La prospection archéologique
| ,Le ramassage de surface
Approches de la prospection systématique
Résumé
Les préoccupations modernes concernant les sociétés passées portent sur leur fonctionnement et leur mode d’évolution. Pour obtenir des réponses à ces questions, il est nécessaire de traiter les données archéologiques sur une base régionale plutôt que site par site. Quelques‑unes des questions fondamentales qui doivent être posées concernent la présence ou l’absence de sites, leur datation et leur durée, et leur localisation par rapport à la topographie et à la géologie. Pour acquérir des données fiables et exhaustives, il est nécessaire d’effectuer des prospections au sol systématiques. Cette communication envisage les différents types d’approches possibles et des questions telles que le choix entre la prospection en ligne ou en quadrillage, les différentes méthodes pour effectuer une ligne, l’espacement entre les lignes, les variables induites par les facteurs humains et les conditions du sol. On donnera quelques indications sur les résultats potentiels.
Texte intégral
- 1 Je suis reconnaissant à mes collègues du Trust for Wessex Archaeology pour leur aide et pour les di (...)
1Au cours des années, l’archéologie de terrain a subi l’influence de différents facteurs : d’une part, la prise de conscience aiguë de la destruction accélérée des sites ruraux par les travaux routiers, par la mise en place d’oléoducs et de gazoducs, par l’extraction minière et pétrolière et par les pratiques agricoles; d’autre part, l’élaboration de modèles et de théories relatifs aux causes et aux processus du changement dans les sociétés anciennes, explications fondées, au moins en partie, sur une meilleure compréhension de la répartition du peuplement. Ces deux facteurs apparemment disparates, l’un pratique, l’autre théorique, ont suscité en Amérique, et à un moindre degré, en Angleterre, un regain d’intérêt pour la prospection archéologique, et en particulier le ramassage de surface1.
- 2 Fieldwalking for Archaeologists et The Archaeology of Hampshire sont publiés par le Hampshire Field (...)
2Lorsque on m’a aimablement invité à présenter une communication, on m’a prié d’insister sur les méthodes, les interprétations, la présentation et les stratégies de la prospection, plus que sur les résultats. C’est pourquoi je reviens aux principes de base, en sollicitant l’indulgence de ceux qui ont l’expérience de la prospection ou qui ont lu Fieldwalking for Archaeologists (Fasham et al. 1980)2.
Méthodes de prospection
3Quel que soit l’objectif de la recherche, il va de soi que la prospection doit être systématique à la fois dans sa mise en œuvre et dans l’enregistrement des données afin de permettre la comparaison des résultats. Les méthodes que je vais décrire conviennent aux zones de plaine du nord‑ouest de l’Europe, où les sites sont nombreux et où les contraintes topographiques influençant l’implantation des sites sont rares. Elles seraient sans doute inadéquates dans des régions montagneuses où la localisation de l’habitat est étroitement déterminée par la topographie et où un ramassage de surface exhaustif pourrait se traduire par la destruction du site.
■ Ramassage de surface en ligne (Fig. 1)
4Le ramassage de surface en ligne consiste à faire avancer les participants, répartis à intervalles réguliers, le long de l’axe le plus court du champ et à collecter les artefacts sur leur passage. Le fait d’effectuer le ramassage le long de l’axe le plus court permet un meilleur contrôle de l’espace prospecté. Chaque axe est numéroté et les trouvailles effectuées sont mises dans un sac qui reçoit ce même numéro. Tout comme dans la fouille, chaque unité de ramassage doit recevoir un numéro d’identification particulier. L’unité de ramassage la plus appropriée est le champ. Ce choix permet de mettre les axes ou la grille du carroyage en relation avec les limites de parcelle, mais il présente deux inconvénients : il arrive que l’axe le plus court soit encore très long, de l’ordre de 100 ou 150 m, et il est préférable dans ce cas de le subdiviser en plusieurs unités de ramassage, chacune avec un numéro d’identification particulier, pour assurer un meilleur contrôle de l’espace prospecté. Le second problème est celui de la répartition des artefacts sur deux champs voisins, surtout lorsque les axes les plus courts des deux champs ne sont pas alignés. En Grande‑Bretagne, il est possible de rattacher les axes aux coordonnées géographiques et donc d’ignorer les interruptions provoquées par les limites de parcelles. Ces problèmes ont été traités par Woodward (1978), un de mes collègues du Trust for Wessex Archaeology. Il est possible d’établir, si nécessaire, un carroyage artificiel sur l’ensemble de la zone prospectée.

