Louis, c’est le style classique ogival tronqué qui prédomine. Cependant une portion de la galerie principale de St‑Louis‑Eisenthür montre une curieuse section renflée dans sa partie supérieure, analogue à la forme d’un cercueil.

3Les parois des galeries portent, lorsque la qualité de la roche le permet, les traces laissées par les outils de taille (pointerolles, fig. 55). Ces traces, ou plutôt ces stries, subhorizontales près du plafond (fig. 56), subverticales près du plancher, accusent une courbure qui indique le sens de creusement. Ainsi, dans les réseaux de galeries complexes, l’observation des traces de pointerolles (même si elles sont peu visibles) permet de reconstituer la dynamique du creusement (petites flèches figurées sur les topographies).

● Fig. 55. – Extrait d’une gravure du De Re Metallica de G. Agricola (1557) montrant un mineur taillant la roche à l’aide du marteau et de la pointerolle.

● Fig. 56 – Traces de pointerolles près du plafond d’une galerie (le champ couvre environ une surface de 20 x 30 cm). La légère courbure des stries nous indique un sens de creusement de la droite vers la gauche.

photo M. Herr

4Les paramètres des sections de galeries sont d’une grande variabilité. La largeur de la sole reste à peu près constante, autour de 40 cm. La largeur à mi‑hauteur varie déjà beaucoup plus, de 45 à 60 cm (en dehors des zones de carrefour ou de puits). La largeur du plafond est relativement constante dans une même galerie, mais est sujette d’un secteur à l’autre à de très fortes variations, de 15 à 40 cm. Ce paramètre est manifestement lié au style propre à chaque mineur. Un autre exemple de différence de style apparaît dans l’allure des portions courbes de galeries. Certaines sont parfaitement régulières alors que d’autres montrent dans leurs parois une succession de restes de front de taille.

5Le paramètre le plus variable est la hauteur des galeries principales allant de 1,60 à 3 m (en général les variations sont comprises entre 1,80 et 2,20 m). Ces fortes variations, visibles dans toutes les mines à grand développement, sont parfois observées sur de courtes distances. Elles affectent peu la hauteur des faux plafonds et ne sont donc pas liées à l’utilisation de ces galeries. Elles pourraient dans certains cas refléter des changements du mineur affecté à l’avancement du front de taille.

6Certaines galeries montrent, entre 0,40 et 1 m de hauteur, une évidente discontinuité des traces de pointerolles, parfois soulignée par une margelle (Le Chêne, St‑Anthony, Grandes Haldes 4). D’autres galeries montrent localement de telles traces de surcreusement à une faible hauteur du sol (moins de 30 cm). Elles sont très souvent difficiles à observer car à cette hauteur les parois des galeries sont recouvertes de boue quand elles ne sont pas inondées (St‑Louis).

7De telles galeries ont manifestement été creusées en deux temps. Un premier mineur creuse la partie supérieure de la galerie (sur 1,40 à 1,80 m de hauteur) et est suivi à quelques mètres en arrière par un second mineur qui abat la partie inférieure. Cette méthode de taille en deux temps est bien évidemment plus rapide et implique des hauteurs de galeries assez élevées

8En plus de ces traces, on rencontre fréquemment des Sitzorten à l’approche des fronts de taille. Les galeries secondaires de recherche sont aussi souvent des Sitzorten. Lorsque dans la galerie principale des traces sont visibles, elles correspondent toujours à ces Sitzorten.

9La hauteur des Sitzorten (qui excèdent rarement 20 m de longueur) est beaucoup plus stable que celle des galeries. Elle varie d’un Sitzort à l’autre de 1,20 à 1,80 m, en rapport avec la hauteur de la galerie dont ils sont issus. Il arrive que cette hauteur diminue jusqu’au front de taille, à un tel point que l’on peut se poser des questions sur la façon dont ils ont été creusés (0,80 m à Couronne d’Or !).

10Pour en revenir au problème des variations de hauteur, on peut envisager la solution suivante. Il était important que la pente d’une galerie soit la plus proche possible de 1 %, valeur jugée la plus efficace (écoulement des eaux, faible dénivellation...). Lors du percement d’une galerie, le mineur affecté au front de taille creuse sur une certaine longueur. Celle‑ci est ensuite examinée par un maître niveleur qui fait effectuer des surcreusements pour rattraper l’erreur de pente. Ces surcreusements peuvent être alors faits lors de l’abattage de la partie inférieure dans le cas d’une taille en deux temps. Ainsi, si la sole de la galerie est régulière, son plafond montre une succession d’élévations et de rabattements, témoins des réajustements successifs (fig. 57). A cela peuvent s’ajouter bien sûr des changements de style suite à des changements de mineurs.

● Fig. 57 – Profil idéal d’une galerie XVIes. Hauteur = 2 m ; F = front de taille ; D = déblais non évacués ; S = Sitzort ou galerie basse creusée par le mineur de tête : M = marche précédant le Sitzort, elle est abattue par le second mineur qui rectifie ainsi la pente de la galerie (1°) ; R = rabattement du plafond ; M = margelle ou traces de l’ancien plancher du Sitzort.

11Quelques mètres au‑delà de l’entrée des mines Couronne d’Or, St‑Louis moyen, Glückauf, Le Chêne, St‑Louis‑Eisenthür et St‑Michel, on rencontre, aménagée sur la gauche de la galerie, une petite salle basse. Elle pouvait servir de lieu de stockage de matériel, à l’abri des intempéries de l’extérieur.

12Nous ne développerons pas ici le thème des techniques d’avancement des fronts de taille (Faerber 1983). Dans les travaux miniers du filon St‑Louis prédominent les fronts de taille lisses et les fronts de taille à gradins.

13Regardons maintenant dans leur ensemble ces grands réseaux de galeries d’approche. La quasi‑totalité des galeries sont creusées sur un filon (stérile) ou une faille plus ou moins importante. Ainsi prédominent trois directions de galeries : E.‑O. (filons), N.‑E./S.‑O. (faille côté Rauenthal) et N.‑S. (faille côté Petite‑Lièpvre). On constate que les failles principales, faciles à creuser, ont été utilisées pour explorer vers le nord et vers le sud le faisceau filonien de St‑Louis (n’oublions pas que le filon se divise en de multiples branches parallèles plus ou moins minéralisées), mais aussi pour percer des travers‑bancs d’accès.

14A St‑Louis inférieur les mineurs suivent le filon par une fracture à peine visible. Les branches secondaires ne sont suivies que sur quelques mètres par des Sitzorten. La faille médiane est mise à profit pour explorer le sud. Arrivés sur la faille reculée, après avoir vérifié que le filon ne se poursuivait pas au‑delà, les mineurs ont compris que le filon était décalé vers le nord.

