3.1. Une source inappréciable de renseignements

« On vide hors la terre et les pierres des lieux très profonds d’icelle, par beaucoup de creux, fosses, puits, et on est tout ébahi qu’en bien peu de temps on voit dehors en l’air en la margelle des fosses un grand monceau levé, qui finalement croît en telle sorte qu’il semble une petite montagne »,
Sebastian Münster, 1545

1Dans une étude globale des travaux miniers d’un filon il est indispensable d’effectuer un relevé précis des vestiges de surface qui constitue une première approche du terrain. Les alignements de travaux peuvent refléter la géométrie du faisceau filonien. Par ce biais on peut mettre en évidence son orientation, son pendage, ses discontinuités (décalage par des failles obliques) et ses ramifications (dédoublement du filon).

2La répartition et l’importance de ces vestiges renseignent à la fois sur la productivité du filon et l’organisation de l’exploitation. Par exemple, une multiplicité de petits travaux peut s’expliquer par un morcellement des concessions (qui caractérise les débuts de l’exploitation d’un nouveau filon), ou l’affleurement en surface de zones productives (on y observera alors des travaux au jour ou Verhaue), ou encore par une fébrile et vaine recherche d’un filon réputé très riche. A l’opposé, un nombre limité de travaux importants peut signifier une monopolisation des concessions (prédominance de quelques concessionnaires qui ont racheté les autres mines en difficulté), ou l’absence de zones productives proches de la surface (le filon est alors dépilé à partir de quelques longues galeries), ou encore une situation stratégique (après jonction et réunion des différentes mines, l’extraction a lieu par la galerie la plus appropriée, en général la moins haute). La présence de travers‑bancs, lorsque des vallons latéraux le permettent, peut préciser la position des colonnes minéralisées. Ils fournissaient en outre un accès direct aux zones productives profondes et évitaient les cheminements dans les secteurs déjà exploités, fréquemment comblés ou sujets à des éboulements.

3La nature des matériaux extraits et abandonnés au‑dehors de la mine renseigne considérablement sur le remplissage du filon. De très belles collections minéralogiques ont été montées uniquement par des récoltes effectuées sur les haldes. L’examen d’une halde permet une première estimation de la profondeur de la mine et de la proportion des travaux axés sur le filon (par rapport à ceux dans le stérile). Il permet de reconstituer les grandes étapes de l’histoire d’une mine : recherches en zone stérile, découverte des zones productives, etc. Enfin la morphologie de ces travaux ainsi que le mobilier qu’ils renferment nous rappellent l’existence des activités minières d’extérieur comme par exemple le traitement des minerais qui s’effectuait en partie sur les lieux d’extraction. Il convient toutefois d’interpréter ces informations avec beaucoup de prudence, et de les confronter avec les données complémentaires de l’histoire et de la géologie.

4Le district minier de Ste‑Marie‑aux‑Mines a fait l’objet de nombreuses prospections de surface visant à recenser les vestiges miniers, et ce depuis le xviii^e s. Mais ce n’est que récemment que des études à caractère archéologique ont été effectuées. En 1973 apparaît la première « édition » du plan d’ensemble des mines de Ste‑Marie‑aux‑Mines (P. Fluck), où pour la première fois sont localisés et délimités la grande majorité des travaux visibles en surface. Suite au constat d’erreurs flagrantes induites par le fond topographique erroné de l’IGN, est publiée en 1982 une nouvelle carte des haldes du Neuenberg (P. Fluck). Cette nouvelle édition utilise un fond topographique entièrement révisé et montre la quasi‑totalité des vestiges de surface relevés avec plus ou moins de précision suivant les secteurs (fig. 10).

