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Les maisons gallo-romaines d’Ambrussum (Villetelle-Hérault)

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Jean-luc Fiches

Chapitre 2. Étude architecturale

Texte intégral

1Après avoir situé, dans le chapitre précédent, les maisons à cour intérieure d’Ambrussum à la fois dans le temps et par rapport à l’architecture qui les avait précédées dans les deux quartiers où elles sont implantées, il est nécessaire d’analyser maintenant l’ensemble des données qui leur sont propres. L’objet de ce chapitre est d’en décrire l’architecture : techniques de construction et aménagements d’abord, plan et organisation ensuite, de manière à justifier notamment les propositions de restitutions qui constituaient l’un des buts de la fouille. Cette analyse descriptive fera également ressortir ce qui appartient, dans ces maisons, à la tradition locale et à l’influence romaine.

Techniques de construction et d’aménagements

■ Les murs

2S’il est un domaine où d’emblée la tradition semble respectée, c’est bien celui de la construction des murs. Les matériaux et leur mise en œuvre, de même que le liant, présentent dès l’abord un aspect tout à fait comparable à ceux des murs du iiis. av. n. è. découverts sur l’oppidum. On verra cependant qu’une observation attentive permet de déceler des différences qui n’en sont que plus significatives.

  • 1 Selon J.‑C. Bessac, ces retouches, limitées à la face appareillée, visaient à mettre d’équerre la f (...)
  • 2 Dans la maison A, par exemple, murs nord et sud de P. 1, murs de P. 4, murs est et sud de P. 7, par (...)

3Comme dans les constructions les plus anciennes, c’est le calcaire froid local du Valanginien inférieur qui a été utilisé ici comme matériau de base (Bessac 1979 : 134) ; on en a tiré un appareil certes irrégulier mais d’aspect généralement soigné. Le substrat stratifié selon un faible pendage a pu être exploité sans grande difficulté, et les blocs ont été utilisés soit bruts d’extraction soit après de légères retouches à la chasse ou au têtu1. De telles retouches, dont la densité varie selon les murs, mais qui sont déjà fréquentes sur le rempart, ne correspondent pas à une évolution particulière de la taille. Dans ce domaine, c’est le soin apporté à équarrir les blocs et à construire les jambes des piedroits et les chaînes d’angles qui, comme on le verra plus loin, constitue un réel progrès. Une autre nouveauté réside dans la diversification des matériaux : des fragments de tuiles sont utilisés comme cales, et des morceaux de pierre tendre, extraite à quelques kilomètres du village (Bessac 1979 : 135), sont réemployés parmi les blocs de certains murs2. De tels éléments ont été d’ailleurs retrouvés dans la couche d’effondrement des murs de plusieurs pièces : ainsi, dans la maison A, un bloc de calcaire coquillier blanc dans la pièce 1, un bloc de molasse coquillière dans la pièce 7 avec plusieurs fragments et un autre bloc de molasse coquillière dans la pièce 8 (Bessac 1979 : nos 52, 61, 63). Ces réemplois confirment le rôle déjà important de la pierre de taille dans les constructions qui ont immédiatement précédé l’édification des maisons du ier s. de n. è. dans lesquelles de tels matériaux ont également trouvé une place au niveau des ouvertures et du décor architectural. L’utilisation de la pierre de taille à Ambrussum remonte au iiis. av. n. è. (Fiches 1983a : 83), mais son insertion dans l’architecture domestique ne semble pas être antérieure au milieu du ier s. av. n. è. ; aussi l’extension de cet usage peut‑elle être mise au compte des nouveautés dans l’habitat et de l’influence romaine.

4Il reste que la mise en œuvre de ces matériaux est bien traditionnelle : comme au iiis., des blocs irréguliers sont liés avec une argile limoneuse vraisemblablement fournie par les alluvions récentes du Vidourle. Aucune trace de mortier de chaux dans cette argile, bien que le mortier soit employé dans l’aménagement de certains sols et revêtements. Ainsi l’épaisseur même des murs des maisons et des dépendances coïncide avec celle des murs plus anciens, soit 0,42 m à 0,46 m d’épaisseur, sauf pour les façades nord, ouest et sud de la maison A qui atteignent par endroits 0,50 m à 0,52 m, mais dont le renforcement s’explique par leur rôle de soutènement.

  • 3 P. Arcelin a bien voulu nous signaler ce renseignement inédit, qu’il trouve ici l’expression de not (...)

5Une telle épaisseur convient tout à fait à des murs entièrement construits en pierre. Le volume des éboulis et la hauteur conservée (de l’ordre de 1 m) dans l’angle nord‑ouest de la maison A pourraient militer dans ce sens. On n’exclura cependant pas à priori la possibilité de superstructures en terre crue : sur l’oppidum de Mouriès (Bouches‑du‑Rhône), P. Arcelin a, en effet, noté la présence de briques sur des murs de pierres de plus d’un mètre de hauteur3 ; d’autre part, la couche de limon argileux, découverte à la base de l’effondrement et particulièrement épaisse le long des murs, peut correspondre à de telles superstructures même s’il s’agit plus vraisemblablement du liant des murs infiltré sous les pierres effondrées. L’usage de la brique crue est d’ailleurs attesté à Ambrussum pour une période plus ancienne (supra, p. 34), et si la maison A n’a pas livré de structures en terre, on a reconnu des cloisons de terre dans les maisons B et C, grâce à la présence d’enduits au mortier de chaux entre les pièces 6 et 7 (maison B) et les pièces 9 et 10 ainsi qu’à l’ouest de la cour 2 (maison C) (Fiches 1976a : 98, 102).

6Ces murs ont été édifiés sur des fondations établies selon deux techniques différentes. La plus courante a consisté à construire en blocs appareillés de sorte que fondation et élévation ont le même aspect (fig. 24) ; suivant les cas, ce type de fondation a été ménagé en tranchée étroite, invisible à la fouille, ou plus généralement en tranchée débordant de 0,20 m environ et comblée avec des éclats de taille (dans la maison A, mur nord de P. 8, murs est et sud de P. 7). Le second type de fondation a également nécessité une tranchée large qui, dans ce cas, a été entièrement comblée par une semelle grossièrement appareillée, plus large que l’élévation du mur. Ce type a été rencontré dans la pièce 3 (murs ouest et nord), dans la pièce 8 (partie sud du mur ouest et mur est) et dans l’extension vers le sud de la pièce 4 de la maison A. Ces diverses techniques de fondations n’ont aucune signification chronologique puisque l’une et l’autre peuvent se rapporter à des murs nouvellement construits ou à des murs plus anciens conservés dans la maison. Plus signifiants à cet égard sont les types d’appareil que nous avons cru pouvoir distinguer, du moins l’un deux.

