Histoire d’une drogue en sursis
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Notices biographiques
Texte intégral
Chen Jiongming (1878-1933)
1Né dans une famille de propriétaires fonciers hakka de l’est du Guangdong, il siège à l’assemblée provinciale à partir d’octobre 1909. Acteur important du soulèvement anti-mandchou au Guangdong à la fin de 1911, il joue également un rôle de premier plan dans le gouvernement révolutionnaire qui voit le jour en novembre. La chute du gouvernement à l’été 1913 le contraint à gagner l’exil. De retour en Chine, il parvient à s’assurer entre 1918 et 1920 le contrôle du sud de la province du Fujian. En novembre 1920, ses armées chassent la vieille clique du Guangxi de Canton et de la province du Guangdong où il partage dès lors le pouvoir avec Sun Yat-sen. Mais alors que Chen se montre surtout soucieux du développement de la province, la réunification de la Chine fait pour Sun figure de priorité absolue. La rupture, devenue inévitable, intervient en juin 1922 et Sun s’enfuit de Canton. Quelques mois plus tard, Chen est chassé à son tour par une coalition de troupes animée par Sun Yat-sen. Il se replie avec son armée dans l’est du Guangdong. En octobre 1925, une campagne menée par Jiang Jieshi met fin à la menace qu’il continuait à représenter pour le Guomindang. Chen ne jouera plus de rôle politique significatif durant les dernières années de sa vie.
Chen Jitang (1890-1954)
2Originaire d’une famille hakka du sud-ouest du Guangdong, Chen Jitang rejoint la Ligue jurée (Tongmenghui) dès 1907. Adjudant à ses débuts, il progresse dans les rangs des troupes cantonaises du Guomindang durant la première moitié des années vingt. Pendant l’Expédition du Nord (Beifa), il est un des principaux officiers des troupes demeurant au Guangdong. La disgrâce de son supérieur Li Jishen en 1929 lui permet d’en devenir le commandant général. Fidèle dans un premier temps au pouvoir central de Nanjing, la crise provoquée en 1931 par la fronde de quelques-uns des principaux dirigeants du Guomindang contre Jiang Jieshi lui offre l’occasion de s’en affranchir. Sous son autorité, le Guangdong, quasi indépendant, connaît cinq années de paix et de prospérité. En juillet 1936, la défection de son aviation et de son principal subordonné, Yu Hanmou, l’oblige à s’exiler en Europe. Revenu en grâce auprès de Jiang Jieshi, ce dernier lui confie durant la guerre des responsabilités importantes.
Hu Hanmin (1879-1936)
3Né à Canton dans une famille de lettrés, il reçoit une éducation classique. Il se distingue au début des années 1900 par une intense activité anti-mandchou et révolutionnaire, à Tokyo (où il fait plusieurs séjours) et à Canton. Il appartient dès ses débuts, avec Sun Yat-sen, Liao Zhongkai et Wang Jingwei, au cercle restreint des principaux dirigeants de la Ligue jurée (Tongmenghui) fondée en août 1905. En novembre 1911, le succès de l’insurrection révolutionnaire le porte au poste de gouverneur militaire du Guangdong. Au sein du Guomindang, fondé en 1913, Hu Hanmin s’impose les années suivantes avec Wang Jingwei comme le principal lieutenant de Sun Yat-sen et il participe aux gouvernements successifs établis par ce dernier à Canton. Peu après la mort de Sun, en mars 1925, Hu Hanmin, chef de file de l’aile droite du Guomindang, paraît en position de lui succéder à la tête du parti. Mais, accusé d’avoir commandité l’assassinat de son rival Liao Zhongkai (30 août 1925), il s’en trouve politiquement très affaibli. Même s’il retrouve un rôle politique au sein du Guomindang à partir de 1927, il ne peut s’opposer à l’affirmation du pouvoir personnel de Jiang Jieshi. Son arrestation, ordonnée par ce dernier en février 1931, déclenche une fronde des principaux dirigeants du parti. Relâché, Hu Hanmin gagne Hong-Kong, apportant jusqu’à sa mort prématurée soutien et caution morale au gouvernement de Chen Jitang, sans toutefois y prendre directement part.
