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Les ateliers médiévaux de poterie grise en Uzège et dans le Bas-Rhône

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Jacques Thiriot

Essai de synthèse : fours et ateliers

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5.1. Buts et procédés de cuisson

  • 1 L’archéologie expérimentale a maintenant assez fait ses preuves pour qu’une expérience de ce type p (...)

1Les problèmes de cuisson qui conditionnent la construction des fours sont examinés ici sommairement. Le potier du Moyen Âge devait répondre à une certaine demande de la part de ses clients. Cet artisan devait déployer beaucoup de savoir quant à la conception, à la construction et à l’amélioration‑réparation de ses fours mais il était limité par les connaissances techniques de l’époque (variables d’une région à l’autre). Les caractères généraux de la cuisson (son principe, ses agents et leurs effets) sont tout d’abord exposés (Haussonne 1969, Jourdan 1966). La prétention de cette étude n’est pas de faire œuvre de spécialiste. Certains phénomènes de cuisson sont encore bien flous et il faudrait qu’un jour, enfin, on en vienne à l’expérimentation pour préciser ces incertitudes1.

5.1.1. But de la cuisson des poteries

  • 2 Dans cet exposé volontairement très général des techniques et des différents modes de cuisson, seul (...)

2La chaleur provoque certaines réactions et transformations physiques et chimiques dans les matières premières utilisées afin d’obtenir une matière nouvelle quasi indestructible. Sa pâte étant cassante, cet objet est souvent remplacé, suivant ainsi de très près la mode. La cuisson est assujettie, outre la composition des argiles qui importe assez peu ici2, à plusieurs facteurs importants (Haussonne 1969 : 312) :

3— le facteur température : de toute évidence l’élément primordial, nécessaire mais non suffisant pour définir une cuisson (les réactions physiques et chimiques liées à la température sont très lentes), diminue très rapidement dans sa pénétration en épaisseur des matériaux ;

4— le facteur temps : l’élément complémentaire pour obtenir une cuisson la plus homogène possible dans un matériau argileux, d’autant plus important que la température sera élevée d’où l’obligation de respecter des paliers assez longs à haute température ;

5— la nature de l’atmosphère dans le four n’est pas un facteur primordial pour la cuisson d’une argile mais détermine surtout l’aspect et, dans certains cas, les caractéristiques physiques et chimiques du produit fini (la nature des gaz entraîne des réactions avec les constituants).

5.1.2. Action de la chaleur sur les argiles

6Une analyse même schématique des différents composants des argiles kaolinitiques utilisées pour le façonnage des poteries n’est pas présentée ici. Les argiles sont rendues plastiques par addition d’eau. La chaleur agissant sur les propriétés physiques et chimiques des argiles, il se produit un dégagement d’eau et une réaction physico‑chimique sur les minéraux (Jourdain 1966 : 113 et suiv.) ;

7— élimination de l’eau hygroscopique non évaporée totalement au cours du séchage (n’entre pas dans la formule de l’argile et peut atteindre 30% du poids d’argile). Elle s’échappe vers 110o sans modifier l’édifice cristallin et s’accompagne d’un retrait dit de séchage pouvant provoquer des déformations et des fentes. L’eau d’imbibition ou zéolithique (faisant partie du réseau cristallin de certaines argiles) part à des températures supérieures à 120o provoquant une légère modification de l’édifice cristallin. En outre, les matières organiques éventuellement contenues dans les argiles entrent en combustion vers 300o.

8— vers 500o‑ 600o : départ de l’eau de constitution (entre dans la formule de l’argile). Son départ brusque provoque un retrait rapide et une modification importante des structures cristallines. À ce stade, il y a également dissociation des silicates.

9— à partir de 1 000o : transformation des structures cristallines et formation de verre plus ou moins complexe. Ces modifications sont fonction de la température atteinte et de la durée de son maintien.

  • 3 Cf. paragraphe 4211 (Thellier 1966, 1971 et 1981).

10En outre, la chauffe a pour conséquence la transformation des caractéristiques magnétiques des argiles. Cette aimantation est en rapport avec le champ magnétique terrestre qui l’a produite au moment du refroidissement3.

5.1.3. Examen d’un cycle théorique de cuisson

  • 4 (Picon 1973). La distinction y est bien faite entre les grandes phases de cuisson. Sa terminologie (...)

11Deux grandes phases constituent le cycle de cuisson4 :

12— cuisson (sens strict : s.s.) : la montée en température doit être lente et progressive pour que les premières transformations (surtout élimination de l’eau) ne se fassent pas brusquement. Elle s’accélère pour enfin être maintenue à son maximum pendant un temps suffisant à l’homogénéisation de cette température de cuisson : pendant ce palier, la poterie acquiert ses caractéristiques principales (voir en plus l’effet de l’atmosphère de cuisson au sens large : s.l.).

13— post‑cuisson : phase suivante de refroidissement du four et de sa charge pendant laquelle on cesse d’alimenter le four en combustible. À la fin de cette étape, la charge de poteries atteint des températures proches de la température extérieure et peut donc être enlevée du four.

5.1.4. Différents modes de cuisson (s.l.)

5.1.4.1. Cuisson et Post‑cuisson

  • 5 (Picon 1973). On peut toutefois admettre l’existence de combinaisons plus complexes qui, jusqu’ici, (...)

14La cuisson (s.l.) est envisagée ici dans un four à flamme directe5. Dans le foyer porté à haute température, le bois se carbonise rapidement en produisant beaucoup de gaz combustibles. L’excès de gaz en contact avec une quantité d’air insuffisante produit des fumées noires abondantes : atmosphère réductrice dans le four (privée d’air et chargée de fumées réduisant les oxydes contenus dans l’argile). Le bois ayant en partie brûlé, la quantité de gaz dégagée diminue et trouve alors de l’air en excès pour sa combustion : l’atmosphère devient donc légèrement oxydante dans cette deuxième phase (chargée d’air permettant l’oxydation de certains composants de l’argile).

15— cuisson (s.s.) réductrice : maintenant un rythme soutenu d’alimentation du feu afin de maintenir la haute température et même de la faire monter, la cuisson (s.s.) reste dans une phase surtout réductrice (par manque d’air).

16— cuisson (s.s.) oxydante : une cadence réduite d’alimentation du feu maintient une atmosphère plus oxydante que réductrice (les ouvertures sont laissées grandes ouvertes pour accélérer la circulation d’air). Ceci est la théorie car si on veut en même temps monter la température, l’opération devient difficile voire impossible. Ce type de cuisson (s.s.) nécessite des chambres de cuisson isolées des gaz (cuisson par radiation).

17— post‑cuisson oxydante : suivant le processus décrit plus haut, l’arrêt d’alimentation du feu produit automatiquement une atmosphère oxydante. Elle se produit automatiquement dans le cas d’une cuisson par radiation.

18— post‑cuisson réductrice : elle est obtenue dans un four à flamme directe si l’arrêt de l’alimentation du feu s’accompagne de la fermeture de tous les orifices du four après une dernière fournée de combustible.

5.1.4.2. Modes de cuisson

19Ils résultent de la combinaison simple ou complexe des cuissons (s.s.) et post‑cuissons réductrices ou oxydantes vues précédemment;

20— mode A : cuisson (s.l.) réductrice‑oxydante, le plus facile à réaliser au cours des deux phases successives, production de poterie à pâte ni grise ni noire ;

21— mode B : cuisson (s.l.) réductrice‑réductrice, avec obturation des ouvertures du four pendant la post‑cuisson, production de poteries à pâte grise ou noire, quelques variantes peuvent être envisagées ;

22— mode C : cuisson (s.l.) oxydante‑oxydante : se pratique essentiellement dans un four à rayonnement. Production de poteries à pâte ni grise ni noire (couleurs naturelles généralement plus vives qu’en mode A).

23— mode D : cuisson (s.l.) oxydante‑réductrice : ce type de cuisson (s.s.) s’effectuant surtout dans un four à rayonnement, il est quasiment impossible d’y procéder à une post‑cuisson réductrice.

24Il peut y avoir combinaison entre les modes B et D si la montée en température pendant la cuisson (s.s.) est menée lentement dans le cas d’un four à flamme directe. Il y a alors alternance plus ou moins complexe entre les cuissons (s.s.) oxydantes et réductrices. L’aspect de la section de certains tessons qui présentent une alternance de couleur gris clair et gris noir semble en être la preuve. Cette hypothèse nécessiterait une expérimentation sérieuse. Les fours étudiés ici sont utilisés surtout suivant le mode B de cuisson. Il y a toutefois possibilité de cuisson (s.l.) plus complexe mêlant les modes B et D. Il est possible d’envisager un mode A si la structure est défectueuse : toute fissure dans la paroi de la chambre de cuisson contrarie l’étanchéité nécessaire au moment de la post‑cuisson provoquant une entrée locale d’air d’où une post‑cuisson localement oxydante.

5.2. Fours du type Saint‑Victor‑des‑Oules

  • 6 Dix fours ont été dégagés à Saint‑Victor‑des‑Oules entre 1973 et 1979 dont sept en surface et trois (...)

25Un grand nombre de fours ont été dégagés à Saint‑Victor‑des‑Oules, Leur fouille plus ou moins complète (dégagement partiel ou total de la surface, fouille en demi‑volume du four et de son accès) a été réalisée sur plusieurs années afin d’obtenir des résultats et des observations de plus en plus précises, au fur et à mesure de l’évolution de notre approche6. L’ensemble de ces connaissances permet maintenant une étude globale de ce type de four qui, pour l’instant, n’a été observé qu’à Saint‑Victor‑des‑Oules (grands fours).

  • 7 En allant de l’est à l’ouest : Cabosse (région de Brignoles ‑Var) fouille inédite de M. Bérard ; Go (...)

26D’autres recherches plus ponctuelles, souvent liées à des découvertes fortuites et en grande partie réalisées avant le commencement de cette étude, ont mis au jour des structures plus frustes, de datation très variable. Ces derniers travaux couvrent une vaste aire géographique allant de la région de Brignoles dans le Var, à la région de Barcelone en Espagne7. Leur étude apporte des éléments de comparaison pour la genèse et l’évolution de ce type de fours. Enfin, l’existence à Saint‑Victor‑des‑Oules et à Saint‑Quentin‑la‑Poterie d’un artisanat de la poterie jusqu’au début du xxe s. permet l’examen de son évolution.

5.2.1. Construction

  • 8 Pierres de récupération, argile locale. Dans le cas du four de Saint‑Gilles‑du‑Gard : récupération (...)

27Les grandes caractéristiques de construction de ces tours, de la taille du type Saint‑Victor‑des‑Oules, sont en rapport avec leur but essentiel : la cuisson des céramiques grises. Ces fours doivent répondre à des contraintes bien précises. L’effet de la chaleur intermittente entraîne des effets importants de dilatation alternative, d’où un ancrage très développé de la structure dans le sous‑sol. L’isolation thermique de la totalité du four est également requise afin de permettre une montée assez rapide et régulière en température, une limitation de la déperdition de chaleur vers l’extérieur, ainsi qu’une économie de combustible. Le four doit donc être le plus enterré possible, utilisant surtout des matériaux réfractaires isolés à l’extérieur pour les parties au‑dessus du sol. Pour obtenir une cuisson réductrice, donnant des poteries grises, le four doit être étanche, surtout au niveau de la chambre de cuisson. L’édification à moindre coût entraîne l’emploi des matériaux locaux et surtout l’utilisation du sous‑sol en place pour la construction du four8. Avant l’examen des phases de construction, les principales caractéristiques et dimensions des fours étudiés ici sont rassemblées dans le tableau no XXVI.

Tableau XXVI. Dimensions des fours du type Saint‑Victor‑des‑Oules (1 : deux grandes étapes sont retenues ici en fonction de l’hypothèse de changement d’orientation de la porte du foyer. 2 : (Serres 1961). 3 : indication de S. Gagnière. 4 : indication de M. Duret. 5 : indication de M. Duret d’après correspondance de U. Dumas. 6 : (Soulères 1973). 7 : (Rio 1972 et 1978, Padilla 1984).).

5.2.1.1. Excavation dans le sous‑sol géologique. Orientation du four

■ Creusement de la fosse d’accès

Cas des fours de Saint‑Victor‑des‑Oules
  • 9 Cf. paragraphe 2371.

28Les travaux de sciage de la paroi et de la sole effectués sur le four 91A ont permis de définir l’ordre des opérations réalisées pour la construction de ce type de four9. Peu de fosses d’accès ont été dégagées entièrement. Toutefois, leurs caractéristiques peuvent être redéfinies dans leurs grandes lignes.

29La fosse d’accès au foyer était excavée en premier lieu dans le sol à proximité de l’atelier et à un endroit encore disponible (cf. orientation étudiée ci‑après). Celle‑ci pouvait être pratiquée à partir d’un talus (BOJ 743A), d’une aire d’accès d’un four abandonné (four 91A : accès creusé à partir de l’accès du four 91 B détruit, fig.17) ou même installée dans le foyer d’un four à l’abandon (four 89A : l’accès reprend l’emplacement du foyer du four 89D en l’aménageant un peu, fig.17 et 25). Leur plan est très grossièrement circulaire (four 89B, fig.25) légèrement allongé dans l’axe du four (four 89A, 89C, fig. 25 et 22d), ou élargi (four 89D, fig.25). Ce plan devait certainement être défini en fonction de la place disponible et de l’organisation spatiale de l’atelier. La section de ces fosses montre toujours un accès en pente douce vers une petite plate‑forme assez peu profonde de l’ordre du mètre (variation de 0,80 à 1,50 m) ; parfois de petites fosses moins profondes servaient de marches en bordure de la fosse principale (four 89C, fig.25 et 22d). Au point le plus profond de l’accès était percée la porte du foyer. Cet orifice est toujours assez large (environ 1 m) pour une hauteur de 0,70 à 0,80 m (fig. 22b et 21c). Le percement ayant lieu à partir de la fosse d’accès aux parois arrondies, le plan de la bouche du foyer est à 45o par rapport à la verticale.

Cas des autres fours10
  • 10 Sous cette dénomination sont regroupés les fours mentionnés sur le tableau XXVI, autres que les fou (...)

30Pour les fours de dimensions moyennes, l’accès est creusé (avant le foyer) à une profondeur assez comparable à l’accès des fours de Saint‑Victor‑des‑Oules. Le foyer étant à la même profondeur, la porte est verticale. Le plan de l’aire d’accès n’a pas été défini dans ces fours très souvent dégagés en fouille de sauvetage.

■ Creusement du foyer

Cas des fours de Saint‑Victor‑des‑Oules
  • 11 L’action du feu sur cette paroi d’origine a entraîné le détachement progressif des parties en conta (...)

31L’excavation est pratiquée à partir de la porte du foyer. Un grand trou en forme de terrier est creusé dans le sol géologique en place quelle que soit sa nature. La fosse commence très brutalement à partir de l’entrée pour atteindre une profondeur moyenne de 2,50 m par rapport au sol soit environ 1,50 m par rapport au sol de l’aire d’accès (fig. 24b). La fosse qui constitue le foyer est allongée dans l’axe du four sur un peu plus de 3 m pour une largeur maximale de 2 m à 2,50 m (fig. 20a : plan maximal de la fosse représenté en pointillés). Le foyer occupe donc un volume sphérique aplati et allongé totalement ménagé dans le sol géologique comprenant généralement une couche supérieure d’argile jaune sableuse sur le rocher calcaire gréseux en plaquettes. La voûte initiale sur le foyer devait être brute d’excavation. L’examen des voûtes dégagées (four 91A, 91B et 128E) n’a pas permis d’y déceler la trace des outils utilisés11. La voûte encore en grande partie intacte du four à pain 91B2 ayant subi des chauffes moins intenses présente de très nombreuses traces d’outil à tranchant de plusieurs cm de large perpendiculaire à l’axe du manche. L’outil était utilisé en mouvement tournant et légèrement descendant donnant ainsi une forme très régulière à l’excavation.

Cas des autres fours

32L’excavation du foyer est beaucoup plus modeste et présente généralement une différence fondamentale. La profondeur du fond du foyer est toujours sensiblement égale à celle de la fosse d’accès (par exemple, le four de Bollène, Jonqueirolle, fig. 6c) celle‑ci était généralement réalisée dans un sous‑sol argileux mais également dans des milieux légèrement moins propices tels que des niveaux marneux (Limoux), ou plus sableux (Cabosse).

■ Orientation

  • 12 Se reporter à l’essai de synthèse atelier, paragraphe 54, concernant les quelques ateliers gallo‑ro (...)

33Elle est variable localement. À Saint‑Victor‑des‑Oules, l’orientation est à 45o par rapport aux points cardinaux pour les fours des terrains 91 et 89 (fig. 17). Celle‑ci est à mettre en rapport étroit avec l’organisation générale de l’atelier (cheminements, commodités d’accès, réemploi de fosses par facilité...). Il ne semble pas y avoir eu d’autres préoccupations dans la mise en place des fours à cet endroit. L’orientation semble plus variable dans le terrain 128 où l’organisation devait être légèrement différente. Il est assez difficile de généraliser ici puisqu’un seul four a été dégagé entièrement dans ce dernier terrain. Le point essentiel est ici l’orientation très changeante des fours de l’atelier du xiie s. (terrains 91‑89, fig. l7). Les sept fours dégagés à cet endroit dans un espace très restreint présentent souvent des orientations perpendiculaires (exemple des fours 91A et 91 B) et même parfois des orientations diamétralement opposées (cas du four 89C par rapport aux fours 91 B, 89B et 89D). Ces constatations ont déjà été faites sur d’autres sites de différentes périodes dans des aires géographiques éloignées12. Pour les fours de dimensions moyennes, la comparaison est assez difficile à faire vu le faible nombre de structures dégagées par site.

5.2.1.2. Aménagement de la porte du foyer

34Le seul aménagement généralement constaté, sauf pour les fours de dimensions plus réduites, consistait en une murette de pierres calcaires, liées à l’argile, disposée en arc de cercle. La base de la maçonnerie reposait dans le foyer (91B et 128E : fig.24b et 21c) ou sur la ligne de rupture de pente entre la fosse d’accès et la fosse du foyer (91 A : fig. 22b). Cette murette était destinée à porter les pierres servant à l’obturation de la porte du foyer en période de post‑cuisson réductrice (89C : fig. 25 et 22d). Elle retenait également les cendres et les déchets à l’extérieur du foyer et montait en même temps que la fosse d’accès s’enlisait (91B : fig.24b).

5.2.1.3. Sole

  • 13 Cf. monographie du four 91A : paragraphe 2371. Fig. 21 a et 21 b.
  • 14 Cas du four de Bollène, Jonqueirolle (Thiriot c). Fig. 6 b et c.

35La surface du sol d’argile géologique en place au‑dessus de l’excavation du foyer était aménagée afin de constituer la sole. Une aire circulaire approximativement horizontale était taillée sans doute de quelques dizaines de centimètres par rapport au sol (minimum 20 cm pour le four 91A : fig. 21a) et approximativement centrée sur la fosse inférieure (fig. 20a et 24a : plan en pointillé du foyer). On procédait ensuite au percement, à partir de la surface, de trous de chauffe à l’aide d’un pieu appointé lubrifié à l’eau. Son frottement contre les parois du trou allié à l’action de l’eau produisait à cet endroit, sur une très faible épaisseur, un tassement de l’argile qui peut laisser penser à un revêtement de la paroi par une argile d’appoint. Le sciage de la sole (91A) montre que la structure de l’argile est identique sur toute l’épaisseur de la première sole13. L’enlèvement du pieu en fin d’opération pouvait avaliser partiellement le trou14.

5.2.1.4. Problèmes des couches successives de la sole

  • 15 Seul le cas des fours de Saint‑Victor‑des‑Oules est évoqué ici. Les autres fours, sauf peut‑être ce (...)
  • 16 Sur les trois fours dégagés en demi‑volume, les fours 91A et 91B présentent encore leur sole initia (...)
  • 17 Cf. paragraphe 2371. Fig. 21 a et b.

36La sole apparaît en coupe et sur les cassures comme une structure feuilletée15 où plusieurs groupes de couches peuvent être distingués (fig. 21a). Dans le cas du four 91 A, on observe une couche épaisse d’argile d’un seul tenant16. Les trous de chauffe qui y sont percés sont rectilignes et bien formés. La section A sur la sole du four 91A montre une argile homogène sur toute la surface coupée (fig. 21a et 21b), argile dont la texture est semblable à celle de l’argile géologique en place (fissures, trous de vers ou escargots). La surface supérieure de cette sole, la première, est cuite en atmosphère réductrice et présente une frange grise. Au‑dessus de cette première sole existent de nombreuses couches assez peu épaisses. Leur nombre, indéfini et non constant, est lié à la durée d’utilisation du four. Leur épaisseur est variable allant jusqu’à une dizaine de centimètres. La surface couverte est également très variable : de la surface totale à une fraction de sole comprise entre deux trous de chauffe (four 89B). Pour les couches additionnelles, la texture de l’argile est beaucoup plus compacte et homogène. Elle ne présente pratiquement pas de fissure dans la pâte qui englobe quelques tessons. Aucune trace de cheminement de vers ou d’escargots n’y est observée. En surface, de nombreuses traces de lissage à la main de l’argile molle (fig. 19; fours 91 A, 89B, 128L), des traces de pieds nus d’enfant (fig. 26a : four 89B), témoignent de la technique utilisée pour les réparations. Les trous de chauffe de la couche précédente ont été maintenus à peu près au même emplacement avec souvent débordement de matière dans le trou de la couche antérieure (section A). Le bord du trou était arrondi avec la main (souvent traces de lissage en arc de cercle plus ou moins parallèles au trou de chauffe) (four 91 A : fig. 20a et 19). À chaque couche d’argile, la cuisson réductrice entraîne une couleur grise sur la partie supérieure de la couche et sur les parois des trous de chauffe. C’est la preuve qu’après mise en place de chaque couche, il y avait cuisson et sans doute utilisation du four. Pour les couches supérieures du four 128E, ces couches correspondent à une reprise de la paroi circulaire de la chambre de cuisson (rechemisage : fig. 23a). Ces couches multiples semblent liées à la réparation de la sole (cf. paragraphe 523). Toutefois, l’examen de la section 91A (fig. 21a) nous entraîne à moduler cette conception. La sole marquée 2 correspond à une couche d’argile rapportée de faible épaisseur qui a toutes les caractéristiques des couches dites précédemment « de réparation ». Sa couleur grise en surface est assez bien marquée. Par contre, la couleur grise à la surface de la sole 1 « naturelle » est pratiquement inexistante, d’où le problème soulevé dans l’examen de la structure17 :

37— y a‑t‑il eu ici une couche rapportée dès la construction du four et avant sa première cuisson d’où la cuisson non réductrice de la surface de la sole 1 naturelle, auquel cas la sole no 1 utilisée serait en fait la sole marquée 2 ? La faible pénétration de la cuisson réductrice à la surface de la sole 2 est à remarquer ;

38— ou bien, et cela semble moins probable, lorsqu’une couche en recouvre une autre, sa cuisson réductrice entraîne un changement de couleur de la surface de la sole précédente en diminuant l’effet réducteur (la couleur devient plus brune). Cela est assez peu probable car ce phénomène devrait se reproduire à chaque constitution de nouvelle sole. Ce n’est pas le cas dans l’observation de la section A pour les soles supérieures.

  • 18 Une problématique a été mise en place à l’aide de cette étude. Les recherches à ce sujet doivent êt (...)

39Un problème d’interprétation se pose sur des observations faites sur trop peu d’exemples. L’expérience devrait être entreprise sur d’autres fosses, et répétée un assez grand nombre de fois sur un même four pour permettre des conclusions plus fiables18.

5.2.1.5. Voûtement de la salle de cuisson

  • 19 L’exposé s’appuie sur les observations faites à Saint‑Victor‑des‑Oules. Ce raisonnement peut être a (...)
  • 20 Cf. paragraphe précédent 5.2.1.4, fig. 23 a.
  • 21 Au moment de la découverte, une autre hypothèse avait été formulée qui ne semble pas valable. Ces é (...)
  • 22 Ce type de murette est représenté sur plusieurs types de fours (Corder 1957).
  • 23 Des fours traditionnels en Afrique Noire présentent ce caractère (Rhodes 1976 : 21, fig : 9) : four (...)
  • 24 Fig. 36 e. Voûtement envisagé par (Corder 1957 : 15, fig. 4).