15A Glückauf la faille d’entrée a été utilisée à la fois pour percer le travers‑bancs d’entrée et pour explorer vers le nord. Le filon, à peine perceptible, décalé vers le sud par plusieurs petites failles, a été suivi par les mineurs sans la moindre hésitation.

16A St‑Louis‑Eisenthür les galeries de recherche sur faille ne sont pas développées. Les mineurs avaient pour objectif d’atteindre rapidement les zones productives au cœur de la montagne. Ainsi ils ont négligé de suivre le filon stérile pour atteindre une faille plus facile à creuser.

17Par contre dans Le Chêne, les mineurs ont perdu le filon stérile dans une zone de fractures et ont été obligés de s’enfoncer en roche vive sur près de 130 m.

18Ainsi il apparaît que les mineurs de la seconde moitié du xvie s. possédaient une grande connaissance des phénomènes géologiques et qu’ils comprenaient la géométrie et l’agencement dans l’espace des filons.

19Les galeries sont fréquemment encombrées, voire obstruées par des comblements de stériles généralement contemporains de l’exploitation. Les comblements du xviiie s., caractérisés par l’abondance de gros blocs, sont assez rares. Ces comblements ne sont pas répartis au hasard et on peut en distinguer trois groupes.

20De petits comblements (moins de 1 m3) sont localisés à quelques mètres en arrière ou au pied des fronts de taille. Il s’agit des déblais issus de l’avancement de ces fronts de taille et qui n’ont pas été évacués.

21Des galeries secondaires sont parfois comblées plus ou moins totalement sur toute leur longueur. Ces galeries sont assez courtes (moins de 5 m). Au xviiie s. en revanche de très longues galeries pouvaient avoir été totalement comblées.

22Enfin les premiers mètres de certaines galeries secondaires sont partiellement comblés. Les mineurs n’ont comblé que les espaces disponibles proches de la galerie principale, c’est‑à‑dire proches de la voie de roulage. Ces comblements permettent d’établir une chronologie des percements de galeries.

5.2. Les foncées

23Une foncée est par définition un ouvrage s’enfonçant à partir de la sole d’une galerie et ne possédant pas d’aménagement à son sommet. Sa largeur est donc celle d’une galerie, soit environ 50 cm. Sa longueur ne dépasse pas 2 m sauf dans le cas où elle rencontre une zone productive et se poursuit par un dépilage. Sa profondeur ne dépasse pas 3 m. Elle entre souvent en jonction avec des travaux sous‑jacents (une vingtaine de cas) mais peut aussi demeurer « aveugle » et être alors inondée (11 cas).

5.3. Les puits

24Un puits est par définition un ouvrage descendant possédant un aménagement à son sommet. Les 24 puits étudiés (dont la moitié en zone dépilée) ont une section rectangulaire moyenne de 2,50 x 1,10 m, et sont toujours foncés sur un filon (13 cas), sur une faille (6 cas) ou sur le croisement d’un filon et d’une faille (5 cas).

25Les puits foncés sur un filon ont souvent le double rôle d’exploration et d’extraction. Leur gabarit est généralement assez faible, jusqu’à 1,60 x 0,90 m ou 2 x 0,55 m pour une profondeur souvent voisine de 10 m et ne dépassant pas 25 m. Les puits foncés sur une faille à l’écart du filon sont de gabarit plus élevé, jusqu’à 3,80 x 1,50 m ou 3,50 x 1,80 m pour une profondeur souvent supérieure à 20 m. Ces puits creusés du haut vers le bas présentent des traces de pointerolles verticales.

26Le sommet d’un puits est aménagé en salle de manutention ou Hornstatt (fig. 58) qui peut prendre des dimensions importantes (jusqu’à 4,50 x 2,10 m). Il apparaît que le fonçage d’un puits commence par le creusement du Homstatt. A cette fin, les parois de la galerie sont creusées perpendiculairement jusqu’à obtenir un élargissement suffisant (qui n’est pas toujours symétrique). Il en résulte un plafond voûté dont la clef de voûte est l’ancien plafond de la galerie initiale. Suivant que cette galerie initiale est la galerie principale (filon) ou une galerie annexe (faille) l’aménagement est différent. Dans le premier cas l’allongement du puits est parallèle à la galerie principale. Le puits peut alors être en position centrale (puits du Grand Dépilage du Chêne) bordé par deux margelles souvent étroites, ou rejeté sur le côté, plus ou moins encastré dans la paroi, et bordé par une seule margelle assez large (P 19 du dépilage Eisenthür). Dans le second cas l’allongement du puits est perpendiculaire à la galerie principale. Le puits peut alors être dépourvu de margelle (P 4 comblé de la mine de la Crête), ou bordé d’une seule margelle (puits Eisenthür de lazone des Puits) ou de deux margelles (puits comblé de la galerie de St‑Michel).

● Fig. 58 – Schéma d’un Homstatt de puits du XVIe s. (salle de manutention).

27Le sommet d’un puits est toujours muni d’encoches destinées à recevoir les poutres transversales qui arment le boisage du puits. Ces encoches sont au nombre de 4 (exceptionnellement 6). De telles encoches sont parfois visibles dans le puits. Le cadre sommital est destiné à soutenir un treuil mû par une ou deux manivelles. Lorsque la place manque, on observe au biveau de cette (ou ces) manivelle(s) une (ou deux) niche(s) verticale(s) dans la paroi du Hornstatt. Enfin on observe parfois des rigoles dans la sole de la galerie principale, destinées à détourner du puits les eaux d’infiltration, ou au contraire à les y précipiter.

5.4. Les montages

28Un montage est un ouvrage vertical creusé du bas vers le haut. Deux exemples importants sont connus dans les travaux effectués sur la filon St‑Louis. Il s’agit du montage qui entre en jonction avec le travers‑bancs des Emmurés et du montage du réseau Colas. Tous deux sont tortueux et de faible gabarit (moins de 1,50 m de long).

29Il en est de même des montages connus dans les autres mines du Neuenberg (St‑Jacques, Chrétien inférieur, Gluckaut). Toutefois dans les mines de zinc sont connus des montages réguliers et semblables à des puits sans Hornstatt.

5.5. Les dépilages

30Un dépilage peut‑être assimilé à une fissure ouverte. Sa largeur varie de 40 cm à plus d’1 m suivant l’épaisseur du filon exploite et l’état de la roche. Ainsi les dépilages à l’est de la Grande Faille Verticale sont étroits et faciles à visiter en libre, alors que les dépilages ouest sont plus larges, ébouleux et souvent impossibles à visiter de cette manière. Leurs dimensions sont fonction de l’étendue et de la régularité des colonnes minéralisées.

