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La prospection archéologique

 | 
Alain Ferdière
, 
Elisabeth Zadora-Rio

La prospection et les grands travaux d’équipement

Prospection systématique sur le tracé de l’autoroute A 71 section Bourges‑Sud du Cher (France)

Anne‑Marie Fourteau

Resumen

Une étude d’impact archéologique sur un tronçon de la future autoroute A.71 (Orléans‑Montluçon) est entreprise depuis 1979. Cette opération vise non seulement à reconnaître les sites archéologiques menacés de destruction mais aussi à étudier l’évolution spatiale et temporelle de l’occupation humaine dans les terroirs touchés. Pour ce faire, diverses méthodes de prospection ont été utilisées, et ce souvent à titre expérimental, suivant la nature des terrains à étudier : étude préliminaire ; enquête auprès des habitants; prospections systématiques des terres labourées ; prospection à vue dans les prés et les bois, avec étude précise des limites parcellaires actuelles ; dosage des phosphates dans le sol des prés et des bois et sondages à la tarière; prospection subaquatique dans le Cher ; prospection thermographique et prospections aériennes. Outre les prospections strictement archéologiques, il a été fait conjointement une étude de l’habitat rural actuel ainsi que des traditions populaires, menacés aussi de destruction ou d’abandon. Cette opération se propose donc plusieurs objectifs : expérimentation de nouvelles méthodes de prospection ; évaluation des risques archéologiques en fonction des zones géographiques et géologiques traversées ; intégration des contraintes archéologiques dans le projet du grand tracé ; meilleure connaissance de l’histoire de l’occupation du sol, depuis l’origine, dans les zones étudiées.

Texto completo

1Le projet de construction de l’autoroute A.71 reliant Bourges à Clermont‑Ferrand a nécessité au préalable une étude d’impact archéologique. Celle‑ci a porté sur une partie du tronçon Bourges‑Montluçon, comprise entre Bourges et l’extrémité méridionale du département du Cher (fig. 1). Cette étude, réalisée dans le cadre de l’action programmée « Archéologie Métropolitaine », lancée par la Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique (contrat de trois ans), avec l’appui financier du Centre d’Etude Technique de l’Equipement de Rouen, qui réalise les études préliminaires routières et autoroutières, a débuté en 1979 sous la direction d’A. Ferdière et Y. de Kisch (Direction des Antiquités Historiques du Centre).

• 1. Découpage par régions (1 à 4) du tracé de l’autoroute entre Bourges et la limite du département du Cher.

2Les objectifs de ce projet sont de plusieurs ordres : rechercher et appliquer de nouvelles méthodes de prospection; évaluer les risques archéologiques en fonction des zones écologiques traversées; acquérir par ces diverses méthodes une meilleure connaissance de l’histoire de l’occupation du sol depuis l’origine dans les zones étudiées; faire intégrer les contraintes archéologiques dans le projet de grand tracé et ainsi permettre la mise en place d’une politique de gestion et de prévention du patrimoine archéologique.

Prospection systématique sur sols nus

3La prospection sur sols nus est effectuée de façon systématique selon les méthodes expérimentées sur l’ensemble d’une commune de Beauce, en 1976 (Ferdière, Fourteau 1979). Tous les champs labourés situés dans la bande d’étude de l’autoroute sont systématiquement prospectés (entre les mois de février et d’avril, où la plupart des champs cultivés sont en labours ou bien viennent juste d’être semés, et sont donc dans les meilleures conditions de visibilité) par des équipes de cinq à six personnes placées en ligne et avançant dans l’axe des sillons, en respectant un écartement de 10 m. Chaque prospecteur ramasse tous les vestiges (de toutes époques) dont la présence n’est pas naturelle, se trouvant dans son axe, en balayant du regard une largeur de 10 m environ. De cette façon, on peut tenter d’évaluer l’ancienneté de la mise en culture de ces terroirs par le calcul de la densité de vestiges ramassés, par hectare ; ces vestiges ont été pour la plupart répandus avec les fumures dans les champs (fig. 2 et 3).

• 2. Carte de densité de vestiges à l’hectare (hormis l’outillage lithique) sur une portion de la bande d’étude (Région 2) par zone de prospection (commune de Saint‑Germain‑des‑des‑Bois). Cette carte montre que (toutes époques confondues, depuis la Protohistoire jusqu’à l’époque moderne) les terres de la partie sud ont été nettement plus intensément exploi tées que celles de la partie nord. En revanche, la concentration des sites archéologiques (de toutes époques) est plus forte dans cette zone. De 1 à 5, densité de vestiges à l’hectare ; 1 : entre 0 et 19 ; 2 : entre 20 et 39 ; 3 : entre 40 et 59 ; 4 : entre 60 et 79 ; 5 : plus de 80 ; 6 : limite des zones de prospection ; 7 : site archéologique ; 8 : bois ; 9 : habitat actuel ; 10 : voies de communication.

3. Pourcentages des poteries « anciennes » (protohistoriques, gallo-romaines et médiévales) par rapport au total des poteries ramassées par zones de prospection sur la même portion de la bande d'étude qu'en fig. 2. Cette carte, comparée à la précédente, nous montre qu'en réalité la partie méridionale a été cultivée intensément pendant l'époque moderne (majorité des vestiges), alors que les terres de la partie nord ont été exploitées plus intensément aux époques anciennes et ont connu un ralentissement à l'époque moderne. Ce ralentissement, correspondant à un abandon des terres labourées, est encore visible sur le cadastre du xixe s. qui figure un boisement sur des zones aujourd'hui labourées (zones 1 à 8, 21 à 29, et 42). La possibilité de pâturages transformés en terres de culture à l'époque moderne est à envisager pour les zones non boisées au xixe s. De 1 à 5, pourcentage de céramiques « anciennes » par rapport au total des céramiques ramassées ; 1 : entre 0 et 19 %. 2 : entre 20 et 39 %; 3 : entre 40 et 59 %; 4: entre 60 et 79 % ; 5 : plus de 80 %; 6 : limite de zone de prospection; : site archéologique (excepté le site préhistorique); 8 : bois; 9 : habitat actuel; 10 : voies de communication.