40Les éléments préservés sont très peu nombreux19. La paroi latérale de la salle de cuisson n’est conservée au plus que sur environ 20 cm et une épaisseur moindre (quelques centimètres). L’examen de la paroi dans la plupart des fours (sauf 128E) montre qu’il n’y a qu’une épaisseur d’argile cuite en atmosphère réductrice. Cette paroi ne peut pas supporter de voûtement permanent étant donné sa faible épaisseur et l’absence de murette circulaire extérieure. Le cas du four 128E est particulier : la ceinture d’argile et de pierres rapportées en arrière des multiples couches de parois successives est en rapport avec l’évolution de la sole20. La découverte sur la sole du four 128E d’éléments d’argile cuite à courbure convexe, alors que les parois sont concaves (circulaires), montre qu’il existe sur ces structures une construction particulière. On peut retenir l’interprétation suivante21 : ces éléments doivent appartenir à la bordure arrondie d’une murette ceinturant toute la sole sur quelques dizaines de centimètres de hauteur et de largeur. Celle‑ci devait servir de base, de fondation, au voûtement temporaire réalisé au‑dessus de la charge22. Cette ceinture devait avoir pour but également de tenir la base de la charge de poteries bien en place23. Le voûtement temporaire, qui semble attesté sur d’autres sites, devait être réalisé à l’aide de différentes couches successives de broussailles, de branchages servant d’arcatures, puis de terre argileuse, et peut‑être de terre végétale plus du sable24 ; quelques ouvertures devaient être aménagées dans ce revêtement pour l’échappement des fumées.

  • 25 Le voûtement permanent étant totalement exclu du fait du manque total de fondations suffisantes.
  • 26 Dans ce cas, la couverture serait réalisée à l’aide de gros tessons posés sur le haut de la charge (...)

41Il semble peu envisageable de restituer sur ce type de four, quelles que soient ses dimensions, tout autre mode de couverture et, en particulier, le non‑voûtement temporaire25. En effet, la construction de la paroi cylindrique qu’il faudrait envisager sur au moins 1 m de haut entraînerait une fondation d’une épaisseur assez importante (au moins 30 cm) qui n’a jamais été constatée26.

5.2.1.6. Aspect extérieur

■ Cas du four de Saint‑Victor‑des‑Oules

42Ce point a déjà été abordé dans les paragraphes précédents. L’accès au foyer creusé dans le sol n’avait pas d’autre aménagement qu’une murette à l’ouverture du foyer. Le four 128E présente une exception : une murette latérale a été construite pour retenir les dépotoirs amoncelés depuis le début de la production de ce four. Le four lui‑même non chargé devait apparaître sous forme d’une murette circulaire sans doute légèrement au‑dessus du sol environnant, la sole étant légèrement enterrée (fig. 36e). Le four chargé, prêt à la cuisson, devait ressembler à une meule de terre portée par la murette. On pouvait pratiquement en faire le tour, sauf à l’endroit de la porte du foyer (fig. 36e). Le four pouvait être protégé de la pluie par une structure légère portée par des poteaux de bois. Les empreintes multiples de 6 ou 7 poteaux observées sur le pourtour du four SVO 89A (orientation nord nord‑ouest/sud sud‑ouest) semblent appuyer l’hypothèse d’une couverture déplaçable au moment des cuissons (fig. 17 et 25).

■ Cas des autres fours

43Leur aspect extérieur devait être en tous points comparable aux fours de Saint‑Victor‑des‑Oules. L’aire d’accès au foyer était sans doute moins développée. Le four revêtu ou non de la voûte temporaire était moins important et sans doute un peu plus fruste.

5.2.1.7. Matériaux utilisés

44La plus grande partie de la construction était réalisée dans le sous‑sol géologique en place. Les parties construites étaient réalisées presque essentiellement en argile locale et en pierres de récupération pour le renforcement de la murette de ceinture. La construction était donc limitée au strict minimum et réalisée à moindres frais à l’aide de matériaux trouvés à proximité.

5.2.2. Fonctionnement

5.2.2.1. Préparation et charge du four

  • 27 Cf. paragraphe 5223.
  • 28 Cf. paragraphe 523.
  • 29 Le cas du four 128E est exceptionnel du fait des nombreuses réparations de sole qu’il a subies. La (...)
  • 30 (Rhodes 1976 : fig. 9) : charge dans un four à Sokoto, Nigéria du Nord : les poteries sont empilées (...)
  • 31 Le sable fin pouvait par simple gravitation tomber dans les fissures pour les obturer. Une couche d (...)

45Avant de constituer la charge, le four devait être remis en état. Le foyer devait être plus ou moins vidé partiellement de l’excédent de cendres ou laissé tel27. La sole était éventuellement réparée par colmatage des brèches. Une nouvelle couche plus ou moins partielle était alors étendue et lissée sur l’ancienne28. La murette devait faire l’objet d’assez peu de réparations29. Après remise en état du four, les poteries préalablement séchées étaient mises en place dans le four et calées à l’aide de tessons ou de petites boules d’argile dont quelques exemplaires informes ont été trouvés. Un premier lit de poteries sans doute de gros calibre devait être bien calé à l’intérieur de la murette. Sur cette base bien stable avait lieu l’empilage, avec le moins de vides possible, de pièces de différentes grosseurs dans une position sans doute quelconque. Chaque nouvelle couche devait être disposée en retrait de la précédente afin de former une pyramide. La charge devait être complétée par de petites poteries et des formes accessoires pour arrondir le tas30. La charge en place, on devait disposer sur elle des broussailles assez fines et recouvertes de branchages plus gros formant armature. Celle‑ci était recouverte d’une couche argileuse soigneusement lutée afin qu’il n’y ait aucune fissure. Plusieurs orifices au sommet devaient être aménagés pour l’évacuation des fumées. L’ensemble, devant être hermétique, était sons doute recouvert de sable siliceux puis de terre31. Le four ainsi recouvert de son dôme temporaire était alors prêt pour la cuisson.

5.2.2.2. Cycle théorique de cuisson

■ Cuisson (s.l.)32

  • 32 Se reporter au paragraphe 51. Cet exposé théorique ne pourra être précisé que par l’expérimentation (...)
  • 33 Se reporter à l’étude du matériel, paragraphe 3.2.

46Le feu était allumé à l’aide de menus branchages et maintenu très bas pendant assez longtemps pour dégourdir la charge et la voûte à cuire, et assurer le resuage des poteries. La combustion des broussailles et des branchages sous la voûte temporaire permettait sa cuisson progressive en même temps qu’une chauffe d’appoint des parties supérieures de la charge. Les bouchées de combustible devaient ensuite augmenter de grosseur, avec un rythme d’enfournement lent, au fur et à mesure de la montée lente et régulière en température. En théorie, toute cette première phase s’effectuait en atmosphère réductrice. En fait, il devait y avoir alternance des cuissons (s.s.) oxydante et réductrice à cause de l’alimentation saccadée du feu. L’examen de la section des tessons montre une variation assez importante de la couleur de la pâte à cœur33. Le potier appréciait le degré de cuisson par la couleur des poteries et des parois du four, l’aspect de la flamme et des fumées. Il jugeait ainsi du type de combustible à employer, de la quantité de bois et du rythme des enfournements. Lorsque la température maximale était atteinte, au bout d’un temps difficile à évaluer à l’aide des seules indications archéologiques, le feu était maintenu à ce niveau pendant plusieurs heures afin d’obtenir une cuisson complète à cœur. Pendant toute cette période, le bois brûlait complètement produisant des cendres grises.

  • 34 Les poteries acquéraient une étanchéité plus efficace à l’usage par obturation des pores grâce aux (...)
  • 35 (Fabre 1929‑1934 : 147‑1551. Cette étude d’un artisanat du xixe s. décrit entre autres une cuisson (...)

47Après ce palier de cuisson, la post‑cuisson avait pour but d’obtenir une poterie d’aspect gris plus ou moins foncé par dépôt de carbone dans la structure de l’argile constituant ainsi une étanchéité certaine34. Pour cela, une grosse quantité de bois était enfournée rapidement. Toutes les ouvertures du four étaient obturées, la porte du foyer était fermée à l’aide de grosses pierres et de terre (fig. 25 et 22d). Le bois enfourné, au contact du four porté à blanc, ne pouvait plus se consumer totalement. L’étouffement du feu produisait donc des charbons de bois et beaucoup de fumée entraînant une atmosphère réductrice dons tout le four. La température décroissait alors très lentement. C’est pendant cette phase qu’il fallait veiller à l’obturation des fissures pouvant intervenir dans le voûtement, si on voulait conserver l’atmosphère réductrice dans la salle de cuisson35.

  • 36 (Soulères 1973). Pour les fours de Cabosse et de Masmolène, il est difficile de se prononcer sur l’ (...)

48Le même mode de cuisson (s.l.) devait être employé dans les fours plus modestes. Toutefois une différence fondamentale existe dans les fours de Limoux36, l’existence d’un alandier en avant de la chambre de chauffe prouve que le feu était entretenu dans cette partie du four et non directement en dessous de la chambre de cuisson. Cette particularité, héritée en droite ligne des fours antiques, permettait une meilleure régulation de la cuisson.

■ Détournement

49La destruction progressive de la voûte temporaire à la fin du refroidissement du four permettait le défournement des produits cuits. Arrivé à la base de la voûte, le potier pouvait pénétrer dans le four, sur la sole encore un peu chaude, pour y retirer les dernières poteries.

■ Circulation des flammes et des fumées

50Dans un four circulaire, à tirage vertical direct, la circulation de l’air est tout à fait naturelle. Passant par la porte du foyer grande ouverte elle permet une combustion totale du bois enfourné et abat partiellement la flamme à cause de son arrivée haute par rapport au fond du foyer. Les trous de chauffe répartis sur toute la sole en plusieurs rangées concentriques permettaient une répartition sans doute assez homogène de la température. Il devait tout de même y avoir un certain déséquilibre dans les parties arrière par excès de tirage. Est‑ce pour pallier cet inconvénient qu’un trou de chauffe a été obturé dans cette zone sur la dernière sole du four 91 A ? Ce qui semble certain, c’est la constante répartition des trous de chauffe pour les fours du xiie s. (91 et 89 : fig. 24a et 26a) alors que le seul four plus récent (I28E : fig. 26b) présente une répartition moins régulière sauf pour la rangée périphérique. La disposition judicieuse des évents, que l’on ne peut malheureusement pas restituer, dans l’éventuelle voûte temporaire de la salle de cuisson devait permettre une convexion correcte des fumées et une homogénéisation de la température et de l’atmosphère surtout dans les parties hautes de la charge. Les parties basses trop en contact avec la flamme devaient subir beaucoup plus de variations de température et surtout d’atmosphère.

■ Combustible

  • 37 Les analyses anciennes du Centre technique du bois sont reprises de manière systématique et fondame (...)

51Les analyses effectuées sur quelques échantillons de charbons de bois prélevés dans le foyer et le remplissage de la fosse d’accès au four 91A donnent une idée du combustible employé. Toutefois ces indications sont très imprécises. Dans l’absolu, les analyses devraient permettre d’évaluer la quantité et la qualité des différentes essences de bois utilisées tout au long d’une cuisson (s.l.), de définir les essences, et leur grosseur, employées pendant la cuisson (s.s.) et la post‑cuisson. Les prélèvements de cendre dans le foyer rendent possible ce type d’étude. Le bois utilisé par les potiers devait être celui qui couvrait l’espace voisin des ateliers. Pour Saint‑Victor‑des‑Oules : genévrier, bois de genre cerasus (merisier ou cerisier), aubépine, chêne à feuilles caduques, chêne vert, nesprun alaterne37.

5.2.2.3. Durée d’utilisation du four : exemple du four de Saint‑Victor‑des‑Oules 91A

  • 38 Seuls les fours de Saint‑Victor‑des‑Oules sont étudiés dans ce sens. La faible épaisseur des cendre (...)
  • 39 Cette approche ne peut, dans l’état actuel des recherches, que suggérer quelques explications aux p (...)
  • 40 L’étude précise d’une telle stratigraphie ne peut se concevoir qu’à condition d’avoir réalisé une f (...)

52Pour l’évaluation de la durée d’utilisation du four étudié (Thiriot 1980 a), même un ordre de grandeur est difficile à avancer38. La stratigraphie des cendres conservées dans le foyer permet certaines estimations concernant les chauffes et nettoyages réalisés dans le four pendant sa période de production39. Le four 91A a été choisi comme exemple ici à cause de la grande qualité et l’épaisseur de la stratigraphie observée à la base du foyer40. Elle est toutefois limitée par la précision relative de la fouille réalisée en 1973 sans avoir pour but ce type d’interprétation.

■ Histoire générale du four

53La stratigraphie conservée dans le four se subdivise en trois parties bien distinctes (fig. 20b).

Couches constituées pendant l’utilisation du four41
  • 41 Fig. 20 b : couches numérotées 7. Cette numérotation globale permet de simplifier le dessin des cou (...)
  • 42 Seule la surface de ces couches grises paraît maçonnée et a la consistance du mortier. Les parties (...)

54Sur environ 1 m de hauteur, alternent des couches plus ou moins complètes de cendres grises fines, et de cendres noires charbonneuses comportant de très nombreux tessons ayant été recuits. Toutes ces couches présentent une dépression vers le centre du four. Beaucoup s’interrompent rapidement n’existant qu’à la périphérie ou en lambeaux, vestiges de couches enlevées presque entièrement. Dans cette succession, certaines couches, la plupart des couches grises, sont d’une exceptionnelle dureté en surface42.

Couche 6 d’écroulement du four
  • 43 Certains éléments découverts dans l’aire d’accès au foyer peuvent dans certains cas permettre de dé (...)

55Cette couche comporte de très nombreux fragments d’argile cuite appartenant à la sole détruite et quelques morceaux de tuiles rondes mêlés à la terre noire cendreuse à densité assez forte de tessons. La surface supérieure de cet amas présente un épaississement sensible au centre (fig. 20 b) qui semble s’accentuer dans l’entrée du four. Ce niveau marque l’abandon du four par destruction de la voûte dans sa partie centrale. À partir des éléments recueillis dans cette couche, il est assez difficile de dire, pour ce four en particulier, à quel moment d’un cycle de cuisson est intervenu cet accident43. Toutefois, l’existence en dessous de cette couche 6 d’une couche de cendres noires tendrait à prouver que la sole s’est écroulée à la fin ou après un cycle de cuisson.

Couches d’abandon du four44
  • 44 Cf. paragraphe 2371 et fig. 20 b. Ces couches montrent une surface supérieure convexe en forme de t (...)
  • 45 En théorie, il semble possible, à partir de la typologie statistique des tessons contenus dans ces (...)
  • 46 Si cette période coïncide avec des pluies, les structures sont assez vite inondées et s’ensablent. (...)

56Des dépôts d’argile jaune sableuse plus ou moins stérile provenant de creusements de fosses à proximité du four abandonné y alternent avec des couches de dépotoir de potier issues sans doute du nettoyage d’un foyer de four voisin qu’il est d’ailleurs bien difficile d’identifier pour l’instant45. Cette phase de comblement du foyer après écroulement de la sole semble être assez rapide, car à aucun stade il n’a été rencontré de couche fine sableuse ou d’humus stérile qui caractérise les périodes d’inactivité46.

■ Essai d’interprétation détaillée de la période d’activité

  • 47 La partie inférieure de la stratigraphie reste assez floue à cause sans doute des nombreux remaniem (...)

57Dans l’état actuel des recherches, il n’est malheureusement possible d’avancer que des hypothèses qui devront être vérifiées de manière expérimentale ou comparative (Mayes 1961 et 1962). Le mode de cuisson utilisé dans les fours à poterie grise permet de penser qu’il y a, dans les foyers, production de résidus bien caractérisés pendant les deux phases (cendres grises fines lors de la cuisson (s.s.) et charbons de bois lors de la post‑cuisson). Par principe, une cuisson (s.l.) devrait être marquée dans le foyer par un dépôt de cendres grises surmontées de charbons de bois. En décomptant le plus exhaustivement possible les différents groupes de couches constitués d’une couche de cendres grises et d’une autre de charbon noir, on peut obtenir un nombre théorique de cuissons réalisées dans le four47. Bien des couches de cendres sont intermittentes. Ces dernières montrent que le foyer a été maintes fois nettoyé partiellement ou presque complètement. Ce n’est qu’un nombre minimum de chauffes que l’on définit en comptant les couches de cendres conservées dans le foyer. Le nettoyage du foyer, souvent partiel, a pour effet d’interrompre la succession des couches alternées provoquant soit une suite de couches où l’alternance n’est plus régulière, soit l’interruption complète et locale d’une série de couches.

  • 48 Fig. 22 a : numéro de cuisson suivi d’un N majuscule,
  • 49 Fig. 22 a : numéro de cuisson suivi d’un n minuscule.
  • 50 Ce calcul n’est que pure hypothèse mais peut sans doute apporter ici une notion de limite au nombre (...)

58Après un nettoyage du foyer, une nouvelle chauffe produisant une nouvelle couche grise surmontée d’une noire, on devra constater une suite de couches (ou une couche) interrompue surmontée d’une couche grise48. Assez souvent, les strates incomplètes sont surmontées d’une couche noire ou gris foncé : il semble que dans ce cas le nettoyage ait remanié des couches inférieures en laissant dans le foyer le mélange de plusieurs couches transformant ainsi leur couleur initiale49. Dans tous les cas, il ne peut être tenu compte, malheureusement, des nettoyages intégraux du foyer enlevant toute trace de cendre. Il est fort probable que cela arrive plusieurs fois au cours de la longue utilisation du four. Ces comptages n’ont qu’un caractère indicatif. Le tableau no XXVII dénombre un minimum de 23 cuissons (s.l.) avec de très nombreux nettoyages dont quatre semblent assez importants. Si on tient compte de ces vidages enlevant un certain nombre de couches de cendres au moins égal à celles subsistant dans le four dégagé, il est possible d’effectuer le calcul présenté sur le tableau no XXVIII : soit 68 cuissons (s.l.) au minimum. Il est toutefois probable que le potier attendait un peu plus longtemps pour vider son four. Les nettoyages devaient donc enlever beaucoup plus de couches que celles conservées dans le four 91 A. Il faut peut‑être voir également dans chaque nettoyage un vidage complet des couches supérieures supposées. Dans ce cas extrême, on obtient le comptage suivant50 : soit 143 cuissons (s.l.) au minimum. De ces deux calculs, il apparaît un nombre de cuissons variant du simple au double sans tenir compte des vidages complets du foyer.

Tableau XXVII. Four 91A : comptage des couples de couches de cendres et des nettoyages.

Tableau XXVIII. Four 91 A : évaluation du nombre minimal de cuissons.

Tableau XXIX. Four 91A : évaluation du nombre minimal de cuissons.

■ Estimation de la durée d’utilisation

Calcul théorique du volume de cuisson et du nombre de poteries enfournables

59Le volume a été assimilé à celui d’une demi‑sphère de 2,50 m de diamètre. Le diamètre du four étant généralement plus petit et la hauteur de la voûte sur la salle de cuisson certainement supérieure au rayon (voûte plus dômicale), le volume de cuisson peut être estimé à 4 m3.

  • 51 Ce calcul est utilisé pour estimer le nombre de poteries pouvant être empilées dans le four : c’est (...)

60Le volume théorique d’encombrement de deux poteries découvertes à Saint‑Victor‑des‑Oules a été calculé à partir du diamètre maximum de la panse et la hauteur totale. Le volume exact étant très difficile à déterminer, on a calculé le volume du cylindre et du parallélépipède rectangle dans lequel les poteries peuvent être contenues51.

Tableau XXX. Volume approximatif d’encombrement des poteries.

61La charge d’un four n’était pas réalisée uniquement avec un type et une grandeur bien particuliers de poterie. Le calcul précédent permet de donner un ordre de grandeur très variable : entre 300 et 1 700 pièces. La limite supérieure semble assez proche de la réalité.

Tableau XXXI. Nombre théorique de poteries par charge.

Durée de la cuisson, d’un cycle et du tournage des poteries52
  • 52 Durée de la cuisson — temps écoulé entre la mise à feu et la fin du détournement ; cycle de cuisson (...)

62Un four de volume proche à Fustat (Golvin 1982 : pl. XIId, fig. 26 et 27) est circulaire avec un foyer enterré surmonté d’une salle de cuisson voûtée d’un diamètre de 2 m pour une hauteur sous clé de 1,90 m. Volume de cuisson calculé : 4,9 m3. Nombre moyen de poteries cuites (gargoulettes de différentes tailles) : 2 500 pièces. Cycle de cuisson : environ deux semaines. Un tourneur réalise un minimum de 200 gargoulettes par jour. Ce chiffre est assez élevé compte tenu du travail en série, du tour utilisé et de l’aide apportée par les apprentis qui sont chargés de toute la manutention (dernière préparation de l’argile, alimentation du tourneur en argile, manutention des pièces en cours de tournage aux différentes phases),

63Un potier du Haut‑Alentejo au Portugal tourne 30 grandes cruches de 15 litres (appelée terceira) par journée de 8 heures de travail en été (Parvaux 1968 : 181). Les potiers travaillent soit uniquement de mai à octobre, soit en hiver. Un four contient 800 à 7 000 pièces de tailles diverses. Une cuisson a lieu à peu près tous les mois (Parvaux 1968 : 120). La durée de la cuisson est la suivante : petit feu : 7 à 8 heures, grand feu : 4 à 5 heures, refroidissement : 12 à 24 heures, soit un total de 23 à 37 heures. Enfournement et défournement compris, la durée de la cuisson y est donc d’environ 2 à 3 jours maximum.

  • 53 Archives communales de Saint‑Quentin‑la‑Poterie, non classées. Registre incomplet : il manque les p (...)

64Dans le Registre des patentes de 1791 de Saint‑Quentin‑la‑Poterie (Gard), sur 26 mentions de personnes enregistrées, 12 sont des potiers53. Pour 7 d’entre eux, il est mentionné qu’ils ont une activité pendant 9 mois de l’année sans précision de la période. Le taux d’imposition des 5 autres étant comparable à celui des potiers « temporaires », il semble probable que tous les potiers de Saint‑Quentin‑la‑Poterie étaient saisonniers. Le reste de l’année était utilisé pour les travaux des champs.

  • 54 Se reporter à l’étude de la fabrication des poteries paragraphe 32 (La Terre 1985: 31).
  • 55 Ce dernier point est difficile à affirmer dans le cas précis de Saint‑Victor‑des‑Oules. On peut tou (...)

65Pour les fours de Saint‑Victor‑des‑Oules, et par comparaison avec les ateliers de Fustat ou Haut‑Alentejo, le cycle de cuisson (s.l.) peut être de 2 à 3 semaines dans une estimation large. Pour un nombre de poteries à tourner de l’ordre de 300 à 1 700 pièces et un laps de temps variable de 2 à 3 semaines pour le tournage, on peut évaluer le nombre de pièces de toutes dimensions qu’un tourneur doit produire par jour. Ces estimations sont nettement en dessous du nombre de pièces produites par un tourneur actuel du Caire produisant, il est vrai, en série, sur un tour à pied muni de roulement à bille. Compte tenu de la grosseur des pièces, ces chiffres semblent également inférieurs à ce qui a été observé au Portugal. En effet, le tournage de 300 grandes cruches de Saint‑Victor‑des‑Oules ayant une contenance approximative de 10 à 12 litres en 2 semaines impose un rythme de 22 pièces par jour (1 potier du Haut‑Alentejo tourne 30 cruches de 15 litres par jour de 8 heures). Les potiers de Saint‑Victor‑des‑Oules n’avaient pas à leur disposition de tours aussi perfectionnés que les potiers traditionnels du Caire ou du Portugal. Ils devaient utiliser la roue encore employée au début du xxe s. à Saint‑Quentin‑la‑Poterie54. Cet instrument peut‑être un peu plus lent à mettre en œuvre devait toutefois permettre le tournage des productions estimées ci‑dessus à condition qu’une certaine organisation du travail ait existé55.

Tableau XXXII. Nombre théorique de pièces à tourner par jour.

Estimation de la durée d’utilisation
  • 56 C’est‑à‑dire avec toute l’imprécision qui l’entache : sans tenir compte des éventuels vidages compl (...)
  • 57 La datation relative des différentes phases de l’utilisation du four et la datation absolue de sa d (...)
  • 58 Cf. note 310.

