1C’est par l’exploration qu’a commencé l’activité archéologique en Tunisie, au xix^e s.1, pour se poursuivre sous différentes formes jusqu’au premier quart du xx^e s.2. Cette activité depuis lors jusqu’à nos jours sera totalement éclipsée par les travaux de fouille3 et de restauration4, si l’on excepte quelques missions étrangères consacrées essentiellement à la recherche des sites préhistoriques du sud tunisien.

2La prospection archéologique devrait être à notre avis l’activité dominante de l’archéologie en Tunisie et doit bénéficier de la priorité dans les préoccupations des autorités de tutelle du patrimoine. Cette option s’est imposée à nous après le travail que nous avons effectué dans la Haute Vallée de l’oued el Htab (fig. 1). En effet, le développement que connaît le pays est en train de s’accélérer et spécialement dans cette région du Centre, d’une part à cause de l’implantation de projets d’extraction minière à grande échelle, comme le gisement de phosphate du Sraa Ouertan, dont une partie au moins sera à ciel ouvert : c’est un projet en cours de réalisation. D’autre part le gazoduc Algérie‑Italie à travers le détroit de Sicile est passé à la limite de la Dorsale tunisienne où se trouve notre région ; il a traversé des zones occupées par de nombreuses ruines antiques. Par ailleurs la transformation de l’agriculture, par l’introduction massive de l’arboriculture, des cultures maraîchères, ainsi que les labours profonds causent de grands dégâts aux gisements archéologiques. De plus, de nombreux barrages, à travers le pays, ont déjà recouvert de nombreux sites archéologiques par leurs lacs et les limons qui s’y déposent. L’érosion naturelle est un facteur de dégradation dans certaines régions (écart de température et eaux de ruissellement). Enfin, l’urbanisation rapide, conjuguée aux changements du mode de vie à la campagne a fait que les sites archéologiques sont devenus la principale source des matériaux de construction.

3La Tunisie dispose d’un patrimoine archéologique riche, abondant, en grande partie apparent, ce qui le rend d’autant plus vulnérable. A cela, il faut intégrer le niveau culturel des intervenants qui accentue la précarité de l’application des lois et des règlements de sauvegarde : en effet, un adjoint technique en agronomie, très qualifié dans son domaine, peut ignorer ce qu’est un tumulus, comme un carrier peut ne pas soupçonner l’existence d’une gravure rupestre sur une falaise qu’il envisage de débiter.

4Il y a également un autre facteur culturel de dégradation du patrimoine, c’est le développement du tourisme européen et le mimétisme de la bourgeoisie locale qui font que le commerce des antiquités se développe de façon rapide.

5Pour entreprendre la prospection systématique, le chercheur bénéficie de beaucoup d’avantages qui facilitent sa tâche :

• d’une part l’abondance de la matière, la richesse du patrimoine archéologique (1 site tous les 3 km environ dans la Haute Vallée de l’oued el Htab), ce qui peut constituer un stimulant pour l’archéologue;

• les facilités d’accès dues principalement à la faiblesse du relief. En effet, le Chambi, le djebel le plus élevé de la Tunisie, ne fait que 1 400 m ; en général les dénivellations sont assez réduites et la voiture, même de tourisme, passe un peu partout, surtout grâce à la densité des pistes agricoles. Ceci, conjugué aux dimensions réduites du pays, fait que la réalisation d’un atlas archéologique général et systématique de la Tunisie ne serait pas une tâche difficile ; nous pensons qu’avec deux ou trois équipes de trois ou quatre chercheurs chacune, cet atlas serait réalisé en une dizaine d’années. Il faut environ cent jours de terrain pour couvrir la superficie équivalente à une feuille au 1/50 000 de la carte de la Tunisie ;

• la disponibilité des documents de base utiles à la prospection, dont : l’existence d’une couverture complète du pays de cartes topographiques assez précises à l’échelle du 1/50 000, qui a déjà pris en compte une bonne partie des sites d’une certaine importance; une couverture de photographies aériennes récentes (1975) réalisées par l’institut Géographique National ; une ébauche d’atlas archéologique5 ; les récits de voyageurs et explorateurs, ayant visité la plupart des ruines importantes au siècle dernier, forment la base nécessaire de la recherche bibliographique, qui est déjà assez abondante ;

• le bilinguisme étant assez répandu dans le pays, même le chercheur étranger peut circuler aisément et accomplir sa prospection dans des conditions presque satisfaisantes.

