1 La notion d’« épreuve », empruntée à la sociologie pragmatique, nous permet de considérer que le monde extérieur « résiste » au comportement et aux justifications de l’individu, le conduisant parfois à se réajuster à la situation. Nous envisagerons dans ce chapitre deux types d’épreuves : l’« épreuve du monde » et l’« épreuve des autres », amenant l’expert à réaménager son comportement et ses justifications.
2 Jean-Claude Kaufmann a bien décrit ce type de mouvement qui se met en place au cours de l’activité réflexive, lorsqu’il fait référence au mécanisme de la double hélice : « Je dis “hélice” parce que la structuration de l’existence n’a rien de statique ou linéaire. Au contraire, elle se forme dans un noyau tournoyant, croisant manège des événements et des idées. Je dis “double hélice” parce que ce mouvement tournoyant se développe selon deux modalités très différentes, chacune héritière d’un pan d’histoire spécifique, mais, au quotidien, inextricablement mélangées, de manière parallèle ou alternative. La première modalité est ce que l’on pourrait appeler une socialisation pure, sans véritable intervention de la pensée réflexive, héritage des sociétés holistes, où le destin social conférait le sens de la vie. “C’est la logique des choses”, me dit-on alors […]. Y compris quand la vie bascule soudainement dans une nouvelle direction. La seconde modalité fait intervenir à l’inverse, la subjectivité, la mise en images ou en pensées des orientations possibles, et au final, une décision plus ou moins consciente sur les éventuelles rectifications du cours de l’existence » (Kaufmann, 2004, p. 7‑8).
3 Kaufmann, 2004, p. 27.
4 Ces « lyonnais », sans majuscule, ne sont pas des personnes originaires de la ville de Lyon mais des partisans de l’école lyonnaise.
5 Renneville, 2005.
6 Cesare Lombroso (1835-1909) est le père de la théorie du « criminel né ». Très inspiré par les thèses de la phrénologie, il localise la cause du crime dans la forme du cerveau, lui attribuant ainsi une origine biologique.
7 Alexandre Lacassagne, cité dans Renneville, 2005.
8 Voir Mucchielli, 1995.
9 Paul Dubuisson, cité dans Renneville, 2005.
10 A. Lacassagne, cité dans Renneville, 2005.
11 Marcel Colin, cité par Françoise Digneffe, « L’école positive italienne et le mouvement de la défense sociale », dans Christian Debuyst, Françoise Digneffe et Alvaro P. Pires (eds.), Histoire des savoirs sur le crime et la peine, vol. 2, La rationalité pénale et la naissance de la criminologie, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 303.
12 Hochmann, 1968, cité dans Mucchielli, 1997, p. 21.
13 Hochmann, 1968, cité dans Mucchielli, 1997, p. 21.
14 Hochmann, 1968, cité dans Mucchielli, 1997, p. 21.
15 Colin, 1970, p. 218.
16 Colin, 1970, p. 84.
17 Colin, 1970, p. 84.
18 Colin, 1970, p. 83.
19 Voir Hochmann, 1971.
20 Voir Rechtman, 2011 ; Latté, 2008 ; Latté et Rechtman, 2006.
21 Louis Lyotard, « Les relations entre le tribunal et l’institut de criminologie », dans Colin (ed.), 1965, p .464‑474, ici p. 464.
22 Kaluszynski, 1995, p. 215.
23 Ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante qui établit la primauté de l’éducatif sur le répressif. Elle réforme les tribunaux pour enfants et instaure un juge pour enfants. Pour de plus amples détails, voir Mucchielli, 2004.
24 Voir Mucchielli, 1997.
25 Créé sur l’initiative de Philippe Robert, magistrat et sociologue, ce centre se voit confier les statistiques du ministère de la Justice et l’analyse du fonctionnement de l’institution. Ses problématiques d’étude étaient donc liées à l’origine aux besoins formulés par le ministère. En 1983, il s’autonomise pour former l’actuel Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Pour plus de détails, voir Mucchielli, 1997 et 2004.
26 Mucchielli, 2004, p. 33.
27 Mucchielli, 1997.
28 Rappelons ici que les SMPR étant des services psychiatriques ambulatoires, ils ne peuvent officiellement héberger que des hospitalisations psychiatriques de jour. Jusqu’en 2010, date de création de la première UHSA de France à Lyon, les hospitalisations sous contrainte ne pouvaient se faire qu’en milieu psychiatrique fermé extracarcéral via l’article D. 398 du Code de procédure pénale (voir la note c de l’encadré « Le placement des malades mentaux criminels en France »). Cet article a été modifié par le décret no 2010-1635 du 23 décembre 2010.
29 Voir Dubret, 2008.
30 Voir Dodier, 2003 ; et Jaunait, 2003.
31 Les jeunes experts commencent leur carrière en étant nommés avec un expert plus expérimenté.
32 Pélisse et al., 2012.
33 Seuls 38,5 % des experts psychiatres sont inscrits à la compagnie d’experts judiciaires de leur cour d’appel (Pélisse et al., 2012).
34 En dehors toutefois des « jeunes » experts qui vont davantage vers des formations diplômantes. Le rapport de ces psychiatres à la professionnalisation dans l’activité pour le compte de la justice nécessiterait d’ailleurs une étude à part entière, tant ils semblent évoluer par rapport à la génération la plus représentée dans la population des experts psychiatres français au début des années 2000. Dans ce contexte, le rapport à la criminologie évolue également.
35 Pour savoir comment la pratique des experts a été explorée, se reporter à l’annexe 3.
36 Kaufmann, 2004, p. 7‑8.
37 Martuccelli, 2005, p. 129.
38 Martuccelli, 2005, p. 124.
39 Martuccelli, 2005, p. 129.
40 D’ailleurs, à l’extérieur du cercle lyonnais, les psychiatres travaillant en milieu carcéral interrogés dans le cadre de cette enquête ne perçoivent pas les choses du même œil et livrent une image beaucoup moins valorisée de ces lieux : « Parce que c’est encore pire, un psychotique qui est en prison. […] On ne peut pas demander à des gardiens de prison de devenir des infirmiers. La prison n’est pas conçue, n’est pas adaptée pour les psychotiques. Plus que pas adaptée d’ailleurs » (expert 21).
41 Peter Berger et Thomas Luckmann expliquent bien que la fréquence des conversations avec des autruis significatifs concourt à la préservation de la réalité sociale subjective de l’acteur et ainsi à d’un type de socialisation particulier (voir P. Berger et T. Luckmann, La construction sociale de la réalité, trad. par Pierre Taminiaux revue par Danilo Martuccelli, nouv. éd. enrichie d’un avant-propos de Danilo Martuccelli et d’une postf. de François de Singly, Paris, Armand Colin, 2006 [1966]).
42 Pour plus de détails sur ces institutions, voir Le Bihan et al., 2009.
43 Martuccelli, 2005, p. 27.
44 Kaufmann, 2004, p. 74.