66Pour ce calcul, on a utilisé l’estimation minimale du nombre de cuissons tel qu’il a été défini précédemment, soit 68 ou 143 cuissons56. À partir d’un cycle de cuisson toutes les 2 à 3 semaines et d’une activité potière pendant 6 mois de l’année, un nombre de cuissons de l’ordre de 9 à 13 par an peut être retenu. Cet ordre de grandeur est toujours très approximatif ; un bon nombre de paramètres utilisés sont extrêmement variables suivant les saisons, les produits fabriqués et les incidents ou arrêts de fabrication. De plus, un nettoyage total du foyer, phénomène qui doit se produire plusieurs fois durant l’utilisation du four, multiplie d’autant la durée de vie de ce dernier. Une telle estimation devra être reprise en calculant de façon assez précise, fondée sur la typologie statistique, la capacité du four, et le temps mis pour le tournage et la cuisson des poteries. Grâce aux hypothèses formulées au sujet de la constitution de la stratigraphie dans le foyer d’un four à poteries grises en cours de production, il semble possible d’étudier sa durée de vie minimale et son évolution57. Les constatations énoncées ci‑dessus ont été faites à partir de la fouille classique d’un four. À la lumière de ces hypothèses et des conclusions obtenues, il nous semble souhaitable de fouiller les fours en multipliant à l’extrême les précautions pour dégager les multiples couches de cendres. Cette nouvelle recherche accompagnée d’un archivage exhaustif devrait permettre une meilleure approche de ces problèmes. L’essai d’interprétation de ces données de fouille, beaucoup plus précises que celles utilisées ici, devrait s’appuyer également sur une étude expérimentale des techniques de tournage et de cuisson58.

Tableau XXXIII. Durée minimale d’utilisation du four SVO 91A.

5.2.3. Réparations et transformations

  • 59 Cf. monographie des fours 91A, 91B, 128E de Saint‑Victor‑des‑Oules.

67Une transformation59 qui semble systématiquement réalisée sur ce type de four en cours d’utilisation est la construction d’une murette devant la porte du foyer (fig. 22b). Son édification devait être faite peu de temps après la construction initiale. Réalisée à l’aide de pierres liées à l’argile, celle‑ci évoluait au fur et à mesure de l’utilisation du four et de l’enlisement de la structure par les cendres retirées du foyer (fig. 24b et 21c).

  • 60 Se reporter à l’étude de la structure au paragraphe 2375.

68Le changement de position de la porte du foyer n’a été constaté (partiellement) que sur le four 128E qui semble avoir eu une durée de vie très exceptionnelle, vu la grande profondeur de son foyer et certains détails de la dernière sole60.

  • 61 Le diamètre de la zone détruite varie entre 1 et 1,40 m sur les fours dégagés à Saint‑Victor‑des‑Ou (...)
  • 62 L’épaisseur au centre de la sole d’origine, peut être estimée à 15/20 cm en se basant sur le profil (...)

69Tous les fours de ce type découverts à Saint‑Victor‑des‑Oules présentent des traces de réparation toujours liées à l’écroulement plus ou moins partiel de la voûte sur le foyer. Le colmatage de la brèche était alors réalisé par la mise en place sur l’ancienne sole d’une couche d’argile rapportée plus ou moins étendue qui conservait la position des trous de chauffe de la sole précédente. Cette nouvelle couche était alors cuite pour lui donner la solidité et la stabilité nécessaire pour porter une charge nouvelle de poteries à cuire. Cette opération était répétée autant de fois que la sole d’origine (ou la sole réparée) s’écroulait sur une assez faible surface. Si la destruction était trop grande, le four devait être abandonné61. Ce point permet de juger de l’importance relative des destructions partielles antérieures qui ne devaient affecter qu’une faible portion de la sole surtout au centre62.

70Dans certains cas particuliers, il semble qu’il ait été nécessaire de construire dans le foyer un mur de pierres liées à l’argile pour soutenir la nouvelle portée de voûte lorsque celle‑ci était reconstruite en périphérie. L’accrochage de la nouvelle voûte sur la paroi verticale semblait donc poser de gros problèmes (four 91 B : fig. 21 d et 24 b).

71Lorsque la sole du four avait été réparée plusieurs fois par ajout d’une couche d’argile, il devenait utile de surélever la murette ceinturant le four, c’est ce qui apparaît dans le four 128E : la dernière couche de sole a été mise en place en même temps que le départ de la paroi interne de la nouvelle murette [fig. 22 c et 23 a).

72La paroi, comme la sole, se fissurait par l’action de la chaleur et devait être réparée pour être étanche. Cette brèche était alors colmatée avec les moyens du bord. La réparation de la paroi sud du four 128E a été réalisée à l’aide de tessons provenant d’une poterie cassée en morceaux maçonnés à l’aide d’argile sur la paroi du four striée à l’avance (fig. 22c).

5.2.4. Comparaison avec des structures similaires

Cas des structures de petites dimensions

  • 63 Fouilles inédites de M. Brun. Datation : milieu du XI le s.

73Les fours de Goult ont une structure très comparable aux fours de Saint‑Victor‑des‑Oules à cause de l’aspect feuilleté de la sole63. Toutefois, leurs dimensions semblent inférieures. Le diamètre de la sole était de l’ordre de 1,60 à 1,70 m. La fouille très partielle et assez ancienne n’a malheureusement pas permis une observation poussée de la structure.

  • 64 Découverte inédite de M. Durando. Renseignements M. Duret. Sans doute même datation que le four de (...)
  • 65 Découverte inédite de M.  Bérard. Datation par archéomagnétisme, du xiie s.
  • 66 (Riu 1978 : 387‑388, fig. 2 à 5) : datation xiiie s,
  • 67 (Riu 1971 : fig. 1 et 2) datation xxie s.

74Les fours de Bollène, Jonqueirolle (Thiriot c) et Masmolène64 restent assez comparables à ceux découverts à Cabasse65 (Var) ou à Casampons66 en Espagne. Leur construction était de dimensions modestes, de facture assez fruste ; ils ne présentent pas apparemment de réparation de sole. Le plan de la salle de cuisson était grossièrement circulaire (Bollène, Jonqueirolle, fig. 6 b ; Casampons) ou approximativement carré (Masmolène). La structure de la sole est assez difficile à définir étant donné l’état de destruction avancé dans lequel ils se trouvaient pratiquement tous au moment de leur découverte. Le four de Les Ribes en Espagne se rattache également à ce même type, où la salle de cuisson est de plan approximativement carré mais de dimensions plus grandes67.

  • 68 Pour des précisions sur la position des pierres (Soulères 1973 : fig. 1 et 2).
  • 69 (Langouët 1978 : pl. I) datation milieu xe s.
  • 70 (Chapelot 1972, 1973 : fig. 18 et 19) datation au ixe s. ; (Potiers de Saintonge 1975 : no 55) data (...)
  • 71 (Potiers de Saintonge 1975 : no 19, 20 et 56 ; Renimel, 1978 b : fig. 35) datation xiixive s. Des (...)
  • 72 (Davison 1967 : fig. 54) datation début xie s.

75À Limoux, la structure est assez différente puisque la voûte de la salle de cuisson semble creusée presque intégralement dans le sol géologique. La partie supérieure était constituée de pierres et d’argile68. Une différence importante pour ce four de Limoux est l’existence d’un alandier en avant du four, construit à l’aide de pierres qui le fait rapprocher des fours de tradition gallo‑romaine. Ce point particulier n’a pas été observé sur les fours de Bollène, Jonqueirolle et Masmolène, mais a pu exister. C’est certainement ce type de four qui a été découvert à Trans en Ille‑et‑Vilaine69. Quel que soit le mode de construction, ce type de structure est comparable aux fours gallo‑romains. De très nombreuses découvertes peuvent illustrer cette comparaison. Les fours de Crambeck (fig. 36e) offrent un très bon exemple (Corder 1957). Toutefois, la plupart des fours antiques à sole perforée possèdent un support en dessous de celle‑ci (Corder 1957). De nombreux fours médiévaux ou plus récents s’inspirant de ce type ont été découverts en Saintonge par exemple, mais jamais, pour l’instant, dans la région du Bas‑Rhône et de l’Uzège70. D’autres types enfin ont une sole généralement de plan carré, portée par une série d’arceaux parallèles enjambant le foyer71. Un des fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard, le four 995E (Thiriot 1975 b) est de ce type et semble assez comparable aux fours de Thetford72 ou aux fours romains à tuiles.

76Les datations très variables de tous ces fours montrent que ce grand type de four est présent dès l’Antiquité dans des centres de moindre importance. Ces fours archaïques coexistent avec des structures plus importantes comparables au point de vue construction aux plus sophistiqués dans des centres à vocation économique plus régionale.

Cas des fours du type Saint‑Victor‑des‑Oules

77Peu de fours antiques ou médiévaux de ce type et avec ces dimensions semblent avoir été découverts. La grande portée de la voûte en faisait un four fragile. Les fours antiques de cette grandeur avaient d’autres types de support de sole qui réduisaient très largement la portée (Duhamel 1973).

78L’emploi de matériaux préfabriqués a permis plus tard de pallier la fragilité de la sole. L’emploi de briques d’argile de différents calibres a rendu possible l’édification de soles très stables permettant une meilleure conduction de la chaleur à l’intérieur du four.

79La comparaison avec les fours modernes utilisés à Saint‑Quentin‑la‑Poterie (four SQP 463A du xviie s. et fours du xixe / xxe s. de Saint‑Victor‑des‑Oules et Saint‑Quentin‑la‑Poterie) a semblé intéressante puisque les dimensions des fours et leur disposition sont pratiquement équivalentes. L’étude des dimensions (cf. tableau XXVI) montre également une grande similitude puisque le diamètre de la chambre de cuisson est de 2,30 m et le nombre total des trous de chauffe (33 disposés en périphérie et 2 au centre) peut être comparé au four 128L (diamètre du foyer : 2,30 m et 35 trous de chauffe estimés au minimum sur plusieurs rangées). Les fours plus récents des xixe et xxe s. ont un diamètre de 2,50 m pour une hauteur beaucoup plus grande. Les fours du début du xxe s.. étaient pourvus de plusieurs salles de cuisson superposées.

80Mais le principe des fours médiévaux de Saint‑Victor‑des‑Oules est toujours présent : four à tirage vertical avec foyer enterré et salle de cuisson au‑dessus. La voûte de la salle de cuisson est toujours percée de plusieurs séries de trous de chauffe. Les matériaux ne sont plus les mêmes puisque la brique de module variable est employée systématiquement dans le four du xviie s. (Thiriot 1985 b ; fig. 14 a et b) ou dans les fours plus récents (Serre 1961 : fig. 8 et 9. La terre 1985) avec d’autres matériaux tels que les tubulures (pour les voûtes, trous de chauffe et tubulures d’évacuation des gaz : même utilisation que dans les foyers à sigillée) et les bornels (sortes de tuiles revêtant la paroi intérieure du four pour former comme un moufle).

5.2.5. Conclusions

81Mis à part les fours de petites dimensions qui restent encore par leur conception dans la tradition des modèles gallo‑romains mais avec des dimensions moindres, les fours de Saint‑Victor‑des‑Oules sont exceptionnels, dans notre connaissance actuelle des fours médiévaux, par leur grandeur. De conception simple et classique, héritière de l’Antiquité, ils présentent des caractères très affirmés, liés sans doute à l’échelle quasi industrielle de la production de poteries de ces ateliers médiévaux. Ce caractère est d’ailleurs assez apparent lorsqu’on étudie l’organisation structurée des ateliers. Ces grands fours, dont on n’a actuellement aucun exemplaire antérieur connu dans l’Uzège et le Bas‑Rhône, ont marqué l’industrie potière de cette région puisque les fours plus récents employés à Saint‑Quentin‑la‑Poterie comme à Saint‑Victor‑des‑Oules sont du même type. L’emploi de la brique et le modernisme ont uniquement multiplié les étages de cuisson à une date sans doute peu ancienne.

5.3. Fours du type Saint‑Blaise‑de‑Bauzon

  • 73 Cf. paragraphe 22 (Thiriot 1975 a). Dans la suite afin d’alléger le texte, seule la dénomination de (...)
  • 74 En particulier les fours de Brunssum (même époque) et de Dümmer (Bruijn, Renaud, Engel).

82L’ensemble des fours d’un même type découverts à Bollène, Saint‑Blaise‑de‑Bauzon et à Saint‑Gilles‑du‑Gard73 permet de faire la synthèse des recherches sur ce type de four au point de vue construction et reconstruction, accès, et fonctionnement. Ces structures peuvent être comparées à celles découvertes en Europe du Nord74.

5.3.1. Construction

  • 75 Voir plus haut la description du mode B de cuisson (s.l.).
  • 76 Les raisons qui ont commandé le choix de ce type de four plutôt qu’un autre ne sont pas évoquées ic (...)

83La cuisson (s.l.) des poteries nécessite une montée en température importante suivie d’un refroidissement dans des conditions particulières d’atmosphère. Un four est donc soumis à des températures alternativement « hautes » et « basses ». Son isolation thermique doit être importante afin de faciliter ces montées en température et surtout d’économiser le combustible toujours très cher même s’il se trouve à proximité. En outre, ce four doit être étanche si l’on veut y pratiquer une cuisson (s.l.) en mode B75. Toutes ces conditions sont évidemment importantes pour la construction du four76. D’autres contraintes s’ajoutent qui sont à caractère local : en effet, la construction des fours ou de toute autre structure est liée à l’existence de matériaux disponibles sur place. Ces différents matériaux commandent certains détails de forme ou une solution architecturale propre. La stabilité de cette structure y est assujettie. Toutefois, à partir de ces données générales, la construction s’effectue toujours suivant le même processus suivi ici en détail. Avant cet examen, un tableau rassemble toutes les dimensions principales des différents fours étudiés (état initial et transformations).

5.3.1.1. Excavation dans le sol géologique. Orientation du four

  • 77 Les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard ont subi de graves dommages à cet endroit faisant disparaître tot (...)

84Avant d’entreprendre la préparation du four lui‑même, il semble que le potier, ayant défini l’emplacement de celui‑ci, ait commencé par mettre en place l’aire d’accès à son four77. Les découvertes de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon (fours 187B et 187D) montrent un accès en forme de fosse évasée assez largement devant le four (fig. 8 a, 10 et 7 c). Cet accès en pente douce descend jusqu’à une profondeur sensiblement inférieure à celle du foyer. Il y a donc toujours rupture de pente avec un léger replat un peu en avant de la bouche du foyer séparant ainsi l’aire de feu de l’aire d’alimentation en combustible (fig. 8 b et 10 b). Celui‑ci était sans doute entreposé à proximité immédiate.

  • 78 Cette question de l’orientation semble surtout avoir préoccupé les théoriciens du siècle passé et l (...)
  • 79 Ces découvertes sont à comparer à quelques exemples d’ateliers surtout gallo‑romains. Cf. essai de (...)

85Cet accès étant réalisé, le potier devait entreprendre le creusement de son four. L’excavation était pratiquée en forme de fer à cheval aplati ; son orientation déterminait celle du four. Nous aurons à revenir sur ce point mais précisons dès maintenant que les orientations varient beaucoup d’un endroit à un autre et même localement. Le facteur soi‑disant primordial du vent dominant ne semble pas avoir trop préoccupé les potiers de l’époque78. Si on examine le tableau XXXVI, on remarque une identité d’orientation pour les deux fours de même type de Saint‑Gilles‑du‑Gord (fig. 13 a) ; ce n’est pas le cas pour le four circulaire 995E du même site. Les fours de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon présentent une légère variation de l’angle. Si les fours 187A et D (fig. 6 d et 10 a) ont des orientations presque identiques, le four 187B (fig. 8 a) s’oriente franchement vers le nord (sud‑ouest/nord‑est). Pour ce type de four, aucun exemple d’orientation complètement opposée n’a été relevé. L’orientation, en fait, semble beaucoup plus tributaire de l’organisation de l’atelier79. L’excavation était assez profonde pour que la plus grosse partie du four soit prise dans le sous‑sol géologique. Le terrassement fournit donc une meilleure assiette à la structure à bâtir. Le substrat joue alors plusieurs rôles :

Tableau XXXIV. Dimensions des fours du type Saint‑Blaise‑de‑Bauzon.

  • 80 Les différents types de voûtement sont envisagés plus loin.

86— englobant le four jusqu’à hauteur de la sole et même davantage, il sert de coffrage et limite la construction des parois à un seul parement. Au moment de l’édification du four, ce coffrage permet une meilleure stabilité pour la réalisation des différentes voûtes installées sur le four80 ;

87— la structure étant maintenue jusqu’à une hauteur respectable, elle est sujette à peu de déformations dans ses parties basses au cours des cycles de cuisson ;

88— le foyer et une partie de la salle de cuisson étant enterrés, il y a moins de perte de chaleur d’où une montée plus facile en température (meilleure régulation également) et gain de combustible ;

89— l’étanchéité est assurée par toutes ces parois enterrées. Les fuites (vers l’intérieur du four ou inversement) de gaz (air ou fumées) sont pratiquement annulées par les faces latérales enterrées.

  • 81 Sauf peut‑être pour le four 995D où le point le plus bas est atteint à la hauteur de la porte du fo (...)
  • 82 Fig. 12 a. Ici la marche a été réalisée à l’aide de maçonnerie en cours d’utilisation du four (fig. (...)

90Quel que soit le substrat local, cette fosse adopte toujours un plan en « fer à cheval » allongé laissant au centre une avancée qui sert de base à la sole. Les bronches parallèles ont un profil en U (fig. 8 d et 8 e). Leur fond monte en pente douce vers l’arrière du four (fig. 8 c et 12 a). C’est à l’emplacement du foyer que la profondeur maximale est atteinte81. Le profil axial de l’extrémité des branches (ou couloirs latéraux) peut se présenter de diverses manières. Dans les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard (995B et D), les couloirs se terminent par un léger emmarchement qui est à un niveau légèrement inférieur à celui de la sole (fig. 13). Ce dénivelé n’existe pas dans les fours de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon ; tout au moins dans le four 187D où le rocher est entaillé à la verticale au fond des couloirs82. Pour le four 187B, détruit assez fortement dans ses superstructures, cet emmarchement est difficile à imaginer dans l’état initial où le fond des couloirs monte en pente assez soutenue. Là aussi, il y a eu transformation en cours d’utilisation (fig. 8 c et 7 b).

91Les faces latérales de l’excavation sont approximativement verticales (fig. 8 d et 8 e). La roche étant feuilletée, on a pris soin d’éviter tout glissement éventuel de la construction en soignant le terrassement : le sondage effectué dans la paroi sud du four 187B le montre bien. C’est ainsi qu’il a été possible à cet endroit de construire la paroi à partir d’une excavation à mi‑hauteur alors que la paroi nord prend appui sur le rocher entaillé jusqu’à la base des couloirs. Ceci s’explique par le pendage particulier des strates du rocher dont le caractère est sans doute assez exceptionnel. Partout ailleurs, les parois latérales de l’excavation vont jusqu’à la base des couloirs sur laquelle est construite la paroi maçonnée. Les faces externes de la fosse sont presque toujours incurvées vers l’extérieur et se rapprochent beaucoup à la hauteur du foyer et de sa bouche d’alimentation (fig. 10 a).

92Le caractère exigu de ses fouilles devait obliger le potier‑terrassier à dégager une partie de l’espace central pour faciliter ses mouvements. Il ne subsistait en fin de compte qu’un moignon assez informe au milieu de la fosse et d’une hauteur moindre par rapport à la hauteur totale du terrassement. Cette réserve dans le substrat se retrouve sur tous les fours de ce type mais avec des profils irréguliers suivant l’endroit (fig. 8 d et 8 e).

  • 83 Les roches suivantes ont été déterminées par S. Gagnière : galets de calcaire infra‑crétacé roulés (...)

93L’ensemble de l’excavation étant réalisé, le potier rassemblait les divers matériaux nécessaires à la construction de son four. Les matériaux, nous l’avons déjà mentionné, sont locaux. C’est ainsi qu’à Saint‑Blaise‑de‑Bauzon, les pierres ont été ramassées dans les environs et présentent différentes qualités de calcaire et de grès ...83. Dans tous les cas, le liant est constitué d’argile additionnée de sable dans de fortes proportions.

5.3.1.2. Parois latérales

  • 84 Se reporter à l’étude du fonctionnement de ce type de four.

94L’excavation ayant déjà fixé dans ses grandes lignes le plan du four, l’édification des parois latérales ne devait présenter aucune difficulté. Ces parois droites ou incurvées (pour les parties arrière) se rapprochent à la hauteur du foyer et se développent à la verticale sur environ 1 à 1,50 m de hauteur jusqu’à la naissance de la voûte ; naissance qui doit correspondre approximativement au niveau du sol d’occupation. Le potier réalisait ainsi une succession de lits de pierres ou de tuiles liées dans un abondant mortier d’argile et de sable. Ce mortier débordant largement facilitait l’accrochage du revêtement intérieur d’argile. Le bas des parois présente des surfaces dégradées, usées par les enlèvements successifs de cendres dans les couloirs84.

5.3.1.3. Foyer et porte d’alimentation

  • 85 Seul le four 995D conservé en entier peut être étudié à ce sujet (fig. 13 a).

95L’emplacement du foyer est défini par les parois latérales rapprochées, l’extrémité de la sole et la porte d’alimentation débouchant sur l’aire d’accès au four. Pour les parties bosses, les parois latérales ont le même caractère de construction que précédemment. Il y a toutefois un aménagement digne d’intérêt sur les fours de Saint‑Gilles85. Alors que les parois sont en tuiles, on a construit cette partie (fig. 13 a) à l’aide de gros blocs calcaires (on peut faire la même remarque pour l’extrémité de la sole servant de base au pilier). Cette localisation particulière est très certainement liée à celle du foyer et du dégagement de chaleur plus important à cet endroit. Il a été malheureusement impossible d’expliquer scientifiquement cette particularité. La voûte commence à partir de ces murettes basses (environ 0,40 à 0,50 m de hauteur).

  • 86 Pour Saint‑Gilles, on peut également envisager un arc en plein cintre comme mode de couverture de l (...)

96La bouche du foyer présente des analogies de dimensions dans tous les fours où ce détail est observable (fig. 7 c et 9 b). De plus, dans deux des fours de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon, il est possible de reconstituer le type de porte utilisé. Les parois latérales du foyer s’arrêtent sous forme de piédroits verticaux de faible hauteur. La dernière pierre est soigneusement choisie afin de servir d’appui aux deux grandes pierres plates posées en oblique et constituant la bâtière. C’est sur ces deux éléments que s’appuient les différents lits horizontaux de pierres constituant la façade du four. Il est bien difficile d’étendre cette conception aux fours de Saint‑Gilles même si, pour le four 995D, il est possible de reconnaître les pierres ayant servi de sommier à la couverture de porte86.

5.3.1.4. Sole et porte d’accès

97Au milieu de l’espace ainsi construit, s’organise la sole. Il faut envisager ici deux cas possibles puisque les fours de Soint‑Blaise‑de‑Bauzon et de Saint‑Gilles‑du‑Gard diffèrent de par leur structure arrière construite à demeure ou non.

  • 87 Cette remarque est valable également pour les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard. Se reporter au paragra (...)

98À Saint‑Blaise‑de‑Bauzon, après construction des parois latérales, le potier a construit la paroi de fond du four. Ce mur de mêmes caractéristiques que les parois latérales s’appuie sur celles‑ci (fig. 12 d). On lui a donné un léger fruit dans les parties basses pour une meilleure stabilité. Un peu en dessous du niveau d’occupation, un seuil de porte est ménagé dans cette nouvelle paroi et des piédroits verticaux à bords arrondis sont appareillés toujours avec les mêmes matériaux (pierres) (fig. 9 b et 11 a). La sole axiale s’appuie sur la paroi du fond. Elle est construite avec des pierres un peu plus plates liées à l’argile. Cette maçonnerie a pour but d’égaliser le rocherpréservé pour obtenir une surface sensiblement horizontale et suffisamment développée pour y déposer les poteries à cuire. Cette sole est recouverte d’un mortier d’argile où se mêlent de nombreux tessons (fig. 9 a). L’extrémité surplombant le foyer doit être, dès cette première construction, dotée d’un pilier qui sert de support aux voûtements. Il n’a été trouvé aucune trace de voûtement des couloirs latéraux. Ce caractère a pu être constaté sur des découvertes similaires dans le nord de l’Europe87.

  • 88 Leur état dégradé n’empêche aucunement une observation de ce type.

