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La terre sigillée gallo-romaine

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Colette Bémont
, 
Jean-Paul Jacob

Les ateliers du sud de la France

Groupe de Montans

Thierry Martin, René Pauc et François Moser

Texte intégral

Montans

1Les ateliers sont situés dans la commune de Montans, département du Tarn, arrondissement et canton de Gaillac, à une altitude de 149 m.

■ Circonstances de la découverte et état du site

2Le caractère antique du site est connu depuis la fin du xviiie s., mais la découverte des potiers de Montans et de leurs ateliers s’est faite un peu plus tard sous le second Empire. Les premières fouilles remontent aux années 1855‑1859. Elles furent l’œuvre d’un érudit local, Elie Rossignol. Entre 1882 et 1886, Félix Lacroix, alors conducteur des Ponts‑et‑Chaussées, fit plusieurs sondages au centre du village. Peu avant la fin du siècle dernier, un certain Pigot devait à son tour explorer le sous‑sol montanais. Par la suite, il fallut attendre près de 70 ans pour que fussent entreprises de nouvelles recherches à Montans : 1962, sondages de Francis Meunier et de Jean Lautier sur la parcelle 911 ; 1967, fouilles de Michel Labrousse au Rougé et à la limite des parcelles 962 et 970.

3L’exploration méthodique du site de Montans a débuté fin 1971. Elle est entièrement à mettre à l’actif des chercheurs bénévoles du C.E.R.A.M. (Centre d’études et de recherches archéologiques de Montans). Une prospection systématique au sol et la surveillance en 1973 et 1974 de la pose du réseau du tout‑à‑l’égout dans le village ont permis non seulement de délimiter précisément le périmètre archéologique du site (cf. infra), mais encore de localiser les principales zones d’implantation des ateliers de potiers antiques. Le site a fait l’objet de douze campagnes annuelles de fouilles (de 1972 à 1976 et de 1978 à 1984). Jusqu’en 1980, la plupart de ces recherches ont été menées dans l’enceinte même du village de Montans et ont porté en règle générale sur des surfaces assez réduites du fait de la proximité des habitations modernes. À partir de 1981, les circonstances ont voulu que les chercheurs du C.E.R.A.M. fussent conduits à explorer des terrains situés en dehors de la zone habitée. En 1981, une fouille menée à l’entrée nord de Montans, sur le plateau du Rougé, devait leur permettre de dégager tout un ensemble de fours de potiers du ier s. de notre ère. Celle‑ci leur donnait également l’occasion de trouver sous les niveaux gallo‑romains les restes de structures d’habitats préromains très bien conservées. En 1982, la décision prise par la municipalité de promouvoir la création d’un lotissement communal à la périphérie sud‑est du village les conduisait à entreprendre une opération de sauvetage de grande envergure dans ce secteur de Montans. Ces recherches, commencées courant 1982, poursuivies en 1983 et en 1984, et achevées à la fin de 1985, ont permis de faire des découvertes qui éclairent d’un jour entièrement nouveau l’histoire de l’origine du grand atelier tarnais. Elles ont montré en particulier qu’existait déjà à Montans, bien avant l’occupation du site par les Romains et l’arrivée de potiers italiques, sinon une industrie, du moins un artisanat de la céramique très florissant à l’époque gauloise.

4Le site est très étendu. On trouve des vestiges archéologiques disséminés sur près de 40 ha. La superficie des ateliers est plus réduite. Celle‑ci peut être cependant estimée à une vingtaine d’hectares dont les deux tiers sont occupés par l’actuel village de Montans. Il n’a été possible jusqu’à présent de conserver visible aucune des structures antiques mises au jour par les fouilles récentes. Tous les secteurs explorés depuis 1971 ont été systématiquement remblayés après travaux. À noter la création en 1983 d’une réserve archéologique de 27 613 m2 sur le plateau du Rougé (acquisition de la commune).

■ Contexte historico‑géographique

5On situe Montans dans la province d’Aquitaine 1ere (ciuitas des Rutènes) plutôt qu’en Narbonnaise, malgré la localisation imprécise et toujours discutée du territoire des Ruteni provinciales. Les ateliers se sont implantés sur un oppidum gaulois préexistant dont le toponyme antique est inconnu. Sous le Haut Empire, la communauté humaine la plus rapprochée de Montans était Toulouse (Tolosa), cité de droit latin puis, par la suite, colonie romaine.

6Montans était desservi par la voie qui reliait Toulouse à Albi et qui, au‑delà, se prolongeait en territoire rutène jusqu’à Rodez (Segodunum). Malgré le silence des textes et l’absence de milliaires, l’existence de cet axe routier ne fait aucun doute. Des vestiges de son tracé ont du reste été reconnus non loin de Montans, sur la rive gauche du Tarn. Le Tarn qui, rappelons‑le, coule au pied du site, a probablement joué un rôle déterminant dans la diffusion des céramiques sigillées montanaises, notamment en direction des marchés du sud‑ouest de la Gaule.

7L’approvisionnement de l’atelier en matières premières était aisé. L’argile utilisée par les potiers est en effet d’origine locale. Elle provient de la décomposition des bancs de molasses de l’OIigocène qui constituent le sous‑sol montanais. Sa teneur en calcaire est assez élevée, de l’ordre de 13 à 14 % en moyenne. Un vaste cirque d’exploitation d’argile est encore visible aujourd’hui, de part et d’autre du ruisseau du Rieutort, à l’aplomb du village de Montans. L’argile fut utilisée pure sans adjonction d’un dégraissant. L’approvisionnement en eau de l’atelier s’est fait essentiellement au moyen de puits (profondeur actuelle de la nappe phréatique : entre 4 et 5 m). Ce sont quelques résineux mais aussi, et surtout, des espèces feuillues (chênes, hêtres), encore bien représentées aujourd’hui tout autour de Montans, qui ont servi à cuire les productions de l’atelier.

8Les productions montanaises sont datées d’après trois genres d’indices : par référence à des sites consommateurs historiquement bien datés (cf. notamment pour le IIe s., les camps et fortins situés le long des murs d’Hadrien et d’Antonin en Grande‑Bretagne), ou ayant fourni soit des ensembles archéologiquement clos (nécropoles), soit des stratigraphies présentant des niveaux bien scellés (cf. par exemple la stratigraphie établie en 1973 sur le site des Forges‑aux‑Martyrs, dans l’Aude) ; par référence typologique et stylistique aux productions contemporaines de La Graufesenque et également, pour la période tibérienne, à celles de certaines officines du centre de la Gaule; localement, en chronologie relative, par l’étude comparée de l’abondant et riche mobilier découvert en stratigraphie sur le site depuis 1971.

9À une période d’essais contemporaine des toutes premières années du début de notre ère, marquée notamment par la production, dans des fours rudimentaires, de formes à vernis non grésé (cuisson en mode A), imitant fidèlement certains profils précoces du service I de Haltern, portant parfois des timbres radiaux, succède, peu avant 10, la fabrication de véritables pièces sigillées au moyen de fours plus perfectionnés, autorisant une cuisson de type oxydant/oxydant (mode C), une technique que les potiers montanais vont utiliser au moins jusqu’au milieu, et même un peu au‑delà, du iie s. Par la suite, l’activité de l’atelier, amoindrie par la concurrence des autres officines gauloises, se maintiendra tant bien que mal pour se prolonger bien au‑delà du début du iiie s., l’extinction définitive de ses derniers fours n’intervenant en fait qu’à l’orée du siècle suivant. Hors des observations archéologiques, les informations sur l’activité de Montans sont inexistantes : on observe en effet un silence à peu près complet des textes antiques sur les richesses et les ressources de la proche région montanaise (plaines de l’Albigeois et du Gaillacois modernes), si ce n’est, peut‑être, dans Ausone, une référence à une tradition de l’orpaillage le long des rives du Tarn.

10Par ailleurs la métallurgie du fer et du bronze est attestée à Montans pour le ier s. avant notre ère. La culture de la vigne est probable aux portes mêmes du site (cf. la fabrication par les potiers montanais sous Tibère, d’amphores vinaires de forme Pascual 1). D’une façon générale, il ne semble pas y avoir eu de relation directe entre la vie ou le déclin des ateliers de Montans et certaines périodes de crise de l’histoire de la Gaule.

■ Activité céramique

11Nous détenons des preuves de l’existence au ier s. avant notre ère d’une production céramique indigène déjà bien structurée. Plus tard, parallèlement à la production de la sigillée, les potiers montanais ont fabriqué de la céramique commune, des vases à parois fines, des lampes (obtenues par surmoulage) ainsi que des pièces plus importantes (amphores, dolia). À signaler aussi la production de nombreux vases engobés de blanc, rehaussés parfois (principalement au iie s.) de décors géométriques peints ainsi que celle de statuettes et d’antéfixes en terre cuite. Enfin, fabrication massive à toutes les époques de tuiles (tegulae et imbrices) et de briques de divers formats. À partir de 160/170, les sigillées à vernis grésé se voient peu à peu remplacées par des céramiques à couverte plus ou moins orangée dont la facture rappelle assez celle de certains types de sigillées claires B qui furent produits au iie et au iiie s. dans la vallée du Rhône. Parallèlement on assiste à un nouvel essor des céramiques communes. Ce phénomène se maintint et alla en s’amplifiant au cours du siècle suivant pour prendre fin peu avant le début du ive s. Au ier s., la sigillée représentait plus de 90 % de la production de l’atelier. Ce pourcentage tendit à décroître à partir de 110/120. Au milieu du iie s., celui‑ci était encore de l’ordre de 60 %. Puis sa chute s’accéléra très rapidement. Peu avant le début du siècle suivant on ne fabriquait plus à Montans de sigillée à vernis grésé.

12Jalon, les ateliers de Montans le furent indiscutablement à leur origine en participant avec Bram, Lyon, La Graufesenque et avec certaines officines du Massif central à l’essaimage technologique en Gaule des ateliers italiques. Ensuite, du fait de leur rapide expansion et en conservant des relations de travail privilégiées avec ceux de La Graufesenque, ils ont essaimé à leur tour en étant plus ou moins directement liés à la création de filiales éloignées (Galane, Carrade, cf. infra p. 84‑90) ainsi qu’à celle d’ateliers satellites plus rapprochés (Crambade, Saint‑Sauveur, Valéry, cf. infra et carte fig. 1 pour la localisation). Entre 1/5 et 40 de notre ère, répertoire typologique, grammaire décorative et morphologie des timbres de potiers montanais sont nettement d’inspiration italique (imitations fidèles en particulier des services I et II de Haltern, emploi de marques radiales, d’estampilles à plusieurs registres ou encore in corona, décors dans la tradition des productions crétines). On constate la présence à Montans de moules et de vases de La Graufesenque tant au Ier que dans le courant de la première moitié du IIe s. L’échange de potiers entre ces deux centres (homonymies) paraît probable. Par ailleurs la présence physique de potiers montanais est avérée à Saint‑Sauveur, à Crambade et à Valéry. Et l’arrivée de moules montanais à Galane de même qu’à Carrade a été confirmée par l’analyse (travaux du laboratoire de l’URA no 3 de Lyon).

• 1. Carte des ateliers tarnais : Montans, Saint‑Sauveur, Crambade, Valéry.

13Pour la définition physico‑chimique des produits de Montans, des analyses ont été réalisées par ce laboratoire (M. Picon), ainsi que par le laboratoire du Centre de recherches d’archéologie médiévale de Caen (D. Dufournier). Voici les pourcentages caractéristiques des principaux composants : CaO : 13,41 %; Fe2O3 : 6,15 %; TiO2 : 0,75% ; K2O : 2,68% ; SiO2 : 54,55 % ; AI2O3 : 17,21 %; MgO : 2,83%.

■ Définition archéologique du matériel sigillé

14La pâte est fine, le plus souvent assez tendre, peu sonore et avec des cassures peu franches (sauf dans le cas de pièces surcuites). On y décèle parfois de minuscules particules de chaux. Elle est généralement de couleur très claire, d’un beige rosé tirant vers le blanc (Code universel des couleurs, 199/200). Au iie s., la pâte des productions sigillées montanaises montre une coloration nettement plus orangée. Le vernis est d’un rouge orangé plutôt foncé tendant parfois vers une teinte franchement marron chocolat. Par ailleurs, celui‑ci est d’ordinaire peu adhérent (notamment au niveau des bordures, des carènes, des raccords, ainsi qu’à celui des zones décorées) et présente dans l’ensemble un « cuir » plutôt mat.