5Un rapide coup d’œil sur cette cane nous permet de visualiser les six grands filons qui traversent d’est en ouest le massif du Rain de l’Horloge (Neuenberg). Après une plus longue observation on peut tirer un bon nombre d’enseignements selon les principes exposés ci‑dessus. La dénomination des travaux est en grande partie déduite des données archivistiques. Au sud est le filon St‑Jean intensément exploité par le versant Petite‑Lièpvre, notamment par une profusion de travers‑bancs situés dans les vallons du Lerny (Kupfermme) et de La Treille (St‑Nicolas, La Treille, le Roi Salomon, l’Armée Céleste). Côté Rauenthal, on note le caractère disloqué du filon et la profusion de recherches stériles dans les quartiers Schwobenschlag et Kleingrubendinn. Vient ensuite le filon St‑Jacques, reconnu presque uniquement sur le versant Rauenthal. On remarque le dédoublement du filon. La branche sud était essentiellement exploitée en fond de vallée (St‑Jacques) notamment en rive droite du Rauenthal (travers‑bancs de Gabe‑Gottes). La branche nord n’est exploitée qu’en rive gauche (Giftgrube). Le filon St‑Guillaume n’est aussi principalement exploité que par le versant Rauenthal (St‑Pierre, St‑Guillaume) mais montre une plus grande extension vers l’est, jusqu’au vallon voisin (St‑Daniel, Lingoutte). Au nord du filon St‑Louis, se trouve le filon de zinc exploité dans le faîte du massif par deux mines principales. Enfin le filon Chrétien montre une orientation très différente des autres filons et n’a fait l’objet d’une exploitation productive que sur le versant Rauenthal, notamment en fond de vallée.

6La fouille de 1983 fut l’occasion de réviser et de compléter la topographie de surface du filon St‑Louis. Sur la base du fond topographique de la carte de 1982, furent relevés avec précision au 1/200 et 1/500 tous les vestiges de surface. Avec les années la végétation change : les forêts deviennent des zones déboisées qui évoluent en zones broussailleuses puis en sapinières, etc. Ainsi certains secteurs ne purentëtre améliorés. En revanche dans les sapinières devenues de jeunes forêts furent découverts de nouveaux travaux (fig. 11).

7Différents types d’ouvrages peuvent être distingués. Les entrées de mines rouvertes ou éboulées, surmontées parfois d’un puits d’aérage, sont accompagnées par une halde (tas de déblais accumulés devant l’entrée) de morphologie variable. Le sommet de ces haldes est aménagé en plateau pouvant accueillir des structures d’habitat ou des installations de traitement de minerais (lavage, triage, fonderie, forge...). Parfois sont rencontrés des travaux descendant depuis la surface, nommés Verhaue lorsqu’ils présentent une forme allongée sur le filon (dépilage effondré) et Pingen lorsqu’ils sont ponctuels (puits effondrés). De nombreux chemins de mineurs donnent accès à ces travaux.

3.2. Le versant Petite‑Lièpvre

8Du côté Petite‑Lièpvre, les travaux de surface se répartissent sur les trois quarts supérieurs du versant. Ils sont de préférence concentrés en plusieurs zones : les Grandes Haldes vers 600 m d’altitude ; l’alignement de + 690 m à la crête ; et au nord le secteur des travers‑bancs. Les deux premières zones soulignent bien le passage en surface du faisceau filonien de St‑Louis.

9Les travaux les plus bas doivent être cherchés à 700 m au nord du filon, en rive droite de la Lièpvrette. A cet endroit, au niveau de la route départementale, se trouve l’entrée éboulée de Leere Tasche (alt. 459 m), l’Erbstollen de Notre‑Dame. Cette entrée est précisément située derrière le mur qui borde la route, à environ 35 m au nord d’un ravin, à l’endroit où coule une forte source. Dans le pré au‑dessus, une dépression marque l’emplacement de la galerie effondrée. A environ 200 m au nord‑ouest des Grandes Haldes, à la lisière de la forêt, est située l’entrée éboulée de Grandes Haldes inférieure, marquée par une halde où naît une source et surmontée d’un puits d’aérage éboulé.