99À Saint‑Gilles‑du‑Gard, il n’y a pas de paroi de fond permanente, la porte se développe sur toute la façade arrière (Thiriot 1975 b). La paroi temporaire est alors construite sur le sol géologique de l’accès à la sole. Cette dernière s’appuie donc uniquement sur le sol géologique réservé ou milieu du four. Sa construction de tuiles est de même type que celle des parois latérales. On y a utilisé également des parpaings d’argile grossière toujours placés en périphérie de la sole. Ils sont curieusement posés en oblique. Ce dernier point n’apporte pas d’argument pour le voûtement des couloirs latéraux car il faut remarquer que le niveau de la surface de la sole correspond à celui de l’arête haute du parpaing oblique. Un voûtement à partir de ce parpaing, voûtement en berceau, aurait son sommet à un niveau bien supérieur à celui conservé sur la sole ; ce qui semble plus qu’improbable. Il faut ajouter, et répéter, qu’aucun accrochage d’une voûte éventuelle n’a été constaté sur les parois latérales du four88. Cette maçonnerie constituant la sole était recouverte d’un mortier d’argile où sont mêlés de nombreux tessons. Enfin, l’existence d’un pilier est à envisager à l’extrémité de la sole, côté foyer. Sa base, bien que tronquée, existe sous forme de moëllons calcaires liés à l’argile comportant quelques tessons. Cette pile dépassait le niveau de la sole pour soutenir le voûtement sur les parties arrière tout en servant de point d’appui à la voûte sur le foyer.

100Donc, mis à part cette particularité de construction des parties arrière, les structures sont tout à fait comparables sur les deux sites. Même conception mais réalisation légèrement différente en ce qui concerne les matériaux pour la partie au contact du feu.

5.3.1.5. Voûtements

101Le problème est abordé en deux temps : ce qui est certain, puis ce qui est du domaine des hypothèses. Cela correspond d’ailleurs à la bipartition de l’espace : foyer/ salle de cuisson.

■ Voûte sur le foyer

102Nous avons eu la chance de trouver le voûtement du foyer (four 187D) pratiquement intact et conservé jusqu’à quelques centimètres de son sommet (fig. 10 b et 12 c). L’identité de structure constatée autorise la restitution d’un voûtement (type 187D) sur le foyer de tous les fours découverts sur ces deux sites. L’espace étant fort restreint, on y a établi une voûte en encorbellement suivant un profil assez dômical permettant une bonne stabilité de la construction. Le pilier (four 187D : fig. 10 b et 9 a) supporte indéniablement la retombée de cette voûte. Dans l’exécution, il y a sans doute eu quelques adaptations pour les fours de Saint‑Gilles construits en tuiles.

103Dans le cas du four 187D, le voûtement sur cette partie s’est fait en deux temps avec l’emploi d’appareils légèrement différents. Les parties latérales ont été montées en même temps que les murs latéraux du four mais avec des pierres plus longues alors que la partie centrale (tranche verticale au‑dessus de la bouche du foyer) a été construite à l’aide de petites pierres plates noyées dans un mortier beaucoup plus abondant. Si on envisage sur les parties arrière du foyer un voûtement qui porte en partie sur le pilier et sur les extrémités latérales du voûtement du foyer lui‑même, ces parties doivent être plus soignées que la partie centrale ne portant que son poids de maçonnerie. Un autre point vient appuyer cette conception : c’est l’existence dans les écoinçons de la voûte sur le foyer d’un blocage fort important réalisé avec des pierres posées en oblique contre la voûte et servant de charge pour renforcer celle‑ci à la hauteur des reins (fig. 10 a et 9 b). Ce type de blocage n’existe pas sur la partie centrale où le remplissage a été fait en même temps que la construction de la façade à l’aide de pierres posées à plat donc ayant moins d’action sur les éventuels mouvements de la voûte.

104Ce voûtement du foyer se termine au droit de l’extrémité de la sole. C’est le système du pilier et de la voûte annulaire du foyer qui permet le voûtement sur les parties arrière du four qui jouent le rôle de chambre de cuisson.

■ Voûte sur la chambre de cuisson

  • 89 Fig. 12 e et f : différents essais de reconstitution possible des parties hautes. Pour Saint‑Blaise (...)

105Les vestiges conservés pour cette partie de la construction sont pratiquement inexistants89. Il faut dissocier les vestiges des deux sites étudiés étant donné qu’il existe entre eux une différence de conception au niveau de la façade arrière.

Cas de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon

106Dans cet atelier, l’accès à la sole à partir de la façade arrière s’effectue par une porte assez étroite percée dans le mur de fond. Cette particularité autorise donc, à notre avis, deux restitutions du voûtement.

107Tout d’abord un voûtement en berceau longitudinal reposant sur les parois latérales du four (Thiriot 1975 a). La charge de la couverture est ainsi reportée latéralement et ne pousse en aucune façon sur la façade arrière ou la murette construite sur le pilier décrit précédemment, La porte d’accès à la sole était sans doute de même type que celle du foyer couverte d’une bâtière (fig. 12 e). L’autre murette était construite sur le pilier et l’extrados du voûtement annulaire sur le foyer (système très stable) ne portant pas le voûtement sur les parties arrière. Dans le voûtement sans doute réalisé en encorbellement devaient être ménagés des évents pour l’évacuation des fumées.

  • 90 La restitution que M. Bruijn donne aux fours qu’il a découverts à Brunssum est fort comparable aux (...)

108La couverture de la chambre de cuisson peut être envisagée de façon différente (fig. 12 f). Il s’agit d’y restituer un voûtement en coupole toujours réalisé en encorbellement. Les efforts sont répartis sur tout le pourtour de sa base et en particulier au pilier et à l’extrados de la voûte du foyer. C’est là un inconvénient90. Il n’y a, de toute manière, pas de problème pour ouvrir dans les parties arrière une porte d’accès à la sole.

109Il est possible également d’envisager le non‑voûtement des parties arrière. Il semble toutefois assez peu probable que cette solution ait été adoptée sur un four dont le foyer supporte déjà un voûtement de belle qualité. L’avantage du non‑voûtement est multiple : aucun problème de construction ne se pose puisque toutes les parois sont verticales. Il n’y a pratiquement aucun problème d’obturation de l’ouverture après chargement du four puisqu’il est possible d’y réaliser une couverture légère. Le problème de l’étanchéité pour réaliser une cuisson réductrice est peut‑être plus difficile à résoudre. Enfin, le volume de poteries à cuire peut être fortement accru. Ce dernier point est de moindre importance dans le type de four étudié ici puisque seule la surface centrale du four est utilisée pour l’empilage des poteries. Les couloirs latéraux ne sont pas, semble‑t‑il, utilisés à cette fin. Dans un tel four, la charge à cuire est donc limitée. L’avantage du non‑voûtement est restreint. L’existence d’une porte donnant accès à la sole n’est pas un argument majeur dans cette discussion.

Cas de Saint‑Gilles‑du‑Gard

110Le fait que la porte arrière d’accès à la sole occupe toute la façade arrière interdit de restituer sur l’espace de ce côté‑là un voûtement en coupole type bories. Pour cette raison, un voûtement en berceau longitudinal de même type que celui de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon est envisagé. La façade arrière est ici vide de construction permanente conformément aux données de fouille. La voûte en berceau, portant sur les faces latérales du four, reste stable même si les façades ne sont pas construites. Pour des raisons identiques à celles avancées pour les fours de Bollène, Saint‑Blaise‑de‑Bauzon, l’hypothèse du non‑voûtement est assez difficile à retenir. Ce n’est, semble‑t‑il, pas le matériau employé ici pour les parois latérales qui peut entraîner une telle conclusion. À Saint‑Gilles‑du‑Gard, les fours sont détruits à un niveau assez bas et les reconstitutions n’en sont que plus hypothétiques.

5.3.1.6. Façades et portes

111La façade avant, fortement encaissée dans l’excavation primitive, était percée en son milieu d’une porte d’alimentation du foyer (fig. 9 b) couverte en bâtière (un autre mode de couverture peut être également envisagé pour les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard). Cette façade formait un angle rentrant. De plus, elle était construite avec un léger fruit, ce qui montre bien qu’elle était conçue également pour contrebuter les poussées des voûtements et donc accentuer la stabilité de l’édifice.

112À Saint‑Gilles‑du‑Gard, la façade arrière n’était pas construite à demeure. On obturait ce trou à chaque cuisson. Entre deux chauffes, l’arrière du four avait donc l’aspect d’une section de voûte.

113La façade arrière n’était permanente qu’à Saint‑Blaise‑de‑Bouzon où elle pouvait avoir plusieurs aspects suivant la restitution du voûtement que l’on adopte. Dans le cas d’un voûtement longitudinal en berceau (fig. 12 e), la façade était un mur vertical (avec un léger fruit toutefois) dans lequel était ouverte la porte d’accès à la sole. Dans le cas d’une coupole (fig. 12 f), celle‑ci était surmontée d’une paroi verticale plus basse (dans laquelle est ouverte la porte) surmontée de la partie supérieure de la voûte. Les matériaux mis en oeuvre restent toujours les mêmes.

5.3.1.7. Matériaux utilisés pour la construction

114L’accent est mis sur le caractère local de ces matériaux. Leur choix a eu, semble‑t‑il, assez peu de conséquences sur la forme du four. Dans tous les cas, on a cherché à utiliser des matériaux disponibles sur l’emplacement même des fours à construire ou dans une aire de quelques centaines de mètres :

115— matériaux de démolition, sans doute pour Saint‑Gilles‑du‑Gard : tuiles creuses de couleur grise utilisées fragmentairement en long ou en profil dans les différentes parties de la construction ;

  • 91 Voir note 354.

116— pierres plus ou moins roulées ramassées dans le lit des ruisseaux passant au pied du site de Saint‑Blaise. Les pierres sont grossièrement taillées suivant des dimensions variables correspondant à des parties bien précises de la structure91;

117— argile de liaison prise à proximité de la colline de Saint‑Blaise (argile verte du Cénomanien repérée à l’ouest et au nord). Cette argile de liaison était toujours additionnée d’une portion importante de sable afin de limiter le retrait.

5.3.2 Fonctionnement

5.3.2.1. Préparation et charge du four

  • 92 Fig. 10 b. La stratigraphie des couches de cendres dans le foyer montre leur irrégularité et parfoi (...)
  • 93 Fig. 11 b et 11 f. Les tessons étaient employés comme dégraissants très grossiers. Les différences (...)

118Avant d’empiler les poteries à cuire sur la sole, il convenait de mettre en état le four. Le potier vidait une partie des cendres accumulées dans le foyer92 et surtout réparait les parois et les voûtes en les enduisant à nouveau d’argile mêlée de sable et armée de tessons93 afin d’obturer les brèches ou consolider les parties ayant fortement joué. Ce chemisage, outre son rôle dans la stabilité de l’édifice, est un bon isolant thermique réduisant ainsi les pertes de chaleur par les parois. Cette couche protectrice était cuite pendant la chauffe suivante.

  • 94 Nous pouvons imaginer de tels artifices pour assurer la stabilité de la charge, même si la fouille (...)
  • 95 Voir l’essai de synthèse sur les ateliers.
  • 96 La pratique de la cuisson de pièces nécessitant plus de chaleur parce que de plus grande taille dan (...)

119On procédait alors au chargement du four en empilant sur la sole les poteries préalablement séchées. Ce travail était effectué en passant les poteries par la porte d’accès arrière. La charge était installée sur la sole et sans doute calée et stabilisée à l’aide de tessons et de petits morceaux d’argile molle94. On pourra remarquer que la surface d’empilage des poteries est très réduite pour une installation d’un tel volume, ce qui confirme le caractère local de cet artisanat95. Toutefois, il n’est pas impossible que les parties arrière des couloirs (dégagement en forme de marche et peut‑être les couloirs eux‑mêmes) aient servi à cuire certaines poteries nécessitant un feu plus important. On ne peut affirmer une telle hypothèse faute d’observation pendant la fouille96.

120La charge étant en place, la porte d’accès à la sole était obturée de l’extérieur. À Saint‑Blaise‑de‑Bauzon des pierres liées à l’argile étaient posées en oblique sur plusieurs lits permettant sans doute une meilleure obturation (fig. 9 b et 11 a). À Saint‑Gilles‑du‑Gard, l’accès arrière (toute la façade) était obturé à chaque cuisson à l’aide de matériaux divers : pierres, galets, tuiles, parpaings d’argile de récupération liés à l’argile grossière (fig. 13 a).

  • 97 Si une fissure se produit dans la voûte en cours de chauffe, le sable peut assurer l’étanchéité par (...)

121Afin de parfaire l’étanchéité et l’isolation thermique du four, les fissures apparentes sur la voûte devaient être également enduites. Pour éviter certains inconvénients de cuisson, il semble possible que certaines parties du four aient reçu un revêtement de sable recouvert de terre brune. Nous pensons ici surtout à la voûte du foyer97.

  • 98 Nous ne pouvons que regretter le manque total d’information précise sur les fours de Saint‑Gilles‑d (...)

122Le four était alors prêt pour la cuisson, dont le déroulement peut être étudié à la lumière de quelques observations qui ont pu être faites pendant la fouille des différents fours98.

5.3.2.2 Cycle théorique de cuisson

■ Cuisson (s.l.)99

  • 99 Le processus de la cuisson réductrice étant toujours à peu près le même, on se reportera à son étud (...)
  • 100 L’analyse des charbons de bois définira les essences employées pendant la cuisson (s.l.) des poteri (...)
  • 101 Pour des petits centres de production sans doute locale, comme ceux de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon et Sa (...)
  • 102 Pendant cette phase de cuisson (s.s.), le feu est très fort et réduit totalement le combustible en (...)

123Le feu devait être nourri de branchages ramassés dans le voisinage100. Lorsque le potier101 estimait la température maximale nécessaire atteinte (au bout d’un laps de temps qu’il est bien difficile de déterminer à partir des données archéologiques mais que l’on peut estimer de l’ordre de 12 heures environ) l’alimentation du feu était maintenue à un rythme très soutenu afin que la température soit conservée pendant quelques heures102.

  • 103 Pendant cette phase de post‑cuisson, le combustible enfourné ne peut se consumer entièrement, par m (...)

124La température maximale atteinte, le potier enfournait une très grosse quantité de combustible et obturait la porte du foyer à l’aide de pierres (fig. 11 e). Il prenait soin également d’obturer l’ensemble des cheminons afin de stopper le tirage. Le feu était étouffé et le bois enfourné se consumait lentement dans le foyer porté au blanc avec production d’une quantité importante de fumées noires réductrices103. La température décroissait ainsi très lentement en atmosphère réductrice pendant un jour au minimum. Le potier prenait bien soin de prévenir toute fissure dons le four qui aurait provoqué un appel d’air frais vers l’intérieur d’où localement une atmosphère oxydante et surtout un brusque changement de température provoquant la rupture des poteries.

  • 104 La porte du foyer a été découverte obturée par un empilement de pierres noyées dans une couche de c (...)
  • 105 Se reporter à l’étude de la stratigraphie de ce four dans la monographie de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon. (...)

125C’est sans doute au cours de cette phase de post‑cuisson que le four 187D s’est écroulé sur la charge de poteries104. On a en effet retrouvé cassée sur place une partie de la charge déjà cuite. Après avoir dégagé les ruines de la voûte dans la partie centrale de la chambre de cuisson, le potier a très certainement récupéré les poteries restées intactes car la zone de poteries cassées sur place sur la sole occupait uniquement l’arrière de celle‑ci, comme si l’on avait dégagé le reste de la surface afin de ne laisser aucun objet récupérable dans le four105. Cet accident a permis l’étude d’un nombre important de poteries reconstituables très rapidement appartenant à la dernière cuisson du four.

■ Détournement

126L’ouverture des différents orifices menée tout au long de la journée permettait d’atteindre une température supportable pour le défournement. La porte d’accès à la sole était abattue complètement et le potier lui‑même procédait à la sortie des pièces cuites en testant leur qualité.

■ Circulation des flammes et des fumées

127Le feu, entretenu dans la partie antérieure du four, était cantonné dans cet espace restreint par l’existence du pilier construit à l’extrémité de la sole (fig. 10 b). Celui‑ci jouait en effet un rôle essentiel s’ajoutant à son rôle de support de voûtement. Le feu, butant contre cet éperon, se dédoublait en deux courants dans les couloirs latéraux permettant une meilleure répartition des chaleurs. Le pilier limitait le danger de contact de la flamme avec les poteries à cuire. Il réduisait également l’effet de la forte chaleur dégagée par le foyer sur la charge installée à l’abri de sa maçonnerie.

  • 106 Pour ce type de four, on peut se reporter aux thèses récentes de P. Duhamel pour la période gallo‑r (...)

128Le système de la sole allongée terminée par un pilier permettait une répartition meilleure des gaz de combustion tout en limitant l’effet de contact trop violent entre les flammes et les poteries. Cette technique en soi n’était pas nouvelle. Il suffit d’ouvrir n’importe quel ouvrage traitant de fours gallo‑romains pour constater son emploi. Toutefois, les potiers gallo‑romains ont toujours employé ce type d’éperon comme support de sole perforée106. Ce dernier point nous éloigne en fait beaucoup du type de four original décrit ici.

■ Durée d’utilisation du four

  • 107 Se reporter aux notes 373 et 374 et aux paragraphes 5.2.2.2 et 5.2.2.3. Cette hypothèse devra être (...)
  • 108 Cf. note 313.

129Il est bien difficile de donner même un ordre de grandeur de la durée d’utilisation d’un four. La stratigraphie des cendres conservées dons le foyer permet des estimations minimales du nombre des chauffes et des nettoyages du four. Toutefois pour des fours où le foyer est assez restreint, et c’est le cas de ce type de four, il faut envisager périodiquement la vidange complète des cendres. Seule, la stratigraphie du four 187D peut être étudiée dans ce sens. La superposition à chaque cuisson (s.l.) d’une couche de cendres grises pendant la cuisson (s.s.) et d’une couche de cendres noires (charbons) pendant la post‑cuisson est une vision théorique, pour l’instant, de la matérialisation de la cuisson (s.l.) dans le foyer107. À la fouille, certaines couches, de couleur grise pour la plupart, présentent une surface très dure, qui n’a, jusqu’à présent, pas été expliquée108. Si cette hypothèse est bien fondée, il devient possible, dans un foyer non nettoyé, de définir le nombre de chauffes réalisées dans le four. Du fait des nettoyages partiels, ce n’est qu’un nombre minimum de chauffes que l’on peut définir en comptant les couches de cendres conservées dans le foyer. Le nettoyage a donc pour effet d’interrompre la succession des couches alternées provoquant soit une suite de couches où l’alternance n’est plus régulière, soit l’interruption complète et locale d’une série de couches. Une lecture précise de la stratigraphie des couches de cendres dans le foyer permet donc également d’y définir un nombre minimum de nettoyages. Il est impossible de tenir compte d’éventuels nettoyages intégraux du foyer détruisant toute la stratigraphie antérieure. Il est fort probable que cela arrivait plusieurs fois au cours de la longue utilisation des fours. Les chiffres que l’on peut avancer pour le nombre minimal de chauffes et de nettoyages ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif surtout pour les fours du type Saint‑Blaise‑de‑Bauzon où le foyer a un faible volume (d’où nettoyage complet plus courant).

Tableau XXXV. Four BSB 187D : organisation des couches de cendres (D : surface dure. E : empierrement (18 dans couloirs, 22 dans foyer).)

  • 109 Les couches 4, 5 et 17 n’existant qu’à l’intérieur du four n’ont pas été incluses dans ce tableau. (...)
  • 110 Cf. calcul pour le four SVO 91A : paragraphe 5223.
  • 111 Pour aller plus avant dans ces raisonnements, il faudrait en effet multiplier les découvertes de ce (...)

130Dans l’état actuel de la stratigraphie du four 187D, ce tableau indique un nombre minimum de 10 cuissons et de 5 nettoyages109. Partant du principe qu’un nettoyage fait disparaître toutes les couches au‑dessus de la trace d’enlèvement, le calcul110 aboutit à 30 cuissons minimum sans tenir compte des nettoyages complets ni d’un remplissage plus important du foyer. Ce petit calcul, bien que vue de l’esprit, montre bien qu’il est difficile de se baser sur un tel critère, assez aléatoire dans le cas de ce type de fours, pour définir une durée d’utilisation. Il a toutefois l’intérêt de donner un ordre de grandeur minimum du nombre de cuissons réalisées dans ces fours. Une évaluation du nombre de poteries cuites dans une telle installation et la définition du temps moyen requis entre deux cuissons pour la préparation des produits à cuire nous permettraient de donner une idée de la durée d’utilisation de ces fours. Ce dernier point reste encore bien flou, peu de fours de ce type ayant été fouillés111.

5.3.3. Réparations et transformations

  • 112 Se reporter essentiellement aux monographies des fours 187B et D de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon pour la (...)

131Les différentes modifications, qui ont été constatées sur les fours étudiés, ne sont pas reprises dans le détail112. Les raisons de ces modifications sont recherchées ici. Il est d’ailleurs bien difficile de faire la différence entre réparation et transformation.

132En se reportant au tableau XXXIV, on constate que les différentes transformations ont été faites par ajout tendant à restreindre l’espace intérieur. Le four 187B montre bien cette progression dans les couloirs, sur la sole et les parois latérales du four (fig. 7 a).

  • 113 Fig. 7 a : opérations numérotées 5 et 6 au nord et au sud. On y constate une coupure correspondant (...)

133Volonté de diminuer le volume intérieur du four pour faciliter la chauffe (?), pour faciliter le voûtement (?). Il est bien difficile de répondre. Toutefois, une remarque importante concernant le chemisage du four 187B peut nous laisser supposer un lien entre ces nouvelles parois et le voûtement sur le foyer et peut‑être sur les parties arrière du four. Une coupure existe dans ce revêtement à la hauteur de l’extrémité de la sole113. La progression notée au cours de la fouille entre ces différentes opérations tend à prouver qu’elles sont liées à la réfection totale du voûtement surtout pour les parties arrière du four. Il y a donc là, sans doute, la preuve d’une réparation importante sur ce four. Faut‑il lier à ce programme de réfection la construction avancée numérotée 7 de la sole permettant de mieux soutenir la voûte sur le foyer ? Ce qui semble certain, c’est le chemisage du four afin de permettre un meilleur voûtement, voûtement ainsi réalisé sur un espace restreint.

134Les couloirs ont d’abord été raccourcis puis rétrécis par chemisage des parois latérales et élargissement de la sole (fig. 7 b). Ces opérations faites progressivement ont sans doute été réalisées à tâtons. L’empirisme semblait bien guider le potier qui a repris par trois fois le fond des couloirs latéraux. Nous sommes peut‑être ici en présence d’un four expérimental où le potier a essayé de nombreux artifices pour atteindre un bon fonctionnement de son four. Il a essayé d’y régler la circulation des gaz chauds. Il a essayé sans doute également de rentabiliser son installation en agrandissant la surface de cuisson. Faut‑il voir dans les empierrements réalisés au fond des couloirs une surface de cuisson supplémentaire (fig. 7 b) ? Si l’on se réfère aux fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard qui sont conçus dès le départ avec ces sortes d’emmarchements à l’arrière (fig. 13 a), on peut penser qu’ils ont servi de sole supplémentaire. Mais il est bien difficile de généraliser à ce sujet.

135Les transformations constatées dans le four 187D voisin semblent plus évidentes (fig. 12 d). On a tout d’abord l’impression que le potier a trouvé enfin la forme idéale de son four. On constate en effet qu’il n’y a pratiquement aucune retouche à cette belle structure. On a apporté des aménagements successifs afin de mieux régler la cuisson car la sole initiale a été construite à proximité trop immédiate du feu. Pour la première modification, le potier a construit une murette doublant en partie le mur de fond du foyer et surélevé légèrement la sole (fig. 12 d : opérations numérotées 2 a et 2 b). Cette murette est difficile à justifier si l’on cherche en elle autre chose qu’une marche permettant d’accéder plus facilement à la sole. Doit‑on y voir une construction annulant en partie l’angle mort du fond du couloir et permettant une meilleure circulation des gaz ? Il est bien difficile de répondre à cette question sans expérimentation. Les modifications suivantes montrent la volonté de séparer de plus en plus les poteries à cuire de l’effet néfaste des flammes (soles numérotées 3 à 5). Cette volonté semble avoir été trop forte puisque, par deux fois, le potier a empierré le fond du foyer puis des couloirs pour surélever un peu les zones de chauffe (fig. 12 d : opérations numérotées 5 b et 5 c).

