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La prospection archéologique

 | 
Alain Ferdière
, 
Elisabeth Zadora-Rio

La prospection en milieu non labouré

Recherches dans les plaines tourbeuses des Fenlands dans l’est de l’Angleterre (Grande‑Bretagne)

David Hall

Zusammenfassung

Environ 200 000 ha, dont une partie des plaines marécageuses des Fens, ont été prospectés champ par champ dans l’est de l’Angleterre. Des échantillons de grande taille (1 000 ha au moins) ont été sélectionnés ; les artefacts, les monuments et les types de sol ont été enregistrés. Dans les Fens, il est possible de reconstituer avec précision l’étendue du marécage à différentes époques grâce à l’étude des sols. Au‑delà des limites des marais, on a pu aussi identifier des vestiges de champs médiévaux. En principe, on prospecte les champs en les subdivisant en bandes de 30 m de large, mais, en réalité, il est souvent possible d’accélérer le travail en utilisant des bandes de 100 ou 200 m, ce qui fournit les données nécessaires tout en permettant l’examen d’environ 200 ha par jour. La localisation des sites et des types de sol est effectuée à l’échelle du 1/10 000. Les données numériques sont enregistrées sur ordinateur. Ces techniques permettent de constituer une base de données adéquate pour l’analyse des paysages et de la répartition des sites.

Volltext

1Cet article décrit les techniques utilisées dans différentes régions de plaine en Angleterre au cours des vingt dernières années. Les principales zones étudiées se trouvent dans le Northamptonshire, le Cambridgeshire et plus au nord dans le Yorkshire (fig. 1). Au total, 160 000 ha ont été prospectés. La plus grande partie du programme est organisée par le Service de Prospection des Fenlands à Cambridge, pour le Comité Archéologique du Cambridgeshire et le Département de l’Environnement. Jusqu’au xviie s., cette vaste région comprenait surtout des marécages, mais autrefois le niveau du marais était plus bas et de nombreux sites d’habitats ont été ainsi enfouis et préservés par les inondations ultérieures. Le reste de la zone étudiée, dans le Northamptonshire et le Yorkshire, est constitué de plaines qui peuvent atteindre par endroits 200 m d’altitude, et sont utilisées principalement pour la culture. Aucune prospection de grande envergure n’avait été entreprise jusque là. Les inventaires par comtés publiés précédemment ne sont guère plus qu’une compilation de données tirées de la bibliographie et des photographies aériennes, avec parfois un plan de structures de terre médiévales.

• 1. Régions d’Angleterre prospectées avec les techniques décrites.

Objectifs

2Le but de la prospection des Fenlands est de couvrir une grande étendue de façon aussi rapide et aussi détaillée que possible, afin de découvrir des monuments et des sites, et de cartographier les différents types de sol. La connaissance des sols permet en effet de reconstituer les fluctuations du marécage au cours des six derniers millénaires. Bien que cette visée semble privilégier la recherche des sites, la prospection comprend un enregistrement détaillé et une analyse de l’ensemble du paysage, conçus comme moyens d’approche des systèmes culturels qui l’ont façonné. La prospection porte sur toutes les époques depuis le Mésolithique jusqu’au xvie s. Il est possible de prospecter jusqu’à 150 ha par jour, si les conditions sont bonnes, ce qui donne environ 10 000 ha par an dans un hiver normal, compte tenu des intempéries.

3L’objectif spécifique de la prospection des Fenlands est d’identifier des sites encore bien conservés du fait de leur enfouissement et dont les matières organiques ont pu être préservées par l’eau. Lorsque les structures sont profondément enfouies, on ne peut en trouver aucune trace en surface. Grâce à l’irrégularité du niveau de base du marécage, certains sites sont partiellement découverts à l’heure actuelle, en raison de la disparition de près de 4 m de tourbe depuis le xviie s. Le bon état de conservation de ces monuments et des paysages qui leur sont associés les rend particulièrement précieux pour la recherche archéologique. Il faut connaître leur localisation, leur nombre, leur état de conservation, pour pouvoir les fouiller et assurer leur protection. Ces sites sont menacés par une agriculture intensive et par la baisse continue de la nappe phréatique, qui entraîne la rétraction et l’érosion des sols.