• 1. Prospection en ligne. Deux champs, avec l’indication des axes de prospection. La localisation est évidemment plus précise si les lignes de ramassage sont dans l’axe le plus court du champ. D’un autre côté, le fait de suivre les sillons de labour permet de maintenir plus facilement une direction et un espacement constants, et c’est là un argument qui est souvent décisif, quelle que soit l’orientation des sillons. Ceux‑ci peuvent, bien entendu, être divisés dans le sens de la longueur si nécessaire.
5Un problème essentiel est celui de l’espacement des prospecteurs. S’ils sont trop près les uns des autres, la durée de la prospection s’en trouve considérablement allongée, s’ils sont trop loin, la répartition des artefacts peut être faussée.
6Si on a affaire à des prospecteurs expérimentés, qui sont susceptibles de voir, de reconnaître et de collecter la plupart des artefacts, une distance de 25 à 30 m se révèle, à l’usage, la plus satisfaisante du point de vue de l’efficacité. Il peut arriver que de petites concentrations d’artefacts passent inaperçues, mais c’est un facteur dont l’importance doit être évaluée, dès le départ, en fonction des objectifs de la prospection. Avec des prospecteurs inexpérimentés, il est préférable d’adopter un espacement de 15 m environ ; le rétrécissement de la maille de prospection doit compenser les lacunes dues à l’inexpérience des prospecteurs, qui peuvent ne pas identifier les artefacts. Il est extrêmement utile, lorsqu’on forme un nouveau groupe, d’insérer des prospecteurs expérimentés à intervalles réguliers parmi les novices.
■ La prospection en carroyage (Fig. 2)
7La prospection en carroyage est un moyen d’étudier de façon plus intensive un type de répartition ou un site. La dimension de la grille et le degré de finesse du ramassage à l’intérieur de cette grille dépendent du temps et du personnel disponibles, et des objectifs de la prospection. Des unités de 30 à 50 m de côté se sont révélées les plus commodes et un espacement de 10 m à l’intérieur de ces carrés semble raisonnable. Une maille plus petite et un ramassage plus intensif demanderaient un temps exagérément long. A l’intérieur de la grille, la méthode de prospection la plus rapide consiste à traverser le carré de part en part. La seconde méthode, un peu moins rapide, mais plus intensive, consiste à effectuer un ramassage croisé dans deux directions perpendiculaires. Les autres méthodes, qui utilisent une grille beaucoup plus fine ou un ramassage plus intensif, exigent beaucoup trop de temps. Chaque axe de prospection, à l’intérieur de la grille, doit être identifié par un numéro unique.

• 2. Prospection en carroyage. I. Champ carroyé et carrés numérotés à partir de l’angle sud‑ouest. A l’intérieur de chaque carré, la technique et la finesse de la collecte peuvent varier en fonction des besoins et de la main d’œuvre disponible. Elle peut être effectuée par un individu ou par un groupe. II. Ramassage linéaire. On change de sac lorsqu’on atteint la limite du carré. Dans cet exemple, on voit six carrés de 30 m de côté, avec des axes de prospection espacés de 10 m. La numérotation et la prospection partent de l’angle sud‑ouest. III. Ramassage croisé. Cette technique permet un ramassage plus intensif et des localisations plus précises. Là encore, l’espacement est de 10 m et la prospection a commencé dans l’angle sud‑ouest. IV. La subdivision des carrés de prospection en unités plus petites donne une plus grande précision.