Huo Zhiting (1877-1939)
4Issu d’une modeste famille cantonaise, Huo Zhiting commence par exercer des métiers manuels. Il dirige une aciérie durant les dernières années de l’Empire. À partir de la période de Long Jiguang (1913-1916), il devient un partenaire pratiquement incontournable de tous les gouvernements cantonais successifs, affermant les jeux d’argent et imposant son emprise sur les circuits de distribution de l’opium. L’influence du désormais richissime Huo Zhiting (citoyen portugais depuis 1918) est à son apogée durant les cinq années du gouvernement de Chen Jitang entre 1931-1936 : toujours principal maître d’œuvre des circuits de l’opium et des jeux de hasard, très lié au pouvoir même s’il évite d’apparaître au premier plan, son activité s’étend à des domaines très variés : banques, cimenteries, filatures, sucreries, etc.
Jiang Jieshi (Chiang Kai-shek) (1887-1975)
5Originaire de la province du Zhejiang, Jiang reçoit une formation militaire au Japon. Il s’y lie avec le révolutionnaire Chen Qimei et adhère à la Ligue jurée. Les deux hommes prennent part aux combats de la révolution de 1911 à Shanghai. Puis il participe à la lutte contre Yuan Shikai, en Chine ou depuis le Japon. Le 29 juin 1922, il rejoint Sun Yat-sen sur la canonnière où il s’est réfugié après avoir été chassé de Canton par Chen Jiongming. Le resserrement soudain de leurs liens personnels qui s’ensuit permet à Jiang d’accéder à des responsabilités importantes dans les années suivantes. Il dirige en particulier l’académie militaire de Whampoa (Huangpu) à partir de 1924. Après la mort de Sun Yat-sen, Jiang s’appuie sur l’armée pour triompher de ses rivaux au sein du Guomindang et s’imposer comme l’homme fort du régime qui installe sa capitale à Nanjing. Vaincu par les communistes en 1949, Jiang se réfugie avec ses partisans sur l’île de Taiwan qu’il dirige jusqu’à sa mort.
Li Fulin (1874-1952)
6Né à Canton, Li Fulin est dans sa jeunesse un hors-la-loi qui sévit dans la zone du delta de la rivière des Perles. Lors d’un séjour en Asie du Sud-Est, il rencontre Sun Yat-sen et adhère à la Ligue jurée en 1907. Lié également à des sociétés secrètes, Li Fulin prend part à la Révolution de 1911 à Canton. À partir de cette époque, il s’impose durablement comme le maître de Honam, une grande île du delta sur laquelle est situé le faubourg sud de la ville de Canton. Il y gagne le surnom de « roi de Honam ». Il aide le Guomindang à se rendre maître de la province du Guangdong en 1920, et occupe les années suivantes différentes positions (il est maire de Canton en 1924). Li Fulin est à situer à l’aile droite du parti. L’appui militaire des troupes qu’il contrôle s’avère crucial pour mater de la révolte de Liu Zhenhuan et Yang Ximin en mai 1925. Sa participation à la répression de la Commune de Canton (11-13 décembre 1927) est son dernier fait d’armes important. Il se retire à Hong-Kong l’année suivante et ne remplira plus par la suite que des fonctions honorifiques au sein du Guomindang.
Li Jishen (1886-1959)
7Né à Wuzhou (Guangxi), issu d’une famille aisée, Li Jishen rejoint les armées révolutionnaires au Jiangsu en 1911. Il participe aux différentes campagnes de l’armée du Guomindang basée au Guangdong entre 1921 et 1926. Lorsque l’Expédition du Nord débute, il prend le commandement des troupes demeurant stationnées au Guangdong et exerce aussi les fonctions de gouverneur de la province. Durant les années qui suivent, l’étoile de Li Jishen continue à monter au sein de l’appareil du Guomindang, jusqu’à ce qu’il soit arrêté à Nanjing, accusé de soutenir la rébellion des chefs militaires du Guangxi (mars 1929). Relâché en 1931, Li Jishen participe à la rébellion de la province du Fujian (1933), avant de se rapprocher à nouveau du gouvernement à partir du déclenchement de la guerre contre le Japon.
