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La peinture murale antique

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Alix Barbet

Peintures murales du jardin du luxembourg à Paris

Hélène Eristov et Solange de Vaugiraud

Résumé

Première approche et analyse d’une peinture de Paris où la manipulation difficile des morceaux très fragiles a été remplacée par un puzzle des fragments dessinés et réduits à l’échelle 1/5e. Le décor restitué s’apparente au 3e style pompéien et provincial ; cependant l’exécution, de qualité moyenne, ferait supposer une datation plus tardive, qui reste difficile à établir.

Texte intégral

1Une fouille de la Commission du Vieux Paris, menée par Edmond Servat en avril‑mai 1981, a mis au jour, au nord de la fontaine Médicis, dans le jardin du Luxembourg, deux murs d’orientation très voisine, l’un antique (N/NE‑S/SW), l’autre plus récent (N‑S). À l’ouest du mur moderne, le matériel recueilli était disparate, tandis qu’à l’est du mur antique il se composait presque exclusivement de fragments d’enduit peint.

2De petites dimensions, ces débris étaient entassés pêle‑mêle, comme la fouille l’a mis en évidence ; d’autre part, s’ils appartiennent à toutes les zones de la paroi, ils sont toutefois trop peu nombreux pour que l’on puisse penser à l’effondrement d’un mur. Il s’agit donc, selon toute vraisemblance, de déblais.

Documentation graphique

  • 1 Nous n’insisterons jamais assez sur l’aide précieuse que nous a apportée Claude Soulié, aussi bien (...)

3En raison de la fragilité de la couche picturale et de ses nombreux surpeints, la documentation photographique a été complétée, dès le début du traitement de la peinture, par une documentation graphique1 : les calques des fragments, effectués sur nappe plastique, ont été tirés sur papier et coloriés à la gouache par Florence André, qui a cherché à rester aussi proche que possible de l’état actuel de la peinture : à ce stade du dessin, il ne s’agit donc pas de restitution idéale des motifs mais d’un témoignage sur la couche picturale et éventuellement les couches sous‑jacentes, accidentellement visibles.

4Les calques réduits au 1/5e et qui servent à l’établissement de la restitution définitive ont permis également de disposer d’un jeu de fragments réduits et coloriés, ce qui a de beaucoup facilité le travail de recomposition : la fragilité des enduits et leur état, si fragmentaire et lacunaire que fort peu de collages étaient envisageables, rendaient en effet très difficile une recomposition fondée sur les manipulations habituelles. Aussi a‑t‑elle été faite principalement à partir des dessins coloriés.

Restauration

5Après étude, les fragments ont été meulés et collés sur un tissu polyester à la colle Mowilith : sont assurées ainsi leur conservation et leur maniabilité, ainsi que la possibilité, toujours ouverte, de les inclure, avec leur tissu, dans un mortier moderne. Patrick Blanc, qui s’est chargé de cette restauration, a en outre réalisé deux panneaux présentant un décor restitué. Dans ce cas précis, l’aspect très lacunaire du décor pouvait conduire à accumuler de petits fragments sans lien attesté les uns avec les autres, en un « remplissage » dont on connaît les méfaits. Aussi, de façon volontairement puriste, a‑t‑on choisi de n’inclure que les quelques fragments essentiels à la compréhension du décor ; la réintégration, indispensable pour combler les vides sans noyer les fragments, vise ici, non pas à répéter systématiquement les motifs de part et d’autre de leur axe de symétrie, mais à établir une chaîne visuelle permettant une lecture non équivoque du décor.

Restitution

6Grâce à quelques fragments‑clés, la composition générale du mur est connue. Le soubassement comprend une plinthe rose moucheté surmontée d’un socle à panneaux noirs et compartiments rouges ornés de touffes de feuillage. Une prédelle verte, apparemment vide de décor, couronne cette zone.