4Sur les hauteurs, les sites ne sont généralement pas aussi bien préservés, sauf s’ils se trouvent sur les rares terrains boisés ou s’ils sont enfouis sous les alluvions des zones d’inondation des grandes rivières. On a si peu d’informations sur la répartition du peuplement qu’une prospection est indispensable. Les données tirées de la bibliographie et des photographies aériennes ne donnent qu’une image faussée ; la plus grande partie des hauteurs du Cambridgeshire et du Northamptonshire est constituée d’argiles diverses qui ne révèlent rien en photographie aérienne, bien que la prospection au sol ait montré que ces terrains étaient très riches en sites de l’Age du Fer et de l’époque romaine. Les vestiges de champs médiévaux sont extrêmement menacés et beaucoup d’entre eux risquent d’être totalement détruits avant la fin de ce siècle, si bien que, là encore, il est indispensable d’effectuer des prospections et des relevés.

Echantillonnage

5Les techniques d’échantillonnage utilisées pour la prospection des Fenlands ont toujours porté sur de larges unités. Le travail a commencé par une enquête d’un an sur la partie des marécages qui appartient au Cambridgeshire. Six zones, qui différaient à la fois par leur substrat géologique et par l’importance de la documentation préalable, ont été prospectées. On a choisi de préférence à des bandes plus étroites ou à des échantillons plus petits distribués au hasard de larges blocs de 1 000 à 2 000 ha, afin de donner un aperçu plus complet des différents types de sol.

6Par la suite, il a été décidé de prospecter la totalité des marécages du Cambridgshire, si bien que l’échantillonnage est devenu inutile, les différents blocs étant agrandis jusqu’à ce qu’ils se rejoignent. Le programme de la prospection des Fenlands a été récemment élargi aux comtés du Lincolnshire et du Norfolk et sa durée prolongée de cinq ans. Il sera possible de prospecter en entier le Norfolk, mais seule une moitié environ du Lincolnshire pourra l’être. Les unités d’échantillonnage sont de grands blocs très allongés allant du bord au milieu du marécage. Une proportion importante des zones peu profondes situées sur les bords des marais sera également prospectée. Les unités sont réparties de manière à se prêter à un traitement statistique.

7Dans le Northamptonshire et le Yorkshire, l’unité d’échantillonnage a toujours été la commune ou le township [N.d.T. : subdivision de la commune, soit de 300 à 1 500 ha], parce que le but était d’étudier le système agraire médiéval. Dans le Yorkshire, la zone prospectée est continue, parce qu’elle a été étudiée au cours d’un programme spécifique. Dans le Northamptonshire, enfin, la prospection porte sur des townships distribués au hasard dans l’ensemble du comté, et sur trois zones plus vastes. La moitié environ de la superficie totale a été prospectée (120 000 ha).

8On a beaucoup écrit sur l’échantillonnage statistique (Cherry, Gamble, Shennan 1978), en particulier en Amérique, où les recherches portent sur des vestiges culturels très différents de ceux de l’est de l’Angleterre. Une grande partie des discussions porte sur des techniques de prospection « hors site » [non‑site techniques], qui demandent quatre à douze jours par personne pour couvrir 1 km2. Une telle procédure n’est pas applicable aux Fenlands et on peut la considérer comme un degré intermédiaire entre la prospection régionale et la fouille : elle constituera l’étape suivante des recherches dans quelques zones particulièrement importantes.