4La présence d’un site archéologique est décelée par la densité — anormale par rapport à celle de la zone prospectée — de vestiges sur une surface restreinte et présentant une datation homogène ; il peut tout aussi bien s’agir d’une concentration de tuiles, comme d’une concentration de pierres et de charbons de bois, ou de tessons de poteries. Ainsi le site se détermine par une concentration dans l’espace de vestiges limités dans le temps. Afin de délimiter un site, plusieurs personnes s’éloignent de son centre hypothétique en rayonnant et en ramassant un échantillonnage de vestiges. La limite supposée du site atteinte (raréfaction ou disparition des vestiges) est matérialisée par des repères permettant d’en relever l’étendue et la forme. Le ramassage systématique de la zone de prospection, hors site, décrite en premier lieu, s’interrompt sur toute la surface du site afin d’éviter une augmentation anormale de la densité de vestiges.

Prospection en terrain non labouré

5Dans les prés (nombreux dans la partie sud du projet, en région bocagère), la prospection à vue consiste surtout à repérer les micro‑reliefs, les buttes, les parcellaires fossilisés, etc., et à faire une description précise des limites parcellaires actuelles (fig. 4) : entretien des haies, largeur et hauteur des fossés et talus, etc. Parallèlement, toutes les espèces arbustives et arborescentes constituant les haies se trouvant sur le tracé sont relevées (sur une portion de 30 m de chaque haie) par un botaniste. La possibilité de dater le bocage par la diversité spécifique des haies est ainsi expérimentée dans le cadre de cette étude d’impact (Fourteau 1983).

4. Fiche de prospection de pré.

6Dans les bois, étant donné la difficulté d’orientation et de visibilité, la prospection à vue est effectuée par une équipe de cinq personnes qui progressent à la même allure, en gardant un écartement de 10 m entre elles et conservant la même direction. Une personne placée au centre des prospecteurs les guidera, en vérifiant régulièrement la direction à la boussole. On relève toutes les anomalies en relief ou en creux, dont l’existence est parfois liée directement à la forêt (par exemple d’anciens ronds et « loges » de charbonnier, anciennes carrières...) ou bien des anomalies conservées, après leur abandon, par la forêt (c’est souvent le cas des mottes féodales, des villages désertés, ou d’anciennes limites parcellaires par exemple). En outre, tous les dix pas environ, on écarte du pied le couvert de feuilles mortes pouvant masquer des vestiges témoins d’une occupation humaine (tessons de poteries, tuiles, scories, etc.).

Carottages à la tarière

7La prospection à vue ne permettant de déceler que les sites ou structures hors du sol, il a été décidé de pratiquer, dans les prés et les bois, des sondages à la tarière espacés de 20 m, en suivant l’axe théorique de l’autoroute.

8En un premier temps, nous avons utilisé la technique de dosage des phosphates contenus dans le sous‑sol. Dans chaque carotte extraite à la tarière à main entre le sol humifère et le sol vierge, est prélevé un échantillon de terre sur lequel on verse un réactif qui se colore s’il contient une forte teneur en phosphates (forte teneur due surtout à une occupation, humaine et/ou animale, prolongée dans un espace restreint, cf. Eidt 1973). Cette technique, que nous avons testée auparavant à la fois sur un site archéologique connu et sur un sol vierge, s’est révélée fiable. Par contre, pour ce type de prospection à grande échelle, traversant plusieurs petites régions, il est apparu que le dosage des phosphates après chaque sondage à la tarière n’est pas suffisamment rapide et efficace, et que les facteurs pédologiques et géologiques peuvent parfois en modifier les réactions ; en outre, la température joue un rôle dans la conservation des produits réactifs. Nous avons donc préféré laisser de côté cette technique au profit d’un simple examen à l’œil nu des carottes de terre, afin d’y déceler la présence de fragments de terre cuite, de charbons de bois, de scories — toujours dans la (ou les) couche(s) de terre située(s) entre le sol humifère et le sol vierge — témoignant de l’existence d’une éventuelle couche archéologique. Lorsqu’un carottage est positif, on effectue autour plusieurs carottages en croix pour découvrir les limites du site supposé.

9Cette technique s’est révélée assez rapide et efficace ; la rapidité de sondage à la tarière dépend surtout du type de sous‑sol rencontré, mais on peut compter en moyenne vingt‑cinq sondages par équipe de deux personnes en une journée. Actuellement (mai 1982), sur une longueur de 2050 m sondée à la tarière (tous les 20 m) dans les bois, ont été découverts six sites, et sur une longueur de 9 690 m dans les prés, seize sites. Des sondages manuels sur ces sites potentiels ont permis d’en confirmer l’existence, d’en préciser la nature ainsi que leur état de conservation et leur datation avant d’y programmer des fouilles de sauvetage.

Archivage des données

10A chaque champ, pré ou bois prospecté, on donne un numéro de zone allant de 1 à n (on a numéroté ainsi sur le tracé à étudier, 807 zones dont, jusqu’au printemps 1982, 650 ont été prospectées) (fig. 5). Toutes les données concernant la zone sont rassemblées sur une fiche (fig. 6) ; elle comporte au recto trois types de renseignements :

11— renseignements administratifs : coordonnées cadastrales, références aux cartes... ;

12— renseignements sur les données du terrain : renseignements utiles surtout dans le cas des zones cultivées où furent effectués des ramassages systématiques. En effet, il est admis que plusieurs facteurs, tant naturels (climat, géologie) qu’humains, peuvent influer sur le résultat des ramassages et sur les chances de découverte de sites archéologiques. Ainsi apparaît‑il important de noter la nature du sol prospecté (par exemple la couleur du sol, sa granulométrie, la couverture végétale et l’état du cham ; s’il vient d’être hersé ou si les céréales commencent à monter, la visibilité sera plus mauvaise) ; enfin on note le nombre de prospecteurs ;

13— renseignements d’ordre historique : ils sont à mettre en relation avec les calculs de densité de vestiges ramassés dans cette zone. Ainsi, par exemple, la présence d’un habitat actuel à moins de 100 m de la zone peut expliquer la forte densité de vestiges (modernes surtout) répandus dans le champ.

