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L’habitat gaulois de Feurs (Loire)

 | 
Michel Vaginay
, 
Vincent Guichard

1. Cadre géographique et historique

Texte intégral

1.1. Feurs et le pays ségusiave

1.1.1. Les limites du territoire ségusiave

1C’est au récit de la guerre des Gaules par César que nous devons la plus ancienne mention des Ségusiaves dans les textes, et en particulier des commentaires sur leur position géographique : « c’est le premier peuple que l’on trouve hors de la Province au‑delà du Rhône » (B. G., 1‑10). Il nous apprend par ailleurs qu’ils étaient clients des Eduens et qu’ils se sont battus à leurs côtés sous la conduite de Vercingétorix en 52. Hormis ces brèves indications de César, les documents anciens restent rares. Strabon nous donne quelques renseignements complémentaires : la ville de Lyon se trouve chez les Ségusiaves dont le territoire est compris entre le Rhône et le Doubs (Strabon). Situant en effet par ailleurs le Doubs sur la rive droite de la Saône, et sachant que les Ségusiaves l’occupaient également, Strabon pouvait croire que le Doubs marquait la limite septentrionale de leur territoire.

2L’épigraphie d’époque romaine vient confirmer la position du peuple gaulois : la situation de la capitale ségusiave, fondée lors de l’accession du peuple au titre de cité libre sous Auguste dans le cadre de l’organisation de la Gaule par Rome, ne fait plus de doute depuis longtemps : l’actuelle ville de Feurs est construite sur l’ancienne Forum Segusiavorum, comme le prouve une inscription découverte au xvie s. et faisant état d’une corporation de charpentiers siégeant à Forum Segusiavorum. Le nom même de la ville actuelle (Feurs) et les vestiges archéologiques attestent pleinement cette identification.

3Les descriptions données par les textes anciens et la position vraisemblablement centrale de la capitale ségusiave au cœur de la plaine du Forez, permettent de cerner dans ses grandes lignes le territoire du peuple gaulois. La topographie de cette région du nord‑est du Massif central et la toponymie viennent en fixer les limites : le territoire des Ségusiaves occupait globalement les actuels départements de la Loire et du Rhône. Au sud il avait pour voisins immédiats les Vellaves et les Helviens, dernier peuple de la Province au nord ; le massif du Pilat constituait la frontière. A l’ouest il était séparé des Arvernes par la chaîne des monts du Forez. A l’est l’axe Rhône‑Saône faisait la limite avec les Allobroges et les Ambarres (fig. 1). Seule au nord la frontière avec les Eduens n’était matérialisée par aucune rupture topographique évidente. La présence en six points, autour de ce territoire, d’un toponyme d’origine celtique bien connu pour indiquer une limite –Iguerande– semble confirmer ces indications.

Fig. 1 ‑ Le pays ségusiave au Ier, s. av. n. è. : limites et peuplement. ‑1. Roanne (Rodumna) ‑2. Ambierle (Les Georges) ‑3. Saint‑Jean‑Saint‑Maurice‑sur‑Loire (Jœuvres) ‑4. Amplepuis (Le Terrail) ‑5. Saint‑Marcel‑de‑Félines (Crêt‑Châtelard) ‑6. Poncins (Goincet) ‑7. Cleppé (La‑Celle‑Saint‑Martin) ‑8. Feurs (Forum Segusiavorum) ‑9. Marcilly‑le‑Châtel (Puy Granet) ‑10. Saint‑Romain‑le‑Puy (Chézieu) ‑11. Précieux (La Baluse) ‑12. Chambles (Essalois) ‑13. Larajasse ‑14. Courzieu (Le Chatelard) ‑15. Pontcharra‑sur‑Turdine (Mediolanum) ‑16. Chessy‑les‑Mines (Le Colombier) ‑17. Limonest (Montverdun) ‑18. Anse (Asa Paulini) ‑19. Saint‑Georges‑de‑Reneins (Les Tournelles) ‑20. Lyon (Lugdunum).