6Notre expérience de prospection a débuté de façon presque artisanale ; nous avons bénéficié des conseils de Louis Maurin qui a accompli un travail de prospection dans le nord de la Tunisie6. Nous avons visité tous les sites visibles et signalés par les cartes topographiques ou par les habitants, ainsi que tous les endroits susceptibles de renfermer des vestiges comme les buttes, falaises... Au cours des sorties, nous nous sommes fixé comme but de visiter toutes les constructions modernes, fermes, maisons de paysans, villages, marabouts, et d’essayer d’éviter les itinéraires utilisés auparavant, pour couvrir le maximum de terrain. Bien qu’il s’agisse d’un travail personnel, nous avons bénéficié du Concours permanent d’un chauffeur, d’un accompagnateur et de la participation fréquente d’un ou deux collègues archéologues. Ainsi, chaque site archéologique visité a été photographié, décrit et relevé sommairement si les éléments apparents traduisaient des structures.

7De cette expérience nous tirons plusieurs enseignements. Le premier c’est que l’importance du facteur humain dans le travail de prospection porte essentiellement sur la langue et l’équipe. En effet, la connaissance de la langue du pays que l’on voudrait prospecter est essentielle, car la langue permet de communiquer plus facilement avec les habitants, pour recueillir les informations indispensables sur les parcours. La maîtrise de la langue locale facilite le contact humain indispensable pour ce genre de travail, car il faut pouvoir entrer dans toutes les demeures, ce qui n’est pas toujours facile même pour le concitoyen. Il faut, même pour le chercheur local, un certain rapport affectif avec la région pour comprendre mieux la mentalité du paysan, car il est le meilleur connaisseur de son terroir et il est le détenteur d’une tradition orale à ne pas négliger dans un travail de prospection. Ainsi, un travail de prospection doit être secondé par une investigation ethnographique (les fêtes locales par exemple sont liées au rythme des saisons qui est sensiblement différent d’une région à une autre). Il est utile de connaître le cadre de vie actuel avec ses contraintes naturelles pour mieux comprendre l’implantation de la trame de sites qui l’occupait dans le passé.

8Le deuxième élément est la composition d’une équipe. La prospection est par essence un travail d’équipe, car dans un pays aussi riche archéologiquement que le nôtre, où on doit faire face à une multitude d’informations, le chercheur solitaire ne peut traiter seul l’ensemble des données, car on ne peut être à la fois épigraphiste en libyque, néopunique et latin, céramologue, numismate et architecte. Bien que les nécessités de ce travail exigent un ensemble de spécialités, on ne peut multiplier indéfiniment le nombre des membres d’une équipe. L’idéal est de constituer une équipe de chercheurs possédant une certaine complémentarité de leurs spécialités. Les rapports personnels entre les membres d’une même équipe sont aussi importants. Les contraintes de la mobilité, les difficultés du terrain, font de la prospection un travail beaucoup plus pénible que la fouille, et la cohésion de l’équipe est facteur de réussite et de bonne marche du travail.

9La prospection a cependant ses limites. Pour nous, le travail de prospection ne concernait que les vestiges archéologiques apparents ; il s’agissait d’une prospection superficielle, et nous avons exclu de notre action tout recours au sondage pour déterminer l’existence des sites archéologiques ; on devrait dresser des limites plus précises entre la prospection et la fouille. Les limites trop restrictives que nous avons établies nous ont posé des problèmes pratiques, dus aux spécificités du terrain sur lequel on opérait. Car quelle attitude faut‑il adopter devant une inscription importante, ou tout autre document, visible à moitié ? Faut‑il le déterrer entièrement, le répertorier — et cela devient une fouille —, ou plutôt prendre le risque de le laisser en l’état et de le voir disparaître à tout jamais ?