  • 4 Pour la description des techniques de construction des murs, je me suis référé à Pérouse (Pérouse 1 (...)

7En effet, un limousinage soigné, fait de moellons taillés en dépouille4, caractérise les chaînes d’angles et les jambes de piédroits, et se rencontre sur de courts tronçons compris entre un coin de pièce et une porte (mur est de P. 2, mur sud de P. 4, dans la maison A) ; il est également utilisé dans la reprise de l’angle nord‑ouest de la terrasse du secteur IV qui affecte les murs ouest et nord de P. 1 ainsi que la partie ouest du mur nord de P. 4 (fig. 17 et 24). Dans cette partie, en effet, plus de 90 % des moellons ont vu leur parement retouché et 25 % environ ont été équarris (fig. 37a).

● 37. Types d’appareil des murs (1 m2) : (a) limousinage soigné ; (b) forte proportion de blocs équarris ; (c) peu de blocs équarris.

8Les autres murs de la maison A se distinguent de ceux‑là essentiellement par une moindre fréquence des moellons équarris (moins de 11 %). Mais le nombre variable des retouches leur donne un aspect différent. Ainsi le mur nord et la partie nord du mur ouest de la pièce 8, les murs sud et est de la pièce 7 et, à un moindre degré, le mur ouest de cette pièce présentent un aspect régulier, dû notamment au petit module des moellons dont plus de 90 % ont été retouchés (fig. 37b). Cette proportion baisse dans certains cas, jusqu’aux environs de 30 % (murs ouest et nord de P. 2). Il existe même quelques murs en appareil irrégulier, caractérisés par le manque de soin apporté à leur construction (fig. 37c). La proportion de moellons retouchés y est inférieure à 20 % et les assises sont encore plus discontinues que dans les murs précédents, coupées notamment par de gros moellons plus épais. Ce sont le mur ouest de P. 3, celui qui sépare P. 2 et P. 3, le mur est et la partie sud du mur ouest de P. 8, et le mur ouest des dépendances, construits, sauf le dernier, sur une semelle de fondation.

9Tous les murs de la maison A ont été faits de la même façon mais le choix des matériaux y a été plus ou moins rigoureux, ce qui a modifié l’aspect de la construction. Ce phénomène est également sensible dans le mur nord des pièces 6 et 7 dont les lits ondulés s’expliquent par la présence d’un mur sous‑jacent (mur 13) que l’on n’a pas pris la peine d’araser (fig. 20). Une même campagne a donc pu connaître l’édification de murs de facture assez différente qui peut s’expliquer par la récupération de matériaux lors de la destruction de murs plus anciens ou bien par la présence sur le chantier de plusieurs équipes inégalement expérimentées. En tout cas, les murs latéraux de la pièce 4, édifiés lors de la période 7 et prolongés vers le sud à la période 8, ne présentent pas de nettes différences qui permettraient de caractériser la reconstruction par des techniques différentes de la période précédente. Seul le limousinage, qui a régularisé, les jambes des piédroits et les chaînes d’angles, apparaît comme une innovation.

■ Les ouvertures et les accès

  • 5 A. Michelozzi (Michelozzi 1982 : 49) cite deux cas seulement de renforts à Vié‑Cioutat (Gard) vers (...)

10L’examen de l’appareil des murs a mis en relief le soin particulier apporté à l’aménagement des ouvertures, y compris celle des dépendances, à la fois dans la construction des piédroits et dans celle des chaînes d’angles puisque la moitié des ouvertures a été pratiquée dans des angles. Le piédroit nord de l’entrée de la pièce 1, qui a conservé des traces de broche utilisée en percution perpendiculaire, illustre bien cette attention particulière dont ont fait l’objet les ouvertures de la maison. Les chaînes d’angles en besace, d’autre part, tranchent par leur régularité, avec les usages protohistoriques où les renforts d’angles, s’ils sont parfois marqués par des pierres plus grosses, ne forment jamais de véritables chaînes5. Enfin, les piédroits présentent une structure régulière en carreaux et en boutisses avec la superposition d’un parpaing et de deux ou trois moellons (fig. 14).

11Parfois, dans la maison A, à la porte est de P. 7 et à la porte de P. 8, les boutisses sont faites de dalles peu épaisses, posées en délit (fig. 38) selon un procédé connu à Nages au ier s. av. n. è. Le fanum de cet oppidum, construit vers 70 av. J.‑C., est d’ailleurs la construction la plus ancienne de la région qui présente des murs aux blocs bien équarris, avec un soin particulier apporté aux angles et aux piédroits (Py 1978 : 88‑89).

● 38. Maison A, entrée de P. 8 (niveau d’abandon). Pierre de seuil et jambe de piédroit avec dalles en boutisses.

  • 6 Larges de 0,27 m à 0,28 m, ces marches ont un pas qui varie entre 0,25 m et 0,34 m.

12Au niveau des accès, il faut noter la présence, dans la maison A, d’un escalier vers la terrasse inférieure, derrière une entrée qui n’a pas été conservée dans la façade sud, à l’extrémité du portique est de la cour. Cet escalier, large de 0,85 m, est plaqué contre le mur de soutènement (fig. 39) ; il a conservé trois de ses quatre marches faites de deux pierres plates sur trois assises6 ; il repose sur un mur d’échiffre construit de façon soignée, comme les murs de la maison. Sauf dans le cas de l’entrée située en haut de cet escalier et de celle de la pièce 3, la largeur des ouvertures a été mesurée de sorte que l’on distingue deux types de portes, étroites et moyennes, et des ouvertures larges de dimensions plus variables.

● 39, Maison A. L’escalier d’accès à la terrasse inférieure, vu de l’ouest.

■ Maison A

  • 7 Parmi les petites ouvertures, il faut aussi signaler celle qui a été ouverte sur une largeur de 0,8 (...)

13Les petites portes ont une largeur qui varie entre 1,20 m (P. 6), 1,30 m (P. 2) et 1,34 m (P. 4). Elles sont toutes percées au centre d’un mur et donnent accès aux pièces les plus petites de la maison. Elles devaient comporter une pierre de seuil mais aucune ne l’a conservée. La porte de la pièce 3, dont le piédroit sud a disparu, devait être de ce type7.