■ Évaluation de la durée
8Une évaluation du temps cumulé nécessaire pour couvrir 10 ha a été élaborée en 1979 à partir d’une série de prospections chronométrées, effectuées par des groupes différents de prospecteurs comprenant à la fois des gens expérimentés et des débutants dans le Hampshire en Angleterre (Fasham et al. 1980). Voici le temps nécessaire pour couvrir 10 ha :
9— prospection en rangée : avec espacement de 15 m : 15 à 30 heures par personne ; avec espacement de 30 m : 10 à 15 heures par personne ;
10— prospection en carroyage : ramassage le long d’un axe unique, avec un espacement de 10 m : 82 à 110 heures par personne ; ramassage le long d’axes croisés avec un espacement de 10 m : 165 à 220 heures par personne.
11Au cours de l’hiver 1981‑1982, un autre de mes collègues du Trust for Wessex Archaeology, Julian Richards, a utilisé une équipe de quatre à cinq prospecteurs expérimentés et débutants, pour effectuer un ramassage en ligne et il a couvert une superficie de 10 ha en 25 heures. Peter Woodward a entrepris, au titre du Trust for Wessex Archaeology, un programme de prospection, de ramassage de surface et de fouilles le long du Dorset Ridgeway, dans le Dorset, en Angleterre. Le Dorset Ridgeway présente une des concentrations les plus denses de tumuli du Néolithique et de l’Age du Bronze en Angleterre, et le but de l’opération était de localiser les habitats associés et de reconstituer l’occupation du sol, en vue d’étudier les modalités de conservation de ces sites. Le ramassage de surface a été effectué avec un carroyage de 50 m de côté (Woodward 1978) et le temps cumulé pour les prospecteurs expérimentés ou non a été en moyenne de 45 heures pour 10 ha.
12Ces évaluations de la durée d’une prospection ne sont qu’indicatives ; il y a toujours des facteurs locaux qui influencent les programmes de prospection et c’est seulement après quelques jours sur le terrain qu’il est possible d’évaluer précisément le temps qui sera nécessaire. Ces chiffres ne tiennent pas compte du travail préparatoire indispensable ni de l’analyse et de la présentation des résultats sur lesquels nous reviendrons. La préparation de la prospection comprend la réalisation de cartes de la zone étudiée à une échelle commode, au 1/1 000 ou au ½ 500, sur lesquelles il faut reporter les axes ou la grille utilisée pour le ramassage de surface, ainsi que les sites connus. Chaque unité de ramassage peut être numérotée à l’avance, de même que les sacs, ce qui permet de gagner un temps considérable sur le terrain.
Variables
13Un ramassage de surface tel qu’il est décrit ici n’aboutira pas à la collecte exhaustive de tous les artefacts à la surface du soi. Outre les vides délibérés créés par l’espacement des prospecteurs, il ne faut pas oublier que chaque labour ramènera des objets nouveaux en surface. Le ramassage est conditionné par un certain nombre de variables, qu’il est généralement possible d’enregistrer et d’évaluer les unes par rapport aux autres ; ces variables ont été discutées par Fasham et al. (1980), et Woodward (1978). Elles peuvent être réparties en deux groupes, selon qu’elles sont d’ordre naturel ou d’ordre humain.
14Les variables naturelles comprennent l’état du champ au moment de la prospection. Dans un champ récemment labouré, les mottes de terre n’ont pas été suffisamment brisées pour libérer les artefacts. L’idéal est un champ qui a subi plusieurs gelées, bien que le ramassage de surface ne soit pas recommandé par temps trop froid, car les objets adhèrent alors fortement à la terre. Un autre facteur atmosphérique est la lumière : une lumière uniforme facilite les trouvailles. La prospection par un temps d’hiver ensoleillé peut être une occupation agréable, mais une lumière vive projette des ombres importantes, ce qui nuit à la collecte. La pluie démoralise manifestement les prospecteurs les plus enthousiastes. L’état du champ et les conditions atmosphériques doivent être chaque fois enregistrés.
15Les variables d’ordre humain sont évidentes. Certaines personnes identifient et collectent la poterie mais non le matériel lithique, tandis que d’autres voient les silex mais non les tessons. Le fait de travailler régulièrement avec le même groupe permet de mettre en évidence ces facteurs personnels inévitables et d’en tenir compte dans l’analyse finale des résultats. Une étude récente de Stephen Shennan, de l’Université de Southampton, donne à penser que, pour certains types de prospection, ces variables ont peu d’influence sur les résultats (information communiquée par le Dr. Shennan).
