Enracinement monastique et itinérance. L’exemple des Nāth Yogīs
p. 125-148
Résumés
L’article a pour objet la relation au territoire des mouvements ascétiques hindous et insiste sur la nécessaire complémentarité entre errance et sédentarité monastique. Esquissant une comparaison avec le christianisme et son idéal de stabilitas loci, puis évoquant l’héritage d’idéaux de la société védique, l’argumentaire se développe à partir des modes d’organisation de la secte shivaïte des Nāth Yogīs. Le pôle monastique se divise entre d’une part les monastères collectifs dans lesquels, par le mode de fonctionnement, la nomination après élection du supérieur, les rituels observés, s’enracine l’identité sectaire (l’exemple du monastère de Kadri-Mangalore est présenté), et d’autre part les monastères personnels centrés sur la transmission de maître à disciple et le culte de la tombe du fondateur. Le pôle de l’itinérance et sa valorisation sont étudiés à travers l’existence d’un groupe structuré d’ascètes itinérants dont l’autorité s’impose à toute autre institution. Une brève évocation d’autres mouvements ascétiques hindous corrobore la thèse que la tension entre le détachement symbolisé par l’errance et la nécessité de l’enracinement local est constitutive du fonctionnement et du maintien dans la durée des institutions religieuses sectaires.
The article focuses on ascetic Hindu sects and their relation to territories; it stresses the necessary complementarity between wandering and monastic sedentarity. Starting with abroad comparison with Christian monasticism and its ideal of stabilitas loci, then looking for references in ideals of vedic society, the argument develops out of the vorganisational categories of the Nāth Yogī Shaiva sect. The monastic side is divided between the collective monasteries which embody the sectarian identity through their way of functioning, the election of the head, the rituals they maintain (the example of the Kadri Mangalore monastery is given), and the personal monasteries centered on the transmission from master to disciple and the cult centered on the founder’s tomb. The wandering side is taken up through the study of an organized group of itinerant ascetics whose authority exerts itself over every other institution. A brief mention of other Hindu ascetic movements confirms the thesis that the tension between detachment symbolized by wandering and necessity of local enrootedness is constitutive of sectarian religious institutions in their functioning and their duration.
Extrait
1Le territoire n’est-il pour les ascètes hindous que celui qu’ils parcourent, un espace sans limites précises que seule leur itinérance définit1 ? Si l’on s’interroge sur la relation au territoire des mouvements ascétiques hindous de retrait du monde, on se heurte à une apparente contradiction. D’un côté, les ascètes sont considérés et se vivent comme des errants, leur mobilité étant le signe manifeste de leur détachement du monde et de ses valeurs (Hausner 2007). De l’autre, ces ascètes fréquentent de nombreuses institutions, ermitages, temples, monastères, qui se réclament des mêmes mouvements ascétiques. Souvent dotés de propriétés foncières considérables, ces établissements sont solidement ancrés dans un territoire qu’ils sont conduits à administrer.
2C’est à cette bipolarité que cet article s’intéresse. En effet, bien loin de voir avec Carrithers (1979) et Van der Veer (1987) dans les monastères l’aboutissement d’un « long processus de sédentarisation [lequel] a résulté da
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