9Les stratégies d’échantillonnage devraient toujours prendre en compte le substrat géologique. L’expérience d’une vaste zone avec sous‑sol variable montre que la répartition de l’habitat est étroitement déterminée par le type de sol et la présence de l’eau. Il est donc inutile de passer beaucoup de temps sur des terres stériles si on dispose de moyens limités. Les échantillons choisis devraient toujours être de grande dimension : une bande d’1 km de large, ou des carrés d’1 km2 répartis au hasard ne sont pas des unités assez vastes. Beaucoup de sites importants dans le Cambridgeshire nous auraient échappé de cette manière. Si on ne peut prospecter que la moitié, ou moins encore, d’une région, il vaut mieux savoir ce qu’il y a dans quelques vastes unités d’échantillonnage que dans une grande quantité de petites, qui ne donnent aucune certitude. Je suis conscient des dangers que présenterait un échantillonnage fondé uniquement sur l’intuition, mais ce n’est pas le cas dans cette prospection‑ci qui vise à l’exhaustivité.

Le terrain

10La plus grande partie des plaines de l’est de l’Angleterre est en labours, si bien que le sol est généralement visible. Certaines zones du centre des Midlands sont en prairie, mais il y a habituellement une rotation des cultures et elles sont tour à tour labourées. Certaines régions portent des bois « médiévaux » et présentent un grand intérêt parce qu’elles peuvent recéler des structures de terre en bon état de conservation, ce qui est rare dans les Fenlands. Les bois ne peuvent être prospectés qu’en hiver, de préférence en février pour ne pas nuire aux réserves de chasse. Il est préférable d’arriver juste après la taille, lorsque le sous‑bois a été éclairci. Par la suite, la pousse des rejets masque totalement pour un temps les structures. La prospection exhaustive d’un bois peut donc prendre plusieurs années.

11Comme je l’ai déjà dit, certains sites des Fenlands sont entièrement recouverts. Il est possible de les identifier lorsqu’ils s’étendent sur les îles qui dominent le niveau des sols plus tardifs. Les habitats profondément enfouis ne peuvent être détectés que par des techniques de carottage dont l’utilisation n’est pas prévue dans le programme actuel.

Finesse de l’observation

12La zone à étudier une fois choisie, le problème est de déterminer les méthodes de prospection. Un ramassage intensif dans le cadre d’un carroyage donnera beaucoup d’informations sur une zone restreinte, tandis qu’une prospection rapide laissera passer des données importantes et moins visibles. La’ méthode présentée ici recherche une voie moyenne qui permette de recueillir toutes les informations pertinentes sans chercher à faire de l’archéologie « hors‑site » [non‑site archaeology],

13A l’intérieur des unités d’échantillonnage, tous les champs sont prospectés. L’état des cultures a une importance car on ne peut prospecter qu’en hiver, au moment où les récoltes sont faites. L’idéal serait que les champs soient labourés depuis déjà un certain temps. Il est malgré tout possible de travailler sur les terrains où du blé d’hiver a été semé, bien qu’on ne puisse y distinguer la couleur du sol à distance. La lumière joue aussi un rôle important ; un éclairage diffus est préférable à un soleil brillant. Si on ne peut éviter ce dernier, il vaut mieux l’avoir derrière soi au cours d’une prospection car la coloration des sols apparaît mieux.

14L’identification des monuments en élévation est simple. Il y a assez peu de structures de terre préhistoriques ou romaines qui soient parvenues jusqu’à nous, les plus courantes étant les tumuli. Là où ils subsistent, les remparts circulaires des habitats de l’Age du Fer ou les enclos rectangulaires des sites ruraux romains ne peuvent échapper à l’attention. En dehors des marécages, les types de structures de terre les plus caractéristiques sont les champs médiévaux, sur lesquels je reviendrai plus loin. Autour de nombreux villages subsistent des structures de terre médiévales remontant parfois au xiiie s., constituées de plates‑formes de maisons, de chemins creux, de limites de propriété approximativement rectangulaires, etc. La plupart des sites antérieurs à l’an mil ne peuvent être identifiés que grâce à des concentrations d’artefacts, souvent associés à des débris de construction, à des déchets domestiques et à une zone de coloration sombre.