15On trouve les estampilles disposées radialement sur le fond intérieur de plats augustéens à vernis non grésé ; placées au centre et à l’intérieur de certains vases lisses ainsi que sur le fond de certaines formes décorées (principalement sur les Drag. 29 mais aussi sur quelques Drag. 37 de la période flavienne) ; à l’extérieur des pièces ornées moulées, soit dans le décor (calices Drag. 11, coupes Drag. 29, Drag. 30, bols hémisphériques Drag. 37, lagènes, gourdes, etc.), soit immédiatement au‑dessous (dans ce cas, celles‑ci sont souvent incomplètes et ont été en partie effacées lors du tournassage et de la finition du pied du vase). Elles peuvent apparaître également, mais c’est exceptionnel, sur la baguette médiane lisse de certaines coupes Drag. 29 (en particulier sur quelques pièces décorées par Primus /). Ces estampilles sur formes ornées, apposées à l’origine sur des moules qui ont servi à fabriquer les vases, sont d’ordinaire rétrogrades, peu nettes et souvent empâtées, ce qui rend leur lecture difficile (en particulier sur les vases moulés du iie s.). On rencontre encore des timbres sur le fond intérieur de certains moules. Les cartouches sont le plus souvent de forme rectangulaire, de plus grande dimension au iie s. D’autres variétés existent : timbres carrés ou circulaires ainsi que marques à queues d’aronde (ces dernières sont surtout utilisées entre 30 et 70). Sur les productions précoces d’inspiration italique, on note la présence de timbres in corona ou encore à deux ou trois registres avec, très souvent, un encadrement intérieur (fig. 2 A). En revanche, on ne relève aucune signature in planta pedis. Par ailleurs, les marques anépigraphes sont très fréquentes sur la sigillée montanaise. On les trouve principalement à la fin du règne d’Auguste et sous Tibère (45/50 %). Elles sont encore utilisées sous Claude et leur usage va en se raréfiant au cours du règne de Néron. La fin de leur emploi intervient vers 70/75 (fig. 2 B). Les marques manuscrites apparaissent sur les moules (dans le décor ou sur le fond intérieur, très exceptionnellement à l’extérieur), apposées avant ou après cuisson (dans ce cas elles indiquent le nom du propriétaire/utilisateur du moule et non celui de son fabricant/décorateur), et par conséquent sous ou dans le décor des vases ornés (rétrogrades ou non). On en trouve aussi sur le manche de quelques poinçons en terre cuite et sur certains supports de cuisson.

• 2. Choix d’estampilles montanaises : A. épigraphiques ; B. anépigraphes.

16Les types de sigillée lisse les plus communément attestés à Montans sont les suivants (fig. 3) : Drag. 15, 16, 15/17 (A et B), 18, 18/31, 19, 22, 23, 24/25, 27, 33, 35/36 (avec ou sans feuilles d’eau), 38, 40, 44, 46, 50, 51 ; Curie 11 ; Ritt. 1, 5, 8, 9, 12 ; Halt. 7B, 14, 16. En plus de ces formes principales, produites pour certaines à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires (Drag. 24/25, 27, 35/36, 51), les potiers montanais ont tourné bien d’autres profils de vases lisses comme l’indiquent les résultats des fouilles faites ces dernières années sur le site. Parmi ceux‑ci, quelques‑uns, à l’évidence, relèvent simplement de la fantaisie occasionnelle d’un potier ; il s’agit de pièces généralement uniques. D’autres, quantitativement plus nombreux et souvent de la même main, doivent être considérés comme de simples essais, témoignant qu’à certaines époques — c’est notamment le cas sous Tibère et au début de la période flavienne — des potiers montanais ont cherché, à titre individuel, à échapper au carcan de la production normalisée, en créant des modèles originaux. Le fait que jusqu’ici de tels vases n’aient jamais été rencontrés en dehors de Montans tendrait à prouver que ces tentatives ont rapidement avorté et n’ont pas permis à ces créations personnelles de franchir le seuil de la commercialisation. Certains enfin ont eu plus de chance. Non seulement leur silhouette a eu l’heur de plaire à nombre d’artisans de l’atelier qui se sont empressés de les inclure dans leur répertoire pour les produire en grande quantité, mais encore ceux‑ci ont trouvé grâce aux yeux des negotiatores artis cretariae commerçant avec l’officine tarnaise. Leur découverte sur des sites consommateurs, parfois très éloignés de Montons, le prouve. Paradoxalement la plupart de ces vases n’avaient jamais été catalogués, oubli qu’il conviendra désormais de réparer. Les figures 4, 5 et 6 reproduisent les profils de plusieurs de ces vases lisses montanais inédits ou peu connus, que l’on ne peut, si ce n’est arbitrairement, en en faisant des hybrides ou des variantes de formes déjà répertoriées, faire entrer dans aucune des typologies existant actuellement pour les productions sigillées sud‑gauloises.

● 3. Montans. Sigillée lisse : formes principales.

● 4. Montans. Sigillée lisse : formes rares ou inédites (de 5 à 40 ap. J.‑C.).

● 5. Montans. Sigillée lisse : formes rares ou inédites (de 40 à 100 ap. J.‑C.).

● 6. Montans. Sigillée lisse : formes rares ou inédites (de 100 à 225 ap. J.C.).

17Jusqu’en 60, les potiers montanais se sont essentiellement ingéniés à reproduire plus ou moins fidèlement des formes italiques, en les adaptant parfois au goût et, probablement aussi, aux habitudes alimentaires de la clientèle gauloise. L’apparition peu avant la fin du règne de Néron des premières pièces à décor barbotiné (Drag. 35/36, Curie 11) rompt avec cette tradition. On observe un phénomène identique au même moment à La Graufesenque. De même que leurs collègues de Millau, les potiers montanais ont réalisé des « services », reprenant aussi à leur compte une pratique chère aux potiers italiens de Toscane et de Campanie. À noter une première tentative de leur part, durant le second quart du ier s., avec la production simultanée d’assiettes Drag. 17B à extérieur guilloché et de bols Drag. 24/25. Mais c’est principalement à l’époque flavienne que cette pratique s’est développée, jusqu’à devenir presque une règle, avec la fabrication des services A, C et F à l’instar des potiers de La Graufesenque (pour la définition de ces services ; cf. VERNHET (A.). — Création flavienne de six services de vaisselle à La Graufesenque. Figlina 1, 1976, p. 13‑27 ; les services B, D et E n’existent pas à Montons).

18Si l’on prend en compte les timbres anépigraphes, il faut alors estimer à près de 400 le nombre de potiers qui, à Montans, ont tourné des vases lisses. Des listes de potiers, au demeurant très incomplètes et entachées d’erreurs, ont été anciennement publiées par J. Déchelette, F. Oswald et M. Durand‑Lefebvre (cf. bibliographie). De même qu’à La Graufesenque, certains vases lisses de Montans portent régulièrement une estampille interne, d’autres n’en ont jamais. La première catégorie regroupe les formes Drag. 15, 15/17, 16, 17, 18, 18/31, 19, 24/25, 27, 33, 46, 51, Ritt. 1, 5, 8, 9 et Halt. 7B. Dans la seconde, on trouve les formes Drag. 22, 23, 34, 35/36 (sauf exceptions, quelques potiers montanais ayant jugé utile d’apposer leur nom sur certains exemplaires de ce type : L. Asinius, L.A. Atilus, Nomus, Eppius et Florus font partie de ce groupe), 38, 40, 44, 50 (sauf exceptions), Ritt. 12, Curie 11, Halt. 14 et 16.

19La sigillée ornée de Montans regroupe une quinzaine de types principaux. En voici la liste : Drag. 11, 29 (A et B), 30, 37, Knorr 78, Déch. 57, 63 (gourde), 64,67, Hermet 4, 7, 9 (surtout à parois fines), 15A et 15B (lagènes), 21 (petit plateau ovale à oreilles de préhension), Vindonissa 13 (tasse bi‑ansée). Ce sont les formes Drag. 29, 30, 37, Hermet 9 et, dans une moindre mesure, les calices Drag. 11 qui ont été les plus communément reproduits par les potiers de l’atelier. Les autres types sont nettement moins fréquents. Quant à certains (les formes Hermet 4 et 21 par exemple), ils n’ont été que très rarement fabriqués. Leur relative rareté n’autorise cependant pas à les éliminer du répertoire des vases ornés de Montans. Il faut noter aussi l’existence de pièces au profil assez fantaisiste : coupes carénées Drag. 29B à bord infléchi vers l’intérieur ou encore privées de bandeau supérieur guilloché. Entrent également dans cette catégorie des Drag. 30 à ouverture rétrécie, des Drag. 37 pourvus de petites anses latérales plaquées et d’un déversoir semi‑circulaire ainsi que certaines variétés hybrides, les types 29/37 et 57/78 pour ne citer que ceux‑là (fig. 7‑9).

● 7. Montans. Sigillée décorée : formes principales.

• 8. Montans. Sigillée décorée : coupes carénées Drag. 29B des années 60/70 ap. J.‑C. (no 1 à 9) ; bols hémisphériques Drag. 37 de la seconde moitié du er s. de notre ère (nos 10 à 17). Marques : Cunas (Cunasus) sur 1‑69 ; Eutic (Euticus) sur 7‑8. Décors : vase no 10 (style de Logirnus ; vases nos 11‑17 (style d’Attilus).

• 9. Montans. Sigillée décorée : bols hémisphériques Drag. 37 (100 à 175 ap. J.‑C.). Décors : vases no 1‑2 (style de Felicio) ; vases nos 3‑4 (style de Secundus II) ; vases no 5‑6 (décorateurs anonymes, vers 150/175).

20De même que pour les vases lisses, on se doit de noter le synchronisme qui apparemment existe entre l’évolution du répertoire des vases ornés montanais et celui des productions décorées de La Graufesenque. Cette concordance chronologique s’observe, du reste, non seulement au niveau de la typologie des formes moulées confectionnées dans ces deux ateliers méridionaux mais encore au niveau de leurs structures décoratives, qui connaissent une évolution sensiblement identique. Ainsi jusqu’à la fin du règne de Tibère, la sigillée décorée montanaise reste très largement influencée par les productions italiques. La plupart des motifs des vases ornés de cette époque dérivent en effet d’archétypes arétins et pisans. En fait ce n’est qu’à partir de 40 à 50 que les décorateurs montanais vont véritablement s’employer à s’affranchir de cette dette italique et tenter de créer leurs propres styles. Mais près de vingt ans leur seront encore nécessaires pour arriver à couper définitivement ce cordon ombilical, ce qui sera fait à l’aube des années 60. La majorité des vases ornés de Montans ont été réalisés au moyen de moules, univalves pour les formes ouvertes et pour certaines pièces fermées (Déch. 67 et Hermet 7 par exemple), bivalves pour des profils plus complexes (gourdes Déch. 63 et lagènes Hermet 15A). Dans quelques cas, au demeurant très exceptionnels, les décorateurs montanais ont eu recours à la technique du relief d’applique (pour décorer notamment les oreilles de préhension de plateaux apparentés au type Hermet 21).

21L’étude des décors montanais est en cours de réalisation. On se contentera d’indiquer qu’à ce jour quelque 1 200 motifs différents ont déjà été recensés, inventaire qui est loin d’être exhaustif. Près des deux tiers se réfèrent au monde végétal et apparaissent principalement sur les productions de la première moitié du ier s. Les autres regroupent des personnages, fréquents surtout à partir du début de la période flavienne, des animaux et des éléments décoratifs, parfois symboliques. Ce travail de classement a permis d’isoler plusieurs jeux de poinçons. Certains, n’ont été utilisés que par un seul décorateur (cf. le jeu des poinçons de Logirnus qui travaille à Montans entre 55 et 80). D’autres ont connu une plus grande longévité par suite de surmoulages répétés. À quelques exceptions près, les structures décoratives de la sigillée montanaise ornée sont les mêmes que celles qui agrémentent les productions décorées de La Graufesenque, si méticuleusement étudiées, il y a plus d’un demi‑siècle, par le chanoine Hermet : rinceaux, frises, arcatures, festons, médaillons, sautoirs, palissades, panneaux (pleins, coupés ou recoupés), ados, croix et éventails. Les divergences, quand elles existent, apparaissent surtout au niveau du détail et de l’harmonie de la composition, et relèvent essentiellement de la personnalité des décorateurs montanais. Les recherches faites ces dernières années sur les sigillées montanaises décorées ont permis jusqu’à présent d’isoler une soixantaine de styles différents appartenant à autant de décorateurs. L’identification de certains d’entre eux a été grandement facilitée par la découverte à Montans de pièces signées (vases avec marque intradécorative, moules estampillés ou avec signature manuscrite apposée avant cuisson). En revanche, du fait de l’absence fréquemment constatée des signatures sur le fond intérieur de bien des formes ornées, il est impossible de chiffrer exactement le nombre de potiers montanais qui ont produit des vases décorés.

22Trois types de signatures peuvent apparaître sur les vases décorés de Montans : des estampilles (on ne connaît pas pour l’instant de signatures manuscrites), apposées sur le fond intérieur de certaines formes — principalement sur les coupes carénées Drag. 29 mais aussi sur quelques Drag. 37 flaviens —, il s’agit de la marque du fabricant du vase ; des estampilles ou des signatures manuscrites apposées avant cuisson du moule par le décorateur, dans le décor lui‑même ou à la base de celui‑ci. On peut parfois les trouver placées sur le fond intérieur du moule et exceptionnellement sur le fond extérieur (dans ce cas, il n’est pas certain que cette signature fasse directement référence au décorateur). Des signatures manuscrites sont aussi apposées après cuisson du moule, soit par le décorateur, soit par l’utilisateur, dans le décor lui‑même ou sous celui‑ci. Des pratiques identiques s’observent à La Graufesenque.