Résultats de la prospection et diffusion des résultats
16De même que rien ne justifie la fouille si elle n’est pas publiée, les résultats d’une prospection systématique doivent être rigoureusement analysés et rendus accessibles à un public élargi. Pour chaque unité de ramassage, il convient de compter les groupes d’artefacts et, s’il s’agit de poterie, de les peser. Ces comptages doivent être faits pour chaque axe de prospection ou chaque carré de la grille. La représentation des axes peut se faire sous forme de diagramme (fig. 3), les axes croisés pouvant être figurés par deux diagrammes représentant chacun une des orientations (fig. 4a et b). Les résultats des prospections en carroyage peuvent être présentés de différentes manières : sous forme de diagramme comme si le ramassage de surface avait été effectué selon deux directions perpendiculaires (fig. 4a et b), sous forme de grille indiquant les quantités pour chaque type d’artefacts (fig. 4c) ou encore d’une manière qui rappelle l’écart moyen et l’écart type des densités des différents types d’artefacts (fig. 4d). Cette dernière technique permet de voir si une répartition ou une densité est significative. Une présentation plus longue à réaliser, mais qui permet de visualiser immédiatement les résultats, consiste à faire un plan en courbes de densité montrant la distribution des différents groupes d’artefacts (fig. 5). Woodward (1978) a représenté sur une même figure les distributions d’objets et les conditions de la prospection.

• 3. Graphique montrant le nombre d’éclats de silex par axe de prospection dans un champ du Hampshire oriental. Les axes de prospection étaient de même longueur.

• 4. Prospection avec une grille de 10 m de côté dans un champ près de South Wonston, Hampshire. a. Graphique montrant les résultats que l’on aurait obtenus si le ramassage avait été effectué en rangées, selon une orientation nord‑sud. b. Graphique montrant les résultats du ramassage en rangée selon une orientation est‑ouest, c. Plan de la zone carroyée montrant la densité de tessons romains par carré de 10 m. d. Répartition de la céramique romaine montrée en c ; les densités ont été classées en quatre catégories à partir de l’écart moyen et de l’écart type par rapport à la distribution.

• 5. Représentation en courbes de densité de la céramique romaine. L’équidistance entre les courbes correspond à des différences de 20 grammes. Tous les indices pédologiques et phytologiques ont été reportés sur le plan. Une concentration de céramique romaine apparaît aux deux extrémités du système de quatre fossés parallèles. Bien qu’il soif plausible d’admettre une relation entre la poterie en surface et ces structures, il faut rappeler que cette figure ne représente qu’une seule classe d’artefacts, c’est‑à‑dire la céramique romaine ; c’est le poids, et non le nombre des tessons, qui a été pris en compte.
17Le traitement du matériel recueilli, son analyse et sa présentation demandent un temps considérable, qui dépend évidemment de la quantité. Je ne peux malheureusement vous donner de chiffres pour cette étape du travail, mais il me semble qu’elle est beaucoup plus longue que la collecte. La diffusion des résultats n’est pas facile. Une prospection systématique bien faite devrait engendrer plusieurs types d’enregistrement des données.
18Il faut d’abord une fiche par parcelle (celle‑ci représente l’unité la plus commode) indiquant les sites archéologiques connus antérieurement, qu’ils soient totalement nivelés ou qu’ils subsistent sous forme de structures de terre, les renseignements tirés des sources écrites ou de la toponymie, les dates des prospections géophysiques et des ramassages de surface, les données relatives aux photographies aériennes. Quand on prospecte un champ, il est nécessaire de noter les conditions atmosphériques, l’état du sol, la lumière, le mode de ramassage, l’espacement des prospecteurs et les subdivisions des unités de ramassage, ainsi que le nom de ceux qui ont prospecté les différentes unités ; une partie de ces données peut être notée sur une carte. Il faut d’autres fiches pour enregistrer le matériel recueilli par type d’artefact et par période (fig. 6 et 7). Les résultats peuvent alors être présentés sous une des formes mentionnées ci‑dessus. Une analyse plus approfondie demandera d’autres fiches d’enregistrement ou l’aide d’un ordinateur.