Lin Zexu (1785-1850)
8S’il n’est pas un contemporain, Lin Zexu constitue une référence obligée en matière d’opium dans le Canton de la République. Originaire du Fujian, il obtient le titre de jinshi (grade le plus élevé des examens impériaux) en 1811. Sa carrière administrative, brillante, le mène au poste de gouverneur général des deux Hu (Hubei, Hunan) en 1837. Peu de temps après, l’empereur Daoguang suscite un débat parmi les élites administratives à propos de la politique à adopter concernant l’opium dans lequel Lin prend position en faveur d’une prohibition énergique. Favorablement impressionné par les mémoires qu’il adresse à Pékin sur cette question, l’empereur dépêche Lin, avec les pleins pouvoirs, à Canton, centre du trafic de l’opium et principal foyer de consommation. Son action vigoureuse l’amène à contraindre les marchands étrangers à lui livrer leurs stocks d’opium, qu’il fait détruire intégralement en juin 1839. Ce geste provoque la première guerre de l’opium (1839-1842), dont la Chine sort vaincue. Lin Zexu, dégradé et condamné à l’exil, occupe néanmoins à nouveau des postes importants dès 1846. Sur le point de retrouver un rôle de premier plan, la mort le surprend en 1850.
Liu Zhenhuan (1890-1972)
9Liu Zhenhuan, membre de la Ligue jurée, participe à la révolution de 1911. L’échec de la révolte contre Yuan Shikai en 1913 le contraint à l’exil. Il revient au Guangxi, sa province natale, pour prendre part au soulèvement des provinces du sud en 1915. Liu Zhenhuan, devenu chef de guerre, se joint aux troupes levées par Sun Yat-sen en janvier 1923 pour déloger Chen Jiongming et reçoit une blessure lors des opérations. Sa tentative de renversement du gouvernement du Guomindang en mai 1925, avec le chef des troupes du Yunnan Yang Ximin, se solde par un échec.
Long Jiguang (1860-1921)
10Originaire du Yunnan, Long Jiguang s’illustre en matant un soulèvement révolutionnaire dans la province du Guangxi en 1907. Après la chute de la dynastie, Long Jiguang se maintient au Guangxi avec son armée. À l’été 1913, il reçoit de Yuan Shikai l’ordre de marcher contre le gouvernement du Guangdong en révolte. Après avoir établi son contrôle sur la province, Long s’emploie à y réprimer l’activisme révolutionnaire. En mai 1915, fidèle à Yuan Shikai, et en dépit de l’impopularité d’une telle attitude, Long soutient l’acceptation des 21 demandes du gouvernement japonais. Mais, constatant l’isolement croissant de Yuan et les progrès de la révolte des provinces du sud, il se résout à déclarer l’indépendance du Guangdong en avril 1916. Il convie les chefs révolutionnaires le 12 avril à une conférence près de Canton, mais fait assassiner ceux qui ont l’imprudence de s’y rendre, essayant les jours suivants de rejeter la responsabilité du crime sur Cai Naihuang, l’envoyé de Yuan Shikai, qu’il ne tarde guère à faire exécuter à son tour. Après la mort de Yuan Shikai, Long Jiguang est contraint de céder la place à la vieille clique du Guangxi et se replie en octobre 1916 avec une partie de ses troupes sur l’île de Hainan. Long Jiguang tente en décembre 1917 de reprendre pied au Guangdong, mais l’opération se solde par l’anéantissement de son potentiel militaire et sa disparition de l’échiquier politique.
Lu Rongting (1856-1927)
11Originaire du Guangxi, cet ancien brigand rejoint en 1904 avec ses hommes les rangs de l’armée régulière, et participe les années suivantes à la répression de plusieurs soulèvements révolutionnaires. Après la Révolution, Lu Rongting émerge comme l’un des hommes forts de la province du Guangxi. Ayant donné dans un premier temps des gages de fidélité au pouvoir central de Yuan Shikai, il s’en détache en 1916 et déclare l’indépendance de la province le 15 mars. Après la mort de Yuan Shikai, Lu Rongting, à la tête de la vieille clique du Guangxi, s’impose comme le maître des deux Guang. Il est chassé du Guangdong à l’été 1920 par les armées de Chen Jiongming et se replie avec le reste de ses troupes au Guangxi. Un an plus tard, les troupes du Guomindang détruisent son armée et s’assurent le contrôle du Guangxi.