10L’entrée principale de Grandes Haldes est marquée par un grand cratère, vestige des nombreuses tentatives de réouverture, situé à quelques mètres à l’est du chemin dit des « Grandes Haldes » (alt. 600 m). De l’autre côté de ce chemin, le plateau de la halde s’étend sur près de 250 m² et est susceptible d’avoir accueilli des installations de surface (présence de débris divers et de scories). La halde qui couvre environ 3 000 m² est restée dénudée et est très bien visible depuis le versant opposé. Une soixantaine de mètres plus au sud, un mètre en contrebas du chemin, se trouve une halde d’une superficie de 300 m² dont le plateau a été en grande partie remblayé par le chemin. Elle correspond à l’entrée éboulée de Grandes Haldes 2, marquée par un léger renfoncement surmonté d’un puits d’aérage comblé. En dessous de ces deux haldes, en plein pré, se trouve une petite halde bien visible. Au‑dessus du chemin des Mineurs, l’entrée éboulée de Grandes Haldes 3 (ait. 635 m) est située au bout d’une tranchée de 20 m (en raison de la faible pente du versant) et à 35 m à l’ouest de l’effondrement de son puits d’aérage. Son plateau est assez important (200 m²) par rapport à la superficie de sa halde (700 m²). Celle‑ci est flanquée au sud‑ouest d’une halde de plus petite taille (plateau de 70 m² et halde de 220 m²) et à sa base d’une très petite halde dont l’entrée se situerait sous le chemin des Mineurs.

11Au‑dessus du chemin Intermédiaire (alt. 660 m environ) se trouve un grand Verhau comblé d’une vingtaine de mètres. Plus haut est située l’entrée de Grandes Haldes 4 (alt. 696 m) marquée par un léger renfoncement. Son plateau est large (80 m²) et sa halde est assez bien conservée (670 m²). Elle est surmontée par quatre petites haldes, peu visibles (végétation dense). Une soixantaine de mètres plus au sud est située l’entrée du travers‑bancs Sud (alt. 723 m) dont le plateau est très étroit (10 m²) et dont la halde couvre une superficie de 250 m².

12Au carrefour du chemin des Braconniers et du chemin Helfer, a été aménagée une aire de parking à l’emplacement du plateau d’une vaste halde (environ 1 000 m²). Elle est surmontée par un profond Verhau comblé, au nord duquel se trouve une petite mine (rouverte en 1979, alt. 749 m) située au sein d’une vaste halde aux contours imprécis, large d’au moins 40 m. Au‑dessus, le passage du filon en surface est marqué sur une centaine de mètres par un alignement de petites haldes et de Verhaue éboulés (qui pour la plupart soufflent de l’air chaud l’hiver et font fondre la neige). Enfin, l’entrée de la mine de la Crête (alt. 785 m) correspond au dernier de ces Verhaue (20 m de long) dans lequel part vers l’est une galerie effondrée jusqu’à son puits d’aérage. La halde à niveau avec cette galerie (plateau de plus de 60 m², halde de 200 m²) est en partie recouverte par une deuxième halde associée au Verhau (dont les travaux descendants sont donc postérieurs à la galerie).

13A plus de cent mètres au nord, à la croisée du chemin des Braconniers et du chemin des Mineurs, est située la petite halde du travers‑bancs des Emmurés (alt. 732 m). Son puits d’aérage comblé est visible en bordure du chemin Helfer. En dessous du chemin des Braconniers se trouve l’entrée éboulée de St‑Anthony supérieur (alt. 720 m) qui présente un plateau extrêmement allongé (100 m²) et une halde très bien conservée de 500 m². Plus bas, sous le chemin des Mineurs, est située l’entrée de St‑Anthony (alt. 702 m). Le vaste plateau de sa halde couvre une superficie de 650 m² et comportait des installations de surface (céramique de poêle découverte dans une amorce de galerie lors des travaux de réouverture). Sa halde est gigantesque (environ 6 000 m²) et se décompose en plusieurs haldes emboîtées sans plateaux bien marqués Ceci s’expliquerait par une seconde exploitation des matériaux de la halde. A sa base se trouve une petite halde, une vingtaine de mètres au sud de la halde de la mine de zinc inférieure (mine concernant le filon voisin). Le bord sud de la halde de St‑Anthony est flanqué d’un petit fossé continu (parfois double) qui se poursuit jusqu’au chemin des Grandes Haldes. Enfin, en contrebas, est située l’entrée du travers‑bancs Nord (alt. 625 m) marquée par une petite tranchée. Son plateau (50 m²) est traversé par un sentier de mineurs et sa halde s’étend jusqu’au chemin des Grandes Haldes (500 m²). Son puits d’aérage effondré est visible une quarantaine de mètres plus au sud, non loin d’une très petite halde dont on ne connaît pas d’entrée visible.