19Toutes ces fiches d’enregistrement constituent des archives qui devraient être conservées et communiquées aux personnes intéressées, éventuellement sous forme de microfiche ou de microfilm. S’il s’agit d’une prospection à petite échelle relative à un site particulier, on peut envisager d’en publier les résultats. Si la prospection porte sur tout un paysage menacé, il n’est peut‑être pas nécessaire de le faire, à condition que les fichiers soient accessibles à tous. Lorsque la zone prospectée est vaste, on peut réaliser des cartes de répartition des trouvailles montrant la densité des artefacts en les associant à des tableaux d’occurrence (Shennan 1981). Stephen Shennan (Schadla ‑ Hall, Shennan 1978) a proposé une autre forme de publication des résultats au moyen du programme informatique SYMAP, mais elle exige qu’un échantillonnage rigoureux soit pratiqué dès le début de la prospection.
La prospection en forêt
20La prospection en forêt pose des problèmes particuliers. Le ramassage de surface y est évidemment impossible, mais dans la mesure où les forêts ont souvent conservé des structures de terre importantes, il faut toujours s’efforcer de les visiter. Illustrons par un exemple l’importance de la forêt. Le bois de Micheldever, au centre du Hampshire, en Angleterre, couvre une superficie d’environ 225 ha. L’archéologie et les sources écrites montrent que cette région a été regagnée par la forêt à la fin de l’occupation romaine en Grande‑Bretagne, vers le ve s. de notre ère. En 1973, on connaissait cinq sites dans ce bois. A cette date, le projet de construction de l’autoroute M3 a mis en péril une portion de forêt de 2,5 km de long sur 50 à 100 m de large. La prospection qui fut alors entreprise a permis de découvrir vingt et un sites ou structures intéressantes et quarante et une levée de terre linéaires mesurant au total 7,1 km (Fasham 1983).
21La première étape de l’étude fut une prospection magnétique, à l’aide d’un gradiomètre fluxgate, qui a été effectuée par A.‑J. Clark de l’Ancient Monuments Laboratory, Department of Environment. La deuxième étape fut une prospection rapide pour noter la présence de structures de terre et leur localisation approximative sur des cartes au 1/10 560 (l’échelle des cartes anglaises de l’Ordnance Survey, qui était de 6 inches pour 1 mile, est peu à peu remplacée par une échelle métrique au 1/100 001. Des relevés topographiques détaillés de ces structures de terre furent exécutés ensuite. Ils ont nécessité la mise en place d’un cheminement irrégulier autour du bois en multipliant les mesures de vérification (le plan irrégulier du cheminement était dû à la difficulté de faire des visées en terrain boisé). Une fois que les sommets du cheminement furent implantés, le relevé topographique fut exécuté selon des procédés assez rudimentaires. A l’expérience, il s’avéra impossible de dégager la totalité du sous‑bois et de la couche de feuilles recouvrant les structures de terre, et c’est pourquoi seuls les points de jonctions furent nettoyés de manière à examiner l’agencement des structures de terre. Le travail de terrain n’a pu être réalisé qu’au cours des mois d’hiver, lorsque la végétation était relativement peu importante. Nous avons relevé en détail 130 ha environ, et examiné en outre 30 à 40 ha, ce qui nous laisse environ 60 ha à prospecter lorsque la couverture forestière aura été éclaircie.
22Le relevé topographique des structures de terre est sans doute la méthode de prospection la plus appropriée en forêt. On peut utiliser également d’autres méthodes telles que la prospection géophysique ou géochimique, et, si on en a le temps et les moyens, il est possible également de faire des tranchées d’échantillonnage dans le bois.
Approches de la prospection
23Les méthodes utilisées pour une prospection, quelle qu’elle soit, doivent être en relation avec ses objectifs. La prospection d’une zone menacée, par exemple, par la construction d’un pipeline ou d’une route peut être effectuée, de la façon la plus efficace, par un ramassage de surface en ligne. On pourra décider ensuite, en fonction des premiers résultats, d’effectuer une collecte complémentaire selon une orientation perpendiculaire à la première, ou à l’intérieur d’une grille, afin d’élaborer un programme qui limite les destructions.