15Le type de sol doit toujours être noté ; c’est nécessaire pour tous les sites d’habitat. Dans les Fenlands, il faut déterminer l’extension exacte des différents types de sol, car chacun d’eux représente l’étendue du marécage à différentes époques. Les dépôts laissés par la transgression marine de 3000/2000 avant notre ère sont tout à fait différents de ceux laissés par la transgression de 5000 avant notre ère (Seale 1975). Les îles en roche dure, antérieures à la formation du marécage, qui émergent par endroits, doivent aussi être cartographiées. Ces données permettent de reconstituer l’histoire du paysage des Fenlands pendant les dix derniers millénaires (Hall 1981).

Techniques de prospection

16Il est indispensable de préparer le travail avant d’aller sur le terrain. Il faut avoir une carte au 1/10 000 sur laquelle on a reporté toutes les informations archéologiques disponibles, y compris les données apportées par les photographies aériennes et la localisation des trouvailles isolées. La plupart des comtés anglais possèdent ce type de documentation.

17Les différentes méthodes de ramassage ont été discutées ailleurs au cours de cette table ronde (cf. Fasham) et ont fait l’objet de publications antérieures (Hayfield 1980). Le ramassage dans le cadre d’un carroyage n’est pas praticable sur les vastes superficies couvertes dans les Fenlands et on a choisi de prospecter le long d’axes distants de 30 m, ce qui permet de détecter pratiquement tous les sites. Peu de structures ont moins de 25 m de diamètre. Les sites les plus difficiles à trouver sont ceux de la Préhistoire (objets en silex) et les tessons de poterie du Haut Moyen Age (époque saxonne, vexe s.). Ces sites ne provoquent généralement pas d’anomalies phytologiques, si bien que la prospection au sol est le seul moyen de les mettre en évidence.

18Tous les sites préalablement connus sont réexaminés afin de vérifier la qualité des informations disponibles et de les compléter par de nouvelles données. Il arrive souvent que les sites soient mal localisés, ou même qu’ils n’existent pas du tout ! Les sites révélés par des anomalies phytologiques livrent fréquemment des artefacts qui permettent de les dater et de les classer.

19La vérification des informations archéologiques préalables et le relevé des limites des différents types de sol entraînent des détours par rapport au système d’axes distants de 30 m et un accroissement de la superficie couverte. Lors de la découverte d’un site, il faut adopter une maille de prospection plus fine afin d’en déterminer les limites et de recueillir un échantillon représentatif des artefacts, etc. En fonction de l’époque du site, les axes peuvent être rapprochés jusqu’à 3 ou 4 m de distance, et cela sur toute la zone de concentration des artefacts. Les trouvailles doivent être mises dans des sacs et étiquetées, et la zone d’habitat localisée sur la carte.

Techniques de prospection rapide

20L’intérêt de la méthode décrite ci‑dessus est sa rapidité. Les axes distants de 30 m peuvent être parcourus rapidement jusqu’à ce qu’un site soit découvert. Même ainsi, il serait impossible d’atteindre le rythme de 10 000 ha par an sans un certain nombre de « raccourcis » qui permettent d’accélérer le travail. L’expérience a montré que les sites antérieurs à l’Age du Fer ne se trouvent jamais sur les sols argileux, et ce sont ceux qui sont les plus difficiles à trouver. Dans la mesure où l’est de l’Angleterre comprend une grande quantité de terrains argileux qui consentent les traces des matières organiques sous forme de taches noirâtres, il est assez facile de trouver les sites plus tardifs. Un habitat de l’Age du Fer ou d’une époque postérieure apparaît comme une tache sombre dans les sols labourés et se voit d’assez loin : 200 m environ, et jusqu’à 1 km dans un paysage de collines. Il n’est donc pas nécessaire alors de choisir une équidistance de 30 m entre les axes : un écart de 100 ou 200 m est tout à fait satisfaisant.

21La prospection peut être particulièrement accélérée dans les Fenlands, où de vastes zones de tourbe épaisse ou de marécages ont été de tout temps impropres à l’habitat. Il suffit dans ce cas de prospecter rapidement les abords afin de vérifier si des îles enfouies n’apparaissent pas dans les fossés de drainage modernes et d’examiner les coupes de terrain. Il ne reste plus alors qu’à noter les types de sol présents. Ces techniques permettent d’allier la rigueur à la rapidité dans la prospection de vastes étendues.

