L’île de Tatihou (Manche) à l’âge du Bronze
| ,Chapitre 4. Le mobilier
Résumé
L’étude du mobilier repose essentiellement sur le corpus issu des fouilles du clos du lazaret en 1996. Ponctuellement et de manière moins détaillée, elle est complétée par les lots mobiliers recueillis lors des sondages de 1997 et 1998. Dans ce chapitre sont étudiés le mobilier céramique (analyse pétrographique, technologique, typologique), les objets en terre cuite (pesons et fusaïoles), l’industrie lithique en silex, les outils sur galets et le matériel de mouture.
La qualité documentaire et l’originalité du mobilier céramique et lithique découvert à Tatihou permettent de renouveler totalement les corpus disponibles pour l’âge du Bronze dans la région et, plus généralement, dans l’ouest de la France. La série datée de la fin de l’âge du Bronze ancien et de l’âge du Bronze moyen présente de fortes affinités avec les ensembles des habitats du nord de la France et du Royaume-Uni. Lors de l’étude, l’accent a été mis particulièrement sur le mobilier lithique ; l’analyse de ce type de mobilier dans un contexte de l’âge du Bronze est un cas de figure encore tellement peu répandu que cela a motivé son examen détaillé. Le site permet en effet, pour la première fois dans l’Ouest, de mener un travail de fond sur cette industrie qui semble tenir une place finalement encore très importante sur un grand nombre d’occupations de cette période.
Mais un des apports les plus essentiels de ce travail reste les parallèles établis avec les corpus du Bronze ancien et du Bronze moyen de l’Angleterre, bien marqués sur le mobilier céramique et lithique de Tatihou à l’instar des résultats obtenus dans le nord de la France, dans la vallée de l’Aisne ou en Bretagne.
Texte intégral
1L’étude du mobilier repose essentiellement sur le corpus issu des fouilles du clos du lazaret en 1996. Ponctuellement et de manière moins détaillée, elle est complétée par les lots mobiliers recueillis lors des sondages de 1997 et 1998.
4.1 La céramique
2L’étude du mobilier céramique est organisée par phases. Le matériel recueilli a fait l’objet de remontages systématiques, qui se sont rapidement avérés difficiles à cause du taux de fragmentation important des individus céramiques (à l’exception des récipients mis au jour dans les dépotoirs). Les éléments remarquables ont été individualisés sur les critères de forme, de décor, ou d’éléments de manipulation/préhension. Ils ont chacun fait l’objet d’une description complète et d’une reconstitution graphique.
3De manière à faciliter la lecture de l’étude, il paraît important de fixer les termes utilisés.
4Le NMI : le nombre minimum d’individus est calculé sur la base d’unités s’individualisant par leur forme, leur pâte, leur couleur. Le fort taux de fragmentation du mobilier ne permet pas la prise en compte des « micro-éléments ».
5La céramique fine : c’est l’ensemble des éléments présentant au moins les trois critères suivants que sont une épaisseur inférieure à 5 mm, une paroi régulière et lisse, un dégraissant calibré inférieur à 1 mm (voire dans de rares cas invisible à l’œil nu).
6La céramique grossière : c’est l’ensemble des éléments ne présentant pas les critères de la céramique fine.
7Profil complet : les tessons du vase représentent au minimum le profil sans interruption de la lèvre à l’amorce du fond (par reconstitution graphique si nécessaire).
8Profil reconstituable : les tessons du vase représentent au minimum un tiers de la restitution du profil.
4.1.1 Taphonomie et caractérisation des ensembles
9La quantité de mobilier recueilli, un peu moins de 60 kg de céramique, est relativement importante comparée aux sites de la même époque. Cependant, les vestiges parvenus jusqu’à nous ne représentent qu’un faible pourcentage du mobilier utilisé sur le site. L’étude des conditions de dépôt peut donc se révéler particulièrement instructive quant aux phénomènes de conservation et de fiabilité du corpus.
10L’absence de sol archéologique limite considérablement l’étude. Le mobilier céramique provient uniquement du remplissage des structures excavées (trous de poteaux, fosses, fossé...). Si la répartition des vestiges au sein de ces couches de comblement trahit l’existence de véritables concentrations à proximité des bâtiments, la grande majorité des éléments céramiques recueillis correspond au piégeage de tessons autrefois épars sur le sol d’occupation. Ils témoignent du creusement puis du colmatage des structures, sans pour autant fournir d’indication chronostratigraphique véritable (un fossé n’est pas un ensemble clos au sens strict).
11Le cas des concentrations, qu’il s’agisse d’un ou de plusieurs individus, est beaucoup plus fiable. Les premières constatations concernent la remarquable conservation d’éléments de taille relativement importante qui présentent un aspect non érodé. Les recollages sont courants et permettent la restitution de plusieurs formes céramiques. L’ensemble de ces caractères confère à ces concentrations de mobilier le statut de dépotoirs domestiques (position secondaire) qui sont le plus souvent situés dans les fossés de délimitation des parcelles. Ainsi, les assemblages recueillis dans le fossé 13 constituent « la colonne vertébrale » de cette étude sur laquelle vient s’appuyer le reste du corpus. Cette structure, souvent recreusée durant l’histoire du site, a livré à des niveaux stratigraphiques différents, plusieurs dépôts qui fournissent ainsi des informations chronologiques précieuses et permettent de suivre, dans la durée, l’évolution du corpus céramique.
12Ainsi, le mobilier céramique attribué à la phase 1 provient des fossés (surtout le fossé 13). La répartition spatiale des vestiges (fig. 55) permet l’observation de deux grandes concentrations ; la plus importante est située à l’angle de la parcelle délimitée par les fossés 13 et 68 (autour du bâtiment à plan circulaire) et la deuxième dans le fossé 101 (proche de plusieurs « greniers »). L’ensemble du corpus est constitué d’un peu moins de 700 tessons, et d’un NMI d’une cinquantaine d’individus (dont trois profils complets).
13Le lot céramique de la phase 2 est le plus abondant (un peu moins de 2 000 tessons) pour un NMI plus faible que durant la phase précédente (une trentaine de vases, dont quatre profils complets). L’essentiel a été recueilli dans le fossé 155 (fig. 56) en vis-à-vis des bâtiments compris entre les fossés 310 et 91.

FIG. 56. Plan de répartition du mobilier céramique, phase 2. En pointillé : fossés de la phase précédente.
14Très peu de vestiges (une cinquantaine de tessons) ont été retrouvés dans les fossés attribués à la phase 3. La répartition spatiale du mobilier ne trahit aucune concentration particulière (fig. 57). Les céramiques du fossé 250, plus nombreuses, peuvent provenir de la destruction du sol d’occupation du bâtiment 22 recoupé par la structure.

FIG. 57. Plan de répartition du mobilier céramique, phase 3. En pointillé : fossés des phases précédentes.
4.1.2 Techniques de façonnage
15Les critères pris en compte dans cette analyse sont les témoins qui permettent de saisir les choix techniques de fabrication des récipients. Ces données peuvent être confrontées aux éventuelles fonctions des vases.
16L’estimation des proportions des catégories technologiques et morphologiques est difficile. Le taux de fragmentation est très élevé et le nombre de tessons n’est pas le reflet d’un NMI important. Le décompte des récipients individualisés (170 éléments de forme pour plus de 3 000 tessons) ne correspond donc pas à la réalité et a tendance à surestimer les formes grossières moins fragmentées et mieux conservées que la céramique fine (tabl. VI).
Céramique grossière |
Céramique fine |
|
Phase 1 |
90 % |
10 % |
Total |
95,9 % |
4 % |
TABL. VI. Proportion des catégories de céramiques fines par rapport aux céramiques grossières.
4.1.2.1 Matériau des récipients et ressources argileuses
17L’étude du matériau des céramiques a porté sur 13 échantillons représentatifs des différents ensembles reconnus par l’analyse macroscopique des céramiques. Trois groupes de pâtes ont été mis en évidence. Le groupe A est largement majoritaire, les groupes A’ et B sont peu représentés et le groupe C n’occupe qu’une place anecdotique dans le corpus.
18Le groupe A (TAT 6, 8, 9, 10, 11, 12 et 14) se compose de pâtes à éléments granitoïdes. Les inclusions non plastiques sont des quartz toujours majoritaires, des biotites quelquefois décolorées et de nombreux feldspaths potassiques (orthoses perthitiques et microclines). La taille de ces derniers éléments est souvent supérieure au millimètre. Des plagioclases viennent compléter cette composition, leur proportion est variable mais toujours largement inférieure à celle des feldspaths potassiques. Des débris de roches sont observables dans plusieurs échantillons ; ils montrent des associations de quartz xénomorphes pouvant être accompagnés de feldspaths potassiques et de biotites. Ces débris atteignent régulièrement des tailles supérieures à 1,5 mm et peuvent parfois avoisiner les 4 mm. Certaines lames minces présentent des éléments jaunâtres à rougeâtres pouvant être identifiés comme des grains d’argilite. Les échantillons contiennent quelques muscovites. Deux tessons examinés ont livré de rares fragments de silex (TAT 6 et 9).
19Dans la plupart des échantillons, aucune fraction granulométrique ne domine et les éléments granitiques les plus fins s’intègrent parfaitement dans la matrice argileuse. Ces critères orientent les recherches de provenance vers des argiles issues de l’altération de granités.
20Le groupe A’ (TAT 7 et 15) présente des pâtes plus fines, les inclusions les plus grossières ne dépassant que très rarement 0,5 mm. Dans l’échantillon TAT 7, de nombreux grains, presque réduits à l’état de fantômes, pourraient s’apparenter à des feldspaths et des biotites extrêmement altérés. Ce groupe À constitue en fait un sous-groupe du précédent puisque les pâtes contiennent, elles aussi, de nombreux éléments granitiques (quartz, feldspaths potassiques, plagioclases très altérés, biotites plus ou moins décolorées, rares muscovites). L’état d’altération extrême de certaines inclusions indique l’emploi d’argiles plus évoluées mais de même nature que les précédentes.
21Le groupe B est constitué par des pâtes contenant de nombreuses vacuoles allongées (TAT 3). Celles-ci semblent correspondre à des lacunes résultant de la disparition d’anciens bioclastes (cette origine bioclastique, difficilement identifiable sur l’échantillon microscopique, a été mise en évidence par l’analyse macroscopique). L’abondance des vacuoles pourrait indiquer l’utilisation d’argiles littorales à bioclastes. Cependant, l’absence d’autres éléments discriminants nous interdit une détermination plus précise de leur provenance.
22Le groupe C (TAT 4/5 et 13) comporte des pâtes très fines dont la majorité des inclusions est de la taille des limons. Leur nature, quartzeuse, feldspathique et micacée, révèle encore une origine granitique. Quelques éléments plus grossiers sont des quartz ou des débris de granité. Ces pâtes sont en tout point comparables au matériel limoneux de l’île, examiné à la loupe et au microscope, qui est lui-même chargé naturellement de particules plus grossières d’origine granitique.
23Il faut noter que l’un des échantillons (TAT 2) appartient à une céramique de la fin de l’âge du Fer qui renferme des éléments granitiques de même nature que ceux rencontrés dans les autres pâtes. Cependant, ces inclusions sont dominées par de nombreux éléments calcaires d’origines diverses. En effet, la matrice contient de nombreux foraminifères de types Lenticulines, Nodosariidés, Rotalidés, Globigérines (faunes de milieux littoraux « actuels »). Cette microfaune est accompagnée de nombreux débris d’organismes appartenant à l’Holocène (huîtres, balanes, oursins). D’autres éléments carbonatés sont présents, il s’agit de débris très arrondis de calcaires qui semblent allochtones dans ces pâtes. Ce sont des fragments d’un calcaire oolithique dolomitisé d’âge hettangien probable et d’un calcaire à Miliolidés pouvant appartenir au matériel éocène du Cotentin (étude réalisée avec la collaboration de Guy Fily et Patrick Gigot, université de Caen). La matière première utilisée pourrait être issue de l’environnement littoral local, il s’agit vraisemblablement d’une vase holocène remaniant des sables polygéniques de natures granitique et carbonatée.
24La majorité des pâtes de ce site possède une signature granitique bien marquée. Cette empreinte tend à démontrer le caractère local de la fabrication des céramiques de Tatihou. La nature des inclusions indique une origine attribuable aux granites environnants qui constituent une grande partie du sous-sol de cette région. La présence d’orthoses de grande taille, largement dominantes sur les plagioclases, semble plutôt désigner le granite de Barfleur situé au nord de la vallée de la Saire. Ce granite à deux micas contient de nombreuses muscovites et de gros feldspaths potassiques (orthoses et microclines). Malgré sa relative pauvreté en muscovite, le substrat granitique de l’île de Tatihou présente le même type de faciès, comme en témoigne l’examen microscopique d’échantillons de granite et de sables granitiques prélevés sur l’île. Il offre donc tous les critères de comparaison avec les pâtes céramiques. Dans les pâtes plus fines, les inclusions granitiques sont moins caractéristiques mais peuvent cependant témoigner de cette même origine.
25Cette étude révèle l’existence d’une fabrication de céramique à partir de limons, d’argiles littorales et surtout d’argiles d’altération plus ou moins évoluées de l’île ou de la côte proche. À ce jour, seuls des sables d’altération ont été observés sur l’île. Cependant, ce constat n’exclut pas l’existence d’affleurements argileux rendus rares lorsque Tatihou a gagné son caractère insulaire ou en raison de l’ampleur de l’extraction.
4.1.2.2 Techniques de montage et traitements de surface
26Les techniques de montage ont été examinées sur quelques exemplaires céramiques. Certaines traces de confection sont observables à l’œil nu sur la tranche des tessons ; dans d’autres cas, elles ont été appréhendées en lames minces. Ces traces de montage sont de trois grands types (cassure en sifflet, en U, collage). Les limites de montage entre les colombins ont été remarquées sur la tranche des céramiques. Elles se présentent sous la forme de cassures en sifflet ou en U. Dans le premier cas, l’angle entre la cassure et le bord du tesson avoisine les 35°. Cet angle est à mettre en relation avec l’étirement des colombins au cours du travail de la pâte. Pour les céramiques les plus hautes du corpus, l’étirement du colombin est tellement important que la cassure a tendance à se paralléliser avec la paroi de la céramique. Les tranches à profil en U témoignent quant à elles d’un étirement quasiment nul de la pâte. Ces dernières concernent les formes moyennes. Les différences d’étirement de la pâte céramique n’ont aucune incidence sur l’épaisseur des vases. Les limites de montage entre la panse et le fond des céramiques sont plus difficiles à observer. Il semble cependant que, dans la grande majorité des cas, les fonds ont été confectionnés sous la forme d’une « galette » qui par la suite a été collée à la panse à l’aide d’un colombin situé à l’intérieur du vase. Les indices de collage des éléments plastiques rapportés (cordons, tenons, anses...) sont les témoins les plus fréquents. Le mode de collage est assez simple. Le cordon ou le tenon est posé sur pâte humide. La panse et les bords du cordon font alors l’objet d’un lissage ayant pour but l’homogénéisation des deux éléments. Le lissage est généralement dissymétrique, la partie supérieure des cordons faisant souvent l’objet d’un travail plus soigné. Parfois de véritables vides, observables à l’œil nu, existent entre l’élément plastique et la panse des vases. Plusieurs unités céramiques ont gardé la trace de leur cordon décollé sous la forme d’une bande brunâtre à noire. Les anses ou les fausses anses sont de simples boudins d’argile collés sur la panse. Aucune technique de montage chevillé n’a été reconnue dans le corpus.
27La variabilité des traitements de surface observés est relativement faible. Les surfaces des céramiques, tant extérieures qu’intérieures, même relativement bien conservées, n’ont livré que peu de traces. Les plus courants sont les traces de raclage, étape essentielle de la mise en forme des récipients (Binder et al. 1994). Elles se présentent sous la forme de stries fines et parallèles produites par l’arrachement des éléments non plastiques de la pâte. Les traces de lissage, plus rares, sont caractérisées par des stigmates fins et longilignes correspondant à l’enfoncement des inclusions lorsque la pâte est encore humide.
4.1.2.3 Colorations des récipients et atmosphères de cuisson
28Les couleurs des vases varient d’orange-brun à noir, plus rarement rouge vif. Sur un même récipient, les colorations observées ne sont pas homogènes, mais elles sont toujours situées dans une même gamme de couleur. Elles sont généralement claires sur les parois externes des vases et dans une moindre mesure sur leurs faces internes (dans la plupart des cas seule la moitié supérieure du vase présente des teintes claires). Ces variations peuvent être les indices d’un mode de cuisson en atmosphère oxydante, ou plus certainement réductrice, puis d’une fin de cuisson et d’un refroidissement en ambiance oxydante. Ce processus des plus rudimentaires peut évoquer une cuisson en meule sans couverture de confinement (en particulier pour les formes céramiques grossières). La détermination des températures de cuisson est impossible à effectuer. Les travaux expérimentaux et ethnoarchéologiqucs de Gosselain (1992) ont démontré la grande gamme de températures possibles avec des variations pour un même vase comprises entre 100° et 300 °C. La détermination des températures de cuisson par diffraction des rayons X peut donner cependant de bons résultats (Morzadec 1995) ; ce travail n’a pas été réalisé. En bref, l’ensemble du lot céramique semble avoir été fabriqué dans les mêmes conditions (pour tout le corpus de la phase 1 à 3). La cuisson est probablement effectuée en meule, à même le sol ou dans une petite excavation. Les vases sont déposés l’embouchure vers le bas, ce qui explique les teintes sombres dans le volume intérieur des récipients (manque d’oxygène). L’ambiance générale de la cuisson est réductrice mais le potier, en fin de cuisson, dégage les céramiques du combustible pour les soumettre à l’air libre. Durant cette dernière manipulation, le récipient prend une coloration claire (orangée ou rouge) lors de sa réoxydation.
4.1.3 Céramique de la phase 1
fig. 58-67
29Les trois groupes de pâtes sont représentés dans l’assemblage céramique ; le groupe A forme 96 % du corpus (dont 5 % du groupe A’) et le groupe B 4 %. Les pâtes grossières dominent ; leur épaisseur est généralement comprise entre 0,8 et 1 cm (uniquement du groupe A). Les pâtes fines, faiblement représentées (5 %), appartiennent aux groupes A et B.
30Les formes reconstituables adoptent des profils simples, il s’agit essentiellement de vases hauts, fermés, sans col, à paroi courbe et à lèvre biseautée (hauteurs comprises entre 20 et 30 cm, pour un diamètre moyen à l’ouverture de 16 cm). On notera l’absence de formes basses et la faible présence des éléments segmentés.
31Les lèvres sont de plusieurs types ; on distinguera des bords à lèvre biseautée (les plus fréquents), des lèvres aplaties (fig. 58 ; fig. 59, no 13-18 ; fig. 65, no 101-5), en pouce (fig. 65, no 101-6), ourlées (fig. 60, no 61-3) et éversées (fig. 58, nos 13-1, 13-6 ; fig. 59, no 13-11).
32Les fonds sont plats sans distinction marquée entre le fond et la panse. Le fond de vase 101-2 (fig. 65) a été retravaillé de manière à en faire une forme utilitaire (peut-être un plat à pain comme à Quiberon en Bretagne ; Le Carduner 1990 : 241, fig. 6, nos 14 et 15) ou un couvercle.
33Les organes de préhension sont multiples. Les plus nombreux sont les languettes (fig. 58, nos 13-2, 13-4 ; fig. 61, nos 68-2 et 251-2) ou les mamelons (fig. 58, no 13-1 ; fig. 61, no 68-1) généralement au nombre de deux. Les cordons en arceau (fig. 59, no 13-26 ; fig. 60, no 61-6 ; fig. 65, no 101-8), moins nombreux, sont cependant bien présents et semblent caractéristiques du corpus de la phase 1 au même titre que les anses simulées (fig. 58, nos 13-1 et 13-6).
34Les décors situés sur le quart supérieur des vases sont riches et diversifiés. Les décors incisés forment la dominante du corpus ; il s’agit généralement de fines lignes horizontales sous le bord (fig. 58, nos 13-3 et 13-5 ; fig. 59, nos 13-7 et 13-9) ou, dans le cas du vase 13-6, de lignes horizontales recoupées sur pâte humide par un décor de chevrons emboîtés (fig. 58, no 13-6 ; fig. 62). Moins nombreux, les décors réalisés au poinçon, ou au coquillage, forment des lignes horizontales enchevêtrées (fig. 58, no 13-1) ou des diagonales (fig. 59, no 13-12). Le dernier type de décor est constitué de cannelures horizontales sous le bord, proches de certains décors incisés (fig. 59, no 13-8 ; fig. 60, no 61-1 ; fig. 65, nos 101-1 et 101-5 ; fig. 63), parfois recoupées par une nervure verticale surmontant un cordon arciforme (fig. 64, no 530-1). Les décors de cordons sont rares (fig. 59, no 13-15 ; fig. 61, no 68-6 ; fig. 65, nos 700-1 et 700-5).