23En revanche l’usage, très répandu chez de nombreux potiers tibériens de Montans, des timbres anépigraphes peut, dans une certaine mesure, être considéré comme une particularité de la production de l’atelier tarnais. L’impression sur la sigillée montanaise lisse et ornée, produite entre 30 et 70, d’une grande variété de marques à queues d’aronde, confère également à cette pratique un caractère tout à fait original dans la mesure où on ne l’observe que très rarement ailleurs. Enfin, le fait que les potiers montanais n’aient presque jamais fait figurer les mentions O, OF, OFF, OFFI, OFFIC, OFFICIN, etc., dans le libellé de leurs estampilles, alors que cela était très souvent la règle au ier s. dans les ateliers millavois, mérite d’être aussi rappelé. Cela peut, en cas d’incertitude sur la provenance d’une marque sud‑gauloise, constituer une donnée discriminante non négligeable.

24À la différence des potiers de La Graufesenque qui ont toujours tenté d’adapter leur système de production aux impératifs économiques et aux lois de la concurrence, ceux de Montans donnent l’impression d’avoir assez souvent opposé, volontairement ou non, une certaine résistance à l’entrée dans l’atelier de toute innovation technologique susceptible de changer brusquement le cours de leurs habitudes. Ce « conservatisme » montanais s’observe en particulier au niveau de la fabrication de la forme Drag. 37. En effet, alors que leurs collègues millavois, à l’instar de ce qui se fera aussi dans le centre de la Gaule et dans les ateliers de l’Est, ont choisi, presque dès sa conception, de réaliser cette pièce en deux parties, en raccordant le pied au corps du vase préalablement moulé — procédé qui non seulement autorise un partage des tâches au niveau de la fabrication et facilite les opérations de démoulage mais encore permet, à terme, un gain de productivité —, les potiers montanais ont continué pour leur part à utiliser la même technique que celle employée pour le façonnage des coupes Drag. 29, en se servant de moules à « pied incorporé ». D’où cette découpe en « marche d’escalier » que présente l’intérieur du pied de tous les Drag. 37 sortis de l’atelier tarnais.

■ La fabrication

25Parmi les outils trouvés sur le site, on peut citer des poinçons en argile à l’usage des décorateurs, des lissoirs en pierre dure et de très nombreux moules. À celle de ces documents s’ajoute aussi la découverte d’une très grande variété de pièces techniques : rondeaux, calibres, supports de cuisson et cales diverses, le tout en terre cuite.

26Sur les 47 fours trouvés à Montans depuis 1967, 11 sont gaulois. Les 36 autres sont contemporains de la période d’activité de l’atelier gallo‑romain. Parmi ceux‑là, 9 ont été reconnus à la suite de travaux de voirie effectués à l’intérieur du village. Leur découverte fortuite n’a pas permis de les étudier. Les 27 autres ont été fouillés. Deux avaient servi à cuire des tuiles, l’un sous Tibère, l’autre au cours de la première moitié du iie s. La plupart de ces fours nous sont parvenus en très mauvais état de conservation, ayant été endommagés soit par les travaux agricoles soit par l’implantation de l’habitat moderne. Seules leurs infrastructures enterrées ont su résister aux injures du temps et des hommes. Durant la première moitié du ier s. les potiers montanais ont conservé l’habitude de cuire leurs productions céramiques, à l’exception des grosses pièces (tuiles), dans des fours circulaires relativement petits, soit à flamme canalisée (sigillée), soit à flamme directe (poterie commune), d’une capacité maximale voisine de 800 à 1 000 pièces (dans le cas de vases de petit format, Drag. 24/25 ou Drag. 27 par exemple). Au début de la période flavienne, sont apparus à Montans des fours à sigillée de plus grande dimension, construits en briques réfractaires, disposant d’un laboratoire rectangulaire précédé d’un long alandier couvert et autorisant la cuisson de fournées pouvant, selon le cas, compter jusqu’à 4 000 pièces et plus. Ce type de four sera utilisé par les potiers montanais jusqu’au milieu du iie s., date à partir de laquelle on notera de leur part un retour à l’utilisation de fours circulaires, d’abord à flamme canalisée puis, vers 170/180, à flamme directe. Les fouilles menées depuis 1971 sur le site de Montans ont permis de dégager les vestiges de bâtiments et de divers aménagements contemporains de la période d’activité de l’atelier. Il s’agit pour l’essentiel de fours, de quelques entrepôts aux murs en pisé, assis le plus souvent sur un soubassement de tuiles, ayant pu servir au stockage du bois ou encore au séchage des pièces prêtes à cuire, de puits et de fosses à terre aménagées à proximité des aires de travail.

27On ne connaît pour l’instant à Montans que deux graffites, l’un découvert à la fin du xixe s. par F. Lacroix et maintes fois publié (Déchelette, Hermet, etc.), l’autre trouvé en 1978 (parcelle 962) et gravé sur le fond d’un plat de forme Drag. 35/36. Il s’agit dans les deux cas de bordereaux d’enfournement que l’on peut dater de la seconde moitié du ier s.

■ Les potiers

28On relève à Montans une quinzaine d’attestations épigraphiques de tria nomina. Désignant très probablement des affranchis, ils font leur apparition au début de la période flavienne et la majorité d’entre eux datent du iie s. (cf. en annexe la liste des potiers montanais). Mais si un très petit nombre d’entre eux — on en recense moins d’une dizaine — ont tenu à afficher publiquement leur état d’affranchi et, par là, leur qualité de citoyen romain, en apposant sur leurs vases leur prénom suivi de leur gentilice, l’immense majorité des potiers montanais attestés par l’épigraphie se sont contentés de signer simplement de leur nom. Le contenu épigraphique de leurs estampilles ne permet cependant pas, sauf peut‑être dans deux cas, de conclure à leur condition servile. Par ailleurs les relations de filiation sont inconnues dans les marques de Montans et les associations de potiers, très rares.

29On admet depuis longtemps l’existence de rapports étroits entre Montans et La Graufesenque. Nous savons que des moules et des vases de La Graufesenque sont arrivés jusqu’à Montans et que des potiers ont très certainement travaillé dans les deux centres. Sur la quarantaine d’homonymies observées, certaines ne peuvent être fortuites. Cependant bien des questions suggérées par l’existence de ces relations restent pour l’instant sans réponse dans la mesure où aucun travail détaillé n’a été fait sur ce sujet. Nul doute qu’une analyse comparative approfondie des productions de ces deux grandes officines méridionales devrait permettre de situer le niveau où se sont placées leurs relations, quelle en a été la forme, à quel moment celles‑ci ont débuté et de connaître aussi leur impact sur l’évolution respective de chacun des deux ateliers. D’autre part on connaît aujourd’hui plusieurs ateliers sud‑gaulois dont l’activité a été plus ou moins étroitement liée à celle de l’officine tarnaise. Certains en étaient peu éloignés et ne représentaient en fait que de simples ateliers satellites. Leur situation géographique privilégiée leur permettait en effet de profiter de toute l’infrastructure technico‑commerciale montanaise. Ces ateliers étaient par ailleurs de peu d’envergure, employaient un personnel restreint et ne disposaient que de quelques fours. Les renseignements que nous avons sur la durée de leur activité indiquent pour chacun d’eux une période de production assez éphémère. On en dénombre trois pour l’instant. Les deux premiers sont situés aux portes de Montans (cf. carte, fig. 1), l’un sur la rive droite du Tarn (atelier de Saint‑Sauveur), l’autre, sur la rive gauche, à un peu plus de 4 km (complexe tibérien de Crambade). Le troisième n’est guère plus éloigné puisqu’il se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud‑est de Montans ; il s’agit de l’atelier de Valéry.

30Deux autres ateliers méritent également de retenir l’attention et surtout l’un d’eux, dans la mesure où l’on est en droit de se demander s’il n’a pas été une filiale de Montans. Il s’agit de la petite officine de Galane, près de Lombez dans le Gers, connue pour sa production de vases à parois fines au ier s. Des fouilles, déjà anciennes, ont permis de trouver sur ce site des fragments de moules montanais ainsi qu’une assez forte proportion de vases sigillés de même origine. Ces découvertes autorisent à supposer l’existence de relations entre l’atelier gersois et le centre tarnais. Les résultats des fouilles faites à Galane ne sont pas toutefois suffisants pour que l’on puisse conclure définitivement que ce sont des potiers montanais qui sont à l’origine de la création de cette officine. Le second atelier sud‑gaulois susceptible d’avoir entretenu aussi des relations de travail avec Montans est celui de Carrade, situé en bordure du Lot, non loin de Cajarc. Ses potiers ont eux aussi utilisé au Ier s. des moules montanais comme l’attestent les découvertes de R. Pauc. Quel fut le rôle exactement joué par Montans dans l’histoire de ces deux petits ateliers méridionaux ? Nous disposons, pour l’heure, de trop peu d’éléments pour pouvoir répondre clairement à cette question. Il serait pourtant souhaitable de le faire. En effet, mettre en évidence que l’officine tarnaise a été en quelque sorte l’élément moteur de leur développement et de leur expansion, en particulier pour ceux de Galane, ne pourrait que confirmer l’influence prépondérante de Montans, voire sa mainmise, sur l’organisation d’une partie de la production céramique et probablement aussi sur celle de sa commercialisation, dans le sud‑ouest de la Gaule sous le Haut Empire.

■ La diffusion

31Les productions montanaises ont été essentiellement diffusées dans l’ouest de la Gaule et principalement en Aquitaine (cf. carte, fig. 10). Des vases montanais ont été trouvés également dans le nord‑ouest de la péninsule Ibérique (à Pampelune ou encore sur plusieurs sites romains du littoral atlantique, dans la région de Santander). De même des céramiques de cette officine ont été signalées, et ce en grande quantité, sur de nombreux gisements bretons (pointe armoricaine, basse Bretagne, région de Rezé et de Nantes), ainsi qu’en différents points de la côte normande (Cotentin). Enfin on se doit de rappeler ici la découverte de plusieurs pièces montanaises en Grande‑Bretagne, notamment sur des sites occupés au IIe s. (camps jalonnant les murs d’Hadrien et d’Antonin). Il semblerait que les vases trouvés en Espagne ou encore dans les îles Britanniques aient été acheminés par voie maritime, à partir de comptoirs d’exportation situés sur les côtes atlantiques françaises, dans le Bordelais et en Vendée.

• 10. Aire de diffusion des céramiques sigillées montanaises aux deux premiers siècles de notre ère.

■ Bibliographie

32Carte géologique au 1/50 000e, Gaillac, feuille XXII‑42 et GÈZE (B.), CAVAILLÉ (A.). — Guides géologiques régionaux, Aquitaine orientale. Masson, Paris, 1977, p. 74.

33DÉCHELETTE (J.). — Les Vases céramiques ornés de la Gaule romaine (Narbonnaise, Aquitaine et Lyonnaise). Paris, 1904, I, pp. 129‑137.

34DURAND‑LEFEBVRE (M.). — Étude sur les vases de Montans du Musée Saint‑Raymond de Toulouse. Gallia, IV, 1946, pp. 137‑ 194.

35DURAND‑LEFEBVRE (M.). — Études sur la décoration des vases de Montans. Gallia, XII, 1954, pp. 73‑88.

36LABROUSSE (M.). — Lampes romaines de Montans aux Musées de Toulouse et d’Albi. Mém. de la Soc. Arch. du Midi de la France, XXVIII, 1962, pp. 9‑39 et pl. I‑III.

37LABROUSSE (M.). — Un Potier de Montans jusqu’ici inconnu : L. Asinius. R.C.R.F. Acta, XIII, 1971, pp. 47‑55.

38LABROUSSE (M.). — Céramiques et potiers de Montans. Dossiers de l’Archéologie, 9, 1975, pp. 59‑70.

39LACROIX (F.). — Des Antiquités gallo‑romaines dans la région de Gaillac. Rev. du Tarn, VI, 1886, pp. 82‑84, 121‑122, 216‑218. MARTIN (Th.). — Éléments apportés à l’étude des potiers de Montans. Travaux et Recherches, 9, 1972, pp. 121‑136.

40MARTIN (Th.). — Une Forme de terre sigillée peu connue, fabriquée par les ateliers de Montans (Tarn). Travaux et Recherches, 10, 1973, pp. 74‑78.

41MARTIN (Th.). — Deux années de recherches archéologiques à Montans (Tarn). R.A.C., XIII, 1974, pp. 123‑143.

42MARTIN (Th.). — L’Atelier de Valéry : ses rapports avec ceux de Montans. Figlina, 1, 1976, pp. 1‑12.

43MARTIN (Th.). — Vases à engobe blanc de Montans aux Ier et IIe siècles de notre ère. Rev. du Tarn, 85, 1977, pp. 41‑77, 86, pp. 291‑300.

44MARTIN (Th.). — Note sur quelques vases à engobe blanc de Montans. R.A.C., XVI, 1977, pp. 165‑172.

45MARTIN (Th.). — Fouilles de Montans : note préliminaire sur les résultats de la campagne 1975. Figlina, 2, 1977, pp. 51‑78.

46MARTIN (Th.). — Vases sigillés de Montans imitant des formes en verre ? Gallia, 35, 1977, pp. 249‑257.

47MARTIN (Th.). — Des fours de potiers mis au jour à Montans (Tarn). Archéologia, 111, 1977, pp. 74‑75.

48MARTIN (Th.). — Quelques décorateurs de vases à parois fines de Montans (Tarn). In : 103e Congrès national des sociétés savantes, Nancy‑Metz 1978, Archéologie, pp. 239‑264.

49MARTIN (Th.). — La Céramique du Musée Raymond Lafage à Lisle‑sur‑Tarn. Sites, 5, 1979, pp. 16‑55.