1.1.2. Le peuplement du pays ségusiave

1.1.2.1. Les phases anciennes de l’âge du fer

4Le territoire ainsi délimité paraît correspondre à une entité politique au moment où le peuple ségusiave entre dans l’Histoire, c’est‑à‑dire lors de la guerre des Gaules. Il ne saurait donc être question de considérer d’emblée qu’il s’agit là d’un état nettement antérieur ni de préjuger de la genèse de l’unité de ce peuple.

5Pour le premier âge du Fer, seules quelques découvertes récentes près de Roanne et Feurs à l’occasion de travaux routiers viennent de révéler que le vide archéologique constaté jusqu’ici pour cette période n’était ni irrémédiable ni total (Vaginay 1985). A Lyon même, tout récemment, la mise au jour de niveaux d’occupation atteste la présence d’un habitat à la fin du ve s. ou au début du ve s. Ces éléments restent cependant trop ténus pour que nous puissions d’ores et déjà esquisser le mode de développement, le faciès culturel et les relations avec l’extérieur du peuplement de cette région nord‑est du Massif central au premier âge du Fer.

6Comme pour la période précédente, les débuts du second âge du Fer restent encore très mal connus dans la région. Nous ignorons encore pratiquement tout des modalités d’émergence de la civilisation du second âge du Fer et de l’organisation du peuplement régional. Seul le site du Châtelard de Lijay (commune de Débats‑Rivière‑d’Orpra ; Loire) a livré à ce jour des structures et des niveaux d’occupation en place attribuables à la fin de La Tène ancienne ou au début de La Tène moyenne. Il s’agit d’un petit habitat de hauteur fortifié dont la superficie ne dépasse pas 0,5 ha (Béfort 1974). Quelques découvertes anciennes (Céramiques à Précieux et bracelets à Ambierle) et divers éléments mis au jour récemment (à Feurs en particulier ; cf. § 1.3.2.) suggèrent que le site de Lijay n’est pas isolé.

1.1.2.2. La tène finale

7Ce n’est qu’à partir du iie s. av. n. è. que la documentation archéologique devient suffisamment conséquente pour permettre d’esquisser, du moins pour une partie de la région concernée, le mode de peuplement. En effet, la disparité des recherches entre les parties orientale (Rhône) et occidentale (Loire) du pays ségusiave est telle qu’il reste à ce jour impossible de proposer une reconstitution du schéma de peuplement pour l’ensemble du territoire à la fin de l’âge du Fer.

8Dans le département du Rhône, les découvertes sont pour la plupart anciennes et mal situées. Elles ne permettent généralement pas d’évaluer la nature des sites ni leur importance relative. Pourtant cet état de fait ne semble pas signifier une absence de peuplement dans cette zone du territoire ségusiave. La multiplication, depuis une vingtaine d’années, des découvertes ponctuelles à l’occasion des travaux d’urbanisme et d’aménagement ou de recherches sur des habitats d’époque romaine suggère une implantation protohistorique marquée : vestiges de La Tène finale sur les sites romains de Miolan (Mediolanum), Anse (Asa Paulini), Saint‑Georges‑de‑Reneins (Ludna ?), Chessy‑les‑Mines... (fig. 1) (Vaginay 1985).

9L’axe de la Loire, au contraire, ayant bénéficié d’une tradition de recherches protohistoriques solidement implantée depuis la fin du siècle dernier, fournit une série de sites relativement nombreux que les travaux récents permettent de mieux apprécier. Le cours de la Loire qui traverse le département du sud vers le nord est jalonné par trois oppida qui occupent des positions‑clés au sein du territoire ségusiave. A la limite sud de la plaine du Forez, l’oppidum d’Essalois (Chambles) est situé non loin de la frontière avec le pays vellave ; son occupation semble couvrir tout le Ier s. av. n. è. mais reste mal connue à ce jour. L’oppidum du Crêt‑Châtelard (Saint‑Marcel‑de‑Félines) est beaucoup mieux connu. Situé à la limite nord de la plaine du Forez à une cinquantaine de kilomètres d’Essalois, il est cerné par un rempart de type murus gallieus qui détermine une superficie de 22 ha environ. Son occupation semble se situer surtout dans la deuxième moitié du ier s. av. n. è. mais se poursuit au Haut Empire. Le troisième oppidum est celui de Jœuvres (Saint‑Jean‑Saint‑Maurice‑sur‑Loire). C’est le plus vaste avec une superficie de près de 50 ha, enserré dans un méandre de la Loire. La chronologie de son occupation est encore mal connue mais concerne au moins la deuxième moitié du ier s. av. n. è.

