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Avant-propos
p. 3-5
Texte intégral
1En 1966, était entreprise, sous les auspices et grâce au concours matériel du Centre national de la Recherche scientifique, une « Recherche coopérative sur programme » (RCP) consacrée au Châtilllonnais, partie septentrionale de la Bourgogne. Organisée à l’instigation de M. Georges-Henri Rivière, alors conservateur en chef du Musée national des Arts et Traditions populaires et directeur du Centre d’Ethnologie de la France, cette enquête, dont la durée prévue était de trois ans, allait réunir des sociologues (du Centre de Sociologie européenne de la VIe Section de l’EPHE et de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Toulouse), des ethnologues (du Musée des Arts et Traditions populaires, de la Chaire d’Ethnologie de la Faculté des Lettres de Paris — Sorbonne, du Laboratoire d’Anthropologie sociale), des économistes (de la Station centrale d’Économie et Sociologie rurales de l’Institut national de la Recherche agronomique), des historiens (du Centre de Recherches historiques de la VIe Section de l’EPHE). Partant d’une analyse globale pour se diversifier ultérieurement en des études locales ou thématiques, le programme d’enquêtes visait, à travers l’analyse du Châtillonnais, à la définition d’un ensemble régional. C’est une recherche analogue, animée également par M. G.-H. Rivière, entre 1963 et 1966, dans l’Aubrac, région montagneuse d’élevage du centre de la France, qui a motivé le choix du terrain et de la stratégie de recherche dans le Châtillonnais. Présentant des archaïsmes marqués et un fort particularisme en matière technique, économique, sociale et culturelle, l’Aubrac se présentait comme une zone en déclin, dépourvue d’un véritable noyau économique urbain et reliée par un système particulier de migrations temporaires (saisonnières ou viagères) à la lointaine métropole parisienne.
2Il était tentant, après un premier succès, de renouveler cette forme de recherche collective multi-disciplinaire, mais en choisissant un terrain aussi contrasté que possible par rapport à l’Aubrac. C’est pourquoi, après une prospection rapide fin 1965, a été retenu le Châtillonnais, région de quelque 30 000 habitants se répartissant entre une petite ville, Châtillon-sur-Seine, et 115 villages. Située à proximité de Dijon et de Troyes, soumise à l’influence directe de ces deux villes ainsi que de Paris, cette région — mais s’agissait-il vraiment encore d’une entité régionale ? — était entrée depuis la fin de la Première Guerre mondiale dans une phase de modernisation, après avoir connu, depuis le début du xixe siècle, de nombreuses et profondes transformations économiques et démographiques. Son économie moderne de polyculture et d’élevage, ainsi que la mobilité de sa population apparaissaient comme les causes et les témoins d’une intégration poussée à la société nationale.
3Une première année a été consacrée à une étude globale du Châtillonnais aux points de vue démographique, sociologique et économique. À cette fin, on a repris et analysé à l’échelle régionale les résultats du recensement de la population de 1962, regroupés par commune, en même temps qu’une enquête par questionnaire était conduite auprès d’un échantillon de 1 000 personnes, choisies en fonction d’une maquette de sondage adéquate aux caractéristiques démographiques et de peuplement du Châtillonnais. Les premiers résultats de cette double enquête concernaient la mobilité géographique et professionnelle de la population, la structure socio-professionnelle, les unités domestiques, les comportements matrimoniaux, familiaux, économiques et politiques : ils ont été consignés sous la responsabilité de M. Jean Cuisenier (1966), maître de recherches au CNRS, dans un rapport provisoire intitulé Le Châtillonnais. Matériaux et hypothèses pour une recherche ethnologique, sociologique et économique1. Cette première image globale était complétée par une synthèse économique établie par P. Mathal et P. Evrard (1967), L’évolution en longue période de l’agriculture d’une petite région : le Châtillonnais. La perspective historique était fournie par le rapport de S. Wolikov (1967), Enquête Châtillon : problèmes d’histoire démographique et socioprofessionnelle.
4La deuxième phase de cette « Recherche coopérative sur programme », de caractère principalement ethnologique, aurait dû procéder au choix des thèmes, des sous-régions et des groupes locaux à soumettre à une investigation approfondie, à partir des hypothèses et des dimensions sociales révélées par l’analyse globale. Les incidences de la procédure administrative qui régit les activités de recherche en France, comme la dispersion extrême des organismes appelés à collaborer, lourdes de conséquences psychologiques, ont empêché qu’il en soit ainsi. C’est pourquoi les très nombreuses études menées à partir de 1967 se sont déroulées en ordre dispersé.
5Pour sa part, le groupe de recherche sur les sociétés paysannes du Laboratoire d’Anthropologie sociale a choisi d’entreprendre l’analyse monographique approfondie du village de Minot : sa population, stabilisée depuis un demi-siècle et présentant un éventail d’âges équilibré, sa relative vitalité économique, les riches sources documentaires locales, enfin l’impression de vie sociale active que l’on y recueillait, en faisaient à nos yeux un objet d’investigation adéquat. Enfin, sa situation marginale dans le Châtillonnais permettait d’aborder utilement le problème de l’appartenance à un ensemble régional, en même temps que les situations, fort contrastées en matière démographique, économique, technique, observables dans les villages circumvoisins, suggéraient d’utiles comparaisons. Les enquêtes effectuées au cours de nombreux séjours échelonnés entre mai 1967 et décembre 1975 par Mmes Françoise Zonabend, Marie-Claude Pingaud, Tina Jolas et Yvonne Verdier, ont cerné tous les aspects de la vie sociale de Minot, de son présent comme de son passé récent : composition et évolution de la population, univers de la parenté et de la famille, structure et évolution de la propriété foncière, exploitations agricoles et activités économiques non agricoles, mode de vie et représentations traditionnels, formes de vie sociale. Se sont la plupart de ces facettes que l’on retrouvera dans les articles rassemblés dans ce volume et qui évoquent le cheminement de cette monographie villageoise.
Notes de bas de page
1 Une nouvelle analyse des matériaux recueillis lors de cette étape de la recherche sera publiée ultérieurement (Cuisenier 1969).
Notes de fin
1 Avant-propos paru dans Études rurales, 1968, 32.
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