136Nous restons persuadés toutefois que ce four marque un aboutissement dans la conception du type auquel il appartient. Il serait, bien évidemment, très intéressant de fouiller d’autres fours de ce type, d’autant plus qu’il a été possible de les confronter aux découvertes similaires réalisées en Hollande et en Belgique.

5.3.4. Comparaison avec des structures similaires

137Un nombre important de découvertes ont été faites en Europe du Nord entre Meuse et Rhin où des fours, similaires à ceux que nous venons d’étudier, ont été employés tout au long du Moyen Âge. Nous n’avons pas dépouillé complètement la bibliographie se rapportant à ces trouvailles fort nombreuses. Il est bien évident qu’une étude comparative ne peut être poussée trop loin si des structures similaires ne sont pas découvertes dans des zones plus méridionales. En effet, en‑dehors de ces découvertes « nordiques », nous n’avons pas trouvé de publication concernant d’hypothétiques fours de ce genre qui pourraient servir de maillon dons la chaîne reliant ces fours à ceux de Bollène et Saint‑Gilles‑du‑Gard. Il ne nous est donc pas possible de déduire de cette comparaison une quelconque influence des uns sur les autres et inversement. il est toutefois frappant d’examiner les découvertes réalisées en Allemagne rhénane, en Belgique mosane et dans le Limbourg hollandais:

  • 114 (Lobbedey 1968 : 167 et 168). La bibliographie concernant les différents sites est indiquée. Voir e (...)

138— Allemagne du Sud‑Ouest : il s’agit essentiellement de la région située entre Cologne et Bonn, où les centres de production de poteries médiévales les plus connus sont Badorf et Pingsdorf. Des fours comparables (appelés fours à langue : « Zungenofen ») y ont été reconnus et datés des xxie s. D’autres structures de même type (Zungenofen) sont mentionnées à Walberberg (ixe s.), Wildenrath (xiie s.), Katterbach, Kipfenberg (xiv‑début xve s.)114;

  • 115 (Lauwerijs 1967 : 13, fig. 1). Fig. 36 f à h : croquis des fours I et IV.
  • 116 (Borremans 1966). Se reporter plus porticulièrement au four A 4 et à la figure 2, p. 12. Fig. 37 a.

139— Belgique, vallée de la Meuse : plusieurs sites ont livré des fours comparables à ceux qui nous intéressent ici. Ils sont situés entre Namur et Liège à Wierde (début xiie ‑deuxième moitié xiiie s.)115, Andenne (fin xie ‑troisième quart xiie s.)116 et Amay (fin xiiie‑milieu xive s.) (Willems 1960). Nous examinerons en particulier les fours d’Andenne et de Wierde ;

  • 117 (Bruijn 1965 : 175, fig. 3). Comparaison entre le type romain et les fours de Nieuwenhagen, Brunssu (...)
  • 118 Plusieurs publications ont été réalisées à ce propos (Renaud 1955) : se reporter en particulier aux (...)
  • 119 (Bruijn I960). Nous devons remercier ici M. J. Peeters pour la traduction de ces articles en néerla (...)

140— Hollande, Limbourg : dans le Limbourg, plusieurs centres de potiers ont été découverts près de la frontière est : Nieuwenhagen (four d’un type légèrement différent et plus ancien d’après l’auteur. ixe s.)117, Brunssum (milieu xii xiiie s.)118 et Schinveld (xii xiiie s.)119. Cette série fort importante (et incomplète) de fours d’un même type présente un grand intérêt pour cette étude. Les structures découvertes dans le Bas‑Rhône et surtout à Saint‑Gilles‑du‑Gard correspondent particulièrement bien à ces fours du nord ;

  • 120 Cf. Potiers de Lannills 1946. Le dossier no 18 10/52 est conservé aux Archives du Musée des Arts et (...)

141— Finistère : l’enquête qui a été réalisée en 1946 sur les potiers de Lannilis dans le Finistère a également une importance capitale puisqu’un four encore en activité a pu être observé120. Un autre en ruine a permis des observations intéressantes concernant le voûtement traditionnel de ce type de four‑couloir ou four en escalier légèrement différent des fours étudiés ici. Ces deux structures ont été décrites très sommairement dans l’enquête qui cherchait à définir toutes les phases du travail et l’organisation sociale des potiers de cette région. Les relevés effectués sur les installations, le matériel et les productions apportent de très riches informations.

  • 121 (Boüard 1967 : fig. 1 et 2). Datation : milieu du xiiie s.
  • 122 (Salch 1971 : fig. I et II). Datation xive xve s.
  • 123 (Fixot 1971 : fig. 3, 6, et 18). Datation fin xviiie ‑début xixe s.

142Un type de four un peu plus évolué que celui de Lannilis peut être signalé ici. Son évolution tend vers le four à escalier. Le foyer étroit et parfois évasé débouche dans une salle de cuisson assez large dont le sol en pente ou légèrement surélevé sert à empiler les poteries à cuire. Le four découvert à Argentan121 ou celui découvert au Grand‑Géroldseck122 semblent bien être de ce type, retrouvé pour une période bien plus récente à Pélissanne123.

5.3.4.1. Construction

143Un tableau rassemble les dimensions principales de ces fours (Andenne, Brunssum et Wierde) à partir des dessins de publication et des descriptions. Ce tableau est malheureusement fort incomplet à cause de la conservation partielle des structures et souvent à cause de la trop grande simplification des relevés publiés (à comparer au tableau no XXXIV).

Tableau XXXVI. Dimensions des fours de comparaison.

■ Orientation

144La comparaison des tableaux XXXIV et XXXVI montre, en premier lieu, une dispersion importante des orientations des fours localement et régionalement : voir les diagrammes des orientations. Pour des sites comme Wierde et Andenne assez proches, il faut supposer une même orientation des vents dominants en rapport avec la vallée de la Meuse. Or, sur ces deux sites, des orientations de fours étaient totalement opposées, disposition qui semble anarchique et sur laquelle les auteurs n’ont pas insisté. Ces nouveaux exemples confirment notre conviction de non orientation des installations vis‑à‑vis des vents dominants. D’autres impératifs sont sans doute à rechercher à ce propos peut‑être en relation avec les contraintes d’organisation de l’atelier.

■ Dimensions

145En général, les fours étudiés dans le tableau XXXVI étaient beaucoup plus longs que ceux du Bas‑Rhône pour une largeur tout à fait comparable. La largeur des couloirs latéraux était bien plus étroite au profit de la sole qui, de ce fait, se trouvait très fortement développée. La sole semble toujours avoir été assez haute par rapport au niveau du foyer (rapport hauteur/fond foyer dans les tableaux), hauteur comparable à celle des fours du Bas‑Rhône sauf pour le four I de Wierde qui était exceptionnellement bas. Ce dernier four semble toutefois d’un type légèrement différent puisque la longueur des couloirs latéraux était beaucoup plus courte. Nous verrons que cela devait correspondre à une architecture intérieure légèrement différente des autres modèles. L’étroitesse du four de Lannilis (xxe s.) par rapport aux fours étudiés ici semble en relation avec le manque de couloirs latéraux dans ce type un peu particulier.

■ Excavation

  • 124 Se reporter ou paragraphe 5311.
  • 125 Se reporter à l’examen du voûtement de ces fours essentiellement le four de Brunssum.

146Il est bien difficile d’étudier dans les détails l’excavation initiale du sous‑sol pour les différents fours énumérés précédemment. Le creusement du foyer et des couloirs était assuré à une profondeur toujours respectable afin que la sole se trouve approximativement au niveau du sol d’occupation. C’est un phénomène général124 qui est également respecté dans le four de Lannilis (fig. 37 b). La différence la plus importante avec les fours de Bollène et de Saint‑Gilles‑du‑Gard est dans le profil axial des couloirs. Ici les couloirs plus étroits étaient creusés très superficiellement avec une pente assez accentuée. La longueur des couloirs était généralement égale à celle de la sole sauf pour le four I de Wierde où elle était exceptionnellement courte (longueur égale à la murette construite en avant de la sole) (fig. 36 f à h). L’accès au foyer se faisait toujours par une fosse assez développée et légèrement moins profonde que le foyer. Il y a donc ici accord avec nos découvertes. L’accès aux parties arrière du four ne semblait pas exister dans ces fours125.

■ Parois et sole. Matériaux

  • 126 (Lauwerijs 1967 : fig. 1). Four I : fig. 36 f à h.
  • 127 (Lobbedey 1968), Son étude succinte des différentes formes de fours indique bien, pour ce type de f (...)

147Les parois latérales de la salle de cuisson et du foyer sont en tous points identiques à nos observations. La sole est également de même type. Assez souvent l’extrémité de la sole surplombant le foyer était aménagée d’un pilier dont on a retrouvé l’arrachement (fig. 36 d), Lo construction d’une murette à plan demi‑circulaire à l’avant de la sole du four I de Wierde est plus rare126. Cet écran protégeait de façon plus efficace la charge de poteries à cuire. On a toutefois pratiqué un trou d’environ 10 cm à la base de ce mur, et dans l’axe de la sole, pour limiter un peu son effet. Cette construction particulière était associée à des couloirs exceptionnellement courts. Nous ne pouvons que déplorer le fait que ce four reste unique même sur le site de Wierde fort touché par les excavations récentes. Murette ou pilier servaient de toute manière d’éléments protecteurs au cours de la cuisson mais aussi de support de voûtement127. Les matériaux employés pour leur construction étaient essentiellement l’argile utilisée sous forme de mortier avec addition de dégraissant. Quelquefois on a utilisé des pierres calcaires liées à l’argile. C’est surtout le cas des fours de Wierde où ces matériaux se trouvaient essentiellement à l’emplacement du foyer. Ici encore emploi particulier à l’endroit des plus fortes chaleurs comme nous avons pu le constater surtout à Saint‑Gilles‑du‑Gard, four 995D. À Lannilis, toutes les parties basses étaient construites à l’aide de blocs de granit.

■ Voûtements

  • 128 Cf. note 391 : plus particulièrement p. 22. Fig. 37 b.
  • 129 (Bruijn 1959 : note 621. Fig. 36 d.

148L’enquête sur les potiers de Lannilis (Finistère) est très importante ici puisqu’elle présente deux modes de construction d’un même type de voûtement pour des fours encore en activité au début du xxe s.128. Leur examen est repris ici après l’étude des fours de Brunssum qui est la seule à présenter un essai de reconstitution des parties hautes129. Les sept fours de Brunssum se sont succédé les uns sur les autres avec quelque décalage. De ce fait, aucune structure n’a conservé des vestiges suffisants pour assurer une reconstitution complète et définitive des superstructures. A. Bruijn a proposé une restitution de ces différentes parties qui a beaucoup d’intérêt.

149La partie du foyer est recouverte d’une sorte de berceau avec deux branches correspondant au départ des couloirs latéraux. Nous remarquons qu’il y a ici divergence avec les vestiges du four 187D de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon qui montrent un voûtement tournant à profil dômical sur le foyer. La restitution de M. Bruijn est toutefois fort logique puisque le foyer des fours de Brunssum est plus allongé et plus étroit que celui de Saint‑Biaise.

  • 130 Se reporter plus loin au paragraphe 5343 (Renaud 1955 : fig. 3 et 5). Fig. 36 b et c.

150Une coupole basse est reconstituée sur l’espace arrière couvrant la sole et les couloirs latéraux. Elle s’appuie bien évidemment sur les parois latérales et arrière du four ainsi que sur le pilier et l’extrémité des berceaux sur le départ des couloirs. Un tel type de voûtement a également été restitué sur les fours du Bas‑Rhône. La grande différence réside dans l’existence, pour Bollène et Saint‑Gilles‑du‑Gard, d’une porte arrière d’accès à la sole. L’inexistence à Brunssum d’une telle ouverture, d’où la destruction périodique du voûtement après chaque cuisson, fait conclure A. Bruijn à la reconstruction presque intégrale du four à chaque cuisson en la déplaçant130. Il est toutefois possible d’imaginer une vie plus longue de chaque état.

  • 131 (Lisse 1955 : 238, fig. 8). Transformation du four à flamme directe en four à flamme renversée avec (...)

151Pour terminer, M. Bruijn restitue un système d’évacuation des fumées qui est, semble‑t‑il, assez moderniste. Il paraît logique de placer les orifices symétriquement sur la face postérieure du four. Le fait d’imprimer aux courants un retour vers l’avant, réchauffant ainsi la voûte, semble bien théorique. Enfin, quant à la double cheminée verticale, il suffit de voir les installations actuelles des potiers d’Afrique du Nord pour constater que de telles installations n’existent pas sauf dans les modernisations récentes131. Cette restitution est d’autant plus utopique que la reconstruction de la totalité du voûtement s’effectue après chaque cuisson. Il est plus vraisemblable que les orifices d’échappement des fumées aient été ménagés dans les parties arrière de la voûte sans superstructure (fig. 12 e et 12 f). Malgré ces quelques réserves, la reconstitution du voûtement des fours de Brunssum reste fort intéressante et constitue un exemple du travail qui devrait être fait sur les fours découverts.

  • 132 Cf. note 391.
  • 133 Cf. L. Franchet, Carnet de Notes, MS ATF 44 656, p. 133‑ 134, ou La Céramique primitive. Paris, 191 (...)
  • 134 Cf. enquête de Lannilis : fig. 40, 30, 223 à 226 : 4 pots à profil de tulipe plus ou moins ouverte, (...)
  • 135 L’action de la chaleur était diminuée par le potier Cueff à l’aide de tôles placées en avant de la (...)

152Les voûtements décrits dans l’enquête sur les potiers de Lannilis (Finistère) offrent un exemple récent de couverture permanente sur un type de four très proche de ceux étudiés ici (fig. 37 b). Le four de François Cueff, le dernier à fonctionner à cet endroit, est construit de la manière suivante en ce qui concerne la voûte : « Une voûte en terre argileuse mélangée de pierrailles est construite sur deux murets en blocs de granité. Des arceaux de fer ‑ sept vieux fers à roue de charrette ‑ soutiennent cette voûte qui est saupoudrée de sable [...] Le four a deux ouvertures : celle du foyer, [...] celle de la chambre à poteries »132. Ce four artisanal était donc couvert d’un berceau longitudinal non régulier dont la construction était favorisée par des fers de roue. L’armature permettait une maçonnerie moins lourde mais entraînait une plus grande fragilité qui est mentionnée dans l’étude. Le potier lui‑même indiquait en 1946 que «la paroi n’a pas le temps de se "glacer", de vernir [...] qu’étant très mince, la paroi cède très souvent ». C’est certainement une régression technique par rapport aux fours de Lanveur que Franchet a décrits vers 1900133 : « la voûte en plein cintre est formée d’une suite d’arceaux juxtaposés obtenus avec des pots emboîtés les uns dans les autres ; le tout est recouvert d’une couche de sable de 0,20 m d’épaisseur environ ». L’enquête de 1946 précise en plus que les pots étaient tournés spécialement pour cet usage. De tailles et de profils légèrement différents, les pots de plus petites dimensions étaient placés au sommet134. Quels qu’aient été les matériaux employés, la voûte était identique dons ces fours où la sole occupe toute la partie arrière, aucun pilier, aucune murette n’était construit en bout de la sole pour diminuer l’action de la chaleur ou soutenir le voûtement135.

153La comparaison de ces fours encore en activité en Bretagne au début du xxe s. avec les fours médiévaux d’un type très proche semble autoriser les essais de reconstitution qui sont présentés dans cette étude.

5.3.4.2. Fonctionnement

154Les indications à ce sujet sont très succintes dans les différentes publications déjà citées. Il faut penser que le fonctionnement de ces structures est tout à fait semblable à celui des fours de même type du Bas‑Rhône. La différence importante déjà mentionnée est l’inexistence de la porte arrière d’accès à la sole d’où la destruction périodique du voûtement. Pour M. Bruijn (Bruijn 1965 : 170), l’étude de la stratigraphie de remplissage des fours et en particulier la succession des couches de cendres reflète un nombre minimum de 5 cuissons effectuées dans le four de Nieuwenhagen.

  • 136 Cf. enquête de Lannilis, 1946, p. 26 à 29.

155Les informations apportées par l’enquête sur les potiers de Lanni lis sont importantes puisqu’un cycle de cuisson y a été décrit heure par heure136. Après dégourdissement du four, les poteries et les tuiles étaient installées sur la sole. La cuisson (s.s.) intervenait quelques heures après et durait un peu plus de 3 heures avec une progression lente au départ allant en s’accélérant régulièrement. Après une dernière charge de 3 fagots d’ajoncs dans le foyer, les ouvertures du four étaient progressivement ouvertes. Le refroidissement durait environ 16 heures (toute une nuit). Le cycle complet de cuisson (s.l.) compté à partir du dégourdissement du four jusqu’au début du défournement durait environ 22 heures. Franchet, quelques années auparavant, avait noté des temps de cuisson (s.s.) de 2 à 2 heures 1/2 dans des fours mieux construits et à voûte épaisse.

  • 137 La surface de cuisson est inférieure à celle du four de Cueff si on admet que les poteries ne sont (...)

156La comparaison avec les fours médiévaux est difficile, on peut toutefois estimer que dans les fours du Bas‑Rhône, dont la surface de cuisson est un peu inférieure137, la durée de cuisson (s.l.) devait être assez comparable pour les fours découverts en Europe septentrionale, la surface de la sole était plus grande et la durée de cuisson (s.l.) devait être un peu plus longue (cuisson réductrice).

5.3.4.3. Transformations

157Les fours découverts à Wierde présentaient tous des réparations répétées du foyer et des conduits. Faut‑il lier ces restaurations au fait que l’entrée du foyer est toujours déportée soit à gauche soit à droite de l’axe du four ? (Lauwerijs 1967 : 14). Les réparations concernaient donc les parties du four‑soumises au feu intensif. Les différents états des fours n’ont malheureusement pas été représentés sur les croquis publiés (fig. 36 f à h).

  • 138 (Renaud 1955 : fig. 2 et 3). Fig. 36 b et c.

158L’évolution des fours de Brunssum est plus intéressante138. Sept états successifs ont été relevés de façon précise en plan et en stratigraphie. Le type du four d’origine a été chaque fois reconstruit avec un léger décalage (et parfois une petite variante dans l’extrémité de la sole 3 : variante signalée mais non expliquée par l’auteur). L’orientation de ces différents fours s’infléchit de plus en plus vers le sud, sauf les états 6 et 7 qui prennent une position moins dirigée vers le sud que l’état 5 précédent (fig. 36 b). Il est également intéressant d’examiner la succession stratigraphique des différents fours (fig. 36 c). Le déplacement des nouveaux fours vers l’est a permis de conserver les parties arrière des fours antérieurs. D’où l’intérêt de cette étude montrant bien, entre autres, l’existence d’un pilier à l’extrémité de la sole. On constate également que la structure abandonnée n’a pas été totalement vidée de ses cendres laissant toujours en place un témoin de la production du four précédent.

159Toutes ces transformations sont assez différentes de celles exécutées sur les fours que nous avons étudiés. Il faut toutefois répéter ici qu’un nombre fort restreint de fours a été fouillé. Il faudrait donc multiplier ces découvertes en systématisant le type de fouille stratîgraphique qui a été appliqué. Une série plus nombreuse permettrait donc de meilleures conclusions.

5.3.5. Conclusions

160L’étude qui précède avait pour but d’essayer de dégager les caractères spécifiques des quelques fours allongés (fours à langue ou « Zungenofen ») qui ont été découverts à Bollène, Soint‑Blaise‑de‑Bauzon (Vaucluse) et à Saint‑Gilles‑du‑Gard. Des fours similaires ont existé en nombre important en Europe du Nord. Il faut regretter le manque de découverte de ce type dans d’autres contrées. Toutefois la comparaison entre ces deux groupes d’installations et des fours bretons étudiés au début du XXe s. montre bien des airs de parenté évidents. C’est là une direction pour des recherches futures.

5.4. Les ateliers de potiers

161Cette étude prenant appui uniquement sur les découvertes réalisées en Uzège et dans le Bas‑Rhône ne peut être que très limitée. Les ateliers médiévaux découverts en Occident restent peu nombreux et leur connaissance est très fragmentaire. Les comparaisons sont donc difficiles et ne peuvent être effectuées que par rapport à des ateliers gallo‑romains ou très récents.

5.4.1. Définition du terme « atelier »

162Le dictionnaire indique : lieu où travaillent des ouvriers, des artisans, des artistes. La plupart des publications relatives aux ateliers de potiers, quelle que soit la période concernée, ne traitent généralement que des fours découverts et surtout des productions si elles sont luxueuses. Le four de potier est même devenu parfois le but essentiel illustré par une certaine vogue de prospections spécialisées qui, détournées de leur véritable but, étaient utilisées pour assouvir cette chasse au trésor. Si la découverte du (ou des) four(s) est une étape dans la connaissance des officines, elle ne représente qu’une faible partie, décisive il est vrai, de l’activité du potier qui passe la majeure partie de son temps à son tour.

163Un atelier de potier, c’est avant tout un lieu de travail, un ensemble d’installations complémentaires servant à la transformation d’un produit brut, l’argile de carrière, en un produit fini et commercialisable, la poterie. En raison de très nombreuses difficultés de découverte, reconnaissance et identification de ces structures, de telles recherches ont été rarement menées. Si elles ont été effectuées dans certains centres de production de sigillées gallo‑romaines, elles le sont plus rarement pour des officines de céramique commune de même époque ou de poterie plus récentes.

5.4.2. L’atelier de potier du xiie s. de Saint‑Victor‑des‑Oules

  • 139 Cf. paragraphe 238.

164Les recherches menées depuis 1973 ont eu pour but d’aller plus loin que la seule découverte de fours déjà très révélateurs d’une certaine activité artisanale139. Une grande partie des installations a pu être mise au jour non sans problèmes restés parfois non résolus.

5.4.2.1. Organisation spatiale

■ Stratigraphie et datations

  • 140 Cf. paragraphe 522.
  • 141 La plus grande dureté est un obstacle pour les jeunes racines qui cherchent à traverser le sol. Une (...)
  • 142 Dans les terrains assez argileux qui constituent le sous‑sol, l’action de la sécheresse en été durc (...)

165Avant l’examen de l’ensemble des structures étudiées à Saint‑Victor‑des‑Oules, il est nécessaire de préciser à nouveau les caractères du terrain. En dehors des fours où une stratification précise a pu être examinée140 sur une hauteur très appréciable, les couches de terre sont le plus souvent remaniées par les labours Jusqu’au rocher ou à l’argile géologique jaune sableuse. Lorsque des couches archéologiques sont encore en place sur de grandes surfaces, elles présentent des caractéristiques telles qu’il est bien difficile même en fouille lente et très soignée d’y distinguer des changements notoires et surtout représentatifs. Les terres rencontrées à Saint‑Victor‑des‑Oules dans les ateliers sont toujours très charbonneuses et grasses et comportent de très grandes quantités de tessons gris aux formes assez peu variées. Cette constance de remplissage des structures semble toute naturelle. En fait, la définition même de la destination artisanale des bâtiments ou installations entraîne ce type de constitution de terrain. Un atelier de potier important ne produisant qu’un certain type de poteries, les rejets constants de poteries cassées et de cendres des foyers entraînent une grande homogénéité et une certaine mobilité constante des sols à l’intérieur et surtout à l’extérieur des bâtiments. Dans ce cas, seule la dureté plus ou moins importante des surfaces peut être l’indication d’un sol. L’expérience à Saint‑Victor‑des‑Oules a montré qu’il était bien difficile de définir de tels niveaux qui sont matérialisés dans le meilleur cas par des cheminements de racines au contact d’un sol dur141, par la position des cailloux et de leur surface de pose, parfois par la position des tessons142.

166Du fait de l’évolution constante des sols, le matériel contenu dans les terres de remplissage varie assez peu. La production limitée aux poteries grises à cet endroit interdit la découverte d’autres types de céramiques qui pourraient servir de « fossiles directeurs ». De plus, la pauvreté de ces ateliers s’exprime par un manque total de matériel autre que la poterie : pas d’outils, pratiquement pas de monnaies...La datation dans ce contexte matériel devient presque impossible si les productions elles‑mêmes ne peuvent être utilisées. Même la datation relative est parfois difficile. Ces problèmes de fouille ont rendu précaire l’interprétation chronologique des vestiges découverts.

■ Présentation globale des installations143

  • 143 Cf. paragraphe 238 et fig. 17.

167L’atelier du xiie s. découvert dans les terrains 91 et 89 est présenté par zone, les zones ayant des fonctions bien définies (fig. 17).