FIG. 62. Les décors céramiques de la phase 1 : sur pâte humide, incisions horizontales recoupées par un décor de chevrons emboîtés (vase no 13-6).
35Les formes reconstituables présentent systématiquement des organes de préhension sous la forme de languettes ou de mamelons disposés selon une symétrie binaire ; les formes 13-3 et 817-3 (fig. 58, 67) possèdent deux anses en arceau. Les vases 13-1 et 13-6 (fig. 58) sont un peu différents ; car même s’ils appartiennent au même type que précédemment, leur lèvre est éversée et ils sont richement décorés (décor au poinçon pour le premier, décor incisé de lignes et de chevrons pour le second). Un vase se distingue nettement du corpus (fig. 58, no 13-5), il s’agit d’une forme fermée (bouteille ?) dont seul le col est observable.
4.1.4 Céramique de la phase 2
fig. 68-76
36Les pâtes du groupe B sont totalement absentes et les pâtes fines ne représentent que 10 % du corpus. Le groupe A’ domine (75 %).
37Les formes céramiques sont plus diversifiées. Les vases hauts, fermés, sans col, à paroi subrectiligne ou légèrement courbe dominent (fig. 68, no 155-1 ; fig. 69, nos 155-3 et 155-4 ; fig. 72, no 270-1 ; fig. 73, no 277-1). Ils sont numériquement suivis par les formes hautes, fermées, sans col, à paroi courbe (fig. 70, nos 155-5 et 155-6). Les formes basses ouvertes sont représentées dans ce corpus par deux vases (fig. 71, no 155-10 ; fig. 73, no 277-2). Quelques éléments segmentés sont aussi observables (fig. 71, no 155-22).
38Les types de bord sont divers et peuvent varier sur un même vase (fig. 68, no 155-1 ou fig. 72, no 270-1). Les plus fréquents sont les bords à lèvre biseautée ; plus rarement, ils sont à lèvre arrondie (fig. 70, no 155-5 ; fig. 68, no 155-1) ou épaissie et aplatie (fig. 71, no 155-12).
39Les fonds de vase sont plats. La distinction panse/fond est généralement peu marquée, seuls deux éléments de fond montrent un bourrelet d’assise (fig. 71, no 155-20 ; fig. 73, no 277-2).
40Les organes de préhension sont des languettes disposées, selon une symétrie binaire, sur des cordons lisses (fig. 69, nos 155-3 et 155-4), ou digités (fig. 70, nos 155-5 et 155-6) ou de véritables tenons (fig. 72, no 270-1). On notera l’absence de cordon en arceau fréquent durant la phase précédente.
41Les organes de suspension sont représentés sur un vase à quatre anses (fig. 68, no 155-1) inscrits entre deux cordons lisses.
42Le corpus des décors est relativement simple ; il est formé essentiellement de cordons lisses (fig. 69, nos 155-3 et 155- 4) ou digités (fig. 70, nos 155-5 et 155-6), collés (fig. 73, no 277-2) ou non, uniques (fig. 69, nos 155-3 et 155-4) ou sur deux registres parallèles généralement situés sur le quart supérieur du vase (fig. 70, nos 155-5 et 155-6). La céramique 277-1 (fig. 73) présente un décor plus complexe constitué de quatre cordons digités collés, perpendiculaires à un cordon lisse souligné d’un décor réalisé au brunissoir. Deux individus céramiques portent un décor constitué de boutons : le petit gobelet (fig. 71, no 155-10) et le vase à quatre anses (fig. 68, no 155-1 ; fig. 76) avec des boutons placés entre les deux cordons lisses.
43Les vases hauts fermés, sans col, à paroi subrectiligne ou légèrement courbe, sont uniquement décorés de cordons lisses ; les lèvres qui leur sont associées sont biseautées. Les vases hauts fermés, sans col, à paroi courbe, présentent généralement un décor de cordon digité ; leurs lèvres sont aplaties (fig. 70, no 155-6) ou arrondies (fig. 70, no 155-5). Les deux formes basses sont aussi décorées, il s’agit d’un petit gobelet muni de boutons sous la lèvre (fig. 71, no 155-10) et d’un vase à paroi courbe, et à lèvre arrondie légèrement éversée, décoré d’un cordon lisse (fig. 73, no 277-2).
4.1.5 Céramique de la phase 3
44Les pâtes céramiques du groupe A représentent 96 % du corpus. Seuls deux éléments de bords sont à rattacher à cette phase. Il s’agit d’une lèvre ourlée sur un bord droit (fig. 77, no 250-1) et d’un bord rentrant à lèvre arrondie (fig. 77, no 250-2). Ces deux tessons ne peuvent bien entendu pas faire l’objet de comparaison typochronologique. Tout au plus peut-on dire que ce type de lèvre existe dans les phases précédentes.
4.1.6 Céramique hors phase
45Le mobilier céramique provenant des enclos circulaires (structures 514 et 663 ; fig. 78) complète le corpus des éléments découverts en 1997 et 1998 ; il est très proche des récipients de la phase 1. Certains vases ou fragments n’ont pu être replacés précisément dans l’une ou l’autre phase (fig. 79). Il a cependant paru indispensable de les faire figurer dans cette synthèse. Il s’agit du mobilier rattaché à la phase 1 recueilli dans la structure de barrage (fig. 60, structures 631 et 788), dans les fossés de parcellaire 485, 530, 520 et 700, 602, 740, 725 (fig. 65), dans le silo 453 (fig. 66), dans les fosses 541, 746, 817 et 821 (fig. 66, 67) et dans le four 554 (fig. 66). Seul le mobilier du fossé 913 (fig. 74) et de la fosse 458 (fig. 75) semble se rattacher à la phase 2 (le corpus de la structure 913 est très proche de celui de la structure 155). De même, il a semblé préférable de faire figurer ici le mobilier de l’âge du Bronze découvert dans les structures gallo-romaines et modernes (fig. 80).

FIG. 79. Mobilier de l’âge du Bronze attribué à aucune phase (structures 717, 531, 763, 767, 330, 718, 266, 613, 605, 723 et 769).

FIG. 80. Mobilier de l’âge du Bronze provenant des structures modernes ou gallo-romaines (structures 502, 11, 498, 12, 493, 489, 129, 471, 398, 464, 140, 645 et 446).
4.1.7 Comparaisons et approches chronoculturelles
46Il est impossible à l’heure actuelle de comparer l’ensemble du corpus céramique de la phase 1 avec un lot de même nature (fig. 81). L’approche chronoculturelle ne peut donc être appréhendée que grâce à des comparaisons ponctuelles (décor par décor par exemple). La forme générale des vases n’est guère utilisable car ce sont en effet des profils peu caractéristiques que l’on retrouve de la fin du Néolithique à la transition Bronze ancien/moyen. Les éléments de préhension posent le même problème : seuls les cordons en arceau fournissent des données exploitables. Ce type de moyen de préhension, bien que connu dès la fin du IIIe millénaire (fig. 82, no 5 ; Saint-Just en Ille-et-Vilaine, Leroux et al. 1983 ; Groupe des urnes à décor plastique et son évolution en contexte funéraire sous le nom de groupe d’Eramecourt, fig. 82, no 4 ; Blanchet 1984 ; Billard et al. 1996), semble connaître son essor au cours du Bronze ancien (Bucy-le-Long/Missy-sur-Aisne dans l’Aisne, Brun, Pommepuy 1987 ; Port-des-Barques en Charente-Maritime, Gomez de Soto 1995). Il est encore connu au début du Bronze moyen dans les Îles Britanniques (Burgess 1980 ; 1987). Les éléments de préhension de Tatihou se rapprochent incontestablement des exemplaires les plus récents ; en effet les cordons en arceau de la phase 1 ne peuvent être considérés comme de véritables moyens de préhension. Ils sont un dérivé du type initial et tendent vers un motif ornemental. Le tesson 101-7 (fig. 65), avec son décor de lignes incisées parallèles encadrant un motif incisé en diagonale, ne trouve de comparaison que dans le complexe campaniforme. Le gobelet 13-1 (fig. 58), décoré de lignes horizontales enchevêtrées (réalisées au poinçon ou avec un coquillage), présente lui aussi de fortes affinités avec le complexe campaniforme (épicampaniforme). Cependant son profil n’a plus aucun lien commun avec les vases de ce groupe. Le motif de fine cannelure et/ou de chevron présente de fortes ressemblances avec les céramiques à décor cordé du début de l’âge du Bronze (fig. 82, no 3 ; Gibson 1987 : fig. 4, nos 14-17) ou avec celles du groupe de Trevisker du début du Bronze moyen (fig. 82, nos 1 et 2 ; Apsimon, Greenfield 1972). Il est associé dans le nord de la France au type Biconical Urn britannique. Le profil des céramiques de Tatihou est cependant franchement éloigné de ce type de vase et se rapproche plutôt des Barrel Urns de tradition Deverel-Rimbury généralement décorés de cordons. Le site de West Ashby dans le Lincolnshire, daté de la fin du Bronze ancien (Field 1985), a livré des vases relativement proches des exemplaires de Tatihou. Mais les céramiques les plus proches ont été découvertes dans le nord de la Grande-Bretagne et en Écosse (fig. 83, the Green Knowe style, Burgess 1995 ; Jobey 1978-1980 ; Coles, Taylor 1969-1970 ; Stewart 1961 ; Barclay 1983 ; Jobey 1983 ; Coggins, Fairless 1984) où elles sont datées de la fin du Bronze ancien jusqu’au milieu du second millénaire. Le corpus céramique de la phase 1 semble donc être le résultat d’influences diverses. Les formes céramiques et les décors, bien que présentant encore des caractères hérités du Campaniforme, sont proches, pour ne pas dire identiques, des corpus anglais et écossais de la fin du Bronze ancien et du début du Bronze moyen (Trevisker, the Green Knowe style). Pour les comparaisons hexagonales, la présence de cordons simples sur certains tessons permet peut-être de rapprocher les vases de la phase 1 du groupe d’Eramecourt (fig. 82, no 4 ; Blanchet 1976), réactualisé récemment sous le terme de Groupe des urnes à décor plastique simple daté entre 1800 et 1600 BC (Billard et al. 1996). En France, on a mis au jour sur le site du Fort-Harrouard à Sorcl-Moussel un corpus daté du Bronze ancien relativement semblable (Mohen, Bailloud 1987), mais ce gisement, qui ne peut pas être considéré comme un ensemble clos, limite considérablement le champ des comparaisons chronotypologiques.

FIG. 82. Comparaisons typochronologiques. 1, 2 groupe de Trevisker, au sud-ouest de l’Angleterre ; 3 récipient découvert en association avec du Campaniforme à Stainsby ; 4 (Crouy, Somme), 5 (Saint-Just, îlle-et-Vilaine) : groupe des Urnes à décor plastique.

FIG. 83. Comparaisons typochronologiques. Le répertoire céramique du groupe Green Knowe style, au nord de l’Angleterre et en Écosse. 1‑6 Green Knowe, Peeblesshire ; 7-8 Culbin Sands, Wlorayshire ; 9‑11 Dalnaglar, Pertshire ; 12 Myrehead, Falkirk.
47L’attribution chronoculturelle du mobilier céramique rattaché à la phase d’occupation 2 est moins problématique que pour celui de la phase précédente (fig. 84, 85). Il s’agit indéniablement d’un corpus typique du domaine atlantique, proche des sites britanniques de tradition Deverel-Rimbury couvrant le Bronze moyen et le début du Bronze final (fig. 86 ; Thorny Down, Latch Farm, Kimpton...). Les formes hautes sont à comparer avec les Bucket-Urns (fig. 86 ; Burgess 1987), qui peuvent être décorées de cordons lisses ou digités comme à Thorny Down dans le Hampshire (Stone 1941). Les assemblages complexes de cordons sur deux registres ou en T sont aussi connus Outre-Manche, à Latch Farm par exemple (Piggott 1938) ou à Kimpton (Dacre, Ellison 1981), mais aussi en France comme dans la grotte du Quéroy à Chazelles en Charente ; ils sont datés du Bronze moyen (Gomez de Soto 1995). Dans le nord de la France, les sites d’habitats du Bronze moyen sont rares et livrent généralement peu de mobilier. On peut cependant noter des analogies avec le site de Roeux dans le nord (Desfossés et al. 1992) où l’on retrouve le même type d’assemblage céramique (ce site est daté vers 1500 BC). Les anses, plus rares sur les sites britanniques, ont été observées en contexte Bronze moyen sur le site de Fort-Harrouard (Mohen, Bailloud 1987). Sur ce dernier gisement, les moyens de suspension sont aussi encadrés par des cordons lisses. Le petit gobelet décoré de boutons est une forme fréquente que l’on retrouve dans les îles anglo-normandes et en Bretagne de la fin du Néolithique à la fin du Bronze moyen (Briard 1984). En Basse-Normandie, il trouve sa place dans le corpus céramique des deux sites de Mondeville (Calvados) dont un est bien daté de la transition Bronze moyen/Bronze final I. L’ensemble paraît cependant beaucoup plus proche des sites du nord de la France attribués au début du Bronze moyen.

FIG. 86. Comparaisons typochronologiques. 1-3 le répertoire céramique Deverel-Rimbury, du sud de l’Angleterre ; 4 le répertoire céramique Hilversum/ Drakenstein (les tumulus du Muziekberg à Ronse, Belgique).
48Plus qu’à une attribution chronoculturelle précise, on doit s’attacher à une mise en phase des éléments découverts (tabl. VII, fig. 87, 88). Ainsi les décors incisés, les cordons en arceau et les boutons trouvent leur place uniquement au sein du corpus de la phase 1. Les cordons, qu’ils soient appliqués ou non, sont à rapprocher de l’assemblage attribué à la phase 2. Seul le fragment de vase segmenté pose problème, il ne possède en effet aucun parallèle avec les éléments des trois phases, tout au plus peut-on souligner la présence de carènes dans le corpus de la phase 2.

FIG. 87. Mise en phase du corpus céramique en fonction du diagramme stratigraphique proposé lors de l’étude des fossés.

FIG. 88. Chronologie-évolution du corpus céramique à partir d’une coupe schématique réalisée au niveau du recoupement des fossés 13, 13’ et 155. À gauche les récipients de la phase 1, à droite les récipients de la phase 2. La coupe met bien en évidence le caractère continu de l’évolution des structures ; les trois grandes phases correspondent à de grands ensembles (dans le fossé 155 aucune variation typologique n’a pu être identifiée entre les récipients de l’US 1 et de l’US 2).
4.1.8 Conclusions
49Les datations obtenues par les comparaisons typochronologiques placent la durée d’occupation du site entre la fin de l’âge du Bronze ancien et l’âge du Bronze moyen. Cette phase chronologique est particulièrement mal connue dans la région et la série de Tatihou vient éclairer d’un jour nouveau la périodisation du mobilier céramique en cours d’élaboration depuis une dizaine d’années.
4.1.8.1 Le substrat : la fin du iiie millénaire et le début du Bronze ancien
fig. 89

FIG. 89. Le répertoire céramique des sites bas-normands de la fin du IIIe millénaire et du Bronze ancien.
50En contexte funéraire, le mobilier provient essentiellement de la réutilisation de monuments néolithiques. Ainsi à Passais-la-Conception dans l’Orne, la fouille de la sépulture à entrée latérale de la Table au Diable (Chancerel 1992) a permis l’observation de plusieurs fragments d’un gobelet campaniforme décoré au peigne (style maritime dérivé). Un brassard d’archer à double perforation biconique en grès a été découvert sur un autre site mégalithique du même département, le dolmen de Saint-Clair-de-Halouze, lors de sa destruction en 1925 (Verron 1975). Le site le plus important reste cependant celui de Bernières-sur-Mer dans le Calvados où deux sépultures ont été découvertes lors de travaux de terrassement (Verron 1980a). La première tombe contenait un poignard en cuivre arsénié et un gobelet sans décor et la seconde un gobelet à décor contracté réalisé au peigne (bandes à croisillons surplombant une bande de triangles, fig. 89).
51Les habitats sont plus nombreux ; on peut citer les rares découvertes de Caen (Verron 1979) ou de Graye-sur-Mer (coll. J. Barge) dans le Calvados. Elles ont permis l’observation de quelques tessons décorés de lignes horizontales réalisées au peigne ou de bandes hachurées obliques limitées par une ligne. L’enclos de Mondeville MIR, actuellement en cours d’étude (Chancerel et al. 1999a), où a été recueilli un petit ensemble de céramique campaniforme, complète les séries du Calvados. Un corpus plus important a été découvert dans le département de la Manche. Le site de Digulleville/Le Raumarais est daté de la fin du Campaniforme, dans la mouvance des céramiques épimaritimes du Centre-Ouest (Letterlé, Verron 1986). À Lingreville, lors des prospections de R. Verveur (Billard et al. 1995), plusieurs tessons campaniformes (fig. 89, sans décor ou décorés au peigne) associés à des céramiques domestiques (fig. 89, bord à cordons pré-oraux, décor à l’ongle...) ont été mis au jour. Enfin les travaux de sauvetage réalisés récemment sur l’autoroute A84 ont permis la mise au jour de plusieurs ensembles campaniformes récents (style épimaritime) à Fleury et à Beslon dans la Manche (Convertini 1996).
52Le peu de matériel recueilli ne permet pas une confrontation fiable avec les régions voisines. Il semble cependant que le Campaniforme de Basse-Normandie soit à rapprocher des groupes de l’Ouest et du Centre-Ouest (surtout pour une partie des sites de la Manche). La céramique d’accompagnement est constituée de nombreux cordons horizontaux nettement situés sous le rebord des récipients, de décor à l’ongle et de quelques vases dont le bord est souligné d’une rangée de perforations traversières et équidistantes (site de Guilberville, fig. 89). Elle est aussi très proche des corpus de l’Ouest (Besse 1996). L’ensemble s’inscrit parfaitement dans le complexe rhodano-rhenan tel qu’il était défini par A. Gallay (1986). Les quelques tessons de tradition campaniforme au sens large recueillis à Tatihou s’insèrent dans ces groupes de la fin du IIIe millénaire.
4.1.8.2 L’âge du Bronze ancien et moyen
53De nombreux sites ou indices de sites datés de l’âge du Bronze ancien ou moyen ont été découverts en Basse-Normandie. La plupart sont le fait de découvertes anciennes (fin xixe et début xxe s.), essentiellement de mobilier métallique. J. Briard et A. Verney ont tenté récemment de faire un rapide bilan de ces découvertes (Briard, Verney 1996) reprenant ainsi les travaux de G. Verron (1965).
54Les habitats datés de l’âge du Bronze ancien sont rares. Sur plusieurs petits sites littoraux identifiés dans le Nord-Cotentin (Lingreville et Bricqueville-sur-Mer/La Vanlée, Les Pieux/Plage de Sciotot et Réville [Verron 1980a ; Billard et al. 1995]) ont été retrouvés des tessons erratiques sans provenance précise. On peut noter au sein de ces assemblages céramiques la présence de gobelets carénés à anse plate (site de Réville, fig. 89) relativement proches d’exemplaires du nord de la France (Étaples ; Blanchet 1984), de vases des tumulus armoricains, de vases décorés de cannelures (site de Réville, fig. 89), comparables au style épicampaniforme breton (Briard 1984), de quelques tessons décorés au peigne ou à l’ongle (céramique d’accompagnement campaniforme ?), de bords à lèvre aplatie soulignés de fines cannelures horizontales, d’anses en arceau et de cordons lisses ou digités (sites de Lingre ville et Révilie, fig. 89). Malheureusement ces séries ne peuvent être considérées comme fiables, les mélanges en particulier ne sont pas à exclure. La série de Réville comprend également des tessons de tradition Villeneuve-Saint-Germain et du mobilier daté de l’âge du Fer et de l’époque gallo-romaine.
55Mais c’est sans nul doute le domaine funéraire qui se révèle le plus riche d’enseignements. L’ensemble de Loucé dans l’Orne, constitué de trois poignards à languette, celui de Longues-sur-Mer dans le Calvados (quatre poignards, deux haches à faibles rebords, trois pointes de flèche armoricaines) et du tumulus de Beaumont-Hague dans la Manche (un poignard et une dizaine de pointes de flèche armoricaines) sont à rattacher à la phase ancienne des Tumulus armoricains. Le tumulus de Beaumont en particulier a permis l’observation, en position secondaire dans les terres du tumulus, d’un matériel lithique comparable à l’industrie de Tatihou et d’un possible gobelet caréné à anse plate (Vilgrain et al. 1989). Les pointes de flèche de Longues-sur-Mer et de Beaumont sont les témoins directs d’influences armoricaines pour les premières (du type ogival court) et anglaises pour les secondes (Verron 1980b).
56La série de Tatihou –phase 1– présente de fortes affinités avec les éléments céramiques des habitats côtiers : les anses en arceau et les décors de cannelure ou de fine ligne incisée sont comparables. L’absence de datation pour ces sites de comparaison rend impossible la définition du Bronze ancien régional et de ses différents stades chronologiques. On notera cependant l’absence de gobelet caréné à anse plate à Tatihou, suggérant pour cette occupation un stade évolué du Bronze ancien.
57Les données concernant l’âge du Bronze moyen et le début du Bronze final sont plus conséquentes. La connaissance des sites d’habitats, en particulier, a fait un bond en avant ces dernières années avec le développement des travaux archéologiques de sauvetage. Les deux enclos de Mondeville (Calvados) ont permis l’observation d’un lot céramique important (fig. 90). Les deux enclos mitoyens de Mondeville-sud sont datés de la transition Bronze moyen/final I grâce à l’association d’une hache à talon de type normand, d’une pointe de lance de type Sucy et d’une épingle à renflement fusiforme nervuré appartenant à la famille des épingles de la fin du Bronze moyen du quart nord-ouest de la France. Dans ces enclos, un corpus céramique similaire au complexe Deverel-Rimbury (bucket urns, urne à cordon digité, gobelet à décor de bouton, anse ; Chancerel et al. 1999b) a été découvert. L’enceinte curvilinéaire de Mondeville/L’Étoile, moins bien datée (absence de mobilier métallique), a permis la découverte d’un assemblage céramique de la même mouvance culturelle (urne à cordon et à surface peignée, cordons digités ou décorés de chevrons, gobelets décorés de boutons, impressions digitées sur la panse, anse ; Besnard-Vauterin et al. 1999). Un dernier enclos curvilinéaire a été fouillé dans le cadre du PCR sur le Néolithique, à Thaon dans le Calvados. Le mobilier recueilli est constitué d’une urne décorée de cordons lisses et munie d’une anse arciforme, de récipients à profil plus ou moins carénés et d’un tenon (Chancerel 1992). L’ensemble, bien que peu abondant, peut être daté de la transition Bronze ancien/moyen.

