1 L’ouvrage de Louis Chevalier, La Formation de la population parisienne au xixe siècle, Paris, Puf, 1950, est dans cet article abrégé en La Formation. Par défaut, c’est à ce volume que renvoient les paginations indiquées à la suite des citations. Cet article est dédié à Jacques Revel, pour un quart de siècle d’échanges intellectuels et d’admiration pour son exigence scientifique.
2 Jacques Revel, « Présentation », Annales ESC, vol. 32 (5), 1977, p. 849-850.
3 Catherine Rollet et Agnès Fine-Souriac, « Épidémies et mentalités. Le choléra de 1832 en Seine-et-Oise », Annales ESC, vol. 29 (4), 1974, p. 935-965 ; Charles Tilly et Lynn Lees, « Le peuple de Juin 1848 », Annales ESC, vol. 29 (5), 1974, p. 1061-1091 ; Daniel Roche, Jean Bouvier, Jean-Claude Perrot, Marcel Roncayolo et Jean-Pierre Bardet, « Une nouvelle histoire des villes », Annales ESC, vol. 32 (6), 1977, p. 1237-1254 ; Michèle Perrot, « Fait divers et histoire au xixe siècle », Annales ESC, vol. 38 (4), 1983, p. 911-919. Voir aussi Jacques Grandjonc, « Les étrangers à Paris sous la monarchie de Juillet et la Seconde République », Population, vol. 29, Migrations, 1974, p. 61-88.
4 Respectivement publiés par les Puf en 1950 et par Plon en 1958.
5 « La vérité est que toute cette masse salariale réduite au chômage constitue un danger permanent pour la ville, ce que nous savions déjà grâce à l’excellente étude de Louis Chevalier sur les Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du xixe siècle. En quoi Fernand Braudel a raison de conclure que c’est la “pauvreté qui souvent mène la préindustrie par la main” », Christian Romon, « Le monde des pauvres à Paris au xviiie siècle », Annales ESC, vol. 37 (4), 1982, p. 729-763, ici p. 737.
6 « Comme Chevalier et Shorter, guidés par les témoignages qualitatifs, nous étions partis d’une hypothèse qui faisait du concubinage une clé pour l’interprétation de la désarticulation de la famille, attestant ainsi de l’existence d’une culture prolétarienne propre […] En réalité les ouvriers, les hommes comme les femmes, aspirent au mariage et le réalisent mieux que les classes moyennes », Michel Frey, « Du mariage et du concubinage dans les classes populaires à Paris (1846-1847) », Annales ESC, vol. 33 (4), 1978, p. 803-829, ici p. 812.
7 Sur cette évolution, on pourra comparer avec profit les lectures successivement proposées par Olivier Zunz dans son compte rendu du livre de Stephan Thernstrom et Richard Sennett, Nineteenth Century Cities : Essays in the New Urban History (Annales ESC, vol. 25 (4), 1970, p. 1082-1085) ; William H. Sewell Jr., Structure and Mobility : The Men and Women of Marseille, 1820-1870, Cambridge, Cambridge University Press, 1985 ; Alain Faure, « Urbanisation et exclusions dans le passé parisien (1850-1950) », Vingtième Siècle, vol. 47 (3), 1995, p. 58-69, et Id., « Spéculation et société. Les grands travaux à Paris au xixe siècle », Histoire, Économie & Société, vol. 23 (3), 2004, p. 433-448.
8 L. Chevalier, L’assassinat de Paris, Paris, Calmann-Lévy, 1977.
9 Fernand Braudel, « La démographie et les dimensions des sciences de l’homme », Annales ESC, vol. 15 (3), 1960, p. 493-523, ici p. 515.
10 Paul-André Rosental et Isabelle Couzon, « Le Paris dangereux de Louis Chevalier. Un projet d’histoire utile », dans Bernard Lepetit et Christian Topalov (eds.), La ville des sciences sociales, Paris, Belin, 2001, p. 191-226, 373-386.
11 Abel Châtelain, « Un champ d’études. La banlieue parisienne », Annales ESC, vol. 6 (2), 1951, p. 222-224.
12 Entre-temps, après l’agrégation, Chevalier est nommé professeur de lycée à Reims, d’octobre 1937 à mars 1938. Mobilisé alors jusqu’en août 1940, il reprend son poste à Reims jusqu’en janvier 1941 avant d’être nommé agrégé-répétiteur à l’École normale supérieure. Source : Archives du Collège de France, Dossier de Louis Chevalier.
