La prospection archéologique
| ,La hiérarchisation des sites
Programme de prospection en Étrurie méridionale : réflexions sur les méthodes et les techniques
Résumé
Le programme de prospection de l’Etrurie méridionale, lancé et dirigé par John Ward‑Perkins dès 1950, a suscité à la fois de vifs débats à propos de ses buts et de ses résultats, et un grand nombre de projets analogues. On abordera ici quelques‑uns de ces problèmes, en particulier ceux qui concernent la prospection d’une partie de l’Ager Faliscus faite par l’auteur, en insistant sur le fait que les travaux agricoles, parmi d’autres activités, sont en train de détruire rapidement les vestiges des paysages anciens.
Texte intégral
« L’auteur préférerait des prospections plus professionnelles et limitées, fondées peut‑être sur le prélèvement d’échantillons et certainement exécutées par l’analyse, plutôt que le ramassage sans intelligence des matériaux ».
C.C. Taylor, Antiquaries Journal, LX, 1980 : 360.
1Il n’y a probablement aucun pays de la Méditerranée occidentale qui ait bénéficié d’un programme de prospection en surface aussi intensif pendant ces dernières années que l’Italie. A côté du répertoire des trouvailles et des monuments fait par les Services officiels, on a montré un intérêt de plus en plus marqué pour les études topographiques de toutes les époques dans bien des régions du pays.
2Plus qu’en aucun autre pays de l’Europe occidentale, c’est en Italie que l’on a expérimenté de nouvelles stratégies de recherche, tout en découvrant de nouvelles informations originales et importantes. Ceci a été clairement reconnu par de nombreux historiens du Moyen Age. Wickham (1981), par exemple, a souligné cette observation dans un livre récent sur l’Italie au début du Moyen Age. L’enquête qu’a faite Garnsey (1979) sur les données concernant les petites propriétés de l’Italie romaine a également montré que le document archéologique avait une importance fondamentale : « Ce qu’il faut déplorer le plus [ajoute‑t‑il], c’est que les archéologues ont discuté de leurs prospections sans préciser assez [...] que le nombre de prospections est encore trop petit […]. Les historiens considèrent comme essentielles ces données qu’on ne trouve nulle part ailleurs » . Cette observation a trouvé un large écho, mais la confirmation vient surtout des prospections de Molise, où l’on a découvert une mosaïque complexe de peuplement romain qu’on ne pouvait pas déduire des textes anciens (Barker 1978). La morale est claire : comme Brunt (1971) le souligne dans son étude classique sur la main‑d’œuvre de la fin de l’époque républicaine en Italie, le document archéologique peut souvent étendre, et quelquefois transformer, notre connaissance des époques même bien documentées du passé. Judicieusement utilisés, les résultats des prospections en surface ont une grande importance et leur coût est généralement peu élevé.
3Le plus remarquable, pourtant, en ce qui concerne les dix dernières années, c’est la manière dont les buts et les techniques de prospection en surface ont évolué. La question est bien mise en lumière par un volume récent publié sous la direction de Graeme Barker et Richard Hodges, Archaeology and Italian Society (1981), où il n’y a pas moins de douze communications qui traitent des prospections actuellement en cours en Italie. Par leur méthodologie, ces prospections surpassent nettement les programmes antérieurs ; ceci mériterait peut‑être d’être pris en considération, surtout dans le cadre de la prospection de l’Etrurie méridionale.
La prospection de l’Étrurie méridionale
4La plus grande prospection entreprise jusqu’ici reste l’opération lancée et dirigée par Ward‑Perkins, du temps où il était directeur de l’Ecole Britannique à Rome, dans la région volcanique au nord de cette ville. Dès 1950, le programme de réforme agraire a amené la destruction de grandes étendues de pacage ancien par labour profond. Si destructeurs que soient les effets de celui‑ci, il a néanmoins révélé pour un temps un grand nombre de sites anciens — en moyenne plusieurs par kilomètre carré. Beaucoup d’entre eux (surtout ceux des dernières époques préhistoriques, de la période romaine et du Moyen Age) ont fourni une grande diversité de matériaux de construction et autres trouvailles qui a rendu possible l’étude détaillée de leurs principales caractéristiques. Ainsi, on pouvait quelquefois définir les éléments principaux d’une villa, estimer ses dimensions et son importance. Au début du programme cependant, en 1950 et 1960, le but principal n’était pas la découverte de paysages anciens, mais l’identification des anciens réseaux routiers, dont les traces se voyaient souvent dans la roche volcanique tendre. On a non seulement retracé certaines des principales routes étrusques et romaines qui menaient de la cité de Rome vers le nord, mais on a aussi enregistré les sites localisés à proximité.