10Parallèlement à ces trois sites fortifiés, plusieurs habitats de plaine d’importance équivalente ont été identifiés grâce aux travaux d’urbanisme récents. Roanne était connue depuis le siècle dernier comme bourgade gallo‑romaine et identifiée à la Rodumna de la table de Peutinger. Mais ce n’est qu’en 1960 que des fouilles dans le centre ville ont révélé l’existence d’une agglomération gauloise implantée dès le iie s. av. n. è. (Bessou 1976). Les recherches successives ont permis de cerner assez précisément l’extension (3 ha) et la chronologie de ce site dont l’occupation est continue depuis la fin du iie s. La nécropole correspondant à cet habitat est située à près d’1 km plus au sud. Connu aussi depuis le siècle dernier, le site de Goincet (Poncins) est à ce jour l’habitat de la fin de l’âge du Fer le plus vaste de la région (10 ha environ d’après les prospections au sol). Le troisième site de plaine comparable aux deux précédents est celui de Feurs, qui fait l’objet de la présente étude.

11Hormis ces trois habitats de plaine, un certain nombre de points de découvertes en divers secteurs des plaines du Roannais et du Forez témoignent d’une assez forte densité de l’occupation à la fin de l’âge du Fer (Vaginay 1981). Mais l’absence de recherches systématiques sur ces sites interdit toute interprétation concernant leur nature et leur importance : au lieu‑dit Les Georges (Ambierle) des sondages ont livré un abondant mobilier céramique ; à la Celie‑Saint·Martin (Cleppé), à mi‑distance entre Feurs et Goincet, un sauvetage récent a révélé un réseau de fossés contenant aussi un abondant mobilier (cf. § 1.2.1.). Plus au sud, à Chézieux (Saint‑Romain‑le‑Puy) diverses fouilles menées sur un vaste établissement gallo‑romain (vicus ?) ont montré une occupation ininterrompue depuis au moins le milieu du ier s. av. n. è. Au Puy Granet (Marcilly‑le‑Châtel), une sépulture à incinération avec épée pliée a été découverte au siècle dernier.

12De ce rapide tour d’horizon des sites gaulois connus à ce jour en pays ségusiave se dégage l’impression d’un peuplement très structuré dans ses grandes lignes : trois sites de hauteur fortifiés jalonnent le cours de la Loire aux points stratégiques (débouchés de plaine). Leur physionomie générale très homogène (superficie et topographie comparables), les traces d’un commerce important (amphores...) et d’artisanat (Peyvel 1974) sur ces sites incitent à les considérer comme de véritables oppida. Ce réseau de base semble par ailleurs complété par les sites localisés dans les zones de plaine les plus propices à l’agriculture, mais aussi placés sur des points de passage importants (gués sur la Loire).

13Le site de Feurs apparaît donc d’emblée comme un élément majeur de la carte du peuplement du pays ségusiave à l’âge du Fer. Il importera tout au long de la présente étude de cerner au plus près la nature de ce site et de le comparer aux autres sites régionaux évoqués ci‑dessus.

1.2. Le site et son environnement immédiat

1.2.1. Le contexte humain

14Le site est localisé sur la rive droite de la Loire, pratiquement au centre de la plaine du Forez. Il occupe le premier rebord de terrasse non inondable au‑dessus du fleuve, à une altitude moyenne de 345 m. La ville est située sur un axe de circulation important qui fut emprunté par la voie d’Agrippa (voie d’Aquitaine partant de Lyon), à un point de passage sur la Loire. A l’époque moderne, son franchissement est encore rendu possible par la présence de deux bacs, l’un en amont de la ville (lieu‑dit Randan), l’autre en aval près du confluent de la Loire et du Lignon (lieu‑dit La Motasse). Ces bacs seront utilisés jusqu’à la construction d’un pont suspendu au début du xixe s.