Zone des fours144
  • 144 Cf. paragraphe 237.
  • 145 D’autres fours peuvent exister dans toute la zone construite qui n’a pas fait l’objet de prospectio (...)
  • 146 Des traces de rubéfaction du remplissage argileux de la fosse 89.16e (tranchée de fondation du mur (...)

168Un groupe de 7 fours de potiers d’un même type est situé au sud‑ouest de l’ensemble (fig. 19 et 25). La seule variation importante, en plus des différences de diamètre, est l’orientation de la bouche à feu et de son aire d’accès. Celle‑ci est toujours à 45o par rapport à l’axe nord‑sud. Un huitième four a été localisé au nord sous les bâtiments ; sa datation même relative n’a pu être définie145. Seul le four 89A semble présenter la trace d’une superstructure temporaire destinée à protéger la sole entre deux cuissons. Quelques indices ont permis d’établir une chronologie relative entre plusieurs fours voisins : SVO 91A construit après SVO 91 B, SVO 89A construit après 89D et peut‑être 89C construit après abandon de l’éventuel bâtiment s’appuyant sur le mur au sud‑est de la rue146.

  • 147 Cf. paragraphe 543.

169Tous les fours n’ont donc pas été en fonctionnement simultané. Il est malheureusement impossible de préciser davantage le nombre de fours utilisables à une période donnée. Plusieurs fours ont pu être employés en même temps sans toutefois faire l’objet d’une utilisation en série147.

Zone du sud‑est (fig. 18)
  • 148 Silos 89.2a et 2c.
  • 149 Monnaie de Louis, Dauphin de Viennois (1409‑1415) : cf. Poey d’Avant, no 4939.

170Plusieurs groupes très denses de silos et de fosses sont orientés à 45o par rapport à l’axe nord‑sud. La fonction de stockage de plusieurs silos est attestée par l’existence d’un fond de poteries en place148. Les fosses, si elles n’ont pas servi de base à des structures en élévation destinées à la conservation des produits périssables, ont été utilisées comme dépotoir au même titre que les silos en abandon. Quelques trous de poteaux, assez mal répartis pour l’instant, semblent prouver l’existence d’abris sur les vestiges. Cette zone de stockage était sans doute liée à un habitat qui existait à proximité de l’atelier en activité et surtout après l’arrêt des productions à cet endroit. Le matériel recueilli dans les couches d’abandon montre que leur utilisation n’est pas simultanée. Certaines fosses ou silos ont été creusés tardivement alors que, pour d’autres, la trace même avait disparu. Leur emploi semble s’étaler sur la période de production de l’atelier et s’éteindre bien longtemps après leur arrêt puisqu’une monnaie du début du xve s. y a été découverte149.

Appentis G (fig. 17)

171Seul vestige de bâtiment au sud de la voie, mis à part le léger tronçon en retour à proximité du four 89C, cet appentis muni de deux portes (une sur la rue, l’autre vers les fours) possède lui aussi une fosse maçonnée. Cette dernière se développe à l’intérieur de la bâtisse. Son utilisation reste indéfinie.

Partie médiane de l’aire dégagée

172Au nord des zones précédentes, elle est occupée par un axe de circulation sud‑ouest/nord‑est. Cette voie d’accès d’une largeur moyenne de 3 m permettait de desservir ce quartier à partir des chemins supposés anciens existant à l’ouest ou à l’est de cet atelier. La chronologie des différentes structures le bordant est assez difficile à cerner. Au sud‑est le mur recouvre un silo (89.27a) mais a été construit avant le four 89C. Au nord et à l’ouest de la porte d’accès à la cour, le mur semble postérieur à la petite fosse (89.24a) et peut‑être également à la fosse à marcher. L’angle de construction tout à l’ouest semble également construit après abandon de l’aire de marchage.

173Si son ancienneté est difficile à définir, l’utilisation de cette voie s’est poursuivie longtemps après l’abandon des ateliers puisque les rares tessons de céramique glaçurée trouvés sur le site proviennent essentiellement de cet endroit.

La cour (fig. 18)
  • 150 Cette surface n’est pas totalement dégagée surtout dans les parties ou centre et à l’ouest.

174Un large espace sans doute non couvert se développe au nord de la voie d’accès jusqu’aux bâtiments du nord et de l’est. Des installations de préparation de l’argile ont pu exister à cet endroit puisqu’une grande quantité de déchets granuleux de tri d’argile sont rejetés à l’ouest à proximité de l’aire de marchage150. Les problèmes chronologiques exposés précédemment laissent supposer que cet espace a été, dans un premier temps, assez largement ouvert vers l’extérieur et plus précisément vers la zone des fours.

Les bâtiments du nord de la cour (fig. 18)

175Ces bâtiments dont l’orientation générale est à 45o par rapport à l’axe nord‑sud ont été construits successivement.

1761. Bâtiment B à l’est : il n’en subsiste que l’angle sud‑ouest et l’emplacement du foyer (fig. 17). Est‑ce la trace d’un ancien habitat dont la destruction est en rapport avec l’implantation du four 89E (la chronologie relative n’est pas assurée) ?

1772. Appentis C et D construits à la suite l’un de l’autre, ils possèdent dans le mur est une fosse maçonnée de petites dimensions dont la destination reste problématique.

  • 151 L’empierrement serré découvert dans cette fosse peut avoir servi de fixation à l’axe de la roue. Le (...)

1783. Bâtiment A à l’ouest : c’est le mieux conservé de tous. Une fosse maçonnée est incluse dans le mur est. Une cloison semble avoir partagé l’espace à une période de son utilisation. Une fosse empierrée (fig. 18) de petites dimensions à proximité de la porte d’entrée et du mur sud semble marquer l’emplacement du tour. La roue, plus exactement, possède un axe fixé solidement au sol (fig. 35b et c) dans une pierre151. L’existence dans ce bâtiment de petites nappes de tri d’argile et l’absence de tout autre matériel laissent supposer que ce bâtiment abritait le tour du potier. Une dernière fosse maçonnée s’appuie sur une petite murette au sud de ce bâtiment.

  • 152 Les formes des tessons sont à rapprocher des productions du four SVO 128E.

179En période d’abandon de ces bâtiments, les pierres de construction ont été récupérées parfois jusqu’aux fondations. Les lambeaux de murs sont alors recouverts d’une nappe de petits cailloux issus en grosse partie de l’éclatement des pierrailles de blocage. Quelques tessons inclus dans cette couche d’abandon situent celui‑ci à la fin du xiie s. ou au xiiie s.152.

Le bâtiment de l’est (fig. 18)

180Le bâtiment E ferme la cour à l’est et fait la jonction entre les constructions du nord et la voie d’accès à l’atelier. Une petite porte au centre de la façade ouest permet d’y pénétrer à partir de la cour. Il semble que ce bâtiment soit largement ouvert vers l’extérieur (en direction de l’est) à l’emplacement d’un grand tas de déchets de tri d’argile. Ce lieu possible de stockage de l’argile venant de la carrière est sans doute en relation avec les trois grandes fosses peu profondes du nord‑est qui ont pu servir de fosse à décantation dans une première phase de l’artisanat. L’usage des deux silos aménagés de façon symétrique dans ce bâtiment reste inexpliqué, certainement sans rapport avec la préparation de l’argile.

Grandes fosses du nord‑est (fig. 18)
  • 153 Toute cette zone a été fortement perturbée par les labours récents.

181Trois excavations assez grandes sur environ 20 cm de profondeur dans le rocher semblent terminer à l’est les installations de potiers. Le remplissage partiel de la fosse du nord (sondage 89.10) réalisé avec des déchets de tri d’argile pourrait indiquer leur utilisation pour la décantation de l’argile (grande surface et faible profondeur). Leur orientation est toujours à 45o par rapport à l’axe nord‑sud, leur remplissage d’abandon correspond à celui des bâtiments. Après son arrêt d’utilisation, la fosse du milieu a été recouverte par une construction qu’il n’a pas été possible de définir153.

Appentis F et tour (fig. 17 et 27d)
  • 154 Cf. paragraphe 2385.

182L’appentis est conservé à l’état de traces repérées seulement sur deux côtés : nappe de cailloux dans une dépression du sol recouvrant l’emplacement d’un trou de poteau creusé dans le rocher. L’absence totale de blocs de pierre à cet endroit confirme peut‑être une technique de construction différente, plus légère et en matériaux périssables, de ce petit bâtiment antérieur à tous les autres examinés ici et qui a abrité une roue de potier154. Le tour à bâton, très bien défini grâce à la trace laissée dans le sol, est installé dans l’angle de la bâtisse dont les développements au nord et à l’est sont à définir.

Les fosses maçonnées (fig. 27b)
  • 155 Cette technique employée à Hamas de Mouro est pratiquée dans un tronc d’arbre évidé dont la surface (...)

183Alors que tous les bâtiments sont construits en pierres liées à la terre charbonneuse farcie de tessons, les nombreuses fosses rectangulaires sont systématiquement maçonnées finement à la chaux mêlée de sable fin en multiples couches. De dimensions sensiblement identiques (environ 0,80 x 0,70 m), elles sont toujours construites à cheval sur un mur et la terre battue, le fond correspondant au sol de l’atelier. Aménagées dans le parement externe des bâtisses, elles ont pu recueillir les eaux de pluie venant des toitures. Ont‑elles servi à la préparation de l’argile par la technique du mouillage comme la récente enquête menée en Espagne du Nord semble le suggérer155 ?

■ Évolution des installations Occupation du site

  • 156 Se reporter au chapitre 4.

184Les quelques indices de chronologie relative plus ou moins bien définis précédemment montrent que l’ensemble des installations découvertes n’est pas simultané. Les datations absolues uniquement obtenues par archéomagnétisme sur trois des sept fours dégagés dans ce secteur n’apportent pas non plus d’estimation de durée maximale de fonctionnement de cet atelier156. Il semble probable toutefois que les structures ont varié dans un laps de temps assez court, celles‑ci étant en constante évolution et constant enlisement par les rebuts et les vidanges de foyers.

185Les suites de petits appentis successifs munis d’une fosse maçonnée sont un bel exemple de cette construction évolutive. Leur existence multiple porte à croire à une indispensable utilité de ces petits espaces à la destination encore trop floue. Faut‑il y voir une utilisation de longue durée ? Si cela était, une évolution de conception de ces fosses serait peut‑être perceptible ; ce qui n’est pas constaté. Faut‑il associer ces multiples fosses à plusieurs ateliers œuvrant de concert ? Le bâtiment A, seul local reconnu pour le tournage pendant la deuxième phase, n’en est pas le reflet. Ce déplacement permanent d’une structure à utilisation sans doute inchangée et les réparations constantes qui affectent les fosses maçonnées qui leur sont associées sont sans aucun doute le signe d’un emploi très soutenu. Cette « usure » rapide est peut‑être en rapport avec l’emploi de ces fosses pour la préparation de l’argile (malaxage de l’argile « mouillée ») dans l’atelier. Le grand nombre de fosses, dont la simultanéité reste à prouver, correspond peut‑être plus à la grande capacité de production d’un seul atelier...

  • 157 (Chapelot 1972 : 211‑213). Si le four 89E est plus récent que tous les autres (ce qui reste à prouv (...)

186L’un des caractères importants est sans doute le groupement dons une surface assez restreinte de toutes les installations lors de la dernière phase. Cette utilisation maximale de la place est illustrée par les constructions successives de bâtiments autour de la cour centrale ou de nouveaux fours à proximité immédiate de celui qui vient d’être abandonné. Le potier, pour économiser l’espace mais aussi les dépenses d’énergie, a plusieurs fois réutilisé la fosse d’un four abandonné pour y construire le nouveau four, d’où une très grande densité de fosses devenues par la suite des dépotoirs qui perturbent le sous‑sol et une grande diversité d’orientations. Lorsque l’espace est saturé, l’atelier se déplace sans doute vers un espace vierge157.

  • 158 Les assez nombreux ossements animaux découverts en abandon dans les silos et les fosses attestent c (...)

187L’habitat ne semble pas avoir été découvert. Les restes du bâtiment B (fig. 18) pourraient toutefois correspondre à une telle destination. Les nombreux silos situés à quelque distance confirment, par leur rôle, l’existence des habitats dans une zone très proche des ateliers158. Beaucoup de silos ou de fosses abandonnées tardivement montrent que cet habitat, peut‑être repoussé un peu plus à l’est, a dû exister bien après l’arrêt des productions dans cet atelier. Ce décalage est au moins de l’ordre d’un siècle puisque les céramiques qui y ont été découvertes (dans les silos ou les bâtiments en abandon) sont comparables à celles produites par le four 128E. La présence de poteries à pâte rose et à profil particulier (fig. 31c et d) va également dans le sens d’un abandon très lent sans qu’il soit possible de leur assigner une datation précise (même si une monnaie frappée au début du xve s. se trouvait à l’entrée d’une fosse contenant une telle poterie).

188La découverte de tessons glaçurés dans les niveaux supérieurs de la voie d’accès confirme l’utilisation tardive (au moins fin xiiie s. début xive s.) de cet axe puisque cette voie ne semble pas avoir été l’un des chemins principaux d’accès au village situé bien plus loin au nord‑est (accès surtout à un habitat proche maintenu plusieurs siècles après l’abandon des fours).

5.4.2.2. Place de l’atelier du xiie s. dans le site de Saint‑Victor‑des‑Oules

  • 159 Se reporter au paragraphe 237.

189Le site médiéval de Saint‑Victor‑des‑Oules tel qu’il a été défini précédemment occupe une surface d’environ 10 ha à flanc de colline159. L’atelier du xiie s. semble être l’installation la plus au sud‑ouest non loin de la plaine. Sa position sur un léger replat paraît avoir favorisé l’habitat qui s’y est développé après. L’importance de cet atelier, par rapport aux autres qui doivent exister sur une grande partie du site pour des époques encore à définir, ne peut pas être précisée actuellement. Cette situation ne pourrait être réalisée qu’après l’interprétation de la prospection géophysique systématique de tout le site définissant l’implantation des structures de production. Des sondages permettraient alors d’apporter la dimension chronologique indispensable pour mieux définir ce qu’a pu être le site de Saint‑Victor‑des‑Oules au Moyen Âge.

  • 160 Depuis plusieurs années, les prospections sur les sites d’avant notre ère par A. Ratz portent leurs (...)

190Au moment d’achever cette publication, l’actualité archéologique du site et des alentours rebondit160...Au lieu‑dit Cabre‑Morte (fig. 16a), la construction récente d’une maison a fait apparaître plusieurs fours dont la datation peut être située à première vue au xiie s. Au lieu‑dit Mas‑de‑Nivard‑et‑Jasse‑Tombade (fig. 16a: parcelle 126), à proximité immédiate de l’endroit où nous situons ‑ sans preuve ‑ l’habitat d’origine, le décapage au bulldozer d’un vaste terrain a fait apparaître le banc d’argile sur une très grande surface et une zone sérieusement perturbée où semblent exister des vestiges de constructions. Les tessons ramassés en surface indiquent apparemment un mélange important. Aux tessons gris apparentés au xiiie s. (forme des becs) sont mêlés de très nombreux fragments nettement plus anciens associés à de la céramique du Bas Empire ou du Haut Moyen Âge et même du mobilier antérieur à la Conquête. Aucune trace de structure de cuisson n’apparaît en surface...

191Si les vestiges découverts jusqu’à présent étaient très limités dans l’espace et le temps sur ce vaste site, il apparaît nettement, au vu des dernières trouvailles, que le site est beaucoup plus ancien et surtout beaucoup plus étendu en surface. Dès à présent, tous les territoires des communes recouvrant le gisement d’argile doivent être associés dans la recherche à venir pour mieux définir sa très vaste activité productrice tout au long du Moyen Âge.

5.4.2.3. Place de Saint‑Victor‑des‑Oules, producteur de poteries dans le réseau régional

■ Une tradition liée au sous‑sol

  • 161 De telles traditions s’étalant sur de nombreux siècles ont été constatées par exemple en Saintonge (...)
  • 162 Cf. paragraphe 234 (Chabaud 1966. 1 : 148 et suiv.).
  • 163 Cf. note 308.

192L’origine de cet artisanat local, sans doute plus lointaine que l’époque gallo‑romaine, est liée à l’existence d’un des plus grands gisements d’argile réfractaire de la région161. Les deux autres éléments (le bois et l’eau) traditionnellement indispensables sont partout présents dans cette partie du bassin d’Uzès. L’activité des potiers, grosse dévoreuse de combustible, a sans doute vite entraîné un certain déséquilibre des forêts à proximité de leurs installations162. Ont‑ils été contraints à se déplacer en fonction du recul des zones boisées (Chapelot 1972 : 211) ? Cela ne semble pas évident...Un élément de réponse sera peut‑être apporté par l’étude systématique en cours163 des charbons de bois, traces du combustible utilisé par les potiers. La multitude des gisements archéologiques d’ateliers est plus en rapport avec des groupements différents de potiers qu’avec un déplacement perpétuel des installations, la poursuite des recherches dans toute cette région pourrait nous apporter beaucoup à ce propos.

  • 164 Faut‑il voir des réservoirs à eau dans les multiples petites fosses maçonnées (seuls éléments const (...)

193Quant à la présence de l’eau, son importance semble un peu surfaite dons toutes les études. Sur l’atelier du xiie s., si elle n’a pas été attestée par la découverte d’un puits ou d’une conduite, on devait l’utiliser en petites quantités164. La proximité du ruisseau des Combes (fig. 16a : à l’est du site) devait faciliter un transport à dos d’homme ou de mule.

■ Relations économiques

194Sa place est difficile à déterminer en l’absence quasi totale de recherches similaires sur les autres centres qui ont produit des poteries dans la région à proximité de grands pôles utilisateurs comme Alès, Avignon, Nîmes ou Montpellier.

  • 165 Après les prospections de S. Gagnière, un programme de recherches conjointes de l’URA 6 et de l’URA (...)

195L’existence à Saint‑Victor‑des‑Oules et dans les environs d’un des plus riches gisements d’argile réfractaire de la région a sans doute favorisé le renom des oules qui y étaient fabriquées. Le réseau de voies sans doute en grande partie hérité de l’occupation romaine devait permettre une distribution lointaine des produits. Un grand centre tout proche, comme Avignon, à la lumière des découvertes récentes, était inondé des productions de Saint‑Victor‑des‑Oules. Ce renom a dû être à l’origine des grandes commandes effectuées par les papes d’Avignon au xive s. (Thiriot 1985b et Gagnière). Tous les efforts de localisation de ces ateliers tardifs sont restés vains depuis plus de 20 ans165.

  • 166 Se reporter au paragraphe 236 (Dossiers Chobaut). L’enquête, commencée par H. Amouric et spécialeme (...)

196L’importance de ce centre est attestée par de nombreux textes dont les plus anciens recensés par M. Chobaut et H. Amouric sont du xive s.166.

■ Aire de distribution

197En l’absence d’étude archivistique systématique, d’étude approfondie des productions de toutes les périodes de Saint‑Victor‑des‑Oules et du recensement de tels produits dans les sites utilisateurs faisant actuellement l’objet de fouilles, il est vain de vouloir déterminer l’aire de distribution de ces ateliers et leur évolution. Si les recherches sur l’habitat médiéval sont peu développées en Languedoc, elles le sont beaucoup plus en Provence. Les produits réfractaires de l’Uzège y apparaissent nombreux dans tout le Bas‑Rhône et la côte méditerranéenne jusqu’à la frontière italienne au moins. La pénétration à l’intérieur des terres y semble plus faible. Toutefois, seule l’analyse systématique des poteries utilisées sur l’ensemble de ces sites et leur datation peut apporter des informations précises que les textes éclairent difficilement avant le xive s. (La Terre 1985 : 17).

5.4.3. Comparaison de l’atelier du xiie s. avec quelques ateliers gallo‑romains, médiévaux ou modernes

5.4.3.1. Unités de cuisson, groupement de fours

  • 167 Se reporter aux paragraphes 237 et 238.
  • 168 Orientation quelconque de fours ne se recoupant pas : exemple des fours de Bollène, Saint‑Blaise‑de (...)
  • 169 Fours de Bussy‑le‑Repos (Yonne) ayant produit des poteries communes du 1er s. (Bolnat 1934, 1935, 1 (...)
  • 170 Fours no 13, 15, 16 et 17 de Bussy‑le‑Repos (Bolnat 1935 : fig. 1). Ce plan est repris par M. Duham (...)

198Sans tenir compte du type de four, l’organisation des fours entre eux semble comparable quelle que soit la période concernée. Dans les ateliers ayant eu une activité soutenue, tous les fours, le plus souvent utilisés successivement, étaient d’un même type. Leur orientation ne semble pas avoir obéi à des lois bien définies en rapport par exemple avec la direction des vents dominants. L’exemple des fours de Saint‑Victor‑des‑Oules où l’orientation est toujours à 45o par rapport à l’axe nord‑sud est assez rare167. Le plus souvent, celle‑ci était anarchique168 ou plus précisément rayonnante lorsqu’une fosse d’accès était réutilisée pour plusieurs fours169. Ce dernier cas assez courant pose le problème de la chronologie relative des différentes structures disposées autour d’une même fosse. Certains auteurs ont considéré que de telles installations montraient une certaine organisation du travail à la chaîne. L’exemple de quatre des fours de Bussy‑le‑Repos (Yonne) est très significatif. D’après P. Duhamel, reprenant et précisant M. Bolnat170 : « L’ensemble des quatre fours fonctionnait selon les quatre phases de la cuisson (préparation et enfournement, chauffe, refroidissement, ouverture et défournement) ». Une telle organisation ne semble pas évidente même dans cet exemple particulier où l’auteur de la découverte indique lui‑même une légère différence de chronologie pour plusieurs des fours associés.

  • 171 Se reporter au paragraphe 237.
  • 172 L’étude menée sur les ateliers actuels de la banlieue du Caire où la production est très importante (...)

199Ce caractère successif a été constaté à Saint‑Victor‑des‑Oules grâce à un examen approfondi du tracé de la fosse d’accès commune aux fours 91A et 91B171. Sur le site de l’atelier du xiie s., il n’y a donc pas d’utilisation en série de fours pour obtenir, soit disant, un meilleur rendement172. Ce qui n’interdit pas une production importante de poteries à l’aide sans doute de plusieurs fours en activité au même moment à des étapes quelconques du cycle de cuisson.

5.4.3.2. Les installations

200Très peu de publications font état de découvertes en dehors des fours de potiers et des fosses dépotoirs situées à proximité. En dehors des grands ateliers gallo‑romains à sigillée où, malgré toutes les fouilles entreprises, les informations concernant l’ensemble des installations restent peu nombreuses, peu de recherches ont apporté une somme de données permettant une interprétation solide et surtout complète.

  • 173 (Duhamel 1975) d’après les recherches de A. Bourgeois à Labuissière (Bourgeois 1972) et de M. Bolna (...)

201Les quelques plans d’ensemble publiés par P. Duhamel173 montrent l’état des connaissances sur les ateliers de céramique commune gallo‑romaine. Le plan ancien de Bussy‑le‑Repos (Yonne) donne beaucoup d’indications sur l’organisation des fours et du système de drainage qui l’entoure : à la périphérie, plusieurs ensembles de trous de poteaux laissent supposer l’existence de bâtiments mais leur interprétation n’a pas été effectuée. On aurait sans doute pu obtenir beaucoup plus de renseignements à La Buissière (Pas‑de‑Calais) si la destruction du site n’avait pas été si rapide en 1971. L’implantation des très nombreux vestiges a toutefois pu être réalisée mais ici encore priorité a été donnée aux fours et « dépotoirs de four » au détriment des bâtiments qui recouvraient tout le site. Leur destruction rapide a interdit tout relevé précis sur cet atelier important où l’organisation aurait été intéressante à connaître.

  • 174 Cf. note 10.
  • 175 Cf. note 426.