14Plusieurs chemins utilisés durant l’exploitation des mines ont été mis en évidence. Ce sont généralement des chemins étroits, voire des sentiers, très pentés. Pour ce versant nous en décrirons trois. Le premier, appelé chemin des Mineurs, commence au fond de la vallée de la Petite‑Lièpvre, décrit une courbe principale en passant par Grandes Haldes 2, sous Grandes Haldes 3 et 4, au‑dessus de St‑Anthony, sous le travers‑bancs des Emmurés et rejoint la crête de la montagne. Le second apparaît derrière les ruines de la ferme qui bordent le chemin des Grandes Haldes, passe devant le travers‑bancs Nord et rejoint le chemin des Mineurs au niveau de Grandes Haldes 3. Le troisième, appelé chemin de Crête, suit la crête de la montagne depuis le filon Chrétien jusqu’au‑delà du filon St‑Jacques,

3.3. Le versant Rauenthal

15Du côté Rauenthal, les travaux de surface se répartissent sur toute la hauteur du versant, mais se concentrent surtout dans la deuxième moitié supérieure. La majorité des travaux s’alignent assez bien et soulignent le passage en surface du faisceau filonien ; à savoir le filon principal (Langer Schacht, St‑Michel) et l’une de ses branches nord, le filon Eisenthür (les « St‑Louis »). Les haldes décalées vers le sud correspondent à des travers‑bancs.

16L’entrée des puits de la Couronne d’Or (alt. 540 m) est marquée par un renfoncement essentiellement creusé lors de sa réouverture en 1964 (qui fit apparaître plusieurs cadres en bois successifs). Sa halde disparue sous le chemin « moderne » du Rauenthal est toutefois mentionnée sur l’ancienne carte du rapport au Régent (1715) (Archives nationales).

17La tranchée d’entrée de St‑Louis inférieur (ait. 592 m) est bien marquée (aménagement par l’IPG en 1965). Le plateau de sa halde est réduit : moins de 6 m². Un petit sentier montant y arrive. Sa halde bien conservée couvre une superficie d’environ 500 m². Une quarantaine de mètres plus haut se trouve une très petite halde.

18La tranchée d’entrée de St‑Louis moyen (alt. 660 m) reste bien visible malgré sa situation au sein de l’énorme halde de St‑Louis. Par contre sa halde n’en est pas distinguable (coupée par le chemin forestier cote 650 m).

19L’entrée de St‑Louis‑Eisenthür(alt. 690 m), aménagée et boisée durant la campagne de fouille de 1983, est située au fond d’une tranchée de réouverture du xviii^e s. Son plateau est vaste et peut être estimé, y compris le renfoncement actuellement comblé, à environ 110 m². Sa halde qui couvre une surface d’environ 5 250 m², s’étale sur l’interfluve séparant les thalwegs de Glückauf et du Schnakenthal.

20Au‑dessus du puits d’aérage de St‑Louis, se trouve la trace d’un petit dépilage au jour (Verhau) qui surmonte l’entrée (éboulée) de St‑Louis supérieur. Plus haut (alt. 709 m) se trouve la halde de l’entrée de St‑Louis ultra‑supérieur dont le plateau couvre une superficie d’environ 10 m². Quinze mètres plus au nord s’enfonce une Pinge décombrée en 1979. Vers l’ouest, on peut suivre jusqu’au‑dessus de St‑Michel un alignement d’une dizaine de « grattages » (petites dépressions sub‑circulaires correspondant à des fouilles de recherche sur le prolongement du filon Eisenthür).

21A droite de l’entrée éboulée de St‑Michel (alt. 740 m) se trouve au pied d’un petit escarpement rocheux une sorte de plateau allongé d’une dizaine de mètres qui pourrait correspondre à l’emplacement d’installations de traitement du minerai. La halde de St‑Michel s’unit à celle du Langer Schacht. Plus haut, au‑dessus du chemin Helfer, l’entrée de la petite galerie de St‑Michel supérieur n’est marquée que par un léger renfoncement.