22Les méthodes décrites ci‑dessus permettent de découvrir des sites, mais il est indispensable également de comprendre la topographie. Aucun site important ne sera situé à grande distance d’un point d’eau. L’existence de petites vallées, trop peu importantes pour apparaître sur les cartes en courbes de niveau, doit être notée. Elles servent souvent de limites pour les structures agraires médiévales, de même que les zones d’inondation des ruisseaux et des rivières.

Les champs médiévaux

23Dans de nombreuses régions d’Angleterre, et tout particulièrement dans les Midlands, les billons (ridge‑and‑furrow) des champs laniérés médiévaux ont été fossilisés sous la prairie. Certaines communes ont conservé des plans de ces structures agraires antérieures au début des enclosures et à l’agriculture moderne. Ces plans sont cependant assez rares et il n’est guère possible de se faire une idée des champs médiévaux à partir des seules sources écrites.

24La prospection archéologique peut apporter beaucoup d’informations dans ce domaine. La survivance des limites de champs médiévaux dans le paysage actuel permet d’en reconstituer la disposition. Ces techniques ont déjà été présentées antérieurement, si bien qu’un simple résumé suffira.

25La figure 2 est un schéma de la disposition d’un ensemble de champs laniérés. L’unité de base était la lanière (land) et mesurait le plus souvent 7 m de large sur 180 m de long, ce qui représente à peu près une superficie d’un tiers d’acre. Le fait de labourer toujours dans le même sens en rejetant les terres vers le centre entraînait la formation d’un billon, et les bords de la lanière étaient marqués chacun par une dérayure. Les lanières étaient regroupées en quartiers (furlongs), lesquels étaient eux‑mêmes réunis en larges blocs sans clôtures appelés soles (fields).

• 2. Champs médiévaux schématisés. Head land : crête de labour ; land : planche ou billon ; ridge : crête de la planche ; furrow : dérayure.

26Ce qui importe du point de vue archéologique, outre la formation des billons, c’est que la charrue entraîne un déplacement de la terre dans la direction du labour : de là une accumulation du sol à l’extrémité de la parcelle qui se produisait au moment où la charrue était soulevée pour amorcer le virage. Au fur et à mesure des années, cette accumulation de terre a formé ce qu’on appelle des crêtes de labour. Les limites de quartiers sont de deux types, selon que les champs laniérés qui les composent sont parallèles ou perpendiculaires entre eux. La figure 2 montre que, dans le premier cas, l’accumulation de terre est deux fois plus importante que dans le second.

27La plus grande partie des terrains situés à basse altitude, en Angleterre, sont actuellement en labours et les billons fossilisés ont été détruits. Les lanières subsistent quelques années sous forme de bandes alternativement claires et foncées, puis elles disparaissent peu à peu. Les crêtes de labour, en revanche, se conservent mieux. Bien qu’aplanies, elles forment de longues levées de terre linéaires qui révèlent la disposition des quartiers. Elles subsistent longtemps, bien que les plus petites soient actuellement en train de disparaître dans certaines régions. Un relevé de ces levées de terre, après une prospection champ par champ, permet de reconstituer les paysages anciens. L’orientation des parcelles à l’intérieur des quartiers peut être reconstituée en cartographiant les vestiges de billons, ou les bandes de sol alternativement claires et foncées ou encore grâce aux photographies aériennes, en particulier la couverture verticale réalisée par la Royal Air Force à la fin des années quarante.

28Tous les champs doivent être prospectés à la recherche de ces longues levées de terre. La localisation des limites de quartiers est reportée sur la carte au 1/10 000 par rapport aux limites des champs actuels. On peut en faire un relevé exact, mais en raison du caractère imprécis de ces structures, un croquis à main levée est suffisant.