13 Source : Dossier administratif de Louis Chevalier au Service des Archives de l’Ined. Chevalier a sollicité auprès du ministère de l’Éducation nationale son détachement dès le 18 octobre 1945, soit six jours avant l’ordonnance créant officiellement l’Ined.
14 Sur tous ces points voir P.-A. Rosental, L’Intelligence démographique. Sciences et politiques des populations en France (1930-1960), Paris, Odile Jacob, 2003 ; et Id., « Le premier monde de la recherche. La gestion du personnel dans l’Ined d’Alfred Sauvy (1945-1962) », Genèses, vol. 2 (51), 2003, p. 128-146.
15 Georges Chabot, « La genèse de l’agrégation de géographie », Annales de Géographie, vol. 85 (469), 1976, p. 333-340.
16 Pierre George, « Études sur l’agglomération parisienne », Annales de Géographie, vol. 60 (320), 1951, p. 210-212 ; A. Châtelain, « La formation des populations urbaines françaises. À propos d’un ouvrage récent », Revue de Géographie de Lyon, vol. 26 (2), 1951, p. 173-178. Dans une lettre du 21 août 1950 destinée à le recommander à l’Inspecteur général de l’Insee, G. Bournier, Alfred Sauvy parle de « Chevalier, le géographe » – jeu d’identité professionnelle commode, il est vrai, pour la mission qu’il est en train d’effectuer à Madagascar. Source : voir supra, note 13.
17 Ce mémoire est désormais accessible en ligne, avec une édition critique de Christophe Charle et Alain Faure, www.univ-paris1.fr/fileadmin/CRHXIX/Louis_Chevalier/ACCUEIL.html. Le rapport que produisit à son propos le directeur du mémoire, Henri Hauser, spécialiste d’histoire économique et sociale, est également consultable, cette fois sur www.calameo.com/books/00029037984ff22706983.
18 Sur cette campagne, voir Emmanuelle Loyer, Lévi-Strauss, Paris, Flammarion, 2015, p. 350-356.
19 « Une histoire de la population parisienne doit chercher à distinguer les éléments sociaux de la capitale selon leur origine départementale. Est-ce que l’évolution des différentes classes s’est faite en provenance des mêmes départements ? Des tendances politiques opposées pourraient résulter en partie d’origines régionales dissemblables ; les luttes de classe ou les incompréhensions politiques et sociales pourraient tout au moins s’aggraver de désaccords humains et presque ethniques. »
20 Georges Lefebvre, compte rendu de La Formation de la population parisienne au xixe siècle, Annales ESC, vol. 7 (1), 1952, p. 93-95.
21 L. Chevalier, Les fondements économiques et sociaux de l’histoire politique de la Région parisienne (1848-1870), Paris, thèse de doctorat d’histoire de l’université Paris-Sorbonne, sous la dir. de Charles-Henri Pouthas, 1950, p. 10. L’historien rend également hommage à « Siegfried dont les illustres écrits [lui] inspirèrent la première idée de ces recherches », dans sa Leçon inaugurale du 28 avril 1952 au Collège de France, p. 9.
22 L’immigration parisienne « met en cause l’ensemble de l’immigration française et l’ensemble de l’histoire économique et sociale de la France » (p. 60-61). « La formation de cette population offre au démographe une expérience exceptionnelle et néanmoins significative pour l’étude de l’évolution démographique de la France au xixe siècle » (p. 20).
23 Louis Henry, « Une richesse démographique en friche. Les registres paroissiaux », Population, vol. 8 (2), 1953, p 281-290.
24 P.-A. Rosental, « Treize ans de débats. De l’histoire des populations à la démographie historique française (1945-1958) », Population, vol. 51 (6), 1996, p. 1211-1238, et, sur les raisons du succès de L. Henry, Id., « La nouveauté d’un genre ancien. Louis Henry et la fondation de la démographie historique », Population, vol. 58 (1), 2003, p. 103-136.
25 Archives Ined, Fonds de la direction, Décision n° 166-1947, Centre des Archives contemporaines, 2000006111 à 23. Cette nomination semble être restée largement formelle.
26 Avec le célèbre Manuel de dépouillement et d’exploitation de l’état civil ancien, Paris, Ined, 1956, rédigé avec l’archiviste Michel Fleury.