202Pour le Moyen Âge seuls les travaux réalisés très rapidement à Saran (Loiret) sur une assez grande surface ont permis de localiser partiellement les installations annexes (Chapelot 1972 et 1973). Les prospections géophysiques couvrant, à l’aide d’une maille lâche de déplacement de la sonde, une surface de 21 000 m2 devraient permettre une exploitation complète de ce site. Les recherches de S. Moorhouse sur le site anglais de Lyveden offrent des éléments de comparaison très instructifs174. Grâce à une excavation largement étendue, trois périodes ont pu être définies avec évolution du bâti. Les diverses structures de production ont été reconnues et identifiées. Un certain nombre d’outils ont été retrouvés. Dans un avenir proche, le développement de telles investigations devrait permettre de très utiles confrontations faisant défaut jusqu’à présent. En fait, assez peu d’ateliers médiévaux au sens large du terme ont été dégagés à ce jour et leur comparaison avec les bâtiments découverts à Saint‑Victor‑des‑Oules est peu envisageable. Seule l’ethnographie peut rendre, pour l’instant, quelques services (Golvin 1982 ; Thiriot a). La récente enquête sur les ateliers à poterie noire d’Espagne du Nord sera pleine d’enseignements pour la technologie de fabrication. Toutefois, certains aménagements d’ateliers restés très frustes sont à comparer avec les ateliers médiévaux surtout lorsqu’ils ont servi à produire le même type de poteries175.

5.4.3.3. Pauvreté des installations

  • 176 Se reporter au paragraphe 53.

203Les installations utilisées par les potiers sont toujours très pauvres et souvent rudimentaires. C’est ce qui explique leur mauvaise conservation contrastant avec les vestiges des fours beaucoup mieux construits et plus ancrés dans le sol et donc mieux préservés des labours même profonds. La comparaison, déjà évoquée pour le type de four de Bollène, Saint‑Blaise‑de‑Bauzon176, des installations avec l’atelier de Lannilis encore en activité au début du xxe s., peut nous faire mieux entrevoir cet aspect (Lailler 1946 : fig. 49.8.36 et 49.8.1). Le cas est peut‑être extrême vu les dimensions de cette entreprise et le caractère archaïque des productions. Cet artisanat en voie d’extinction était très rudimentaire. Longeant la route, le bâtiment de trois pièces servait à la fois de local artisanal, d’entrepôt et d’habitat. Dans l’atelier, toutes les étapes de la transformation de l’argile étaient représentées : tas de terre non préparée, fosse à terre et à proximité tas d’argile prête à l’emploi, combustible pour la préparation des oxydes dans la cheminée et, près de la fenêtre et de la porte, le poste de travail du potier (en 1946, l’activité restreinte du potier était limitée à la fabrication des tuiles). La façade sud du bâtiment s’ouvre sur un espace assez grand entouré de talus. Le four s’y abrite et reçoit la protection supplémentaire d’une haie de fusains contre le vent d’ouest. Un petit jardin occupe une partie du terrain. L’argile était puisée directement dans des trous pratiqués dans la lande communale proche. Le combustible utilisé était vendu par la municipalité (ajoncs). Le travail était réalisé par tous les membres de la famille du potier avec un certain partage des tâches. Cette vie dure pour certains est également décrite pour l’Antiquité à Lezoux (Vertet 1975).

  • 177 Les potiers de Saint‑Quentin‑la‑Poterie cultivaient la terre pendant une partie de l’année. Cf. Reg (...)

204Les conditions de vie des potiers de Saint‑Victor‑des‑Oules sont bien difficiles à définir. Faut‑il transposer avec certaines nuances, pour le Moyen Âge, les indications recueillies dans les textes pour les périodes récentes177? Ce n’est pas la fouille réalisée juqu’à présent qui permet de saisir le potier lui‑même dans son élément. Seule la fouille de l’habitat et des nécropoles ou inhumations pourra nous apporter quelques précisions.

5.4.4. Importance relative des ateliers découverts en Uzège et dans le Bas‑Rhône

  • 178 Cette estimation de l’économie étroitement liée à la poterie donnerait une idée des besoins des pop (...)

205Les prospections limitées ou les découvertes fortuites réalisées en Uzège et dans le Bas‑Rhône ont permis de localiser quelques ateliers de différentes périodes. Unerecherche systématique des lieux de fabrication sans distinction d’importance ou de durée de la production rendrait possible l’étude du marché de la céramique178.

  • 179 Les études dans ce sens sur les ateliers gallo‑romains, qui bénéficient des recherches maintenant a (...)

206Cette étude n’en est qu’à ses débuts et suggère quelques grandes orientations concernant les centres producteurs et leur importance relative compte tenu de certains critères encore flous actuellement179.

5.4.4.1. Critères possibles

207La surface des installations ne semble pas à priori importante compte tenu des possibles déplacements dons le temps de petits ateliers. L’ampleur des bâtiments artisanaux, la qualité de leur construction et leur organisation peuvent avoir ici de l’importance mais les recherches ne sont pas assez développées sur chaque site pour toutes périodes pour en faire un critère majeur et utilisable. La grandeur et la qualité des fours par rapport aux fours utilisés pendant une même période peuvent être utiles à l’essai de classement envisagé. L’aire de commercialisation des poteries semble être le seul critère valable. Sa définition reste cependant bien difficile à estimer. La qualité des produits n’est sans doute pas un critère d’importance de l’atelier mais d’un acquis des artisans eux‑mêmes. Ceux‑ci peuvent travailler dans des centres plus ou moins importants. C’est le cas, par exemple, des productions de Bollène, Saint‑Blaise‑de‑Bauzon, qui semble avoir eu une vocation uniquement locale, où les poteries sont d’une grande qualité et même d’une certaine esthétique (fig. 28b. Thiriot d) dépassant celle des ateliers de Saint‑Victor‑des‑Oules (fig. 30 et 31). Toutefois, il semble que les petits ateliers aient plus de rapports que les grands avec les habitants du lieu fabriquant des poteries grossières pour une partie de leur usage personnel et les faisant cuire dans le four du potier (cas de Saint‑Gilles‑du‑Gard : fig. 29).

208Une distinction peut être faite à priori entre les petits ateliers à vocation locale et les grands centres fournissant les marchés lointains (Favory 1974 : 100 et Lutz 1970 : 305). Pour la période la plus représentée dans cette étude (xiie xiiie s.), l’implantation, aussi bien des ateliers à vocation locale que régionale, est essentiellement rurale à cause de la présence des gisements utilisés (argile réfractaire). Le même faciès peut être appliqué sans trop d’aménagements pour les périodes médiévales antérieures avec quelques réserves pour le passage Basse Antiquité/Haut Moyen Âge qui voit l’abandon d’un certain type de vaisselle n’allant pas au feu. Après le xiiie s., l’économie se développant et se diversifiant, cette image rudimentaire de l’implantation des ateliers, de quelque importance qu’ils soient, se complique beaucoup plus qu’on ne le pense habituellement. Si les petits ateliers peuvent se trouver en difficulté au profit de ceux ayant vocation inter‑régionale, il n’est pas certain que ceux‑ci restent uniquement ruraux. Se sont‑ils rapprochés des lieux de commercialisation les plus importants ? D’autres ateliers apparaissent, fabriquant une nouvelle gamme de produits liés à la table (service et décor) qui sont peut‑être encore plus difficilement localisables. Si les textes peuvent pour ces périodes récentes pallier le manque de découvertes, notre connaissance de l’activité de la terre cuite au Bas Moyen Âge reste très rudimentaire (Amouric) même si les produits eux‑mêmes sont bien définis. Les critères possibles d’évaluation du potentiel artisanal restent donc très flous pour l’instant.

5.4.4.2. Les petits ateliers locaux

  • 180 Le transport d’argiles de meilleure qualité de gisements proches pouvait exister.

209Ils produisaient en fonction des besoins locaux et à la demande. Sans doute d’importance modeste, ils pouvaient fonctionner pendant une partie de l’année avec assez peu de personnel. Les productions pouvaient être de qualité très variable suivant les qualifications de l’artisan et sa formation. Les matières premières utilisées étaient fonction des gisements locaux d’argile ou de marne plus ou moins propices180. Les besoins en eau : et en combustible devaient être réduits et ne pas poser les mêmes problèmes que dans les grands ateliers surtout si l’activité y était saisonnière. Moyennant peut‑être quelques piécettes ou des avantages en nature, les artisans de tels ateliers cuisaient en même temps que leur production les poteries modelées ou grossièrement tournées apportées par les habitants du lieu. La qualité très différente de ces produits rudimentaires ne devait pas offrir de concurrence sérieuse au potier. La présence de telles poteries à côté des céramiques plus fines a été remarquée dans le matériel issu des fouilles de Saint‑Gilles‑du‑Gard.

  • 181 Les observations sont actuellement trop rares pour définir de façon certaine les caractéristiques d (...)

210Les installations devaient y être assez rudimentaires. Les fours utilisés étaient sans doute plus modestes et réalisés avec les matériaux disponibles181.

211Ces petits ateliers sont sans aucun doute, et de loin, les plus nombreux. Leur localisation posera toutefois de gros problèmes compte tenu de leur installation à proximité de filons d’argiles très peu étendus (n’étant pas mentionnés, parfois, sur les cartes géologiques) ou de nappes marneuses.

5.4.4.3. Les grands ateliers

212Leur vocation était avant tout l’approvisionnement des marchés lointains, la fourniture des poteries sur le plan local devait s’effectuer d’elle‑même sans grande concurrence. Le maintien de l’activité était sans doute lié au succès des produits dans les grands centres utilisateurs qu’étaient les villes plus ou moins proches. La renommée était vitale pour ces centres où devaient travailler de nombreuses personnes peut‑être réparties en plusieurs ateliers. Aucune indication de terrain ne permet d’argumenter ces hypothèses.

  • 182 Exemple de ventes de creusets à Limoges ou Mâcon au xive s. (cf. note 437) ou plus récemment des pr (...)
  • 183 Une telle renommée pourrait bien être à l’origine au xive s. des commandes de carreaux du pavement (...)

213La concentration des moyens de production surtout à l’emplacement des gisements d’argile de grande qualité rendait possible une production en masse de poteries robustes et bien faites et surtout bien cuites grâce à des fours de grande capacité et de qualité technique éprouvée. La renommée de tels produits faisait la force économique de ces centres182. Elle favorisait également de tels ateliers et leur avenir183. Pour ces grands centres, la tradition remonte sans doute assez loin dans le temps en liaison avec les gisements d’argile de qualité exceptionnelle et surtout la position géographique par rapport aux voies de communication et aux débouchés offerts par les grands centres utilisateurs proches.

214La qualité des poteries produites dans ces ateliers était sans doute « supérieure » mais ne dépassait pas forcément celle des productions de petits artisans locaux ; ceux‑ci ne pouvant prétendre, à cause du volume forcément restreint de leur production, concurrencer les grands ateliers.

215Les grands centres devaient regrouper plusieurs ateliers nécessaires pour subvenir à la demande et donc pas forcément concurrents. Quelle était l’organisation sociale de telles unités de productions ? À ce sujet, l’apport des textes n’est pas évident pour les périodes antérieures au xive s. (Amouric et La Terre 1985).

  • 184 Se reporter au paragraphe 5431 et à la note 441.

216Les recherches entreprises actuellement ne sont pas assez développées pour répondre à une telle question. Y avait‑il une certaine spécialisation dans le travail, une organisation de type pré‑industriel telle que certains auteurs l’ont prétendu pour la période gallo‑romaine184? Les quelques observations réalisées à Saint‑Victor‑des‑Oules ne semblent pas abonder dans ce sens.

5.4.4.4. Permanence, discontinuité et abandon

217Là encore, peu d’indications précises issues des fouilles apportent une réponse plausible au problème de la permanence ou de la discontinuité de l’activité potière dans un lieu précis. À priori, il semble que dans les grands centres, l’activité ait été continue sur de longues périodes par opposition aux petits ateliers locaux plus sujets aux fluctuations des besoins locaux et ne pouvant faire face à la concurrence des premiers.

218L’abandon, l’échec d’une entreprise, grande ou petite, pourrait avoir des rapports étroits avec la concurrence d’un atelier employant des techniques nouvelles ou produisant des poteries d’un goût nouveau plus en accord avec la mode ou les besoins (surtout après l’apparition de la glaçure). La révolution technique de l’utilisation de la couverture vitrifiée des céramiques a sans doute été à l’origine de la chute de nombreux ateliers produisant des poteries grises. L’activité de ces derniers a sans doute continué assez longtemps avec une certaine spécialisation des formes tout en subissant la concurrence des nouveaux produits (sans doute chers au départ) dont le coût devenait plus compétitif.

5.5. Conclusions

219Les recherches sur les fours ont permis, grâce à une très abondante documentation et à l’observation d’un nombre suffisant de structures de définir quelques grands types de fours utilisés ou Moyen Âge en Uzège et dans le Bas‑Rhône. Peu de sites ont été explorés (tous les sites connus n’ont pas été étudiés) et, de ce fait, d’autres types d’installations peuvent avoir été utilisés dans cette région. L’évolution de ces structures assez faiblement définies à partir d’une documentation ne recouvrant pas tout le Moyen Âge reste à préciser grâce à de nouvelles recherches concernant les périodes intermédiaires mais aussi d’autres sites.

220Les recherches encore trop restreintes sur les ateliers proprement dits ne permettent qu’une série d’hypothèses ou de questions. Aucune affirmation ne peut être fondée sur des observations suffisantes. Cet essai d’interprétation des découvertes en Uzège et dans le Bas‑Rhône est donc une étape. Un certain nombre d’études sont à développer afin d’infirmer ou de confirmer les hypothèses et surtout d’apporter les indispensables éléments de comparaison à une étude qui reste encore trop limitée et unique pour la région.

221Le recensement le plus exhaustif possible des ateliers de potiers dans cette région semble indispensable pour une meilleure connaissance des moyens de production mais aussi et surtout pour y définir une économie de la céramique au Moyen Âge que les études archivistiques permettront de compléter largement.

Anmerkungen

1 L’archéologie expérimentale a maintenant assez fait ses preuves pour qu’une expérience de ce type puisse être entreprise en France sur les problèmes spécifiques à la production des poteries médiévales (grises et autres). Citons ici en exemple l’expérience anglaise (Mayes 1961).

2 Dans cet exposé volontairement très général des techniques et des différents modes de cuisson, seules les grandes lignes sont examinées afin d’introduire l’étude des fours découverts. Dans ce sens, la composition des argiles est moins importante que, par exemple, l’atmosphère que l’on fait régner dans le four pendant les différentes étapes de la cuisson.

3 Cf. paragraphe 4211 (Thellier 1966, 1971 et 1981).

4 (Picon 1973). La distinction y est bien faite entre les grandes phases de cuisson. Sa terminologie est adoptée ici.

5 (Picon 1973). On peut toutefois admettre l’existence de combinaisons plus complexes qui, jusqu’ici, ont été fort peu étudiées. On déplore comme M. Picon le manque d’études approfondies à ce sujet.

6 Dix fours ont été dégagés à Saint‑Victor‑des‑Oules entre 1973 et 1979 dont sept en surface et trois en demi‑volume.

7 En allant de l’est à l’ouest : Cabosse (région de Brignoles ‑Var) fouille inédite de M. Bérard ; Goult (Vaucluse), deux fours : fouille inédite ; Bollène, Jonqueirolle (Vaucluse): (Thiriot c) ; Masmolène (près Uzès, Gard) : fouille inédite de M. Durando (renseignements M. Duret). Belcastel et Buc (près Limoux, Audel (Soulères 1973) ; Santa Creus d’Ollers (près Lérida, Espagne) four de les Ribes, fouille M. Riu (Riu 1972) ; Berga (près de Barcelone, Espagne) four de Casampons, fouille de M. Riu (Riu 1978 et Padilla 1984).

8 Pierres de récupération, argile locale. Dans le cas du four de Saint‑Gilles‑du‑Gard : récupération de tuiles rondes.

9 Cf. paragraphe 2371.

10 Sous cette dénomination sont regroupés les fours mentionnés sur le tableau XXVI, autres que les fours de Saint‑Victor‑des‑Oules.

11 L’action du feu sur cette paroi d’origine a entraîné le détachement progressif des parties en contact direct avec la flamme.

12 Se reporter à l’essai de synthèse atelier, paragraphe 54, concernant les quelques ateliers gallo‑romains examinés ici, l’atelier de Saran ou plus éloignés, les ateliers de Meskeneh.

13 Cf. monographie du four 91A : paragraphe 2371. Fig. 21 a et 21 b.

14 Cas du four de Bollène, Jonqueirolle (Thiriot c). Fig. 6 b et c.

15 Seul le cas des fours de Saint‑Victor‑des‑Oules est évoqué ici. Les autres fours, sauf peut‑être ceux de Goult, ne présentent pas ce caractère « feuilleté » de la sole.

16 Sur les trois fours dégagés en demi‑volume, les fours 91A et 91B présentent encore leur sole initiale. Pour le four 128E, la sole d’origine a disparu.

17 Cf. paragraphe 2371. Fig. 21 a et b.

18 Une problématique a été mise en place à l’aide de cette étude. Les recherches à ce sujet doivent être poursuivies. C’est le but du projet d’étude du four 128E : reprise de la fouille pour essayer de sauver la partie de la stratigraphie encore en place après une destruction clandestine ; destruction systématique et méthodique de la structure par sections horizontales et verticales pour définir de la manière la plus précise possible les techniques de construction et de réparation de ce four à durée exceptionnelle.

19 L’exposé s’appuie sur les observations faites à Saint‑Victor‑des‑Oules. Ce raisonnement peut être appliqué aux autres fours.

20 Cf. paragraphe précédent 5.2.1.4, fig. 23 a.

21 Au moment de la découverte, une autre hypothèse avait été formulée qui ne semble pas valable. Ces éléments à courbures convexes avaient été rapprochés de la structure d’une porte dans le cas d’un voûtement permanent. L’absence de porte sur les dix fours dégagés à Saint‑Victor‑des‑Oules, vient appuyer le rejet de cette hypothèse.

22 Ce type de murette est représenté sur plusieurs types de fours (Corder 1957).

23 Des fours traditionnels en Afrique Noire présentent ce caractère (Rhodes 1976 : 21, fig : 9) : four de Sakoto du Nigéria du Nord.

24 Fig. 36 e. Voûtement envisagé par (Corder 1957 : 15, fig. 4).

25 Le voûtement permanent étant totalement exclu du fait du manque total de fondations suffisantes.

26 Dans ce cas, la couverture serait réalisée à l’aide de gros tessons posés sur le haut de la charge et recouverts d’argile.

27 Cf. paragraphe 5223.

28 Cf. paragraphe 523.

29 Le cas du four 128E est exceptionnel du fait des nombreuses réparations de sole qu’il a subies. La murette devait alors être remontée à l’occasion de toute nouvelle constitution de sole. Cf. paragraphe 5.2.3.

30 (Rhodes 1976 : fig. 9) : charge dans un four à Sokoto, Nigéria du Nord : les poteries sont empilées en tous sens et forment un tas arrondi au‑dessus de la murette cylindrique.

31 Le sable fin pouvait par simple gravitation tomber dans les fissures pour les obturer. Une couche de terre qui devait recouvrir toute la voûte a été trouvée dans la fouille du four 187D de Bollène, cf. paragraphe 5.3.

32 Se reporter au paragraphe 51. Cet exposé théorique ne pourra être précisé que par l’expérimentation pour définir les durées des différentes phases, la nature du combustible, la quantité de bois et le rythme d’enfournement aux différentes phases, et l’aspect des poteries tout au long de la cuisson (s.l.). La terminologie mise au point par M. Picon est utilisée pour cet exposé (Picon 1973).

33 Se reporter à l’étude du matériel, paragraphe 3.2.

34 Les poteries acquéraient une étanchéité plus efficace à l’usage par obturation des pores grâce aux matières grasses et à la crasse.

35 (Fabre 1929‑1934 : 147‑1551. Cette étude d’un artisanat du xixe s. décrit entre autres une cuisson réductrice de manière assez précise. L’atmosphère qui règne autour du four montre l’importance de la réussite de cette phase de la cuisson. « À ce moment, le potier jugeait la cuisson suffisante. Il se produisait alors autour du feu une animation extraordinaire ; les voisins étaient requis, car on allait boucher le four et il fallait faire très vite. Trente ou quarante fagots de genêts, de genévriers verts, étaient en quelques secondes entassés dans le foyer. Une pierre plate, spécialement taillée pour cela, était appliquée sur l’ouverture inférieure du four. De la boue, des pierres servaient à maçonner et à boucher toutes les issues. Il fallait surtout, et avant tout, éviter que des courants d’air s’établissent dans le four. Pendant 24 heures, une garde de plusieurs hommes surveillait très attentivement, et toutes les fissures par où la fumée menaçait de s’échapper étaient de suite obturées. Si, par malheur, un courant d’air s’établissait dans le four, la poterie ne noircissait pas et quoique bien cuite elle était sans valeur [...]. Les pièces bien cuites avaient la couleur et la sonorité de la fonte. Les pièces moins cuites, celles des angles et de l’arrière du four n’avaient pas la sonorité mais étaient plus noires ».

36 (Soulères 1973). Pour les fours de Cabosse et de Masmolène, il est difficile de se prononcer sur l’existence d’un alandier en avant de la chambre de chauffe.

37 Les analyses anciennes du Centre technique du bois sont reprises de manière systématique et fondamentale par A. Durand dans sa thèse d’Histoire (Paris I) en collaboration avec le Laboratoire de paléobotanique de Montpellier : « Paysages, terroirs et peuplement dans le Languedoc oriental, fin ixe‑fin xiiie s. » (travail en cours).

38 Seuls les fours de Saint‑Victor‑des‑Oules sont étudiés dans ce sens. La faible épaisseur des cendres conservées dans les fours de moindre importance rend ce type d’études impossible.

39 Cette approche ne peut, dans l’état actuel des recherches, que suggérer quelques explications aux phénomènes mis en évidence en cours de fouille. Des conclusions définitives, ou se voulant telles, ne pourront être avancées qu’après de multiples essais dans un four reconstitué. À ce stade de la recherche, il devient en effet indispensable d’avoir recours à l’archéologie expérimentale.

40 L’étude précise d’une telle stratigraphie ne peut se concevoir qu’à condition d’avoir réalisé une fouille très fine des différentes couches rencontrées en les repérant très exactement sur une coupe stratigraphique dont on doit effectuer un relevé très précis. De plus, la qualité (couleur, texture, dureté...) devra être notée avec le plus de détails possibles sur le cahier de fouille. Ce ne sont qu’une fouille et un archivage de ce type qui pourront apporter, après coup, des indications précieuses pour l’interprétation des vestiges de fours dégagés et surtout de leur utilisation.

41 Fig. 20 b : couches numérotées 7. Cette numérotation globale permet de simplifier le dessin des coupes publiées. La numérotation continue a été effectuée et archivée pendant la fouille de manière plus précise distinguant plus de vingt groupes de couches. En fait, le caractère assez fortement remanié des couches du fond sur environ vingt à trente centimètres de hauteur porte leur nombre réel à plus de cinquante.

42 Seule la surface de ces couches grises paraît maçonnée et a la consistance du mortier. Les parties inférieures de ces couches sont pulvérulentes et souples. Ce phénomène reste jusqu’à présent sans explication. À moins que la combustion de certaines essences de bois produise, entre les cendres, des résidus sadiques dont l’effet serait de durcir, comme pierre, l’ensemble en refroidissant (Amouric 1985 : 160) : à voir...

43 Certains éléments découverts dans l’aire d’accès au foyer peuvent dans certains cas permettre de définir de façon précise le moment d’écroulement de la sole par rapport au cycle de cuisson en cours (éléments, en place ou non, de fermeture de la porte).

44 Cf. paragraphe 2371 et fig. 20 b. Ces couches montrent une surface supérieure convexe en forme de tas attestant leur origine extérieure au four.

45 En théorie, il semble possible, à partir de la typologie statistique des tessons contenus dans ces couches de cendres, de rattacher une couche de dépotoir de potier à une séquence de couches dans le foyer d’un four.

46 Si cette période coïncide avec des pluies, les structures sont assez vite inondées et s’ensablent. Nous avons pu constater ce phénomène lors des arrêts de fouille pendant l’hiver. Ce type de couche sableuse a été relevé dans la stratigraphie de la fosse d’accès au four 89A.

47 La partie inférieure de la stratigraphie reste assez floue à cause sans doute des nombreux remaniements. Il est donc bien difficile d’y opérer un tel comptage.

48 Fig. 22 a : numéro de cuisson suivi d’un N majuscule,

49 Fig. 22 a : numéro de cuisson suivi d’un n minuscule.

50 Ce calcul n’est que pure hypothèse mais peut sans doute apporter ici une notion de limite au nombre de chauffes réalisées dans ce four toujours sans tenir compte des possibles nettoyages complets du foyer.

51 Ce calcul est utilisé pour estimer le nombre de poteries pouvant être empilées dans le four : c’est plus un ordre de grandeur qui est requis ici compte tenu du vide qui subsistait dans la salle de cuisson après empilage.