•5. Deux exemples du document cartographique fourni après chaque campagne de prospection à la société autoroutière. Les zones prospectées dans la bande de 300 m (150m de part et d’autre du tracé autoroutier théorique) sont numérotées (ex. : Z.753) et différenciées suivant qu’elles ont été prospectées en pré ou en bois (en pointillés) ou en terre labourée (traits obliques). La position des carottages à la tarière est figurée sur le tracé de l’autoroute par des losanges situés aux deux extrémités de l’axe de carottage par zone. L’étendue et la position des sites archéologiques sont figurées en noir et sont accompagnées de leur numéro d’inventaire par commune (ex. : 268.04). 1. Région 4, Boischaut sud (une grande partie des zones prospectées sont en pré). 2. Région 2, entre la Champagne berrichonne et la vallée du Cher.

6. Fiche de zone.

14Au verso de la fiche on décompte les vestiges ramassés en les séparant par matériaux et, pour les poteries, on effectue un tri grossier par type, correspondant à peu près à des époques historiques ; par exemple les céramiques protohistoriques sont à dégraissant grossier, mal cuites et non tournées. Nous nous en tenons délibérément à ce tri grossier (les céramiques communes étant globalement plus anciennes que les céramiques grésées, glaçurées) car dans cette région, les poteries (poteries médiévales en particulier) sont encore mal datées, faute de fouilles archéologiques suffisantes. Enfin, un emplacement est laissé pour dessiner un plan de la zone étudiée.

Évaluation des risques archéologiques : problème d’échantillonnage des terroirs

15La possibilité d’expérimenter dans cette région un modèle de la densité de sites que l’on puisse ensuite appliquer à des régions semblables nous a été offerte au cours de la première phase de cette étude. En effet, au départ de ce projet de prospection, la surface d’étude proposée par la société autoroutière était trop vaste pour que l’on puisse la prospecter systématiquement dans son ensemble (fuseau de 10 km de large sur 70 km de long), et les délais qui nous étaient impartis étaient au départ trop courts (le projet de construction a depuis pris un important retard). Pour tenter cette expérience, nous avons découpé l’espace traversé par l’autoroute en quatre petites régions à caractère géographique et géologique bien défini, dans lesquelles furent choisies des communes‑échantillons où les résultats des prospections systématiques seraient suffisamment représentatifs pour estimer statistiquement le risque archéologique de chacune de ces quatre régions (fig. 1).

16Après la prospection systématique d’un peu moins de 500 ha dans une commune de la région 1 (Lissay‑Lochy, en Champagne berrichonne), d’un peu plus de 400 ha dans une commune de la région 2 (Saint‑Germain‑des‑Bois, entre la Champagne berrichonne et la vallée du Cher), de 200 ha en région 4 (Boischaut Sud) et 800 m de prospection subaquatique dans le Cher (zone 3), les risques archéologiques pouvaient être évalués ainsi :

  • région 1 (Champagne nord) : 1,5 site en moyenne au km2 ; risque faible ;

  • région 2 (Champagne sud) : 5,5 sites en moyenne au km2 ; risque moyen;

  • région 3 (Vallée du Cher) : 6,6 sites en moyenne au km2 ; risque fort ;

  • région 4 (Boischaut) : 7,7 sites en moyenne au km2 ; risque fort.

17La possibilité de poursuivre ensuite une prospection systématique sur toute la longueur du tracé autoroutier (dans une bande d’étude plus étroite, de 300 m de large) grâce à un retard dans les délais de construction, nous a permis, en particulier, de vérifier la validité de l’expérience d’échantillonnage statistique, et d’en préciser les données :

  • région 1 (1 156 ha prospectés) : 2,7 sites en moyenne au km2 ; risque faible ;

  • région 2 (1 066 ha prospectés) : 5,8 sites en moyenne au km2 ; risque moyen;

  • région 3 (67 ha prospectés) : 11,9 sites en moyenne au km2 ; risque fort ;

  • région 4 (298 ha prospectés) : 13,2 sites en moyenne au km2 ; risque fort.

18Ces résultats confirment les probabilités de risques archéologiques par région qui avaient été prévus après la prospection‑test.

19En région 1, par exemple, bien que le nombre de sites au km2 paraisse légèrement plus élevé que prévu, le risque archéologique reste malgré tout faible. Cette région de plaine se caractérise aujourd’hui par un paysage ouvert avec un habitat groupé (population concentrée dans les bourgs avec quelques grands domaines agricoles intercalaires) ; elle se trouve sur un plateau de calcaire lité, où la couche superficielle est très peu épaisse, donnant un sol assez pauvre souvent envahi par endroits par des plaques calcaires remontées par les labours (rendzine, avec apport limoneux par endroits). Il est fort probable que la pauvreté du sol agricole et du sous‑sol soit la raison majeure expliquant le peu d’attrait de cet endroit pour les populations, qu’elles se soient installées pendant la période protohistorique ou historique (fig. 7, tableau B). Cette idée est corroborée par les résultats des ramassages systématiques hors sites, qui permettent de mieux visualiser les différences d’occupation du sol par région. Ainsi, la densité de vestiges (hormis les pierres et l’outillage lithique) ramassés sur la commune test de la région 1 est‑elle nettement inférieure à celle provenant de la région 2 (calculs sur la commune test) :

  • région 1 (Lissay‑Lochy) : 21 objets en moyenne à l’hectare, dont 20 % de céramiques « anciennes » ;

  • région 2 (Saint‑Germain‑des‑Bois) : 35 objets en moyenne à l’hectare, dont 52% de céramiques « anciennes ».

• 7. Tableau A : Densité totale des sites au km2 découverts en prospection (les chiffres ont été arrondis). Région 1 : Champagne berrichonne (plateau de calcaire lité). Région 2: région intermédiaire comprise entre la Champagne et la vallée du Cher (sur calcaire lacustre). Région 3 : vallée du Cher (alluvions). Région 4 : Boischaut sud (sous‑sol argileux).
Tableau B : diagramme cumulatif de densité de sites au km2 par époque dans chaque région (sites découverts uniquement par prospection dans les champs labourés).
Tableau C : diagramme cumulatif de densité de sites au km2 par région pour chaque période (sites découverts uniquement par prospection dans les champs labourés).