27 Adolphe Landry, Traité de démographie, Paris, Payot, 1945.
28 A. Châtelain, « Les sciences humaines et les problèmes de population », Études rhodaniennes, vol. 23 (4), 1948, p. 233-237. La note critique de Châtelain, « La formation des populations urbaines françaises… », art. cit., constitue pour partie une réponse à l’impérialisme historien de Chevalier.
29 La part des immigrants de province dans la structure professionnelle « ne se dégagera jamais en chiffres absolus ; mais cette proportion s’inscrira entre certaines limites précises et relativement peu éloignées les unes des autres que ces enquêtes déterminent. Avec ces marges à peu près assurées, ces documents industriels définissent ainsi certains programmes d’enquêtes que des recherches, non plus d’ordre statistique, mais d’ordre historique et qualitatif, permettent de poursuivre » (p. 25).
30 C’est encore ce modèle qui, vers 1950, prévaut en matière d’histoire des populations : le démographe de l’Ined Paul Vincent vient alors d’en donner une démonstration, évoquée par Chevalier (p. 23, n. 1), via la réutilisation de dénombrements anciens dans « French Demography in the Eighteenth Century », Population Studies, vol. 1 (1), 1947, p. 44-71. Sur cet enjeu dans l’histoire contemporaine des populations, voir Éric Brian, « Nouvel essai pour connaître la population du royaume. Histoire des sciences, calcul des probabilités et population de la France vers 1780 », Annales de démographie historique, vol. 2 (102), 2001, p. 173-222.
31 Voir p. 173 (La Formation) la critique des rubriques professionnelles du recensement de 1901, qui « confondent généralement, dans des dénominations communes, trop vastes et trop vagues, des réalités professionnelles très différentes. Elles ont un intérêt économique évident, un intérêt social et humain beaucoup plus restreint ». Pour une critique contemporaine des recensements du xixe siècle comme source démographique, voir Noël Bonneuil, Transformation of the French Demographic Landscape 1806-1906, Oxford, Oxford University Press, 1997.
32 À partir des années 1860, les notations, jusqu’alors « souvent exagérément précises et fortement spécialisées des listes électorales », font place à « des indications très générales qui concernent beaucoup plus la classe sociale de l’électeur que son métier […] La mentalité sociale l’emporte de plus en plus sur la mentalité économique », ce qui jette « quelque doute sur le contenu réel des classifications adoptées par la statistique » (p. 173).
33 Voir ibid., p. 71. On trouvera une analyse contemporaine de la genèse de ces enquêtes dans Claire Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la Chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte ; et plus particulièrement de l’enquête de 1847-1848 utilisée par Chevalier dans Id., « Classer l’industrie parisienne au xixe siècle », Actes et communications de l’Inra, 21, 2004, disponible sur halshs.archives-ouvertes.fr/halshs- 00412049.
34 J. Revel, « Ressources narratives et connaissance historique », Enquête. Anthropologie, histoire, sociologie, 1, Les terrains de l’enquête, 1995, p. 43-70.
35 Parmi les multiples manifestations de l’amertume de Chevalier à l’encontre de ce que l’on appellera bientôt la « nouvelle histoire », et des connotations idéologiques du rejet d’un courant qui entend lier histoire et sciences sociales, voir son discours du 28 mai 1986 en tant que lauréat du grand prix de l’Académie des sciences morales et politiques (« Réponse à Maurice Le Lannou », dans Remise solennelle du grand prix de l’Académie des sciences morales et politiques à M. Louis Chevalier, Paris, Palais de l’Institut, 1986, p. 11-14).
36 L’article fondateur de François Simiand, « Méthode historique et science sociale », Revue de synthèse historique, vol. 6-1 (16), p. 1-22 et vol. 6-2 (17), p. 129-157, paru initialement en 1903, est réédité par Braudel en 1960 dans les Annales ESC, vol. 15 (1), p. 83-119. L. Chevalier discute dans sa thèse de l’ouvrage majeur du sociologue, Le salaire, l’évolution sociale et la monnaie, Paris, Félix Alcan, 3 vols, 1932.
37 Voir Albert Aftalion et Jean Lescure, cités dans sa thèse (Les fondements économiques et sociaux…, op. cit., p. 36, n. 1), aux côtés de Simiand et Labrousse (lequel fut du reste marqué par l’enseignement du premier et les travaux des deux derniers, comme il s’en s’explique dans ses entretiens avec C. Charle dans les Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 32-33, 1980, p. 111-127).