14Les portes moyennes ont une largeur de 1,50 m (P. 7 sud), 1,60 m (P. 8) et 1,65 m (P. 1). Ce sont toutes des portes d’angle qui ont une pierre de seuil : celle de la pièce 7, en calcaire froid local, n’a conservé qu’un fragment avec crapaudine. Les deux autres, qui sont en calcaire lacustre, avaient reçu des portes à deux panneaux : dans un cas (P. 1), deux battants pivotant sur des gonds dont l’un était fixé par une gâche ; dans l’autre (P. 8), un panneau pivotant et un panneau fixe engagé dans une glissière (fig. 38). Dans tous les cas, l’ouverture de la porte se faisait vers la droite en entrant (Bessac 1979 : nos 51, 60, 62).

15Les portes des dépendances, par leurs dimensions, se rattachent à cet ensemble : en effet, la porte ouest mesure 1,60 m et la porte murée dans la façade nord a une largeur de 1,80 m. Ces deux ouvertures se distinguent pourtant des précédentes par leur position centrale et, dans le cas de la porte ouest, par le fait que la pierre de seuil a été remplacée par une rangée de cinq pierres alignées vers l’intérieur de façon à former l’arête d’une marche.

  • 8 Cf. A. Michelozzi (Michelozzi 1982 : 67‑68) qui n’a relevé aucune largeur de porte supérieure à 2 m (...)

16A côté de ces deux types de portes qui s’inscrivent dans des dimensions courantes depuis la protohistoire, sont ménagées des ouvertures plus larges qui, aux périodes antérieures, restaient exceptionnelles8.

17L’une d’elles, large de 4,20 m et qui a reçu une sorte d’emmarchement peut‑être après l’abandon, commande l’accès entre la maison et les dépendances. Elle devait être fermée par un portail à deux battants dont la fixation était sans doute assurée à partir d’un bloc de molasse coquillière fiché dans le sol au centre du passage, en arrière de l’entrée. Ce bloc en effet (0,60 m x 0,50 m) porte sur son lit d’attente les traces d’une fixation en fer scellée au plomb,

18Deux autres de ces ouvertures étaient ménagées dans la façade est de la maison. La plus étroite (2,38 m) était percée dans le mur de la pièce 7 ; l’autre (2,94 m) était limitée par les angles des pièces 7 et 8 et s’ouvrait sur le couloir. Si les portes moins larges pouvaient être surmontées de linteaux en pierre aménagés pour recevoir le gond supérieur des panneaux, la largeur de celles‑là suppose plutôt la présence d’un linteau en bois. Rien d’ailleurs ne rappelle au sol la pierre de seuil : seule la fondation parementée de la façade court au niveau de ces ouvertures. Leurs vantaux de bois devaient être fixés aux piédroits.

19Mais l’ouverture la plus grande est celle de la pièce 5. C’est une baie qui a la largeur de la pièce (5,10 m), et qui devait se fermer par des volets à plusieurs battants. Deux dalles en calcaire coquillier blanc, creusées de deux mortaises et posées sur le sol à la base des piédroits, supportaient le système de fermeture (Bessac 1979 : nos 55, 56) ; quatre pierres de chant, plantées côte à côte dans le sol à 2 m de l’entrée dans l’axe de la pièce, fixaient la base d’un bois utilisé pour la fermeture des panneaux.

■ Maisons B et C

20On retrouve dans ces maisons des portes correspondant aux deux modules rencontrés dans la maison A. Des ouvertures larges de 1,20 m donnent accès aux pièces 1 et 3 de la maison B qui ont conservé une pierre de seuil à deux vantaux mobiles, et aux pièces 9 et 11 de la maison C dont le seuil creusé d’un trou de gâche supportait deux vantaux d’inégale largeur (Bessac 1979 : nos 1‑3, 6, 8‑10, 20‑23). Mais c’est seulement dans la maison B qu’ont été conservées des portes moyennes : entrée de la pièce 4, large de 1,70 m, avec seuil ; accès large de 1,60 m entre la pièce 5 et la galerie avec un seuil en trois blocs ; et entrée de la pièce 6 sans pierre de seuil.

21Les ouvertures larges sont, dans cet îlot, de dimensions moindres que dans la maison A. Ici, la plus importante est l’entrée de la pièce 2 dans la maison B, qui est une baie large de 3,40 m, munie de blocs à la base des piédroits creusés pour recevoir le cadre du chambranle. Dans la maison C, la pièce correspondante (P. 10) qui offre le même aménagement et qui correspond à la pièce 5 de la maison A n’a qu’une baie de 2 m de largeur. Trois autres ouvertures de l’ordre de 3 m se rencontrent dans ces maisons : elles ne sont pas pourvues de seuil ; elles donnent accès à la pièce 7 de la maison B et à la pièce 8 de la maison C, et l’une d’elles assure la communication entre la pièce 11 et le couloir de la maison B.

■ Les sols

22Dans la plupart des pièces, les sols restent identiques à ceux des périodes précédentes : de la terre avec d’éventuelles inclusions d’éclats de pierres dont la surface a été aplanie. Dans le passage donnant accès à la maison A, une telle surface de terre damée ne concernait qu’une bande le long de la façade de la maison et le long des dépendances ; la partie centrale, moins bien aménagée, laissait ressortir des pierres qui n’ont même pas été usées. Il est possible que les sols des cours intérieures, mal conservés, n’aient pas été mieux agencés. Les pièces les plus petites de la maison A (P. 2, 3 et 6) soit 15 % des parties couvertes ont reçu un sol en béton de tuileaux prévu dès la construction, comme l’a montré le sondage de la pièce 3. Dans cette pièce, le sol était établi sur un hérisson de pierres de chant en calcaire local, couvert par un béton épais de 0,10 m environ, composé de mortier de chaux, de gravier et de fragments de tuiles, et dont la surface plus fine avait été lissée. Ce type de sol n’a pas été utilisé dans la maison C. Par contre, dans la maison B, il couvrait les petites pièces ouvertes sur la cour (P. 1 et 3) et la galerie, occupant une superficie plus grande que dans la maison A (85 m2 ≠ 48,3 m2). Ce mode de construction est étranger à la tradition locale, on n’en connaît pas d’exemple plus ancien à Ambrussum ; et dans la région, un sol à décor réticulé en tesselles de l’oppidum de l’Ermitage, daté du 3e quart du ier s. av. n. è. (Dedet 1981 : 12), constitue un des premiers témoins sur un oppidum.

23La maison B a également livré d’autres aménagements de sol : un dallage en pierre locale dans l’espace 5 vraisemblablement découvert, et un sol de recoupe de calcaire tendre dans la pièce principale (P. 2).