7La partie médiane fait alterner de larges champs rouges et des inter‑panneaux noirs richement décorés : s’y superposent des cercles alternativement formés par des dauphins verts à queue rouge, et par des cornes jaunes soulignées de vert. Au centre des cercles à dauphins, des motifs, très lacunaires pour la plupart, peuvent être restitués : ce sont (dans un ordre problématique) une sorte de cartouche enroulé (ou pièce d’armement ou encore éventail), un canthare suspendu, un clipeus, un motif difficilement restituable (tête d’Océan ou rhyton ?). Tous sont accrochés par des rubans rouges formant un nœud à deux coques (fig. 1).

● Fig. 1 – Fragments‑clés de l’inter‑panneau et de la partie supérieure.

Dessin F. André.

8La partie supérieure se réduit à une bande de 0,20 m non délimitée par rapport aux inter‑panneaux, et elle aussi à fond noir. De son ornementation qui devait être abondante, il reste un oiseau bleu, perché sur l’angle supérieur du champ médian, et divers motifs isolés, identifiables comme des frontons purement décoratifs ; l’un, à volutes rentrantes, est encadré de feuilles à tige oblique, l’autre, à volutes sortantes, est encadré de touffes de feuillage. Ils devaient prendre place au centre de la limite supérieure des champs médians.

9Au‑dessus de cette bande noire, court une corniche à fond blanc ornée de « souvenirs » de modénature (oves, astragale, lotus...) très agrandis. Une large bande rouge, dont la surface est légèrement convexe, formait la limite avec le plafond (fig. 2).

● Fig. 2 – Bande supérieure de la partie médiane.

Photo H. Eristov.

10La structure de la paroi est déductible du nombre d’éléments conservés : à partir des fragments, on pourrait restituer 12 cercles de 0,24 m de diamètre, et comme pour des raisons de proportions on admet que chaque inter‑panneau en superpose 8, il semble légitime de restituer trois champs médians séparés par deux zones étroites (fig. 3). La largeur de ces dernières étant connue (0,40 m), il reste à déterminer celle des champs, pour laquelle seule la zone supérieure apporte quelques indications : la place nécessaire au déploiement des frontons et de leurs feuillages annexes, d’une part, le rythme des motifs de la corniche, de l’autre, amènent à supposer que le champ central était large de 1,13 m et les champs latéraux de 1 m, ce qui porte la longueur totale du mur à 3,95 m ; sa hauteur, moins problématique, s’élevant à 2,97 m.

● Fig. 3 – Exemple de restitution des motifs de l’inter‑panneau.

Dessin F. André.

11Le détail de ces déductions et l’analyse des quelques motifs, qui n’entrent pas dans ce schéma mais appartiennent probablement au mur perpendiculaire, seront donnés dans la prochaine publication de cette peinture.

Comparaisons et datation

12Une fois de plus, ce sont les comparaisons stylistiques qui sont invoquées pour proposer une datation. Le schéma général rappelle celui de la maison sous les thermes impériaux à Trèves (Belot 1984 : 14), de Martizay (Barbet 1983 : 145) ou de la galerie du temple de Champlieu (Barbet 1983 : 159), datables du début du ier s. ap. J.‑C.

13Le répertoire décoratif se rattache également à celui du 3e style : le pilastre est du temple d’Isis à Pompéi (De Vos 1980 : 61) est orné de cercles de feuilles enfermant un motif central ; le caldarium 22 de la maison du Labyrinthe (Bastet, De Vos 1979 : 192), l’œcus de la maison de Trebius Valens (Bastet, De Vos 1979 : 224), le décor rouge de l’insula 18 d’Avenches (signalé par Michel Fuchs), présentent des inter‑panneaux construits sur des superpositions de cercles ou d’ellipses végétalisés.

14Les oiseaux et les touffes de feuillage associés à une modénature simplifiée sur fond blanc trouvent un parallèle dans le tablinum de la maison de Trebius Valens (Bastet, De Vos 1979 : 223) ou dans celle des Bronzes (Bastet, De Vos 1979 : 189), parmi bien d’autres exemples. Des éléments de corniche identique se retrouvent à Bordeaux, Allées de Tourny, fosse 24 (Barbet 1983 : 136‑137), Ces quelques comparaisons relient le décor du jardin du Luxembourg au 3e style ; en Gaule même, c’est à la première moitié du iers. qu’appartiennent les exemples de référence.