50MARTIN (Th.). — Données nouvelles sur la chronologie des ateliers de Montans. R.C.R.F. Acta, XIX/XX, 1979, pp. 170‑182.

51MARTIN (Th.). — Fouilles de Montans : bref aperçu sur les résultats de la campagne 1980. Cahiers Tarnais, livraison. Ier semestre 1981.

52MEUNIER (Fr.). — Estampilles de potiers gallo‑romains provenant de Montans. Travaux et Recherches, IV, 1965, pp. 58‑74.

53OSWALD (F.). — Index of Potiers’ Stamps on Terra Sigillata (« Samian Ware »), Margidunum, 1931.

54OSWALD (F.). — Index of Figure‑Types on Terra Sigillata (« Samian Ware »). Liverpool, 1936‑1937.

55OSWALD (F.), PRYCE (T.D.). — An Introduction to the Study of Terra Sigillata, Treated from a Chronological Standpoint. Londres, 1920, p. 11,15‑16.

56OXE (A.). — Die ältesten Terra‑Sigillata‑Fabriken in Montans am Tarn. Archaeologischer Anzeiger, XXIV, 1914, cc. 71‑75.

57ROSSIGNOL (E.‑A.). — Des Antiquités et principalement de la poterie romaine trouvées à Montans, près Gaillac (Tarn). Bull. Mon., XXV, 1859, pp. 692‑707 ; XXVII, 1861, pp. 392‑411 ; XXVIII, 1862, p. 701‑722.

58ROSSIGNOL (E.‑A.). — Album céramique : Montans. Plan archéologique et objets en silex, bronze et or, et poteries gallo‑romaines qui y ont été trouvés. Manuscrit, 1906 (Archives du Tarn, C. 593).

59SIMPSON (G.). — Decorated Terra Sigillata at Montans (Tarn) from the Manuscript of Elie Rossignol at Albi. Britannia, VII, 1976, pp. 244‑273.

■ Collections principales

60Dépôt de fouille de Montans (collection du C.E.R.A.M., fouilles 1971‑1984).

61Musée Raymond‑Lafage de Lisle‑sur‑Tarn (collection Lacroix).

62Musée Toulouse‑Lautrec d’Albi (collection Lacroix).

63Musée Saint‑Raymond de Toulouse (collection Rossignol).

64Direction des antiquités historiques de la région Midi‑Pyrénées (fouilles 1967).

■ Responsables actuels du site

65Conservation des collections et direction scientifique : Th. Martin. Responsables des fouilles : J.‑F. Blanc, Ph. Bloque, H. Ruffat. Le Directeur des Antiquités historiques de la région Midi‑Pyrénées.

Centre de Montans : atelier de Crambade

66L’atelier est situé dans la commune de Montans, département du Tarn, arrondissement et canton de Gaillac, au lieu‑dit Crambade, à une altitude de 194 m.

■ Circonstances de la découverte et état du site

67La découverte fut faite peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale à la suite de travaux agricoles. Le propriétaire du site se souvient d’avoir, à cette occasion, éventré avec sa charrue les restes d’un four de potier et recueilli plusieurs vases emboîtés et soudés entre eux (moutons). Malheureusement cette découverte ne fut suivie d’aucune recherche particulière, d’où dispersion et perte du mobilier trouvé à cette époque. Depuis quelques années le site a fait l’objet d’une prospection au sol systématique. Celle‑ci a été menée par l’équipe du C.E.R.A.M. Les limites du gisement ont pu être ainsi assez bien circonscrites. Ces recherches ont permis notamment de constater la faible étendue de l’atelier. On trouve des vestiges céramiques disséminés sur un peu moins de 1500 m2. La superficie occupée par l’atelier proprement dit semble être plus réduite, les travaux agricoles ayant contribué pour une bonne part à disperser le mobilier archéologique trouvé à la surface du sol. En outre, plusieurs sondages de contrôle ont été effectués en février 1975 sur le gisement. L’un d’eux a recoupé un dépotoir de détournement. L’existence d’un atelier de sigillée à Crambade est indiscutable. Elle se trouve confirmée non seulement par les découvertes anciennes (restes d’un four et moutons de vases), mais encore par la nature des documents archéologiques recueillis en 1975 : fragments vitrifiés de parois de four(s), conduits de chaleur, pièces de calage et déchets de fabrication matérialisés par des vases surcuits souvent déformés ainsi que par des moutons d’assiettes et de bols.

68Le gisement est actuellement occupé par de la vigne et se trouve de ce fait provisoirement protégé. Mais aucune mesure de protection administrative (classement) n’a été prise à son sujet. La superficie de l’atelier est très difficile à apprécier dans l’état actuel des recherches. Si l’on tient compte des résultats des prospections de surface, celle‑ci doit être comprise entre 500 et 1 000 m2 environ.

■ Contexte historico‑géographique (cf. notice de Montans)

69Bien que le gisement soit situé à 4 km seulement au sud‑sud‑est de Montans, sur les hauteurs de la moyenne terrasse du Tarn, il faut souligner son caractère isolé. À noter aussi l’absence de vestiges archéologiques sur l’atelier et à proximité, attestant l’existence d’un habitat antique associé, contemporain de sa période d’activité.

70De même que les potiers montanais, ceux de Crambade ont utilisé l’argile provenant de la décomposition des marnes et molasses stampiennes qui composent le substrat local (cf. carte géologique au 1/50 000e, Gaillac, feuille XXII‑42). L’argile fut employée pure sans l’adjonction d’un dégraissant. Deux ruisseaux courent à proximité du site. Mais l’utilisation de puits par les potiers de Crambade peut aussi être envisagée (nappe phréatique entre 3 et 4 m de profondeur). En revanche pour les ressources en combustible nous n’avons aucune donnée, mais il est probable que c’est du bois d’origine locale qui a servi.

71Crambade est un atelier qui a fonctionné pendant très peu de temps. À noter également la précocité de sa période d’activité, celle‑ci se situant dans le courant de la deuxième décennie du ier s. de notre ère, entre 15 et 20 ap. J.‑C. Ce sont avant tout des critères typologiques, stylistiques, des comparaisons — notamment avec les productions sigillées montanaises — qui permettent d’avancer cette datation.

■ Activité céramique

72L’atelier n’a produit apparemment que de la sigillée. Il s’agit en fait d’un satellite de Montans. Ce sont des potiers montanais qui sont à l’origine de sa création, comme le montre l’étude de la sigillée et des estampilles trouvées à Crambade. L’atelier a très certainement joué le rôle d’unité de production d’appoint. La présence de bancs d’argile facilement exploitables et de bonne qualité a pu dicter le choix de son implantation. Un fonctionnement épisodique peut être également envisagé pour cet atelier.

73En ce qui concerne la définition physico‑chimique des produits, des analyses ont été réalisées par le laboratoire de l’URA no 3 (Lyon, M. Picon) et elles donnent des résultats identiques à ceux obtenus pour les pâtes des sigillées montanaises.

■ Définition archéologique du matériel sigillé

74La pâte tendre, assez friable, à cassures irrégulières, va du beige rosé clair au jaune blanchâtre (dans le cas des vases surcuits). L’engobe est rouge orangé, de clair à foncé, plutôt mat et souvent peu adhérent. Les estampilles sont toujours placées au centre et à l’intérieur des vases. On constate la prédominance des marques épigraphiques mais il faut noter la forte proportion des timbres anépigraphes. Près de 45 % des estampilles trouvées en 1975 appartiennent à cette seconde catégorie. Ces timbres figurent presque exclusivement sur des bols ; on ne les retrouve qu’exceptionnellement sur des assiettes. Comme à Montans on constate l’absence de timbre in planta pedis : les potiers de Crambade ont usé de timbres tantôt rectangulaires, tantôt circulaires. Plusieurs variétés existent à l’intérieur de chacun des deux groupes : timbres rectangulaires à bords droits, arrondis aux extrémités (type A2), échancrés aux extrémités, avec encadrement intérieur (type A4) ; timbres circulaires simples, à point central, in corona.

75Les prototypes de la sigillée lisse sont italiques. Cinq formes ont été principalement fabriquées à Crambade. Des assiettes Drag. 17 (Loesch. 2a) et Drag. 19 (Loesch. la) ; des bols Ritt. 5 (souvent non guillochés), Drag. 24/25 et Drag. 27. À signaler aussi la présence de formes hybrides et non répertoriées dans la littérature (cf. les types CRA 1, CRA 2 et CRA 3, reproduits à droite de la fig. 14). Du fait du caractère très éphémère de l’atelier, il n’y a pas d’évolution du répertoire, si ce n’est la fabrication simultanée de deux variétés de Drag. 27, l’une guillochée et l’autre sans guillochis. Quatre des onze potiers ayant fabriqué de la sigillée lisse à Crambade nous sont connus. Il s’agit respectivement de Félix, de Lupus, de Rufus et de Votornus. Les sept autres ont apposé des timbres anépigraphes sur leur production. On relèvera l’absence de signature sur la forme CRA 2. La morphologie, très particulière, de ce vase pourvu d’un ombilic central en fort relief peut expliquer cette omission.

• 11. Crambade. Les timbres épigraphiques : répartition par forme.

• 12. Crambade. En haut : répartition des marques anépigraphes par forme. En bas : 1, comparaison globale du nombre des marques épigraphiques et anépigraphes ; 2, graphique analytique du nombre des attestations connues des marques épigraphiques (classées par potiers) et des marques anépigraphes ; 3, formes des cartouches des marques épigraphiques (A, rectangulaires, B, circulaires).

• 13. Crambade. Accessoires de cuisson et systèmes d’empilement.

76Nettement moins abondante que la céramique lisse, la sigillée décorée représente un tiers de la sigillée produite par l’atelier. Deux types de vases ornés sont sortis des mains des potiers de Crambade : des calices apparentés à la forme Drag. 11 (cf. fig. 14, D. 11 A, 11B et 11C) et des coupes carénées Drag. 29A au profil généralement surbaissé. Toutes ces pièces ont été faites à l’aide de moules univalves portant intérieurement un décor en creux. Ce sont des moules réalisés à Montans qui ont servi à fabriquer ces vases. Du moins c’est ce que leur analyse stylistique permet de conclure. De ce fait, les structures décoratives connues à Crambade ressemblent beaucoup à celles qui agrémentent les vases ornés monterais du début du règne de Tibère et en particulier ceux qui sortirent des ateliers de Celer et de Caledo (fig. 14‑15). Celles‑ci sont en règle générale très sobres et développent dans la plupart des cas un décor bien aéré, combinant un nombre assez réduit de motifs (3 à 4 en moyenne par vase) empruntés le plus souvent au monde végétal. Les registres supérieurs des coupes carénées Drag. 29A sont occupés tantôt par des rinceaux sessilifoliés, tantôt par des guirlandes de feuilles reliées par des tiges tracées à main levée. Ceux‑ci se parent parfois de motifs disposés en chevrons qui peuvent être aussi simplement répétés, alternés ou encore adossés. Les panses, pour leur part, portent d’ordinaire des palissades de godrons, soit continues, soit en alternance avec des panneaux de poinçons superposés. Sur certaines apparaît une décoration un peu plus recherchée à base de chevrons animés, d’arcatures ou de rinceaux. Dans quelques cas pourtant les décors des calices témoignent d’une plus grande originalité et mettent alors en scène des personnages (divinités) accompagnés d’animaux. Il est difficile de dire exactement combien de potiers de l’atelier ont signé des vases ornés. Pour l’instant nous n’en connaissons qu’un : Rufus. Cette signature se rencontre sur le fond intérieur du vase et au centre, quand il s’agit du fabricant.

• 14. Crambade. En haut : principales formes lisses et décorées produites dans l’atelier. En bas : exemples de décors.

• 15. Crambade. Exemples de décors.

■ La fabrication

77Aucun outil de façonnage n’a été trouvé sur le site. Et aucune découverte de moule n’est à signaler pour l’instant. Mais il existait sur place au moins un four. Les potiers de Crambade ont utilisé des fours à rayonnement pour cuire leur production. Ce fait se trouve confirmé par la découverte sur le site de plusieurs conduits de chaleur et de fragments de « tournettes » en terre cuite (fig. 13). Nous disposons également de quelques données concernant leur façon de ranger les pièces à l’intérieur des chambres de cuisson. Les bols étaient empilés — la fouille de 1975 a permis de retrouver plusieurs Drag. 27 emboîtés les uns dans les autres. Des anneaux‑isolateurs servaient à séparer les vases de plus grande dimension (calices et coupes carénées notamment). Les assiettes étaient le plus souvent empilées sans ajout de pièces intermédiaires. Dans quelques cas, trois petites cales, de la forme et approximativement de la taille d’un domino, étaient placées entre les récipients en guise d’isolateurs.

■ Les potiers

78On n’a trouvé à Crambade ni attestation épigraphique de tria nomina, ni attestation épigraphique d’esclaves ou d’affranchis. Les relations de filiation sont également inconnues. De même, aucune relation d’association ne transparaît au travers de la formulation des estampilles épigraphiques de Crambade. Cependant, compte tenu de sa faible importance et surtout de son caractère très éphémère, on est en droit de supposer l’existence de relations de travail privilégiées entre les différents potiers de l’atelier, de nature peut‑être associative. Par ailleurs, quelle qu’ait pu être la forme, juridique ou non, de cette association, il semblerait que celle‑ci se soit faite autour et peut‑être aussi sous l’égide de Rufus. Rappelons en effet que près de la moitié (48 %) des estampilles trouvées à Crambade relèvent de sa production (cf. fig. 11 et fig. 12 pour les marques employées). La plupart des potiers de Crambade ont poursuivi et fini leur carrière à Montans. Felix a apparemment, à la fin de sa vie, exercé son art à Valéry. Quant à Votornus, son départ pour La Graufesenque et son séjour actif dans le grand centre rutène peuvent être envisagés.