31Sur le filon St‑Louis les zones dépilées sont généralement situées en dessous d’une galerie d’accès. Il existe cependant une dizaine de cas de dépilagées montants, c’est‑à‑dire des dépilages situés au‑dessus d’un niveau d’accès. Ce sont des travaux de faible étendue (moins de 25 m2) dont la morphologie reflète la façon dont ils ont été creusés. Tous ces dépilages montants ont été dépilés par des galeries montantes (jusqu’à 40°) dirigées alternativement vers l’est et vers l’ouest, définissant ainsi une élévation en zigzag. Ils sont également tous facilement visitables en libre (fig. 59).

● Fig. 59 – Exemples de dépilages montants. Les flèches indiquent la progression du creusement.

32Les autres zones dépilées ou dépilages descendants sont généralement de très grandes dimensions (jusqu’à 2 000 m²) et comprennent de vastes portions aux parois régulières et lisses, rendant leur exploration délicate. On y rencontre fréquemment, lorsque l’état de la roche le permet, des restes d’anciens puit et galerie.

33Ces anciens puits sont marqués à leur sommet par un Hornstatt traversé par le dépilage et par un élargissement souvent bien visible (fig. 60). Les anciennes galeries sont visibles grâce aux restes de leur plancher surcreusé (margelle, discontinuité des traces de pointerolles) et de leur plafond percé (léger rétrécissement où sont fréquemment coincés des blocs) et aussi par les traves de pointe‑rolles (tangentes à l’ancien plafond, et subverticales au niveau de l’ancien plafond). Ces niveaux de galeries se pour suivent souvent au‑delà des dépilages et leur conférent ainsi des bordures irrégulières où commencent des niveaux de galeries de recherche (dépilage du Chêne).

●Fig.60 – Grand Dépilage du Chêne. L’élargissement et les margelles correspondent à un ancien Hornstatt dont le puits a permis aux mineurs de reconnaître l’extension en profondeur de la minéralisation. Par la suite, le filon a été entièrement dépilé.

photo G. Lagarde

34Ces puits et niveaux de galeries « primaires » délimitent des zones qui ont été ensuite dépilées. Les traces de pointerolles et autres traces que l’on y observe indiquent que ces zones ont été dépilées à partir des puits par des niveaux de galeries subhorizontales. Deux secteurs diffèrent de ce schéma. La base du Grand Dépilage de St‑Michel est dépilée par des niveaux de galeries montantes issus de la salle de l’Avalanche, c’est‑à‑dire de la base du puits Eisenthür (creusé à l’écart du filon). Le Petit Dépilage du Chêne est dépilé par des niveaux de galeries issus d’un montage subvertical.

35Si le réseau St‑Louis/Langer Schacht/Emmurés détient actuellement la plus grande superficie de travaux dépilés, c’est parce que les comblements qui emplissaient ces dépilages ont disparu, effondrés, comblant les parties profondes (les quartiers de Notre‑Dame). Mais les traces de ces empilements (contemporains de l’exploitation du xvie s.) sont fréquentes. A la faveur du rétrécissement du dépilage est souvent aménagée la base de ces empilements. Lorsqu’elle était constituée d’un boisage (poutres et planches), celui‑ci a pourri, l’empilement s’est effondré, et ne subsistent aujourd’hui que des encoches et quelques poutres. Parfois de gros blocs coincés ou une consolidation des déblais par les eaux de ruissellement permettent la conservation partielle de ces empilements (dépilages Occidentaux). La base d’un empilement peut aussi être constituée par des blocs volontairement coincés dans un rétrécissement important, restes d’un plafond d’une ancienne galerie (Grand Dépilage de St‑Michel). Ces comblements s’appuient souvent sur les bords de ces dépilages, mais ils peuvent également présenter une bordure verticale de pierres empilées (muret) très rarement conservée (zone des Puits).

5.6. Les salles

36Généralement les salles rencontrées dans les mines correspondent à des Hornstätte de puits. Ceux‑ci peuvent atteindre des dimensions importantes, jusqu’à 5 x 3 m. Le réseau étudié renferme six grandes salles qui ne sont pas des Hornstätte.

37La salle sur la faille de Glückauf (8 x 3 x 4 m) est située à la croisée du filon et d’une importante faille ébouleuse. Ses bords est et ouest sont limités par des Hornstätte de travaux descendants (puits comblé et descenderie noyée). L’élargissement central résulte de l’effondrement partiel du plafond et du côté sud (en partie déblayé au xviiie s.).

38La salle Perchée (6 x 2 x 7 m) est, comme la plupart des travaux de la zone des Puits, à la croisée du filon et de la Grande Faille Verticale. Cette salle correspond en partie à un élargissement du dépilage vers le sud qui rattrape le décalage du filon par la faille et met ainsi en continuité le Grand Dépilage de St‑Michel et le dépilage est des Emmurés. Elle est limitée à l’ouest par la faille sur laquelle est creusée une foncée.

39Au‑dessous se trouve la salle Triangulaire (7 x 3 x 5 m) limitée à l’est par la faille. A l’origine il s’agissait d’un carrefour où se rencontraient un dépilage dédoublé et des travaux sur la faille (foncée) qui délimitaient une sorte de pilier central aujourd’hui effondré.

40Plus bas est située la salle de l’Avalanche (10 x 3 x 5 m) d’où partent de nombreuses galeries. Son côté nord‑est est la base du puits Eisenthür. Son côté ouest est un Homstatt de puits sur le filon. Sa partie centrale résulte de l’effondrement du sommet d’un puits creusé sur la faille et très proche du dépilage.

41La base de la Cathédrale (6 x 2 x 8 m) est un élargissement du dépilage au niveau de deux puits parallèles dont les parois nord se sont partiellement effondrées.

42La salle Marc (24 x 3 x 8 m), la plus grande salle souterraine du district minier de Ste‑Marie‑aux‑Mines, est issue de l’effondrement des parois du dépilage qui à cet endroit se dédouble vers l’ouest.

43Ainsi ces six salles résultent de l’effondrement de zones où la roche encaissante est fragile (faille ou filon ébouleux) et où préexistent d’importantes cavités (puits, carrefour) qui contribuent à déstabiliser la roche (phénomène de décompression) et qui peuvent « absorber » les éboulis, afin que les lieux ne soient pas comblés.

5.7. Les travaux du xviiie siècle

44Comme nous le rapportent les sources écrites, la quasi‑totalité du filon St‑Louis a été dépilée durant la seconde moitié du xvie s. Au xviiie s. cependant, ce filon a fait l’objet de travaux.