FIG. 90. Le répertoire céramique des sites du Bronze moyen bas-normands : a Mondeville/ZI sud ; b Mondeville/L’Étoile.
58Le mobilier métallique est connu à travers de nombreuses découvertes isolées (Calvados : Caen, Colombiers-sur-Seulles, Escoville, Hermival-les-Vaux ; Manche : Beaumont-Hague, Carnet, Montanel) ou en dépôts (Calvados : Caen, Maisons, La Glacerie, La Godefroy). Il s’agit généralement de haches à rebords parfois décorées (Colombiers-sur-Seulles ; Ghesquière et al. 1994) ou de poignards de type Tréboul (Caen ; Verney 1993). Le dépôt découvert à Maisons en 1875 est à ce titre très représentatif puisqu’il associe deux classiques pointes de lance de type Tréboul, un marteau parmi les plus anciens du nord-ouest de la France, une boucle, onze haches à faibles rebords, à bords légèrement concaves et à tranchant évasé (datation : 1600-1400 avant notre ère ; Briard, Verney 1996).
59Le corpus céramique de Tatihou a du mal à trouver sa place parmi ces exemples. L’urne à cordon en arceau, les éléments de carène et les décors de cordon de Thaon sont assez proches d’exemplaires recueillis à Tatihou. Par contre les assemblages de Mondeville n’ont que peu de similitudes avec le lot étudié si ce n’est l’existence de cordon digité ou lisse et de petits gobelets à boutons (le site de Mondeville-sud est daté de la fin du Bronze moyen). Le gisement de Tatihou –phase 2– se situerait donc dans une tranche chronologique comprise entre la fin du Bronze ancien et le début du Bronze moyen, peut-être dans une phase ancienne du groupe de Deverel-Rimbury ?
4.2 Les autres objets en terre cuite
60Des fragments de pesons et/ou de fusaïoles en terre cuite ont été mis au jour lors de la fouille des structures appartenant à la phase 2. Les pâtes utilisées pour leur fabrication semblent être locales (ce qui sera à vérifier lors d’un examen complémentaire, par diffraction des rayons X par exemple). Les inclusions, observées en lame mince sur un des exemplaires, sont constituées d’argile rouge chargée de petits quartz anguleux, de micas décolorés (biotite et muscovite) et de feldspaths (orthose perthitique). Les minéraux sont de petite taille et très concentrés dans l’argile. En l’état actuel de l’étude, il est impossible de préciser dans quelle mesure ces inclusions sont rajoutées à la pâte (argile de décomposition d’un substrat granitique). La couleur de la surface des pièces trahit une cuisson oxydante ou à la limite oxydo-réductrice. Leurs surfaces ont seulement fait l’objet d’un rapide raclage de manière à les égaliser sommairement. Certaines parties présentent cependant un lissage ponctuel résultant peut-être de l’utilisation des objets. Aucune pièce ne présente de décor.
61Malgré l’état du mobilier recueilli, il a été possible, sur deux pièces, d’observer les orifices centraux des objets. Pour la fusaïole de la structure 155 (fig. 91b) l’orifice a été percé de haut en bas, à l’aide d’un bâtonnet de 6 mm de diamètre, alors que la pâte était encore humide. Son état de fragmentation n’a pas permis d’observer, sur sa partie inférieure, les traces d’usure caractéristiques de son utilisation sur le fuseau. Le peson de la structure 266 (fig. 91a) a une perforation centrale unique d’un peu plus d’1 cm.
62La répartition spatiale des fusaïoles et des pesons est étroitement liée à celle des éléments céramiques. Ce type d’objet a été recueilli dans les dépotoirs domestiques à proximité des bâtiments.
63Les fusaïoles et les pesons découverts sur le site, en petite quantité, sont les seuls indices d’une activité artisanale. Il faut cependant souligner que celle-ci répond davantage à un besoin domestique qu’à une volonté de production. La fusaïole a une taille et une forme relativement classiques pour ce type d’objet généralement compris entre 4 et 5,5 cm (Bouillot 1996). Son diamètre assez élevé correspond au fuseau à rotation lente. De même son poids, appartenant à la fourchette la plus lourde (supérieur à 40 g) permet de lui attribuer une fonction liée au traitement des fibres peu élastiques utilisées avec la technique du fuseau lancé (fibres végétales, lin par exemple). La composition du peson interdisant son emploi en tant que poids de filet de pêche, la fonction de peson de métier à tisser est donc la plus vraisemblable.
64Les pesons en terre cuite ont retenu l’attention lors de l’étude. En effet, ce type de matériel qui n’est généralement pas utilisé pour le calage chronologique semble être, pour l’âge du Bronze moyen et final, un fossile directeur. Les pesons cylindriques à perforation centrale sont une des composantes des sites du Bronze moyen et du Bronze final I du domaine atlantique. On les retrouve dans les assemblages régionaux de Mondeville (Chancerel et al. 1999b ; Besnard-Vauterin et al. 1999), mais aussi sur le site de Roeux (Pas-de-Calais ; Desfossés et al. 1992). Outre-Manche, ce type de pesons, en association avec du mobilier de tradition Deverel-Rimbury ou de la première moitié du Bronze final, a été découvert sur les sites de Grimes Graves (Mercer 1971-1972), Black Patch (Drewett 1982), Aldermaston Wharf et Knight’s Farm (Bradley et al. 1980).
Inventaire
65Structure 155/13 : fusaïole en terre cuite, forme cylindrique (la partie distale et l’extrémité proximale manquent), orifice central de 6 mm, diam. maximal : 5 cm, hauteur : environ 3 cm, poids : 15 g (max. reconstitué >45 g).
66Structure 155/11/us. 2 : fragment de terre cuite à paroi extérieure arrondie, peson/fusaïole ?
67Structure 155/11 /us. 2 : fragment de terre cuite à paroi extérieure arrondie, peson/fusaïole ?
68Structure 266 : fragment de terre cuite à paroi extérieure arrondie, peson/fusaïole ?
69Structure 266 : peson en terre cuite, forme cylindrique, orifice central de 12 mm, diam. maximal : 8,4 cm, hauteur maximale : 5 cm, poids : 115 g (max. reconstitué > 350 g).
70Structure 343/4W : fragment de terre cuite à paroi extérieure arrondie, peson/fusaïole ?
4.3 Le mobilier en silex
71L’étude du mobilier lithique de l’île de Tatihou a fait l’objet d’un article dans la Revue archéologique de l’Ouest sous une forme préliminaire (Ghesquière, Marcigny 1997). Ce précédent article s’appuyait principalement sur les résultats obtenus lors de la fouille du lazaret. Le nombre limité des vestiges avant les deux campagnes de sondages n’autorisait pas à l’époque une définition et une étude telle qu’elle apparaît ici. En particulier, la distinction des deux principaux lots culturels (première et seconde phases) n’était pas évidente du fait du nombre trop peu important des outils disponibles. La présente étude vient compléter cette première approche et lui apporte de nombreux enrichissements, parmi lesquels un essai de schéma évolutif plus poussé concernant l’industrie lithique du Néolithique final au Bronze moyen. L’iconographie a également été modifiée et agrémentée d’un nombre important de figures, forcément limité dans l’article préliminaire. Le complément d’étude livré dans cette partie exprime bien l’importance de ce mobilier dans la période culturelle considérée, aux côtés du riche mobilier céramique.
4.3.1 Méthode d’étude
722 649 artefacts lithiques (> à 2 cm, tabl. VIII), répartis dans toutes les différentes phases d’occupation, ont été découverts sur le site. Le matériel est suffisant pour tenter de caractériser un des aspects de la culture matérielle généralement négligé, voire totalement rejeté. Il s’avère que l’étude d’un gisement aussi complexe que celui de Tatihou ne saurait se limiter à la prise en compte d’un (ou plusieurs) aspects de la culture considérée. En effet, la culture de l’âge du Bronze représentée ici ne saurait être réduite à l’étude de l’assemblage céramique, particulièrement riche. Elle doit aussi tenir compte de l’ensemble des témoins disponibles. Ainsi, le mobilier lithique occupe une place équivalente au mobilier céramique, à l’organisation de l’espace, aux restes carpologiques et anthracologiques. Ce n’est que la conjonction de toutes ces études qui permettra d’affiner notre perception de la culture matérielle du Bronze ancien/moyen en Basse-Normandie.

TABL. VIII. Tableau récapitulatif de l’ensemble des artefacts lithiques découverts en 1996, 1997 et 1998 (S sain ; C cortical ; B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total).
73L’étude du mobilier lithique a été réalisée à partir de ce principe de prise en compte de l’ensemble des témoins matériels à notre disposition. Elle n’est donc pas limitée à un décompte typologique des pièces mais considère également que chaque pièce correspond à un maillon dans une chaîne de production (acquisition de la matière première, débitage, façonnage, utilisation). C’est l’ensemble de ces facteurs qui permet une définition complète de l’usage du silex par ces populations et c’est cette définition qui autorise les comparaisons avec les séries des autres sites. La finalité de l’étude de ce mobilier est double. La première reste bien entendu l’étude de l’ensemble de la documentation matérielle afin d’aboutir à une mise en valeur et à une définition la plus complète possible du complexe culturel du Bronze ancien/moyen et de son évolution sur l’île de Tatihou. La seconde finalité de l’étude du mobilier lithique est l’établissement d’une définition de l’assemblage, qui tienne compte des structures du débitage aussi bien que de celles de l’outillage et qui permette d’étudier l’évolution du mobilier lithique sur des périodes longues (Néolithique récent, Campaniforme, âge du Bronze), de la même façon que ce qui est fait pour les ensembles métalliques ou céramiques. L’intérêt est, à terme, une approche de l’évolution des principaux types de mobilier afin de permettre une datation plus fine des gisements et une meilleure perception de l’identité culturelle de la population humaine concernée.
74L’étude du mobilier lithique a été réalisée en quatre étapes. Dans un premier temps, l’inventaire total du mobilier a été effectué, en séparant chaque lot dans un tableau distinct. Dans un deuxième temps, un rassemblement des lots appartenant à la première phase d’occupation de l’âge du Bronze a été fait (tabl. IX). Trois grands ensembles ont ainsi été regroupés (le dépotoir des structures 13, 61, 68, 101, etc.) Ces lots représentent au total 775 pièces qui sont attribuées à la première phase d’occupation du site. Il a été fait de même avec les dépotoirs les plus importants de la deuxième phase d’occupation (dont la structure 155, tabl. X), puis de la troisième phase (structures 250, 32, etc., tabl. XI). Dans un troisième temps, des comparaisons ont été envisagées entre les trois phases à partir des tableaux de décompte du mobilier lithique (tabl. VIII‑XI). Aucune différence significative n’est apparue en ce qui concerne le débitage (cf. infra § 4.3.4 Débitage). Dans un quatrième temps, les pièces elles-mêmes ont été observées, dans un but de comparaison des morphologies, des techniques de débitage et de façonnage.

TABL. IX. Récapitulatif des artefacts de la phase 1 (S sain ; C cortical, B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total).

TABL. X. Récapitulatif des artefacts de la phase 2 (S sain ; C cortical ; B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total).

TABL. XI. Récapitulatif des artefacts de la phase 3 (S sain ; C cortical ; B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total).
75L’examen de la totalité du mobilier lithique du site a permis de caractériser l’ensemble de la chaîne de production lithique, en ce qui concerne les aspects liés à l’usage du silex (matière première, débitage, façonnage, composition de l’outillage...). Plusieurs hypothèses peuvent d’ores et déjà être posées à titre de base de travail :
-
la matière première est homogène au sein de l’ensemble du gisement ;
-
les populations des trois phases culturelles de l’âge du Bronze ont effectué un débitage d’éclats comparable, qui semble être davantage tributaire de la matière première et du produit à obtenir que d’une évolution culturelle (pourtant marquée en ce qui concerne la céramique) ;
-
la morphologie des artefacts issus des trois phases d’occupation est sensiblement identique et témoigne également d’un choix de supports d’outils équivalent ;
-
l’outillage correspond, entre les trois occupations, à un besoin comparable en outils domestiques simples, tels que grattoirs et éclats retouchés. La présence préférentielle de tel ou tel type d’outil n’est pas discriminante.
76Ces faits ont eu plusieurs répercussions sur la suite de l’étude. Ils ont permis d’aborder le débitage dans sa globalité, en matérialisant le déroulement de la chaîne opératoire à l’aide de remontages mentaux et de l’observation des stigmates de débitage. L’étude de l’outillage est également globalisée, en considérant le lot comme homogène. Une caractérisation par phase est établie au sein de chaque paragraphe concernant la description par type de déchet ainsi que par type d’outil. Cette caractérisation fait l’objet dans une deuxième partie d’un phasage du mobilier lithique et d’un chapitre sur l’évolution du mobilier lithique entre les trois phases d’occupation représentées à Tatihou. Des comparaisons entre Tatihou et les autres séries connues en France et dans le sud de l’Angleterre permettent alors de replacer le site dans un contexte plus général et d’étudier la représentativité réelle du mobilier lithique du site. La finalité de cet exercice est d’arriver à une utilisation des assemblages lithiques comme participant à la datation des corpus à part entière, au même titre que le mobilier céramique ou métallique.
4.3.2 Répartition du mobilier lithique
77Plusieurs remarques peuvent être faites en ce qui concerne la répartition des vestiges lithiques.
78La plupart du mobilier lithique provient des fossés formant la trame parcellaire du gisement. Certaines fosses ont également livré des artefacts lithiques, particulièrement celles ayant eu une fonction de dépotoir céramique (structures 262/265, 25/26, 51/53/54).
79Le processus de rejet de mobilier lithique dans les fossés semble obéir à une constante. En effet, ce mobilier est réparti sur une longueur de fossé importante, de l’ordre de 10 à 15 m, et de manière diffuse. Aucun amas de débitage n’a pu être identifié, même sous forme de rejet secondaire. Les concentrations diffuses d’artefacts lithiques pourraient ainsi correspondre à des pratiques d’entretien des zones d’occupation domestiques. La proximité des zones dépotoirs des fossés et des unités d’habitation est presque systématique et semble respecter le schéma mis en évidence.
80Une corrélation peut être effectuée entre les dépotoirs de mobilier lithique et ceux de mobilier céramique, car les deux types de mobilier sont toujours étroitement entremêlés au sein des mêmes concentrations, que ce soit sur un plan horizontal (fig. 55-57 et 92-94), ou sur un plan vertical, comme l’indique l’analyse stratigraphique. La coïncidence des dépôts lithiques et céramiques est un argument majeur pour confirmer la simultanéité d’utilisation de ces deux types de mobiliers.

FIG. 93. Plan de répartition du mobilier lithique de la phase 2. En pointillé : fossés de la phase précédente.

FIG. 94. Plan de répartition du mobilier lithique de la phase 3. En pointillé : fossés des phases précédentes.
81Enfin, les fossés de l’âge du Fer sont dépourvus de mobilier lithique, excepté le fossé 11, qui recoupe deux zones dépotoirs de l’âge du Bronze. Il est clair que pour ce fossé, le mobilier lithique doit être considéré comme remanié.
82Le plan de répartition des outils offre la même image que le plan de répartition de l’ensemble du mobilier lithique. Les outils sont répartis au sein des dépotoirs, sans qu’il soit possible de dissocier des zones d’utilisation particulières. Deux remarques peuvent toutefois être faites. Le dépotoir de la troisième phase d’occupation (fossé 250) ne possède que 8 % d’outils. Ce chiffre rend compte d’une dispersion de l’outillage plus importante que pour les autres phases d’occupation. Il faut également remarquer que certaines structures postérieures à l’âge du Bronze ainsi que les niveaux de limon enlevés lors du décapage ont piégé préférentiellement des supports utilisés plutôt que des supports bruts. C’est le cas en particulier de la structure 6 (four moderne) et des fossés 11 et 323 (Tène finale).
83Ces deux remarques, associées au fait que plusieurs outils ont été découverts isolés lors du décapage du terrain, font émettre comme hypothèse une perte (impossible à quantifier) de supports retouchés, demeurés sur les sols d’habitat de l’âge du Bronze, dans des proportions plus importantes que pour les supports bruts (rejetés dans les dépotoirs).
4.3.3 Matières premières
84Le silex utilisé provient des plages entourant l’île de Tatihou (à deux exceptions près, un fragment de hache polie et une pointe de flèche en silex exogène). L’ensemble du débitage a été opéré à partir des galets de silex marins. Ces derniers sont de taille réduite et ont été choisis selon certains modules standardisés. Les plus petits découverts sous forme de galets testés mesurent environ 10 cm de longueur et les plus grands 15 cm.
85Aucun choix de qualité de la matière première prélevée ne semble avoir été réalisé sur place ; c’est du moins ce qui ressort de l’analyse de ces galets testés. Il apparaît donc que le silex utilisé est de qualité médiocre, fissuré et possédant un nombre important d’inclusions grenues (parfois la totalité du bloc) qui ont toujours gêné et souvent interrompu le débitage des blocs.
4.3.4 Le débitage
86Cette étude sur l’assemblage de Tatihou a pris en compte la totalité du mobilier découvert lors des trois campagnes de fouille et de sondage, soit 1 666 pièces pour la fouille du clos du lazaret en 1996, 320 pièces pour les sondages dans la plaine en 1997 et 664 pièces pour les sondages dans la plaine en 1998, soit au total 2 650 pièces supérieures à 2 cm.
4.3.4.1 L’initialisation des galets
87Plusieurs modes d’initialisation ont été mis en évidence dans la série. Tous sont des adaptations à la qualité ou à la morphologie des galets de silex ramassés sur les plages. Les initialisations sont divisées en deux types particuliers, représentés sur les schémas de la figure 95. Deux d’entre eux (1b, 1d) déterminent une entrée dans la phase de plein débitage dès le premier artefact détaché du galet. Les autres types (1a, 1c, 1e) sont caractérisés par l’enlèvement d’un éclat particulier (décallotage) ou par la fracturation du galet avant le début du débitage.
88Le premier mode est l’enlèvement d’un éclat à partir d’une arête naturelle du galet (types 1b ou ld). L’éclat enlevé est relativement mince et est souvent débité dans la longueur du galet. Le débitage s’appuie ensuite sur cet enlèvement soit comme plan de frappe (débitage bipolaire), soit pour réaliser une initialisation plus complète. Cette technique est classiquement employée pour réaliser le débitage de galets de silex anguleux, dans des cultures pour lesquelles le débitage d’éclats est dominant. Toutefois il ne semble pas que celle-ci soit la plus courante à Tatihou, les galets étant trop arrondis.
89Dans le cas de galets qui présentent une morphologie allongée, le débitage peut être entrepris de deux manières. On observe l’enlèvement d’un éclat épais de décallottage (type le), transversal à la plus grande longueur du galet et qui ne nécessite donc pas la présence d’une arête. La deuxième possibilité d’initialisation du galet est la fracturation par le centre, aboutissant à l’obtention de deux éclats très épais (type 1a). Ces deux possibilités amènent l’utilisation du négatif d’enlèvement (et le positif pour les galets fracturés en deux) comme plan de frappe. L’angle de débitage avoisine alors les 90°. Cette technique, reconnue sur de nombreux nucléus de Tatihou, est difficilement quantifiable en raison de l’effacement des stigmates lors du débitage.
90La troisième méthode d’initialisation intéresse les galets oblongs. L’enlèvement classique d’éclats est particulièrement difficile sur ce type de galets. La solution est la fracturation du galet sur une enclume en deux moitiés dans le sens de l’épaisseur (type 1c). Les négatifs et positifs d’éclatement sont alors utilisés comme plan de frappe. Cette technique est très dispendieuse en matière première car, à moins d’avoir des galets de très gros module, elle n’autorise le débitage que d’éclats assez courts. Son usage se manifeste par la présence d’un cône de percussion important à une extrémité et d’esquillements à l’autre extrémité (ou parfois un deuxième cône de percussion). Son usage peut signifier deux choses, soit que la matière première est peu fréquente et a obligé les tailleurs à utiliser des galets peu adéquats, soit que la technique de débitage ne justifiait pas de préoccupations de longueur d’éclats.
91Il est à noter que cette technique de débitage dit « côtier » (Jousseaume 1981) a été utilisée dans le Nord-Cotentin, au Chalcolithique/Bronze ancien, pour le fractionnement de petits galets en vue du façonnage de grattoirs. Il est intéressant de voir que ces grattoirs ne sont pas présents à Tatihou, ce qui marque une coupure importante par rapport à la culture campaniforme locale. Plusieurs dizaines de ces grattoirs ont été découverts sur le site campaniforme de Digulleville/Le Raumarais B2 (Verrou 1975 ; Ghesquière 1995). Ils sont également présents sur le site néolithique moyen II d’Herqueville (Chancerel et al. 1996).
4.3.4.2 Les galets testés et les nucléus
92Le pourcentage de galets testés et de nucléus est particulièrement élevé dans cet assemblage puisque l’on a dans les décomptes moins de six supports par nucléus (esquilles non comprises). Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce chiffre : d’une part, la médiocre qualité de la matière première qui ne permet pas de pousser le débitage des nucléus (on a donc une majorité de nucléus à enlèvements réduits comme les galets testés), d’autre part, cette sous-représentation des outils et des éclats bruts par rapport aux nucléus pourrait indiquer qu’une partie a été écartée des dépotoirs pour être amenée sur des zones d’utilisation particulière (« zones-ateliers ») ou abandonnée sur les sols d’habitat et détruite par les occupations postérieures.
93Quarante-trois galets testés ont été retrouvés, soit 8,5 % des nucléus (fig. 96). Ils sont répartis selon des pourcentages différents parmi les dépotoirs des trois phases culturelles reconnues (respectivement 2,5 %, 1,4 % et 0,3 %). En raison du faible nombre d’artefacts débités sur chaque galet, la définition de ce type de vestige ne concerne que des pièces qui possèdent un ou deux, voire trois enlèvements. La presque totalité d’entre eux sont de types ld ou le (débitage à partir d’une arête naturelle ou à partir du négatif d’un éclat de décallottage). Les galets testés possèdent une matière première particulièrement grenue ou fissurée qui explique leur abandon. Quelques pièces toutefois semblent en silex relativement sain et il est difficile pour celles-là de déterminer les causes de leur abandon. Le nombre assez élevé de ces pièces suffit à démontrer que les phases de test des galets ont été effectuées de façon fréquente, sinon systématique, sur l’habitat, les galets étant ramassés en fonction de leur module plutôt qu’en fonction de leur qualité.
4.3.4.3 Les nucléus
94On remarque dans un premier temps l’absence des nucléus orthogonaux, présents dans des proportions non négligeables sur d’autres sites de la même période (entre 2 et 6 % à Etaples-Tubersent ; Desfossés et al. 1996). Ces nucléus possèdent deux plans de frappe distincts dont les enlèvements se croisent de manière orthogonale. Ils nécessitent la présence de deux surfaces, naturelles ou préparées (par épannelage) utilisées comme plans de frappe. Cette technique de débitage s’observe soit sur des rognons parallélépipédiques, soit sur des rognons tourmentés, qui permettent l’enlèvement aisé d’éclats d’épannelage. Cette morphologie de rognon est rare à Tatihou où la plupart des galets présentent une forme oblongue. Ce type de galet se prête mal à l’installation de deux plans de frappe dissociés, ce qui explique leur absence, alors même que les nucléus croisés, utilisant comme deuxième plan de frappe des négatifs d’enlèvement, sont bien représentés.
95Les caractéristiques d’abandon des nucléus semblent assez variables. Si un certain nombre d’entre eux présentent des impacts avortés qui ont interrompu leur débitage, d’autres possèdent un module réduit (surface de débitage < 25 mm) qui explique également l’abandon des pièces. Il subsiste un grand nombre de nucléus pour lesquels ni les impacts avortés (angle de débitage obtus), ni le module réduit, ni d’éventuels accidents de taille (rebroussés importants) ne peuvent expliquer le rejet. Ces nucléus possèdent encore fréquemment de grandes zones exploitables, de qualité comparable à celle des artefacts débités. On peut alors évoquer :
-
l’opportunisme du débitage ; le nucléus étant rejeté lorsqu’un quota de supports d’outil est atteint ;
-
l’abondance et la proximité de la matière première disponible.
96C’est probablement la conjonction de ces facteurs qui explique l’abandon des nucléus en cours de débitage. Cela est particulièrement sensible sur les nucléus unipolaires qui ont juste dépassé le stade de galets testés et qui comportent entre trois et cinq enlèvements.
97Les nucléus sont représentés de manière homogène au sein des dépotoirs des trois phases culturelles (19 % pour la phase 1, 12,8 % pour la phase 2 et 17,3 % pour la phase 3). On constate donc pour toutes les phases une présence très importante de ces pièces qui trahit une économie du débitage limitée. On ne peut noter aucune évolution pertinente au cours de l’occupation du site.
Les nucléus unipolaires
98Ce sont les nucléus les plus couramment rencontrés (fig. 97). Quelques-uns d’entre eux ont été débités à partir d’un plan de frappe cortical (galets parallélépipédiques ; types 1b, 1d) mais cela ne concerne qu’une minorité de pièces. La plupart des autres ont fait l’objet d’une initialisation par élaboration du plan de frappe (types 1a, 1c ou 1e). La grande majorité a un plan de frappe déterminé par l’enlèvement d’un épais éclat de décallotage. Le débitage s’oriente alors du côté du contre-bulbe, perpendiculairement à l’enlèvement primaire (types 2a, 2c, 2e). Le choix de ce côté-ci s’explique par la concavité prononcée du négatif, qui se manifeste par un angle inférieur à 90°. Au fur et à mesure du débitage, cet angle devient obtus et explique le nombre important d’impacts avortés rencontrés.
99Quelques unipolaires ont leur plan de frappe aménagé par le bris du galet (allongé) en deux demi-galets (type 2a). Dans ce cas, les nucléus débités à partir du demi-galet qui présente le positif de bulbe l’ont été à l’opposé du bulbe, souvent proéminent (fig. 98).
100Enfin, de rares pièces sont issues de galets fracturés sur enclume (type lc, débitage de type côtier, fig. 99).
Les nucléus bipolaires
101Ces nucléus sont assez nombreux, ce qui constitue une caractéristique de la série (fig. 100). Ce nombre s’explique par la morphologie des blocs de matière première, qui s’accommode mal de l’ouverture d’un second plan de frappe distinct. Leur reconnaissance n’est toutefois pas aisée pour certains ; les enlèvements de la deuxième surface de taille peuvent en effet être interprétés à tort comme des éclats d’avivage.