Song Ziwen (1894-1971)
12Issu d’une richissime famille de Shanghai de souche cantonaise et liée aux milieux révolutionnaires (Sun Yat-sen épouse en 1914 sa sœur Song Qingling), Song Ziwen suit jusqu’au doctorat un cursus d’économie dans les universités de Harvard et Columbia. Après son retour en Chine en 1917, il exerce des fonctions de dirigeant dans différentes sociétés. À partir de 1923, il s’impose comme le maître d’œuvre d’une vaste entreprise de rationalisation et de réorganisation des finances du gouvernement du Guomindang à Canton. Par la suite, plusieurs fois ministre des Finances, membre des principaux organes du Guomindang, Song Ziwen qui cultive d’indispensables appuis parmi les milieux industriels et financiers, fait figure de personnage incontournable du régime de Nanjing, en dépit des vicissitudes de ses relations avec Jiang Jieshi, qui épouse en 1927 une autre de ses sœurs (Song Meiling). Song Ziwen est l’artisan principal de la modernisation du système financier chinois dans les années trente, marquée par l’abandon du tael.
Sun Yat-sen (1866-1925)
13Éduqué à Hawaï et Hong-Kong, où il obtient son diplôme de médecine en 1892, il commence au milieu de la décennie à parcourir le monde pour propager ses thèses révolutionnaires et anti-mandchou parmi les communautés de Chinois d’Outre-mer. Depuis Tokyo, devenu le quartier général des révolutionnaires, il fonde la Ligue jurée (20 août 1905) et participe à l’organisation de plusieurs soulèvements en Chine du Sud. En sa qualité de figure de proue du mouvement révolutionnaire, Sun Yat-sen est élu en décembre 1911 président de la République par l’assemblée des délégués des provinces en révolte contre la dynastie. Cependant, Sun est contraint de démissionner en février 1912 au profit de Yuan Shikai, prix à payer pour obtenir le ralliement au nouveau régime de celui qui, pour la dynastie aux abois, pouvait encore faire figure de sauveur possible. À partir de 1916, face à la division du pays entre de puissants seigneurs de la guerre, Sun Yat-sen ambitionne de réunifier le pays sous l’égide du Guomindang. Il connaît une première désillusion en échouant à jouer un rôle significatif, malgré son titre de « Grand Maréchal », dans le Guangdong de Lu Rongting (1917-1918, premier gouvernement cantonais de Sun Yat-sen). Il parvient à reprendre pied au Guangdong en 1920 (second gouvernement cantonais de Sun Yat-sen) et entreprend de préparer intensivement l’Expédition du Nord. Il se heurte alors à Chen Jiongming, davantage préoccupé du développement de la province. Chassé en juin 1922, il obtient sa revanche quelque mois plus tard, redevenant maître de Canton (février 1923, troisième gouvernement). Bénéficiant désormais de l’aide soviétique, Sun s’emploie à consolider la base du Guangdong et à accélérer les préparatifs de la Beifa. Mais il ne verra pas la réalisation de son rêve, car il meurt en mars 1925.
Yang Ximin (1886-1967)
14Yang Ximin embrasse la carrière des armes au début de l’ère républicaine. Devenu l’un des principaux chefs de guerre du Yunnan au début des années vingt, ses troupes font partie de la coalition que Sun Yat-sen emploie pour chasser Chen Jiongming de Canton en janvier 1923. Durant les deux années suivantes, bien que placé théoriquement sous les ordres de Sun Yat-sen, Yang Ximin conserve une très large latitude, organisant en particulier le trafic de l’opium dans les zones occupées par ses troupes. Espérant profiter d’un mouvement du gros des armées du Guomindang pour attaquer Chen Jiongming dans l’est de la province, Yang Ximin s’allie au chef des troupes du Guangxi Liu Zhenhuan, pour renverser le gouvernement révolutionnaire en mai 1925. L’échec de la tentative permet au contraire au Guomindang de consolider son emprise sur sa base du Guangdong.
© Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2010