Les maisons gallo-romaines d’Ambrussum (Villetelle-Hérault)
|Conclusion
Texte intégral
1Au terme de la fouille du secteur IV, on connaît mieux le processus d’urbanisation que l’oppidum d’Ambrussum a vu se développer à partir de la première moitié du iiie s. av. n. è. Les statigraphies observées dans ce quartier en ont fait apparaître les grandes étapes : la construction du rempart et d’un monument en appareil pseudo-isodome dans la seconde moitié du iiie s., l’aménagement de terrasses dans l’habitat à la fin du iie s, l’introduction de techniques nouvelles dans l’architecture domestique durant le troisième quart du ier s. av. n. è. et enfin l’occupation de maisons à cour intérieure à partir des environs de 40 jusque vers 100.
- 1 Le site d’Ensérune a été occupé au Haut Empire comme J. Jannoray l’a partiellement reconnu dans les (...)
2Les trois derniers stades sont postérieurs à la conquête de la Gaule méridionale. C’est d’ailleurs sous la domination romaine (au cours du ier s. av. n. è.) que des monnaies à légende latine au nom d’Ambrussum y ont été frappées. Les événements politiques dont la région a été alors le théâtre n’ont donc pas pu être sans influence sur ce processus d’urbanisation. A l’évidence, ils n’ont pas conduit à l’étouffement progressif de la communauté indigène. De façon schématique, on a souvent situé au temps d’Auguste le remplacement de la « civilisation des oppida » par « la culture gallo-romaine, celle des villes et des grands domaines de la plaine » (Jannoray 1955 : 459). Mais les maisons à cour intérieure d’Ambrussum ne procèdent-elles pas aussi, au Ier s. de n. è., de cette culture gallo-romaine ? Elles témoignent de la vitalité d’une communauté indigène qui s’est dotée, dès le ier s. av. J.-C., d’une voirie pavée et d’un bâtiment public. La position d’Ambrussum sur la voie domitienne ne suffit pas à expliquer cette vitalité. D’autres oppida du Languedoc oriental, en dehors de cet itinéraire, ont connu une urbanisation comparable (Fiches 1980b), et Ensérune même semble bien avoir été occupé au moins jusqu’à l’époque flavienne1. Il faut donc désormais tenir compte de la place qu’ont pu avoir, dans le cadre des cités de la Narbonnaise, les communautés villageoises d’origine protohistorique dont les maisons à cour intérieure d’Ambrussum sont une expression encore originale. C’est particulièrement vrai pour la cité de Nîmes ; son statut original noté par Strabon et Pline, avec vingt-quatre communautés qui lui payaient tribut et qui lui étaient attribuées, s’il témoigne de l’aménagement de réalités préexistantes à la constitution de la cité, a dû, en tout cas, engendrer des formes particulières d’organisation où l’exploitation villageoise tenait sans doute une large place.
3L’abandon des maisons à cour intérieure à la fin du ier s. correspond à celui de la hauteur d’Ambrussum ; mais le site n’a pas alors été entièrement déserté. En effet, le quartier bas, qui s’était développé au iie s. av. J.‑C., connaît de nouvelles transformations et est occupé jusque vers le milieu du iiie s. au moins. Cette implantation définitive dans la plaine, mais dans le cadre d’un habitat toujours groupé et urbanisé, constitue l’étape ultime des transformations qu’a connues l’agglomération d’Ambrussum. Au moment où les fouilles programmées se terminent sur l’oppidum, dans le secteur IV, j’ai eu la chance de pouvoir conduire un sauvetage programmé jusqu’en 1983 dans le quartier bas, pour tenter de mieux comprendre ces ultimes transformations. Ainsi on peut espérer compléter rapidement ces premières observations sur les maisons gallo-romaines d’Ambrussum, à la lumière des investigations les plus récentes.
Notes
1 Le site d’Ensérune a été occupé au Haut Empire comme J. Jannoray l’a partiellement reconnu dans les informations archéologiques de Gallia postérieures à la rédaction de son ouvrage (Jannoray 1953 : pp. 98-99 ; 1954 : pp. 417-418 et 1956 : p. 210). Il distingue alors, en plusieurs points du site, un niveau augustéen et tibérien, voire claudien. Il avait d’ailleurs reconnu dans sa synthèse la présence à Ensérune de sigillée gauloise du temps de Néron (Jannoray 1955 : pp. 455 et 453, fig. 43, n° S1008), tout en concluant à l’abandon de l’oppidum à l’époque augustéenne (p. 459). D’autres oppida du Languedoc occidental sont encore occupés au Haut Empire comme Le Cayla à Mailhac et Montfo à Magalas.
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1986