20La région 2 se situe entre la Champagne berrichonne et la vallée du Cher ; elle présente un paysage plus varié que celui de la région 1, avec des zones encore largement boisées et quelques zones bocagères, où les écarts sont relativement nombreux ; les remembrements effectués actuellement dans cette région tendent à faire disparaître les traits naturels qui la différenciaient de la Champagne. Tout comme le paysage, le sous‑sol est plus varié : calcaire lacustre recouvert par endroits par des terres noires, comprenant aussi des poches d’argile sidérolithique exploitables pour la métallurgie du fer. Les plus grandes possibilités économiques offertes par ces sols ont sans aucun doute joué un rôle dans la fixation, dès la Protohistoire, d’une population plus importante que dans la région champenoise (fig.  7, tableau B). Cette région 2 semble homogène dans son occupation car la poursuite des prospections a montré la même densité de sites au km2.

21La région 3, correspondant à la vallée du Cher, comporte un nombre de sites plus important que prévu, bien que cette probabilité d’un fort risque archéologique soit déjà apparue lors des premières prospections. On voit le même phénomène se produire pour la région 4, région bocagère à l’habitat dispersé, au sous‑sol argileux, perméable, donc plus favorable à l’élevage qu’à la culture des céréales, et dont l’exploitation permet entre autres un artisanat de la poterie et du métal. Cette région peu explorée auparavant par les archéologues et surtout mal connue (les nombreuses prairies sont un obstacle aux découvertes de sites enfouis) n’était pas a priori regardée comme une région à grand risque archéologique, au contraire. Il faut là encore souligner la faiblesse du seul inventaire bibliographique. C’est trop souvent l’unique document auquel on se réfère face aux aménageurs. Il reflète plus l’activité et le nombre d’archéologues dans une région, ainsi que, indirectement, sa croissance économique, par la multiplication des travaux urbains et ruraux mettant au jour des sites archéologiques que sa réalité historique (Baratin 1978).

22La densité de l’occupation et sa répartition par région (1 à 4) se différencient suivant les époques. Bien que des critères extra‑historiques puissent influer sur ces résultats, il est intéressant néanmoins de noter ces différences (fig.  7, tableau C).

23Les sites préhistoriques (essentiellement néolithiques), caractérisés par une concentration anormale d’outillage lithique, sont peu nombreux et ce, quelle que soit la région prospectée. La dispersion des objets par des labours répétés depuis fort longtemps, l’enfouissement parfois important de la couche archéologique préservée ainsi de la destruction de la charrue, le mode de vie mi‑sédentaire, mi‑nomade au Néolithique par exemple, favorisant l’éparpillement des vestiges et la très longue période de temps couverte par la Préhistoire par rapport aux époques historiques, sont autant d’éléments qui rendent difficile la découverte de concentration nette de silex taillés. Avec les calculs de densité de silex taillés à l’hectare, il est possible de mettre en évidence des zones de plus forte concentration, donc à plus fort risque archéologique (fig.  8).

• 8. Carte de densité de silex taillés par 10 ha par zones de prospection en Champagne berrichonne sur les communes de Trouy et Plaimpied‑Givaudins. Les plus fortes densités de silex sont situées dans un espace d’à peu près 1 km de côté dans la moitié nord de la carte et se trouvent sur le plateau dominant la vallée de la Rampenne. La majorité des objets ramassés sont rattachables à la période néolithique. Le positionnement des découvertes de haches polies montre aussi une concentration dans la moitié nord où l’on trouve des dépôts de limons éoliens et deux talwegs qui auraient pu être en eau pendant les périodes préhistorique et néolithique.
Légende : 1 : limite des zones prospectées ; de 2 à 6 : densité de silex pour10 ha ; 2 : ; 3: de 1 à 10; 4 : de 11 à 20 ; 5 : de 21 à 30 ; 6 : de 31 à 40 ; 7 : sites protohistoriques ; 8. hache polie; 9 : limons des plateaux ; 10 : vallée sèche ; 11 : courbe de niveau en mètre ; 12 : rivière et sens du courant. En dehors des limons, le reste du sous‑sol géologique est formé de calcaire de l’Oxfordien supérieur (calcaire lité).

24La plus grande densité de sites protohistoriques (caractérisés par une concentration de céramiques à gros dégraissant, non tournées et mal cuites) se rencontre dans la région 2 où la couche superficielle plus épaisse qu’en région 1 et les poches d’argile sidérolithique par endroits ont été sans aucun doute des facteurs d’attrait pour les populations protohistoriques. Il est probable néanmoins que le nombre de sites protohistoriques découverts soit sous‑estimé, car la mauvaise conservation des céramiques peu cuites dans les sols (en particulier les sols à pH acide comme les sols sableux que l’on trouve en région 4), leur similitude de couleur avec la terre, sont des obstacles à leur découverte. De même, pour la vallée du Cher (région 3) où aucun site protohistorique n’a été découvert pour l’instant, le recouvrement des sites anciens (préhistoriques et protohistoriques) par les alluvions plus récentes n’est pas à exclure.

25Les sites gallo‑romains sont beaucoup plus nombreux. Contrairement aux sites protohistoriques, ils ont été découverts en majorité dans la vallée du Cher (région 3). La présence du Cher, rivière navigable, comme voie de communication pour des échanges économiques est sans doute une des causes de cette forte densité de l’occupation gallo‑romaine. La présence d’ateliers de tuiliers dans ces sites gallo‑romains vient conforter cette idée (Ferdière 1977 : 77).

26La densité totale des sites médiévaux est la même que celle des sites protohistoriques. Mais, là encore, comme pour la période gallo‑romaine, la plus forte concentration des sites médiévaux se trouve dans la vallée du Cher. Leur absence dans la région 1 vient conforter l’idée que la mise en place de l’habitat actuel s’est effectuée dès le Moyen Age. En effet, la plupart des bourgs, hameaux et domaines actuels de cette région sont attestés au Moyen Age, époque à laquelle la population était sans doute comparable à ce qu’elle était récemment, si l’on se réfère au premier dénombrement daté de 1558 (Gay 1967 : 33). Ainsi, l’une des caractéristiques de l’actuelle Champagne berrichonne, l’habitat groupé dans les bourgs, était‑il probablement une réalité au Moyen Age. Reste à savoir maintenant si le paysage ouvert que l’on connaît actuellement et qui fait suite à une économie pastorale (élevage du mouton qui aurait été la principale activité économique champenoise dès le xve s.) était identique au Moyen Age.