■ Les revêtements et le décor architectural

24Dans la maison A, les pièces au sol bétonné avaient des murs couverts d’enduit peint, ce qui suppose un plafond également enduit. Les restes de ces revêtements étaient très mal conservés dans les pièces 2 et 3. En revanche, dans la pièce 6, était en place une plinthe rose, haute de 0,16 m, surmontée d’un filet noir épais de 15 mm et tracé suivant un trait incisé. Au‑dessus de cette plinthe, n’étaient conservées que des parties peintes en blanc sur lesquelles des tâches vertes apparaissaient ici et là. Le mur nord comportait en outre à ses extrémités une bande verticale bleue, large de 50 mm, qui couvrait la plinthe et se développait sur toute la hauteur conservée.

25Les murs de la pièce 5 étaient également couverts d’un enduit au mortier ; mais, dans ce cas, l’enduit simplement lissé n’avait pas reçu de peinture selon un procédé connu à Ambrussum dès le ier s. av. n. è, dans le quartier bas (Fiches 1981 : 33). Le mur nord du portique conservait des plaques de mortier à ses extrémités, et il est possible que la pièce 4 ait reçu de tels revêtements : son mur nord présentait quelques traces de mortier et quelques fragments d’enduit rouges et blancs ont été recueillis sur le sol. Mais l’utilisation des enduits peints est nettement plus importante dans le secteur I (61 m linéaires dans la maison B ; au moins 58 m dans la maison C contre seulement 48 m dans la maison A, auxquels il faut cependant ajouter au moins 18,5 m d’enduit simplement lissé).

26Dans la maison B, un soubassement fait de bandes jaunes et noires était conservé dans la pièce 2 ; dans la pièce 3, il était entièrement noir avec des taches rouges et blanches. Comme dans la pièce 1 et dans la galerie, les murs devaient être essentiellement rouges, parfois coupés de liserés blancs et verts d’après les fragments retrouvés dans la couche de destruction. Dans la pièce 6, le soubassement rouge était surmonté de jaune, et des liserés jaunes et verts séparaient des panneaux blancs et rouges.

27Le rouge dominait encore dans la maison C (portiques de la cour, pièces 9 et 10). Mais la pièce 11 avait conservé un soubassement blanc avec des taches de différentes couleurs. Les fragments rouges, parfois ornés de liserés blancs relevés par un filet bleu, y étaient associés à des fragments verts et noirs.

28Les autres pièces ne présentaient aucun aménagement des murs au mortier. Possédaient‑elles un enduit argileux comme on en a reconnu dans certaines maisons de la région dès le ve s. av. n. è. (Michelozzi 1982 : 54) ? La couche de terre jaune, particulièrement épaisse contre les murs, qui constitue la base du niveau de destruction de la maison, pourrait le laisser penser. On observera cependant que cette couche se rencontre aussi dans les pièces qui ont reçu un enduit au mortier (mais celui‑ci était plaqué sur de la terre) ; elle peut en fait correspondre au liant des murs qui s’est infiltré au‑dessous des pierres de l’effondrement.

29En dehors de ces aménagements, la maison A n’a conservé aucun élément de décoration. On peut cependant supposer que les portiques de la cour s’appuyaient sur une colonnade comme dans le secteur I où furent trouvés un fragment de chapiteau, deux bases de colonnes et une portion de stylobate en calcaire tendre (Bessac 1979 : nos 11,12, 24‑29).

■ Les toitures

  • 9 « [Les tuiles] sont simplement posées sur les liteaux de la charpente où elles tiennent par leur pr (...)

30L’utilisation de la tuile à la place d’une couverture de terre sur branchages a nécessité une technique plus élaborée de charpente même si la conception de celle‑ci est restée simple9. Un certain nombre de clous retrouvés dans les couches de destruction (fig. 96) rend compte d’une innovation technologique même si l’on n’a rien conservé des bois de charpente et si l’on ne sait rien de leur mise en œuvre. Ces innovations remontent d’ailleurs au ier s. av. n. è. à Ambrussum, comme on l’a vu plus haut par la présence de tuiles et d’une antéfixe dès la période 7 du secteur IV (fig. 30).

31Ces tuiles sont à pâte claire, fine et homogène et les tegulae présentent un « décor » au doigt. Certaines ont été percées par un clou pour les fixer à la charpente. Des imbrices ont conservé un colmatage de mortier utilisé pour donner de la cohérence à la toiture.

32Il faut sans doute mettre en rapport avec la toiture deux massifs maçonnés qui ont été découverts dans l’effondrement de la couverture des pièces 1 et 8 (fig. 40). Ce sont deux troncs de pyramides constitués par des fragments de tegulae empilés, liés et enduits de mortier ; hauts de 0,50 m environ, ils avaient une base rectangulaire (0,20 m x 0,30 m) et comportaient en haut l’empreinte d’un chevron large de 90 mm. Dans les deux cas, ces massifs ont été découverts dans la partie centrale de la pièce. En P. 1, l’un gisait dans l’axe longitudinal de la pièce, à 1 m du centre (Fiches 1978a : fig. 2) ; en P. 8, l’autre se trouvait à 1 m à l’est du foyer.

● 40. Maison A. Pyramide maçonnée, découverte avec les restes de la toiture, dans la pièce 1.

  • 10 « L’aération ne se fait pas toujours par les fenêtres : il est des cheminées qui ne sont pas destin (...)

33La destination de ces massifs est difficile à établir. Leur position dans l’axe des bâtiments pourrait laisser supposer une relation avec le faîte du toit, mais on verra plus loin que la toiture de la pièce 1 ne comportait vraisemblablement qu’une pente. Une autre hypothèse peut être alors formulée : ces massifs seraient en relation avec la présence d’une cheminée et constitueraient le support de sa couverture. La présence d’un foyer dans la pièce 8 suppose en effet l’existence d’une ouverture dans le toit pour l’évacuation de la fumée. Aucune trace de foyer n’a été observée en P. 1, mais l’ouverture pouvait jouer un rôle dans l’aération d’une pièce qui sera définie plus loin comme une resserre10.

■ Les aménagements domestiques

34Parmi les aménagements intérieurs, s’inscrivent tout d’abord les foyers des maisons A et C. Le foyer unique aménagé dans la pièce 8 pour une maison aussi grande que la maison A marque un changement radical par rapport à la situation du quartier au iiie s. av. n. è., caractérisée par la multiplicité des foyers dans un faible espace (Fiches 1983a : 87‑89). La structure même du foyer a d’ailleurs changé. Il s’agit maintenant d’un socle en molasse coquillière, enrobé d’un mélange de pierre concassée, de terre et de mortier qui forme un bâti de plan rectangulaire (1,02 m x 1,13 m) et sur lequel repose une tegula (fig. 41). Une telle combinaison de pierre de taille et de terre cuite caractérise aussi, dans un aménagement différent, le seul foyer découvert dans la maison C où le bloc de molasse était apparent et sa face supérieure creusée pour recevoir une plaque d’argile (Fiches 1976a : 104). Le foyer, désormais surélevé de 0,15 m par rapport au sol de la pièce, a donc bénéficié, comme l’ensemble de la maison, de transformations techniques.