45Ainsi la mine des Grandes Haldes (Notre‑Dame) est le siège d’une intense activité minière. En fait, celle‑ci exploite le filon voisin de St‑Guillaume par l’intermédiaire du travers‑bancs de St‑Oriel. Il en est de même de la mine Glückauf (Eisenthür inférieur). La halde de St‑Anthony a probablement fait l’objet de retraitement, et l’on a en vain essayé de passer l’éboulement final de ce travers‑bancs.

46Côté Rauenthal, St‑Louis‑Eisenthür, appelé alors Grand St‑Louis, est rouverte et quelques travaux sont effectués sur la première colonne minéralisée, à l’est de la faille de Glückauf, et sur le filon Nord dans les fonds du dépilage Eisenthür. Ces petits dépilages creusés à l’explosif sont assez larges (70 à 80 cm en moyenne), et leurs parois recouvertes de poussière montrent de fréquentes traces de trous de fleuret.

47Dans le dépilage du Langer Schacht, sur la branche nord, on observe quelques travaux effectués à l’explosif attribués au XVIIIe ou au XIXes.

5.8. Le système d’aérage

« Souvent il arrive qu’en avançant, en s’enfonçant ou en s’élevant les airs stagnent, de sorte que l’on ne peut plus poursuivre. C’est pourquoi les galeries que l’on creuse au début d’une exploitation sont habituellement hautes, afin que, pour le cas où l’aération vienne à manquer, on puisse y établir une séparation boisée étanche dans le faîte, qui est poursuivie vers l’intérieur de la montagne, de sorte que l’air puisse se renouveler, c’est‑à‑dire pénétrer dans la montagne par un étage de la galerie, et à nouveau ressortir par l’autre ».
Guillaume Prechter, 1602

48La quasi‑totalité des mines du filon St‑Louis (à l’exception de St‑Michel et St‑Anthony) possède un système d’aérage. Le principe d’un tel système est simple. Il consiste à créer un second orifice, supérieur à l’entrée de la mine, qui communique avec une canalisation d’air aménagée dans la mine (faux plafond) et qui permet le renouvellement de l’air des parties profondes de l’exploitation. Ce système peut fonctionner tout seul du fait de la différence de température de l’air entre l’extérieur et l’intérieur. Ainsi en hiver, l’air froid extérieur est aspiré à l’entrée de la mine, se réchauffe dans celle‑ci en parcourant les galeries puis la canalisation et s’échappe par l’orifice supérieur. En été, l’air chaud extérieur est aspiré par l’orifice supérieur, se refroidit dans la mine et s’écoule par l’entrée. Ce mouvement d’air pouvait être intensifié, voire provoqué, à l’aide de soufflets ou de moulins à vent disposés au niveau de l’orifice supérieur (Agricola 1557).

49L’orifice supérieur est généralement un puits vertical appelle puits d’aérage. Il est situé à moins de 50 m de l’entrée et parfois si près de cette entrée qu’il arrive qu’il soit détruit lors de la réouverture de la mine (Glückauf, St‑Oriel). Sa hauteur dépend de son emplacement et de la topographie de la surface. Elle varie de quelques mètres à près de 20 m (travers‑bancs des Emmurés). Il est difficile de donner un gabarit moyen de ces puits, car ils sont tous comblés à l’exception de celui de St‑Louis. Ces comblements représentent un sérieux obstacle pour l’exploration de ces mines. Le puits d’aérage de St‑Louis a été entièrement décombré. Celui des Emmurés a été franchi grâce à l’installation d’un boisage. Celui du Chêne ne provoque qu’une obstruction partielle de la galerie. Ceux du travers‑bancs Nord et des Grandes Haldes demeurent infranchissables.

50Les mines Grandes Haldes 4 et St‑Louis inférieur montrent des dispositifs différents. Elles possèdent une galerie supérieure d’aérage qui communique avec la galerie principale respectivement par un puits (13 m) et un montage (3 m).

51Au‑delà du puits d’aérage apparaissent les traces de faux plafond. On observe de petites encoches situées entre 1,80 et 2 m de hauteur, très rapprochées dans les portions sinueuses (0,50 m) et peu rapprochées dans les portions rectilignes (1,50 m). De petites poutres s’y logeaient et soutenaient des planches qui constituaient le faux plafond. Ces planches délimitaient ainsi une canalisation d’aérage dont la hauteur (entre les planches et le plafond de la galerie) dépendait de la hauteur de la galerie (de 0,10 à 1 m). Parfois on observe des rainures creusées dans les parois qui permettaient une meilleure insertion de ces planches. Enfin ce dispositif était étanchéifié par de l’argile disposée par‑dessus les planches. Les traces de cette argile sont bien souvent les seuls vestiges qui nous restent de ces faux plafonds. Elles forment une ligne brune qui court le long des deux parois de la galerie.

52Juste au‑delà d’un puits d’aérage, on remarque systématiquement un relèvement du plafond des galeries comme si aux abords de ces puits la canalisation d’air était étranglée, ce qui avait un effet sur l’écoulement de l’air. Les traces de faux plafond ne sont pas toujours très visibles notamment dans les carrefours de galeries ou les sommets de puits. Dans Grandes Haldes 4, à 164 m de l’entrée, on peut bien observer l’aménagement du faux plafond à un carrefour. Les traces d’argile se poursuivent normalement dans la galerie secondaire (Sitzort) sur une trentaine de centimètres, puis montrent un arrêt brutal de la canalisation d’air, obturée jadis par une planche verticale.

53Dans Glückauf, à 140 m de l’entrée, se trouve un Hornstatt de puits comblé. Son plafond est traversé par l’ancien plafond de la galerie, plus haut de 20 cm, et qui, muni d’un faux plafond, constituait une parfaite canalisation au‑dessus de ce puits. Dans les autres cas, les plafonds de la galerie et du Hornstatt sont à niveau. Le faux plafond devait y être relayé par une conduite en planches accrochée à ce plafond.

5.9. L’acheminement

« Sur le sol des galeries et streckes on installe des rails en hêtre, longs chacun de deux toises et larges d’un demi‑pied, que l’on place en deux rangées sur d’épaisses planches ou ais, de sorte qu’il subsiste au centre un espace constant de deux pouces, et on les fixe avec des chevilles en bois. Ceci est une voie de roulage. »
Guillaume Prechter, 1602

54Toutes les galeries principales du filon St‑Louis étaient équipées d’une voie de roulage au xvie s. Mais il n’en reste que peu de traces : des fragments de rails ou de pièces de jonction préservés dans de petites laisses d’eau et de boue. Les études menées sur d’autres mines dans le haut Altenberg (Rluck, Ancel 1985, rapport de fouille inédit) et à St‑Pierremont (Ancel, Fluck, Herr 1985) ont montré l’importance du système de la voie de roulage au xvie s. : utilisation systématique dans les galeries de plus de 50 m, montage par tranche successive d’une vingtaine de mètres, entretien et recyclage des pièces de bois...