Conclusion

27Cette opération a permis de découvrir, depuis février 1979, 141 sites archéologiques, dont 50 se trouvent de part et d’autre du tracé, dans une bande de 300 m et 42 sont recouverts en tout ou partie par le tracé théorique de l’autoroute (de 60 m de large). Le seul inventaire archéologique connu auparavant (Querrien et al. 1979), ne signalait que 4 sites dans la bande de 300 m de l’autoroute : ceci montre la nécessité d’avoir recours à des études de terrain approfondies et systématiques afin de programmer des interventions archéologiques et de prévenir les risques archéologiques.

28Dans cette opération, nous avons pu utiliser diverses méthodes pour acquérir une vision globale de l’occupation humaine, des origines à nos jours, dans les terroirs menacés de modification radicale par la construction de l’autoroute. La prospection au sol nous donne, outre la découverte de sites archéologiques, la possibilité de connaître l’ancienneté de l’exploitation agricole et son étendue par l’éparpillement des vestiges au sol avec les fumures. L’évolution de l’organisation spatiale de ces terroirs peut être appréhendée de plusieurs façons. Ainsi, par exemple, les restitutions photographiques de la prospection thermique aérienne effectuée sur le tracé théorique de l’autoroute, au‑dessus des régions 1 et 2 (Périsset, Tabbagh 1980), ont‑elles mis en évidence, entre autres, l’existence d’anciennes limites parcellaires. Certaines se retrouvent sur les plans cadastraux dits « napoléoniens » (première moitié du xixe s.) et d’autres leur sont antérieures. Le rapport de ces dernières avec des sites archéologiques à proximité peut parfois en préciser les terminus post et ante quem (recouvrement des limites parcellaires par un site ou l’inverse). L’essai de datation des haies dans le paysage est aussi une approche complémentaire à cette étude des parcellaires anciens, de même que l’étude des micro‑reliefs (crêtes de labours, rideaux...). Des renseignements concernant les activités traditionnelles agricoles (sur les limites parcellaires en particulier, renseignements rarement consignés dans les actes et que l’on risque de perdre après l’abandon de ces activités) ont été recueillis par des enquêtes effectuées auprès des personnes vivant dans les communes concernées. Ces enquêtes entraient dans le cadre de l’étude préliminaire à la prospection (inventaire bibliographique, examen des archives communales et privées, étude des cadastres anciens...) et portaient également sur les traditions populaires et l’habitat traditionnel afin de ne pas séparer les données strictement historiques des données ethnographiques (Billon 1981). Il nous a paru important dans cette opération de suivre un processus logique d’étude du patrimoine historique d’une région par la connaissance de l’évolution de l’habitat, de la mise en valeur du sol et donc ainsi du paysage.

29La deuxième partie de l’étude d’impact concerne la protection et l’étude des sites menacés par le tracé de l’autoroute. Il est hors de question de demander aux constructeurs de dévier le tracé afin d’éviter les 42 sites actuellement (mai 1982) recensés. Le risque de destruction de sites archéologiques se poserait de nouveau pour n’importe quel autre tracé. Il a été alors établi une échelle d’importance des sites suivant leur état de conservation et leur importance scientifique par rapport à la connaissance historique dans la région. Ainsi quatre degrés de protection sont proposés à l’interlocuteur (fig.  9 fiche de site) : 1. : observation pendant les travaux et/ou sondages restreints ; 2 : fouille de sauvetage à court terme ; 3 : fouille de sauvetage programmé ; 4 : site à protéger. Suivant le degré de protection (dans les cas difficiles on peut l’évaluer en ouvrant des petits sondages permettant de connaître l’existence ou l’absence de couches archéologiques), on peut prévoir le type d’intervention et son coût financier. La programmation des opérations de sauvetage peut ainsi être proposée aux constructeurs.

9. Fiche de site.

Discussion.

Président de séance : L. Langouët

30A. Ferdière : Je voudrais apporter une précision et lancer un débat. Pour ce qui est du ramassage systématique en dehors des sites archéologiques, l’hypothèse de départ était la suivante : ces vestiges hors sites archéologiques doivent provenir essentiellement des détritus jetés avec les fumures des champs. Et, par conséquent, leur densité, ou les densités comparées de différentes catégories de matériel, devrait permettre dans une certaine mesure d’apporter des renseignements sur l’ancienneté de la mise en culture de ces terrains. Evidemment intervient là‑dedans la proximité des sites contemporains ; il est bien évident que les détritus sont de préférence jetés à proximité des sites contemporains et qu’il y en a de moins en moins à mesure qu’on s’en éloigne. Mais on s’est aperçu quand même que, vraisemblablement, on pouvait utiliser ces calculs de densité pour aboutir à des conclusions sur l’ancienneté de la mise en culture.

31L. Langouët : Il a été dit qu’il n’y avait pas recouvrement entre certains sites et des vestiges archéologiques ; si j’ai bien compris, il s’agit de vestiges gallo‑romains. Premièrement, qu’est‑ce que vous entendez par site ? Est‑ce que cela veut dire qu’il y a des structures maçonnées ? Et ensuite, comment se caractérisent les gisements ? Est‑ce que ce sont des tuiles et des céramiques ? Et, dans ce cas, ne s’agit‑il pas de maisons en pisé ? Voilà les deux questions que j’ai à poser. Mais qu’entendez‑vous par « site » ? Y‑a‑t‑il des substructions ou une vision aérienne ?

32A.‑M. Fourteau : Non, les sites dont je parlais ont été découverts uniquement en prospection au sol : donc une concentration de tessons, de tuiles, peut‑être de charbons de bois ; uniquement des vestiges concentrés dans l’espace et dans le temps. Les zones où on ne voyait pas cette concentration, où les vestiges couvraient une surface beaucoup plus grande, n’ont pas été considérées comme des sites ; il y avait aussi un mélange de matériel d’époques différentes.

33P. Gouletquer : Qu’est‑ce qu’on entend par « préhistorique » ? Est‑ce du Paléolithique, ou est‑ce du Néolithique ? ou du Bronze ? Où cela s’arrête‑t‑il ?