5Les notes sur la céramique sont nécessairement sommaires, puisqu’à cette époque, on connaissait mal les céramiques fines et presque pas les productions locales. Néanmoins, on savait que ces tessons fourniraient en fin de compte des données essentielles de datation et on en a fait un enregistrement détaillé. Les cotes de position ont été marquées sur les tessons et ceux‑ci, ainsi que d’autres trouvailles, ont été enregistrés sur des fiches spéciales. En 1957, Ward‑Perkins et Frederiksen ont publié les premiers résultats importants : une étude détaillée du système routier d’une grande partie de l’Ager Faliscus. Ils ont jugé nécessaire de définir les paysages successifs, en l’occurrence ceux des époques étrusque, romaine et médiévale, et de tenter de les expliquer à la lumière des changements de la structure politique entre environ 700 av. et 1000 ap. J.‑C. Cette stratégie différait nettement des buts plus étroits que se proposent ceux qui n’étudient qu’une époque de l’histoire du paysage. En même temps, il y a eu une prise de conscience des destructions entraînées par le labourage, l’extraction de la pierre, etc. L’ancienne cité de Veii, par exemple, — un site presque vide d’occupation médiévale — était en culture intensive, ce qui détruisait manifestement les restes des bâtiments étrusques et romains. Une étude topographique détaillée a donc été exécutée et combinée à des fouilles sélectives. On a effectué une prospection systématique du site entier. Celle‑ci a montré que l’agglomération étrusque et romaine a été précédée par des villages dispersés, un modèle qui se répète souvent en Etrurie, ainsi qu’à Rome même.
6Dans les années 1960, on a entrepris l’étude d’autres régions de l’Etrurie méridionale. Le programme est parti d’une étude sélective de routes et de sites particuliers, pour arriver peu à peu au traitement exhaustif d’environ 2 000 km2, dans une région qui se situe au nord de Rome. Ceci s’est achevé par la publication de nombreuses études régionales, y compris celle du territorium de Sutri, l’Ager Capenas et, en 1968, d’une grande partie de l’Ager Veienfanus. La prospection véientine, où des études détaillées des routes, des cuniculi et de presque 600 sites ont été intégrées à une étude de l’histoire du paysage de l’Age du Bronze jusqu’aux temps récents, est la plus complète des prospections de l’Etrurie méridionale publiée jusqu’ici. Son importance a été encore accrue par les progrès de nos connaissances sur la céramique à paroi fine et, dans une certaine mesure, sur les productions locales. Par exemple, l’analyse qu’a faite Hayes de la sigillée claire a révélé un tableau remarquable du déclin progressif du peuplement rural pendant la dernière moitié de l’époque romaine. De même, l’étude de Whitehouse sur la céramique médiévale a apporté des éclaircissements sur le mode d’habitat pendant la transition de l’époque byzantine au Moyen Age.
7J’ai commencé moi‑même à travailler en 1966 en Etrurie méridionale. L’une de mes tâches était la prospection de 200 km2 environ de la partie méridionale de l’Ager Faliscus (fig. 1). En tout, 494 sites ont été enregistrés dont plus de 40 sites médiévaux possédant des vestiges en élévation. La prospection était associée à des fouilles sur trois sites : d’une part pour établir une typologie de la céramique de l’Age du Bronze jusqu’au Moyen Age, d’autre part pour étudier des problèmes historiques cruciaux. La prospection elle‑même a été le travail d’un seul homme, faite en grande partie pendant l’automne et l’hiver, pendant cinq ans environ. Le prélèvement d’un si grand échantillon d’une région d’importance historique a bien sûr une grande valeur. D’ailleurs, il faut souligner que les données ont été recueillies à l’époque où la région était encore assez riche en informations, bien plus encore qu’aujourd’hui. La documentation sur l’Etrurie méridionale demeurera toujours un corpus essentiel, qu’on ne surpassera qu’avec peine, à cause de l’ampleur du projet et de sa situation dans une région clef de l’Italie centrale.