● 41. La pièce 8 de la maison A vue du sud. Au centre, le foyer.

35Nous avons observé par ailleurs, dans la pièce 5 de la maison A, que le sol était surélevé de quelques centimètres dans l’angle nord‑est, ce qui avait provoqué un décrochement à la base des enduits. Ce socle rectangulaire avait une largeur de 1,66 m et sa limite était marquée par un muret dont on a juste découvert la surface et qui se développait sur 2,40 m depuis le mur nord de la pièce (fig. 9, mur 20). Que signifiait ce soubassement de près de 4 m? Il est bien large pour marquer l’emplacement d’un coffre ou d’une armoire. Il conviendrait mieux à un lit qu’on ne s’attend pourtant pas à trouver dans une pièce aussi grande et largement ouverte. Il est trop peu marqué pour suffire à isoler ce coin du reste de la pièce et à lui conférer une vocation particulière.

36On notera enfin l’absence de fout système de drainage tant dans les cours que dans les passages ainsi que contre les façades extérieures. Il est vrai que les maisons sont implantées près du sommet de la colline et que le substrat calcaire très diaclasé permettait un écoulement rapide des eaux pluviales. S’il existait une réserve d’eau dans ces maisons, elle devait être en élévation et toute trace en a disparu. L’approvisionnement devait se faire essentiellement, comme aux périodes précédentes, par le Vidourle qui coule au pied de la colline, et qui était accessible à 500 m environ.

Le plan de la maison A

37C’est la présence d’une cour intérieure autour de laquelle se distribuent les pièces qui caractérise les maisons gallo‑romaines de l’oppidum d’Ambrussum. La maison A en est l’exemple le mieux conservé avec ses trois ailes qui ferment la cour et qui comportent trois pièces chacune : pièces 1 à 3 à l’ouest ; pièces 4 à 6 au nord ; couloir, pièces 7 et 8 à l’est. Mais la fouille du secteur IV, étendue aux abords de cette maison, a permis de reconnaître son insertion dans le quartier et notamment de mettre au jour, à l’est, le passage d’accès et un bâtiment annexe.

■ Insertion de la maison dans le quartier

38La maison occupe une superficie de 406 m2 et s’étend sur toute la largeur d’une terrasse créée à la fin du iie s. av. n. è. Les sondages effectués à l’extérieur ont montré qu’aucune construction ne s’appuyait à elle : au nord, la terrasse la plus haute de l’oppidum, à laquelle on accédait par une rampe à l’est, semble moins large que la terrasse occupée par la maison ; à l’ouest et au sud, la proximité du rempart (17 à 18 m au sud ainsi qu’à l’ouest, avec le point le plus proche à l’angle sud‑ouest de la maison, à moins de 10 m) exclut la possibilité de constructions d’importance comparable sur ces côtés là. Il est possible qu’une partie des terrains situés au sud de la maison aient dépendu de celle‑ci. L’accès par l’escalier, à l’extrémité d’un portique de la cour, le laisse supposer de même que l’agrandissement des dépendances prolongées dans cette direction par un mur qui pouvait fermer la terrasse inférieure (fig. 6).

39Les dégagements et repérages, qui ont été plus étendus à l’est, ont fait reconnaître, au nord du passage qui donne accès à la porte principale de la maison, une place dont un côté se situe dans le prolongement nord de la façade orientale de la maison et qui était limitée, 17,50 m à l’est, par la façade d’une autre maison. Sa limite nord n’a pas été reconnue, mais elle se situe à plus de 13 m de l’accès à la maison.

40De cette place on pouvait accéder à l’ouest à la terrasse qui domine le nord de la maison ainsi qu’à la terrasse basse qui est au sud. Dans ce dernier cas, il fallait emprunter une rue large de 6,80 m qui se rétrécissait légèrement vers le sud (6,35 m) en longeant le bâtiment des dépendances à l’est. Cette rue était limitée de l’autre côté par une façade aveugle longue de 24,50 m et qui bordait la place sur 10,60 m. A l’angle nord‑ouest de cette façade, aboutissait vraisemblablement un accès à la place depuis l’extrémité haute de la rue pavée (Fiches 1980a : fig. 4).

■ Le bâtiment annexe

41Le passage qui longe la face est de la maison, comme on l’a vu plus haut, était fermé à son extrémité nord ; il s’appuyait au sud au mur de soutènement de la terrasse. Cet espace de 94 m2 était ainsi privatisé et pouvait jouer le rôle d’une cour. Le bâtiment qui le limitait à l’est avait, au moment de la construction de la maison, une superficie intérieure de 49,50 m2. C’est à l’époque fla vienne, comme on l’a vu au chapitre précédent, qu’il a été étendu vers le sud pour atteindre une superficie de 80,50 m2. Son ouverture à l’ouest sur le passage, face à l’entrée principale de la maison, invite à y voir des dépendances dans lesquelles était ménagé un réduit limité par deux murs au sud de l’entrée (1,25 m x 1,30 m).

■ Les aires de circulation

42Derrière l’entrée principale de la maison se trouve un couloir large de 3 m qui commandait l’accès aux pièces 7 et 8 et qui se prolongeait par les portiques de la cour. Celle‑ci constitue, avec ses portiques, la partie la plus vaste de la maison (près de 110 m2). L’aire à ciel ouvert couvre 40,60 m; des trois galeries qui la bordent, deux desservent les pièces de la maison et l’autre un accès à la terrasse sud. Le couloir et les portiques, qui constituent les aires de distribution de la maison, couvrent 28 % de sa surface utile (325 m2). Il s’agit là d’un espace qui n’était pas connu dans la maison protohistorique et qui prend ici une place importante.

43La fouille a livré, à la limite du portique nord de la cour, deux fosses creusées pour la récupération de matériaux et un socle carré, bâti en calcaire local (0,90 m de côté), qui marquaient l’emplacement des supports de la toiture des portiques.

44Si l’on restitue à ces emplacements trois colonnes espacées de 2,40 m, il convient aussi de supposer, au milieu de chaque retour, une colonne implantée selon le même rythme. La question se pose de savoir si le mur sud était plein, ou s’il n’était qu’un soutènement sans élévation ou un mur‑bahut. Dans ces derniers cas, il aurait supporté le dernier élément de la colonnade et permis un meilleur ensoleillement.