34A.‑M. Fourteau : C’est assez vague, c’est tout ce qui fournit du silex taillé. On n’a pas essayé de faire des chronologies très fines ; c’est une première approche.

35A. Ferdière : En fait, vu la quantité de matériel et le peu d’éléments caractéristiques, on a pensé qu’il valait mieux se contenter de grandes catégories qui sont: « Préhistoire », quand on trouve du silex ; « Protohistoire » quand on trouve de la céramique non tournée; « Gallo‑Romain», c’est déjà plus caractéristique, et « Médiéval » ; parce qu’on ne trouve pas assez d’éléments pour pouvoir dire si on est dans le Néolithique, le Mésolithique ou dans le Paléolithique... ; mais de façon générale, il s’agit tout de même du Néolithique pour ce qui est de la Préhistoire.

36P. Gouletquer : Il y a un autre problème auquel, je suppose, vous avez pensé. Je suis toujours frappé par le souvenir de prospections dans certains endroits où, par certain temps, on ne voit rigoureusement rien, pas le moindre silex taillé dans un champ. Puis, si on arrive au bon moment, qui dure peut‑être une journée, on découvre ce qu’on pourrait appeler un site, avec de très fortes concentrations. C’est peut‑être vrai aussi pour la poterie, je connais moins bien le problème ; mais pour le silex, en tout cas, on a eu des expériences assez curieuses dans ce domaine. Sur des sites qu’on connaissait parfaitement, par exemple, on venait faire des ramassages de surface bien organisés et on ne voyait plus rien, ou presque. Cela paraît important, c : partir du moment où on fait des comptages et des comparaisons par hectare, de savoir si on a des conditions exactement identiques à deux moments différents de la prospection. Une autre question est le problème que j’ai soulevé hier : est‑ce que vous refaites une prospection de feed‑back sur les régions qui vous paraissent pauvres ? Est‑ce que vous recommencez une prospection pour vérifier vos hypothèses ?

37A.‑M. Fourteau : Pour l’instant, on n’a toujours pas fini la prospection dans les régions bocagères, des prés et des bois. Et, au départ, c’est une prospection de sauvetage, pour un tracé autoroutier, avec évidemment la possibilité d’expérimentation de nouvelles méthodes ; on a donc de l’argent et un temps impartis et, pour l’instant, on ne peut pas se permettre de faire tout deux fois.

38P. Gouletquer : C’est là aussi où je vois un problème assez important : l’influence des motivations de la recherche sur les résultats.

39Y. de Kisch : Je voudrais apporter une réponse indirecte : cette opération, par définition, est une opération ambiguë. C’est‑à‑dire qu’elle s’est donné des objectifs de recherche, et qu’elle se passe aussi dans une situation de sauvetage, ou de préparation de sauvetage, ou de prévention de sauvetage. Donc, nous sommes conscients, d’abord, des franges d’incertitude qui existent, qui sont considérables, dans nos résultats, même dans les pourcentages obtenus. Nous sommes conscients aussi de l’échéancier qui existe. Nous sommes également parfaitement conscients du risque archéologique que représentent nos propres évaluations. Il est extrêment dangereux en effet — mais je ne veux pas anticiper sur les conclusions qui vont être celles d’Alain Ferdière — de dire à un organisme constructeur : « là, il n’y a rien ; là, il y a quelque chose ; et là, n’y touchez pas ». Nous ne nous enfermons pas non plus là‑dedans, parce que nous nous réservons, comme les textes de lois nous le permettent, d’autres possibilités d’intervention. Mais, dans le cadre qui était le nôtre au départ, il était inévitable que ce type d’incertitude se rencontre. Je crois qu’il faut admettre que la prospection ne peut pas être, dans une opération de ce genre, simplement l’analyse méthodologique. Il nous a paru néanmoins préférable d’aller dans cette voie — cela a pu d’ailleurs nous être éventuellement reproché — plutôt que de nous limiter à ce qui aurait pu être traité très vite effectivement, c’est‑à‑dire passer en Land‑Rover sur le site, à une vitesse modérée, et faire une carte de répartition en deux jours. Je crois que nous avons fait un peu mieux. Cela dit, nous nous exposons du coup à des risques, dans la mesure où nous prétendons à un minimum de vérité « scientifique ». En ce qui concerne les modifications sur le terrain en fonction des variations climatiques, de la pluie notamment, c’est vrai des silex, c’est vrai de la céramique ; c’est vrai a fortiori des concentrations métalliques. Il y a des modifications constantes, y compris sur des sites parfaitement connus où des prospections peuvent donner tel ou tel jour des résultats nuls. Revenons au cadre chronologique : aurons‑nous le temps de faire ce qui serait indispensable, c’est‑à‑dire effectivement un contrôle des zones « faibles » ? Je n’en suis pas certain, mais l’opération n’est pas terminée.

40A. Ferdière : Ces problèmes de plus ou moins bonne visibilité des vestiges en fonction des conditions de labours et des conditions météorologiques par exemple, sont tout à fait évidents. D’ailleurs, dans les fiches d’enregistrement, les conditions météorologiques et les conditions de surface au sol au moment de la prospection sont précisément indiquées, pour faire entrer éventuellement ce paramètre dans les comparaisons. Pour les sites protohistoriques, la céramique est de très mauvaise qualité dans nos régions, et très souvent de la couleur de la terre ; dans de mauvaises conditions, c’est certainement sur ce type de site qu’il y a le plus de risques de passer sans le voir. C’est pourquoi, vraisemblablement, s’il y a une sous‑estimation des sites, elle est certainement plus forte pour les sites protohistoriques que, par exemple, pour les sites gallo‑romains, où les vestiges caractéristiques sont beaucoup plus visibles.

41E. Zadora‑Rio : Pour revenir à la question d’Alain Ferdière concernant la céramique trouvée hors site, je crois, effectivement, qu’on peut l’utiliser pour dater la mise en culture, et que cela a été très souvent fait aussi bien en Angleterre qu’en Pologne, mais l’absence de tessons ne prouve rien. Je voudrais savoir si vous trouvez cette céramique hors site à l’époque gallo‑romaine, ou uniquement au Moyen Age ?

42A.‑M. Fourteau : A l’époque gallo‑romaine aussi, mais en moindre quantité.