15La rive droite de la Loire sert aussi de main courante à un axe de passage secondaire nord‑sud, qui double à l’époque romaine la voie Bollène située sur l’autre rive et franchit aussi la Loire à Feurs. La rive gauche du fleuve est longée par une basse plaine inondable de 2 km de largeur environ sur laquelle aucun site antique n’est actuellement connu. Plus loin à l’ouest et faisant face à Feurs, le site de Goincet (commune de Poncins) apparaît, avec une position topographique similaire, comme une réplique assez fidèle de l’habitat gaulois de Feurs (fig. 2). Actuellement en zone rurale, le site de Goincet, dont la superficie peut être estimée d’après les prospections aériennes et au sol à une dizaine d’hectares, est intensément occupé durant la deuxième moitié du ier s. av. n. è. Mais contrairement à Feurs, il semble pratiquement déserté avant la fin du règne d’Auguste. Des travaux récents (Vaginay 1984) ont montré que le site était occupé dès le iie s. av. n. è., sans que l’extension de l’habitat de cette époque ait pu être déterminée.

Fig. 2 ‑ Les sites de plaine de Feurs, Goincet (Poncins) et La‑Celle‑Saint‑Martin (Cleppé) au Ier s. av. n. è. En grisé, basse plaine alluviale ; en pointillé, extension de l’occupation des sites.

16Un troisième site (La‑Celle‑Saint‑Martin), localisé entre Feurs et Goincetsur la rive gauche de la Loire, paraît totalement différent. Son implantation à proximité d’un gué sur le Lignon probablement emprunté par la voie Bollène, et sa situation topographique au pied du rebord de terrasse sont alliées à la présence de structures particulières : fossé en V délimitant un vaste enclos quadrangulaire qui a livré un abondant mobilier céramique et métallique du ier s. av. n. è. Ce site, occupé ensuite à l’époque romaine et dès le Haut Moyen Age par une chapelle monastique, reste à ce jour partiellement fouillé et non étudié. La destination de ce fossé d’enclos ne peut donc être élucidée : enclos cultuel comme pourrait le suggérer la présence d’armes mutilées (umbo de bouclier en fer cisaillé), ou simple enclos de ferme ? (Sanial 1979 ; Lasfargues 1984).

1.2.2. La topographie

17Hormis sa situation sur un point de gué important, l’agglomération de Feurs occupe une position topographique particulièrement favorable (fig. 3) : elle est délimitée à l’ouest par le rebord de terrasse au pied duquel coule aujourd’hui la Loire. Au nord, elle bute aussi sur un rebord de terrasse formé par la vallée alluviale de la Loise, affluent secondaire de la Loire. A l’époque romaine, cette petite vallée est fortement habitée et un ensemble monumental occupe sa rive droite. Au sud et à l’est, la ville actuelle se heurte à des zones argileuses très marécageuses dont l’emplacement est encore signalé par plusieurs étangs artificiels. L’extension de l’agglomération dans ce secteur est très récente et date du dernier quart de siècle. L’angle de la terrasse formé par la vallée de la Loire et celle de la Loise est occupé par le forum de la ville romaine. Bien que ses vestiges aient été repérés dès 1e milieu du xixe s., il n’a été identifié dans son ensemble que depuis peu, lors des fouilles qui ont conduit à la découverte de l’habitat gaulois.

Fig. 3 ‑ Topographie du site de Feurs. Localisation de l’habitat gaulois (en grisé) et de la nécropole (étoile). L’équidistance des courbes de niveau est de 1 m.

18Plusieurs opérations de sauvetage ont montré que l’occupation gauloise était limitée à l’emplacement du forum et à sa périphérie immédiate. Ce fait n’est guère surprenant car le forum a été implanté sur le point le plus favorable de tout le site : angle de terrasse en très faible pente dominant nettement le secteur, sous‑sol sablonneux bien drainé, particulièrement propice à l’installation d’un habitat. La ville médiévale se resserre d’ailleurs dans le même espace en utilisant largement les vestiges du forum pour asseoir son rempart dans l’angle nord‑est. Le secteur comportant un sous‑sol sablonneux correspond approximativement à l’aire délimitée par la courbe de niveau de 344 m au nord et de 345 m au sud. Au‑delà, au sud notamment, commence la zone marécageuse. La limite sud de cette terrasse est occupée par une nécropole correspondant aux phases les plus tardives de l’habitat gaulois et dont une petite partie a été explorée lors d’une fouille de sauvetage en 1984.