22L’entrée éboulée de Langer Schacht (alt. 775 m) est située au fond d’une tranchée rocheuse de 8 m devant laquelle se trouve un petit plateau d’une vingtaine de m². Sa halde s’étend (avec celle de St‑Michel) sur près de 200 m en aval, occupant sur une largeur de moins de 16 m le fond du ravin de Glückauf. Dix mètres plus haut existe un Verhau de 5 m dans lequel se trouve l’entrée actuelle du Langer Schacht. Enfin au sommet de la montagne (alt. 806 m), en bordure du chemin de Crête, s’ouvrent deux puits comblés contigus (le plus grand comporte une petite halde).

23L’entrée du travers‑bancs du Chêne (alt. 688 m) est située en plein cœur de la halde de Langer Schacht. Son plateau en émerge et couvre une superficie d’environ 15 m². Sa halde très bien conservée s’étend sur près de 270 m². Plus bas, de la base de la halde de Langer Schacht, émerge une petite halde dont on ne connaît pas d’entrée. Son plateau est large (15 m²) et elle couvre près de 130 m². Au sud s’étend une halde peu épaisse, longue de 40 m, sans plateau apparent (recouvert par les éboulis de pente ?) qui est très riche en scories. Il peut s’agir d’une halde de traitement des matériaux extraits du Chêne.

24Enfin dans le creux du ravin de Glückauf, au niveau du chemin dit « Vogesenpfad », est située la tranchée d’entrée (20 m) de la mine Glückauf (alt. 656 m). Sa réouverture au xviii^e s. a provoqué la disparition de son puits d’aérage. Le plateau de la halde a été aménagé lors du traçage du chemin « moderne « et couvre actuellement environ 40 m². La halde, d’une superficie d’environ 1 000 m². descend dans le creux du ravin sur plus de 60 m et montre un petit plateau intermédiaire riche en charbon de bois, qui correspond probablement à une aire de traitement du minerai.

25Le versant Rauenthal est sillonné par de nombreux anciens chemins de mineurs. Nous en décrirons deux. Le premier monte depuis Couronne d’Or et décrit un S en passant au‑dessus de St‑Louis inférieur et au niveau de la petite halde « mine de fer carburé » de Lesslin, pour aboutir au plateau de St‑Louis‑Eisenthür. Le second passe au ras du Verhau de St‑Louis supérieur, sur le plateau de St‑Louis ultra‑supérieur et va se perdre dans la halde de Langer Schacht.

3.4. Les enseignements de la prospection de surface

26Une première constatation s’impose : le filon St‑Louis est le seul filon du Neuenberg à avoir été intensément exploité par les deux versants de la Petite‑Lièpvre et du Rauenthal. Les travaux productifs sont tous situés dans la moitié supérieure du massif, au‑dessus de 600 m d’altitude, ce qui n’exclut pas que les travaux souterrains descendent plus bas étant donné l’existence d’un Erbstollen à 460 m.

27Les alignements de travaux indiquent des changements d’orientation du filon (qui semble être subvertical). A l’ouest, dans le secteur des Grandes Haldes, il apparaît être orienté N 115. Au‑dessus du chemin Intermédiaire, entre le grand Verhau et Grandes Haldes 4, le filon est décalé d’environ 20 m vers le nord. Au‑delà il prend une direction rigoureusement E.‑O. (N 90). En contrebas de la mine de la Crête il pourrait bien être décalé de 5 m vers le sud.

28A l’est, côté Rauenthal, le filon se divise en deux branches. La branche nord est d’abord E.‑O., voire N 80, dans la zone des grattages, puis oblique en N 100 au niveau de St‑Louis pour redevenir orientée E.‑O. vers le fond de la vallée La branche sud est orientée N 100 et n’est plus visible au‑delà de St‑Michel. La répartition des Verhaue nous montre que le filon productif affleurait sur plus de 100 m côté Petite‑Lièpvre, ainsi qu’au sommet du Neuenberg (Langer Schacht) et un peu au‑dessus de St‑Louis‑Eisenthür.