10A notre avis, la prospection doit conserver une définition assez souple, qui sera définie avant chaque projet en fonction du terrain à prospecter et des buts de la recherche qu’on envisage de faire. En Tunisie, la prospection doit être élargie et dépasser la simple investigation superficielle pour prendre surtout en compte un certain suivi indispensable, qui va de la récupération de documents à certains dégagements indispensables (sans s’enliser dans les fouilles onéreuses et inutiles), et surtout à des actions de préservation d’ordre administratif, contact avec les autorités locales pour la sauvegarde, plaintes, rapports, etc. La prospection ne peut être une simple opération technique faite par des technocrates collecteurs d’informations.

11On utilise souvent à tort le terme de prospection « systématique », ce qui n’est jamais le cas, car l’avantage de la prospection sur la fouille, c’est qu’on peut la refaire ; elle peut être renouvelée à loisir. C’est une intervention « propre » sur le patrimoine. Elle ne peut être systématique car les vestiges, même en dehors de l’action humaine concertée, évoluent dans leur partie apparente selon plusieurs facteurs de dégradation, parfois même naturels, tels les crues, l’érosion. De nouvelles parties sont donc mises au jour, et les sites présentent à chaque nouvelle visite de nouveaux éléments, même sans avoir subi aucun dégât. La prospection étant basée sur l’observation, nul ne peut prétendre avoir une observation systématique.

12Mais si l’on applique des méthodes différentes sur un même site, deux moyens différents, on obtient forcément des résultats différents ; une prospection de surface donne moins de résultats qu’une prospection magnétique, et c’est ainsi la seconde limite de la prospection. Les moyens à utiliser pour une prospection doivent être fixés également en fonction des buts et de la nature des terrains à prospecter.

13Les problèmes de terminologie se posent de plus en plus à la prospection au fur et à mesure qu’elle prend de l’importance ; la notion de site retient surtout l’attention et il faudrait au plus vite arriver à des définitions claires. Le site est avant tout un espace topographique qui conserve des traces ou des vestiges de l’action passée de l’homme. Un affleurement rocheux présentant une simple entaille pour extraire un bloc de pierre ou une butte portant un mausolée conservé sur plusieurs mètres de hauteur, ou les ruines d’une ville couvrant un terrain de 40 ha sont autant de sites à considérer. La notion de site doit à notre avis dépasser la limite chronologique, le site d’un dolmen doit être traité au même niveau qu’une mosquée du xix^e s.

14Même les sites « d’adoption » doivent être pris en compte, car un certain nombre de vestiges ont été déplacés de leurs lieux d’origine que l’on ne peut plus déterminer avec précision ; les maisons modernes renfermant des restes archéologiques sont en quelque sorte sur le même plan qu’un marabout construit avec des éléments de remploi, ou une forteresse byzantine qui, bien qu’étant antique, est généralement bâtie avec des éléments pris sur d’autres sites. Des difficultés subsistent, malgré une définition aussi extensive que celle que nous avons choisie, car les composantes d’une même entité forment‑elles un ensemble de sites ou un site unique ?

15Un aqueduc, par exemple, est composé d’un captage, d’une conduite (donc d’un tracé) ; elle‑même comprend parfois des ouvrages d’art (viaduc) et l’arrivée est constituée de citernes et de fontaines ; s’agit‑il dans ce cas d’un seul site ou d’un ensemble de sites ? Une plantation antique se présente sous forme de plusieurs trous de plantation ; est‑ce la seule surface du trou qui forme le site, ou l’ensemble de la plantation, car l’espacement entre les trous ne renferme aucune trace de l’action humaine ?

Discussion.

Président de séance : J. Collis

16J. Collis : Les travaux que nous a présentés Ben Baaziz sont faits dans un but de recherche, mais aussi dans un but de conservation ; je sais qu’il y a au moins deux ou trois personnes ici qui ont fait des prospections en Afrique du Nord.