8Pourtant, il faut reconnaître qu’on a pu améliorer la technique de prospection et la qualité d’enregistrement. Par conséquent, il faudra reconsidérer les conclusions tirées auparavant. J’envisage ceci sous plusieurs aspects.
■ La découverte des sites
9La carte des sites de l’Etrurie méridionale qu’on a dressée peut sembler, selon toute apparence, achevée ; mais il nous faut reconnaître que notre carte de répartition ne représente qu’une partie de la situation réelle. Il est difficile d’estimer la proportion de sites connus, à cause de certaines variables comme, par exemple, l’état de la terre, la nature et l’importance des activités récentes, et la géomorphologie de la région. Pourtant, on peut supposer que la carte archéologique donne, au mieux, un recensement fragmentaire de l’histoire du paysage. On a sans doute découvert les habitations principales, mais un certain nombre de petits sites restent certes inconnus, ou bien mal représentés par les restes en surface, ou bien entièrement détruits. D’ailleurs, les changements géomorphologiques ont pu entraîner l’ensevelissement complet des sites enfouis, puisque nous savons maintenant que les fonds de vallée, aussi bien que les régions côtières, ont subi de forts alluvionnements et colluvionnements vers la fin de l’époque romaine et pendant le Moyen Age. Quelques sites, comme les habitations des fonds de vallée à Narce, ont été découverts au cours de la prospection de l’Etrurie méridionale, mais ils étaient assez rares.
10Stoddart a récemment pris en main la question de la découverte et de l’enregistrement des sites et des objets effectués lors de la prospection. Il a visité à nouveau plusieurs sites, surtout ceux qui possédaient des matériaux de l’Age du Bronze, et a ramassé de nouveaux tessons. Ceux‑ci différaient peu de ceux des ramassages précédents (bien que quelques trouvailles de surface de silex nous aient évidemment échappé) et il n’a fallu modifier l’interprétation que dans très peu de cas. Cependant, comme Stoddart l’a souligné, il est évident qu’il y a encore des sites à trouver, particulièrement pour l’Age du Bronze et l’Age du Fer. Il suffit de considérer les travaux des archéologues italiens, qui ont fait de nombreuses découvertes récentes. On peut les attribuer en partie à l’effet des labours et ceci souligne bien la nécessité de réexaminer des régions pour arriver à une idée juste de la situation.
■ La classification des sites
11Il est rapidement apparu au cours de la prospection de l’Ager Faliscus que quelques sites étaient assez nets en surface pour qu’on puisse en estimer les dimensions. Parfois, on pouvait discerner les sites de bâtiments particuliers, et, pour un site sur cinq, on pouvait mesurer approximativement son étendue. Sans prétendre à une précision absolue, ces chiffres sont néanmoins utiles pour distinguer les variations de dimension des noyaux. Ceux‑ci consistaient en concentrations marquées de tuiles et d’autres matériaux de construction et, ordinairement, de nombreux tessons. D’autres habitations avaient subi des labours profonds ou avaient été envahies par la végétation, si bien que l’on ne pouvait voir qu’un éparpillement de matériaux sans limites définies. En effet, dans le cas de quelques sites situés sur des crêtes, il s’agissait souvent de tuiles et de tessons ayant subi l’érosion sur les pentes basses des collines, à plusieurs centaines de mètres de leur origine probable.
12Les variations de dimension des sites (de moins de 100 m2 à plus de 8000 m2) suffisaient pour les classer — c’est‑à‑dire pour faire une hiérarchie (fig. 2) — idée proposée pour la première fois dans Archéologie Medievale (1975 : 218). J’avais désigné la catégorie des petits sites (caponne) par la lettre A et les plus grandes villae par la lettre D ; mais, compte tenu des recherches récentes, je dois renverser l’ordre des lettres de la manière suivante(cf. tableau supra).