29Côté Petite‑Lièpvre les travaux sont approximativement 1,7 fois plus importants que du côté Rauenthal, calculés à partir des surfaces couvertes par les haldes (ces aires, que nous avons indiquées dans la plupart des cas, étant mesurées vues en plan, sont donc inférieures à la surface réelle de la halde). Les travaux situés sur le filon y sont plus ou moins régulièrement répartis mais se concentrent autour de quatre pôles : Grandes Haldes 1 et 2 (qui exploitaient également les autres filons plus au sud par l’intermédiaire du travers‑bancs de St‑Oriel), Grandes Haldes 3, le carrefour de chemins à 740 m, et la mine de la Crête (il n’est pas tenu compte de Grandes Haldes 4 qui est un travers‑bancs, poussé sur plus de 300 m vers le sud). Il semble aussi que d’est en ouest le filon productif s’éloigne de la surface.

30Sur ce versant il faut encore noter le rôle primordial des travers‑bancs. Celui de St‑Anthony a fourni près de la moitié des matériaux extraits par ce versant. Sa halde a même été le cadre d’une deuxième exploitation, qui n’est pas forcément du xviii^e s. En effet, il était courant au xvi^e s de retraiter des déblais volontairement mal triés, ce qui permettait d’échapper à certaines taxes seigneuriales qui ne s’appliquaient qu’aux produits directement sortis de la mine.

31Côté Rauenthal. l’exploitation du filon s’est concentrée autour de deux pôles : St‑Louis‑Eisenthür et St‑Michel‑Langer Schacht (Glückauf a principalement exploité le filon St‑Guillaume). Vers l’est, te filon est totalement stérile.

3.5. La fouille du plateau de la Halde de St‑Louis‑Eisenthür

32Nous savons par l’iconographie minière que le plateau d’une halde pouvait avoir été aménagé en vue de traiter du minerai ou de stocker du matériel (fig. 12). Sur le filon St‑Louis plusieurs sites sont susceptibles d’accueillir de tels aménagements : Notre‑Dame (Grandes Haldes), Grandes Haldes 3, St‑Anthony, St‑Michel, St‑Louis et Glückauf pour ne citer que les plus probables. Le site de St‑Louis fut choisi pour être l’objet d’une fouille de surface pour plusieurs raisons : l’endroit est très facile d’accès ; le plateau de la halde n’est pas envahi par la végétation ; l’histoire de la mine est bien connue ; cette mine a acquis la vocation pédagogique de « mine‑école » ; enfin ce site montrait les signes les plus évidents d’aménagement.

33Le plateau de la halde couvre actuellement une superficie d’environ 165 m². Sa forme est celle d’un rectangle long de 15 m et large de 11 m. De son angle nord débute une tranchée encombrée par la halde de réouverture de la mine, qui mène en 13 m à l’entrée de cette mine. Dans la partie ouest du plateau apparaissait (avant la fouille) une légère surélévation contiguë au versant de la montagne et qui semblait correspondre à une forte concentration de pierres

34La fouille a débuté par te nettoyage d’environ 40 m² du plateau. Ensuite le creusement d’une tranchée permit de reconnaître les principales structures. La fouille s’est alors étendus sur une surface de 30 m². L’aire rectangulaire fouillée (6 x 5 m) est limitée sur ses bords nord et ouest par la pente de la montagne, alors que ses bords sud et est sont situés dans la zone horizontale du plateau. Au nord‑ouest du centre de l’aire, la présence d’une vieille souche a fortement perturbé les structures environnantes. La première couche rencontrée est bien évidemment une couche d’humus parcourue d’un inextricable enchevêtrement de racines. Vient ensuite un niveau à blocs décimétriques mêlés à une terre brun foncé, qui n’apparaît que dans la moitié nord, s’y épaissit pour former la pente montagneuse des bords ouest et nord. Sous ce niveau apparaissent deux structures : à l’ouest un mur maçonné et à l’est un alignement fruste de grosses pierres.