1.3. Les occupations du site

1.3.1. Néolithique et âge du Bronze

19Si la chronologie de l’implantation de la ville romaine commence à être connue avec une certaine précision (Vaginay 1982a), on sait aussi depuis longtemps que les lieux ont été occupés par l’homme de manière au moins occasionnelle depuis des temps beaucoup plus anciens. Divers vestiges protohistoriques ont en effet été découverts en plusieurs endroits de l’agglomération actuelle. En particulier un petit dépôt d’épées du Bronze final a été mis au jour au nord‑est de la ville (Vaginay 1982b). Des sondages récents dans le même secteur (Parc du Rozier en 1985) ont permis la fouille d’une petite fosse contenant des céramiques attribuables au Bronze ancien (inédit). Enfin, les trois chantiers qui nous intéressent directement ici ont livré, épars dans les niveaux du second âge du Fer, quelques vestiges plus anciens : fragment de céramique campaniforme, céramiques non tournées, quelques pièces d’outillage lithique (grattoirs, pointe de flèche à ailerons) datables dans l’ensemble du Néolithique final au Bronze ancien (fig. 4‑5).

Fig. 4 ‑ Mobilier lithique des niveaux gaulois et gallo‑romains de Feurs (éch.1/2). ‑1,3 et 4. Chantier 2 ‑2 et 5. Chantier 1 ‑6. Chantier 3.

Fig. 5 ‑ Céramique néolithique et de l’âge du Bronze (éch. 1/2). ‑1. Bord de vase à décor de pastilles et cordons rapportés : Bronze ancien ? (ch. 2) –2 Fragment de vase campaniforme à décor incisé (ch. 1) ‑3. Fragment de vase à cordons orthogonaux rapportés : Bronze ancien ou moyen (ch. 3).

20La présence d’une occupation humaine dès cette époque à Feurs n’est pas un phénomène isolé dans la région, puisque des prospections au sol menées sur la rive gauche de la Loire ont nettement montré que l’occupation des rebords de terrasses était très dense dans ce secteur de la plaine du Forez au Néolithique et à l’âge du Bronze (Vaginay 1982b ; Grand 1983).

1.3.2. Les débuts de l’occupation gauloise

21Le premier âge du Fer semble pour l’instant être absent sur le site de Feurs. Mais, entre les vestiges du Bronze final signalés précédemment et l’implantation de l’habitat à la fin du second âge du Fer qui fait l’objet de la présente étude, deux ensembles de mobiliers doivent être isolés. Bien que leur datation précise reste difficile, ils attestent de toute évidence une occupation du site à une phase ancienne du second âge du Fer.

22Le premier ensemble provient du chantier 2. Il s’agit d’une série de fragments de céramiques contenus dans une fosse recoupée par une fosse de La Tène finale (fig. 20). Quelques gros tessons étaient posés à plat au fond de la fosse sous un lit de galets. Le reste des céramiques a été retrouvé mêlé au comblement de la fosse plus récente (fig. 6, nos 5‑7 et 9‑15). Le second ensemble provient du chantier 3. Il s’agit d’un amas de tessons situés dans une légère dépression du substrat, au‑dessous du niveau d’occupation de La Tène finale (fig. 6, nos 1‑4 et 8).

Fig. 6 ‑ Céramiques de La Tène moyenne (éch. 1/3). ‑1, 2, 3, 4, 8. Chantier 3, ensemble 13 ; céramiques non tournées ; no 1 type 3001 surfaces lissées ; no 2 type 1212 surfaces lissées ; nos 3, 4 (et ?) type 1612, repris à la tournette, surface interne égalisée, décor au lissoir sur l’extérieur de la panse. ‑5, 6, 7 et 9 à 15. Chantier 2 ; céramiques non tournées ; no 5 type 1221, surface interne lissée ; nos 67 et 14 indéterminés ; nos 10 à 13 type 1001, surfaces lissées sauf nos 11 et 12 à surface interne égalisée ; no 9 indéterminé, surface interne égalisée, repris à la tournette et décoré au lissoir ; no 15 fragment type 3212, surfaces lissées.