29Les villages dont les vestiges subsistent sous forme de structures de terre font aussi l’objet de relevés, mais il s’agit d’un exercice un peu différent de ceux dont il est question ici. Au niveau d’une prospection rapide, on se contente d’en noter la superficie.

Enregistrement

30L’enregistrement des données sur le terrain est fait sur la carte au 1/10 000. Les limites de sol, les champs médiévaux et les vestiges d’habitat de toutes les époques sont dessinés à main levée. Lorsqu’une structure, telle qu’un tumulus, doit être relevée de façon plus exacte, on utilise une boussole topographique. Les trouvailles sont mises dans des sacs et étiquetées sur place. On note l’état du champ, s’il est labouré ou semé, parce qu’il importe de savoir si les conditions de prospection étaient mauvaises afin de revenir une autre fois si nécessaire. Les structures importantes sont photographiées. Les agriculteurs possèdent souvent des trouvailles dont l’existence est ignorée.

Compte rendu journalier

31Il est essentiel de rédiger un compte rendu journalier, sans lequel les informations accumulées seraient rapidement oubliées. Chaque soir, il faut noter les coordonnées des sites trouvés et leur donner leur numéro définitif. Pour chacun d’entre eux, il faut noter les sols, le paysage, etc. On utilise un deuxième jeu de cartes au 1/10 000 pour reporter la localisation des trouvailles, des types de sol, l’état des champs, etc. On indique aussi l’orientation des axes de prospection. Il faut noter également les renseignements nécessaires à l’établissement des fiches d’inventaire, tels que l’altitude, la superficie en hectares, etc.

32Le rapport définitif est préparé au cours de l’été, lorsque la prospection est impossible. Les trouvailles sont lavées, et un premier comptage du contenu des sacs est effectué. La tâche principale des mois d’été est la préparation des cartes du paysage au 1/10 000. On commence par reporter, à partir des photographies aériennes verticales, les cours d’eau des marais et les vestiges de billons. On prépare ensuite un fond de carte montrant l’état actuel du paysage, puis des cartes sur film transparent indiquant les habitats et l’occupation du sol à différentes époques. Toutes les informations numériques sont réunies dans un fichier informatisé.

33La figure 3 donne un exemple du plan d’une commune des Fenlands à une époque donnée. La figure 4 montre la reconstitution d’un système agraire médiéval. Les recherches historiques et archéologiques ont livré un grand nombre d’informations nouvelles sur les champs médiévaux (Hall 1981 et sous presse). Ces parcellaires semblent avoir été créés délibérément vers le xixe s.

• 3. Paysage à l’Age du Bronze dans une commune du Cambridgeshire, Coveney (Copyright Department of the Environment. Londres). Modem features : structures modernes ; lagoon : lagune ; fen : marécage ; settlement : habitat.

• 4. Système agraire médiéval et deux sites d’habitat antérieurs, dans une commune du Northamptonshire, Whilton. Le nombre réel des lanières est quatre fois supérieur à celui qui est figuré sur le plan (furlongs : quartiers).

Conclusion

34Nous avons vu que l’utilisation systématique, sur le terrain, de différentes techniques, peut permettre de reconstituer en grande partie l’histoire du paysage et du peuplement. En pratique, il faut non seulement savoir reconnaître les sites et les artefacts, mais aussi à quel moment il est possible d’adopter une procédure accélérée. Cela permet de couvrir de vastes superficies, ce qui est indispensable si on veut améliorer l’état de la documentation archéologique. Dans les régions où ces méthodes ne sont pas utilisées, seule une partie de l’information potentielle est disponible. Dans l’est de l’Angleterre, des cultures nouvelles et des ensembles de sites inconnus ont été découverts. Dans les marécages, il y a des sites d’habitat et des nécropoles à tumuli d’importance nationale.

35Il importe de ne pas se laisser submerger par les détails sur le terrain. Si nous voulons enregistrer les sites archéologiques dans tout le pays avant que la plus grande partie d’entre eux ne disparaisse, il nous faut faire encore beaucoup de prospections de qualité : jusqu’à présent, seule une petite partie des Iles Britanniques dispose d’une base de données satisfaisante.