■ La diffusion

79Elle est semblable à celle des productions tibériennes de Montans.

■ Bibliographie

80MARTIN (Th.). — Les Productions sigillées de l’atelier tibérien de Crambade. Aquitania, 1, 1983, pp. 97‑133.

■ Collection principale

81Dépôt de fouille de Montans.

■ Responsables actuels du site

82Surveillance et protection du site assurées par les chercheurs du C.E.R.A.M.

83Le Directeur des Antiquités historiques de la région Midi‑Pyrénées.

Saint‑Sauveur

84L’atelier se situe à moins d’1 km à vol d’oiseau, en contrebas de l’oppidum de Montans, sur la rive droite du Tarn (cf. notice Montans, fig. 1) dans la commune de Gaillac (Tarn).

■ Circonstances de la découverte

85Cet atelier a été découvert il y a plus d’un siècle, en novembre 1868, à la suite de travaux agricoles. Des fouilles furent entreprises à l’époque par M. Constans à qui appartenait le domaine de Saint‑Sauveur. Au cours de ces recherches, il devait dégager les restes d’un four à sigillée relativement bien conservé, qui avait été en partie comblé à l’aide de rebuts de cuisson.

86On doit à Élie Rossignol un compte rendu succinct de cette fouille ainsi qu’un relevé assez détaillé du four découvert à cette occasion. L’ensemble a été publié sous sa signature dans un des premiers volumes de la R.A.M.F. Plus tard, rédigeant son célèbre Album céramique, il eut également à cœur de consacrer quelques pages à cet atelier. Auparavant il avait pu récupérer la majorité de la céramique trouvée en 1868 sur le site, mobilier qui est aujourd’hui conservé au musée Saint‑Raymond de Toulouse.

87On regrettera que, dans ses écrits sur Saint‑Sauveur, Élie Rossignol n’ait pas jugé utile de préciser avec exactitude l’emplacement de la fouille Constans. En effet, il n’a pas été possible jusqu’à présent de retrouver cet endroit. Une enquête auprès des propriétaires actuels n’a rien donné de même que des tentatives de repérage au sol.

■ Activité céramique

88Par ailleurs, force est de constater que ce que l’on sait sur cet atelier se résume en quelques lignes au contenu lapidaire. Créé très probablement au cours de la seconde moitié du règne de Néron, l’atelier de Saint‑Sauveur n’a tout au plus fonctionné qu’une dizaine d’années. Logirnus, potier et décorateur montanais contemporain du troisième quart du ier s., y a installé un temps ses pénates. D’aucuns voudraient même qu’il ait été à l’origine de la création de cette officine (Durand‑Lefebvre : pp. 142‑143). Son séjour à Saint‑Sauveur se trouve en tout cas pleinement confirmé par la découverte, dans le remplissage et aux abords immédiats du four dégagé en 1868, de nombreuses pièces sigillées estampillées LOGIRNI.M (Drag. 27, Drag. 29B, Drag. 37). On sait que par la suite celui‑ci est allé s’installer à Montans où il a continué pendant un temps à exercer avec talent sa double activité de potier‑décorateur, comme en témoigne la qualité des documents trouvés au Rougé en 1981, que nous reproduisons ici (fig. 16).

Bibliographie

89ROSSIGNOL (E.‑A.). — Four à poterie gallo‑romain à Montans. R.A.M.F., 2, 1869, pp. 108‑110 (2 planches).

90ROSSIGNOL (E.‑A.). — Album céramique : Montans. Plan archéologique et objets en silex, bronze et or, et poteries gallo‑romaines qui y ont été trouvés. Manuscrit, 1906 (Archives du Tarn, C.593), (cf. pp. 233‑235 et pl. CXV àCXXVI).

91DURAND‑LEFEBVRE (M.). — Étude sur les vases de Montans du Musée Saint‑Raymond de Toulouse. Gallia, IV, 1946, pp. 137‑ 194.

Valéry

92L’atelier est situé dans le département du Tarn, arrondissement de Lavaur, canton de Graulhet, commune de Busque, au lieu‑dit Valéry, à une altitude de 195 m.

■ Circonstances de la découverte et état du site

93L’atelier a été découvert en 1968 à la suite de travaux agricoles opérés sur un terrain demeuré jusque‑là en friche, situé en bordure d’une ancienne terrasse du Dadou, affluent de l’Agout. Cette trouvaille est à mettre à l’actif d’une équipe de scouts de Graulhet. Ce n’est qu’en 1971 que la communauté scientifique a appris l’existence de cette nouvelle officine sud‑gauloise. Des prospections au sol ont contribué à délimiter l’étendue du gisement. Le site a fait également l’objet d’un survol aérien à basse altitude, avec prise de clichés photographiques. Cette prospection aérienne a permis notamment de localiser un bâtiment de plan rectangulaire, vraisemblablement contemporain de la période d’activité de l’atelier à mettre en relation avec ce dernier (cf. infra). En 1971, un sondage stratigraphique a été effectué sur l’emplacement d’un dépotoir révélé par les labours. La fouille a montré qu’il s’agissait en fait d’un dépotoir de défournement secondaire ayant servi aussi de décharge domestique.

94En dépit du caractère modeste de ces recherches, l’existence d’un atelier de sigillée à Valéry ne saurait être mise en doute. Celle‑ci se trouve amplement confirmée par la nature des documents archéologiques recueillis tant à la surface du site que lors de la fouille de 1971 : rebuts de fabrication, débris de moules, cales et supports en terre cuite, éléments de fours de potiers (briques portant des traces de vitrification, tubulures, « tournettes », etc.).

95La majeure partie du gisement est actuellement cultivée. Par ailleurs, celui‑ci n’a fait l’objet d’aucune mesure de protection administrative (P.O.S., classement, etc.). Cela mériterait pourtant d’être fait en raison de la construction, depuis une dizaine d’années, de nombreux pavillons aux abords même du site. La superficie de celui‑ci peut être estimée à 1 ha.

● 16. Saint‑Sauveur. Moules de bols Drag. 37 de Logimus.

■ Contexte historico‑géographique

96La fabrique appartenait à la province d’Aquitaine lère (ciuitas des Rutènes), plutôt qu’à la Narbonnaise (cf. le problème de la localisation du territoire des Ruteni provinciales). Des vestiges d’une villa ont été découverts à moins de 300 m de l’atelier. On sait malheureusement fort peu de choses sur cet établissement gallo‑romain dont l’emplacement est aujourd’hui entièrement boisé, si ce n’est qu’il a été occupé du ier au ive s. et qu’il devait appartenir à une famille de propriétaires terriens relativement aisés. Des recherches effectuées en 1964‑1965 ont en effet permis de dégager partiellement les restes d’un nymphée, de trouver des fragments d’enduits peints, des morceaux de moulures en stuc ainsi que des éléments de plaquage en marbre des Pyrénées. La découverte, au cours de ces fouilles, de tessons de sigillée tibérienne montre que la création de l’atelier est postérieure d’une ou deux décennies au moins à la construction et à l’occupation de l’état initial de la villa. Par ailleurs, de par leur proximité, la liaison des deux sites ne semble faire aucun doute. L’atelier dépendait très probablement de la villa (cf. infra. Bien que situé en territoire rutène, l’atelier de Valéry était plus proche de Toulouse (Tolosa, cité de droit latin puis colonie romaine) que de Rodez (Segodunum).

97Une voie secondaire permettait de rejoindre à partir de Valéry le grand axe routier qui, au ier s., reliait Toulouse à Albi, via Montans, pour se prolonger jusqu’à Rodez. Sur les photographies aériennes prises à l’aplomb du site, on distingue nettement le tracé, aujourd’hui fossile, de cette voie. Celle‑ci, orientée sud‑est/nord‑ouest, traverse l’atelier de part en part et semble prendre ensuite la direction de Montans. L’étude de cette voie reste à faire. Le Dadou qui coule à proximité du site (cf. fig. 1, notice de Montans) et l’Agout ont dû également jouer un rôle non négligeable dans l’acheminement d’une partie de la production de l’atelier jusqu’au Tarn.

98Ce sont des argiles de l’OIigocène, trouvées sur place, qui ont été utilisées par les potiers de Valéry. Leur teneur en calcaire est identique à celle observée pour les argiles montanaises : 13 à 14 % en moyenne. On constate l’absence de dégraissant : l’argile était utilisée pure. L’approvisionnement en eau n’était pas un problème pour les potiers de l’atelier. Il leur suffisait soit de creuser des puits de faible profondeur (nappe phréatique à -2 m), soit de capter l’une des nombreuses sources qui, de nos jours encore, sourdent aux abords du site. De même que ceux de Montans, les potiers de Valéry ont très certainement utilisé des espèces de bois locales, principalement des feuillus, pour cuire leur production. Il ne s’agit toutefois que d’une simple hypothèse de travail, les recherches menées jusqu’à présent sur le site n’ayant fourni aucune indication précise à ce sujet.

99D’assez courte durée, la période d’activité de l’atelier de Valéry se place entre les années 40 et 60 de notre ère. Cette datation a été établie à partir de l’étude typologique, stylistique et épigraphique du matériel sigillé trouvé lors de la fouille de 1971.

100Pour les relations de Valéry avec l’activité économique locale cf. la notice de Montans.

■ Activité céramique

101Les potiers de Valéry se sont surtout attachés à fabriquer de la vaisselle sigillée, mais d’autres produits céramiques ont été réalisés par l’atelier, en petite quantité il est vrai : vases à parois fines à décor moulé (gobelets de forme Hermet 9), cruches et écuelles en poterie commune, lampes surmoulées (?). Satellite de Montans par sa situation géographique, Valéry a servi essentiellement d’unité de production d’appoint au grand centre céramique tarnais. Ce sont en effet des potiers montanais qui en ont assuré le fonctionnement. L’étude épigraphique des estampilles trouvées en 1971 sur le site le confirme. Par ailleurs, l’atelier de Valéry n’a certainement pas produit en permanence, mais plutôt de façon épisodique, en fonction des besoins du marché et des ordres venus de Montans.

102Des échantillons de la sigillée produite à Valéry ont été analysés par le laboratoire de l’URA no 3 (Lyon, M. Picon). Cette étude a montré qu’il existait une identité presque parfaite entre la composition chimique des productions montanaises et celle des vases sortis de l’atelier graulhétois, leur différenciation ne se faisant qu’au niveau des éléments rares (cf. bibliographie, M. Picon et alii).

■ Définition archéologique du matériel sigillé

103Il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de différencier à l’œil nu un vase produit à Valéry d’une forme sigillée montanaise du milieu du ier s. En règle générale, la pâte de la sigillée de Valéry est fine, bien mêlée, friable, d’une coloration beige pâle tirant vers le blanc. Le vernis, quant à lui, est rouge orangé mat et de médiocre qualité. Il se laisse rayer facilement à l’ongle, adhère le plus souvent assez mal aux parois des vases et s’écaille en de multiples endroits, en particulier au niveau du relief des décors des pièces moulées.

104Les potiers de Valéry ont toujours apposé les marques au centre et à l’intérieur des vases. Aucun timbre anépigraphe n’a été jusqu’ici rencontré sur l’atelier. On constate également l’absence de marques in planta pedis. Les cartouches n’offrent aucune particularité notable ; il s’agit de simples rectangles allongés à l’intérieur desquels apparaît le nom du potier en latin, le plus souvent abrégé, parfois au génitif et exceptionnellement au nominatif. Un seul potier, Modestus, a fait preuve d’originalité en se servant d’un timbre échancré aux extrémités pour marquer sa production. Il convient enfin de signaler l’absence à Valéry des cartouches à queues d’arondes qui, rappelons‑le, ont été très fréquemment utilisés entre 30 et 70 de notre ère par les potiers montanais.

105Pour la sigillée lisse, les formes principales (fig. 17) sont au nombre de huit : assiettes Drag. 15/17 et Drag. 18 ; coupelles Ritt. 8, Ritt. 9, Drag. 23, Drag. 24/25 et Drag. 27 ; bols à déversoir Ritt. 12. Il s’agit dans tous les cas de formes préflaviennes dérivées de modèles italiques, très en vogue dans le sud de la Gaule, sous les règnes de Claude et de Néron. On notera l’absence totale à Valéry de types antérieurs à 40 (Ritt. 5 et Drag. 19 par exemple), de même que celle de formes postérieures aux années 60 (Drag. 35/36, Drag. 37, Drag. 46, Curle 15, etc.). Cela permet de mieux cerner la période pendant laquelle l’atelier a fonctionné : entre 40 et 60, soit le milieu du ier s. Nous connaissons les noms d’au moins quatorze potiers de Valéry qui ont produit de la sigillée lisse. La fouille de 1971 a permis de les identifier. Il s’agit d’Albanus, Bollus, Casturus, Digenus, Felix, Genialis, Matugenus, Modestus, Primus, Priuatus, Regalis, Verecundus, Virax et de Vlatugnus (cf. tableau, fig. 19).