55Le réseau de Glückauf renferme de longues portions de voie de roulage datant de l’exploitation du xviiie s. On les rencontre dans toutes les parties inondées du niveau 0 : dans la galerie sur le filon St‑Louis et dans le travers‑bancs sur la faille de Glückauf. Les rails y sont dans un excellent état de conservation mais hélas ont été très souvent déplacés par les allées et venues de visiteurs (depuis près de 18 ans).

56Dans le nouveau réseau inférieur de Glückauf, la galerie (– 63) issue des Grandes Haldes possède également une voie de roulage du xviiie s. Elle n’est pas très bien conservée car elle se trouve à fleur d’eau et, en de nombreux endroits, s’écrase à la moindre pression. Dans cette galerie du xvie s., élargie au xviiie s., dans l’ensemble rectiligne, les rails sont chevillés sur des pièces de jonction et ont souvent une longueur de 2,50 m. Cette voie de roulage est fréquemment bordée par d’anciens rails usés.

57En suivant cette galerie on débouche sur un carrefour de voie de roulage parfaitement conservé et qui a pu être étudié sans la moindre fouille (fig. 61, 62). A cet endroit la voie principale oblique selon un angle de 130°. La voie secondaire se raccorde dans cet angle fermé et ses rails butent contre le rail nord de la voie principale. Ils y sont maintenus en étant chevillés sur une pièce de jonction. La sortie des chariots se faisant vers l’ouest, le passage de ce carrefour nécessitait une rotation du chariot de plus de 100°. Une éventuelle liaison entre la branche principale est et la branche secondaire nord était possible en utilisant une petite portion de voie de roulage, composée de deux rails courts disposés à même le sol (cailloutis) sans pièce de jonction : précaire liaison qui de toute façon n’a pas de raison logique d’exister.

● Fig. 61 – Carrefour de la voie de roulage dans la mine Glückauf.

photo B. Ancel

● Fig. 62 – Plan du carrefour de la voie de roulage, niveau – 63 de Glückauf.

relevé B. Ancel

5.10. Le puits boisé de Glückauf

« Au sommet des puits qui servent à l’extraction des minerais et du stérile, à l’acheminement du bois, de l’eau et de tout ce qui est nécessaire à l’activité de la mine, on établit un treuil muni d’une ou deux manivelles, et fixé dans les boisements du sommet du puits : on nomme l’ensemble Hängebank. »
Guillaume Prechter, 1602

58Les fouilles de 1982 aux mines de Plomb avaient amené la sensationnelle découverte, au cœur de la montagne, dans un magnifique complexe de galeries du xvie s. issues du vallon de St‑Philippe, d’un petit puits inondé, encore muni de son boisage du xvie s. en parfait état de conservation (ultérieurement détruit par vandalisme).En 1983 la fouille de St‑Louis a également amené une découverte plus que sensationnelle, miraculeuse : un puits du xvie s. boisé certes, mais non inondé et du fond duquel on a atteint des travaux issus de St‑Oriel (carrefour de la voie de roulage).

59Ce puits est situé dans les niveaux inférieurs de la mine Glückauf (Eisenthür inférieur) sur le filon St‑Guillaume. Il est creusé sur la faille de Glückauf, à l’écart du filon, quelques mètres au sud d’une galerie du xvie s. élargie au xviiie s. (niveau -41). Son Hornstatt (4 x 2,20 m) est aménagé au mur de la faille (côté sud‑est) dans une roche saine (belle architecture du xvie s.). Le puits (2,40 x 1 m) est situé contre le miroir de faille (côté nord‑ouest) et est bordé par deux niches creusées dans le toit de la faille dans le but de faciliter la manipulation du treuil. La niche droite possède une petite margelle où sont creusés deux petits trous cylindriques (?). Du travers‑bancs d’accès arrive une rigole qui s’évase et s’approfondit au contact du puits. Le fond du Hornstatt est occupé sur toute sa largeur par une banquette haute de 50 cm environ et constituée par des stériles entassés derrière deux poutres superposées.

60Le boisage de ce puits du xvie s. (fig. 63), se compose de deux poutres transversales maîtresses et d’une troisième poutre transversale qui définit sur la gauche du puits un compartiment servant à l’aérage. Sur ces poutres reposent, près du miroir de faille, deux poutrelles et près du bord avant une poutre longitudinale. Cette dernière est bordée par une seconde poutre qui repose essentiellement sur la roche. Ces deux poutres définissent ainsi une sorte de plancher de réception des cuveaux qui étaient remontés du puits. Accolés à ce plancher se trouvent deux pièces de jonction, vestiges de la voie de roulage du xvie s. qui desservait ce puits. Par‑dessus le cadre sommital sont disposées plusieurs planchettes, probablement des vestiges d’un plancher qui recouvrait le puits (après son abandon). Les deux poutres transversales maîtresses sont percées d’un trou rectangulaire où étaient fichés les deux montants du treuil. Les axes et les manivelles de ce treuil n’ont pas été retrouvés.

● Fig. 63  Plan et coupes du puits boisé de Glückauf (XVIes.) (a = compartiment d’aération, b = banquette, e = échelle g = galerie d’accès, 1 = poutres longitudinales, m = montants du treuil, n = niche. r = rigole, t = poutres transversales, v = pièce de jonction de la voie de roulage.

relevé B. Ancel

61Dans le puits incliné à 60° sur la faille (2,40 x 0,65 m) se succèdent tous les 2 m un assemblage de 2 ou 3 poutres transversales. Il y repose une poutre longitudinale qui n’occupe que les deux tiers droits du puits et sur laquelle étaient fixées une échelle et des planches. En effet les poutres transversales délimitent trois compartiments. A droite se trouve le compartiment d’aérage, à l’origine séparé des autres compartiments par une cloison de planches étanchéifiée par de l’argile. La trace de cette argile est bien visible sur les parois du puits. A 8 m de profondeur le puits recoupe le filon. A cet endroit débute, depuis le compartiment d’aérage, un étroit montage d’aérage qui rejoint rapidement des travaux comblés. Au centre se trouve le compartiment du treuil où étaient fixées des planches qui facilitaient la remontée des cuveaux. Enfin à gauche se trouve le compartiment à échelle par lequel cheminaient les mineurs. Les équipements de ces compartiments se sont mal conservés : planches et échelles ont été retrouvées brisées au fond du puits.