36Pour les recherches régionales, il faut utiliser une technique d’échantillonnage qui ne se limite pas à des transects d’1 km de large ou à des unités d’1 km2 réparties au hasard, mais qui prennent pour échantillon la moitié ou même la totalité d’un comté. La méthode de prospection utilisée pour les 400 000 ha des Fenlands permet de venir à bout d’un tel échantillon. Il en faudrait beaucoup d’autres ailleurs dans le pays.

37(Traduction E. ZADORA‑RIO)

Discussion.

Président de séance : L. Langouet

38Y. de Kisch : Les chiffres que vous nous avez donnés peuvent paraître déprimants à certains d’entre nous. Dix mille hectares par an, c’est impressionnant. Combien êtes‑vous pour faire ce travail ?

39D. Hall : Je suis seul.

40Y. de Kisch : Et vous ne pensez pas que vous laissez passer plus de 10 à 20% des sites d’habitat ?

41D. Hall : Pas sur les terrains labourés.

42Y. de Kisch : Pensez‑vous que ces chiffres soient vrais aussi pour d’autres époques que le Moyen Age ?

43D. Hall : En Angleterre, ils sont certainement valables aussi pour l’Age du Fer parce que la poterie de cette époque est suffisamment solide.

44N. Mills : Je me demande s’il ne serait pas utile de prospecter de manière plus intensive certaines zones‑échantillons dans la région où vous travaillez, et de voir s’il y a des différences dans les résultats.

45D. Hall : Oui, c’est ce que mon collègue Francis Prior est en train de faire. Il travaille sur des sites préhistoriques, et nous devrions avoir bientôt les résultats qu’il a obtenus. Mais si vous voulez dire que vous souhaitez essayer vous‑même, n’hésitez pas...

46A. Ferdière : On a déjà discuté hier des problèmes de comparaison des différentes expériences. Je crois qu’il peut être extrêmement délicat –et je ne dis pas cela en ayant un point de vue critique sur le travail de D. Hall– de comparer des prospections faites avec ce type de méthode avec d’autres prospections faites avec des fieldwalking lines très proches les unes des autres. On s’est aperçu précisément dans les expériences qu’on a faites dans le centre de la France, sur l’autoroute, et également dans celle de Lion‑en‑Beauce, que c’est seulement en ayant des lignes de prospection très rapprochées qu’on peut mettre en évidence des concentrations soit petites, soit fugaces; comme on le disait tout à l’heure, il peut s’agir d’une grange dépendant d’une unité de production qu’on trouvera plus facilement, mais il peut s’agir d’une petite ferme qui a son importance économique.

47A. Hesse : Est‑ce que nous avons en France des champs qui se présentent comme D. Hall l’a montré, avec des lignes parallèles ?

48G. Fournier : En France, nous n’avons pas de fossilisations comparables à celles de l’Angleterre.

49A. Hesse : Je sais qu’il n’y en a pas autant qu’en Angleterre. Cela a déjà été souligné. La thermographie est une méthode qui donnerait un relevé extrêmement rapide et efficace pour l’analyse de la répartition des lignes ; ce serait intéressant, puisqu’on a en France la possibilité de faire des thermographies à usage archéologique, d’essayer de passer sur ce type de champs pour voir ce qu’on peut en tirer. Si quelqu’un peut nous signaler des endroits où il s’en trouve...

50P. Gouletquer : On trouve ce type de structure dans la plupart des îles bretonnes. A l’île de Groix par exemple, et aussi à Belle‑Ile.

51L. Langouet : Sur Gagnock aussi, cela a existé.

52P. Gouletquer : Là, c’était vraiment de petites unités. Je pense qu’on n’a pas cherché systématiquement.