• 17. Valéry. Formes principales : 1, Drag. 29B ; 2, Drag 15/17 ; 3, Drag. 18 ; 4, Drag. 23 ; 5, Ritt. ; 6, Drag. 24/25 ; 7, Drag. 27 ; 8, Ritt. 8.

106Si l’on se base sur les résultats de la fouille de 1971, les pièces décorées représentent près de 25 % de la sigillée produite par l’atelier. Tous ces vases ont été réalisés à l’aide de moules préalablement décorés. L’emploi de reliefs d’applique n’est pas pour l’instant attesté à Valéry. Les formes sont peu nombreuses et se limitent à quatre types : coupes carénées Drag. 29B (fig. 17), bols cylindriques Drag. 30, lagènes Hermet 15 A ou B de petit format, gobelets Knorr 78 (quelques fragments). Aucune évolution ne transparaît au niveau de la morphologie de chacune des formes de ce répertoire. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où l’atelier semble n’avoir fonctionné que durant deux décennies.

107Ce sont apparemment des moules élaborés par des décorateurs montanais qui ont été utilisés à Valéry. L’examen des décors le confirme. Il n’y a pas de formules décoratives propres à l’atelier. Structurellement, celles‑ci sont caractéristiques de la période Claude/Néron (fig. 18). À noter : la très forte proportion des rinceaux, notamment sur les Drag. 29B. Dans 80 % des cas, ils occupent les deux registres de cette forme. Certains sont combinés avec de petits médaillons circulaires enfermant des motifs tels un lion, une colombe ou encore un Amour stylisé. D’autres enferment parfois dans les boucles de leurs méandres de petites scènes de genre traitées avec beaucoup d’humour: ici un chien minuscule et sur la défensive s’apprête à repousser l’assaut d’un lièvre aux proportions démesurées, là un Hercule maigrichon, asexué et « court de pattes », brandissant timidement une massue ridicule, affronte l’attitude narquoise et non équivoque d’un nain ithyphallique qui de surcroît, par la taille, le dépasse d’une courte tête (scène burlesque de la farce atellane?). Dans quelques cas aussi, la panse des coupes carénées de Valéry porte une palissade de godrons et de lignes verticales tremblées ou pointillées. Présents également, les sautoirs restent cependant exceptionnels. Il en va de même pour les guirlandes qui n’entrent que pour une faible part dans la décoration des vases carénés. Sur certains Drag. 29B enfin, le registre supérieur a perdu son décor de rinceaux au profit d’une suite de médaillons animés que séparent des colonnettes stylisées. Les autres formes produites à Valéry développent des décors sensiblement analogues : rinceaux et entrelacs de lignes tremblées sur les Knorr 78 ; rinceaux, guirlandes et arcatures surmontant des scènes de gladiature sur les Drag. 30 ; rinceaux et médaillons animés sur les rares fragments de panses de lagènes trouvés en 1971. Aucune des pièces décorées recueillies jusqu’ici à Valéry ne porte de signature intradécorative. Par ailleurs, sur les quatorze potiers déjà recensés, cinq au moins ont fabriqué de la sigillée ornée (coupes carénées Drag. 29B). Il s’agit d’Albanus, Modestus, Priuatus, Verecundus et de Vlatugnus.

• 18. Valéry. Choix de décors relevés sur des coupes carénées Drag. 29B de Valéry : 1 à 12, frises supérieures ; 13 à 23, médaillons ; 24 à 26, palissades godronnées ; 27, structure décorative d’un Drag. 29B marqué VLATVGNI.

■ La fabrication

108Lors de la fouille de 1971, des fragments de cinq moules ont été trouvés sur le site (Drag. 29B, Hermet 9, Knorr 78, lagène) ainsi que divers supports de cuisson en argile de forme tronconique et percés parfois de trous latéraux. Certains des anneaux‑isolateurs recueillis à Valéry portent des marques qui ont été gravées sur leur flanc avant cuisson : barre verticale, croix, cercle non fermé. Des pratiques analogues ont été observées à Montans. Aucun four n’a été décelé. Mais l’examen de certaines pièces techniques fournies par le site offre cependant la possibilité de savoir quel type de four ont utilisé les potiers de Valéry. La découverte en particulier de tubulures, de joints et de « tournettes » en terre cuite montre qu’ils se sont servis de fours à rayonnement (flamme canalisée), ce qui leur permettait d’obtenir, au défournement, de véritables sigillées à vernis grésé (cuisson de type C de M. Picon). Aucune structure antique (murs, fosses à terre, bassins, etc.) n’a été découverte aux abords du dépotoir fouillé en 1971. À signaler toutefois qu’à moins de 100 m au nord de cette fouille, un bâtiment de forme allongée et de plan rectangulaire a été repéré sur photographies aériennes. Aucun sondage n’a été effectué à son emplacement. Topographiquement, cet édifice se situe au centre du gisement. Quant à connaître quelle a été sa destination réelle, on en est pour l’instant réduit à faire des hypothèses. Cependant vu ses dimensions (près de 50 m de longueur), on est en droit de penser qu’il avait de multiples fonctions. On peut très bien l’imaginer servant à la fois d’habitat à certains potiers, de lieu de stockage du bois de chauffe, d’entrepôt tant des vases à cuire que des pièces finies, d’atelier de fabrication et éventuellement aussi d’abri pour un ou plusieurs fours. Seule une fouille complète de ce bâtiment serait à même de répondre aux multiples questions soulevées par sa seule présence dans cette partie du site.

109L’atelier de Valéry n’a fourni jusqu’ici aucun bordereau d’enfournement. Rappelons qu’à Montans cette pratique n’est attestée que pour le début de la période flavienne et encore de façon très exceptionnelle (cf. notice de Montans).

■ Les potiers

110On ne connaît à Valéry aucune attestation épigraphique de tria nomina. Et l’étude des estampilles ne nous renseigne en aucune façon sur la condition des potiers de l’atelier. Aucune association de potiers n’a été observée jusqu’ici et les mentions de relations de filiation y sont inexistantes. Nous avons déjà indiqué que c’étaient en majorité des potiers montanais qui avaient travaillé à Valéry. L’étude des estampilles trouvées en 1971 sur le site montre que sur les quatorze potiers recensés, treize au moins étaient originaires de Montans. Seul Virax fait exception à la règle. Sa signature n’est pour l’instant connue que dans l’atelier graulhétois. De plus, nous avons la certitude que plusieurs de ces potiers montanais sont arrivés à Valéry avec leurs outils de travail, notamment avec leur sigillum. L’existence d’estampilles absolument identiques sur des rebuts de cuisson en provenance de ces deux ateliers en apporte indubitablement la preuve. Cela a été en particulier le cas de Bollus, Casturus, Digenus, Felix, Genialis, Primes, Regalis, Verecundus et de Vlatugnus (cf. fig. 19). Cette pratique n’est pas pour nous surprendre dans la mesure où l’atelier de Valéry, servant probablement d’unité de production d’appoint à une époque où les officines montanaises étaient à l’apogée de leur activité, ne devait « tourner » que périodiquement, en fonction des besoins. Ce système de production nécessitait obligatoirement une main-d’œuvre non seulement qualifiée mais encore très mobile et capable d’être efficiente en peu de temps. Dans ces conditions, on comprend aisément que les potiers chargés de travailler momentanément à Valéry s’y soient rendus avec leurs outils personnels, lesquels, hormis les moules, ne devaient pas tenir beaucoup de place et pouvaient même être facilement transportés.

• 19. Valéry. Tableau des correspondances entre formes et timbres de potiers (fouilles été 1971).

111On peut, du reste, à propos de ces migrations occasionnelles, voire éventuellement saisonnières, de potiers montanais partant pour Valéry, s’interroger sur les raisons qui ont pu motiver la création de cet atelier annexe à un peu plus de 15 km de distance de la fabrique principale. À première vue, celles‑ci ne sont pas très évidentes. Ce n’est certainement pas la présence, sur le site, de matières premières facilement exploitables qui peut, à elle seule, l’expliquer. Il existait en effet à l’époque bien plus près de Montans des lieux qui offraient les mêmes avantages. Quelques potiers ne se privèrent pas, on le sait, d’en exploiter certains (Saint‑Sauveur, Crambade). Le choix de cette implantation ne se justifiait pas non plus par la nécessité d’approvisionner à moindres frais un petit marché local. Hormis en effet quelques grands domaines agricoles dispersés dans la campagne environnante, il n’y avait aucun vicus, même modeste, aux environs de l’atelier. Une création, enfin, qui s’explique d’autant moins facilement que le site choisi était par ailleurs quelque peu éloigné des deux principales voies de communication qui participaient alors à la diffusion des céramiques montanaises, le Tarn et l’axe routier Toulouse/Rodez. Ainsi, ce ne sont pas apparemment des considérations d’ordre technologique ou commercial qui ont prévalu dans la décision d’implanter l’atelier à cet endroit. Cependant, quelles qu’aient été celles‑ci, il y a tout lieu de penser que le propriétaire de la villa qui se trouvait à proximité (cf. contexte historico‑géographique) n’a certainement pas été étranger à sa création. Cela pourrait laisser supposer qu’il était lié d’une manière ou d’une autre au monde des potiers montanais. À ce propos, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre le nom du lieu « Valéry » et celui d’un des plus célèbres potiers montanais du milieu du ier s., Valerius.

■ La diffusion

112Étant donné la similitude des sigillées de Valéry et de Montans, il est très difficile d’apprécier à sa juste mesure l’importance de la production de l’atelier graulhétois. De même, on éprouve quelque gêne à cerner l’étendue de sa diffusion. Cela dit, il est à peu près certain que les vases produits à Valéry ont suivi les mêmes circuits de distribution que ceux réalisés à Montans, pour se vendre principalement sur les marchés du sud‑ouest de la Gaule (région toulousaine, Bordelais, Saintonge, etc.). Diverses découvertes faites notamment à Auch, à Bordeaux et à Saintes tendent à confirmer ce point de vue.

■ Bibliographie

113LABROUSSE (M.). — Informations archéologiques de la circonscription de la région Midi‑Pyrénées. Gallia, XXIV, 2, 1966, pp. 445‑446 ; XXX, 2, 1972, pp. 505‑506.

114MARTIN (Th.). — L’Ensemble gallo‑romain de Valéry, commune de Busque (Tarn). Travaux et Recherches, Bulletin de la Fédération Tarnaise de Spéléo‑Archéologie, 9, 1972, pp. 102‑120.

115MARTIN (Th.). — L’Atelier de Valéry (Tarn) : ses rapports avec ceux de Montans. Figlina, 1, 1976, pp. 1‑12.

116MARTIN (Th.). — Quelques décorateurs de vases à parois fines de Montans. In : 103e Congrès national des sociétés savantes (Nancy‑Metz 1978), Archéologie, pp. 239‑264 (cf. p. 244, à propos de la production de gobelets à parois fines à Valéry).

117PICON (M.), CARRÉ (C.), CORDOLIANI (M.‑L), VICHY (M.),

118HERNANDEZ (J.‑A.), MIGNARD (J.‑L.). — Composition of the La Graufesenque, Banassac and Montans Terra Sigillata. Archaeometry, 17, 2, 1975, pp. 191‑199.

■ Collections principales

119Collections publiques en France: bibliothèque municipale de Graulhet ; dépôt de fouille de Montans.

■ Responsable actuel du site

120Le Directeur des Antiquités historiques de la région Midi‑Pyrénées.

Carrade

121L’atelier se trouve dans le département du Lot, arrondissement de Figeac, canton de Cajarc, au lieu‑dit Carrade, à environ 145 m d’altitude dans la plaine alluviale de la rivière.

■ Circonstances de la découverte et état du site

122Il a été découvert en 1968, à la suite de travaux de remembrement qui, en modifiant le terrain (en particulier, déplacement du ruisseau près duquel avait été établie l’officine), ont produit des tessons de vases décorés. Amené à visiter le site, nous avons vu des indices permettant de conclure à la fabrication en ce lieu de céramiques sigillées et nous avons effectué un grand sondage qui a mis au jour un premier four. Trois autres ont suivi, réalisés en 1969, 1970 et 1971. Après une interruption motivée par la préparation d’une première publication, des fouilles programmées ont été faites, de 1973 à 1978. En 1975, nous avons découvert une annexe de l’atelier sur la moyenne terrasse (altitude : environ 179 m) dominant le site de Carrade, au lieu‑dit Mas‑de‑Cardaillac, commune de Cajarc. La fouille de sauvetage qui y a été effectuée n’a révélé aucune structure mais a permis de retrouver les mêmes sigillées décorées caractéristiques.

123En raison à la fois de la nécessité de remise en état du terrain pour la poursuite des cultures et de l’envahissement habituel de la partie de champ où se trouve l’atelier par les eaux du Lot en crue, toutes les structures dégagées ont dû être recouvertes et les fosses et tranchées, comblées. La superficie présumée du site archéologique est d’environ 1 000 m2.

■ Contexte historico‑géographique

124Si, comme on le croit généralement, les limites de l’ancien Quercy représentent bien celles du territoire des Cadurci, l’officine de Carrade appartenait à cette « cité », mais elle était située sur la limite de celle des Rutènes. D’implantation rurale, à l’écart dans un cul‑de‑sac formé par une barrière rocheuse d’un côté, et la rivière de l’autre, elle dépendait peut‑être de la villa dont le nom se perpétue dans celui de Gaillac, vieux village et une des deux anciennes paroisses de la commune de Cajarc.