FIG. 100. Nucléus bipolaires. 1, 2 première catégorie (type choppings tools) ; 3. 4, 5 seconde catégorie.
102Trois catégories distinctes représentent ce type de nucléus ; la différence fondamentale reste la morphologie initiale des galets et l’angulation des fronts de débitage ainsi que l’emplacement du support du deuxième plan de frappe (contre-bulbe ou extrémité distale des négatifs).
103Les nucléus bipolaires de la première catégorie possèdent une angulation naturelle qui a permis une entrée directe dans la phase de plein débitage (type 1d). Le plan de frappe est cortical et la première phase de débitage est unipolaire, avec une angulation entre le plan de frappe et la surface de débitage de l’ordre de 70 à 80°. Les nucléus deviennent bipolaires par l’établissement d’un second plan de frappe sur les contre-bulbes du premier front, comme des choppings-tools. L’angulation devient alors plus aiguë, pour évoluer entre 60 et 70°. Ce type est peu courant bien que sa technique soit facile à mettre en œuvre et permette l’obtention d’un grand nombre d’éclats en pratiquant l’alternance du débitage.
104Les nucléus bipolaires de la seconde catégorie sont plus courants que les premiers et constituent une population assez importante parmi les nucléus. Ces nucléus se caractérisent par l’établissement d’un second plan de frappe qui prend appui sur les négatifs de bulbe de la première surface de taille. Les nucléus de cette catégorie possèdent de nombreux enlèvements de taille assez réduite (20 à 40 mm) qui répondent aux mêmes critères de débitage que l’ensemble des autres artefacts (d’après les négatifs visibles). L’apparition de la seconde surface de taille marque l’abandon de la première. L’angulation du plan de frappe demeure aux alentours de 80 à 90°, comme un unipolaire classique (cela constitue la différence entre les bipolaires des deux catégories). L’établissement de ce second plan de frappe semble donc réservé aux nucléus unipolaires dont l’angulation ne permet plus la poursuite du débitage et où les négatifs de la première surface de taille ne permettent pas l’évolution vers un nucléus croisé.
105Les artefacts issus de ces deux catégories de nucléus bipolaires possèdent un talon faux-dièdre ou concave, qui résulte de l’appui du débitage sur des contre-bulbes.
106Les nucléus croisés représentent la dernière catégorie de nucléus bipolaires et le troisième type de nucléus le mieux représenté dans la série (fig. 101). La base de ce nucléus est un unipolaire simple (types 2a, 1b ou 2e) dont les négatifs d’enlèvement d’éclats de la première surface de taille ont été repris de manière perpendiculaire pour débiter quelques éclats supplémentaires. Il faut signaler que, sauf en de rares cas, la seconde surface de taille n’a permis de tailler que des éclats de taille réduite, difficilement utilisables comme supports d’outils. De plus, les négatifs d’enlèvement sont faiblement concaves et l’établissement d’une seconde surface de taille atténue encore cette concavité, ce qui a pour effet de ne pas permettre un débitage poussé (présence de nombreux impacts avortés). Là encore, l’établissement de la seconde surface de taille conduit à l’interruption définitive du débitage du premier.
Autres types de nucléus
107Le dernier type de nucléus bien représenté est le globuleux ou multipolaire (fig. 102, no 2). Celui-ci présente plusieurs plans de frappe distincts (3, 4, voire 5). Les tentatives de débitage se limitent d’ailleurs souvent à la sortie d’un ou deux enlèvements, souvent de petite taille. Il faut signaler que ces nucléus ont été exploités au maximum et leur taille est réduite à quelques centimètres.
108D’autres types peu courants sont également représentés par quelques individus :
-
les nucléus discoïdes (fig. 103). Leur débitage s’appuie soit sur les faces inférieures d’un nucléus centripète plat, soit, dans un cas, sur le cortex d’un éclat épais de débitage de type « côtier ». Le débitage s’opère de façon continue sur tout le pourtour du support ;
-
les nucléus prismatiques (fig. 102, no 1). Il s’agit de nucléus unipolaires doubles, à deux plans de frappe opposés. Les enlèvements concernent les deux faces et ne se croisent donc pas ;
-
les nucléus bipolaires alternes. Ce sont également des nucléus unipolaires à deux plans de frappe opposés, mais les enlèvements n’occupent qu’une seule face du galet.
109Les nucléus bouchardés sont toujours des nucléus globuleux (classés sous la dénomination de nucléus à éclats bouchardés). Ce sont des galets de taille importante qui possèdent des enlèvements inégalement répartis sur leur surface. Ils possèdent de vastes zones bouchardées et il est donc impossible de déterminer si les enlèvements représentent un façonnage de la « boucharde » ou s’ils résultent de la percussion opérée avec ces outils. Ce délicat problème des polyèdres est ainsi souvent évoqué mais ne trouvera de réponse satisfaisante qu’au moyen de l’expérimentation.
4.3.4.4 Les éclats et cassons
Les éclats corticaux et semi-corticaux
110Comme il a été énoncé lors de l’étude des nucléus, ces éclats ne constituent pas véritablement une initialisation du nucléus. En effet, le schéma opératoire extrêmement simple fait en sorte que la phase de plein débitage débute dès l’enlèvement du premier éclat. Toutefois, les éclats corticaux et semi-corticaux ne sont pas des supports privilégiés de l’outillage, excepté pour certains types de grattoirs (cf. infra § Les grattoirs).
111Ces éclats très corticaux représentent un peu plus de 15 % de l’assemblage. Ce chiffre assez élevé résulte du nombre important de galets testés et du faible nombre d’éclats débités sur chaque nucléus. Ainsi qu’il a été signalé à propos du pourcentage important de nucléus retrouvés sur le gisement, il est possible que l’on ait une surreprésentation des éclats corticaux et semi-corticaux. Il est également à noter que ce chiffre est équivalent entre les trois phases d’occupation. En effet, leur représentation varie de 17 % pour la phase 1, 16,3 % pour la phase 2 et 14,8 % pour la phase 3.
112Ces éclats sont souvent de taille importante. Leur épaisseur est toujours supérieure à 10 mm et peut atteindre jusqu’à 20 mm. Les stigmates de débitage sont comparables à ceux observés sur les éclats partiellement corticaux ou sans cortex (cf. § suivant). Les cônes incipients des pièces corticales se révèlent toutefois plus proéminents et résultent de la violence de la percussion nécessaire au détachement d’éclats épais.
Les éclats partiellement corticaux ou sans cortex
113Ces éclats sont représentatifs de la technique de débitage entreprise. La majorité d’entre eux sont larges (L/1 > 1) ou courts (1 > L/l > 1,4). Ils présentent une morphologie irrégulière et une extrémité très fréquemment rebroussée. Ces accidents sont d’ailleurs pratiquement les seuls rencontrés avec quelques rares Siret.
114La préparation au débitage est inexistante. Toutefois, la technique de débitage entreprise détache des petites esquilles le long du bulbe. Ces esquilles apparaissent sur les nucléus et sur les négatifs des enlèvements précédents. Aucun esquillement ou abrasion vraie de la corniche n’a été mise en évidence sur ce type de déchet.
115Le débitage a été effectué presque exclusivement de façon unipolaire. Il en résulte des enlèvements quasi parallèles visibles à la surface des éclats. Les arêtes sont toutefois irrégulières. Quelques rares artefacts présentent des enlèvements centripètes à leur surface. Ils sont issus des rares nucléus discoïdes, multipolaires ou bipolaires alternes présents dans la série.
116Les talons sont toujours larges et épais. Une minorité d’entre eux sont corticaux et résultent du débitage de nucléus de types 1b ou Id. La plupart sont lisses, issus de nucléus unipolaires de types 1a, 1c ou le. Une part non négligeable d’éclats possède des talons faux-dièdres et résulte de l’installation du plan de frappe sur les contres-bulbes de la première surface de taille (débitage bipolaire).
117Un cône proéminent marque le point de percussion sur les faces inférieures de la plupart des éclats. Les bulbes sont toujours proéminents et souvent esquillés. Des lancettes profondes sont présentes sur ce bulbe. Enfin, la lèvre est saillante.
118L’ensemble de ces stigmates indique sans surprise un débitage direct au percuteur dur. Les percuteurs de grès ou d’arkose découverts ont pu être utilisés à cette fin (cf. infra § 4.4.1 Les galets utilisés) ainsi que les galets de silex bouchardés.
119Encore une fois, la représentation de ces pièces est très homogène suivant les trois lots identifiés comme appartenant aux phases 1, 2 et 3. Le chiffre varie ainsi entre 48 % pour la phase 1, 45 % pour la phase 2 et 50 % pour la phase 3.
Les cassons
120Ce sont des produits très irréguliers, à section généralement triangulaire, qui résultent de la fracturation au débitage de galets de mauvaise qualité (silex très grenus ou fissurés). Us représentent entre 3 et 4 % de la série, ce qui reste relativement faible, au regard de la mauvaise qualité générale de la matière première. Cette faiblesse s’explique par une sélection des meilleurs blocs pour le débitage, les galets fissurés ou grenus étant systématiquement rejetés lors des tests.
4.3.4.5 L’industrie laminaire
121L’industrie laminaire est présente à Tatihou sous la forme d’une production se caractérisant par une préparation systématique du plan de frappe visible sur les talons et par des produits 2 à 3 fois plus longs que larges. Les produits ne présentent toutefois pas de critères de régularité particuliers : aucun d’entre eux ne possède de bords rectilignes et parallèles. Les stigmates ne s’observent cependant que sur un petit nombre de fragments proximaux ; la plupart des supports laminaires sont transformés en outils.
122Cette industrie représente 3 % de l’assemblage (2,1 % pour la phase 1, 2,8 % pour la phase 2 et 4,8 % pour la phase 3).
123Les stigmates de préparation se limitent à un esquillement régulier de la corniche (l’abrasion n’a été rencontrée que sur moins de cinq pièces). La plupart d’entre eux semblent issus de nucléus unipolaires dont la surface de taille pouvait atteindre 60 mm. Le silex n’est pas différent de celui employé pour le reste de l’industrie. On note cependant l’absence de fissures et d’inclusions grenues. Cela trahit donc l’emploi d’une matière première locale mais saine.
124Aucun nucléus à enlèvements laminaires et aucun éclat de préparation à ce débitage (éclats de préparation, crêtes...) n’ont été rencontrés.
125Les stigmates de débitage –bulbe proéminent, lancettes– révèlent l’usage de la percussion dure directe. Il est probable que celle-ci ait été tangentielle, étant donné le type de produit recherché. Cela constituerait alors la différence majeure entre ce débitage et le débitage d’éclats.
126La présence d’un débitage laminaire peut étonner dans un contexte âge du Bronze. Il est évident que l’on ne peut pas totalement exclure la possibilité d’éléments antérieurs remaniés. Toutefois, la technique de débitage mise en œuvre et surtout l’existence d’un outillage particulier réalisé sur ce type de support (armatures, microdenticulés, couteaux à dos, certains de ces outils étant aménagés sur des éclats laminaires) justifient l’identification d’un tel débitage à Tatihou, même marginal.
4.3.5 Caractères morphométriques de la production
127Les caractères morphométriques des produits de débitage ont été établis exclusivement à partir des pièces entières. La longueur est mesurée suivant l’axe du débitage, la largeur transversalement au sens du débitage et l’épaisseur correspond à la plus grande épaisseur de la pièce.
128Cette méthode est fiable si l’on considère que seuls les éclats entiers sont représentés ; il faut pourtant en concevoir les limites. Ainsi, il faut tenir compte du fait que les pièces allongées (éclats ou lames) sont davantage sujettes à fracturation que les éclats larges. On devra donc accepter une sous-représentation des modules les plus longs dans la courbe des longueurs, de même que dans l’étude de rapport longueur/largeur. Cela n’influe pas sur l’analyse générale car ces supports sont peu courants.
129L’histogramme de longueur des pièces a été établi en fonction d’intervalles de variation des classes de longueur de 3 mm (fig. 104a). Les outils ont été inclus dans cette courbe dans la mesure où la retouche n’intervenait pas (ou de façon minime) sur la longueur initiale du support. Ces outils sont donc représentés deux fois. Une première fois dans l’étude du débitage car ils font intrinsèquement partie des supports débités et une deuxième fois dans la représentation de l’outillage afin de visualiser les classes de longueur préférentiellement choisies pour la retouche.

FIG. 104. Courbes de longueur (a) et de longueur/largeur (b) des artefacts. Les barres tramées représentent les courbes de l’outillage.
130La première constatation est une régularité de l’ensemble de la courbe, qui s’identifie a une courbe de Gauss, avec un pic important entre 26 et 34 mm, qui signale les modules les mieux représentés.
131La seconde constatation concerne la partie gauche de l’histogramme. Elle montre le faible nombre d’esquilles récupérées, du fait même de la méthode de fouille et des méthodes de débitage entreprises. En effet, le débitage d’éclats, tel qu’il a été mis en évidence, ne justifie ni préparation, ni entretien du plan de frappe, ni débitage de supports inférieurs à 20 mm de longueur. Les seules esquilles présentes sont donc accidentelles ou issues de l’aménagement des outils.
132La troisième constatation est une dépression, assez modeste, dans la classe des 35 à 40 mm. Cette dépression ne trouve pas son explication dans le débitage mis en œuvre mais correspond au niveau le plus haut de la courbe de l’outillage. On peut émettre l’hypothèse que ces classes étaient davantage utilisées comme support d’outil.
133La quatrième constatation est la chute rapide de la longueur des éclats, à partir de 45 mm de longueur. Ce fait est lié à la matière première utilisée, de faible module, qui contraint à un débitage d’éclats courts.
134La cinquième constatation concerne la courbe de l’histogramme de la longueur des outils. Celle-ci est grossièrement calée sur celle du débitage mais montre toutefois un décalage vers les éclats les plus longs. En corollaire à ce décalage de 2 ou 3 classes, on constate que les outils sont environ 8 mm plus longs que la moyenne des supports bruts.
135L’histogramme de longueur/largeur des pièces a été établie par la division de la longueur de chaque pièce par sa largeur (fig. 104b). Les paliers ont été déterminés en fonction du rapport obtenu, arrondi à une décimale.
136La première constatation est une courbe en cloche avec une forte représentation des éclats larges et des éclats courts (rapport 0,8 à 1,3) et une représentation moyenne des éclats allongés (rapport 1,4 à 1,7). Les éclats laminaires vrais sont peu représentés (1,8 à 2,1). Les éclats très allongés et les lames apparaissent par un petit pic (entre 2,4 et 2,6), qui se traduit par une variation anormale de la courbe. Cette anomalie reste toutefois marginale et trahit le faible nombre de ces pièces sur le gisement.
137La seconde constatation concerne l’outillage, ici aussi représenté deux fois. La courbe de l’outillage, assez fluctuante, suit bien celle des produits bruts et n’offre plus le décalage flagrant de la courbe des longueurs. On remarque donc la primauté des éclats courts choisis comme supports, alors que les éclats les plus allongés (et les lames) semblent quasiment délaissés. Il faut tout de même préciser que les outils sur lame (principalement les armatures) sont trop raccourcis pour figurer dans cette courbe, ce qui relativise la remarque précédente.
138Le graphique en nuage de points permet de visualiser plus aisément les caractéristiques énoncées concernant les courbes de longueur et de longueur/largeur (fig. 105a). Les conclusions n’en sont pas différentes. Le graphique permet en particulier de visualiser le faible nombre de pièces dont le rapport longueur/largeur est inférieur à 0,8 ainsi que le faible nombre de celles dont ce même rapport est supérieur à 1,7.
139Le nuage de points des outils (fig. 105b) permet les mêmes constatations, aussi bien en ce qui concerne la grande majorité de pièces dont le rapport se situe entre 0,8 et 1,7 que le faible nombre d’outils sur supports allongés et très allongés.
Les débris brûlés et autres pièces chauffées
140Les débris brûlés sont des déchets de taille éclatés par le feu, dont la morphologie initiale est indéterminable. Ils représentent des pièces qui ont séjourné dans un foyer durant un laps de temps assez long. Les autres silex chauffés ne le sont que partiellement. Il s’agit, la plupart du temps, de craquelures ou d’enlèvement de cupules, stigmates qui n’entraînent pas une variation morphologique importante.
141Ces vestiges sont dans l’ensemble peu fréquents sur le gisement (5 % en moyenne) ; les outils restent peu affectés (3,5 % en moyenne). L’examen du mobilier issu des trois dépotoirs de l’âge du Bronze tourne autour des mêmes valeurs en ce qui concerne le débitage. Il faut noter la faible présence de débris pour la phase 1 (3,1 %), une présence plus forte pour la phase 2 (17 %), tandis que la phase 3 se place davantage dans la moyenne (7 %). L’ensemble des pièces ayant subi une action thermique se situe légèrement au-dessus de ces chiffres (8,8 % en moyenne).
142La répartition de l’ensemble des artefacts a montré une installation privilégiée dans les fossés à proximité des bâtiments, ce qui suggère une relation entre structures bâties et dépotoirs dans les fossés proches. Le faible nombre de silex ayant été exposés à une chaleur intense ne plaide pas en faveur d’un abandon de certaines structures d’habitat en raison d’un incendie de la superstructure. Cette remarque peut être corrélée avec l’analyse du mobilier céramique où l’on ne constate pas de déformations qui pourraient être dues à une exposition à une chaleur intense.
4.3.6 L’outillage retouché
143La totalité du mobilier découvert durant les trois campagnes de fouille a été prise en compte dans cette étude : 207 outils pour la campagne de 1996, 37 outils pour 1997 et 48 outils pour 1998, soit en tout 289 outils (10,9 % des artefacts > 2 cm). L’absence de distinctions importantes entre les corpus des trois phases d’occupation a justifié l’étude des trois lots de manière globale, d’autant plus que les dépotoirs des différentes phases d’occupation n’ont pas livré individuellement des échantillons suffisants. Une prise en compte des différentes phases sera cependant effectuée pour trois types d’outils : les grattoirs, les éclats retouchés et denticulés et les microdenticulés. Les deux premières catégories constituent les éléments dominants de l’assemblage, tandis que la dernière n’est représentée que par quelques individus.
4.3.6.1 Description
fig. 106-119
Éclats tronqués (10 pièces)
FIG. 106, nos 6-11
144Dix éclats tronqués sont présents dans la série. Ce chiffre réduit interdit d’établir des comparaisons entre les trois phases d’occupation.
145Ces outils sont réalisés sur des éclats allongés ou laminaires faiblement corticaux, sauf dans un cas (éclat cortical), choisis selon des critères précis en fonction de leur morphologie. En effet, on ne trouve pas parmi eux d’éclats épais ou très irréguliers.
146Ils sont aménagés par retouche abrupte qui détermine une troncature transversale dans trois cas, une troncature oblique dans cinq cas, une troncature transversale concave dans deux cas. L’éclat no 6 de la figure 106 possède une retouche inverse plate de la base qui suggère un emmanchement.

FIG. 106. Outillage lithique : 1 outil prismatique ; 2 éclat épais retouché ; 3 couteau à dos ; 4 lamelle retouchée ; 5 éclat à retouche plate bifaciale ; 6‑11 éclats tronqués.
147Aucun esquillement des tranchants de ces pièces n’est visible.
148Il faut signaler que ce type d’outil constitue une des caractéristiques des assemblages protohistoriques découverts sur l’autoroute A29-nord (Blancquaert, Rougier 1996).
Racloirs (16 pièces)
fig. 107, 108
149Cette dénomination regroupe deux types d’outils qui se définissent tous deux par une retouche longue et continue du tranchant latéral des pièces (oblique à rasante).
150Le premier type (fig. 107, nos 1, 3, 5-7) regroupe des outils à retouche formant un front de taille rectiligne. Ceux-ci, au nombre de 7, sont aménagés sur des éclats courts, faiblement corticaux dans 5 cas. La retouche est semi-abrupte directe et toujours soignée. Les racloirs constituent en cela une exception par rapport à l’ensemble de l’outillage sur éclat.
151Le second type (fig. 107, nos 2, 4, 8-13) compte 9 outils à front courbe. Leur morphologie est plus variable et on a aussi bien des éclats larges que des éclats courts ou allongés. La retouche, toujours soignée, est semi-abrupte à abrupte. Elle est directe dans six cas et inverse dans trois. La morphologie de ces outils les rapproche des petits grattoirs avec lesquels ils peuvent partager une même fonction. Le front est dans tous les cas régulier. Deux d’entre eux ne possèdent pas de cortex, deux autres en possèdent très peu ; un seul enfin est aménagé sur un éclat cortical mince.
152Certains racloirs sont opposés à des fronts de grattoirs. Leur nombre relativement important les a fait classer parmi un type de grattoir particulier (grattoirs à retouche latérale, 8 pièces ; fig. 108, nos 4, 5).

FIG. 108. Outillage lithique : 1-4 micrograttoirs ; 5, 6 grattoirs/racloirs ; 7, 14 grattoirs museau ; 8, 16 grattoirs à deux bords retouchés ; 9, 11, 12, 15 grattoirs simples sur éclat ; 10 pseudo-grattoir ; 13 grattoir double.
Éclats épais denticulés (22 pièces)
FIG. 112, nos 1-4, 8, FIG. 114, nos 1-3, FIG. 115, nos 10, 11
153Ces pièces sont aménagées pour la plupart sur des grands éclats (parmi les plus grands supports de la série) d’épaisseur comprise entre 12 et 25 mm. La retouche est irrégulière, généralement « clactonienne » et détermine une denticulation profonde. Ces outils peuvent être classés parmi les macrodenticulés ; l’un d’entre eux est d’ailleurs aménagé directement sur un galet de silex (fig. 112, no 2).
154Un seul éclat se démarque par des retouches inverses semi-abruptes et courtes qui déterminent un front denticulé régulier (fig. 112, no 4).
155La pièce no 1 de la figure 103 porte de nombreux impacts de percussion avortés sur sa face supérieure. Toutefois, aucun enlèvement d’un front perpendiculaire n’a été mis en évidence. La retouche inverse, plate à semi-abrupte, a été réalisée après détachement de l’éclat.
Éclats minces denticulés (18 pièces)
FIG. 113, nos 4-7
156Ces outils sont réalisés sur des supports de taille assez réduite (entre 30 et 40 mm), généralement courts. La part de cortex est variable mais le plus souvent assez réduite. La retouche est régulière, façonnant de petites coches de 2 à 6 mm de largeur pour 1 mm de profondeur, sur une longueur de 20 à 40 mm de tranchant. Il est difficile d’estimer si la retouche a précédé l’utilisation ; la morphologie des outils ne nous fournit pas de pistes. Il faut toutefois signaler la régularité de la denticulation qui justifie l’appellation d’outil, même s’il s’agit d’outils a posteriori.
157Les éclats retouchés et denticulés sont représentés de façon assez variable suivant les trois phases culturelles. Ils représentent 35 % de l’outillage pour la phase 1, 43 % pour la phase 2 et 25 % pour la phase 3. Ces chiffres reposent toutefois sur des effectifs réduits et ne peuvent donc pas traduire une évolution de l’ensemble du corpus entre le Bronze ancien et le début du Bronze moyen.
Grattoirs (103 pièces)
fig. 108-111
158Les grattoirs forment la catégorie la plus importante de l’outillage (35,6 %) et constituent encore l’outil fédérateur à cette période (caractéristique qui apparaît dès le Néolithique moyen et s’atténue durant l’âge du Bronze, au profit des éclats retouchés).
159Ce chiffre varie assez peu dans les trois phases mises en évidence : 35,2 % pour la phase 1, 43,3 % pour la phase 2 et 40,6 % pour la phase 3. Il est impossible de voir dans ces chiffres une quelconque évolution de la représentation de cet outil durant le Bronze ancien/moyen. C’est aussi l’outil le plus hétérogène et le nombre important de ses représentants a obligé à distinguer 11 sous-types. Il est possible de considérer ce découpage comme arbitraire mais il n’en demeure pas moins que ces sous-types peuvent représenter d’importantes distinctions d’utilisation.
Éclats retouchés de type grattoirs ou pseudo-grattoirs (11 pièces) (fig. 108, no 10)
160Ces pièces possèdent une moitié de leur extrémité distale aménagée par retouche abrupte. Cette retouche détermine un front courbe régulier partiel qui justifie le classement parmi les grattoirs. Ces pièces, dans l’ensemble peu corticales, sont réalisées sur des éclats courts ou allongés et portent une retouche semi-abrupte à abrupte, toujours directe. Il est possible que ces pièces soient des outils inachevés, bien qu’ils aient également pu être utilisés tels quels.
Grattoirs doubles (3 pièces) (fig. 108, no 13)
161Deux exemplaires seulement de grattoirs doubles sont présents. Ils possèdent un front courbe régulier à chacune de leurs extrémités. L’exemplaire non figuré est aménagé par retouche semi-abrupte sur un éclat cortical mince. L’autre est un grattoir caréné (fig. 108, no 13).
Grattoir denticulé (1 pièce)
162Ce type de grattoir est curieusement très peu représenté, bien que de nombreuses pièces soient peu régulières. Il est possible encore une fois que la denticulation importante du front soit le reflet d’un outil inachevé.
Micrograttoirs (10 pièces) (fig. 108, nos 1-4, fig. 110, nos 3, 4)
163Tous les grattoirs minces de moins de 30 mm de longueur ont été regroupés sous cette dénomination. Ils sont aménagés par retouche semi-abrupte ou, moins souvent, abrupte. Leur front est rarement débordant et l’on ne compte qu’une pièce (fig. 108, no 4) qui possède une retouche des côtés qui peut être liée à un emmanchement. Leur taux de cortex est variable, depuis l’éclat non cortical (fig. 108, no 3) jusqu’à l’éclat cortical mince (fig. 108, no 4).
Grattoirs/racloirs (8 pièces) (fig. 108, nos 5, 6, fig. 109, no 6)
164Huit grattoirs simples portent une retouche de racloir régulière sur tout un côté. Cette retouche unilatérale, effectuée sur des éclats allongés, se distingue de la retouche d’emmanchement classique. Il s’agit d’outils multiples, par ailleurs peu fréquents dans la série. La retouche de l’extrémité distale est semi-abrupte et détermine des fronts courts –caractéristiques de l’ensemble des grattoirs– tandis que la retouche latérale, également semi-abrupte, est très longue et a aménagé un front régulier, courbe ou rectiligne.