■ La pièce principale (Pièce 5)

45La pièce 5 (fig. 42) est la pièce principale de la maison, comme en témoigne sa position centrale par rapport à la cour sur laquelle elle s’ouvre au sud par une large baie. Avec 35,70 m2, c’est la plus vaste pièce amé nagée avec des murs enduits ; elle se distingue ainsi par son ouverture et sa superficie des autres pièces aux murs enduits qui s’ouvrent sur la cour.

● 42. Maison A. La pièce principale (P. 5) vue depuis la cour, au sud.

  • 11 Selon la terminologie de R. Rebuffat (Rebuffat 1969 : 662).

46Par sa position, son orientation au midi et sa baie, elle a été conçue pour offrir une large perspective sur les pièces voisines, la cour et sans doute aussi la terrasse inférieure, si le mur sud de la maison n’était pas très élevé. Dans une domus urbaine, on qualifierait une telle pièce d’exèdre11. Il serait excessif de reprendre ici ce terme qui évoque des canons trop classiques ; on se trouve cependant devant un espace dont la conception est entièrement étrangère à l’habitat indigène et qui constitue une adaptation rustique d’un schéma romain.

■ Les pièces à ouverture étroite

47Quatre pièces se distinguent de la précédente par une superficie plus petite ; il s’agit aussi de pièces ouvertes sur la cour et dont les murs étaient couverts d’enduit peint. Les plus petites sont sur l’aile ouest qui est la moins large de la maison ; ce sont les pièces 3 (13 m2) et 2 (16,40 m2). Toutes deux ont un sol bétonné. Les deux autres flanquent la pièce principale : à l’est, la pièce 6 (18,85 m2) (fig. 43) est également bétonnée ; à l’ouest, la pièce 4 (21,45 m2) a un sol de terre battue.

● 43. La pièce 6 de la maison A vue du sud.

48En raison des aménagements intérieurs et de la position sur la cour, ces pièces constituent avec la pièce 5 la partie résidentielle de la maison qui occupe ainsi 32,4 % de sa superficie habitable.

■ Les pièces les plus vastes

49Les autres pièces de la maison sont plus vastes que la pièce principale mais ne présentent pas les mêmes aménagements internes. Ce sont les pièces 1, 7 et 8, munies d’une ouverture plus large que les pièces précédentes et dont la superficie est respectivement de 45,50 m2, 44,20 m2 et 38,76 m2, soit 39,5 % de la surface habitable. Ces trois pièces ne forment cependant pas un ensemble homogène ; leur place et leurs aménagements les distinguent les unes des autres. Ainsi la pièce 1 s’ouvre sur la cour et a trouvé sa place dans la partie la plus reculée de la maison, alors que les pièces 7 et 8 sont aux abords de l’entrée. La pièce 7 a d’ailleurs deux portes, l’une sur le couloir comme la pièce 8, et une autre plus large, directement sur le passage. Enfin, la pièce 8 se différencie des deux autres par la présence, en son centre, d’un foyer (fig. 41). Il faut donc envisager pour ces espaces de volumes sensiblement égaux des destinations différentes (infra, p. 114).

■ Les toitures

50On a déjà vu que maison et dépendances étaient couvertes de toitures de tuiles. Pour celles‑ci, il suffisait d’un toit à pente simple en raison de la faible largeur du bâtiment (4,80 m) ; il est même probable que la pente de ce toit ait été orientée vers l’est pour que l’eau s’écoulat dans la rue en pente qui se trouvait de ce côté plutôt que dans le passage au sol plat situé à l’ouest. Pour la maison, on imaginera d’abord une toiture particulière pour les portiques de la cour. D’autre part, la largeur des bâtiments impose la présence d’au moins deux toitures. L’aile ouest, en effet, est moins large que les autres (6,20 m). De ce côté donc, je proposerai aussi de restituer une toiture à pente simple dirigée vers l’extérieur qui couvrait les pièces 1, 2 et 3. Les deux autres ailes ont une largeur qui varie entre 7,50 m et 7,80 m. Cette largeur suppose un toit à double pente qui permet d’éviter une trop grande hauteur pour la faîtière et une répartition des eaux entre la cour et l’extérieur. La cohérence de ces deux ailes, le carré parfait que forme la pièce 7 à leur jonction permet d’imaginer une seule toiture en équerre.

51Cependant, la forme même de la pièce 7 et l’épaisseur plus importante de sa couche de destruction peuvent faire qu’elle ait été plus haute que le reste de la maison et eu une couverture particulière à quatre pentes. Dans ces conditions, les toits de l’aile est et de l’aile nord y auraient été appuyés de façon indépendante.

■ Les élévations

52Même s’il n’est pas possible de définir avec exactitude la hauteur des murs, la place et le nombre de fenêtres, ce qui vient d’être évoqué à propos des toitures permet de retenir ou de rejeter des hypothèses de restitution concernant cette maison. Ces hypothèses ont été toutes figurées de manière à ne pas imposer une image unique de la maison qui ne serait pas forcément juste. C’est ainsi que sont d’abord illustrées (fig. 44) trois hypothèses qui ont dû être abandonnées pour des raisons techniques ou archéologiques. Le premier cas, qui offre une couverture apparemment simple avec des toitures à une pente, a l’inconvénient de rejeter toutes les eaux pluviales dans la cour, d’accroître la hauteur des façades extérieures notamment à l’est où elles ne jouent pas le rôle de soutènement et surtout de concevoir une charpente complexe au‑dessus de la pièce 1, pour lier les toitures de l’aile ouest et de l’aile nord. Dans le second cas, qui propose une couverture à double pente sur chaque aile, les premières difficultés rencontrées plus haut ont disparu, mais demeure le problème du raccord de toiture entre les ailes ouest et nord. Le dernier cas est également impossible puisqu’il suppose, toujours dans le même secteur, un prolongement du mur gouttereau de la façade nord, au‑dessus de la pièce 1 qui ne se conçoit que sur un arc bien improbable.

● 44. Hypothèses non retenues pour la restitution de la maison A.

dir. J.‑M. Gassend ; del. J.‑M. Joulain

  • 12 Un couloir découvert existait, par exemple, dans le premier état de la maison au dauphin (couloir L (...)