43L. Langouët : Oui, mais l’apport a pu se faire à l’époque médiévale. Sur le plan méthodologique, je ne suis pas sûr...

44E. Zadora‑Rio : Il y a assez peu de chance qu’on ait transporté alors des dépotoirs gallo‑romains.

45P. Gouletquer : Quelle est la différence entre le site, ce que vous appelez le site, et ce que vous jugez ne pas être un site ?

46A.‑M. Fourteau : C’est une question de concentration plus forte, dans l’espace et dans le temps. Quand on trouve une concentration assez importante de tessons de la même époque, de tessons et de tuiles, il y a de fortes chances qu’on ait un site. Et dans le reste du champ, si on a un ou deux tessons, c’est ce qui est ramassé systématiquement, et sur lequel on fait les calculs de densité.

47E. Zadora‑Rio : On a presque plus de chance de laisser échapper des sites pour les périodes où la céramique est abondante. En Anjou, par exemple, on ne trouve de tessons gallo‑romains que sur les sites, c’est‑à‑dire associés à des débris de construction très localisés, alors qu’on trouve de fortes densités de céramique médiévale dans tous les champs, si bien qu’une faible concentration peut facilement passer inaperçue.

48N. Mills : En ce qui concerne les apports de fumier, est‑ce que c’est une hypothèse que vous considérez pour tous les vestiges, c’est‑à‑dire les silex ainsi que les poteries préhistoriques, ou seulement pour les poteries à partir de l’époque gallo‑romaine par exemple ?

49A.‑M. Fourteau : Dès la Protohistoire, je crois qu’il y avait des fumures, et même sans doute dès le Néolithique.

50N. Mills : Oui, mais cela reste quand même une hypothèse, parce qu’il y a d’autres raisons pour apporter ce matériel dans les champs ; cela peut ne pas indiquer la mise en culture, mais un autre type d’exploitation, comme, par exemple, des chemins.

51A. Ferdière : Je crois qu’effectivement, pour la Préhistoire, ce n’est pas la seule hypothèse possible. Vraisemblablement, plusieurs hypothèses sont sans doute valables en même temps pour expliquer le fait qu’on trouve du silex taillé un peu partout, sans qu’il y ait vraiment de concentration. De toute façon, on ne peut pas comparer la répartition des vestiges pendant des dizaines de milliers d’années à, par exemple, celle de quatre siècles d’époque gallo‑romaine. Par ailleurs, un groupe humain de la période néolithique, comparé à un autre de même importance à l’époque gallo‑romaine, va occuper une surface beaucoup plus vaste. Et puis, il y a aussi le fait que l’éparpillement des vestiges peut varier en raison de la durée, même si cet éparpillement est finalement peu important ; Reynolds connaît bien ce problème, puisqu’il fait des expériences sur le sujet : les vestiges se déplacent relativement peu, je crois ?

52P. Reynolds: Oui.

53N. Mills: Nous parlons maintenant de prospection de sauvetage; c’est peut‑être le moment de soulever les différences possibles entre un travail de sauvetage et un travail dit de recherche. Ici, vous avez un cas bien précis de tracé autoroutier, qui exige donc une approche de sauvetage destinée à évaluer les risques occasionnés par le projet. Dans bien des cas, quand on fait une prospection de sauvetage, par exemple à l’échelon régional, pour essayer d’évaluer les risques propres à chaque zone, il est impossible, à mon avis, de dissocier cette prospection de sauvetage d’une perspective de recherche. Parce que les prospections qu’on fait sur cette région vont donner des informations importantes sur la répartition des sites à des époques différentes, que l’on peut ensuite tenter d’utiliser dans l’histoire de l’occupation des sols. Il n’y a donc pas vraiment de différences, dans ce cas là, entre les prospections de sauvetage et les prospections de recherche.

54O. Buschenschutz : Deux questions : est‑ce que vous avez travaillé sur la coloration des sols ? Et avez‑vous observé des différences, dans la Champagne ouverte, entre les zones anciennement défrichées et récemment défrichées, c’est‑à‑dire dans les années 60‑70 ? Parce que je sais que, dans le nord du département par exemple, on a découvert des stations paléolithiques sur des zones défrichées récemment ; est‑ce que vous avez eu le même phénomène ou est‑ce que la répartition des objets est analogue à celles des zones défrichées plus anciennement ?

55A.‑M. Fourteau : Pour la coloration, oui, on essayait de repérer par exemple les zones de terre noire ou rouge qui pouvaient déceler des sites ou des ateliers. Dans les zones récemment défrichées, on a effectivement découvert des sites des périodes historiques, des sites gallo‑romains ; pas de sites médiévaux, pas de sites préhistoriques ; il n’apparaît pas que les sites médiévaux aient occupé des zones qui ont été reboisées ensuite ; on n’en a pas découvert, mais il est possible qu’il y en ait.

56L. Langouët : Je voudrais ajouter une réflexion à ce qu’a dit Gouletquer tout à l’heure : il est certain qu’il y a un facteur qui tient à l’état de la surface du sol ; quand on fait des dénombrements, cela peut évidemment être dangereux ; et puis il y a le facteur humain. Dans une prospection de sauvetage il y a aussi le facteur « temps », il y a un délai à respecter. Or, dans une prospection de recherche, cela se fait pendant plusieurs années et on pourra repasser plusieurs fois sur le site ; les conditions ne seront jamais les mêmes : tantôt le sol sera très visible et la prospection sera efficace ; tantôt non. Il y a une incertitude qui va être réduite du fait de passages multiples. C’est une première chose : les passages multiples me semblent nécessaires pour une prospection de recherche réelle. Ensuite, le facteur humain intervient aussi. Si ce ne sont pas les mêmes personnes qui passent, les intérêts seront diversifiés. Il y a une espèce de sécurité qui se fonde sur la durée, la multiplicité des passages et le changement des prospecteurs.

Bibliografía

Bibliographie

Baratin 1978: BARATIN (J.). — Rapport pour servir à la connaissance des sources potentielles de destruction des sites archéologiques. Revue archéologique du Loiret, 4, 1978, pp. 57‑64.