13Naturellement, ce système s’applique surtout aux sites romains. Trop peu de fermes pré‑romaines survivent pour justifier une analyse si sophistiquée, tandis que le paysage médiéval consistait, en grande partie, en villages fortifiés. Il me faut ici expliquer deux autres termes que j’emploie : open sites (sites sans défense naturelle), et defended sites (sites défensifs), c’est‑à‑dire d’une part les sites localisés sur les crêtes et les plateaux, sans la défense naturelle donnée par la topographie, d’autre part les habitats situés sur des buttes et des promontoires très protégés. En général, la plupart des sites sans défense naturelle étaient des fermes, tandis que les sites défensifs étaient toujours beaucoup plus étendus. Néanmoins, il y a des exceptions ; par exemple, il y a des sites de l’Ager Faliscus sans défense naturelle, particulièrement aux viie‑vie s. av. J.‑C., qui semblent avoir une étendue considérable, tandis que toutes les habitations médiévales ne sont pas situées dans des endroits protégés. Ces distinctions aident l’analyse, et ont une certaine validité en ce qui concerne la prospection de l’Etrurie méridionale et probablement d’une grande partie de l’Italie centrale.
■ Le système routier ancien
14L’un des buts les plus importants de la prospection de l’Etrurie méridionale a été l’analyse du réseau de fossés et de talus qui fossilisent un système de routes et de voies établi depuis longtemps dans cette région. Pendant à peu près trois mille ans, la profonde incision des fossés dans la roche tendre sédimentaire, liée aux changements des centres d’habitation, a assuré la survivance des vestiges des anciens systèmes de communication. Des centres d’habitation abandonnés, comme Narce, étaient autrefois desservis par des routes habilement construites, qui sont restées profondément marquées dans le paysage, particulièrement aux croisements des plus profonds couloirs fluviaux. Même si une ville de l’Ager Faliscus n’est pas devenue un établissement romain ou médiéval important, les principaux éléments du système de routes de l’Age du Fer restent reconnaissables, en tout cas en théorie. Dans la pratique, il est souvent très difficile de distinguer les traits anciens des plus récents. Il y a quelquefois des indications évidentes, telles qu’une série de tombeaux rupestres creusés dans le bord d’un chemin creux ou une inscription gravée sur la roche (par exemple au Fosso Maggiore, CIE, 8333) ; mais le plus souvent, on trouve, comme au Fosso del Ponte, au sud de Castel S. Elia, un ensemble complexe de chemins creux qui semble défier toute interprétation. Ces problèmes sont clairement exposés par Ward‑Perkins et Frederiksen (1957 : 183 sq) dans leur discussion sur les routes du centre et du nord de l’Ager Faliscus. Ils soulignent la difficulté de distinguer le système médiéval des routes du système pré‑romain et nous indiquent qu’ils ont été « créés par une société rurale primitive, vivant tout près de la terre qu’elle cultivait ». Ils ont néanmoins pu décrire en détail les systèmes de communication successifs, qui s’accordent bien avec ce que nous savons de l’évolution politique et économique de l’ensemble de la région.
15Il y a certainement beaucoup à dire au sujet de l’évolution du système de routes de l’Etrurie méridionale. Il faut reconnaître cependant qu’à l’exception des voies romaines dallées, il nous manque dans bien des cas une datation, et que la restitution des routes repose en grande partie sur des conjectures. De temps en temps, sous le pavé romain, la surface de la roche est marquée par des roues ; même ceci ne montre qu’une chronologie relative et ne prouve pas que la surface plus ancienne remonte au‑delà de l’époque romaine. Il faut également utiliser avec circonspection la présence de sites à côté des routes. La proximité immédiate d’une ferme ou d’une villa dans l’alignement d’une voie rurale ne veut pas dire que les deux étaient simultanément en usage, à moins qu’il y en ait une preuve stratigraphique. En tout cas, il serait absurde de ne tenir aucun compte des informations des sites avoisinants, lorsqu’ils offrent un modèle chronologique assez uniforme pour que la datation d’une voie ou d’une route soit certaine.