52 Durée de la cuisson — temps écoulé entre la mise à feu et la fin du détournement ; cycle de cuisson — période de début de cuisson à début de la cuisson.

53 Archives communales de Saint‑Quentin‑la‑Poterie, non classées. Registre incomplet : il manque les premières pages dont l’article no 1 et les pages suivant l’article no 27. Cette polyvalence est également relevée au xixe s. (La Terre 1985 : 20).

54 Se reporter à l’étude de la fabrication des poteries paragraphe 32 (La Terre 1985: 31).

55 Ce dernier point est difficile à affirmer dans le cas précis de Saint‑Victor‑des‑Oules. On peut toutefois penser que l’activité potière entraînait l’emploi de tous les bras capables de la famille. Se reporter à l’essai de synthèse atelier, paragraphe 54.

56 C’est‑à‑dire avec toute l’imprécision qui l’entache : sans tenir compte des éventuels vidages complets du foyer et à partir d’un remplissage maximal du foyer par les cendres tel qu’il a été découvert dans le four SVO 91 A.

57 La datation relative des différentes phases de l’utilisation du four et la datation absolue de sa dernière cuisson (par archéomagnétisme | permettent également la mise ou point d’une typologie chronologique du matériel produit dans l’atelier.

58 Cf. note 310.

59 Cf. monographie des fours 91A, 91B, 128E de Saint‑Victor‑des‑Oules.

60 Se reporter à l’étude de la structure au paragraphe 2375.

61 Le diamètre de la zone détruite varie entre 1 et 1,40 m sur les fours dégagés à Saint‑Victor‑des‑Oules.

62 L’épaisseur au centre de la sole d’origine, peut être estimée à 15/20 cm en se basant sur le profil relevé (fig. 20 b et 21 a). L’épaisseur un peu inférieure des couches dites de « réparation » montre que le centre de la voûte initiale ou réparée était fragile à l’action du feu. Après fissuration, la zone centrale devait facilement s’écrouler sur un diamètre d’environ 50 cm.

63 Fouilles inédites de M. Brun. Datation : milieu du XI le s.

64 Découverte inédite de M. Durando. Renseignements M. Duret. Sans doute même datation que le four de Bollène, Jonqueirolle par comparaison des poteries.

65 Découverte inédite de M.  Bérard. Datation par archéomagnétisme, du xiie s.

66 (Riu 1978 : 387‑388, fig. 2 à 5) : datation xiiie s,

67 (Riu 1971 : fig. 1 et 2) datation xxie s.

68 Pour des précisions sur la position des pierres (Soulères 1973 : fig. 1 et 2).

69 (Langouët 1978 : pl. I) datation milieu xe s.

70 (Chapelot 1972, 1973 : fig. 18 et 19) datation au ixe s. ; (Potiers de Saintonge 1975 : no 55) datation xxe s. ; (Angelo 1972 : fig. 1 à 7).

71 (Potiers de Saintonge 1975 : no 19, 20 et 56 ; Renimel, 1978 b : fig. 35) datation xiixive s. Des fours abbassides de ce type ont également été découverts à Meskeneh (Syrie) (Publication en préparation).

72 (Davison 1967 : fig. 54) datation début xie s.

73 Cf. paragraphe 22 (Thiriot 1975 a). Dans la suite afin d’alléger le texte, seule la dénomination de chaque four est utilisée sans préciser à quel site il appartient. Dans l’état actuel de nos découvertes, le nom du site découle obligatoirement du numéro du four.

74 En particulier les fours de Brunssum (même époque) et de Dümmer (Bruijn, Renaud, Engel).

75 Voir plus haut la description du mode B de cuisson (s.l.).

76 Les raisons qui ont commandé le choix de ce type de four plutôt qu’un autre ne sont pas évoquées ici. Voir à ce sujet l’essai d’interprétation relatif aux ateliers.

77 Les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard ont subi de graves dommages à cet endroit faisant disparaître totalement les accès et même toute la partie avant de la structure pour le four 995B.

78 Cette question de l’orientation semble surtout avoir préoccupé les théoriciens du siècle passé et leurs successeurs. Les découvertes faites un peu partout pour des périodes diverses montrent bien une grande variation. Se reporter à l’essai de synthèse sur les ateliers.

79 Ces découvertes sont à comparer à quelques exemples d’ateliers surtout gallo‑romains. Cf. essai de synthèse sur les ateliers.

80 Les différents types de voûtement sont envisagés plus loin.

81 Sauf peut‑être pour le four 995D où le point le plus bas est atteint à la hauteur de la porte du foyer. Ce cas ne peut toutefois être retenu sérieusement étant donné que les terrassements ont détruit considérablement cette partie du four (fig. 13 b).

82 Fig. 12 a. Ici la marche a été réalisée à l’aide de maçonnerie en cours d’utilisation du four (fig. 9 b).

83 Les roches suivantes ont été déterminées par S. Gagnière : galets de calcaire infra‑crétacé roulés dans les eaux du Lez, grès quartzeux du Crétacé Supérieur (Coniacien), calcaire gréseux jaune en plaquettes (Coniacien), molasse très grossière à nombreux organismes probablement burdigalienne, provenant de la région proche de Rochegude.

84 Se reporter à l’étude du fonctionnement de ce type de four.

85 Seul le four 995D conservé en entier peut être étudié à ce sujet (fig. 13 a).

86 Pour Saint‑Gilles, on peut également envisager un arc en plein cintre comme mode de couverture de la porte du foyer. Malheureusement aucun élément même infime ne permet la redéfinition complète de cette partie du four.

87 Cette remarque est valable également pour les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard. Se reporter au paragraphe 534.

88 Leur état dégradé n’empêche aucunement une observation de ce type.

89 Fig. 12 e et f : différents essais de reconstitution possible des parties hautes. Pour Saint‑Blaise‑de‑Bauzon où deux restitutions sont possibles, les parties conservées (four 187D) sont équivalentes à la moitié inférieure (fig. 9 b). Pour Saint‑Gilles‑du‑Gard (four 995D), les parties conservées sont moins conséquentes surtout en ce qui concerne la zone du foyer (fig. 13 a). L’hypothèse de non voûtement des parties arrière n’a pas donné lieu à une restitution.

90 La restitution que M. Bruijn donne aux fours qu’il a découverts à Brunssum est fort comparable aux structures décrites ici (cf. paragraphe 534).

91 Voir note 354.

92 Fig. 10 b. La stratigraphie des couches de cendres dans le foyer montre leur irrégularité et parfois leur disparition (nettoyage partiel).

93 Fig. 11 b et 11 f. Les tessons étaient employés comme dégraissants très grossiers. Les différences de dilatation (et de matière) à la cuisson font que l’argile, ayant un fort coefficient de retrait, se contracte plus fortement que les tessons déjà cuits occasionnant des failles dans tout ce revêtement. Si on a voulu étancher un peu plus la paroi, on n’y est pas parvenu sérieusement par ce procédé. Il aurait fallu broyer les tessons à l’état de chamotte. Celle‑ci portant plus d’eau aurait compensé une partie du retrait de l’argile et mieux colmaté les failles. Mais ce chemisage n’a pas uniquement pour but l’étanchéité des parois, il permet également la protection de celles‑ci contre la chaleur : ce but est pleinement atteint avec le procédé utilisé ici.

94 Nous pouvons imaginer de tels artifices pour assurer la stabilité de la charge, même si la fouille de ces fours n’en a pas révélé. Quelques exemples de ces morceaux d’argile ont été découverts à Saint‑Victor‑des‑Oules.

95 Voir l’essai de synthèse sur les ateliers.

96 La pratique de la cuisson de pièces nécessitant plus de chaleur parce que de plus grande taille dans la zone du foyer, a été observée chez les potiers travaillant actuellement dans la banlieue du Caire à Fustat (Golvin 1982).

97 Si une fissure se produit dans la voûte en cours de chauffe, le sable peut assurer l’étanchéité par simple gravitation. L’existence d’une couche de terre naturelle est fort probable car elle a été reconnue pendant la fouille du four 187D dans le remplissage supérieur à l’intérieur du four et surtout dans une couche bien définie (fig. 10 b: couche 2 b) au‑dessus de l’entrée.

98 Nous ne pouvons que regretter le manque total d’information précise sur les fours de Saint‑Gilles‑du‑Gard. Les quelques indications fournies par les fouilles de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon sont malheureusement trop fragmentaires pour examiner ce problème dans les détails. On se reportera aux fours de Saint‑Victor‑des‑Oules pour lesquels il reste encore bien des incertitudes qui ne pourront être levées que par l’expérimentation.

99 Le processus de la cuisson réductrice étant toujours à peu près le même, on se reportera à son étude détaillée pour les fours de Saint‑Victor‑des‑Oules : paragraphe 5222.

100 L’analyse des charbons de bois définira les essences employées pendant la cuisson (s.l.) des poteries, tout en fixant le paysage végétal qui était le cadre de vie des potiers médiévaux de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon. Il est également possible de saisir ce paysage par l’examen des végétaux ayant laissé leur empreinte sur les poteries.

101 Pour des petits centres de production sans doute locale, comme ceux de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon et Saint‑Gilles‑du‑Gard, il est fort probable que le potier ait effectué lui‑même tous les travaux, y compris la construction du four et la cuisson des poteries. Il a pu être secondé dans son travail par un aide, mais n’a certainement pas eu recours à un spécialiste pour diriger la chauffe.

102 Pendant cette phase de cuisson (s.s.), le feu est très fort et réduit totalement le combustible en cendres grises.

103 Pendant cette phase de post‑cuisson, le combustible enfourné ne peut se consumer entièrement, par manque d’air : il y a donc production de charbon de bois dans le foyer.

104 La porte du foyer a été découverte obturée par un empilement de pierres noyées dans une couche de cendres (fig. 11 e) (Thiriot 1975 a : fig. 15).

105 Se reporter à l’étude de la stratigraphie de ce four dans la monographie de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon. On y a mentionné d’autres indices confirmant cette attitude possible du potier (Thiriot d).

106 Pour ce type de four, on peut se reporter aux thèses récentes de P. Duhamel pour la période gallo‑romaine et J. Chapelot pour le Moyen Âge. Une bibliographie importante pourra y être consultée. Cette conception a eu une grande importance puisque des fours dérivés étaient encore employés récemment dans la région de Lezoux (Fabre 1929). Se reporter également au paragraphe 534.

107 Se reporter aux notes 373 et 374 et aux paragraphes 5.2.2.2 et 5.2.2.3. Cette hypothèse devra être vérifiée expérimentalement.

108 Cf. note 313.

109 Les couches 4, 5 et 17 n’existant qu’à l’intérieur du four n’ont pas été incluses dans ce tableau. Le tableau résume l’essai d’interprétation qui a été tenté sur le four 187D, Certaines successions de couches n’ont pas été résolues et n’apparaissent pas dans cet exposé. Fig. 10 b et 12 a.

110 Cf. calcul pour le four SVO 91A : paragraphe 5223.

111 Pour aller plus avant dans ces raisonnements, il faudrait en effet multiplier les découvertes de ce type de four et en assurer la fouille très minutieuse. L’observation précise de la succession des couches de cendres est en effet capitale dans cette étude. Il faut bien constater que cette étude en cours de fouille est rarement réalisée à la perfection.

112 Se reporter essentiellement aux monographies des fours 187B et D de Saint‑Blaise‑de‑Bauzon pour la description et l’illustration.

113 Fig. 7 a : opérations numérotées 5 et 6 au nord et au sud. On y constate une coupure correspondant à l’extrémité de la sole numérotée 4. De plus, au sud, 5 est fait et cuit avant que 6 ne soit réalisé. Ces opérations semblent liées au moins à un nouveau voûtement sur le foyer (paragraphe 2233).

114 (Lobbedey 1968 : 167 et 168). La bibliographie concernant les différents sites est indiquée. Voir en particulier le dessin du four de Wildenrath : Taffel 1 b.

115 (Lauwerijs 1967 : 13, fig. 1). Fig. 36 f à h : croquis des fours I et IV.

116 (Borremans 1966). Se reporter plus porticulièrement au four A 4 et à la figure 2, p. 12. Fig. 37 a.

117 (Bruijn 1965 : 175, fig. 3). Comparaison entre le type romain et les fours de Nieuwenhagen, Brunssum et Schinveld.

118 Plusieurs publications ont été réalisées à ce propos (Renaud 1955) : se reporter en particulier aux figures 2, 3 et 5 (p. 107, 108 et 111) présentant l’évolution d’un four en plan et en coupe axiale : ici fig. 36 a, b et c (Bruijn 1959 : 182, fig. 41) ici fig. 36 d.

119 (Bruijn I960). Nous devons remercier ici M. J. Peeters pour la traduction de ces articles en néerlandais.

120 Cf. Potiers de Lannills 1946. Le dossier no 18 10/52 est conservé aux Archives du Musée des Arts et Traditions Populaires qui a aimablement autorisé la publication des fig. 36 b.

121 (Boüard 1967 : fig. 1 et 2). Datation : milieu du xiiie s.

122 (Salch 1971 : fig. I et II). Datation xive xve s.

123 (Fixot 1971 : fig. 3, 6, et 18). Datation fin xviiie ‑début xixe s.

124 Se reporter ou paragraphe 5311.

125 Se reporter à l’examen du voûtement de ces fours essentiellement le four de Brunssum.

126 (Lauwerijs 1967 : fig. 1). Four I : fig. 36 f à h.

127 (Lobbedey 1968), Son étude succinte des différentes formes de fours indique bien, pour ce type de four, que la construction intérieure (pilier) peut également servir de support à la voûte du four (cf. note 385).

128 Cf. note 391 : plus particulièrement p. 22. Fig. 37 b.

129 (Bruijn 1959 : note 621. Fig. 36 d.

130 Se reporter plus loin au paragraphe 5343 (Renaud 1955 : fig. 3 et 5). Fig. 36 b et c.

131 (Lisse 1955 : 238, fig. 8). Transformation du four à flamme directe en four à flamme renversée avec cheminée permettant l’accélération du tirage.

132 Cf. note 391.

133 Cf. L. Franchet, Carnet de Notes, MS ATF 44 656, p. 133‑ 134, ou La Céramique primitive. Paris, 1911.

134 Cf. enquête de Lannilis : fig. 40, 30, 223 à 226 : 4 pots à profil de tulipe plus ou moins ouverte, percés au fond et s’emboîtant les uns dans les autres. Diamètre de l’ouverture variant de 17 à 20,5 cm. Diamètre du fond percé variant de 10 à 11 cm. Hauteur totale variant de 18,5 à 27 cm.

135 L’action de la chaleur était diminuée par le potier Cueff à l’aide de tôles placées en avant de la charge à cuire.

136 Cf. enquête de Lannilis, 1946, p. 26 à 29.

137 La surface de cuisson est inférieure à celle du four de Cueff si on admet que les poteries ne sont empilées que sur la sole elle‑même.

138 (Renaud 1955 : fig. 2 et 3). Fig. 36 b et c.

139 Cf. paragraphe 238.

140 Cf. paragraphe 522.

141 La plus grande dureté est un obstacle pour les jeunes racines qui cherchent à traverser le sol. Une certaine prolifération des racines à ce niveau est sans doute accentuée par le ruissellement des eaux d’infiltration sur ces surfaces.

142 Dans les terrains assez argileux qui constituent le sous‑sol, l’action de la sécheresse en été durcit les terres qu’il faut humecter sans cesse pour permettre la fouille ; ce qui entraîne la perte de la détection des surfaces durcies.

143 Cf. paragraphe 238 et fig. 17.

144 Cf. paragraphe 237.

145 D’autres fours peuvent exister dans toute la zone construite qui n’a pas fait l’objet de prospection magnétique (zone totalement boisée à l’époque).

146 Des traces de rubéfaction du remplissage argileux de la fosse 89.16e (tranchée de fondation du mur longeant la rue) correspondent à l’arrière de la paroi du four 89C.

147 Cf. paragraphe 543.

148 Silos 89.2a et 2c.

149 Monnaie de Louis, Dauphin de Viennois (1409‑1415) : cf. Poey d’Avant, no 4939.

150 Cette surface n’est pas totalement dégagée surtout dans les parties ou centre et à l’ouest.

151 L’empierrement serré découvert dans cette fosse peut avoir servi de fixation à l’axe de la roue. Le diamètre du volant d’un tel tour est généralement proche de 1,20 m et semble correspondre au document de Jean Fouquet (fig. 35 c). Cette dimension s’accorde bien avec l’écartement du centre de la fosse par rapport au mur.

152 Les formes des tessons sont à rapprocher des productions du four SVO 128E.

153 Toute cette zone a été fortement perturbée par les labours récents.

154 Cf. paragraphe 2385.

155 Cette technique employée à Hamas de Mouro est pratiquée dans un tronc d’arbre évidé dont la surface d’ouverture correspond sensiblement à celle des fosses maçonnées avec quelques différences. Notre enquête à compléter permettra sans doute d’utiles confrontations.

156 Se reporter au chapitre 4.

157 (Chapelot 1972 : 211‑213). Si le four 89E est plus récent que tous les autres (ce qui reste à prouver), est‑ce la grande saturation de l’espace au sud de la rue qui a motivé sa construction dans une zone où la perturbation de la maison B n’était que superficielle ?

158 Les assez nombreux ossements animaux découverts en abandon dans les silos et les fosses attestent cette occupation des sols. Ce point semble en opposition avec les découvertes réalisées à Saran (Chapelot 1972 : 211).

159 Se reporter au paragraphe 237.

160 Depuis plusieurs années, les prospections sur les sites d’avant notre ère par A. Ratz portent leurs fruits. Qu’il soit remercié ici pour les découvertes fortuites concernant le Moyen Âge qu’il ne manque pas de nous signaler.

161 De telles traditions s’étalant sur de nombreux siècles ont été constatées par exemple en Saintonge (Chapelot 1973 et Renimel 1978) ou en Châlonnais (Renimel 1974). Le caractère permanent semble l’un des traits essentiels des grands centres producteurs.

162 Cf. paragraphe 234 (Chabaud 1966. 1 : 148 et suiv.).

163 Cf. note 308.

164 Faut‑il voir des réservoirs à eau dans les multiples petites fosses maçonnées (seuls éléments construits où est utilisée la chaux) réparties dans presque tous les bâtiments de l’atelier ? Leur construction à demi‑débordante par rapport au mur était‑elle réalisée pour la récupération des eaux de pluie venant des toitures ? Cf. paragraphe 5421.

165 Après les prospections de S. Gagnière, un programme de recherches conjointes de l’URA 6 et de l’URA 3, sous la direction respective de Mlle G. Démians d’Archimbaud et de M. Picon, utilise les moyens de l’analyse physico‑chimique des argiles (Démians d’Archimbaud 1980 b).

166 Se reporter au paragraphe 236 (Dossiers Chobaut). L’enquête, commencée par H. Amouric et spécialement orientée dans ce sens sur les documents d’archives, rendra très certainement de grands services et donnera une dimension sans doute plus régionale et même inter‑régionale à ce centre. L’exemple des contrats de vente en 1347‑1348 de creusets de Saint‑Quentin‑la‑Poterie à des monnayeurs de Limoges et de Mâcon (Dossiers Chobaut VII : fol. 33) ou les noms de tuiliers et olliers relevés par H. Amouric pour Collias (!) et Saint‑Quentin‑la‑Poterie (La Terre 1985) en sont la preuve.

167 Se reporter aux paragraphes 237 et 238.

168 Orientation quelconque de fours ne se recoupant pas : exemple des fours de Bollène, Saint‑Blaise‑de‑Bauzon, fig. 5 a, 5 b ; variation de l’orientation au fur et à mesure des réparations et reconstructions : exemple du four de Wierde (Lauwerijs 1967), d’Agrigente (Angelo 1972 : fig, 1) ou exemple plus spectaculaire de Brunssum (Bruijn 1959 et 1965 et Renaud 1955) : fig. 36 b et 36 c.

169 Fours de Bussy‑le‑Repos (Yonne) ayant produit des poteries communes du 1er s. (Bolnat 1934, 1935, 1936 et 1937). Fours de Thetford, Norfolk du XIe s. (Davison 1967 : fig. 53). Cas particulier des fours parallèles en batterie de Holt, Denbighshire (Corder 1957 : fig. 1). Cas des fours SVO 91A et 91 B: fig. 17.

170 Fours no 13, 15, 16 et 17 de Bussy‑le‑Repos (Bolnat 1935 : fig. 1). Ce plan est repris par M. Duhamel : (Duhamel 1975 : 18 et 19). En fait les relevés montrent six fours dont au moins cinq s’ouvrent sur la fosse centrale. Au moins l’un d’eux (le no 15) a été construit après le no 13 (Bolnat 1935 : 276).

171 Se reporter au paragraphe 237.

172 L’étude menée sur les ateliers actuels de la banlieue du Caire où la production est très importante (estimée de l’ordre de 60 000 pièces par semaine pour 70 fours recensés) n’a pas montré de tel procédé de cuisson « en série » même si les ateliers les plus importants possèdent plusieurs fours (Golvin 1982).

173 (Duhamel 1975) d’après les recherches de A. Bourgeois à Labuissière (Bourgeois 1972) et de M. Bolnat à Bussy‑le‑Repos (Bolnat 1934 à 1937).

174 Cf. note 10.

175 Cf. note 426.

176 Se reporter au paragraphe 53.

177 Les potiers de Saint‑Quentin‑la‑Poterie cultivaient la terre pendant une partie de l’année. Cf. Registre des patentes de 1791, Archives communales non classées. Les recherches en cours d’H. Amouric et J.‑L. Vaysettes apporteront sans doute beaucoup d’informations à ce sujet (La Terre 1985 : 20).

178 Cette estimation de l’économie étroitement liée à la poterie donnerait une idée des besoins des populations dans ce domaine sans préfigurer de leur importance économique générale. Voir pour comparaison (Goudineau 1974).

179 Les études dans ce sens sur les ateliers gallo‑romains, qui bénéficient des recherches maintenant assez anciennes, montrent que l’organisation du marché aussi bien que des ateliers eux‑mêmes reste encore à définir dans bien des cas (Favory 1974).

180 Le transport d’argiles de meilleure qualité de gisements proches pouvait exister.

181 Les observations sont actuellement trop rares pour définir de façon certaine les caractéristiques de telles installations.

182 Exemple de ventes de creusets à Limoges ou Mâcon au xive s. (cf. note 437) ou plus récemment des procès du xviiie s. faits par (es potiers montpellierains à leurs concurrents de Saint‑Quentin‑la‑Poterie qui inondaient de leurs produits réfractaires le marché de Montpellier au grand péril des potiers locaux (Thuile 1943 : 23 et suiv. ; La Terre 1985 : 17 à 19).

183 Une telle renommée pourrait bien être à l’origine au xive s. des commandes de carreaux du pavement du Palais des Papes d’Avignon à Saint‑Quentin‑la‑Poterie.

184 Se reporter au paragraphe 5431 et à la note 441.

Abbildungsverzeichnis

Bildunterschrift Tableau XXVI. Dimensions des fours du type Saint‑Victor‑des‑Oules (1 : deux grandes étapes sont retenues ici en fonction de l’hypothèse de changement d’orientation de la porte du foyer. 2 : (Serres 1961). 3 : indication de S. Gagnière. 4 : indication de M. Duret. 5 : indication de M. Duret d’après correspondance de U. Dumas. 6 : (Soulères 1973). 7 : (Rio 1972 et 1978, Padilla 1984).).
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Bildunterschrift Tableau XXVII. Four 91A : comptage des couples de couches de cendres et des nettoyages.
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Bildunterschrift Tableau XXVIII. Four 91 A : évaluation du nombre minimal de cuissons.
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Bildunterschrift Tableau XXIX. Four 91A : évaluation du nombre minimal de cuissons.
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Bildunterschrift Tableau XXX. Volume approximatif d’encombrement des poteries.
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Bildunterschrift Tableau XXXI. Nombre théorique de poteries par charge.
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Bildunterschrift Tableau XXXII. Nombre théorique de pièces à tourner par jour.
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Bildunterschrift Tableau XXXIII. Durée minimale d’utilisation du four SVO 91A.
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Bildunterschrift Tableau XXXIV. Dimensions des fours du type Saint‑Blaise‑de‑Bauzon.
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Bildunterschrift Tableau XXXV. Four BSB 187D : organisation des couches de cendres (D : surface dure. E : empierrement (18 dans couloirs, 22 dans foyer).)
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Bildunterschrift Tableau XXXVI. Dimensions des fours de comparaison.
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