15Toutefois l’aspect relâché de la corniche, le traitement rapide et « impressionniste » des dauphins, des feuillages, de l’oiseau, l’absence de bordures ajourées, tendraient plutôt à situer ce décor au début du iie s., comme le confirme aussi le schéma des inter‑panneaux à cercles superposés fréquents en Rhénanie.

16L’absence de toute donnée architecturale ne facilite pas la datation de ce décor ; mais ce que l’on sait de l’urbanisation de ce quartier de Lutèce s’accorde avec cette datation : c’est à la suite de la construction du forum, dans la deuxième moitié du ier s., que la limite ouest de la ville du Haut – Empire est devenue un quartier à la fois luxueux et artisanal (Périn 1984 : 92) comme l’ont montré les fouilles du xixe s. et celles, plus récentes, des années 1972‑1973 (Fleury 1984 : 342). La proximité immédiate du forum pourrait aussi laisser supposer que cette peinture ornait un édifice public ; on a déjà remarqué (Barbet 1983 : 165) la fréquence des décors de 3e style dans les temples (Ribemont, Champlieu, Izernore). Le fait de trouver ici une imitation assez réussie de ce type de décor s’expliquerait par la fidélité à une tradition.

Discussion

17Eric Moormann exprime son scepticisme sur la possibilité d’une datation stylistique à l’intérieur du 3e style, évoquant en particulier la maison de Marcus Lucretius Fronto à Pompéi qui, bien que tardive, présente tout le vocabulaire décoratif du début du 3e style. Selon Alix Barbet, la disparition des bordures compliquées, la schématisation des fleurs de lotus et des palmettes, correspondraient effectivement à une reprise de schémas anciens, dans un décor que l’on situerait plutôt au iie s.

18Suit une discussion sur l’interprétation de différents motifs inexpliqués : les pseudo‑queues d’animaux seraient plutôt des dauphins ; le motif suspendu serait une nébride.

Bibliographie

Bibliographie

Barbet 1983 : BARBET (A.). — La Diffusion du troisième style pompéien en Gaule – 2e partie. Gallia, 41, 1983, 1, pp. 11‑165.

Bastet, De Vos 1979 : BASTET (F.L.), DE VOS (M.). — Proposta per una classificazione del Terzo Stile Pompeiano. La Haye, 1979, 238 p. (Archeologische Studiën van het Nederlands Instituut te Rome, tome IV).

De Vos 1980 : DE VOS (M.). — L’Egittomania in pitture e mosaici romano‑campani della prima età impériale. Leyde, Brill, 1980, 107 p.

Belot 1984 : BELOT (E.). — La Peinture murale romaine provinciale dans le Nord‑Pas‑de‑Calais. Catalogue de l’exposition présentée à l’occasion du 8eséminaire de l’A.F.P.MA, 1ermai‑3 juin 1984. Valenciennes, 1984, 56 p.

Fleury 1984 : FLEURY (M.). — Fouilles du Luxembourg. In : Lutèce. Paris de César à Clovis, Catalogue de l’exposition, Musée Carnavalet, 3 mai 1984 – printemps 1985. Paris, 1984, 431 p.

Périn 1984 : PERIN (P.). — Le Développement urbain. In : Lutèce : Paris de César à Clovis. Paris, 1984, 431 p.

Notes

1 Nous n’insisterons jamais assez sur l’aide précieuse que nous a apportée Claude Soulié, aussi bien pour les relevés graphiques que pour la compréhension générale de cette peinture. Nous l’en remercions bien vivement.

Table des illustrations

Légende ● Fig. 1 – Fragments‑clés de l’inter‑panneau et de la partie supérieure.
Crédits Dessin F. André.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33085/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Légende ● Fig. 2 – Bande supérieure de la partie médiane.
Crédits Photo H. Eristov.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33085/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
Légende ● Fig. 3 – Exemple de restitution des motifs de l’inter‑panneau.
Crédits Dessin F. André.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/33085/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 69k

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