FIG. 109. Outillage lithique : 1-3 grattoirs carénés ; 4 grattoir à front étroit quasi rectiligne ; 5, 7-10 grattoirs simples sur éclat ; 6 grattoir/racloir.
Grattoirs à deux bords retouchés (3 pièces) (fig. 108, nos8, 16, fig. 111, no 1)
165Il est bien évident que ces deux grattoirs (plus un micro-grattoir) ne sont pas les seuls à avoir pu faire l’objet d’un emmanchement. Toutefois, ces pièces portent une retouche bilatérale qui atteste de la volonté d’amincissement de la partie proximale des supports. Le premier (fig. 108, no 8) s’identifie à un grattoir-éventail court. La retouche abrupte a fortement réduit la base en largeur. Son front est moyennement convexe. Le deuxième (fig. 108, no 16) porte une retouche moins longue destinée à réduire la largeur des 3/4 inférieurs du support, de manière rectiligne. Son front est également faiblement convexe mais la retouche est surplombante et, dans son cas, un ravivage du front est probable. Le troisième est très régulier. La retouche latérale est longue et détermine des bords rectilignes. Le front est très faiblement convexe.
Grattoir-limace (1 pièce)
166Cette pièce épaisse (28 mm) a été réalisée sur un éclat cortical. Il est évident qu’il ne s’identifie pas à une limace du Paléolithique supérieur. Toutefois, une retouche abrupte a été réalisée sur tout le pourtour de l’éclat allongé (60 x 29 mm). La retouche est longue, particulièrement celle qui est latérale. Il est peu probable que la pièce ait été destinée à être emmanchée, étant donné son épaisseur importante. Cette possibilité ne peut toutefois pas être exclue.
Grattoirs carénés (12 pièces) (fig. 109, nos 1-3)
167Ces grattoirs sont réalisés sur des éclats très épais, en majorité des pièces corticales ou des nucléus. Ceux qui ont utilisé des nucléus comme support ont systématiquement abattu les corniches proéminentes. Cette technique atteste la volonté de façonner un outil particulier (par comparaison avec le débitage entrepris). Le front de ces grattoirs est toujours abrupt et haut (le no 1 de la figure 109 est un cas un peu limite ; il a été placé sous cette dénomination en raison de son module), parfois surplombant. Un des exemplaires est opposé à une retouche denticulée assez soignée. Il faut noter la convexité importante des fronts de ces grattoirs.
Grattoirs à front étroit quasi rectiligne (5 pièces) (fig. 109, no 4, fig. 110, nos 6, 11, fig. 111, nos 3-5)
168Ces grattoirs ont été réalisés sur des éclats épais, souvent des pièces corticales, et possèdent un nombre important de retouche. Plusieurs caractères les identifient : ils possèdent un front étroit (entre 15 et 30 mm), quasi rectiligne, et une retouche débordante longue, qui amincit la partie supérieure de la pièce et dégage le front. La retouche qui a aménagé ces grattoirs est toujours abrupte et peu soignée. En effet, seul le front a fait l’objet d’une retouche fine de régularisation.

FIG. 110. Outillage lithique : 1, 2, 7-10, 12 grattoirs simples sur éclat ; 3, 4 micrograttoirs ; 5 grattoir-museau ; 6, 11 grattoirs à front étroit quasi rectiligne.

FIG. 111. Outillage lithique : 1 grattoir à deux bords retouchés ; 2 grattoir simple sur éclat ; 3-5 grattoirs à front étroit quasi rectiligne.

FIG. 112. Outillage lithique : 1-4, 8 éclats épais denticulés ; 5, 6 éclats épais retouchés ; 7 éclat très retouché.
Grattoirs-museau (7 pièces) (fig. 108, nos 7, 14, fig. 110, no 5)
169Ils sont réalisés sur des éclats épais, presque exclusivement des pièces corticales. Ils possèdent un front débordant qui affecte ici une forme en « accolade », avec des épaulements aménagés par une retouche longue. Le front est fortement convexe, en demi-cercle, et étroit (entre 12 et 17 mm). Il est limité par des épaulements bilatéraux qui lui donnent une forme caractéristique en chapeau de gendarme.
Grattoirs simples sur éclat (42 pièces) (fig. 108, nos 9, 11, 12, 15, fig. 109, nos 5, 7-10, fig. 110, nos 1, 2, 7-10, 12, fig. 111, no 2)
170Ces grattoirs ne possèdent pas de particularités propres à créer d’autres distinctions. Ils possèdent un front plus ou moins convexe, aménagé par retouche semi-abrupte à abrupte et ont été réalisés sur tous types de supports (6 sur éclats corticaux, 1 sur galet brut, les autres sur éclats de plein débitage). Il faut seulement signaler que l’un d’entre eux (fig. 109, no 9) possède une forme presque circulaire aménagée par une retouche inverse semi-abrupte et une retouche inverse plate.
Armatures tranchantes (4 pièces)
FIG. 116, nos 2-4, 6
171Quatre armatures tranchantes ont été découvertes. Deux d’entre elles proviennent de façon certaine du dépotoir de la troisième phase d’occupation. Elles sont réalisées sur des fragments de lames (ou de lamelles) assez régulières, qui sont comparables aux lames brutes présentes par ailleurs dans la série.
172La retouche est systématiquement abrupte et détermine une forme trapézoïdale peu prononcée. L’exemplaire no 4 possède des troncatures concaves qui ont aménagé un tranchant évasé.
173Deux d’entre elles sont fragmentaires. La première (fig. 116, no 2) possède une fracture en sifflet (snap) caractéristique d’un bris par percussion. L’autre (fig. 116, no 3) est mince et a pu être cassée lors du façonnage.
174La présence d’armatures tranchantes ne doit pas étonner dans un contexte âge du Bronze, étant donné leur présence encore importante dans la région au Chalcolithique/Bronze ancien (site de Thaon, San Juan et al. 1999).
Couteaux à dos (7 pièces)
FIG. 106, no 3, FIG. 113, no 1, FIG. 118, nos 8-13
175La plupart de ces outils sont aménagés sur des éclats allongés ou sur des lames. Deux ont été réalisés aux dépens d’un éclat long. Le premier n’est pas retouché mais a un dos abrupt cortical opposé à un tranchant possédant un lustre d’utilisation qui justifie l’appellation de couteau à dos (fig. 118, no 11), le second a au contraire un dos courbe entièrement aménagé par retouche abrupte.

FIG. 113. Outillage lithique : 1 couteau à dos ; 2 éclat épais retouché ; 3, 8 10 éclats à coche unique ; 4-7 éclats minces denticulés.
176Les autres pièces ont un dos aménagé par retouche abrupte ou semi-abrupte qui détermine un front régulier (3 cas), une troncature oblique dans le prolongement d’un dos cortical (fig. 118, no 9) ou une retouche distale mineure dans le prolongement d’une facette de débitage abrupte (fig. 118, no 8).
177Deux de ces pièces ont subi un séjour dans un foyer et sont partiellement détruites. Les quatre autres pourraient éventuellement faire l’objet d’observations tracéologiques afin de déterminer leur usage.
Lames ou lamelles retouchées (10 pièces)
FIG. 106, no 4, FIG. 117, nos 3-6, 12
178Ces pièces sont réalisées sur des lames, lamelles (entières ou fragmentées) ou éclats laminaires (fig. 117, no 3).
179Les supports utilisés sont assez réguliers et surtout minces (épaisseur inférieure à 7 mm). La retouche forme un front continu de 15 à 40 mm de longueur. Elle est courte et semi-abrupte et résulte probablement de l’usage plutôt que d’un réel façonnage.
Éclats minces retouchés (58 pièces)
180Cette catégorie est la deuxième plus importante après les grattoirs. Si la plupart de ces pièces sont des outils a posteriori, d’autres en revanche ont fait l’objet d’une retouche volontaire. Il est donc justifié de diviser cette catégorie en plusieurs sous-types bien distincts.
181Il faut également noter parmi ces éclats la quasi-absence de pièces simplement esquillées, à retouche très limitée et très irrégulière. La confusion possible avec des pièces retouchées par piétinement ou par les outils de fouille a fait éliminer quelques pièces, toutefois très marginalement représentées. Il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre d’éclats bruts ont dû faire l’objet d’une utilisation par les populations concernées. Mais leur reconnaissance ne peut se faire que par un examen tracéologique systématique.
Éclats à retouche mince régulière (34 pièces) (fig. 114, nos4, 5, 8, 9, fig. 115, nos1-6)
182Ces outils sont réalisés sur des éclats de tout modules. La grande majorité d’entre eux sont des éclats partiellement corticaux mais on ne note pas la présence d’éclats complètement corticaux. La retouche (d’utilisation ou d’aménagement) occupe tout ou partie du tranchant latéral de la pièce. Celles-ci sont courtes et semi-abruptes et déterminent un front régulier d’utilisation de 20 à 40 mm de longueur.

FIG. 114. Outillage lithique : 1-3 éclats épais denticulés ; 4, 5, 8, 9 éclats à retouche mince régulière ; 6 éclat à retouche plate bifaciale ; 7, 10 éclats à retouche longue.

FIG. 115. Outillage lithique : 1-6 éclats à retouche mince régulière ; 7‑9 éclats à retouche longue ; 10, 11 éclats épais denticulés.
Éclats à retouche longue (12 pièces) (fig. 114, nos 7, 10, fig. 115, nos 7-9, fig. 116, no 10)
183Ces outils sont réalisés sur des supports de module plus important que les précédents. On note la présence de quelques pièces semi-corticales mais pas de pièces entièrement corticales. La retouche, longue et régulière, est semi-abrupte à abrupte. Elle détermine un front de longueur réduite (entre 15 et 25 mm). Ces pièces s’apparentent à des outils de types grattoir ou racloir et il est possible qu’elles aient eu un usage identique, ou simplement qu’il s’agisse de pièces inachevées.

FIG. 116. Outillage lithique : 1, 5, 9, 12 armatures perçantes ; 2‑4, 6 armatures tranchantes ; 7, 8 fragments de haches polies ; 10 éclat à retouche épaisse ; 11 burin.
Éclats très retouchés à retouche semi-abrupte (3 pièces) (fig. 112, no 7, fig. 106, no 5)
184Ces pièces sont des éclats qui possèdent une retouche semi-abrupte sur tout leur pourtour.
Éclat très retouché à retouche plate bifaciale (1 pièce) (fig. 114, no 6)
185Il est réalisé sur un éclat assez mince qui ne possède qu’une faible plage corticale (fig. 114, no 6). Il porte une retouche semi-abrupte et plate, directe et inverse, qui semble avoir esquissé une morphologie ogivale. La partie proximale a été très amincie par une retouche plate, directe et inverse. Il est possible que cette pièce soit une ébauche de pointe ogivale ou d’un type de couteau particulier appelé slug knive en Angleterre (Field 1985). Pourtant il faut noter l’absence de tels outils sur le gisement.
Éclats à coche unique (8 pièces) (fig. 113, nos 3, 8-10)
186Ces outils ont été réalisés sur des éclats de tous modules. Ils portent une retouche directe ou inverse régulière, qui a aménagé une coche peu profonde (entre 2 et 4 mm) mais large (entre 8 et 20 mm). Quelques autres aménagements accompagnent parfois cette coche, sur d’autres parties des pièces (outils multiples ?, fig. 113, no 8).
Éclats épais retouchés (21 pièces)
FIG. 106, no 2, FIG. 112, nos 5, 6, FIG. 113, no 2
187Ces pièces sont aménagées sur des éclats de module assez important, dont l’épaisseur dépasse 15 mm. Ils possèdent tous de vastes plages corticales.
188La retouche qui affecte un de leur tranchant est directe ou inverse et toujours semi-abrupte. Elle détermine un front régulier mais restreint, entre 15 et 25 mm de longueur.
Burins (2 pièces)
FIG. 116, no 11,FIG. 117, no 8
189Le premier est un burin d’angle simple et est réalisé sur un éclat allongé. Une troncature transversale a été réalisée par retouche abrupte irrégulière. Le coup de burin a détaché un éclat très mince à partir de cette troncature. Le second est réalisé sur un petit éclat mince. Les coups de burin, portés sur l’extrémité proximale de l’éclat, ont détaché deux chutes sur la face corticale de la pièce. Une petite chute de burin, de 15 mm de longueur, a également été découverte sur le gisement.

FIG. 117. Outillage lithique : 1, 2 outils prismatiques ; 3-6, 12 lame(lle) s retouchées ; 7 pseudo-tranchet ; 8 burin ; 9-11 becs.
Armatures perçantes (4 pièces)
FIG. 116, nos 1, 5, 9, 12
190Deux armatures entières et deux fragments ont été découverts.
191Le premier fragment (fig. 116, no 9) semble avoir été réalisé sur un bout de lame ou de lamelle. Une retouche plate à couvrante, directe, a aminci la pièce pour lui donner une morphologie (qui semble) foliacée. Cette pièce a ses deux extrémités brisées et sa reconnaissance comme une pointe de flèche ne peut pas être affirmée avec certitude.
192Le second fragment a été réalisé aux dépens d’un éclat mince par retouche plate bifaciale (fig. 116, no 12). Il semble que la pièce ait été brisée lors de sa réalisation et que seule la base nous soit parvenue.
193La première pointe entière (fig. 116, no 5) a été réalisée sur un éclat mince en silex bathonien gris assez grenu (identification J. Desloges). Ce silex est originaire de la plaine de Caen où il fait l’objet d’une exploitation de type minier pour le façonnage de haches polies (Desloges 1986) jusqu’à l’âge du Bronze. Cette pointe est le seul artefact taillé de la série qui soit réalisé dans un silex exogène. Il est probable qu’il a été amené sur le site sous forme de produit fini. Il possède une forme ogivale allongée régulière et une base concave, avec un seul aileron pointu à peine dégagé. Il a été aménagé par retouche directe et inverse semi-abrupte.
194La présence d’une grande pointe de flèche régulière en matériau exogène évoque naturellement les pointes de flèche armoricaines (10 d’entre elles ont été trouvées dans le tumulus de Beaumont à 45 km de Tatihou, Vilgrain et al. 1989). Toutefois, d’autres réseaux d’échange de pointes ont coexisté. Ainsi, il faut signaler la présence d’une armature triangulaire allongée à base concave en silex bathonien à Juvigny-sous-Andaine, au dolmen du Lit de la Gionne, à une centaine de kilomètres au sud de la plaine de Caen (Marcigny 1995). Cette découverte en contexte à Tatihou (dépotoir, phase 2) permet d’avoir une idée de l’étendue des réseaux d’échange à la fin du Bronze ancien/début Bronze moyen.
195La quatrième pointe de flèche (fig. 116, no 1) a été réalisée sur un petit éclat de silex local. Elle est aménagée par retouche envahissante bifaciale qui a totalement masqué la morphologie initiale du support. Elle est de type ogival court, à ailerons courts et pointus et à pédoncule large et surbaissé. Aucune fracture n’est visible sur la pièce.
Microdenticulés (9 pièces)
FIG. 118, n05 1-7
196La présence de tels outils peut étonner dans un contexte âge du Bronze. En effet, les microdenticulés sont caractéristiques de la période finale du Néolithique et se raréfient au Chalcolithique/Bronze ancien. Ils ne représentent ici que 2,4 % de l’outillage et peuvent être considérés comme des éléments archaïques marginalisés (au Néolithique final, ils représentent environ un tiers des supports retouchés dans la zone géographique considérée).
197Il faut signaler que ces outils sont représentés par quatre exemplaires dans les dépotoirs de la phase 1 et 3 et par un seul exemplaire dans le dépotoir de la phase 2. On ne peut donc pas formuler l’hypothèse selon laquelle l’utilisation de cet outil « archaïque » a tendance à s’estomper au cours des occupations successives de Tatihou.
198Six des sept pièces sont réalisées sur des supports laminaires et au moins l’une d’entre elles sur lame (fig. 118, no 5). Les denticulations occupent un tranchant concave dans 6 cas sur 7 et gibbeux dans le dernier cas. La retouche a été réalisée par pression sur un tranchant, selon une technique classique. Certaines pièces pourraient posséder un lustré d’usage et il serait intéressant de les observer sous fort grossissement.
199Il faut également signaler la présence d’un dos ou méplat naturel sur 6 de ces pièces, ce qui évoque un usage emmanché.
Outils prismatiques (3 pièces)
FIG. 106, no 1, FIG. 117, nos 1, 2
200Trois pièces, que l’on peut comparer à des petits pics, ont été découvertes sur le gisement. Elles sont aménagées sur des pièces corticales ou semi-corticales par retouche abrupte longue.
201Les bords rectilignes et abrupts suggèrent une utilisation emmanchée. La pointe est finement retouchée, particulièrement pour le no 1 de la figure 117, qui possède une retouche d’amincissement directe et inverse.
202L’un d’entre eux est curieusement aménagé par retouche inverse exclusive.
Poids de filet (1 pièce)
fig. 119
203Un galet parallélépipédique retouché a été identifié comme un probable poids de filet. Cette reconnaissance a été facilitée par le caractère maritime du gisement qui nous a conduits à rechercher ce type de pièces.

FIG. 119. Hypothèses d’utilisation du poids de filet : 1 en poids de filet de type Senne ; 2 en ligne de fond.
204Trois encoches profondes ont été réalisées à la base du galet (deux sur la longueur, une sur la largeur) ; celles-ci sont probablement destinées à fixer un lien autour de la pièce.
205Deux reconstitutions graphiques de l’utilisation de la pièce sont proposées. La première hypothèse est une utilisation en poids de filet. Ces lests servent à plaquer la base d’un filet de type Senne. Ce type de filet est déjà en usage chez les Grecs et les Romains et son existence est très probable pour-les périodes antérieures. Son utilisation sur les côtes de la Manche est attestée aux xie-xiiie s (Pêcheurs de la Manche 1994). Ceux-ci sont traînés par l’homme sur des fonds sableux à proximité du rivage (type de fond marin présent à Tatihou). La seconde hypothèse d’utilisation est le lest de ligne de fond. Cette hypothèse induit la nécessité d’un hameçon. Aucun n’a été retrouvé à Tatihou mais de tels instruments sont connus en France à la même période.
206Le faible nombre d’objets liés à la pêche retrouvés sur le site trahit une apparente contradiction avec le caractère insulaire du site. Il est possible que ces activités particulières aient nécessité des aménagements plus proches de la plage qui n’ont pas été appréhendés sur l’emprise de la fouille.
Becs (3 pièces)
FIG. 117, nos 9-11
207Trois pièces peuvent s’apparenter à des becs. Ils sont réalisés sur des éclats minces par retouche directe abrupte presque exclusivement. La pointe dégagée est dans les trois cas épaisse (6 mm de largeur) et courte.
Pseudo-tranchet ou grande bitroncature sans coup de tranchet (1 pièce)
FIG. 117, no 7
208Une seule pièce peut être acceptée sous cette dénomination (Augereau 1993). Elle est aménagée sur un éclat épais par deux types d’aménagements distincts : d’une part, un façonnage des deux bords latéraux (perpendiculairement au tranchant naturel) par retouche longue abrupte et, d’autre part, des enlèvements inverses plats destinés à amincir la pièce. L’ensemble forme une pièce courte, légèrement trapézoïdale.
209Un lustré d’usage est visible sur la face inférieure du tranchant de la pièce. De telles traces sont fréquentes sur les tranchets découverts en contexte Néolithique moyen II dans la région et attestent d’une utilisation comparable des pièces néolithiques avec celles de Tatihou, dont l’usage emmanché est probable.
Haches polies (2 pièces)
FIG. 116, nos 7, 8
210Le premier fragment de hache polie est en silex bathonien. Cette hache est originaire des minières de la plaine de Caen (identification J. Desloges). Elle a subi plusieurs transformations. Dans un premier temps, elle a été utilisée en nucléus à éclat puis, dans un second temps, elle a été réutilisée comme outil et un de ses bords actifs a été mâchuré. La morphologie de la pièce la laisse apparaître comme une hache de petite dimension à l’origine (environ 12 cm), caractéristique des productions de type « Bretteville-le-Rabet » (Desloges 1986). L’objet a été découvert hors contexte à proximité de l’enclos circulaire 514. Il est toutefois possible de la rattacher avec une probabilité assez forte à l’occupation de l’âge du Bronze. En effet, on sait que ces haches perdurent durant le Bronze ancien (Étaples, Roeux, Fréthun). De plus, il apparaît que l’utilisation de haches polies comme nucléus, à lames ou à éclats, est une caractéristique de la fin de la période néolithique et post-néolithique (Poses). Son ultime utilisation comme éclat mâchuré la rapproche indéniablement des outils utilisés par ailleurs dans la série de l’âge du Bronze de Tatihou.
211La seconde pièce est un fragment de tranchant en silex grenu. L’ensemble semble provenir d’une hache d’assez grand module. Elle ne possède pas de traces de débitage organisé.
4.3.6.2 Les courbes cumulatives de représentation de l’outillage
212Des courbes cumulatives ont été établies pour permettre des comparaisons entre les différentes séries étudiées (fig. 120). Ces courbes ont été indexées sur la série de Tatihou qui détermine une oblique parfaite. La première série de courbes concerne les séries de l’âge du Bronze ancien et moyen, la seconde, les sites du Néolithique final ou du Chalcolithique/Bronze ancien au sens large.