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Fourteau 1983 : FOURTEAU (A.‑M.). — Paysage et botanique : les haies de Sagonne (Cher). Archéologie Médiévale, vol. XIII, 1983, pp. 155‑183.

Gay 1967 : GAY (F.). — La Champagne du Berry. Tardy, Bourges, 1967, 553 p.

Périsset. Tabbagh 1980 : PÉRISSET (M.‑C.), TABBAGH (A.) — Rapport sur la prospection thermique aéroportée effectuée sur le parcours de l’autoroute A.71 entre Bourges et Saint‑Amand. Centre de Recherches Géophysiques de Garchy, 1980, décembre, (rapport dactylographié).

Querrien. Pette. Debanne. Dorion. Buchsenschutz 1979 : QUERRIEN (A.), PETTE (D.), DEBANNE (X.), DORION (J.), BUCHSENSCHUTZ (D.). — Carte archéologique du Cher. Pour une banque de données des sites archéologiques de la France. Annales littéraires de l’Université de Besançon, Centre de Recherche d’Histoire Ancienne, 1979, 433 p.

Índice de ilustraciones

Leyenda • 1. Découpage par régions (1 à 4) du tracé de l’autoroute entre Bourges et la limite du département du Cher.
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Leyenda • 2. Carte de densité de vestiges à l’hectare (hormis l’outillage lithique) sur une portion de la bande d’étude (Région 2) par zone de prospection (commune de Saint‑Germain‑des‑des‑Bois). Cette carte montre que (toutes époques confondues, depuis la Protohistoire jusqu’à l’époque moderne) les terres de la partie sud ont été nettement plus intensément exploi tées que celles de la partie nord. En revanche, la concentration des sites archéologiques (de toutes époques) est plus forte dans cette zone. De 1 à 5, densité de vestiges à l’hectare ; 1 : entre 0 et 19 ; 2 : entre 20 et 39 ; 3 : entre 40 et 59 ; 4 : entre 60 et 79 ; 5 : plus de 80 ; 6 : limite des zones de prospection ; 7 : site archéologique ; 8 : bois ; 9 : habitat actuel ; 10 : voies de communication.
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Leyenda 3. Pourcentages des poteries « anciennes » (protohistoriques, gallo-romaines et médiévales) par rapport au total des poteries ramassées par zones de prospection sur la même portion de la bande d'étude qu'en fig. 2. Cette carte, comparée à la précédente, nous montre qu'en réalité la partie méridionale a été cultivée intensément pendant l'époque moderne (majorité des vestiges), alors que les terres de la partie nord ont été exploitées plus intensément aux époques anciennes et ont connu un ralentissement à l'époque moderne. Ce ralentissement, correspondant à un abandon des terres labourées, est encore visible sur le cadastre du xixe s. qui figure un boisement sur des zones aujourd'hui labourées (zones 1 à 8, 21 à 29, et 42). La possibilité de pâturages transformés en terres de culture à l'époque moderne est à envisager pour les zones non boisées au xixe s. De 1 à 5, pourcentage de céramiques « anciennes » par rapport au total des céramiques ramassées ; 1 : entre 0 et 19 %. 2 : entre 20 et 39 %; 3 : entre 40 et 59 %; 4: entre 60 et 79 % ; 5 : plus de 80 %; 6 : limite de zone de prospection; : site archéologique (excepté le site préhistorique); 8 : bois; 9 : habitat actuel; 10 : voies de communication.
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Leyenda 4. Fiche de prospection de pré.
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Leyenda •5. Deux exemples du document cartographique fourni après chaque campagne de prospection à la société autoroutière. Les zones prospectées dans la bande de 300 m (150m de part et d’autre du tracé autoroutier théorique) sont numérotées (ex. : Z.753) et différenciées suivant qu’elles ont été prospectées en pré ou en bois (en pointillés) ou en terre labourée (traits obliques). La position des carottages à la tarière est figurée sur le tracé de l’autoroute par des losanges situés aux deux extrémités de l’axe de carottage par zone. L’étendue et la position des sites archéologiques sont figurées en noir et sont accompagnées de leur numéro d’inventaire par commune (ex. : 268.04). 1. Région 4, Boischaut sud (une grande partie des zones prospectées sont en pré). 2. Région 2, entre la Champagne berrichonne et la vallée du Cher.
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Leyenda 6. Fiche de zone.
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Leyenda • 7. Tableau A : Densité totale des sites au km2 découverts en prospection (les chiffres ont été arrondis). Région 1 : Champagne berrichonne (plateau de calcaire lité). Région 2: région intermédiaire comprise entre la Champagne et la vallée du Cher (sur calcaire lacustre). Région 3 : vallée du Cher (alluvions). Région 4 : Boischaut sud (sous‑sol argileux).Tableau B : diagramme cumulatif de densité de sites au km2 par époque dans chaque région (sites découverts uniquement par prospection dans les champs labourés).Tableau C : diagramme cumulatif de densité de sites au km2 par région pour chaque période (sites découverts uniquement par prospection dans les champs labourés).
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Leyenda • 8. Carte de densité de silex taillés par 10 ha par zones de prospection en Champagne berrichonne sur les communes de Trouy et Plaimpied‑Givaudins. Les plus fortes densités de silex sont situées dans un espace d’à peu près 1 km de côté dans la moitié nord de la carte et se trouvent sur le plateau dominant la vallée de la Rampenne. La majorité des objets ramassés sont rattachables à la période néolithique. Le positionnement des découvertes de haches polies montre aussi une concentration dans la moitié nord où l’on trouve des dépôts de limons éoliens et deux talwegs qui auraient pu être en eau pendant les périodes préhistorique et néolithique.Légende : 1 : limite des zones prospectées ; de 2 à 6 : densité de silex pour10 ha ; 2 : ; 3: de 1 à 10; 4 : de 11 à 20 ; 5 : de 21 à 30 ; 6 : de 31 à 40 ; 7 : sites protohistoriques ; 8. hache polie; 9 : limons des plateaux ; 10 : vallée sèche ; 11 : courbe de niveau en mètre ; 12 : rivière et sens du courant. En dehors des limons, le reste du sous‑sol géologique est formé de calcaire de l’Oxfordien supérieur (calcaire lité).
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Leyenda 9. Fiche de site.
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Autor

Sous‑Direction de l’Archéologie

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