17A. Ferdière : Ben Baaziz a dit qu’il trouve envisageable de faire une carte archéologique, avec une prospection assez systématique, de l’ensemble du territoire tunisien, dans un délai raisonnable. Je ne veux pas parler de la Tunisie que je connais mal, mais, en ce qui concerne la France, je crois qu’il n’est pas envisageable d’appliquer des méthodes fines de prospection, qui sont longues, à l’ensemble du territoire national. Cela nous amène à l’inventaire archéologique, fait dans un but de gestion du patrimoine. Même en étant cent fois plus nombreux que nous, archéologues, ne le sommes aujourd’hui, il faudrait des siècles pour effectuer ces prospections sur l’ensemble du territoire national. Alors, que peut‑on envisager ? L’idée que je défends est qu’on pourrait effectuer de manière assez systématique un « inventaire léger » , c’est‑à‑dire l’enregistrement de ce qui est connu par la bibliographie, par les archives relativement accessibles, par les informations qu’on peut obtenir rapidement des archéologues locaux, des instituteurs, etc. ; d’ailleurs, ce qu’on appelle actuellement la carte archéologique s’arrête à ce niveau, qu’il s’agisse des volumes de la Forma Orbis Romanae, ou des inventaires archéologiques parus, parfois anciennement, parfois plus récemment pour certains départements. Il n’est effectivement pas envisageable d’aller beaucoup plus loin pour l’ensemble du territoire. Ce qu’on peut ajouter à cela, c’est peut‑être de l’échantillonnage, à condition d’être prudent sur ce terme, et sur la manière dont on le conçoit. A partir du moment où on a défini des micro‑régions qui sont homogènes aussi bien du point de vue historique, pour les périodes récentes, que géologique, morphologique, géographique et des traditions, entre autres des traditions culturales, à partir du moment où on a défini ce genre de micro‑régions, on peut penser que la prospection d’un échantillon, relativement important en surface par rapport à l’ensemble de la région, permettrait d’évaluer une densité dont on peut penser qu’elle est applicable à l’ensemble du territoire concerné. J’ai appelé cela territoire ou micro‑région. Resterait ensuite évidemment le problème, à partir du moment où on aurait une carte « légère » et une idée de la densité d’occupation potentielle de la région, de localiser les sites archéologiques réellement menacés ; mais je crois que l’existence de ces deux outils, au préalable, faciliterait énormément les choses, ne serait‑ce qu’au niveau de l’obtention des moyens pour effectuer la recherche lorsqu’une zone est menacée.

18P. Gouletquer : De la manière dont Ferdière présente les choses, cela paraît quand même difficile. Nous avons eu une expérience un peu identique au Niger où on travaillait sur les problèmes de l’industrie du cuivre, dans le cadre de la R.C.P. 322 du C.N.R.S. Nous avions un fil conducteur, qui était l’époque correspondant au Moyen Age chez nous. Il n’y avait pratiquement pas de publications sérieuses sur la région. Tout était donc à faire. Nous étions les premiers archéologues professionnels à prospecter réellement la région, et même les gens qui y circulaient habituellement n’y avaient pratiquement rien vu. A part Mauny, qui avait repéré quelques sites. Au départ, nous n’avions donc pas cet inventaire d’ensemble à réaliser. Il a fallu qu’une concession minière japonaise tombe juste sur notre terrain de travail pour qu’on s’engage à faire une recherche systématique de tous les sites de toutes périodes à l’intérieur d’une épure abstraite définie par des coordonnées géographiques. Mon projet visait alors à étudier toutes les périodes, depuis le village et la saline actuels de Teguidda‑n’Tesemt jusqu’aux sites paléolithiques éventuels. En fait, à l’expérience, on s’est aperçu qu’il était difficile d’éviter deux choses. Tout d’abord une dérive vers des thèmes dominants. En l’occurrence la métallurgie, puisqu’on découvrait une métallurgie beaucoup plus ancienne que celle qu’on pouvait espérer. Ensuite une dérive géographique. A moins d’avoir un système très autoritaire, ce qui n’est pas souhaitable dans ce domaine, il est très difficile de ne pas se laisser entraîner vers certains paysages. On est ainsi toujours attiré par les falaises, montagnes, affleurements rocheux, au détriment des plaines. Le résultat est qu’au bout du compte, après six ou sept ans de travail, on doit constater que des domaines entiers n’ont pas été abordés alors que d’autres ont donné lieu à des études extrêmement poussées. Même dans ces paysages dépourvus de végétation, où théoriquement tout est visible, ce côté systématique, rationnel des choses m’a paru très difficile à imposer.