FIG. 120. Courbes cumulatives de l’outillage. a séries de l’âge du Bronze ancien et moyen ; b séries du Néolithique final et du Chalcolithique/Bronze ancien.
213Les comparaisons ont été recherchées à partir des séries suffisamment documentées de la partie nord-ouest de la France et du sud de l’Angleterre. On ne peut que regretter la faiblesse des sources disponibles. En effet, les études des assemblages lithiques sont souvent délaissées au profit du métal et de la céramique.
4.3.7 Essai de périodisation de la série lithique
214Les dépotoirs correspondant aux trois phases d’occupation de l’âge du Bronze ont fait l’objet de décomptes séparés. Les trois tableaux portent sur un nombre d’artefacts assez réduit (respectivement 775, 282, et 400 pièces > 2 cm de longueur) mais les pourcentages sont représentatifs en ce qui concerne le débitage (tabl. IX-XI).
215La première remarque que l’on peut faire est de constater l’homogénéité entre les trois occupations. Les quelques points divergents n’apparaissent que comme des détails qu’il est difficile de considérer comme significatifs, particulièrement en raison d’un nombre variable de débris brûlés (entre 3 et 17 %).
216Les éclats entièrement corticaux et semi-corticaux varient entre 15 et 17 %. Les éclats au cortex limité sont représentés de manière stable, entre 45 et 50 % de l’assemblage. Les éclats laminaires et les lames représentent entre 2,1 et 4,8 % (l’occupation la plus ancienne possédant les chiffres les plus bas). Ces chiffres suggèrent l’absence de distinction entre les deux modes de débitage (allongés et courts) suivant les périodes et la pérennité des techniques de débitage utilisées.
217Le nombre des débris brûlés est variable (cf. supra § Les débris brûlés).
218Les cassons sont représentés marginalement et de façon assez divergente suivant les trois occupations (4,4 % pour la phase 1, 3,2 % pour la phase 2 et 2,8 % pour la phase 3). Encore une fois, ces pourcentages sont davantage tributaires de la matière première employée (présence de fissures internes) que de la technique de débitage mise en œuvre.
219Les nucléus sont représentés de manière assez variable, mais toujours dans des proportions proches de la moyenne (entre 13 et 19 %, moyenne 17,4 %). On rejoint par là le problème de la forte représentation des nucléus sur le gisement, qui peut s’expliquer par des phénomènes de rejets sélectifs lors de l’entretien des unités d’occupation (cf. supra § 4.3.4.3). Les mêmes constatations ont été faites sur d’autres gisements : les artefacts les plus gros sont écartés (rejet) tandis que les plus petits, peu « gênants », sont laissés sur place.
220L’outillage, quant à lui, est trop restreint pour pouvoir déterminer une distinction marquante ou une évolution entre les trois phases culturelles. Tout au plus avons-nous pu constater que la représentation des grattoirs, des éclats retouchés et denticulés, ainsi que le nombre de microdenticulés restaient stables durant les trois phases.
221En conclusion, on peut dire que les variations minimes enregistrées entre les trois phases d’occupation ne semblent pas significatives. Elles peuvent aussi bien être dues à la présence variable de débris brûlés (entre 3 et 17 %) qu’au rejet préférentiel dans les fossés des pièces les plus épaisses.
4.3.8 Comparaisons et approches chronoculturelles
222La recherche de comparaisons amène souvent à dépasser le cadre régional et à élargir aux corpus du quart nord-ouest de la France et au sud de l’Angleterre. En effet, les fouilles d’habitats du Bronze ancien sont encore mal représentées dans le Grand-Ouest et des assemblages lithiques n’y ont pas été systématiquement retrouvés. En revanche, on ne s’étonnera pas de trouver parmi les comparaisons les sites du nord de la France, très bien documentés grâce aux travaux d’E. Martial (Martial 1995), et les sites du sud de l’Angleterre, où les fouilles ont été nombreuses (Field 1985 ; Drewett 1975 ; 1982 ; Riordain 1951).
4.3.8.1 Les séries du nord de la France
223Le site de Fréthun a été fouillé en sauvetage urgent sur l’emprise du Lien Fixe Transmanche en 1988 (Bostyn et al. 1990). Il s’agit d’un triple enclos circulaire à vocation funéraire, daté du début du Bronze ancien. L’assemblage lithique de ce site a fait l’objet d’un mémoire de diplôme de l’EHESS (Martial 1995). Le site de Fréthun a livré un débitage correspondant à celui de Tatihou. Les pièces corticales et semi-corticales n’ont pas été strictement décomptées et il est difficile d’évaluer leur représentation. Toutefois, l’étude globale du débitage indique comme à Tatihou un plein débitage d’éclats largement majoritaires. Les nucléus représentent 13 % de l’assemblage (17,5 % à Tatihou) et possèdent des configurations différentes de celles mises en évidence sur le site. Cela constitue une adaptation particulière à la matière première disponible. Un débitage laminaire, très marginalisé, existe à concurrence de 3,9 %. Ce chiffre, proche de celui enregistré à Tatihou, implique un besoin comparable en supports d’outils allongés (armatures, couteaux à dos).
224L’outillage révèle des différences importantes. En effet, la courbe représentative (fig. 120a) est surbaissée et trahit un pourcentage de grattoirs assez faible (26,6 %) et une carence en outils aménagés sur supports laminaires. L’outillage ne compose que 3,6 % du total de l’assemblage. Ce chiffre particulièrement bas est tributaire de la vocation du site et trahit une sous-représentation des supports aménagés. Il faut signaler comme à Tatihou que deux fragments de hache polie sont présents ainsi qu’une hache taillée. Enfin, les microdenticulés sont absents, ce qui apparaît fréquemment parmi l’ensemble des autres séries étudiées.
225Le site de Roeux a été fouillé en sauvetage urgent sur l’emprise du TGV Nord en 1989 (Desfossés et al. 1992). Il s’agit d’un site d’habitat daté du début du Bronze moyen (présence d’une hache à talon naissant). Le débitage d’éclats est largement prépondérant sur le site et les nucléus ne représentent que 8,3 % de l’assemblage (Martial 1995). En outre, les lames et lamelles sont présentes à concurrence de 8 %, ce qui constitue une distinction notable par rapport à Tatihou, bien que l’ensemble de la chaîne de débitage soit comparable entre les deux sites.
226L’outillage représente 25,7 % de la série, soit deux fois et demi plus qu’à Tatihou. En revanche, l’assemblage de Roeux correspond presque exactement à celle de notre site. Seules trois petites nuances peuvent être relevées : l’absence de lames retouchées, d’éclats tronqués et de microdenticulés. Les deux outils dominants –grattoirs et éclats retouchés– figurent dans des pourcentages équivalents.
227La série de Roeux est la plus proche de toutes celles étudiées. Elle offre des parallèles intéressants qui ne sont troublés que par l’absence de quelques outils, représentés de façon marginale à Tatihou.
228Le site d’Étaples a été fouillé en sauvetage urgent en 1994 sur le tracé de l’autoroute A16 (Desfossés et al. 1996). Le site est complexe et comprend deux grands enclos doubles circulaires et un enclos simple de forme ovale. Près de deux tonnes d’artefacts lithiques ont été mises au jour, mais le site s’est révélé très pauvre en mobilier céramique. Les datations proposées en fonction de ce mobilier plaident en faveur d’une évolution de l’occupation entre le Bronze ancien et le Bronze moyen. Cette évolution ne se manifeste pas nettement en ce qui concerne l’industrie lithique. Le débitage est comparable à celui mis en œuvre à Tatihou. Le plein débitage d’éclats est largement majoritaire. Les nucléus représentent entre 5,5 et 8,5 %. Ce pourcentage réduit est dû principalement au module important des rognons exploités. Le débitage laminaire est très discret puisqu’il n’est présent que dans l’enclos ovalaire (0,9 %). La représentation de l’outillage parmi l’assemblage est extrêmement importante. On peut noter la présence marginale de microdenticulés (13 pièces) dans une des occupations du site.
4.3.8.2 Les séries du sud de l’Angleterre
229Les importantes fouilles anglaises d’habitats de l’âge du Bronze ont permis de définir plusieurs cultures dès la première moitié du xxe s. (Riordain 1951). L’industrie lithique de ces sites a été depuis mise en corrélation avec le mobilier céramique. Par contre, il faut regretter que les notices n’aient pas traité ce mobilier de façon exhaustive et aient rarement accordé une place importante et méritée aux techniques de débitage. L’analyse typologique est donc quasiment la seule sur laquelle on pourra s’appuyer pour nos comparaisons.
230Le site de West Ashby (Lincolnshire ; Field 1985) a livré une occupation datée du Bronze ancien au Bronze moyen. Le site semble s’apparenter aux Henges. 655 artefacts taillés ont été découverts, aussi bien en surface que lors de la fouille, ce qui rend leur analyse et leur attribution délicates (quelques pièces mésolithiques sont attestées). En dehors des outils peu caractéristiques tels que les grattoirs, quelques outils particuliers méritent la comparaison avec Tatihou. On note la présence d’une armature perçante à pédoncule surbaissée, semblable à l’exemplaire no 1 de la figure 116. Une armature tranchante est également présente. Enfin, plusieurs denticulés ont également été découverts. Les outils les plus remarquables de la série sont de grandes pièces ogivales à retouche plate (slug knive).
231Le site de Black Patch (East Sussex ; Drewett 1982) est un vaste site d’habitat daté du Bronze moyen. 12 000 artefacts lithiques ont été retrouvés sur le site, parmi lesquels 6,2 % d’outils. L’industrie laminaire représente 1,5 % de l’assemblage. On note ainsi le même développement du plein débitage d’éclats qu’à Tatihou. Les outils semblent très peu diversifiés et les grattoirs (23 %) et les éclats retouchés et denticulés se partagent l’ensemble de l’outillage. Seules une pointe de flèche (sur 425 outils) et quelques haches taillées sont présentes en dehors de ces deux catégories.
232Sur le site de Grange Townland (Irlande ; Riordain 1951) ont été mis au jour environ 400 déchets de taille. Aucun décompte précis n’est publié. Toutefois, la figure représentative de l’outillage semble révéler la dominante des grattoirs et des éclats retouchés. Des couteaux à dos et des microdenticulés sont également présents, ainsi que plusieurs pointes de flèche, dont deux à base concave et une à pédoncule long comparable à celle de Tatihou (fig. 116, nos 1 et 5).
233Le site d’Alfriston (East Sussex ; Drewett 1975) s’étend chronologiquement du début du Bronze ancien au Bronze moyen. L’étude du débitage porte sur 8 354 pièces. Elle a livré des résultats assez surprenants. Les nucléus ne représentent que 1,8 % et les outils 1,3 %. À côté de cela, l’industrie laminaire est présente à concurrence de 0,6 %. Le reste est constitué d’éclats indifférenciés. L’outillage est aussi peu diversifié qu’à Black Patch. Les éclats retouchés et denticulés en constituent les deux tiers ; le reste est occupé par les grattoirs. Un ciseau et un couteau à dos à retouche plate (slug knive) sont également présents.
234Il est difficile d’établir des comparaisons entre Tatihou et les sites anglais, principalement en raison de la divergence des méthodes d’analyse. Pourtant, plusieurs caractéristiques sont communes et méritent d’être mentionnées. Le débitage d’éclat est toujours prépondérant, par opposition au débitage laminaire, présent mais rare. Les pièces de technique (pièces à crête ou d’avivage) sont absentes de la même façon des deux côtés de la Manche.
235Au sein de l’outillage, on note une même prépondérance des éclats retouchés et des grattoirs. Cependant, ces outils représentent parfois la quasi-totalité de l’outillage en Angleterre alors qu’ils se limitent aux deux tiers à Tatihou. Cela semble indiquer une évolution différente ou plus précoce du corpus en Angleterre. En effet, de tels pourcentages semblent plus représentatifs de la fin de l’âge du Bronze que des périodes ancienne et moyenne présentes à Tatihou. On ne peut toutefois pas exclure des différences en ce qui concerne les activités pratiquées sur les différents gisements. Les armatures de flèche, rares, sont morphologiquement proches dans les deux cas. Il faut également signaler des microdenticulés à Grange Townland, site qui offre peut-être le plus de points communs avec Tatihou. Enfin, on note la présence en Angleterre de pièces ogivales à retouche plate (slug knive ou plano-convex knivé) qui peuvent éventuellement être comparées à l’outil inachevé de Tatihou (fig. 114, no 6).
4.3.8.3 Les séries normandes
236Le nord-ouest du Cotentin est une des régions de Basse-Normandie les plus riches en tumulus de l’âge du Bronze, puisque l’on en compte plusieurs dizaines dans la Hague. Cette reconnaissance particulière est liée à la mise en culture tardive de l’arrière-pays. Un grand nombre d’entre eux sont encore visibles dans le paysage, bien qu’ils aient pour la plupart (sinon la totalité) fait l’objet de fouilles expéditives au xixe s. ou de destruction lors de la dernière guerre et de la construction du centre de retraitement de Beaumont-Hague.
237Le tumulus de la Fosse Yvon a fait l’objet d’une destruction de sa chambre funéraire en 1851 pour y installer un four à chaux. On a découvert à cette occasion une dizaine de pointes de flèche armoricaines (dont une est conservée au musée Emmanuel-Liais à Cherbourg) et un poignard en Bronze, récemment retrouvé par A. Verney (inédit). Le poignard possède des rivets à sa base et se rattache au Bronze ancien (culture des Tumulus armoricains). La pointe de flèche, en silex blond, est de type triangulaire allongé ; elle se rattache à la même culture.
238Ce tumulus a fait l’objet de sondages en 1986 par A. Chancerel et d’une fouille en 1987 par G. Vilgrain (Vilgrain et al. 1989). Des observations très intéressantes ont été faites sur la constitution du tertre, conservé sur 1,50 m de hauteur. Les couches de remplissage ont livré un mobilier céramique et lithique peu abondant qui se rattache à la même phase culturelle que le monument. Il est probable que le tertre a été élevé par raclage d’une couche d’habitat du Bronze ancien. 90 artefacts lithiques ont été découverts. Le débitage d’éclats est quasi exclusif et les nucléus sont absents (2 galets testés). Neuf grattoirs ont été retrouvés ; ils constituent les seuls outils. Un percuteur sur galet en roche verte est également issu de la série. Les caractéristiques du débitage sont comparables à celles de Tatihou. Toutefois, l’industrie laminaire semble quasi inexistante à Beaumont, peut-être en raison de la faiblesse de la série. Le grattoir est le seul outil représenté. En dehors, encore une fois, du faible nombre d’artefacts retrouvés, il est curieux de constater que les éclats retouchés et denticulés ne sont pas présents. Il est difficile dans ces conditions de comparer les deux corpus. Tout au plus peut-on dire que l’assemblage de Beaumont s’inscrit dans le même processus de simplification de la chaîne de production, qui commence dès le Néolithique final et sc poursuit au moins jusqu’au Bronze moyen.
239Le site de Lingreville III (Billard et al. 1995) se définit par un mobilier important découvert en contexte de paléochenal. La complexité des phénomènes de dépôts alluvionnaires conduit à émettre certains doutes quant à l’homogénéité de la série. La céramique date le site d’une phase Épicampaniforme/Bronze ancien. Le mobilier lithique est riche de 320 pièces dont 112 outils aménagés. Le débitage d’éclats est majoritaire et les supports dont le rapport longueur/largeur est supérieur à 2 ne représentent que 10 % de l’assemblage. Les nucléus sont faiblement représentés (7,5 %). La courbe de l’outillage est très largement surhaussée par rapport à Tatihou et ce, dès le début du graphique (fig. 120a). Cela traduit l’importance des premières classes : armatures, outils sur lames et grattoirs. Si l’on considère la série comme homogène, il est clair qu’elle s’intégre mieux dans un contexte du Chalcolithique/Bronze ancien classique. On notera malgré tout l’absence de microdenticulés, mais ces outils disparaissent souvent dès le Chalcolithique/Bronze ancien (cf. infra § Digulleville). Cette série semble refléter un faciès évolutif plus ancien que Tatihou : le débitage laminaire est encore important et les grattoirs sont fortement représentés. Toutefois, les formes céramiques le placent dans un contexte chronoculturel presque identique. Il faut alors évoquer, soit l’hétérogénéité de l’assemblage lithique, soit des variations typologiques importantes au sein des populations côtières du Cotentin, soit encore la pratique d’activités différentes entre les deux gisements.
240Le site de Digulleville/Le Raumarais 2B (Verron 1983 ; Ghesquière 1995) a été partiellement fouillé dans les années soixante-dix lors de la construction du centre de retraitement des déchets radioactifs de Beaumont-Hague (on notera à cette occasion la destruction par les bulldozers, en cours de fouille, de 11 tombelles ainsi que du reste du site du Raumarais). Le site a livré un mobilier assez abondant qui se rattache sans conteste au courant campaniforme. 256 artefacts lithiques ont été découverts lors des ramassages de surface et un peu moins de 300 (> 2 cm) lors de la fouille, parmi lesquels on compte 27 % d’outils. La caractéristique du débitage, en dehors d’une phase de plein débitage d’éclats classique (25 % de la série), est le fractionnement de petits galets sur enclume en deux moitiés, directement utilisables pour façonner des grattoirs (40 % de la série). Cette technique de fractionnement apparaît également, à moindre échelle, dès le Néolithique moyen II dans le nord Cotentin (site d’Herqueville/Les Treize Vents ; Chancerel et al. 1996). Un débitage lamino-lamellaire est également présent à concurrence de 10 %. L’outillage est largement dominé par les grattoirs/racloirs (les 4/5 sur demi-galets). Les éclats retouchés et denticulés composent un peu plus de 15 % du corpus et l’on retient également la présence de 5 armatures (dont une tranchante), d’un fragment de poignard en silex pressignien et d’un fragment de scie à encoches. Cette série est particulièrement intéressante car elle est située dans le nord Cotentin et datée du Chalcolithiquc/Bronze ancien. On note donc, en ce qui concerne le débitage, l’abandon du fractionnement des galets à Tatihou et cela malgré une matière première comparable abondante. La raréfaction du débitage laminaire s’accentue également sur notre site par rapport à Digulleville. L’outillage indique une diminution du grattoir à Tatihou, au profit de la classe des éclats retouchés et denticulés. La courbe de l’outillage de Digulleville apparaît donc fortement surhaussée par rapport à celle de Tatihou (fig. 120b). Enfin, il faut signaler l’absence d’éléments microdenticulés au Raumarais, ce qui rejoint les remarques précédemment faites sur le site de Lingreville III.
241Le site de Nonant/La Bergerie, situé à proximité de la commune de Bayeux (Calvados ; Marcigny et al. 2002), se compose d’une vaste enceinte quadrangulaire datée du Bronze moyen. Un corpus de 379 artefacts et 145 esquilles a été ramassé. On doit retenir du débitage entrepris sur le site qu’il tend vers une production presque exclusive d’éclats peu réguliers. Les produits allongés ne représentent en effet que 4,7 % de l’assemblage. Les nucléus sont nombreux sur le site. Aucun stigmate de préparation particulier n’y a été relevé, ce qui évoque un mode de débitage opportuniste et dispendieux. Seuls 82 outils ont été découverts au sein de l’assemblage, ce qui rend impossible le recours à une étude statistique fiable. Les grattoirs représentent la moitié des outils découverts. Le reste de l’outillage est principalement constitué d’éclats retouchés et denticulés. On remarque également la présence d’une armature tranchante et d’une armature à pédoncule et ailerons. La très forte représentation de grattoirs contrarie le schéma mis en place concernant la raréfaction croissante de ce type d’outils du Bronze ancien au Bronze final. Il implique une variation importante des assemblages lors de la période protohistorique, résultant éventuellement d’activités variées sur les sites.
242Le site de Mont-Saint-Aignan/La Vâtine (Seine-Maritime ; fouille Aubry, inédite) est un habitat daté du Bronze final, caractérisé par la présence de plusieurs bâtiments, soit circulaires, soit quadrangulaires, et de plusieurs grandes fosses ayant livré un riche mobilier céramique et lithique. Ont été retrouvés sur ce site 522 artefacts lithiques supérieurs à 1,5 cm de longueur, 111 esquilles, 10 galets bruts ou bouchardés, parmi lesquels on comptabilise 56 outils. Le pourcentage de lames est très faible (0,2 %). En revanche, les modalités du débitage d’éclats répondent à des schémas extrêmement simples et à des adaptations à des matières premières locales de médiocre qualité. En ce qui concerne l’outillage, malgré un corpus très faible, plusieurs constatations peuvent être faites. Les éclats retouchés et denticulés représentent le type d’outil largement dominant, tandis que les grattoirs constituent toujours 18 % de l’outillage. Par ailleurs, la présence d’une armature tranchante ne peut être considérée comme anecdotique, même si sa représentation n’est pas numériquement significative.
243Les sites de Poses (Eure), fouillés en sauvetage urgent sur l’emprise des gravières de la Seine (Billard et al. 1994), nous offrent des possibilités d’études comparatives très intéressantes (fig. 120). En effet, 7 ensembles ont été identifiés (sur 4 ha), représentant 7 occupations distinctes et homogènes qui s’échelonnent du Néolithique ancien au Bronze ancien. Quatre ensembles nous concernent directement (ens. 4, 5, 6 et 7) car ils représentent une évolution du Néolithique final au Bronze ancien. Ils permettent en particulier de focaliser certains aspects particuliers concernant le devenir du débitage laminaire et l’évolution de certains types d’outils comme les armatures et les microdenticulés. Pour mémoire, il faut rappeler que l’ensemble 4 se rattache au Néolithique final, l’ensemble 5 au Campaniforme tardif, l’ensemble 6 à un Épicampaniforme/Bronze ancien et l’ensemble 7 au Chalcolithique/Bronze ancien (non Campaniforme). Les ensembles 6 et 7 sont donc chronologiquement inversés.
244La première constatation est la grande variabilité du débitage laminaire (qui comprend lames et éclats laminaires allongés) : 24 % pour l’ensemble 4, 23 % pour l’ensemble 7 et seulement 9 % pour l’ensemble 6. Les nucléus sont également représentés de façon différente : 2,3 % pour le 5, 5,5 % pour le 7 et 15,6 % pour le 6. Le débitage d’éclats irréguliers reste fortement majoritaire dans tous les ensembles. En ce qui concerne le débitage, seul l’ensemble 6 est comparable àTatihou. Il s’en rapproche même beaucoup si l’on considère que les 9 % de produits allongés concernent toutes les pièces dont le rapport longueur/largeur est supérieur à 2 (Billard et al. 1994). L’étude de l’outillage nous montre des courbes surbaissées pour les ensembles 6 et 7 (l’ensemble 5 est trop réduit et donc inexploitable) qui sont fonction des pourcentages différents de grattoirs et d’éclats retouchés par rapport à Tatihou. En effet, ces deux types d’outils constituent sans surprise les deux dominantes des trois derniers ensembles de Poses. Trois catégories d’outils vont permettre d’approfondir les comparaisons. À ce sujet, on ne peut que regretter la carence en armatures à Poses, puisque parmi les ensembles 4, 5, 6 et 7, seule une pointe de flèche a été retrouvée dans l’ensemble 7. Les perçoirs composent 3 % de l’ensemble 7 et 1 % de l’ensemble 6 (1 % à Tatihou). Cette différence subtile ne signifie toutefois pas forcément un rapprochement entre la série de Tatihou et l’ensemble 6. Les microdenticulés, outils à forte identité culturelle, composent 8 % de l’outillage de l’ensemble 7 et 4 % de l’ensemble 6. Cette évolution semble représentative de l’évolution chronologique entre les deux ensembles. Le site de Tatihou comporte 2,4 % de microdenticulés, ce qui pourrait le situer dans un compl exe évolutif proche de celui de l’ensemble 6.11 faut signaler que l’ensemble 4 de Poses possède 21 % de microdenticulés ; cela confirme la remarque précédente et lui donne une valeur représentative, au moins en ce qui concerne la vallée de la Seine. Enfin, il faut signaler la présence de deux fragments de poignards dans l’ensemble 7 alors qu’ils sont absents de l’ensemble 6 (un dans l’ensemble 5). Les séries sont trop limitées pour tirer des conclusions de cette présence/absence mais elle est peut-être significative de la disparition progressive de ce type d’outil. La même remarque peut être faite à Tatihou, en comparaison avec d’autres séries locales (cf. supra § Digulleville).
245Le site du Fort-Harrouard à Sorel-Moussel (Eure-et-Loir) se situe légèrement en dehors des frontières normandes. Les comparaisons entre son assemblage et celui de Tatihou sont particulièrement ardues. En effet, l’occupation du site se place dans la longue durée, ce qui entraîne des remaniements constants des couches par le creusement de structures et la percolation possible des divers artefacts. Il est certain qu’une partie de l’assemblage appartient à l’âge du Bronze ; des datations absolues ont d’ailleurs été effectuées sur quelques pièces, dont certaines en silex pressignien (datation par le fluor, Walter 1990). Les décomptes précis publiés (Villes 1987) suscitent surtout des questions. En effet, les tableaux comparatifs (entre la série attribuable au Néolithique moyen et final et celle attribuable à l’âge du Bronze) livrent des chiffres étonnamment proches. On note même une augmentation du nombre d’outils pressigniens à l’âge du Bronze par rapport au Néolithique final alors que l’exportation de ces objets a d’ordinaire tendance à se tarir dès l’Artenacien. Les seuls outils qui semblent caractéristiques du Bronze ancien sont les pointes de flèche à base concave. Toujours est-il que l’exemplaire de Tatihou est actuellement un des mieux datés (Bronze, phase 2) avec ceux des tumulus bretons (Briard 1970). Une poursuite des études sur ce site permettrait sans doute de rassembler des petits ensembles clos ou au moins homogènes, mais la masse de mobilier en présence (3 000 outils présumés de l’âge du Bronze, avec de la céramique en conséquence...) est un frein énorme, d’autant que l’on ne peut pas estimer le pourcentage de fiabilité des résultats. Nous devons en conclure que le seul élément incontestable que nous pouvons tirer du site de l’assemblage lithique du Fort-Harrouard est la datation absolue de certains artefacts. Enfin, on peut signaler que ce site est celui qui a livré la plus grosse série de fragments de moules d’objets métalliques dans le nord de la France (particulièrement des ornements, Verney, Mohen 1991). Nous sommes donc en présence d’un site qui possède une activité métallurgique importante et qui n’a pas pour autant abandonné le débitage lithique. Cet exemple peut donc être considéré comme représentatif de la perduration de la taille du silex dans des sociétés dans lesquelles le métal a déjà pris une place prépondérante.
246Sur le tracé de l’autoroute A29 (section Le Havre/Saint-Saëns) plusieurs sites rattachables à la période de transition Bronze final/Hallstatt ont été fouillés. Les habitats sont toujours ouverts et souvent bien structurés. On peut citer parmi eux les sites de Beautot/Verdret (Rougier 1995) et Criquetot-sur-Ouville (Gonzales 1995 ; Rougier 1996b). Un mobilier céramique restreint y a été découvert, ce qui interdit des analyses chronoculturelles précises. Des artefacts lithiques ont été retrouvés en association systématique avec des individus céramiques. Le débitage est constitué exclusivement d’éclats, réalisés sur des rognons de silex locaux de qualité médiocre. L’outillage est presque uniquement constitué d’éclats retouchés et denticulés. De rares grattoirs et éclats tronqués sont encore présents. Ces assemblages, très homogènes dans l’ensemble, sont plus récents que celui de Tatihou et présentent des évolutions qui semblent pertinentes : abandon définitif du débitage laminaire et très faible représentation des outils retouchés (particulièrement des grattoirs). Le site Chalcolithique/Bronze ancien d’Ancrettiéville-Saint-Victor (Ghesquière, Marcigny 1995), également fouillé dans le cadre de l’A29, a livré un débitage laminaire marginal et un outillage largement dominé par les grattoirs.
4.3.9 Conclusion
247207 outils sont présents dans l’ensemble de la série de Tatihou. Les grattoirs représentent 36 % de l’outillage. Ce chiffre élevé n’est toutefois pas comparable avec l’écrasante domination de ces pièces au Néolithique final et récent, en raison de l’importance numérique de la catégorie des éclats retouchés et denticulés, qui forment à Tatihou près de 38 % du corpus. Le reste de l’outillage est constitué de catégories qui représentent toujours moins de 5 % de l’ensemble, excepté pour les racloirs (6,3 %). Quelques outils minoritaires possèdent toutefois une forte identité : les armatures et les microdenticulés. Les armatures comportent sept individus, dont quatre tranchantes, qui attestent de la perduration du type jusqu’à cette période, et trois perçantes caractéristiques du début de la période protohistorique. Sept microdenticulés typiques ont été découverts (3,4 % de l’ensemble). Il faut encore signaler la présence de six couteaux à dos et de neuf lames ou lamelles retouchées (4,4 %), qui témoignent d’une utilisation encore marquée de supports allongés (rarement de véritables lames). Enfin, on note la présence d’outils issus du fonds commun néolithique, représentés par une ou deux pièces (burins, grande bitroncature...). À partir des différents corpus du nord-ouest de la France et du sud-est de l’Angleterre, on peut caler l’assemblage de Tatihou dans une phase moyenne de l’âge du Bronze, avec un corpus d’outils encore assez conséquent. Malgré tout, même si le mobilier en silex permet de participer à la datation de l’ensemble de la série, l’absence de lots importants pour chaque phase empêche ou retarde une exploitation plus aboutie du corpus lithique.
4.4 Les autres matériaux lithiques
4.4.1 Les galets utilisés
248Plusieurs types de galets utilisés ont été découverts sur le gisement au sein des dépotoirs céramiques et lithiques. On peut noter la concentration particulière de ces galets dans le dépotoir du fossé 155 (phase 2) dont la présence a été rattachée aux bâtiments sur poteaux situés à proximité. Ce type de mobilier, par ailleurs peu courant sur les sites protohistoriques, est encore rarement étudié. Leur présence semble liée en partie au débitage lithique. En tout 22 galets utilisés ont été découverts lors de la fouille du lazaret, auxquels il faut rajouter 9 galets retrouvés lors des deux campagnes de 1997 et 1998. Ces neuf pièces ont été rajoutées au corpus issu de la fouille du lazaret afin de compléter le lot.
4.4.1.1 Matières premières
249Plusieurs matières premières ont été utilisées dans le cadre de cette industrie (fig. 121). L’arkose, roche conglomératique, est constituée ici d’un amalgame de grains de taille réduite (entre 1 et 2 mm pour la plupart, 4 mm pour certains grains de quartz). Cette roche a été ramassée sur les plages sous forme de galets, généralement allongés. Son grain moyen et sa grande ténacité en font un matériau convenable pour être utilisé en percussion dans le cadre du débitage du silex (fig. 122, no 2). Un emploi de certaines pièces comme broyon n’est pas à exclure.