62L’excellent état de conservation de ce boisage de puits non inondé provient des faits suivants. Lors de l’exploration en première nous avons constaté que le boisage et le sol du Hornstatt et du travers‑bancs d’accès étaient recouverts par une fine couche de boue séchée. Bien que le puits avoisine des travaux de reprise du xviiie s., aucune trace de pas n’était visible. Ce puits avait été abandonné au xvie s. sans qu’il en soit issu de galeries. Il demeura inondé jusqu’au xviiie s. Lorsque Grandes Haldes reprit les travaux sur le filon St‑Guillaume, réutilisant la galerie du xvie s. (-63) issue de St‑Oriel, les mineurs ont percé le fond du puits et l’ont dénoyé, réalisant une jonction probablement involontaire avec la mine Glückauf. Le puits ne fut pas réutilisé. Cependant deux siècles de mise à l’eau ont permis aux boisages de mieux résister durant les siècles suivants.

63Les pompages de puits inondés menés depuis 1983 (mine Wurtzelmauerstollen à St‑Pierremont, Vieux‑Rimpy à l’Altenberg, Lingoutte et mine de Zinc au Neuenberg) et les observations réalisées aux cours de nombreuses visites souterraines ont permis de se faire une bonne idée sur les boisages de puits (Ancel 1985 b). Dans la quasi‑totalité des cas, il apparaît une structure en deux compartiments : l’un pour la circulation des cuveaux (avec des planches de glissement) et l’autre plus petit pour la circulation des mineurs (avec des échelles) ; le tout surmonté d’un dispositif de treuillage (fig. 64). L’originalité du puits boisé de Glückauf réside dans la présence d’un compartiment réservé à l’aération.

● Fig. 64 – Reconstitution d’un boisage de puits du XVIe s de type « standard ». D’après l’exemple du puits de la mine Wurtzelmauerstollen à St‑Pierremont (Ancel 1986),

5.11. Les travaux de l’Eisenthür sur les autres filons du Neuenberg

64L’exploitation du filon St‑Louis a été très rapide et dès 1570 Eisenthür/St‑Michel/Notre‑Dame/St‑Oriel (mines réunies) se lance dans l’exploitation des filons plus au sud par l’intermédiaire de deux travers‑bancs : Eisenthür inférieur (Glückauf supérieur du xviiie s.) et St‑Oriel (Grandes Haldes du xviiies.) (fig. 65).

● Fig. 65 – Coupes sériées à travers le massif du Neuenberg montrant les profils des travaux miniers de chaque filon (le filon St‑Jacques est double). Par souci de clarté, seuls trois travers‑bancs sont indiqués : le travers‑bancs de Glückauf qui relie les filons St‑Louis et St‑Guillaume, le travers‑bancs de König Salomon sur la faille reculée de l’Armée Céleste entre les filons St‑Jean et St‑Jacques, le tracé supposé du travers‑bancs de St‑Oriel (en pointillé) qui recoupe successivement les filons St‑Louis, St‑Guillaume, St‑Jacques et St‑Jean. Le point de passage de St‑Oriel dans chaque filon est marqué par un cercle (zones inexplorées).

dessin P. Fluck, B. Ancel

65Dans Eisenthür inférieur (Glückauf), de la galerie de recherche sur le filon stérile de St‑Louis, part un long travers‑bancs nord‑est/sud‑ouest, creusé sur la faille de Glückauf, qui atteint le filon St‑Guillaume au bout de 270 m. A cet endroit ce filon est divisé en deux branches.

66La branche nord est suivie vers l’est par un petit dépilage montant creusé à partir d’une galerie montante. A +7, commence vers le sud un travers‑bancs bas et montant qui rejoint le filon principal où il entre alors en jonction avec la base d’une descenderie, issue d’une mine supérieure. Cette mine, appelée aujourd’hui mine des Narines, a exploité le faîte des zones productrices du filon St‑Guillaume, notamment le Vieux Dépilage aux Poutres.

67Sur la branche principale, 4 m plus au sud, se trouvent également des travaux ascendants qui atteignent la base empilée du Vieux Dépilage aux Poutres. Vers l’ouest s’ouvre une galerie éboulée au bout de 70 m sous des dépilages du xviiie s. remblayés. Il s’agit de la galerie d’allongement mentionnée dans le rapport de 1575 qui atteint sans doute au bout de 170 m la faille des Grandes Haldes, « à deux puits plus haut que la galerie de St‑Oriel ».

68A l’arrivée du travers‑bancs s’ouvre à droite un puits incliné creusé sur la faille de Glückauf. De sa base (-22) part un travers‑bancs qui rejoint en 17 m le filon principal. Vers l’est les travaux se sont rapidement éboulés. Vers l’ouest s’ouvre un large puits (comblé à 35) suivi de dépilages descendants et ascendants en partie comblés. A -41 on atteint un second niveau de galerie (élargi au xviiie s.) issu du puits comblé. Vers l’ouest et vers l’est, les travaux se sont rapidement effondrés. Sur la faille de Glückauf, à l’écart et au sud du filon, se trouve un puits incliné qui a conservé son boisage d’origine (xvie s.). Sa base est percée vers 60 par des travaux du xviiie s. issus des Grandes Haldes (St‑Oriel).

69Eisenthür inférieur a participé de façon non négligeable à l’exploitation du filon St‑Guillaume. Ses travaux sont entrés en jonction avec St‑Oriel et Les Narines, mais pas à notre connaissance avec les travaux de St‑Pierre et de St‑Guillaume. Tous ces travaux ont été largement repris au xviiie s. et en partie remblayés par des empilements souvent effondrés.

70De St‑Oriel, nous ne savons pas grand chose et bien que les archives la décrivent abondamment, nous ne sommes même pas certains de connaître l’emplacement de son entrée.

71Ce travers‑bancs qui recoupe successivement les filons de St‑louis, St‑Guillaume, St‑Jacques et St‑Jean a été réutilisé au xviiie s. L’extraction se faisait alors par Grandes Haldes (Notre‑Dame du xvie s.), ce qui implique pour St‑Oriel une cote altimétrique voisine de 600 m. Ceci est corroboré par le rapport de 1575 qui nous dit que Glückauf (cote 660 m) n’est qu’à deux puits plus haut. Ainsi il semble tout naturel de situer l’entrée de St‑Oriel aux abords du filon de zinc sous la grande halde de St‑Anthony, comme le suggère par ailleurs le plan des filons de 1530. Mais ce même plan nous dit que l’entrée du travers‑bancs de St‑Oriel est à 535 m du filon St‑Louis. Compte tenu du pendage de la faille des Grandes Haldes, considérée jusqu’alors comme étant la faille que suit ce travers‑bancs, la halde de St‑Oriel serait alors 200 m plus au nord. Cela semble peu probable car le travers‑bancs recouperait le filon de zinc, ce que les anciens rapports ne manqueraient pas de signaler. De plus, dans ce secteur et vers 600 m d’altitude, il n’existe pas de haldes importantes. Le problème reste posé d’autant plus que la tentative de réouverture de St‑Oriel présumée a montré qu’il s’agit probablement de travaux se dirigeant vers le filon.

