1 Jacques Revel, « Le récit du monde », en ligne : laviedesidees.fr/Le-recit-du-monde.html.

2 Voir l’article très utile de Blaise Dufal, « Faire et défaire l’histoire des civilisations », dans Philippe Büttgen (ed.), Les Grecs, les Arabes et nous, Paris, Fayard, 2009, p. 317-358, dont je reprends certains éléments, mais dont je ne partage pas les conclusions.

3 Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, Paris, Flammarion, 1987.

4 B. Dufal, « Faire et défaire l’histoire des civilisations », art. cit. Voir aussi Paul-André Rosental, « Métaphore et stratégie épistémologique. La Méditerranée de Fernand Braudel », dans Alain Boureau et Daniel S. Milo (eds.), Alter Histoire. Essais d’histoire expérimentale, Paris, Les Belles-Lettres, 1991, p. 109-126.

5 F. Braudel, « Histoire des civilisations. Le passé explique le présent », publié en 1959 dans l’Encyclopédie française, t. V, et repris dans Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1969, p. 290.

6 Il ajoute cependant, avec lucidité : « Je serais volontiers de l’avis de Pirenne : utilisons les mots tels qu’ils se présentent à nous, dans leur sens vivant, provisoirement vivant. Mais soyons conscients des autres possibilités qu’ils proposent, qu’ils ont proposées, des trahisons aussi qu’ils nous préparent » (F. Braudel, « Histoire des civilisations », art. cit., p. 265).

7 Voir, par exemple, Étienne Anheim, Jean-Yves Grenier et Antoine Lilti, « Repenser les statuts sociaux », Annales HSS, vol. 68 (4), p. 949-953. Sur le plan des concepts métahistoriques, une telle ambition était au cœur du projet de la Begriffsgeschichte. Voir Reinhardt Koselleck, « Histoire des concepts et histoire sociale », Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, trad. fr Jochen Hook et Marie-Claire Hook, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990, p. 99-118 (1^re éd. Francfort-sur-le-Main, 1979).

8 Au sein d’une abondante bibliographie, voir notamment Joachim Moras, Ursprung und Entwicklung des Begriffs der Zivilisation in Frankreich (1756-1830), Hambourg, Hans Christians Druckerei und Verlag, 1930 ; Norbert Elias, La civilisation des mœurs, trad. fr. Pierre Kamnitzer, Paris, Calmann-Levy, 1973 (1^re éd. Bâle, 1939) ; Jean Starobinski, « Le mot civilisation », Le remède dans le mal, Paris, Gallimard, 1989, p. 11-59 ; Victor Goldschmidt, « Le problème de la civilisation chez Rousseau (et la réponse de d’Alembert) », Écrits, t. II, Études de philosophie moderne, Paris, 1984, p. 81-128 ; Bertrand Binoche (ed.), Les équivoques de la civilisation, Seyssel, Champ Vallon, 2005.

9 Antoine Lilti, « “Et la civilisation deviendra générale”. L’Europe de Volney ou l’orientalisme à l’épreuve de la Révolution », La Révolution française [en ligne], Dire et faire l’Europe à la fin du xviii^e siècle, mis en ligne le 10 juin 2011, lrf.revues.org/index290.html.

10 John G.A. Pocock, Barbarism and Religion, t. II, Narratives of Civil Government, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 1999. Voir aussi Karen o’Brien, Narratives of Enlightenment : Cosmopolitan History from Voltaire to Gibbon, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 1997.

11 Voltaire, « De la gloire. Entretien avec un Chinois », Œuvres complètes, vol. 18-A, Oxford, Voltaire Foundation, 2007. Le texte met en scène à la fois les limites de la culture historique des Européens, entièrement centrée sur l’histoire sainte et l’Antiquité classique, ainsi que leur dédain, mais aussi le caractère très relatif de la gloire des hommes illustres, à l’échelle du monde. En entendant le nom de Jules César, le Chinois s’exclame : « Pour celui-là, je crois le connaître, n’était-il pas Turc ? »

12 Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII, introduction, bibliographie, relevé de variantes, notes et index René Pomeau, Paris, Garnier, 1963, 2 vol, « Supplément », t. II, p. 903. On trouve le même reproche dans l’avant-propos de l’Essai.

13 À la même époque, Voltaire écrit l’Histoire de la Russie (1759 et 1763), qui pose la question de l’entreprise de civilisation, et donc de l’européanisation, de la Russie. En 1773, il publiera Fragments historiques sur l’Inde.

14 voltaire, Essai sur les mœurs, op. cit., p. 55.

15 J’ai développé plus longuement cette analyse dans « La civilisation est-elle européenne ? Écrire l’histoire de l’Europe au xviii^e siècle », dans Antoine Lilti et Céline Spector (eds.), Penser l’Europe au xviii^e siècle. Commerce, civilisation, empire, Oxford, Oxford University Press, 2014.

