Le « territoire » de l’historien antique
Historians of Antiquity and their « territory »
p. 269-280
Résumés
Quels ont été les lieux où l’histoire s’est installée et quelles places ont été revendiquées par l’historien dans le monde ancien ? Pour reprendre une expression, assez fameuse un temps, quel a été le « territoire de l’historien » ? C’était, en effet, le titre d’un livre dans lequel Emmanuel Le Roy Ladurie explorait les différentes « provinces » de l’histoire moderne. Qu’en est-il alors dans l’Antiquité ? Peut-on parler de « territoire » de l’historien ? L’histoire réussit-elle même, dans ses débuts avec Hérodote, à se tailler un espace propre, elle qui sort de l’épopée ? Et peut-on dire que, sept siècles plus tard, à l’époque impériale, elle a « sécurisé » son domaine face aux ambitions et aux appétits de la rhétorique ? En me limitant à quelques coups de projecteur, je m’arrêterai sur des « lieux », qui sont d’abord des noms propres et des œuvres, dont les effets configurants ou de cadrage sur le statut de l’histoire et la figure de l’historien ont été de longue portée : dans la longue durée du monde antique et par-delà. Pensons, en particulier, à l’intervention d’Aristote dans sa Poétique, qui confine l’histoire au domaine de l’advenu et marque clairement que l’historien ne saurait être un poète.
In what places has history developed and what are the special precincts of historians of Antiquity? Or to use a once popular expression, what is the historian’s territory? This was in fact the title of a book in which Emmanuel Le Roy Ladurie explored the various « provinces » of modern history. But what about Antiquity? Can we also speak about historians’ « territory » in this context? Did history itself manage to forge a space for itself in the days of Herodotus when it emerged from epic traditions? Can we say that seven centuries later, during the Roman Empire, history defended its prerogatives from the heavy onslaughts of rhetoric? It is proposed here to focus on just a few of the milestones consisting mainly of some names and historical works which have had long-lasting framing and shaping effects on the status of history and historians throughout Ancient times and since those times. Take for example what Aristotle said in his Poetics, when he stated that history should deal only with what has actually happened and proclaimed that historians have nothing in common with poets.
Extrait
1Quels ont été les lieux où l’histoire s’est installée et quelles places ont été revendiquées par l’historien dans le monde ancien ? Pour reprendre une expression, assez fameuse un temps, quel a été « le territoire de l’historien1 » ? Jacques Revel, historien méditatif, a toujours considéré avec une certaine ironie cette vision d’une histoire ne songeant qu’à défendre ou à étendre son domaine. Qu’en est-il alors dans l’Antiquité ? Et d’abord réussit-elle, dans ses débuts, à se tailler un espace propre ? Peut-on dire que, sept siècles plus tard, à l’époque impériale, elle a « sécurisé » son domaine ? En me limitant, ici, à quelques coups de projecteur, je m’arrêterai sur des lieux dont les effets configurants ou de cadrage sur le statut de l’histoire et la figure de l’historien ont été de longue portée : par-delà le monde antique, à l’instar de l’intervention d’Aristote dans la Poétique2. Ces lieux ont d’abord été des noms propres.
Les initiateurs
2Dans un premier temps, je m’arr
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Préface
François Hartog
Note de conjoncture historiographique
François Hartog et Jacques Revel
