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La terre sigillée gallo-romaine

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Colette Bémont
, 
Jean-Paul Jacob

Introduction

Colette Bémont et Jean‑Paul Jacob

Texte intégral

1En 1904 l’ouvrage fondamental de J. Déchelette — Les Vases céramiques ornés de la Gaule romaine — offrait un état des ateliers de sigillée connus en Gaule et en Rhénanie et établissait un répertoire de formes, de décors, de produits, de potiers. En 1920, l’Introduction to the Study of Terra Sigillata, publiée par F. Oswald et T.D. Pryce, compléta cette documentation par une classification synthétique des formes non décorées, établie à partir des principales typologies partielles : celles de Dragendorff, Ritterling, Curle, Ludowici, en particulier. Le même F. Oswald, avec l’Index of Potiers’ Stamps on Terra Sigillata (1931), fournit un catalogue des noms et marques de potiers, de leur origine (certaine ou présumée), des formes portant ces signatures. Depuis cet immédiat avant‑guerre aucune information aussi complète et globale n’a été diffusée sur les ateliers de céramique et leur population de fabricants. H. Comfort, en 1940, dans le septième supplément à la Real‑Encyclopädie der Altertumswissenschaft, et, en 1968, dans l’Enciclopedia Italiana, procéda à une révision de l’inventaire des sites et de la bibliographie essentielle, mais, compte tenu du caractère encyclopédique d’études consacrées à l’ensemble des ateliers orientaux et occidentaux, ne réserva qu’une place limitée aux centres gallo‑romains de production de sigillée.

2Nous ne disposons, depuis près de vingt ans, d’aucune mise à jour générale, d’aucun outil de travail qui nous permette de reprendre utilement une histoire des fabriques, de connaître l’état des découvertes, ou le degré d’exploitation des sites depuis longtemps recensés, voire de retrouver, sans peine excessive, les publications les plus importantes pour chacun d’eux. De plus, l’orientation des recherches archéologiques vers les problèmes socio‑professionnels et les relations commerciales au niveau de l’Empire sollicite l’attention des chercheurs vers des types nouveaux d’informations : par exemple, l’analyse critique du mode d’implantation des ateliers ou du contenu et de la place des marques... Enfin, la prolifération récente des découvertes de petites unités de production, la contradiction apportée aux traditions tenaces par les témoins de périodes d’activité très précoces ou tardives, venus au jour dans des centres datés, récemment encore, surtout par leurs exportations lointaines, conduit à s’interroger sur les modalités réelles du développement et de l’évolution de cette « industrie » en Gaule.

3La conscience, sinon de tous ces problèmes, du moins des difficultés que soulevait, pour chacun des membres de notre équipe de recherche, le moindre travail de documentation hors des limites étroites de sa compétence, nous a incités à chercher un palliatif..., dans la mesure de nos moyens, c’est‑à‑dire en unissant nos efforts et en sollicitant le concours d’autres chercheurs responsables, à des titres divers, d’ateliers de sigillée. Tous ont accepté de collaborer à la constitution d’un fichier documentaire dont les rubriques et les normes ont été définies au terme de longues discussions et (presque) toujours respectées par les auteurs : nous avons trouvé là la matière des notices consacrées aux quarante‑cinq (?) ateliers, plus ou moins fouillés ou prospectés, connus en France. Par ailleurs, les rapports de synthèse — bilans, exposés de méthode ou d’histoire régionale — présentés et discutés lors d’une table ronde en mai 1985 ont tendu à projeter un éclairage plus juste, à ce moment de nos recherches, sur l’histoire d’une production dont trop d’aspects nous échappent encore.

4Des limites toutefois durent être fixées à notre programme. Elles tenaient d’abord à l’extension technique et chronologique de l’enquête. Conscients des problèmes multiples que ne manqueraient pas de soulever des produits céramiques plus ou moins différents, et souvent issus des mêmes ateliers, après la période de grande expansion des sigillées gallo‑romaines — nature des pâtes, mode de cuisson, typologie, terminologie... —, nous avons strictement borné nos ambitions à l’étude de la production de certaines qualités de vaisselle: les premières tentatives de copies des produits sigillés italiques et les sigillées gallo‑romaines proprement dites (à engobe grésé, cuisson oxydante, etc.), donc à une période qui, selon les régions où se développa cette activité, s’étend du règne d’Auguste à celui d’Antonin, ou couvre le ier et le iie s., voire les premières décennies du iiie. Faute de gros moyens, nous avons choisi de limiter l’enquête approfondie au territoire de la France.

5Autre contrainte, lors de l’élaboration du projet : la place respective réservée à la présentation des ateliers et à celle de leurs produits. Chaque site, ou presque, méritait une monographie détaillée : nous ne pouvions évidemment pas mener à bien une telle entreprise. Faute d’une exhaustivité impossible, nous avons tenté d’offrir au lecteur, pour chaque atelier et sous une forme commode, une série d’informations indispensables et diverses touchant à l’histoire des fouilles, à la nature du site et de l’environnement, aux conditions, à la durée et la variété de l’activité céramique, et, surtout, aux moyens d’ordres bibliographique, muséographique, voire administratif qui permettraient à chacun d’avoir accès personnellement à une documentation plus complète, au gré de ses besoins ou de sa curiosité.

6Que résulte‑t‑il globalement de cet effort collectif ? Apparemment une conception beaucoup plus nuancée du développement de cette industrie, une vision plus critique et moins schématique de l’apparition et du déclin des ateliers principaux, une conscience plus nette des variations importantes qu’entraîne, dans l’évaluation de la durée et de la diversité d’une production, la distance qui sépare le centre de diffusion des sites consommateurs choisis comme références. Divers problèmes aussi se sont fait jour, ou ont pris une acuité nouvelle, grâce, en particulier, aux confrontations avec les officines périphériques: ceux, entre autres, de la constitution des répertoires iconographiques et du déclin de la créativité (actuellement très sensible, dans l’Est, dès le milieu du iie s.), de la concurrence, ou de la succession selon les régions, des vaisselles à cuisson oxydante (réputées « vraies sigillées ») et des produits similaires, à cuisson mixte, voire de la place faite dans le choix des formes à la normalisation ou à la fantaisie, selon l’importance des unités de production.

7Cette collaboration, au demeurant très cordiale, a fait sentir à chacun la difficulté qu’il y aurait, actuellement, pour un seul d’entre nous à maîtriser l’ensemble d’une documentation maintenant pléthorique et trop souvent inédite. Elle nous a prouvé, plus positivement, que chaque enquête individuelle avait tout à gagner de telles rencontres et ne prendrait ses proportions exactes, sa réelle portée historique et économique que si l’atelier pouvait être justement situé au milieu du faisceau des relations multiples qu’impliquent commerce, dépendance, concurrence... Il s’agit ici d’une tentative, d’un bilan modeste mais utile, plutôt de l’amorce de recherches prometteuses que de conclusions définitives et stériles, du moins espérons‑le.

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1986

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