125Les voies de communication les plus importantes de la région étaient au nord la route d’Agen à Clermont, au nord‑est celle de Rodez à Périgueux, au sud celle de Rodez à Cahors et Périgueux, à l’ouest la route de Toulouse à Limoges qui passait par Cahors : voies terrestres — dont la plus proche de l’atelier, la troisième, se trouvait à une dizaine de kilomètres, à vol d’oiseau. On l’atteignait, selon le cas, par des chemins grimpant sur les plateaux ou par la rivière du Lot qui a été longtemps navigable une bonne partie de l’année et qui passe à 50 m de l’atelier.

126En ce qui concerne les matières premières utilisées par les potiers, nous ignorons l’origine précise des argiles mais, selon M. Guy Astruc, géologue au B.R.G.M., elles pouvaient provenir soit de la « basse plaine » du Lot, soit de poches karstiques ; l’eau était fournie par le ruisseau voisin, de nos jours intermittent, ou le cas échéant par la rivière ; quant au bois, notamment le chêne, il abondait sans doute déjà sur les pentes et les hauteurs proches.

127La datation de l’atelier a été faite, essentiellement, par référence à ceux de La Graufesenque et de Montans, en comparant les formes et les décors des céramiques. Si la plupart des fragments de vases ornés et des moules de même style recueillis à Carrade appartiennent à l’époque flavienne, des tessons de vases ratés et des moules importés de forme Drag. 29 semblent bien remonter à la période tibéro‑claudienne, à laquelle sont aussi attribuables les formes lisses Drag. 17A ou apparentées, Ritt. 1, Ritt. 5, Halt. 14, également fabriquées par l’atelier. Quant à la cessation de la production, au moins de la sigillée moulée, elle a dû se produire vers la fin du ier s. avec le déclin de celles de Montans et de La Graufesenque. L’officine a aussi compté des tuiliers et la découverte du four no 2 rempli de pierres calcinées prouve qu’on y a également fait de la chaux.

■ Activité céramique

128Quelles furent la place et l’importance relative des productions sigillées ? Celles‑ci ont certainement fait partie des premières céramiques fabriquées sur le site. Il n’est pas possible d’être plus précis, car les fragments de poterie de la période initiale recueillis sont relativement rares. Il semblerait que le ruisseau tout proche de l’atelier, voire directement le Lot lui‑même, aient servi d’exutoire à des dépotoirs. Mais, en même temps que les sigillées, Carrade a produit des céramiques fines (en particulier des coupes carénées et le type de coupe « gauloise » à bord rentrant) à beau vernis orangé clair, comptant des formes guillochées et des coupes et assiettes à la face interne partiellement ou totalement métallescente (la métallescence semble bien avoir été d’abord un accident heureux de cuisson), des petits vases cylindriques moulés à pâte tendre, des gobelets à paroi mince, des bols à engobe blanc et bandes orangées, des vases à couverte blanchâtre et décor géométrique peint de type « Roanne », des cruches peintes, certaines à mouchetures, des coupes tripodes granitées à la barbotine, des patères dorées au mica, des petits godets à enduit blanc ou blanchâtre et des poteries plus communes, non engobées. La fabrication de vases à têtes d’applique, suggérée par un moule de tête et un tesson présentant un autre type, découverts lors des sondages initiaux, n’a pu être vérifiée. Toutefois l’étude du matériel céramique n’étant pas terminée, nous ne pouvons rien dire encore sur d’éventuelles productions postérieures à la sigillée. Il est également très malaisé d’apprécier, même de façon approximative, la proportion des sigillées par rapport aux autres produits. Nous l’avons vue varier avec les couches, d’ailleurs pas toujours sûres pour la raison indiquée plus haut. Cependant, dans le dépotoir attenant au four no 4 où une couche compacte de briques et de tuiles isolait la plus basse (IV), pratiquement dépourvue de sigillée locale, de la couche II, près de la moitié de la céramique de cette dernière était constituée de coupes Drag. 35/36 et de fragments de Drag. 30 et37.

129Si l’on s’interroge sur les relations de la production sigillée avec celle d’autres sites, il apparaît que l’atelier est un atelier secondaire, dont les liens avec La Graufesenque et Montans ne font aucun doute. Non seulement la conception du décor et la quasi‑similitude de certains poinçons le prouvent, mais aussi les résultats fournis par le laboratoire concernant des moules dont l’un porte, qui plus est, la marque connue avec V pointé de Primus de Montans. Mais ce n’étaient pas ses seules relations : l’analyse d’une petite série de tessons de vases, dont certains sont estampillés ALBANI, FLAVSFE (avec point entre L et A et S rétrograde), NIGRINI, SEXTI, a révélé son homogénéité et, d’après le calcul des ressemblances, M. Picon a conclu que les céramiques de ce groupe n’appartiennent à aucun des ateliers connus des Causses mais à un atelier qui doit être situé dans la même région. De plus, nous savons depuis peu qu’il existe, soit par l’intermédiaire d’un même producteur de poinçons, soit par imitation, un rapport évident entre des vases ornés du Sud‑Ouest, d’origine également inconnue, et des décors qu’on n’ose plus dire spécifiques de Carrade tels que, notamment, l’Érotique.

130La définition physico‑chimique des produits est connue grâce aux analyses de pâtes faites par le Laboratoire de céramologie de Lyon (M. Picon). La première série qui figure dans la publication de 1973 ne portait que sur des produits de l’atelier et a mis en évidence le caractère non‑calcaire des sigillées et des moules. En voici deux exemples, complétés par le taux d’oxyde de manganèse :

131CAR 1 :
CaO : 3,5 ‑ Fe
2O3 : 5,80 ‑ TiO2 : 1,18 ‑ K2O : 4,30 ‑ SiO2 : 57,8 ‑ AI2O3 : 23,1 ‑ MgO : 2,15 ‑ MnO : 0,034.

132CAR II :
CaO : 3,3 ‑ Fe
2‑O3 : 6,00 ‑ TIO2 : 1,22 ‑ K O : 3,65 ‑ SiO2 : 57,2 ‑ AI2O3 : 24,8 ‑ MgO : 1,90 ‑ MnO : 0,036.

■ Définition archéologique du matériel sigillé

133La pâte des vases sigillés de Carrade est très dense, rarement fendillée. On y observe parfois à la loupe d’infimes particules blanches ou brillantes. Le vernis est tantôt mat, tantôt brillant. La brillance de la face interne des vases moulés est quelquefois plus forte que celle de la face externe décorée et l’on remarque sur celle‑ci des craquelures. En ce qui concerne les teintes, nous avons relevé, en faisant référence au Code expolaire, l’échantillonnage suivant, limité à des céramiques commercialisées ou commercialisables :

  • pâtes : teintes voisines de C48, D28, D34, D36, D43, D44, E42 ;

  • vernis : teintes voisines de F26, F28, F38, H38.

134Les estampilles découvertes à Corrode figurent toutes au fond des vases. La seule marque anépigraphe est une rosette à 9 pétales. Les marques épigraphiques ne comprennent que des noms uniques dans des cartouches rectilignes. Deux noms sont suivis du F qui abrège fecit. Une variété de la marque MARI se présente avec un cartouche aux extrémités en queues d’aronde. Seuls des timbres BRIGI.F se rencontrent également sur des cruches blanches ou orangées, parfois surmontés d’un cartouche vertical renfermant une palmette.

135La sigillée lisse offre surtout les formes Drag. 16, 15/17, 18/31, 4/22, 24/25, 27, Ritt. 8, mais l’atelier a aussi fabriqué des Drag. 17 et les formes apparentées Carrade 1 et 2, des Ritt. 1, 5, 9, 12, Curie 11, Hermet 9, Déchelette 67, ainsi que des flacons et des assiettes sans pied, à fond plat et paroi creuse simple, etc. (fig. 20). Comme cela a été observé ailleurs, les coupes Drag. 35/ 36 avec ou sans feuilles d’eau abondent à l’époque flavienne. Ont signé des vases lisses : Ambox, Affilas, Bassus, Brigi(nus ?), Capitus, Carillus, Cupitus, Marius, Primus (?), Pudens auxquels correspondent les estampilles AMBOS rétro, ATTIL, BASSVS, BRIGI.F, CAPITVF, CARILLVS avec R rétrograde, CVPITI, MARI, PRIMVS avec M et V pointé liés (exemplaire unique incomplet et déformé), PVDENTIS avec Net T liés et PVDE (fig. 21).

• 20. Corrode. Sigillée lisse : formes atypiques ou rares.

• 21. Carrade. Tableau des signatures sur formes lisses.

136La sigillée décorée (fig. 22 et 23) présente comme types principaux les formes moulées Drag. 29, 30 et 37, avec une nette prédominance des 37 à l’époque flavienne. Un ove caractéristique, avec un dard à pointe bifide placé à gauche et une guirlande faite de bifols assez raides et pointus, parfois répétée sur le même vase, signent le décor des Drag. 30 et 37. Peuvent aussi être considérés comme spécifiques certains Amours, dont l’un assis, tourné à droite, et un autre (« l’Érotique ») dansant avec une femme qu’il soulève dans ses bras ; un gros chien au long museau carré courant à droite, un curieux animal assis où on a voulu voir une biche, etc. Les noms des potiers producteurs de sigillée décorée demeurent inconnus ; l’attribution d’une estampille CAPITVF à un vase caréné, faite dans la première publication, semble avoir été une erreur.

• 22. Corrode. Exemples de décors sur formes moulées. 1‑6 : Drag. 29 ; 7‑9, 11‑13, 15 : Drag. 30; 10, 14, 16‑18 : Drag. 37.

• 23. Carrade. Exemples de décors sur formes moulées Drag. 37.

■ La fabrication

137Quatre fours ont été découverts et fouillés, tous différents : le premier, circulaire ; le second, semi‑circulaire (en réalité, dépassant le demi‑cercle) et comportant un mur frontal en maçonnerie ; le troisième, oblong, en forme de bateau ; le quatrième, rectangulaire à deux canaux. Les autres vestiges de structures mis au jour consistent en trois piliers quadrangulaires alignés et une large paroi perpendiculaire à cet axe, à une extrémité, le tout bâti en tegulae et la paroi portant un mince revêtement en terre cuite (reste d’un ancien four ?). Une seule fosse à argile a été retrouvée, qui renfermait une argile ocre jaune.

138Les outils recueillis se limitent à un tire‑braise, abandonné au fond du premier four, un couteau en fer à soie courbe, une très fine spatule en bronze, une petite boule de granit ayant dû servir de broyeur, une molette pour la décoration de vases communs. En plus grand nombre ont été trouvés des accessoires de four et d’enfournage : tuyaux, pseudo‑tournettes, cales en forme de bobines et, surtout, de très nombreux « colifichets ». Par ailleurs le site n’a livré aucun moule entier et aucune signature sur des moules portant les décors caractéristiques de l’atelier. Les deux seules marques recueillies sont en effet un cartouche à extrémités en queues d’aronde de Primus de Montans, placé au pied du décor d’un moule de Drag. 29 partiellement reconstitué, et le graffite COIO figurant sur la face externe d’un moule de lagène également importé.

■ Les potiers

139Les potiers portent tous des noms uniques, dont certains sont connus dans les grands ateliers du Sud. La lecture d’un débris de timbre sur un tesson trop cuit et déformé tendrait à prouver qu’un Primus ne s’est pas contenté de fournir des moules à l’atelier mais y a travaillé. De plus, en raison des relations prouvées avec La Graufesenque et Montans, il est raisonnable de penser qu’Attilus, Bossus, Carillus, Pudens ont pu venir également du pays des Rutènes. La différence existant entre leurs signatures de Carrade et celles de Millau et de Montans pourrait s’expliquer par la volonté de distinguer les productions.

■ La diffusion

140Pour le moment, elle n’est certaine que vers l’Ouest : Cahors, l’oppidum de l’Impernal à Luzech (Lot), Périgueux et Saintes (ces deux derniers points sont connus grâce à des articles de J.‑L. Tilhard, mais à la céramique moulée publiée il faut sans doute ajouter une estampille MARI du musée de Périgueux) ; et présumée vers le Massif central, en raison des timbres PVDENTIS avec Net T liés des musées d’Aurillac et de Clermont‑Ferrand, ainsi qu’à Brive, où F. Moser vient de signaler une estampille CAPITVF sur Drag. 24/25 qu’il juge identique à celle de Carrade. Les vases destinés à Cahors et à l’Impernal ont dû, tout simplement, descendre la rivière du Lot ; ceux de Saintes poursuivre jusqu’à la Garonne, par celle‑ci gagner Bordeaux et, de là, leur destination ; ceux de Périgueux ont sans doute été transportés par la route joignant Cahors à cette ville ; ceux d’Auvergne par la voie menant à Clermont.

■ Bibliographie

141PAUC (R.). — Les Céramiques sigillées rouges de Carrade. Bulletin de la société des études du Lot, t. XCIII, 1972, 2, Cahors, 1973.

■ Lieu de conservation du matériel

142Le mobilier céramique de l’atelier de Carrade est conservé provisoirement par le responsable des fouilles à Cahors.