24Je voudrais passer en revue brièvement trois opérations de prospection dans le sud de l’Angleterre qui diffèrent par leurs objectifs et par leurs méthodes. L’une d’entre elles est organisée par des professionnels, avec une main‑d’oeuvre constituée de gens qui consacrent presque tout leur temps à l’archéologie, mais qui n’ont pas nécessairement l’expérience de la prospection. La seconde opération est entièrement conduite par un groupe de personnes qui ont des professions autres que celle d’archéologue, mais qui sollicitent à l’occasion l’aide et les avis des professionnels. La troisième, enfin, est conduite par des professionnels utilisant à la fois des prospecteurs à temps partiel et à plein temps, d’un niveau de compétence variable. Ce sont les objectifs de ces opérations que je vais décrire.
25Le Trust for Wessex Archaeology a entrepris en 1980 un programme de prospection et de fouille des environs de Stonehenge d’une durée de cinq ans. Ce programme est placé sous la responsabilité de Julian Richards, et je lui suis reconnaissant, ainsi qu’au Trust for Wessex Archaeology, de m’avoir autorisé à exposer les buts et les méthodes de cette prospection avant sa publication. L’objectif du projet est de localiser les habitats (ou les aires d’activités) préhistoriques et d’évaluer leur potentiel de conservation dans une zone de 2500 ha autour de Stonehenge. Il n’a pas été possible de prélever un échantillon au hasard dans cette zone relativement petite en raison des contraintes d’accès dans les champs, du mauvais temps, ainsi que d’autres facteurs. Au cours des deux premières campagnes, un échantillon de 30 % environ des terres labourées a été prospecté et une analyse préliminaire des résultats a été effectuée.
26L’unité de prospection choisie a été le carré d’un hectare qu’on a situé par rapport aux coordonnées géographiques, et subdivisé en huit bandes de 50 m de long espacées de 25 m (fig. 8). L’analyse préliminaire montre qu’il y a différents types d’aires d’activités préhistoriques, représentées par des concentrations de surface, le plus souvent de silex, entre les tumuli et les autres monuments subsistant dans la zone considérée. Certaines de ces concentrations de surface ont été fouillées au cours de l’été 1982 afin de déterminer ce qu’elles signifient et de quelle manière il est possible de les conserver.

• 8. Diagramme représentant le ramassage de surface effectué dans un ensemble de champs près de Stonehenge, Wiltshire. L’unité de prospection était le carré de 1 ha, divisé en huit « transects » de 50 m de long à des intervalles de 25 m.
Dessin : Stephen Crunny.
27En 1979, le Hampshire Archaeological Committee a organisé un programme de prospection dans deux régions du Hampshire. Le but de la prospection était d’associer les groupes locaux à un programme de prospection systématique dans le Hampshire, reposant sur une stratégie d’échantillonnage et utilisant des méthodes communes dans le but d’évaluer la nature et l’étendue de l’occupation du sol à travers les âges dans le comté de Hampshire, et d’intégrer les programmes en cours à ce cadre général. Une des zones choisies était la vallée de l’Avon, qui coule au sud de Salisbury (Wiltshire) en direction des côtes méridionales de l’Angleterre qu’elle atteint à Christchurch (Dorset). Elle constitue un important axe de communication et d’échanges, et cela apparemment dès l’Age du Bronze. Une étendue de 60 km2 a été prospectée entre Fordingbridge et Breamore. La taille de l’échantillon a été fixée uniformément à 0,25 km2 pour 1 km2. La prospection a été effectuée par des amateurs locaux aidés par deux professionnels (Dr. S. Shennan et l’auteur). Les six premières campagnes, au cours de l’hiver 1979‑1980, ont été conduites par les professionnels à titre d’entraînement. Par la suite, les amateurs ont organisé et effectué la prospection eux‑mêmes, en demandant à l’occasion l’aide des professionnels, en particulier pour l’étude du matériel. Six à dix personnes se réunissaient au cours des week‑ends et prospectaient à des intervalles de 15 m. Certains sites ont fait également l’objet d’un ramassage de surface en carroyage. En mai 1 982, 400 ha environ avaient été prospectés, et les résultats commençaient à apparaître, en particulier un site romain important couvrant environ 8 ha, sur lequel a été trouvée également de la céramique anglo‑saxonne des vie et viie s.