53A. Ferdière : A propos des ridges and furrows, il semble qu’il y ait des régions où on ne trouve pas ce type de structure ; on en a par exemple recherché dans les régions bocagères sur lesquelles nous travaillons ; on trouve des traces de labours en planche, mais on ne trouve pas de ridges and furrows. Or, semble‑t‑il, les ridges and furrows sont obtenus par une répétition sur une longue durée de ce qu’on appelle en France le labour en planche, qui consiste en un labour ramenant la terre vers le milieu au moyen d’un versoir opérant vers la droite dans un sens et vers la gauche en sens contraire. La répétition, durant des décennies, de ce type de labour produit une accumulation de la terre au milieu du champ et une perte sur les côtés. Le problème est de savoir pourquoi ce type de labour laisse des traces fossiles en Angleterre et pas en France.

• 5. Schéma d’un labour en planche, en coupe (en haut) et en plan (en bas). Les numéros indiquent l’ordre de labour des raies ; les flèches, le sens du labour. S : futur sillon entre deux planches. V : versoir de la charrue. Le champ devrait être plus allongé.

Croquis A. Ferdière.

• 6. Profils en travers d’un « ridge and furrow » (A) et d’un labour « en planche » (B). R : « ridge » ; F : « furrows » ; : « planche » ; : « sillon ».

Croquis A. Ferdière.

Literaturverzeichnis

Bibliographie

Cherry. Gamble. Shennan 1978 : CHERRY (J.‑F.), GAMBLE (C.), SHENNAN (S.) dir. — Sampling in contemporary British archaeology. British Archaeological Reports, British series, 50, 1978.

Hall 1981a : HALL (D.‑N.). — The Cambridgeshire Fenland : an intensive archaeological fieldwork survey. In: ROWLEY (R.‑T.) dir. — The Evolution of Marshland Landscapes, Oxford University Department for External Studies, 1981, pp. 52‑73.

Hall 1981b : HALL (D.‑N.). — The Origins of open field agriculture. The archaeological fieldwork evidence. In: ROWLEY (R.‑T.) dir. — The Origins of open‑field agriculture. London, 1981, pp. 22‑38.

Hall sous presse : HALL (D.‑N.). — Medieval Fields. Shire Publications, sous presse.

Hayfield 1980: HAYFIELD (C.). — Fielwalking as a method of archaeological research. Directorate of Ancient Monuments and Historic Buildings, Occasional Paper, 2, 1980.

Seale 1975: SEALE (R.‑S.). — Soils of the Ely District. Memoirs of the Soil Survey, 1975.

Abbildungsverzeichnis

Bildunterschrift • 1. Régions d’Angleterre prospectées avec les techniques décrites.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31753/img-1.jpg
Datei image/jpeg, 28k
Bildunterschrift • 2. Champs médiévaux schématisés. Head land : crête de labour ; land : planche ou billon ; ridge : crête de la planche ; furrow : dérayure.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31753/img-2.jpg
Datei image/jpeg, 42k
Bildunterschrift • 3. Paysage à l’Age du Bronze dans une commune du Cambridgeshire, Coveney (Copyright Department of the Environment. Londres). Modem features : structures modernes ; lagoon : lagune ; fen : marécage ; settlement : habitat.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31753/img-3.jpg
Datei image/jpeg, 189k
Bildunterschrift • 4. Système agraire médiéval et deux sites d’habitat antérieurs, dans une commune du Northamptonshire, Whilton. Le nombre réel des lanières est quatre fois supérieur à celui qui est figuré sur le plan (furlongs : quartiers).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31753/img-4.jpg
Datei image/jpeg, 134k
Bildunterschrift • 5. Schéma d’un labour en planche, en coupe (en haut) et en plan (en bas). Les numéros indiquent l’ordre de labour des raies ; les flèches, le sens du labour. S : futur sillon entre deux planches. V : versoir de la charrue. Le champ devrait être plus allongé.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31753/img-5.jpg
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Bildunterschrift • 6. Profils en travers d’un « ridge and furrow » (A) et d’un labour « en planche » (B). R : « ridge » ; F : « furrows » ; : « planche » ; : « sillon ».
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Autor

Cambridgeshire Archaeological Committee

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