■ L’identification de la céramique
16Les collectes de tessons fournissent la base d’une chronologie qui a été récemment renouvelée. Il est certain qu’un réexamen des collectes de l’Etrurie méridionale donnerait des résultats de grande valeur — par exemple, pour l’identification de certaines catégories de vestiges comme les amphores, la céramique à glaçure noire et les lampes. Pour souligner ce point, on peut donner l’exemple du Forum Ware : on croit maintenant que celui‑ci était à son apogée vers 600 ap. J.‑C. plutôt que vers 800 ap. J.‑C. La grande portée historique de cette observation a été étudiée ailleurs par Whitehouse et moi‑même. Ce n’est qu’un exemple des possibilités d’études complémentaires ; de la même façon, on pressent qu’un examen détaillé de la céramique républicaine pourrait faire la lumière sur les questions en suspens pour cette époque.
Conclusions
17Il peut sembler que ces remarques réduisent l’intérêt des résultats obtenus en Etrurie méridionale, mais il s’en faut de beaucoup que ce soit vrai. Bien que la prospection ait manqué de géomorphologues, de spécialistes en sciences naturelles, en céramique et en silex, et d’équipes d’étudiants, comme c’est le cas aujourd’hui pour la plupart des travaux de terrain en Italie, elle nous fournit pourtant une masse de données d’une importance fondamentale pour le territorium de Rome.
18Il est évident d’ailleurs qu’il reste à faire beaucoup d’études complémentaires. La priorité est la publication de la prospection de l’Ager Faliscus, tâche qui est maintenant près d’être achevée. Mais il serait aussi très utile qu’un ou plusieurs céramologues étudient de nouveau les collections, tâche immense mais potentiellement intéressante et fructueuse. Il est évident qu’il faut multiplier les fouilles légères. Par exemple, l’évolution de l’agriculture dans la région mériterait une étude détaillée : on se demande dans quelle mesure la culture de la vigne et de l’olivier prédominait, et quelle était la quantité de terre vouée aux céréales, question d’une importance évidente pour l’économie de la Rome impériale. Et les nombreuses amphores, qu’ont‑elles à nous dire à ce sujet ?
19D’autres questions portent davantage sur l’histoire : par exemple la croissance des latifundia, et le déclin (s’il existe bien) des petites propriétés, ainsi que le problème de la frontière byzantine de la cité de Rome.
20(Traduction G. VARNDELL)
Remerciements
21Je voudrais vivement remercier ma collègue, Mme Gill Varndell, qui très gentiment a traduit cet article ; je me joins à elle pour remercier Mme Nacera Benseddik pour ses conseils.
Discussion.
Président de séance : F. Verhaeghe
22P. Hayes : Pouvez‑vous nous dire si la frontière byzantine que vous avez découverte était constituée de castella ?
23T. Potter : Oui, elle l’était.
24P. Hayes : Quelle méthode avez‑vous utilisée pour découvrir ces castella et combien en avez‑vous trouvés ?
25T. Potter : La question posée est celle des castella, des centres fortifiés du Haut Moyen Age et du Moyen Age en Etrurie ; en effet, beaucoup de ces sites sont encore debout ; nous les avons tous enregistrés, et de plus, des historiens ont étudié les documents. Nous avons décidé de tout enregistrer, même les sites de l’époque post‑médiévale.
26A. Ferdière : Plusieurs types d’expériences ont été présentés au cours de cette table ronde ; il est manifeste qu’on arrive à des résultats assez différents à partir du moment où la préoccupation est essentiellement la gestion des archives du sol, ce qui était par exemple le cas pour le travail effectué sur le tracé de l’autoroute, et quand on part d’une problématique historique. Il faudrait savoir si, éventuellement, on peut utiliser les résultats de prospections tous azimuts, au plan chronologique, faites dans un but de gestion du patrimoine archéologique, pour des conclusions historiques.
27T. Potter : Il est à mon avis important d’enregistrer toutes les données en prospection de surface. On peut se servir des résultats pour formuler des hypothèses, soit sur la vie économique, soit sur les questions de croissance et de déclin de la population ; ou bien, pour affiner les datations des trouvailles. Peut‑être peut‑on aborder aussi des questions plus spécialisées, comme par exemple celle des frontières byzantines, ou d’autres du même type en France ; ce sont des problèmes que les historiens ont beaucoup discuté : celui des grands domaines dans l’Italie républicaine, et celui des petites propriétés. Pour ces petites propriétés, les sources documentaires existent pour le ier s. av. J.‑C. D’après le témoignage de l’archéologie, il y en a beaucoup dans certaines zones d’Italie.