■ Responsables actuels du site

143Responsable des fouilles : René Pauc.

144Le Directeur des Antiquités historiques de la région Midi‑Pyrénées.

Brive

145L’officine est située à 114 m d’altitude sur un promontoire de la terrasse würmienne, composé de galets, sables et argiles verdâtres, au cœur de la ville de Brive, arrondissement et canton de Brive.

■ Circonstances de la découverte

146Cet atelier a été découvert fortuitement et fouillé partiellement en sauvetage de 1979 à 1981 à l’occasion de la rénovation du quartier de la Vieille Halle. Il n’est pas précisément circonscrit et semble avoir été partiellement détruit dès le xive s. par la construction d’immeubles sur cave. Sa surface maximum pourrait être de 10 à 12 000 m2.

■ Contexte historico‑géographique

147Il s’agit vraisemblablement d’une implantation isolée, peut‑être liée à une villa (un fragment de brique de double cloison est le seul indice avec une base de pilier en grès, brasier d’un bâtiment un peu riche). Sa situation topographique au voisinage immédiat d’un carrefour de routes (secondaires ?) reliant Toulouse à Limoges et Bordeaux à Lyon, près de la Corrèze, et à proximité d’un pont ou d’un gué (Briua Curretia, Grégoire de Tours) en fait un lieu privilégié pour l’exportation.

148En guise de matériaux, les bancs d’argile sous‑jacents ont certainement été utilisés pour d’autres productions (céramiques communes, statuettes) et aussi, sans doute, les argiles des massifs calcaires situés à une dizaine de kilomètres au sud et à l’ouest. Les côteaux, encore richement boisés de nos jours, du bassin de Brive et des gorges en amont de la Corrèze ont pu fournir le combustible nécessaire, tandis que l’eau a pu être puisée dans le Verdanson ou dans les deux puits mis au jour en 1979 et 1984.

149Pour dater ce petit atelier de la période 85 - 117 ou 138, nous ne disposons que d’un dupondius de Domitien et de céramiques sigillées provenant de Lezoux et surtout de la Gaule du Sud.

■ Activité céramique

150La région n’a pas fait l’objet de fouilles suffisantes pour mettre en évidence la richesse ou la pauvreté du bassin de Brive. Michel Labrousse a publié la villa de La‑Roche‑de‑Saint‑Sernin, fouillée dans la première moitié du xixe s. qui a révélé un moule originaire de la Gaule du Sud ou très fortement influencé par les décors de cette région.

151La production de céramique sigillée semble très éphémère et liée à la fabrication de statuettes en terre blanche dont on a retrouvé treize moules et des centaines de rebuts de cuisson. De la céramique commune a sans doute aussi été tournée sur place. La fouille de la couche sous‑jacente à celle des statuettes et de la céramique sigillée a révélé une quantité anormale de boulettes de verre et de fragments de panses et d’anses qui pourraient faire penser à un atelier de verrier, mais aucune étude n’est encore entreprise. Par ailleurs, les fouilles d’installations médiévales ont révélé l’existence probable de potiers au xiie s. et au xve s. Des poteries sont attestées au xviiie s., par un cadastre de 1748, à l’autre extrémité de la ville.

152L’analyse au laboratoire de Lyon de 23 échantillons — 4 vases sigillés lisses de Brive et 19 décorés du « groupe de Brive » — montre qu’ils se distinguent des produits de tous les ateliers actuellement connus, en particulier La Graufesenque et Carrade. Valeurs moyennes obtenues : Na2O = 0,29 ; K2O = 4,91 ; MgO = 1,47 ; CaO = 7,45 ; MnO = 0,075; AI2O3 = 21,9 ; Fe2O3 = 4,81 ; SiO2 = 57,9 ; TiO2 = 0,99 ; P2O5 = 0,38 pour cent ; Rb = 263 ; Sr = 202 ; Ba = 432 ; Ni = 75 ; Zn = 50 ; Cr — 123 ; La = 43 ; Ce = 94 ; Zr = 160 ; V = 153 parties par million.

■ Définition archéologique du matériel sigillé (fig. 24 à 26)

• 24. Brive. Décors du « groupe de Brive » : en haut, exemples de frises sur Drag. 37 ; en bas, poinçons caractéristiques du groupe

dessins de J.‑L. Tilhard.

• 25. Brive. Répartition des productions du « groupe de Brive » : état des recherches en février 1985 ().

carte établie par J.‑L. Tilhard

• 26. Brive. Formes Drag. 35‑36 (service A d’A. Vernhet) trouvées à Brive: a. diagramme des relations entre diamètre du bord et hauteur; b. diagramme des relations entre diamètre du bord et diamètre du pied ; pois noirs : diamètres les plus fréquents à Brive; triangles: diamètres les plus fréquents à La Graufesenque ; à l’intérieur des traits pleins: vases de La Graufesenque ; à l’intérieur des tracés tiretés : vases sigillés de Brive dont la hauteur est conservée.

153La céramique sigillée fabriquée à Brive révèle des liens indiscutables avec La Graufesenque: poinçons semblables pour la céramique moulée, formes et signatures pour des vases tournés. S’agissant de rebuts de cuisson, la couleur et l’état de l’engobe sont des plus variés, la pâte semble peu ou non micacée, mais d’autres analyses seront prochainement entreprises par le laboratoire de la D.M.F.

154Les rebuts de cuisson de sigillée lisse sont presque tous des éléments du service A de La Graufesenque mais le diamètre de base et la raison de la progression sont légèrement différents et les feuilles d’eau décorant le marli ont toutes la queue à droite de la foliole.

155Il faut noter aussi la présence d’un tesson de Drag. 15‑17 portant, collés sur la face supérieure, les restes d’un pied d’une autre assiette évoquant un mouton. Parmi tous ces rebuts de cuisson, 15 sont estampillés avec des poinçons habituellement utilisés pour orner des moules : 10 portent un petit oiseau, 5, une couronne composée de 11 trapèzes. Ces poinçons n’appartiennent à aucun répertoire connu. La fabrication de céramique sigillée moulée est attestée directement par un petit fragment de moule dont les quelques motifs ne permettent aucune filiation avec les ateliers connus. Mais il faut mentionner également l’existence du « groupe de Brive » mis en évidence par J.‑L. Tilhard qui en étudie la diffusion. Une quarantaine de vases sont rattachés à ce groupe à Brive même. Les tessons portent des motifs connus à La Graufesenque mais aussi des poinçons originaux (voir fig. 24) toujours beaucoup plus frais que les autres. Tous les vases moulés (Drag. 37) portent un sillon interne approximativement situé à la hauteur des oves.

■ La fabrication

156De la fabrication nous ne savons rien : quelques silex ont été mis au jour ainsi qu’un lissoir en os, mais ils ont pu servir à bien d’autres choses; un seul bâtiment a pu être directement associé à la céramique sigillée, c’est une construction en torchis sur solin de brasier armé d’une charpente en bois: un seul angle a pu être repéré.

■ La diffusion

157Dans l’état actuel des connaissances, l’aire de diffusion du « groupe de Brive » s’oriente vers le nord/nord‑ouest (sud de la Vendée : Périgueux, 30vases, et Saintes), vers la moyenne Garonne (Cosa, près de Montauban) Villeneuve‑sur‑Lot et Agen ; de plus, trois vases sont connus en Germanie dont le style et les motifs concordent bien. Aucune exportation n’est encore connue dans le Bassin méditerranéen, mais les études systématiques n’ont pas encore été entreprises dans le Massif central. Le « groupe de Brive » reste encore à l’état d’hypothèse tant que d’autres fouilles à Brive ne nous fournissent pas de moules.

■ Bibliographie

158MOSER (C. et F.). — Les Figurines gallo‑romaines en terre cuite de Brive dans leur contexte stratigraphique et chronologique. Travaux d’archéologie limousine, 2, 1982, pp. 17‑58.

159MOSER (F.). — La Sigillée ornée. Travaux d’archéologie limousine, 4, 1984, pp. 53‑84 (=formes Drag. 37).

160LINTZ (G.). — Carte archéologique de la Gaule romaine, t. XVI : département de la Corrèze. Paris, 1981, éd. du CNRS.

■ Lieux de conservation des collections

161Musée Ernest‑Rupin (où est conservée la quasi‑totalité du matériel archéologique recueilli officiellement à Brive de 1979 à 1981). Pour le « groupe de Brive », voir supra.

■ Responsables actuels du site

162Conservateur au musée Ernest Rupin : F. Moser.

163Le Directeur des Antiquités historiques de la région du Limousin.

Table des illustrations

Légende • 1. Carte des ateliers tarnais : Montans, Saint‑Sauveur, Crambade, Valéry.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 27k
Légende • 2. Choix d’estampilles montanaises : A. épigraphiques ; B. anépigraphes.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Légende ● 3. Montans. Sigillée lisse : formes principales.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 107k
Légende ● 4. Montans. Sigillée lisse : formes rares ou inédites (de 5 à 40 ap. J.‑C.).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 97k
Légende ● 5. Montans. Sigillée lisse : formes rares ou inédites (de 40 à 100 ap. J.‑C.).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Légende ● 6. Montans. Sigillée lisse : formes rares ou inédites (de 100 à 225 ap. J.C.).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 109k
Légende ● 7. Montans. Sigillée décorée : formes principales.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 165k
Légende • 8. Montans. Sigillée décorée : coupes carénées Drag. 29B des années 60/70 ap. J.‑C. (no 1 à 9) ; bols hémisphériques Drag. 37 de la seconde moitié du er s. de notre ère (nos 10 à 17). Marques : Cunas (Cunasus) sur 1‑69 ; Eutic (Euticus) sur 7‑8. Décors : vase no 10 (style de Logirnus ; vases nos 11‑17 (style d’Attilus).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 231k
Légende • 9. Montans. Sigillée décorée : bols hémisphériques Drag. 37 (100 à 175 ap. J.‑C.). Décors : vases no 1‑2 (style de Felicio) ; vases nos 3‑4 (style de Secundus II) ; vases no 5‑6 (décorateurs anonymes, vers 150/175).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 193k
Légende • 10. Aire de diffusion des céramiques sigillées montanaises aux deux premiers siècles de notre ère.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 75k
Légende • 11. Crambade. Les timbres épigraphiques : répartition par forme.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 111k
Légende • 12. Crambade. En haut : répartition des marques anépigraphes par forme. En bas : 1, comparaison globale du nombre des marques épigraphiques et anépigraphes ; 2, graphique analytique du nombre des attestations connues des marques épigraphiques (classées par potiers) et des marques anépigraphes ; 3, formes des cartouches des marques épigraphiques (A, rectangulaires, B, circulaires).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
Légende • 13. Crambade. Accessoires de cuisson et systèmes d’empilement.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
Légende • 14. Crambade. En haut : principales formes lisses et décorées produites dans l’atelier. En bas : exemples de décors.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 184k
Légende • 15. Crambade. Exemples de décors.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 142k
Légende ● 16. Saint‑Sauveur. Moules de bols Drag. 37 de Logimus.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 190k
Légende • 17. Valéry. Formes principales : 1, Drag. 29B ; 2, Drag 15/17 ; 3, Drag. 18 ; 4, Drag. 23 ; 5, Ritt. ; 6, Drag. 24/25 ; 7, Drag. 27 ; 8, Ritt. 8.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 22k
Légende • 18. Valéry. Choix de décors relevés sur des coupes carénées Drag. 29B de Valéry : 1 à 12, frises supérieures ; 13 à 23, médaillons ; 24 à 26, palissades godronnées ; 27, structure décorative d’un Drag. 29B marqué VLATVGNI.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 213k
Légende • 19. Valéry. Tableau des correspondances entre formes et timbres de potiers (fouilles été 1971).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 143k
Légende • 20. Corrode. Sigillée lisse : formes atypiques ou rares.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 11k
Légende • 21. Carrade. Tableau des signatures sur formes lisses.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 117k
Légende • 22. Corrode. Exemples de décors sur formes moulées. 1‑6 : Drag. 29 ; 7‑9, 11‑13, 15 : Drag. 30; 10, 14, 16‑18 : Drag. 37.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 209k
Légende • 23. Carrade. Exemples de décors sur formes moulées Drag. 37.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-23.jpg
Fichier image/jpeg, 190k
Légende • 24. Brive. Décors du « groupe de Brive » : en haut, exemples de frises sur Drag. 37 ; en bas, poinçons caractéristiques du groupe
Crédits dessins de J.‑L. Tilhard.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-24.jpg
Fichier image/jpeg, 171k
Légende • 25. Brive. Répartition des productions du « groupe de Brive » : état des recherches en février 1985 ().
Crédits carte établie par J.‑L. Tilhard
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-25.jpg
Fichier image/jpeg, 119k
Légende • 26. Brive. Formes Drag. 35‑36 (service A d’A. Vernhet) trouvées à Brive: a. diagramme des relations entre diamètre du bord et hauteur; b. diagramme des relations entre diamètre du bord et diamètre du pied ; pois noirs : diamètres les plus fréquents à Brive; triangles: diamètres les plus fréquents à La Graufesenque ; à l’intérieur des traits pleins: vases de La Graufesenque ; à l’intérieur des tracés tiretés : vases sigillés de Brive dont la hauteur est conservée.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32363/img-26.jpg
Fichier image/jpeg, 40k

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1986

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