19S. Ben Baaziz : Il m’a fallu 120 jours de travail effectif sur le terrain, 120 jours de sortie; mais il était impossible de sortir tout le long de l’année; il y avait deux périodes possibles, dans cette région, du mois d’avril jusqu’au début de mai, lorsque le blé n’a pas encore poussé assez haut pour cacher le sol, et à partir de septembre jusqu’au début de novembre, c’est‑à‑dire au moment des labours où le sol était visible; il nous a donc fallu 120 jours à peu près par carte archéologique au 1/50 000. Une deuxième remarque porte sur le paysage : j’ai placé sur la carte tous les puits actuels, qui sont en général romains, et les sources naturelles. Il y a donc une corrélation. Et puis il y a la végétation ; j’ai trouvé que le tiers des sites antiques est situé dans une zone actuellement abandonnée ; la forêt antique était donc moins étendue qu’elle ne l’est actuellement. L’idée courante était que le déboisement datait de l’époque arabe ; ce qui n’est pas vrai du tout ; on dit que ce sont les musulmans qui ont détruit la couverture végétale, ou bien la khahena, pour résister à leur avance.

20P. Hayes : J’ai travaillé en Lybie, où on rencontre le même genre de problèmes. J’ai travaillé aussi en Italie, en France, et il m’apparaît clairement qu’il n’existe pas de méthode unique de prospection. Si nous sommes ici pour essayer de trouver le meilleur écartement entre les prospecteurs, cela ne rime à rien parce qu’en Lybie les sites subsistent en élévation, les ruines romaines sont conservées sur la hauteur d’un étage, et il est évident que la méthode qu’on utilise n’a rien à voir avec ce qui est pratiqué en France ou en Angleterre. Il est possible, pour peu qu’on en ait les moyens, de couvrir totalement le pays, alors que c’est impossible en France ou en Angleterre. C’est là l’essentiel. En Lybie, on a pu établir des relations entre les sites et la végétation, les sols, etc., mais le tableau se complique de plus en plus au fur et à mesure que nous nous éloignons de la bande côtière vers le sud. Sur la côte, l’influence romaine est très forte, et elle diminue vers le sud, mais la pluviosité est également plus faible, si bien qu’il est difficile de démêler l’impact de ces deux facteurs. On constate, en gros, que les grands complexes de pressoirs à olives se trouvent sur des sites voisins de la côte, à vocation commerciale, et que leur taille diminue progressivement. Tout à fait au sud, on ne trouve que des pressoirs uniques incorporés à des casae, des habitats indigènes, qui ne semblent plus du tout orientés vers le commerce. Outre les données concernant l’environnement, il y a donc la possibilité d’étudier, en Tunisie et en Lybie, l’impact des systèmes commerciaux de l’Etat sur les réseaux pré‑existants. Nous n’avons pas encore de méthode de prospection appropriée à ce type de problématique. Nous cherchons à mettre les sites en relation avec leur environnement — la topographie, la végétation, le type de sol — mais il est beaucoup plus difficile de concevoir des stratégies permettant d’éclairer certains types de problèmes.

21T. Porter : D’une région à une autre, on peut comparer les données. En Afrique du Nord, on peut comparer la Tunisie centrale, par exemple, à une zone comme l’arrière‑pays de Cherchell, en Algérie. On étudie maintenant presque toutes les prospections qui ont été réalisées ; on peut dater les villae par l’étude de la sigillée ; partout en Italie, on peut reconnaître une période de prospérité au cours du Haut Empire et, à partir sans doute du ii^e s., on commence à observer un déclin. Mais, en Afrique du Nord, je crois qu’on commence à avoir un tableau un peu différent : c’est‑à‑dire qu’il y a une prospérité, comme Philippe Leveau l’a montré très nettement par ses prospections dans l’arrière‑pays de Cherchell, et un déclin un peu plus tard, à la fin du iii^e ou au iv^e s. Je crois qu’il est important, parce que l’Italie et l’Afrique du Nord sont très liées économiquement à l’époque romaine, de faire cette comparaison ; de plus, en Afrique du Nord, nous avons cet avantage très important de pouvoir dater avec beaucoup de précision ces sites ruraux, grâce à la céramique.