72Le travers‑bancs de St‑Oriel a atteint le filon St‑Guillaume vers 1575. Il y a été mené vers l’est une galerie d’allongement, mais vu la faible productivité du filon aucun chantier important n’y a été installé. Cette galerie est très certainement la galerie du xvie s. élargie au xviiie s. du niveau -63 de Glückauf (ce qui corrobore notre hypothèse concernant la cote altimétrique de St‑Oriel). Au xvie s. elle a été poussée jusqu’à peu de distance du puits boisé de l’Eisenthür inférieur. Les exploitants du xviiie s., moins exigeants, ont considérablement dépilé ce secteur, opérant des jonctions avec les mines Glückauf et St‑Guillaume (percement de la base du puits boisé).

73Une exploration menée en 1986 dans les réseaux inférieurs de Glückauf a considérablement éclairci la situation. Une désobstruction au niveau -63 nous a permis d’atteindre vers l’ouest des travaux essentiellement du xviiie s., et un grand montage de plus de 50 m de hauteur, creusé sur la Grande Faille Verticale (celle de la zone des Puits du filon St‑Louis). Plus à l’ouest, on retrouve au niveau 63 une galerie du xviiie s. creusée d’est en ouest, issue de la base du grand montage (hélas comblé sur près de 10 m de haut). Ces éléments nous positionnent le passage du travers‑bancs de St‑Oriel non pas sur la faille pentée appelée (à tort) des Grandes Haldes, mais sur la Grande Faille Verticale. Cette faille croise le filon St‑Louis à la cote 600 à environ 530 m du versant de la Petite‑Lièpvre : l’entrée de St‑Oriel n’est autre que celle des Grandes Haldes. Contrairement à ce que suggèrent les sources écrites, les 535 premiers mètres de ce « travers‑bancs » de St‑Oriel correspondent en fait à une galerie d’allongement sur le filon St‑Louis (probablement stérile à ce niveau).

74Le filon St‑Jacques a été atteint vers 1578 et d’importants travaux auraient été menés vers l’ouest. Ce secteur était partagé entre l’Eisenthür (mines réunies) et l’Armée Céleste venue du sud par un travers‑bancs de 300 m (cote 705 m) superposé à celui de St‑Oriel.

75Enfin l’arrivée du travers‑bancs de St‑Oriel sur le filon St‑Jean est probablement située à l’est du dépilage du Paradis (fonds de la Treille) au‑delà d’une zone complexe (dédoublement du filon). A cet endroit, sous une trémie instable, on entend le bruit d’une forte circulation d’eau...

5.12. Organisation et évolution dynamique de l’exploitation du filon St‑Louis

« En leurs fosses et allées sous terre, ils suivent la conduite de l’aimant ou compas, ni plus ni moins que des pilotes. Quand ils ont fait un puits de certaine profondeur, ils minent et creusent puis après à côté et font un autre puits et par ainsi ils descendent continuellement bas par merveilleux conduits et détours, jusqu’à ce que l’eau les empêche de fouiller plus avant. »
Sebastian Münster, 1550

76L’organisation de l’exploitation du filon St‑Louis au xvis. peut être examinée à diverses échelles. A l’échelle de la montagne du Rain de l’Horloge (Neuenberg), on observe, en dehors des zones productives, la juxtaposition de galeries de recherche et/ou d’accès. Distantes de 30 à 80 m, elles explorent le champ du filon sur une dénivelée de 350 m (fig. 14).

77Au sein des colonnes minéralisées, devenues aujourd’hui de vastes zones dépilées, on peut reconnaître d’anciens niveaux de galeries horizontales et de puits verticaux qui définissent une trame serrée, et qui ont permis d’explorer et d’exploiter le filon. Les puits se succèdent souvent l’un au‑dessus de l’autre (zone des Puits, puits du Langer Schacht et du Grand Dépilage) et ces zones de puits sont espacées entre elles de 30 à 50 m. Les principaux niveaux de galerie sont distants de 10 à 15 m et dépassent fréquemment les limites des zones productives. Sauf exception, l’exploitation du filon s’est effectuée du haut vers le bas.

78Du côté du Rauenthal (fig. 66) la quasi‑totalité du filon a été explorée sur plus de 100 m de dénivellation à partir des puits et des galeries issus du Langer Schacht (cote 775 m) que l’on peut considérer comme une entrée supérieure de St‑Michel. En s’approfondissant, ces travaux sont successivement entrés en jonction avec les galeries de St‑Michel (cote 740 m) puis de l’Eisenthür (cote 690 m) par lesquelles s’est alors effectuée l’extraction du minerai. L’exploration de ce secteur a été réalisée en moins de 10 ans, la jonction de St‑Michel et de l’Eisenthür étant antérieure à 1560.

● Fig. 66  Profil général des zones dépliées, partie orientale, et indication de la dynamique de creusement.

dessin B. Ancel

79Du côté de la Petite‑Lièpvre (fig. 67), l’agencement des puits et des galeries est plus complexe. La mine de la Crête (cote 780 m) a exploré le faîte du filon sur environ 30 m de dénivellation. Les zones inférieures semblent avoir été explorées à partir d’une galerie (cote 750 m) issue soit du jour, soit d’une hypothétique zone de descenderie actuellement comblée (zone des Trémies) en connexion avec l’alignement de Verhaue en surface. L’un de ces deux pôles d’exploitation est peut‑être la mine Notre‑Dame. Plus bas encore, se trouvent les quartiers inexplorés de St‑Anthony et de Ste‑Marguerite.