28La prospection effectuée dans l’est du Hampshire a été une des entreprises les plus importantes d’Angleterre sur le plan méthodologique. Les objectifs de cette recherche, dirigée par S. Shennan de l’Université de Southampton, étaient «de déterminer les variations dans la densité et la répartition de l’habitat au cours des âges, et d’étudier les changements intervenus dans la relation de l’homme et de son environnement, ainsi que les effets de l’agriculture moderne sur les vestiges archéologiques. » (Schadla‑Hall, Shennan 1978 : 94).
- 3 Les résultats de la prospection du East Hampshire sont maintenant édités (Shennan 1985).
29Le couloir de prospection de 10 km sur 15 traversait une série de zones topographiques et géographiques. Sa superficie était trop importante pour qu’on puisse le prospecter entièrement, et un échantillonnage de 20 % a conduit à délimiter douze unités de prospection de 0,5 km sur 5 km de long, régulièrement espacées de 2,5 km (Shennan 1981). Tous les champs labourés à l’intérieur de ces bandes ont été prospectés et tous les groupes d’artefacts ont été recueillis. Les prospecteurs étaient généralement placés à des intervalles de 15 m. Les terrains en prairie ou en bois ont été parcourus à la recherche de structures de terre, mais aucun ramassage de surface n’y a été pratiqué. La prospection a été effectuée au cours du printemps et de l’automne 1977 et au printemps 1978, par un groupe assez expérimenté. S. Shennan a pu ensuite étudier rigoureusement les résultats et il est évident, dès le stade préliminaire de l’analyse (Shennan 1981), qu’il en ressortira un grand nombre de données et de modèles nouveaux concernant l’évolution diachronique des zones d’activités humaines3.
30Pour que la prospection et tout particulièrement le ramassage de surface contribuent à expliquer la façon dont les sociétés anciennes ont évolué grâce au témoignage des vestiges matériels, il est indispensable d’associer la collecte systématique et l’enregistrement des données à des stratégies d’échantillonnage soigneusement élaborées, permettant de prospecter des zones raisonnablement vastes.
31(Traduction E. ZADORA ‑ RIO)
32Les figures 1 à 5 sont reproduites avec la permission des auteurs de Fieldwalking for Archaeologists.
33DISCUSSION
34(cf. p. 57 à 59)
Bibliographie
Bibliographie
Fasham 1983 : FASHAM (P.‑J.). — Fieldwork and excavation in and around Micheldever Wood, Hampshire 1973‑1980. Proc. Hants. Field Club and Archaeol. Soc., 39, 1983, pp. 5‑45.
Fasham. Shennan. Schadla‑Hall. Bâtes 1980 : FASHAM (P.‑J.), SHENNAN (S.‑J.), SCHADLA‑HALL (R.‑T.), BATES (P.‑J.). — Fieldwalking for Archaeologists, 1980.
Schadla‑Hall. Shennan 1978 : SCHADLA‑HALL (R.‑T.), SHENNAN (S.‑J.). — Some suggestions for a sampling approach to archaeological survey in Wessex. In: CHERRY (J.‑F.), CAMBLE (C.), SHENNAN (S.‑J.) dir — Sampling in Contemporary British Archaeology. British Archaeological Reports, 50, 1978, pp. 87‑104.
Shennan 1981 : SHENNAN (S.‑J.). — Settlement History in East Hampshire. In : SCHADLA‑HALL (R.‑T.), SHENNAN (S.‑J.) dir. — The Archaeology of Hampshire, 1981.
Shennan 1985 : SHENNAN (S.‑J.). — Experiments in the collection and analysis of archaeological survey data : the East Hampshire Survey, 1985.