53Les deux hypothèses qui ont été retenues correspondent à la définition des toitures telle qu’elle a été exposée plus haut : une pente simple à l’ouest ; une double pente au nord et à l’est. Dans chaque cas, on a figuré une variante avec le couloir d’accès découvert qui a l’avantage d’éviter le raccord des toitures des ailes nord et est, bien qu’on n’ait localement aucun argument archéologique pour confirmer cette absence de toit12. La première proposition (fig. 45) restitue une maison basse, d’une architecture très simple, où, de l’extérieur, rien ne distingue séjour et communs. La seconde (fig. 46), différenciée par la présence d’un étage et d’un toit à quatre pentes dans l’angle nord‑est, accentue le caractère rural de la maison puisque cet étage, on le verra, dut, s’il a existé, servir de paillère, mais donne aussi un aspect plus imposant à l’ensemble qui s’éloigne davantage de la silhouette de l’îlot indigène traditionnel. Il n’est, en tout cas, pas possible de choisir entre l’une ou l’autre ce ces propositions.

● 45. Première proposition avec variante, retenue pour la restitution de la maison A.

dir. J.‑M. Gassend ; del. J.‑M. Joulain

● 46. Seconde proposition de restitution de la maison A avec variante

dir. J.‑M. Gassend ; del. J.‑M. Joulain

Le plan des maisons B et C

54Contrairement à la maison A qui est isolée, les maisons B et C sont imbriquées à l’intérieur d’un même îlot (fig. 36), bien que séparées par une très légère dénivellation de 0,30 m. La maison B, la plus haute, a une largeur de 15 m environ et une superficie de 440 m2, comparables à celles de la maison A. La largeur et la surface de la maison C sont inconnues en raison des destructions qu’a subies sa partie sud lors de l’implantation d’un four à chaux (Fiches 1976a : 89). Malgré quelques incertitudes dues à un arasement plus important, l’organisation des maisons B et C est très proche de celle de la maison A. On y trouve le même agencement d’une pièce centrale à large baie flanquée de deux petites pièces, et ouverte au midi sur une cour intérieure. L’orientation est donc la même et on peut restituer les entrées principales à l’est, au niveau de la pièce 5 pour la maison B, et au sud de la pièce 12 pour la maison C.

55Dans la maison B, il est probable que derrière l’entrée, la pièce 5, au sol dallé, ait été découverte ; sa superficie de 55,25 m2 est plus importante que celle des plus grandes pièces de la maison A (45,50 m2 pour P. 1) ; il est possible que cet espace ait joué à la fois le rôle dévolu, dans la maison A, à l’impasse et au couloir. La pièce 5 commande, en effet, l’accès à trois autres pièces et à la galerie qui borde la cour. La pièce 4, qui s’ouvre au nord, est tout à fait comparable par son ouverture et par sa superficie de 34 m2 à la pièce 8 de la maison A bien qu’elle n’ait pas livré de traces dé foyer. Au sud, la pièce 7, malgré ses dimensions réduites (15 m2) pourrait avoir joué, grâce à sa large ouverture de 3,40 m, un rôle équivalent à la pièce 7 de la maison A. Par contre, la pièce voisine (P. 6), par ses dimensions réduites (15 m2) et ses murs couverts d’enduit peint, se rapproche davantage des pelites pièces ouvertes sur la cour bien qu’elle s’en distingue par un sol en terre battue et une ouverture large de 1,60 m.

56On a déjà évoqué l’organisation identique du corps central dans les deux maisons avec trois pièces ouvertes sur la cour. On doit cependant souligner quelques différences : les pièces de la maison B sont plus petites que celles de la maison A. Ainsi les pièces 1 et 3 n’ont qu’une superficie de 15 et 14,10 m2 ; et surtout la pièce centrale (P. 2) n’a que 20,70 m2 et sa baie, qui n’occupe pas toute la largeur de la pièce, est réduite à 3,40 m. Mais c’est plus particulièrement au niveau de la cour qu’apparaît une différence importante. Sa superficie totale avec les zones de circulation latérales est sensiblement la même que dans la maison A (112,6 m2 ≠ 110 m2). Mais dans la maison B, l’aire à ciel ouvert est presque deux fois plus vaste (78 m2 ≠ 40,6 m2). La présence d’un bâtiment accolé au sud peut expliquer l’agrandissement de la cour pour un meilleur ensoleillement ou un drainage plus rapide des eaux pluviales provenant de cette toiture.

57Par contrecoup, les aires de circulation sont réduites à une galerie qui commande l’accès aux pièces 1 à 3 et qui est séparée de l’espace 5 par une porte à deux vantaux. Une colonnade de quatre éléments, dont deux bases ont été conservées, et un muret construit entre les colonnes les séparent de la cour à laquelle on accédait, dans son angle nord‑ouest, par un seuil. Cette galerie se prolonge par un retour à son extrémité ouest, séparé de la cour par un mur plein et qui assure la communication avec la maison C par la pièce 11. A l’ouest de ce couloir ; un vaste espace de près de 90 m2 s’ouvrait au nord par une entrée secondaire large de 1,40 m ; en raison des destructions qu’il a subies, il reste d’interprétation délicate. On a pensé qu’il aurait pu être cloisonné avec des structures en terre crue, mais l’absence de mortier et les conditions de conservation n’ont pas permis de les repérer.

58On retrouve dans la maison C une cour dont la superficie ne peut être évaluée en raison des destructions. Elle se distingue de la précédente par la présence d’un stylobate qui a conservé cinq dalles en calcaire coquillier. Elle comportait au moins deux portiques, larges de 2,20 m, au sol en terre battue. Au nord de la cour, s’ouvrent aussi trois pièces, mais qui diffèrent encore des exemples précédents : la pièce centrale (P. 10), où la baie est réduite à une largeur de 2,20 m, est plus exigüe encore que dans la maison B (16,40 m2). A l’est, la pièce 9 est plus conforme à ce qui existe dans les autres maisons (12,60 m2). En revanche, la pièce 11, à l’ouest, est deux fois plus grande (25,20 m2) que les autres pièces latérales. Ces différences s’expliquent par le fait que cette division tripartite a été obtenue ici par le réaménagement de deux pièces primitives, de même superficie, dans l’une desquelles une cloison en terre crue a séparé les pièces 9 et 10. La partie ouest de cette maison, derrière la cloison en terre crue qui limitait le portique ouest, reste aussi délicate à interpréter que dans la maison B. Par contre à l’est, on retrouve des points de comparaison avec les maisons précédentes. Ainsi la pièce 8, par sa situation et sa superficie (33,10 m2), est équivalente à la pièce 4 de la maison B et comporte un foyer comme la pièce 8 de la maison A alors que la pièce 12 est à rapprocher des pièces 7 des maisons A et B.

59Comme la maison A, l’îlot du secteur I avait des couvertures de tuiles. Dans ce cas cependant la largeur des bâtiments ne nécessitait pas des toitures à double pente : les largeurs extérieures sont en effet de 5,10 m dans la maison C et 5,60 m dans la maison B, alors que l’aile la moins large de la maison A, pour laquelle on a restitué une seule pente, atteint 6,20 m. En dépit donc des incertitudes qui concernent notamment la partie ouest de ces maisons, on peut proposer l’organisation suivante des toitures (fig. 47).