● Fig. 67 – Profil général des zones dépilées, partie occidentale, el indication de la dynamique de creusement.

dessin B. Ancel

80La Grande Faille Verticale (fig. 68) qui partage l’exploitation en deux matérialisait une limite de concession. Plus précisément cette limite était orientée N.‑S. et passait par l’intersection de cette faille et du filon. Elle marquait la frontière entre les quartiers de Notre‑Dame (les mines de la Petite‑Lièpvre réunies) et les quartiers de St‑Michel‑Eisenthür jusque vers 1569 où toutes les mines du filon St‑Louis furent réunies. Cette faille‑limite est pourtant franchie en maints endroits (fig. 69) : par les travaux de la mine de la Crête, par la base du dépilage du Langer Schacht, par la galerie Oblique et par les travaux contigus au Grand Dépilage de St‑Michel (salle Triangulaire, dépilage est des Emmurés). Ces ouvrages peuvent être postérieurs à la fusion des exploitations, mais c’est peu probable puisqu’à cette époque le filon est alors presque totalement exploré et en grande partie dépilé. Il peut s’agir aussi de travaux pirates. Plus vraisemblablement il s’agit de travaux précoces, antérieurs à la décision d’utiliser la faille comme limite, d’autant plus qu’ils concernent les parties hautes de l’exploitation. En effet, plus bas, donc plus tard, cette limite n’est plus franchie et chaque concession possède son propre puits, creusé sur la faille, de part et d’autre du filon.

● Fig. 68 – Profils de la zone des Puits et indication de la dynamique de creusement. A gauche profil dans le plan du filon, à droite profil dans le plan de la faille.

dessin B. Ancel

● Fig. 69 – Organisation des travaux du XVIes. des zones dépliées du filon St‑Louis. Les traits représentent les principaux niveaux de galeries et les puits qui ont permis de reconnaître l’étendue de la minéralisation et son exploitation. En encadré, travaux sur le filon Nord.

dessin B. Ancel

81L’exploitation des principales colonnes minéralisées du filon St‑Louis a été rapide (moins de 30 ans) et méthodique. En cette seconde moitié du xvie s., les techniques minières sont parfaitement maîtrisées, importées de l’Est, berceau de l’art minier (Freiberg, Schwaz...) et appliquées dans le Val de Lièpvre depuis plus d’un demi‑siècle (fig. 70). Ce système d’exploitation est à première vue comparable à ceux des travaux connus sur les autres filons du Neuenberg : colonne St‑Jean, réseau Armée Céleste/La Treille, réseau Giftgrube/St‑Jacques (Ancel 1985a).

● Fig. 70 – Dessin de Heinrich Gross (1530) représentant l’intérieur d’une mine. On y reconnaît l’essentiel des activités minières souterraines : abattage (pointerolle/ marteau et coins/masse), transport (voie de roulage/chariot. treuil/cuveau), décombrage (houe/auge en bois), organisation de l’espace (galerie, puits, dépilage).

Table des illustrations

Légende ● Fig. 55. – Extrait d’une gravure du De Re Metallica de G. Agricola (1557) montrant un mineur taillant la roche à l’aide du marteau et de la pointerolle.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 77k
Légende ● Fig. 56 – Traces de pointerolles près du plafond d’une galerie (le champ couvre environ une surface de 20 x 30 cm). La légère courbure des stries nous indique un sens de creusement de la droite vers la gauche.
Crédits photo M. Herr
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 24k
Légende ● Fig. 57 – Profil idéal d’une galerie XVIes. Hauteur = 2 m ; F = front de taille ; D = déblais non évacués ; S = Sitzort ou galerie basse creusée par le mineur de tête : M = marche précédant le Sitzort, elle est abattue par le second mineur qui rectifie ainsi la pente de la galerie (1°) ; R = rabattement du plafond ; M = margelle ou traces de l’ancien plancher du Sitzort.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 10k
Légende ● Fig. 58 – Schéma d’un Homstatt de puits du XVIe s. (salle de manutention).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 17k
Légende ● Fig. 59 – Exemples de dépilages montants. Les flèches indiquent la progression du creusement.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 47k
Légende ●Fig.60 – Grand Dépilage du Chêne. L’élargissement et les margelles correspondent à un ancien Hornstatt dont le puits a permis aux mineurs de reconnaître l’extension en profondeur de la minéralisation. Par la suite, le filon a été entièrement dépilé.
Crédits photo G. Lagarde
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 78k
Légende ● Fig. 61 – Carrefour de la voie de roulage dans la mine Glückauf.
Crédits photo B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 23k
Légende ● Fig. 62 – Plan du carrefour de la voie de roulage, niveau – 63 de Glückauf.
Crédits relevé B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
Légende ● Fig. 63  Plan et coupes du puits boisé de Glückauf (XVIes.) (a = compartiment d’aération, b = banquette, e = échelle g = galerie d’accès, 1 = poutres longitudinales, m = montants du treuil, n = niche. r = rigole, t = poutres transversales, v = pièce de jonction de la voie de roulage.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Légende ● Fig. 64 – Reconstitution d’un boisage de puits du XVIe s de type « standard ». D’après l’exemple du puits de la mine Wurtzelmauerstollen à St‑Pierremont (Ancel 1986),
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-10.jpg
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Légende ● Fig. 65 – Coupes sériées à travers le massif du Neuenberg montrant les profils des travaux miniers de chaque filon (le filon St‑Jacques est double). Par souci de clarté, seuls trois travers‑bancs sont indiqués : le travers‑bancs de Glückauf qui relie les filons St‑Louis et St‑Guillaume, le travers‑bancs de König Salomon sur la faille reculée de l’Armée Céleste entre les filons St‑Jean et St‑Jacques, le tracé supposé du travers‑bancs de St‑Oriel (en pointillé) qui recoupe successivement les filons St‑Louis, St‑Guillaume, St‑Jacques et St‑Jean. Le point de passage de St‑Oriel dans chaque filon est marqué par un cercle (zones inexplorées).
Crédits dessin P. Fluck, B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 94k
Légende ● Fig. 66  Profil général des zones dépliées, partie orientale, et indication de la dynamique de creusement.
Crédits dessin B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 125k
Légende ● Fig. 67 – Profil général des zones dépilées, partie occidentale, el indication de la dynamique de creusement.
Crédits dessin B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-13.jpg
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Légende ● Fig. 68 – Profils de la zone des Puits et indication de la dynamique de creusement. A gauche profil dans le plan du filon, à droite profil dans le plan de la faille.
Crédits dessin B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-14.jpg
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Légende ● Fig. 69 – Organisation des travaux du XVIes. des zones dépliées du filon St‑Louis. Les traits représentent les principaux niveaux de galeries et les puits qui ont permis de reconnaître l’étendue de la minéralisation et son exploitation. En encadré, travaux sur le filon Nord.
Crédits dessin B. Ancel
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-15.jpg
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Légende ● Fig. 70 – Dessin de Heinrich Gross (1530) représentant l’intérieur d’une mine. On y reconnaît l’essentiel des activités minières souterraines : abattage (pointerolle/ marteau et coins/masse), transport (voie de roulage/chariot. treuil/cuveau), décombrage (houe/auge en bois), organisation de l’espace (galerie, puits, dépilage).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33873/img-16.jpg
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