28J. Andreau : Le problème reste entier de savoir si l’on peut identifier la petite propriété par le biais des petits sites, c’est‑à‑dire fixer le rapport entre l’implantation et la propriété. C’est un problème qui, je pense, est insoluble de cette manière dans la mesure où il peut s’agir des centres de lots appartenant par exemple à des coloni, exploités par des coloni, même au ier s. av. J.‑C.
29T. Potter : Oui, si vous n’avez pas d’inscription ; c’est pour cela qu’après avoir trouvé une classe de site, il faut l’échantillonner ; c’est exactement ce qu’ont entrepris Celuzza, Fentress et leurs collègues dans l’Ager Cosanus. Ils effectuent maintenant encore un travail de prospection. En même temps, ils ont déjà commencé à fouiller des sites de l’époque républicaine, pour essayer de résoudre ces problèmes de la petite propriété.
30J. Andreau : Je pense qu’en dehors des inscriptions, le problème peut en partie se résoudre par une détermination des compatibilités et des incompatibilités ; c’est‑à‑dire qu’on peut dire, dans certains cas, avec quel type de structure agraire un site est incompatible, que tel type d’implantation est pratiquement incompatible, par exemple, avec une exploitation faite par des esclaves en équipes. Mais on ne peut pas dire en général si c’est un lot de colon, ou si c’est une petite propriété, sauf s’il y a une inscription. Et des inscriptions latines qui parlent de problème agraire, il y en a fort peu.
31M. Corbier : J’ai été très intéressée par le graphique qui montrait la hiérarchie des sites répartis en quatre catégories A, B, C et D ; et je me demandais si vous n’alliez pas nous montrer une carte de répartition, faite sur la même base.
32T. Potter : Dans Archéologie Médiévale, j’ai publié en 1975, une carte de répartition de ces sites selon cette classification, et des commentaires sur cette hiérarchie.
33S. Ben Baaziz : A partir des statistiques et des zones qu’on détermine dans une région, on peut essayer de définir le paysage rural de cette région. Par exemple, dans deux régions différentes de Tunisie, on a la même densité de sites. Mais dans l’une de ces régions, on a plutôt de grandes fermes et peu de villes, tandis que dans l’autre région, on a plus de villes, distantes seulement de 5 à 6 km. On peut donc supposer que, dans une région, on pratiquait la monoculture des céréales, dans l’autre, la culture de l’olivier, parce qu’on a des pressoirs et beaucoup d’autres éléments, et la polyculture. D’après la distance entre les fermes, on peut globalement dire que le grand domaine ne peut pas dépasser 200 ha. Bien sûr, il s’agit d’hypothèses, non de certitudes.
34A. Ferdière : Je voulais demander une précision à Potter ; il ne s’agit pas strictement de prospection, mais comme les problèmes d’archéologie spatiale sont liés de près à la prospection, je voulais poser une question au sujet de cette céramique, ces tessons byzantins, qui ont permis de délimiter peut‑être une frontière: est‑ce que tu veux dire que c’est la datation des sites par cette céramique qui a permis de dire que la frontière à l’époque byzantine était là, ou est‑ce que c’est la répartition d’un type de céramique byzantine qui s’arrête à un endroit et qui permet de penser que la frontière est là ? Ce n’est pas la même chose.
35T. Potter : Il est très difficile de répondre brièvement à cette question, parce qu’elle implique de longues recherches. Pour ceux que cela intéresse, nous avons publié récemment dans Antiquity un article à ce sujet, dans lequel nous avons tracé l’histoire du problème, et la solution que Whitehouse et moi croyons être la bonne. Nous avons formulé une hypothèse essentiellement à partir d’une nouvelle datation de cette céramique.
36A. Ferdière : Donc, c’est bien la datation de la céramique qui importe et non pas le fait qu’elle soit byzantine ?
37T. Potter : Oui.
Bibliographie
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Table des illustrations
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Légende | • 1. Prospection de l’Ager Faliscus : répartition des sites. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31848/img-1.jpg |
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Légende | • 2. Hiérarchie des sites, comparée avec leur étendue. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31848/img-2.jpg |
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URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31848/img-3.jpg |
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© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1986