FIG. 122. Galets utilisés : 1, 3 galets allongés bouchardés ; 2 galet aplati bouchardé ; 4 enclume ; 5 disque ; 6 fragment de galet oblong utilisé (broyon).
250Le grès ordovicien est un grès jaune clair à grain très fin qui a été ramassé sous forme de galets oblongs sur les plages. Sa dureté le destine davantage à un usage comme broyon que comme percuteur. Il a toutefois eu les deux usages sur le site (fig. 123, nos 1-5).
251Le grès briovérien, de couleur vert foncé, est représenté par un galet allongé et un fragment. Ce grès tendre convient mal à un usage en percussion lancée (débitage). Par contre, une utilisation comme retouchoir est nettement plus adaptée à ce matériau fragile (fig. 122, no 1).
252L’origine d’un micaschiste gris-bleu à inclusions de minuscules paillettes de mica est à rechercher en direction de la Bretagne, bien qu’il soit possible qu’il en existe à proximité du batolithe de Flamanville. Il existe une possibilité du point de vue géologique, mais de tels filons, très minces, n’ont pas encore été reconnus en dehors du contexte breton. Cette roche fragile n’aurait pas pu être utilisée dans le cadre de l’outillage (cf. infra § disque ; fig. 122, no 5).
253Le grès de May est un grès rouge très proche du grès ordovicien (même morphologie et même dureté). Deux outils sont présents dans cette matière. Il s’agit d’un fragment de galet oblong, à l’extrémité biseautée (fig. 122, no 6), et de deux fragments de plaquette, dont une porte des traces de lissage.
254Un schiste, de couleur vert-bleu, est représenté par un disque et un galet allongé bouchardé. La ténacité de ce dernier lui assure une dureté correcte pour un usage en percussion lancée. De très nombreux fragments de plaquettes ou de galets en schiste ont été découverts lors des fouilles, mais un seul portait des traces d’usage perceptibles.
4.4.1.2 Typologie
255Cet outillage sur galet est diversifié et huit types ont été différenciés.
256Les galets allongés (5 pièces, fig. 122, nos 1, 3, fig. 124) ont une longueur qui varie entre 15 et 22 cm pour une largeur comprise entre 4 et 6 cm. Trois d’entre eux sont réalisés sur des galets d’arkose, un en grès briovérien et un en schiste. Les deux exemplaires entiers en arkose possèdent des étoilures de percussion importantes à leurs extrémités, qui les ont aplatis régulièrement. Le plus petit des deux porte des traces de bouchardage peu régulières qui indiquent un usage en percussion lancée exclusif. Le plus grand porte des plages bouchardées régularisées qui témoignent d’un usage complémentaire en percussion posée (broyage, façonnage...), ce qui n’exclut pas un usage en percussion lancée, comme l’indiquent les esquillements d’usage présents. Le galet allongé en grès briovérien porte des étoilures d’impacts régularisées qui déterminent des doubles biseaux aux deux extrémités (fig. 124). La localisation des zones bouchardées sur l’extrémité non esquillée exclut presque totalement un usage en percussion lancée. En revanche, la formation de ce double biseau pourrait être liée à des activités de façonnage d’outils lithiques par percussion posée. C’est du moins ce qui ressort de récentes expérimentations (Ricou 1996). L’autre extrémité devait avoir la même fonction mais un usage postérieur en percussion lancée l’a fortement esquillé et a masqué une grande partie des plages utilisées. Le quatrième galet allongé est fragmenté et les extrémités ont disparu ; quelques aménagements sont présents sur un de ses côtés. Le dernier galet, en schiste, porte des étoilures de percussion aux deux extrémités qui déterminent des plages bouchardées irrégulières.
257Parmi les neuf galets oblongs (fig. 123), sept sont réalisés sur des galets de grès ordovicien (d’une dizaine de centimètres de longueur pour environ sept de largeur), un sur galet d’arkose et un en grès de May. Leurs traces d’usage se divisent en trois catégories. L’un d’entre eux porte uniquement une retouche à son extrémité qui détermine un front rectiligne ; cette pièce peut s’apparenter à un grattoir (fig. 123, no 4). Quatre autres possèdent des étoilures de percussion lancée assez diffuses, ainsi que quelques enlèvements parasites. Ces stigmates peuvent être liés à la percussion du silex dans le cadre de la production d’éclats. Les quatre derniers possèdent des petites plages très usées, faiblement concaves, qui déterminent un usage en percussion posée assez intense. Aucune étoilure de percussion lancée n’est présente et il est peu probable que ces pièces aient été utilisées dans le cadre du débitage. En revanche, un usage comme broyon, en relation avec des pièces passives (cf. infra § 4.4.2 Le matériel de mouture) est envisageable.
258Deux galets aplatis ont aussi été collectés (fig. 122, no 2). Le premier mesure 16 cm de longueur, 8 de largeur et 3 d’épaisseur. Il est en arkose et ses stigmates d’utilisation se rapprochent de ceux observés sur les galets allongés. Il possède une large plage bouchardée régulière (légèrement facettée) à son extrémité, comparable à celle du plus grand galet allongé (broyon). L’autre extrémité porte des traces de bouchardage et de grands esquillements d’usage. Ces stigmates suggèrent un usage en percussion lancée, éventuellement dans le cadre du débitage (Ricou, Esnard 1998 ; Ghesquière ét al. 2000a). Une des faces latérales de la pièce possède une petite zone bouchardée liée à de grands esquillements. L’utilisation de cette face dans le cadre du débitage n’est pas certaine. La seconde pièce, en grès briovérien, porte des stigmates comparables : étoilures et enlèvements de percussion sur les tranches du galet.
259Les fragments de galets, de diverses natures pétrographiques, portent des étoilures et des esquillements de percussion qui indiquent qu’ils sont liés de façon probable aux activités de débitage du silex. Un fragment, en grès de May, porte des facettes usées (en biseau obtu) qui sont à rapprocher d’une percussion posée de type broyage (fig. 122, no 6). La fragmentation de ces galets ne semble pas être le fait de leur usage car les cassures n’interviennent pas dans le sens de l’utilisation des pièces (bris central). Une action intentionnelle ne peut pas être exclue.
260Deux « disques » forment la catégorie de pièce la plus énigmatique du gisement La première mesure 4 cm de diamètre pour 7 mm d’épaisseur maximale (fig. 122, no 5). Elle a été entièrement façonnée par l’usure de ses bords. Elle est réalisée dans du micaschiste, roche que l’on ne retrouve quasiment qu’en contexte breton. Il existe toutefois une possibilité pour quelle soit issue de Flamanville (à 50 km du gisement, sur la côte ouest du Cotentin). Quoi qu’il en soit, cette roche n’appartient pas au contexte local et elle résulte d’échanges (acquisition directe ou indirecte). C’est un des rares objets du gisement (avec une pointe de flèche et une hache polie) qui soit réalisé dans un matériau exogène. Malgré le fait qu’il ait été découvert au sein d’un dépotoir de l’âge du Bronze, on ne peut pas totalement exclure la possibilité d’une percolation postérieure pour cet objet de relative petite taille. L’attribution au contexte peut donc être considérée comme très probable mais pas tout à fait certaine. La seconde pièce est en schiste vert-bleu (fig. 125). Il s’agit d’un fragment d’un disque de 20 cm de diamètre dont le tour a été entièrement façonné par bouchardage et régularisé par « polissage ». Le centre du cercle semble avoir été travaillé également (réduction de l’épaisseur et découpage d’une ouverture carrée). Il est possible que cette pièce ait été façonnée dans le but d’être utilisée comme couvercle de céramique ; c’est du moins ce que suggèrent sa forme et son diamètre. Elle semble en effet nettement trop grande pour être interprétée comme une ébauche de bracelet (Marcigny et al. 1999).
261L’enclume (fig. 122, no 4), un galet très massif en grès ordovicien, possède les caractéristiques d’un petit modèle : une base stable et une extrémité arrondie portant de nombreux impacts de percussion. Cette pièce pouvait être utilisée comme support passif dans le cadre du débitage ou du façonnage des outils en silex.
262Un petit fragment d’une plaquette en grès de May est présent. Il ne possède aucunes traces d’usage. Un deuxième, en grès de May, porte un lissage régulier sur une de ses faces et le dernier, en grès briovérien, porte un léger lustré sur une de ses faces.
263Un petit éclat en grès de May est présent. Il s’est probablement détaché lors de l’usage d’un galet en percussion lancée.
4.4.1.3 Utilisation
264Les galets sont liés à des usages qu’il est parfois difficile de distinguer. On a une utilisation possible dans le cadre du débitage ou de la retouche (des silex ou des outils de mouture), représentée par les galets à étoilures de percussion et esquillements et probablement certains à biseau. Par ailleurs, d’autres possèdent des plages usées qui témoignent davantage d’un emploi comme broyon. Certains galets pouvaient toutefois posséder ces deux usages simultanément ou successivement. Le passage d’une percussion lancée à une percussion posée (et inversement) entraîne la disparition des stigmates précédents (dans le cas d’un usage prolongé), ce qui nous prive sans aucun doute d’une grande partie de l’information. Les plaquettes lissées sont liées à un emploi qu’il est plus délicat d’appréhender. Il est possible qu’elles soient utilisées pour la mouture ou le façonnage de hampes de flèche (Gob, Pirnay 1980). Enfin, pour l’ensemble des galets, une abrasion volontaire pour préparer l’extrémité du galet à un usage en percussion posée ou lancée n’est pas à exclure.
4.4.2 Le matériel de mouture. tabl. xii
265Les outils de mouture regroupent les artefacts liés à la transformation du fruit des récoltes et de la cueillette en produit d’alimentation par écrasement. La littérature, sur ce sujet, est assez pauvre bien quelle tende à s’étoffer sous l’impulsion de quelques chercheurs. La première raison de méconnaissance du sujet réside dans l’absence d’évolution entre le Néolithique et l’apparition des moulins rotatifs au début du ive s. avant notre ère en Espagne (Buxo I Capdevillar 1991). La seconde raison est d’ordre beaucoup plus pratique et concerne la phase de fouille et de traitement primaire du mobilier (échantillonnage directement sur le terrain aléatoire et sujet à caution, indifférence face à un matériau de prime abord peu parlant). Par exemple, à Tatihou, où on a pris le parti de collecter l’ensemble du lithique, sur le nombre de blocs prélevés et lavés (certains dépassant les 40 kg) seulement 30 % d’entre eux présentaient une surface active. Cinquante-huit pièces ont été retenues pour cette étude.
266Comme le laisse supposer l’étude carpologique (cf infra § 5.2), les céréales étaient une composante essentielle de l’alimentation. La mouture est l’avant-dernier maillon de la chaîne de transformation des denrées alimentaires avant la cuisson (Matterne et al. 1998). Cette activité devait être assez intensive si l’on considère qu’il faut une heure et demi pour produire 1 kg de farine (Audouze, Buchsenschutz 1989).
267Le matériel a été découvert en contexte détritique, cinquante-et-une pièces dans les fossés (dont les deux entières), quatre dans des fosses, une dans un four (utilisée en couverture de l’alandier) et une dans un trou de poteau (utilisée en calage). Ces deux dernières sont les seuls cas de réemploi ; malgré l’observation attentive de chaque pierre de calage, aucun stigmate résultant d’une utilisation antérieure, en outil de mouture, n’a pu être décelé. Mis à part ces deux artefacts, le reste du matériel a été découvert dans sa phase d’abandon, à des degrés d’utilisation plus ou moins marqués. La meule 604, par exemple, a été fortement piquetée mais n’a pas été utilisée après cette phase de réfection. Au contraire, la meule 603 a été utilisée au maximum de ces capacités : l’épaisseur restante ne permettant pas une réfection supplémentaire.
268Certaines sections de fossés présentent de fortes concentrations de meules (les fossés 13 et 61 ; fig. 126, 127). L’hypothèse d’un renouvellement ponctuel de tout l’outillage peut être envisagée sans toutefois écarter la possibilité d’un « nettoyage » de l’aire de mouture encombrée par tous les outils usagés.

FIG. 126. Le matériel de mouture, phase 1. a représentation des différents matériaux utilisés ; b plan de répartition (P meule plate ; I meule inclinée ; C meule concave ; M molette ; X indéterminé).
269La corrélation entre les sections de fossés contenant des outils de mouture et les bâtiments les plus proches n’a pas permis de mettre en évidence des « aires de mouture » spécifiques. Cependant, une section du fossé 13 qui comporte un dépôt important se trouve à proximité du bâtiment 25 dont la fonction semble être résidentielle. D’autres dépôts sont assez proches de greniers et certaines pièces restent éloignées de tout bâtiment. La violence des vents sur l’île permet de supposer que la mouture devait s’effectuer dans une aire abritée.
270Les granités représentent 42,2 % des pièces de cette étude, ce chiffre ne tenant compte que des pièces prélevées. En effet, de nombreux blocs n’ont pu être ramassés en raison de leur état de conservation. La pyrofraction et la gélifraction désagrègent littéralement le granite à gros grain. Le granité est la roche prédominante sur le littoral, il s’agit d’un granité porphyrique (roche magmatique à grands cristaux de feldspath). Il a été principalement utilisé pour la fabrication de meules passives (68 %), car la présence de gros grains améliore « l’accroche » et la préparation d’une surface rugueuse est facilitée par la granulométrie de la roche. Les molettes représentent 24 % des pièces en granité. Ici le choix du matériau semble se porter sur un granite dont les grains sont plus fins et plus serrés.
271Les arkoses prédominent pour ce type d’artefact ; celles-ci, de par leur nature, ont subi moins de dégradations que le granite (en particulier lorsqu’elles sont chauffées). 47,4 % des pièces sont en arkose cambrienne. L’intérêt de l’utilisation de cette roche réside dans le fait qu’elle contient des quartz qui lui donnent des propriétés abrasives importantes, très proches du grès. L’arkosc se différencie cependant de ce dernier par sa concentration plus élevée en feldspath. La forme des galets roulés que l’on trouve sur la côte est adéquate pour une utilisation comme molette (22,22 %) ou en meule passive pour les plus grands blocs (51,86 %).
272Quatre pièces sont en grès de May. C’est un grès quartzeux riche en hématite provenant des terrains ordoviciens. Trois des pièces sont des meules passives, et une est indéterminée quant à sa fonction. Une des pièces est en paléobasalte, ou spilite, roche volcanique microlithique basique du briovérien inférieur du Val de Saire. Une dernière variété de roche est représentée par une meule en schiste ardoisier du briovérien.
273Les roches, toutes d’origine locale, proviennent de ramassages sur la côte, ce qui explique la diversité pétrographique. Ces matériaux sont encore présents sur la plage actuelle et les gisements en place se situent tous dans un rayon de moins de 15 km du site. La forme paraît être le critère déterminant du ramassage, les traces de façonnage étant assez rares. De même, la corrélation entre le choix de la roche et son utilisation se manifeste par les caractères de granulométrie et de résistance des matériaux retenus.
4.4.2.1 Description des pièces. fig. 128-138
274L’état de fragmentation, la forme aléatoire des blocs utilisés, la durée et le type d’utilisation des outils ainsi que le nombre de réfections sont des facteurs qui ne permettent pas d’établir une typologie précise au sens strict du terme. Cependant, l’observation de la surface de travail, du dos de l’objet ainsi que son état au moment de l’abandon fournissent de précieux renseignements concernant l’utilisation des pièces.
275Les pièces passives (36 individus, fig. 128-131, 134, 137) dites aussi « dormantes » subissent le va-et-vient de la molette dans un mouvement de translation pour la mouture et de rotation pour le broyage. Elles se présentent sous la forme de blocs plus ou moins quadrangulaires, parfois mis en forme, comme en témoignent les quelques traces d’enlèvements qui ont été observées. Il s’agit ici de percussions lancées à l’aide d’un percuteur en roche dure (vraisemblablement en grès). Cependant la plupart des blocs, bien que cassés, semblent être bruts. Il est toutefois assez difficile, dans cet environnement maritime et dans le contexte détritique, de différencier les cassures naturelles et fortuites des enlèvements intentionnels.
276Le piquetage est une constante dans l’élaboration de la surface de travail. Cette technique permet l’obtention d’une surface rugueuse pour « accrocher » le grain et le réduire en farine. Ces traces sont plus ou moins visibles selon l’emprise et la profondeur du polissage. En effet, celui-ci réduit l’efficacité de la meule et oblige l’utilisateur à procéder à de nombreux repiquetages qui sont probablement un des facteurs de diversité pour l’épaisseur des blocs et une indication pour la durée d’utilisation. Les surfaces de travail les plus concaves résultent d’une utilisation prolongée, les repiquetages successifs régularisent petit à petit la surface. Si le piquetage s’étend sur l’ensemble de la surface de travail, cela aura pour effet de préserver la forme originelle du bloc et d’en réduire l’épaisseur. Les pièces présentant un plan de travail plat sont majoritaires (28 individus).
277Une surface plane est plus propice à la mouture, la concavité gênant la translation de la molette. Par contre une surface concave est plus indiquée pour le broyage qui imprime un mouvement rotatif à la molette. Trois meules présentent une concavité. Cela implique une préparation spécifique et intentionnelle. En effet, dans ce cas, l’enlèvement de matière est ciblé sur le centre du bloc. Cinq meules ont une surface de travail à plan incliné. Leurs dos sont plats et stables, contrairement aux meules dites « en chapeau de Napoléon » (tétraèdre aplati) qui étaient destinées à être calées, comme c’est courant en Allemagne à l’âge du Fer (Audouze, Buchsenschutz 1989). L’inclinaison du plan de travail permet de récupérer les issues de la mouture en contrebas et de continuer l’activité sans avoir à nettoyer la meule. En contrepartie, la quantité de matériau à moudre doit être moindre pour « tenir » sur la meule et être renouvelée fréquemment. Ce procédé est-il plus rapide ? Seule l’expérimentation pourrait répondre à cette question. L’intérêt du plan incliné réside plutôt dans le fait que la molette exerce une action constante de haut en bas alors que sur une meule plate, la pression de la molette diminue sensiblement en fin de course.
278Les pièces actives (13 individus, fig. 131, 132, 135) ou « mains de meule » sont les outils qui permettent de moudre ou de broyer le grain par un mouvement linéaire de va-et-vient ou de rotation. À Tatihou, elles se présentent sous la forme de galets oblongs. Le plus petit a une longueur maximale de 5,5 cm et le plus long 34,5 cm. La moyenne des pièces est de 14,5 cm. La hauteur des galets varie de 1 à 10,5 cm (5,2 cm en moyenne). Le poids des molettes est compris entre 166 et 4 500 g, soit en moyenne 1 232 g.
279Il est intéressant de noter que toutes les molettes qui proviennent de la phase 1 sont en arkose tandis que celles extraites des structures rattachées aux phases 2 et 3 sont en granite (fig. 133, 136). Cependant, la mise en parallèle de l’étude des molettes en arkose et de celles en granite n’a pas permis de mettre en évidence leurs caractères de différenciation. Les deux roches ayant des propriétés abrasives semblables, l’abandon de l’arkose pour le granite semble résulter d’une opportunité de ramassage plus que d’un choix.