23Les mobiliers de ces deux ensembles présentent des caractéristiques communes qui ne se retrouvent pas sur les mobiliers de La Tène finale étudiés dans les chapitres suivants. Tous les vases sont montés à la main, mais plusieurs ont subi une finition à la tournette (vases à piédestal), donnant à certaines de leurs parties l’apparence du tournage. Le répertoire des formes est aussi très particulier : vases à pied creux élevé jatte carénée profonde finement lissée, grands vases à rebord droit et bourrelet en relief sur le col (fig. 6).

24Des comparaisons peuvent être faites avec le mobilier provenant d’un petit site fortifié forézien : le Châtelard de Lijay sur la commune de Débats‑Rivière‑d’Orpra (Béfort 1974). Des vases à pied creux élevé avec un décor lissé similaire s’y retrouvent, ainsi que la grande jatte carénée. En l’absence d’autre élément de comparaison régionale bien daté, nous attribuons ces deux ensembles de Feurs à la fin de La Tène ancienne ou au début de La Tène moyenne, par analogie avec le mobilier de Lijay, lui‑même daté, entre autres, par un fragment de bracelet à petits tampons et trois nodosités caractéristique de La Tène 1 c.

1.3.3. La fin de l’âge du Fer : découvertes anciennes

25Divers indices, bien que ténus, laissaient suggérer depuis longtemps que la ville avait connu une occupation gauloise, malgré certaines affirmations récentes (Périchon 1971). S’il faut effectivement laisser de côté les « poteries gauloises » dessinées en 1851 par l’abbé Roux dans la mesure où elles semblent bien plutôt médiévales, quelques remarques d’ordre stratigraphique du même auteur ne sont pas sans intérêt, compte tenu de la concordance souvent constatée entre ses observations et les résultats des travaux actuels. Il signale en effet qu’il a « retrouvé plusieurs fois au‑dessous des constructions gallo‑romaines, des traces de la civilisation gauloise » (Roux 1851). Plus précieuse encore est l’information livrée par Ph. Testenoire‑Lafayette. Ce numismate forézien de la fin du siècle dernier mentionne la découverte à plusieurs reprises, dans le sous‑sol de la ville de Feurs, d’oboles massaliotes et de monnaies de potin (Testenoire‑Lafayette 1889). Cette indication suggérait déjà à elle seule une occupation humaine du site avant l’époque impériale. Enfin, deux séries de mobiliers céramiques conservées au musée de Feurs contiennent chacune quelques tessons gaulois (fig. 7). Ils proviennent de deux secteurs différents dans la ville (fig. 8, points 5 et 6) et sont ainsi des indices précieux pour l’appréciation de l’extension du site.

Fig. 7 ‑ Découvertes anciennes de La Tène finale (1929 et 1950) (éch. 1/3). ‑1. Vase non tourné type 1141 ‑2. Vase demi‑fin tourné type 1211 ‑3. Fond en céramique fine tournée à décor estampé (classe 4 ou 5) ‑4. Panse de vase en céramique fine tournée, décor lissé ‑5. Céramique fine tournée, type 4132.

Fig. 8 ‑ Situation des découvertes de l’âge du Fer dans l’agglomération de Feurs. ‑1 Chantier 1 : Place de la Boaterie (fouille 1978) ‑ 2. Chantier 2 : Place du Puits de l’Aune (fouille 1980) ‑3. Chantier 3 : Rue de Roanne (fouille 1981) ‑4. Nécropole : Rue Saint‑Antoine (fouille 1984) ‑5. Découverte de 1929 : mobilier déposé au musée de Feurs ‑6. Découverte de 1950 : mobilier déposé au musée de Feurs. *sondages dans le Parc du Rozier (fouille 1985). Le trait noir épais représente le rempart de Feurs au XVe s.