● 47. Schéma des toitures des maisons B et C (d’après le plan de la fig. 36).

60● Pour la maison B :

  • un toit à pente vers l’extérieur au‑dessus des pièces 1 à 4 qui pouvait se prolonger vers l’ouest ;

  • un toit vers la cour pour la galerie et son retour ;

  • un toit vers le nord au‑dessus des pièces 6 et 7.

61La pièce 5 ainsi qu’une partie de la zone ouest auraient ainsi été à ciel ouvert.

62● Pour la maison C :

  • une toiture à pente vers le nord au‑dessus des pièces 8 à 11, prolongée sans doute à l’ouest mais qui devait être plus haute que le toit voisin de même pente appartenant à la maison B (au‑dessus des pièces 6 et 7) ;

  • une pente vers le sud au‑dessus de la pièce 12 qui suppose une aire découverte au sud de celle‑ci, comparable à l’espace 5 de la maison B.

63Les maisons A, B et C d’Ambrussum se caractérisent donc essentiellement par la présence d’une cour autour de laquelle s’organise la partie résidentielle de l’habitat avec, en particulier, trois pièces au nord dont l’une, au centre, est pourvue d’une baie. La place des aires de circulation et des communs dans ces habitations est relativement importante. Pour toutes ces raisons, les maisons à cour intérieure rompent avec l’organisation très simple des maisons protohistoriques reconnues sur les oppida du midi. L’utilisation de toitures de tuiles, de pierre de taille dans le décor architectural et de mortier de chaux pour les sols et les enduits muraux attestent également de l’intégration de techniques romaines, alors que la construction des murs, malgré quelques améliorations, marque une continuité très nette des usages indigènes.

64Malgré de fortes ressemblances concernant le plan, l’organisation de l’espace et les techniques employées, ces trois maisons devaient offrir une physionomie différente. Dans le secteur IV, la maison A, avec des toitures à double pente et peut‑être un étage dans un angle, restait isolée au milieu d’aires découvertes ; par contre, dans le secteur I, les maisons B et C, agglomérées dans un même îlot, devaient présenter un volume plus compact, caractérisé sans doute par de longues toitures parallèles, à pente unique. La première avait une silhouette davantage marquée par les modèles romains ; les autres se dégageaient encore mal de l’habitat indigène.

Notes

1 Selon J.‑C. Bessac, ces retouches, limitées à la face appareillée, visaient à mettre d’équerre la faille naturelle et les lits de la roche ; les traces conservées sur les blocs ne permettent pas d’identifier plus précisément l’outil. L’utilisation du têtu rendrait compte d’un travail moins rapide et plus soigné que celle de la chasse.

2 Dans la maison A, par exemple, murs nord et sud de P. 1, murs de P. 4, murs est et sud de P. 7, partie nord du mur ouest de P. 8, mur ouest des dépendances.

3 P. Arcelin a bien voulu nous signaler ce renseignement inédit, qu’il trouve ici l’expression de notre amicale gratitude.

4 Pour la description des techniques de construction des murs, je me suis référé à Pérouse (Pérouse 1972). Sur le terrain, j’ai aussi bénéficié des remarques de J.‑C. Bessac qu’il m’est agréable de remercier ici.

5 A. Michelozzi (Michelozzi 1982 : 49) cite deux cas seulement de renforts à Vié‑Cioutat (Gard) vers le milieu du ier s. av. n. è. (îlot 2, case 2) et au ivs. av. n. è. à Roque‑De‑Viou (Gard) (case RF 5).

6 Larges de 0,27 m à 0,28 m, ces marches ont un pas qui varie entre 0,25 m et 0,34 m.

7 Parmi les petites ouvertures, il faut aussi signaler celle qui a été ouverte sur une largeur de 0,80 m entre les pièces 1 et 2. Mais il peut s’agir d’un aménagement postérieur à l’abandon.

8 Cf. A. Michelozzi (Michelozzi 1982 : 67‑68) qui n’a relevé aucune largeur de porte supérieure à 2 m et qui souligne le caractère exceptionnel d’une ouverture de 3 m au début du iie .s. av. n. è. à Nages.

9 « [Les tuiles] sont simplement posées sur les liteaux de la charpente où elles tiennent par leur propre poids, sans être fixées ; elles réclament naturellement une pente faible, moins de 30 degrés, et s’associent donc à une charpente peu développée, convenant aux arbres petits de la Méditerranée » (Deffontaines 1972 : 72).

10 « L’aération ne se fait pas toujours par les fenêtres : il est des cheminées qui ne sont pas destinées au feu, mais à la ventilation » (Deffontaines 1972 : 170).

11 Selon la terminologie de R. Rebuffat (Rebuffat 1969 : 662).

12 Un couloir découvert existait, par exemple, dans le premier état de la maison au dauphin (couloir L) (Goudineau 1979 : 101). On verra plus loin que dans la maison B, il existait vraisemblablement aussi une aire découverte derrière l’entrée.

Table des illustrations

Légende ● 37. Types d’appareil des murs (1 m2) : (a) limousinage soigné ; (b) forte proportion de blocs équarris ; (c) peu de blocs équarris.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 178k
Légende ● 38. Maison A, entrée de P. 8 (niveau d’abandon). Pierre de seuil et jambe de piédroit avec dalles en boutisses.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 180k
Légende ● 39, Maison A. L’escalier d’accès à la terrasse inférieure, vu de l’ouest.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 59k
Légende ● 40. Maison A. Pyramide maçonnée, découverte avec les restes de la toiture, dans la pièce 1.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 82k
Légende ● 41. La pièce 8 de la maison A vue du sud. Au centre, le foyer.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 135k
Légende ● 42. Maison A. La pièce principale (P. 5) vue depuis la cour, au sud.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 195k
Légende ● 43. La pièce 6 de la maison A vue du sud.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 227k
Légende ● 44. Hypothèses non retenues pour la restitution de la maison A.
Crédits dir. J.‑M. Gassend ; del. J.‑M. Joulain
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 62k
Légende ● 45. Première proposition avec variante, retenue pour la restitution de la maison A.
Crédits dir. J.‑M. Gassend ; del. J.‑M. Joulain
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 165k
Légende ● 46. Seconde proposition de restitution de la maison A avec variante
Crédits dir. J.‑M. Gassend ; del. J.‑M. Joulain
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 142k
Légende ● 47. Schéma des toitures des maisons B et C (d’après le plan de la fig. 36).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/32098/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 30k

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