35L’alignement fruste de grosses pierres, orienté N.‑E./S.‑O., divise les deux tiers de l’aire fouillée en deux zones. Au sud, une zone externe est marquée par un remblai de halde (riche en charbon de bois) qui s’appuie sur l’alignement de blocs d’un côté, et diminue d’épaisseur et s’estompe de l’autre. Au nord une zone interne est caractérisée par une épaisse et irrégulière couche de charbon de bois (jusqu’à20cm)qui surmonte parfois une irrégulière couche de terre et de cailloutis (halde) riche en charbon de bois.

36Le mur maçonné, orienté N.‑O./S.‑E., est large en moyenne de 55 cm et est conservé sur une hauteur ne dépassant pas 60 cm. Il est recouvert et bordé par un amas de pierres et de mortier issu du démantèlement de ce mur et qui contient parfois des débris de céramique de poêle très altérés. Le mortier, constitué d’un sable grossier et de chaux, est retrouvé sur une aire assez vaste en une couche fine et irrégulière (démantèlement) sous les couches à charbon de bois. Au point de jonction avec l’alignement de blocs, on trouve de très grosses pierres assemblées à la base par du mortier et renforcées au sommet par de la halde. Au nord‑ouest, le mur disparaît dans la montagne sous le niveau à blocs. Il repose sur la roche en place qui est nivelée par une couche argileuse beige à graviers.

37Cette couche a été rencontrée sur toute l’aire fouillée comme couche de base surmontant soit la roche en place, soit la halde. Dans la partie est, elle s’est montrée très riche en débris de céramique à partir desquels purent être partiellement reconstitués plusieurs carreaux de poêle décorés et vernissés (en vert) sur leurs faces externes (fig. 13). Ils semblent n’avoir jamais servi, sans doute brisés lors de leur transport avant l’édification du poêle. A l’extérieur de l’aire fouillée, au sommet de la couche de base qui est située alors immédiatement sous la couche d’humus, ont été trouvés plusieurs fragments de pointerolles.

38Ainsi les structures que nous venons de décrire semblent se poursuivre sous la montagne ! En fait elles se poursuivent dans un renfoncement de la montagne (23 m²) comblé aujourd’hui par un amas de blocs. Poursuivre la fouille nécessiterait de déboiser une aire assez vaste et d’y enlever de 1 à 4 m de comblement. A l’aide des données acquises par la fouille de surface, du dépouillement des archives et des observations souterraines, il est possible de tenter une reconstitution historique de l’occupation de ce site.

39Avant la découverte des filons du Neuenberg au milieu du xvi^e s., il est très probable que le site ait été déjà déboisé. L’industrie minière, grande consommatrice de bois, a entraîné le déboisement total de la région (source de discorde avec la population agricole) ; il fallut même parfois importer du bois de fort loin, ou amener le minerai à fondre dans d’autres vallées.

40En 1549 la mine St‑Louis‑Eisenthür est ouverte. Elle était promise à un grand avenir (galerie d’extraction) ; il convenait donc de disposer d’espace à l’entrée afin d’installer des aménagements. Le plateau de la halde étant encore très modeste, une échancrure est pratiquée dans la montagne, facilitée par le passage en ces lieux d’une importante faille. Une structure d’habitat est installée, dont une partie au moins est bâtie en « dur », et qui est munie d’un poêle (donc sûrement close). Bien que toute l’aire n’ait pas été fouillée, on peut supposer qu’il s’agissait d’une maisonnette servant de lieu de stockage (suif, outils, boisage ?) et/ou de gardiennage (habitat d’un veilleur de nuit).

41Au début du xvii^e s., la mine est abandonnée, la structure d’habitat détruite (volontairement ou accidentellement ?) et la végétation reprend son droit. Une grande surface plane dans une jeune forêt convient parfaitement pour l’installation d’une aire de charbonnage. La forte concentration de charbon de bois bordée par un petit mur de pierre renforcé par un remblai de halde invite à cette hypothèse.

42Au xviii^e s. la mine est rouverte. Les déblais qui obstruent son entrée et son puits d’aérage sont rejetés sur le plateau et recouvrent ainsi la majeure partie des anciennes structures. Avant la Révolution le site est définitivement abandonné.