Woodward 1978: WOODWARD (P.‑J.). — Flint Distribution, Ring Ditches and Bronze Age Settlement Patterns in the Great Ouse Valley : The Problem, a Field Survey Technique and some Preliminary Results. Archaeological Journal, 135, 1978, pp. 32‑56.
Notes
1 Je suis reconnaissant à mes collègues du Trust for Wessex Archaeology pour leur aide et pour les discussions que j’ai eues avec eux à propos de cet article.
2 Fieldwalking for Archaeologists et The Archaeology of Hampshire sont publiés par le Hampshire Field Club and Archaeological Society ; on peut les commander auprès de: The Publication Officer, 2 West Street, Hambledon, Hampshire, Great Britain.
3 Les résultats de la prospection du East Hampshire sont maintenant édités (Shennan 1985).
Table des illustrations
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Légende | • 1. Prospection en ligne. Deux champs, avec l’indication des axes de prospection. La localisation est évidemment plus précise si les lignes de ramassage sont dans l’axe le plus court du champ. D’un autre côté, le fait de suivre les sillons de labour permet de maintenir plus facilement une direction et un espacement constants, et c’est là un argument qui est souvent décisif, quelle que soit l’orientation des sillons. Ceux‑ci peuvent, bien entendu, être divisés dans le sens de la longueur si nécessaire. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 27k |
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Légende | • 2. Prospection en carroyage. I. Champ carroyé et carrés numérotés à partir de l’angle sud‑ouest. A l’intérieur de chaque carré, la technique et la finesse de la collecte peuvent varier en fonction des besoins et de la main d’œuvre disponible. Elle peut être effectuée par un individu ou par un groupe. II. Ramassage linéaire. On change de sac lorsqu’on atteint la limite du carré. Dans cet exemple, on voit six carrés de 30 m de côté, avec des axes de prospection espacés de 10 m. La numérotation et la prospection partent de l’angle sud‑ouest. III. Ramassage croisé. Cette technique permet un ramassage plus intensif et des localisations plus précises. Là encore, l’espacement est de 10 m et la prospection a commencé dans l’angle sud‑ouest. IV. La subdivision des carrés de prospection en unités plus petites donne une plus grande précision. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-2.jpg |
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Légende | • 3. Graphique montrant le nombre d’éclats de silex par axe de prospection dans un champ du Hampshire oriental. Les axes de prospection étaient de même longueur. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-3.jpg |
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Légende | • 4. Prospection avec une grille de 10 m de côté dans un champ près de South Wonston, Hampshire. a. Graphique montrant les résultats que l’on aurait obtenus si le ramassage avait été effectué en rangées, selon une orientation nord‑sud. b. Graphique montrant les résultats du ramassage en rangée selon une orientation est‑ouest, c. Plan de la zone carroyée montrant la densité de tessons romains par carré de 10 m. d. Répartition de la céramique romaine montrée en c ; les densités ont été classées en quatre catégories à partir de l’écart moyen et de l’écart type par rapport à la distribution. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-4.jpg |
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Légende | • 5. Représentation en courbes de densité de la céramique romaine. L’équidistance entre les courbes correspond à des différences de 20 grammes. Tous les indices pédologiques et phytologiques ont été reportés sur le plan. Une concentration de céramique romaine apparaît aux deux extrémités du système de quatre fossés parallèles. Bien qu’il soif plausible d’admettre une relation entre la poterie en surface et ces structures, il faut rappeler que cette figure ne représente qu’une seule classe d’artefacts, c’est‑à‑dire la céramique romaine ; c’est le poids, et non le nombre des tessons, qui a été pris en compte. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 138k |
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Légende | • 6a et b. Exemple de fiche d’enregistrement des données de prospection par parcelle. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-6.jpg |
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Légende | 7a et b. Exemple de fiche d’enregistrement des données de prospection par carré d’un hectare. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 173k |
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Légende | • 8. Diagramme représentant le ramassage de surface effectué dans un ensemble de champs près de Stonehenge, Wiltshire. L’unité de prospection était le carré de 1 ha, divisé en huit « transects » de 50 m de long à des intervalles de 25 m. |
Crédits | Dessin : Stephen Crunny. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/31738/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 110k |
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1986