1 Voir l’introduction générale de l’ouvrage.
2 Un processus sur lequel nous disposons désormais de nombreux travaux d’historiens, parmi lesquels, notamment, Ruellan (1997), Martin (1997) et Delporte (1999). Voir dans le cas américain : Schudson (1978), Brennen et Hardt (1995), Dooley (1997).
3 E. Hughes définit ainsi ces notions : « On peut dire qu’un métier existe quand un groupe de gens s’est fait reconnaître la licence exclusive d’exercer certaines activités en échange d’argent, de biens ou de services. Ceux qui disposent de cette licence, s’ils ont le sens de la solidarité et de leur propre position, revendiqueront un mandat pour définir les comportements que devraient adopter les autres personnes à l’égard de tout ce qui touche à leur travail » (Hughes, 1996, p. 99).
4 Le dispositif de la CCIJP n’interdit pas à des non-titulaires de la carte (correspondants locaux, animateurs de télévision, collaborateurs externes réguliers des journaux et des émissions, cyberjournalistes amateurs, etc.) d’exercer le même type d’activité que les journalistes disposant d’une carte, et ainsi de les concurrencer.
5 Voir par exemple Pinto (1984), pour une analyse de la façon dont s’opèrent certains cumuls de position entre les mondes du journalisme, de l’édition et de l’Université.
6 Comme le fait remarquer avec force Florent Champy (2009), dans la mesure où le point de vue déconstructionniste invite à tenir pour une simple rhétorique au service d’intérêts sociaux particuliers, les revendications à l’autonomie qui émanent des professions assises sur des « pratiques prudentielles », il n’est pas le mieux placé pour défendre le principe de cette autonomie face aux menaces de contrôle extérieur qui pèsent aujourd’hui lourdement sur l’ensemble de ces professions.
7 Le modèle de cette approche, renvoyant dos à dos déconstructionnisme et réalisme naïf, a été donné par Luc Boltanski (1982) dans son travail pionnier sur la formation du groupe des « cadres ».
8 Tout au contraire, serait-on tenté de dire, en suivant les analyses d’Andrew Abbott (1988, p. 98-111), pour qui la spécialisation et la segmentation permettent aux professions, si tant est qu’elles par viennent à produire des définitions plus abstraites et plus générales de leurs tâches, d’étendre plus loin ce qu’il appelle leur « juridiction » (jurisdiction).
9 Sandrine Lévêque se réfère ici aux travaux de Martin (1997, p. 124) et de Delporte (1999, p. 93).
10 Devillard et al. (2001) ; Marchetti et Ruellan (2001).
11 Ainsi sommes-nous face à une sorte de boucle dans laquelle l’organisation de la profession ainsi que son degré d’attractivité sont nécessairement vouées à évoluer, en vertu du type de recrutement que cette organisation favorise actuellement et de l’attractivité qu’elle est en mesure de susciter. On trouve le modèle de ce mécanisme rétroactif dans les analyses consacrées aux effets de dévaluation statutaire que peut produire l’inflation des diplômes (Boudon, 1973).
12 Pour une illustration de cette approche, voir Menger (2002).
13 Pierre-Michel Menger (2009, p. 237-366) a tenté d’insérer le facteur de la « chance » dans l’explication de la réussite professionnelle (spécifiquement, dans le cas des métiers artistiques). Cependant, comme il paraît l’admettre, la chance n’explique jamais rien par elle-même, car il faut toujours, à l’artiste qui réussit, s’être vu reconnaître du talent.
14 Voir, pour une synthèse, Elster (1985). Cette conception étant au cœur de la tradition pragmatiste, chez George Herbert Mead (2006) tout particulièrement, elle a irrigué, par voie de conséquence, l’interactionnisme symbolique et la sociologie goffmanienne. Concernant la sociologie française, l’idée d’individus pluriels a été réhabilitée dans les années 1990 à la suite des travaux de Michaël Pollak (Pollak, 1990 ; Lemieux, 2008b) et de Luc Boltanski et Laurent Thévenot (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Thévenot, 2006). Des auteurs comme François Dubet (1994), Bernard Lahire (1998) et Philippe Corcuff (1999), notamment, l’ont explorée.
15 Comme l’écrit G. H. Mead (2006, p. 213) : « Une personnalité multiple est en un sens normale. » C’est là une différence de vue essentielle par rapport à l’approche ouverte par la notion d’« habitus clivé » qu’a développée Pierre Bourdieu (2004). Cette dernière, en effet, ne s’applique selon son auteur qu’à des cas accidentels (dont le sien propre), la situation « normale » restant, selon lui, celle d’un habitus unitaire et cohérent.
16 Cette perspective permet de conférer un sens nouveau à la notion d’habitus (Lemieux, 2009 p. 131-132).
17 Voir, notamment les contributions d’Éric Lagneau (chapitre 1) et de Marie-Laure Sourp-Taillardas (chapitre 3). Sur la notion de style ainsi entendue, voir Lagneau (2002).
18 C’est, au demeurant, la raison pour laquelle, comme le suggère Marie-Laure Sourp-Taillardas (chapitre 3), style et personnalité doivent être appréhendés, en premier lieu, comme des effets non intentionnels de l’action, leur autocontrôle stratégique restant toujours imparfait et limité.
19 Voir par exemple l’explication de la faute professionnelle commise par un journaliste de l’AFP que propose Éric Lagneau (chapitre 1), en en revenant à la dynamique impulsée chez ce journaliste par une série d’expériences antérieures.
20 Les individus dont les écarts de style sont si grands aux yeux de leurs partenaires que la tolérance de ces derniers à leur égard prend fin ont pour destin social, par définition, d’être marginalisés, sinon exclus. Tel n’est précisément pas le cas des grands innovateurs lorsqu’ils « réunissent ».
21 C’est la perspective que défend Benoît Lenoble à propos d’Hippolyte de Villemessant (chapitre 7), lorsqu’il suggère que la grande inventivité de ce patron de presse résulta de l’importation qu’il fit, en journalisme, de schèmes de raisonnement et de savoir-faire dont il avait acquis la maîtrise dans le monde du commerce de la lingerie féminine, auquel il avait d’abord appartenu. Dans son ouvrage sur Louis Pasteur, Bruno Latour (1984) a développé une explication analogue, suggérant que le génie de ce savant dans le domaine de la biologie lui venait de sa formation initiale dans un tout autre domaine scientifique, celui de la minéralogie et de l’étude des cristaux.
22 Ainsi, comme le fait remarquer à la fin de sa contribution Philippe Riutort (chapitre 4), les innovations que le journaliste du Monde qu’il étudie introduit dans sa propre pratique ont bien peu de chances de se diffuser dans le milieu professionnel tel qu’il est aujourd’hui organisé.