Table des illustrations

Légende Fig. 1 ‑ Le pays ségusiave au Ier, s. av. n. è. : limites et peuplement. ‑1. Roanne (Rodumna) ‑2. Ambierle (Les Georges) ‑3. Saint‑Jean‑Saint‑Maurice‑sur‑Loire (Jœuvres) ‑4. Amplepuis (Le Terrail) ‑5. Saint‑Marcel‑de‑Félines (Crêt‑Châtelard) ‑6. Poncins (Goincet) ‑7. Cleppé (La‑Celle‑Saint‑Martin) ‑8. Feurs (Forum Segusiavorum) ‑9. Marcilly‑le‑Châtel (Puy Granet) ‑10. Saint‑Romain‑le‑Puy (Chézieu) ‑11. Précieux (La Baluse) ‑12. Chambles (Essalois) ‑13. Larajasse ‑14. Courzieu (Le Chatelard) ‑15. Pontcharra‑sur‑Turdine (Mediolanum) ‑16. Chessy‑les‑Mines (Le Colombier) ‑17. Limonest (Montverdun) ‑18. Anse (Asa Paulini) ‑19. Saint‑Georges‑de‑Reneins (Les Tournelles) ‑20. Lyon (Lugdunum).
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Légende Fig. 2 ‑ Les sites de plaine de Feurs, Goincet (Poncins) et La‑Celle‑Saint‑Martin (Cleppé) au Ier s. av. n. è. En grisé, basse plaine alluviale ; en pointillé, extension de l’occupation des sites.
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Légende Fig. 3 ‑ Topographie du site de Feurs. Localisation de l’habitat gaulois (en grisé) et de la nécropole (étoile). L’équidistance des courbes de niveau est de 1 m.
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Légende Fig. 4 ‑ Mobilier lithique des niveaux gaulois et gallo‑romains de Feurs (éch.1/2). ‑1,3 et 4. Chantier 2 ‑2 et 5. Chantier 1 ‑6. Chantier 3.
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Légende Fig. 5 ‑ Céramique néolithique et de l’âge du Bronze (éch. 1/2). ‑1. Bord de vase à décor de pastilles et cordons rapportés : Bronze ancien ? (ch. 2) –2 Fragment de vase campaniforme à décor incisé (ch. 1) ‑3. Fragment de vase à cordons orthogonaux rapportés : Bronze ancien ou moyen (ch. 3).
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Légende Fig. 6 ‑ Céramiques de La Tène moyenne (éch. 1/3). ‑1, 2, 3, 4, 8. Chantier 3, ensemble 13 ; céramiques non tournées ; no 1 type 3001 surfaces lissées ; no 2 type 1212 surfaces lissées ; nos 3, 4 (et ?) type 1612, repris à la tournette, surface interne égalisée, décor au lissoir sur l’extérieur de la panse. ‑5, 6, 7 et 9 à 15. Chantier 2 ; céramiques non tournées ; no 5 type 1221, surface interne lissée ; nos 67 et 14 indéterminés ; nos 10 à 13 type 1001, surfaces lissées sauf nos 11 et 12 à surface interne égalisée ; no 9 indéterminé, surface interne égalisée, repris à la tournette et décoré au lissoir ; no 15 fragment type 3212, surfaces lissées.
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Légende Fig. 7 ‑ Découvertes anciennes de La Tène finale (1929 et 1950) (éch. 1/3). ‑1. Vase non tourné type 1141 ‑2. Vase demi‑fin tourné type 1211 ‑3. Fond en céramique fine tournée à décor estampé (classe 4 ou 5) ‑4. Panse de vase en céramique fine tournée, décor lissé ‑5. Céramique fine tournée, type 4132.
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Légende Fig. 8 ‑ Situation des découvertes de l’âge du Fer dans l’agglomération de Feurs. ‑1 Chantier 1 : Place de la Boaterie (fouille 1978) ‑ 2. Chantier 2 : Place du Puits de l’Aune (fouille 1980) ‑3. Chantier 3 : Rue de Roanne (fouille 1981) ‑4. Nécropole : Rue Saint‑Antoine (fouille 1984) ‑5. Découverte de 1929 : mobilier déposé au musée de Feurs ‑6. Découverte de 1950 : mobilier déposé au musée de Feurs. *sondages dans le Parc du Rozier (fouille 1985). Le trait noir épais représente le rempart de Feurs au XVe s.
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© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1988

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