FIG. 133. Le matériel de mouture, phase 2. a représentation des différents matériaux utilisés ; b plan de répartition (P meule plate ; I meule inclinée ; C meule concave ; M molette ; X indéterminé).

FIG. 136. Le matériel de mouture, phase 3. a représentation des différents matériaux utilisés ; b plan de répartition (P meule plate ; I meule inclinée ; C meule concave ; M molette ; X indéterminé).
280Pour la phase 1, huit pièces sont brûlées. Il s’agit de six meules plates, d’une meule inclinée et d’une molette. Pour la phase 2, une meule plate est brûlée. Deux meules plates chauffées ne sont pas attribuées à une phase précise. L’intentionnalité de chauffe des blocs est difficile à mettre en évidence. Cependant, l’utilisation de bloc comme « pierre de chauffe » est attestée pour cette période.
281L’outil 427 est une tablette épaisse de 4,3 cm dont le pourtour, de couleur noire, est brûlé tandis que son centre ne présente pas les mêmes stigmates (fig. 138). Il peut s’agir d’une plaque destinée à la cuisson du pain (ou d’une galette), lequel aurait laissé son empreinte. Cette méthode de cuisson est connue depuis le Néolithique. On retrouve ce procédé à Charavines : « Une plaque de pâte était modelée dans un panier puis placée sur une plaque en schiste chauffée... » (Bocquet 1994). Ici le schiste est remplacé par une dalle de granité. Les meules 411, 418 et 432 peuvent avoir eu le même usage, cependant seule une analyse approfondie des microrestes permettrait de confirmer une telle utilisation.
4.4.2.2 Conclusions
282Le caractère semi-insulaire du site, la diversité des roches et leur abondance sur le rivage ne permettent pas de mettre en évidence des réseaux d’approvisionnement en matériaux comme pour les sites de plaine. Dans ce contexte, le rapport entre l’homme et l’outil s’en trouve modifié. En effet, on ne peut probablement pas comparer l’utilisation et le soin apporté à une meule que l’on a été chercher à plusieurs kilomètres avec celle que l’on ramasse sur la plage à une centaine de mètres de l’habitat.
283Les caractéristiques des blocs renforcent l’aspect pratique et opportun de la collecte. L’abandon des pièces se fait souvent avant que le seuil maximal d’utilisation ne soit atteint.
284Malgré ces remarques, la place des instruments de mouture au sein du cadre domestique reste essentielle, si l’on considère les habitudes alimentaires de l’époque (préparation liquide ou semi-liquide de céréales et de légumineuses).
285Il se peut que ces outils aient servi dans d’autres préparations que la farine : écrasement de végétaux, de fruits à coque, de colorants... Par contre, les traces d’usure ne semblent pas correspondre à l’écrasement des minéraux utilisés comme dégraissants pour les activités potières. En effet, les céramiques retrouvées sur le site ont un dégraissant à base d’arène granitique pilée mais aucune meule ne présente de stigmates particuliers représentatifs de cette activité.
286Le problème des aires de mouture reste en suspens. Aucune des pièces n’a été trouvée en place. Si l’on se réfère aux sites contemporains ou aux exemples ethnologiques, les outils de mouture semblent avoir une place bien définie dans l’habitat : souvent le long des murs ou près des foyers.
4.5 Conclusions
287La qualité documentaire et l’originalité du mobilier céramique et lithique découvert à Tatihou ont permis de renouveler totalement les corpus disponibles pour la fin du Bronze ancien et le Bronze moyen dans la région, et plus généralement dans l’ouest de la France.
288La série datée de la fin de l’âge du Bronze ancien et de l’âge du Bronze moyen présente de fortes affinités avec les ensembles des habitats du nord de la France et du Royaume-Uni. Lors de l’étude, l’accent a été mis particulièrement sur le mobilier lithique ; l’analyse de ce type de mobilier dans un contexte de l’âge du Bronze est un cas de figure encore tellement peu répandu que cela a motivé son examen détaillé. Le site permet en effet, pour la première fois dans l’ouest de la France, de mener un travail de fond sur cette industrie qui semble tenir une place finalement encore très importante sur un grand nombre d’occupations de cette période. L’abondance et le calage stratigraphique des silex taillés à Tatihou ont permis de renouveler la perception de ce type de vestiges dans la région. L’étude a mis en évidence l’évolution lente des assemblages lithiques durant le Bronze ancien et le début du Bronze moyen, époque dominée par les éclats retouchés/denticulés et les grattoirs, à côté de quelques rares pièces exogènes (hache polie, pointe de flèche à base concave).
289Mais un des apports les plus essentiels de ce travail demeure les parallèles établis avec les corpus du Bronze ancien et du Bronze moyen de l’Angleterre, bien marqués sur le mobilier céramique et lithique de Tatihou à l’instar des résultats obtenus dans le nord de la France (Desfossés 1992), dans la vallée de l’Aisne (Brun, Pommepuy 1987) ou en Bretagne (Briard 1984). En Basse-Normandie, la découverte de sites de la fin de l’âge du Bronze et du début de l’âge du Fer a permis de compléter le champ des comparaisons et a démontré la présence de liens forts unissant les deux rives de la Manche de la fin du Néolithique au premier âge du Fer : « l’entité culturelle nord-occidentale » de P. Brun et C. Pommepuy à laquelle on préférera le terme de « complexe technoculturel littoral Manche-mer du Nord », actuellement en cours de définition. Une première synthèse réalisée à partir des résultats obtenus en Basse-Normandie et des éléments comparatifs du nord-ouest de l’Europe permet de proposer l’existence d’une unité culturelle forte à la fin du Bronze ancien et au Bronze moyen/final (Marcigny 2001). Ceci est perceptible à l’examen des mobiliers céramique et lithique ainsi que dans une moindre mesure pour le mobilier métallique (objets de même type des deux côtés des rives de la Manche). Ces points communs concernent aussi les structures mêmes de l’occupation de l’espace, en particulier la présence de parcellaires lotis et de bâtiments circulaires. L’existence d’un complexe technoculturel unique est suggéré. Il occuperait les zones côtières et sub-côtières de la Manche et de la mer du Nord et aurait pu perdurer jusqu’au début de l’âge du Fer (Plein Ware), après quoi le groupe se serait disloqué sous la poussée culturelle de groupes de l’est de la France.
290À un autre niveau, le travail engagé sur le mobilier et les structures du site de Tatihou a permis de redynamiser la recherche régionale. Il se prolonge dans le cadre d’un PCR (coordonné par les auteurs et A. Verney) où la plupart des séries locales anciennes sont réexaminées.
Table des illustrations
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Légende | FIG. 55. Plan de répartition du mobilier céramique, phase 1. |
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Légende | FIG. 56. Plan de répartition du mobilier céramique, phase 2. En pointillé : fossés de la phase précédente. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 23k |
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Légende | FIG. 57. Plan de répartition du mobilier céramique, phase 3. En pointillé : fossés des phases précédentes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-3.jpg |
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Légende | FIG. 58. Phase 1 : mobilier de la structure 13. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-4.jpg |
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Légende | FIG. 59. Phase 1 : mobilier des structures 13 et 437. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-5.jpg |
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Légende | FIG. 60. Phase 1 : mobilier des structures 61, 485, 788, 631 et 76. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-6.jpg |
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Légende | FIG. 61. Phase 1 : mobilier des structures 68 et 251 |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-7.jpg |
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Légende | FIG. 62. Les décors céramiques de la phase 1 : sur pâte humide, incisions horizontales recoupées par un décor de chevrons emboîtés (vase no 13-6). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-8.jpg |
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Légende | FIG. 63. Les décors céramiques de la phase 1 : cannelures horizontales sous le bord. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-9.jpg |
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Légende | FIG. 64. Phase 1 : mobilier des structures 530, 85, 145 et 520. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-10.jpg |
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Légende | FIG. 65. Phase 1 : mobilier des structures 700, 602, 725, 740 et 101. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-11.jpg |
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Légende | FIG. 66. Phase 1 : mobilier des structures 453, 149, 541, 746 et 554. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-12.jpg |
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Légende | FIG. 67. Phase 1 : mobilier des structures 817 et 821. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-13.jpg |
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Légende | FIG. 68. Phase 2 : mobilier de la structure 155. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-14.jpg |
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Légende | FIG. 69. Phase 2 : mobilier de la structure 155. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-15.jpg |
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Légende | FIG. 70. Phase 2 : mobilier de la structure 155. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-16.jpg |
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Légende | FIG. 71. Phase 2 : mobilier de la structure 155. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-17.jpg |
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Légende | FIG. 72. Phase 2 : mobilier des structures 270, 143 et 13’. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-18.jpg |
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Légende | FIG. 73. Phase 2 : mobilier de la structure 277. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-19.jpg |
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Légende | FIG. 74. Phase 2 : mobilier de la structure 913. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-20.jpg |
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Légende | FIG. 75. Phase 2 : mobilier des structures 458, 395 et 84. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-21.jpg |
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Légende | FIG. 76. Les décors : boutons collés encadrés par des cordons lisses et des anses (vase no 155-1). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-22.jpg |
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Légende | FIG. 77. Phase 3 : mobilier de la structure 250. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-23.jpg |
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Légende | FIG. 78. Mobilier des enclos circulaires 663 et 514. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-24.jpg |
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Légende | FIG. 79. Mobilier de l’âge du Bronze attribué à aucune phase (structures 717, 531, 763, 767, 330, 718, 266, 613, 605, 723 et 769). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-25.jpg |
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Légende | FIG. 80. Mobilier de l’âge du Bronze provenant des structures modernes ou gallo-romaines (structures 502, 11, 498, 12, 493, 489, 129, 471, 398, 464, 140, 645 et 446). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-26.jpg |
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Légende | FIG. 81. Schéma typologique des récipients de la phase 1. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-27.jpg |
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Légende | FIG. 82. Comparaisons typochronologiques. 1, 2 groupe de Trevisker, au sud-ouest de l’Angleterre ; 3 récipient découvert en association avec du Campaniforme à Stainsby ; 4 (Crouy, Somme), 5 (Saint-Just, îlle-et-Vilaine) : groupe des Urnes à décor plastique. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-28.jpg |
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Légende | FIG. 83. Comparaisons typochronologiques. Le répertoire céramique du groupe Green Knowe style, au nord de l’Angleterre et en Écosse. 1‑6 Green Knowe, Peeblesshire ; 7-8 Culbin Sands, Wlorayshire ; 9‑11 Dalnaglar, Pertshire ; 12 Myrehead, Falkirk. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-29.jpg |
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Légende | FIG. 84. Schéma typologique des récipients de la phase 2. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-30.jpg |
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Légende | FIG. 85. Schéma typologique des récipients de la phase 2. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-31.jpg |
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Légende | FIG. 86. Comparaisons typochronologiques. 1-3 le répertoire céramique Deverel-Rimbury, du sud de l’Angleterre ; 4 le répertoire céramique Hilversum/ Drakenstein (les tumulus du Muziekberg à Ronse, Belgique). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-32.jpg |
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Légende | TABL. VII. Présentation des critères typologiques par phase. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-33.jpg |
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Légende | FIG. 87. Mise en phase du corpus céramique en fonction du diagramme stratigraphique proposé lors de l’étude des fossés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-34.jpg |
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Légende | FIG. 88. Chronologie-évolution du corpus céramique à partir d’une coupe schématique réalisée au niveau du recoupement des fossés 13, 13’ et 155. À gauche les récipients de la phase 1, à droite les récipients de la phase 2. La coupe met bien en évidence le caractère continu de l’évolution des structures ; les trois grandes phases correspondent à de grands ensembles (dans le fossé 155 aucune variation typologique n’a pu être identifiée entre les récipients de l’US 1 et de l’US 2). |
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Légende | FIG. 89. Le répertoire céramique des sites bas-normands de la fin du IIIe millénaire et du Bronze ancien. |
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Légende | FIG. 90. Le répertoire céramique des sites du Bronze moyen bas-normands : a Mondeville/ZI sud ; b Mondeville/L’Étoile. |
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Légende | FIG. 91. Les pesons. a structure 266 ; b structure 155. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-38.jpg |
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Légende | TABL. VIII. Tableau récapitulatif de l’ensemble des artefacts lithiques découverts en 1996, 1997 et 1998 (S sain ; C cortical ; B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total). |
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Légende | TABL. IX. Récapitulatif des artefacts de la phase 1 (S sain ; C cortical, B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total). |
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Légende | TABL. X. Récapitulatif des artefacts de la phase 2 (S sain ; C cortical ; B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total). |
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Légende | TABL. XI. Récapitulatif des artefacts de la phase 3 (S sain ; C cortical ; B brûlé ; BC brûlé cortical ; T total). |
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Légende | FIG. 92. Plan de répartition du mobilier lithique de la phase 1. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-43.jpg |
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Légende | FIG. 93. Plan de répartition du mobilier lithique de la phase 2. En pointillé : fossés de la phase précédente. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-44.jpg |
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Légende | FIG. 94. Plan de répartition du mobilier lithique de la phase 3. En pointillé : fossés des phases précédentes. |
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Fichier | image/jpeg, 23k |
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Légende | FIG. 95. Schémas diacritiques du débitage. |
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Légende | FIG. 96. Galets testés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-47.jpg |
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Légende | FIG. 97. Nucléus unipolaires. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-48.jpg |
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Légende | FIG. 98. Nucléus sur éclats (1/2 galet). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-49.jpg |
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Légende | FIG. 99. Débitage sur enclume de « type côtier ». |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-50.jpg |
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Légende | FIG. 100. Nucléus bipolaires. 1, 2 première catégorie (type choppings tools) ; 3. 4, 5 seconde catégorie. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-51.jpg |
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Légende | FIG. 101. Nucléus croisés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-52.jpg |
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Légende | FIG. 102. Nucléus. 1 nucléus prismatique ; 2 nucléus multipolaire. |
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Légende | FIG. 103. Nucléus discoïdes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-54.jpg |
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Légende | FIG. 104. Courbes de longueur (a) et de longueur/largeur (b) des artefacts. Les barres tramées représentent les courbes de l’outillage. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-55.jpg |
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Légende | FIG. 105. a Longueurs/largeurs des artefacts bruts de débitage ; b longueurs/largeurs des outils. |
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Légende | FIG. 106. Outillage lithique : 1 outil prismatique ; 2 éclat épais retouché ; 3 couteau à dos ; 4 lamelle retouchée ; 5 éclat à retouche plate bifaciale ; 6‑11 éclats tronqués. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-57.jpg |
Fichier | image/jpeg, 57k |
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Légende | FIG. 107. Outillage lithique : 1-13 racloirs. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-58.jpg |
Fichier | image/jpeg, 59k |
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Légende | FIG. 108. Outillage lithique : 1-4 micrograttoirs ; 5, 6 grattoirs/racloirs ; 7, 14 grattoirs museau ; 8, 16 grattoirs à deux bords retouchés ; 9, 11, 12, 15 grattoirs simples sur éclat ; 10 pseudo-grattoir ; 13 grattoir double. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-59.jpg |
Fichier | image/jpeg, 67k |
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Légende | FIG. 109. Outillage lithique : 1-3 grattoirs carénés ; 4 grattoir à front étroit quasi rectiligne ; 5, 7-10 grattoirs simples sur éclat ; 6 grattoir/racloir. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-60.jpg |
Fichier | image/jpeg, 63k |
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Légende | FIG. 110. Outillage lithique : 1, 2, 7-10, 12 grattoirs simples sur éclat ; 3, 4 micrograttoirs ; 5 grattoir-museau ; 6, 11 grattoirs à front étroit quasi rectiligne. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-61.jpg |
Fichier | image/jpeg, 52k |
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Légende | FIG. 111. Outillage lithique : 1 grattoir à deux bords retouchés ; 2 grattoir simple sur éclat ; 3-5 grattoirs à front étroit quasi rectiligne. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-62.jpg |
Fichier | image/jpeg, 31k |
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Légende | FIG. 112. Outillage lithique : 1-4, 8 éclats épais denticulés ; 5, 6 éclats épais retouchés ; 7 éclat très retouché. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-63.jpg |
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Légende | FIG. 113. Outillage lithique : 1 couteau à dos ; 2 éclat épais retouché ; 3, 8 10 éclats à coche unique ; 4-7 éclats minces denticulés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-64.jpg |
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Légende | FIG. 114. Outillage lithique : 1-3 éclats épais denticulés ; 4, 5, 8, 9 éclats à retouche mince régulière ; 6 éclat à retouche plate bifaciale ; 7, 10 éclats à retouche longue. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-65.jpg |
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Légende | FIG. 115. Outillage lithique : 1-6 éclats à retouche mince régulière ; 7‑9 éclats à retouche longue ; 10, 11 éclats épais denticulés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-66.jpg |
Fichier | image/jpeg, 58k |
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Légende | FIG. 116. Outillage lithique : 1, 5, 9, 12 armatures perçantes ; 2‑4, 6 armatures tranchantes ; 7, 8 fragments de haches polies ; 10 éclat à retouche épaisse ; 11 burin. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-67.jpg |
Fichier | image/jpeg, 52k |
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Légende | FIG. 117. Outillage lithique : 1, 2 outils prismatiques ; 3-6, 12 lame(lle) s retouchées ; 7 pseudo-tranchet ; 8 burin ; 9-11 becs. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-68.jpg |
Fichier | image/jpeg, 60k |
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Légende | FIG. 118. Outillage lithique : 1-7 microdenticulés ; 8-13 couteaux à dos. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-69.jpg |
Fichier | image/jpeg, 61k |
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Légende | FIG. 119. Hypothèses d’utilisation du poids de filet : 1 en poids de filet de type Senne ; 2 en ligne de fond. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-70.jpg |
Fichier | image/jpeg, 43k |
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Légende | FIG. 120. Courbes cumulatives de l’outillage. a séries de l’âge du Bronze ancien et moyen ; b séries du Néolithique final et du Chalcolithique/Bronze ancien. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-71.jpg |
Fichier | image/jpeg, 57k |
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Légende | FIG. 121. Galets utilisés : représentation des différents matériaux. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-72.jpg |
Fichier | image/jpeg, 26k |
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Légende | FIG. 122. Galets utilisés : 1, 3 galets allongés bouchardés ; 2 galet aplati bouchardé ; 4 enclume ; 5 disque ; 6 fragment de galet oblong utilisé (broyon). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-73.jpg |
Fichier | image/jpeg, 33k |
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Légende | FIG. 123.Galets oblongs utilisés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-74.jpg |
Fichier | image/jpeg, 31k |
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Légende | FIG. 124. Galet allongé utilisé. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-75.jpg |
Fichier | image/jpeg, 10k |
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Légende | FIG. 125. Disque en schiste. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-76.jpg |
Fichier | image/jpeg, 17k |
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Légende | TABL. XII. Récapitulatif de l’ensemble des outils de mouture. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-77.jpg |
Fichier | image/jpeg, 199k |
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Légende | FIG. 126. Le matériel de mouture, phase 1. a représentation des différents matériaux utilisés ; b plan de répartition (P meule plate ; I meule inclinée ; C meule concave ; M molette ; X indéterminé). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-78.jpg |
Fichier | image/jpeg, 44k |
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Légende | FIG. 127. Section d’un fossé présentant une concentration de meules et molettes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-79.jpg |
Fichier | image/jpeg, 20k |
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Légende | FIG. 128. Le matériel de mouture, phase 1 : les meules passives. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-80.jpg |
Fichier | image/jpeg, 57k |
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Légende | FIG. 129. Le matériel de mouture, phase 1 : les meules passives. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-81.jpg |
Fichier | image/jpeg, 65k |
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Légende | FIG. 130. Le matériel de mouture, phase 1 : les meules passives. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-82.jpg |
Fichier | image/jpeg, 56k |
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Légende | FIG. 131. Le matériel de mouture, phase 1 : les molettes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-83.jpg |
Fichier | image/jpeg, 41k |
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Légende | FIG. 132. Le matériel de mouture : molette no 437 |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-84.jpg |
Fichier | image/jpeg, 8,1k |
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Légende | FIG. 133. Le matériel de mouture, phase 2. a représentation des différents matériaux utilisés ; b plan de répartition (P meule plate ; I meule inclinée ; C meule concave ; M molette ; X indéterminé). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-85.jpg |
Fichier | image/jpeg, 43k |
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Légende | FIG. 134. Le matériel de mouture, phase 2 : les meules passives. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-86.jpg |
Fichier | image/jpeg, 66k |
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Légende | FIG. 135. Le matériel de mouture, phase 2 : les molettes. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-87.jpg |
Fichier | image/jpeg, 12k |
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Légende | FIG. 136. Le matériel de mouture, phase 3. a représentation des différents matériaux utilisés ; b plan de répartition (P meule plate ; I meule inclinée ; C meule concave ; M molette ; X indéterminé). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-88.jpg |
Fichier | image/jpeg, 47k |
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Légende | FIG. 137. Le matériel de mouture, phase 3 : les meules passives. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-89.jpg |
Fichier | image/jpeg, 28k |
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Légende | FIG. 138. Le « plat à pain » no 427. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/23318/img-90.jpg |
Fichier | image/jpeg, 11k |
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003