16 Ibid., p. 196-197.

17 Voltaire, Essai sur les mœurs, op. cit., p. 807.

18 Ibid., p. 808.

19 C’est cette même option résolument présentiste qui permet à Voltaire de critiquer les mœurs du passé au nom de la supériorité des principes qui sont les siens, comme Européen moderne. Sur ce point, voir Pierre force, « Voltaire and the Necessity of Modern History », Modern Intellectual History, 6-3, 2009, p. 457-484.

20 F. Braudel, « L’histoire des civilisations. Le passé explique le présent », Écrits sur l’histoire, op. cit., p. 255.

21 Lucien Febvre, « Civilisation. Évolution d’un mot et d’un groupe d’idées », Première semaine internationale de synthèse, fasc. 2, Fondation « Pour la science », mai 1929, repris dans Vivre l’histoire, éd. établie par Brigitte Mazon et préfacée par Bertrand Müller, Paris, Robert Laffont et Armand colin (coll. « Bouquins »), 2009, p. 713-750. On peut rappeler qu’au même moment, Norbert Elias entamait son travail sur la civilisation des mœurs, et que Joachim Moras rédigeait sa thèse. Sur cet épisode, voir la présentation d’Éric Brian et Marie Jaisson, Revue de Synthèse, vol. 129 (1), 2008, p. 147-157.

22 Entre-temps, Febvre est élu, en 1932, au Collège de France, sur une chaire intitulée « Histoire de la civilisation moderne ».

23 L’éditorial des Annales, en 1994, qui annonce l’abandon du titre, parle d’ailleurs d’une « division tripartite », qui n’est plus adaptée à l’« agencement des niveaux d’analyse ».

24 L. Febvre, « Face au vent. Manifeste des Annales nouvelles », Annales ESC, vol. 1 (1), 1946, repris dans Vivre l’histoire, op. cit., p. 35-43.

25 Id., L’Europe. Genèse d’une civilisation, cours professé au Collège de France en 1944-1945, Paris, Perrin, 1999.

26 Ibid., p. 103.

27 Ibid., p. 305, 315.

28 Ibid., p. 67.

29 Marcel Mauss, « Les civilisations. Éléments et formes », Essais de sociologie, Paris, Minuit, 1969 (1929). Il s’agit de la conférence prononcée lors de la semaine de synthèse. Mauss avait déjà développé, avec Durkheim, une première définition de civilisation, dans le cadre de la rubrique correspondante de L’Année sociologique : Émile Durkheim et Marcel Mauss, « Note sur la notion de civilisation », L’Année sociologique, 1909-1912, p. 45-60. Voir Jean-François Bert, « Marcel Mauss et la notion de civilisation », Cahiers de Recherche sociologique, 47, 2009, p. 123-142.

30 On notera que le cours fait suite au cours de 1945-1946 sur le sentiment national en France (Honneur et patrie, éd. Thérèse Charmasson et Brigitte Mazon, Paris, Perrin, 1996). L’idéal d’une histoire mondiale ne se substitue pas à l’histoire nationale, elle accompagne une histoire critique du fait national. Febvre s’efforce d’articuler les deux dans le projet de livre avec François Crouzet (Nous sommes tous des sang-mêlés. Manuel d’histoire de la civilisation française, éd. Denis et Élisabeth Crouzet, Paris, Albin Michel, 2012).

31 L. Febvre, « Sur une nouvelle collection d’histoire », Annales ESC, 1954, vol. 9 (1), p. 1-6.

32 Cette impossibilité pour l’historien d’échapper à sa propre historicité et aux effets de l’histoire est la grande leçon de la deuxième partie de Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, trad. fr. Étienne Sacre, Paris, Seuil, 1996 (1^re éd. Tübingen, 1960), notamment p. 322-328 sur le principe de la Wirkungsgeschichte.

33 L. Febvre, Lettres à Henri Berr, texte établi, présenté et annoté par Gilles Candar et Jacqueline Pluet-Despatin, Paris, Fayard, 1997, p. 357.

34 Id., L’Europe. Genèse d’une civilisation, op. cit., p. 128. Ou encore, sous une forme cette fois négative, mais qui ne change rien à la connotation du terme : « D’autant que dire en 1945 nous les civilisés ! nous les civilisateurs ! Non ! c’est impensable » (ibid., p. 67).

35 Id., « Sur une nouvelle collection d’histoire », art. cit.

36 C’est le cas dans Le Monde actuel, pour des raisons notamment pédagogiques. La tension est déjà présente chez Febvre puisqu’il s’agit de rendre compte d’une entité cohérente par l’histoire de ses emprunts.

37 Michel Foucault, « Qu’est-ce que les Lumières ? », Dits et Écrits, t. IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 562-578.

38 L. Febvre, « Sur une nouvelle collection d’histoire », art. cit.