38 L. Chevalier fait des allusions fugaces aux rapports rédigés dans le cadre de ses missions à la DGEN (voir p. 61 et p. 104, n. 2), dont on trouvera la liste dans P.-A. Rosental et I. Couzon, « Le Paris dangereux de Louis Chevalier… », art. cit., n. 54 p. 379. On peut d’une certaine manière considérer qu’outre l’article « Localisation industrielle et peuplement », publié dans le numéro inaugural de la revue Population (vol. 1 (1), 1946, p. 21-34), la synthèse de ces travaux est donnée par Chevalier dans un ouvrage dont il se réclame peu, Les paysans. Étude d’histoire et d’économie rurale, rédigé sous l’Occupation en 1944 mais publié chez Denoël en 1947. Il lui vaut l’amitié de Daniel Halévy, qu’il fréquente régulièrement en compagnie de Gabriel Marcel, Philippe Ariès et Pierre Boutang (voir le discours de Louis Chevalier du 28 mai 1986 cité supra, note 35 ; et, sur ce milieu, la biographie rédigée par Sébastien Laurent, Daniel Halévy. Du libéralisme au traditionalisme, Paris, Grasset, 2001).
39 Voir le commentaire par Lucien Febvre des publications de la DGEN sur la décongestion des centres industriels, Annales ESC, vol. 4 (3), 1949, p. 385-386.
40 Patrice Caro, Olivier Dard et Jean-Claude Daumas (eds.), La politique d’aménagement du territoire. Racines, logiques et résultats, Rennes, PUR, 2002 ; Matthew Wendeln, Le territoire contesté. L’aménagement du territoire en France, 1934-1968, thèse de doctorat d’histoire de l’EHESS, sous la dir. de Marc Olivier Baruch, Paris, 2011.
41 C’est postérieurement à notre période d’étude que Chevalier dresse le constat, qu’il fait remonter « au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, [du] remplacement d’une culture essentiellement qualitative – détenue et entretenue jusqu’alors par une grande bourgeoisie dans laquelle l’université n’était pas majoritaire – par une obsession de la quantité. Le chiffre bouscule le témoignage, l’exactitude ou l’inexactitude numérique dissipent la nuance. Ce renversement des valeurs correspond évidemment à un changement social » (L. Chevalier, Histoire anachronique des Français, Paris, Plon, 1974, p. 24).
42 P.-A. Rosental, « Le premier monde de la recherche… », art. cit.
43 Voir l’avant-propos de L. Chevalier à son dernier ouvrage, Juanito. Andalousie de boue et de sang, Paris, Payot, 1994 (1re éd. 1990), pénétrante ethnographie de la tauromachie andalouse par ailleurs.
44 Robert Gessain, « Anthropologie et démographie. Aperçus sur une recherche du qualitatif », Population, vol. 3 (4), 1948, p. 485-500, ici p. 490, s’en explique sans détours : l’ethnie « est un groupement naturel caractérisé essentiellement par une conscience d’appartenance, par certaines limites géographiques, généralement par une seule langue, et par un pourcentage caractéristique de certains types raciaux. C’est, on le voit, une notion culturelle et sociologique. Ce qu’il est donné de voir en observation directe dans le monde quand on se déplace, ce ne sont pas des groupes raciaux, mais des ethnies renfermant des types raciaux en plus ou moins grande complexité d’enchevêtrement […] Ainsi la notion de race se transforme ; sans limites précises dans l’espace, elle n’en a pas non plus dans le temps, car les caractères raciaux se créent, se maintiennent par sélection et ségrégation, et s’atténuent, se transforment et parfois disparaissent par métissage. La notion de race se modifie, échappe aux vives critiques qui lui étaient faites, et devient un taux de répartition de caractères héréditaires dans une population ». Voir également Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, 2002, notamment p. 311, n. 48 ; Angéline Escafré-Dublet et Lionel Kesztenbaum, « Mesurer l’intégration des immigrés. Genèse et histoire des enquêtes Girard-Stoetzel, 1945-1953 », Genèses, vol. 84 (3), 2011, p. 93-112.
45 Maurice Agulhon, « Les chocs d’une vie d’historien », dans La bibliothèque imaginaire du Collège de France, Paris, Le Monde éditions, 1990, p. 7-16.
46 Voir l’analyse détaillée de Pierre Birnbaum dans « La France aux Français ». Histoire des haines nationalistes, Paris, Seuil, 1993, chap. v, p. 145-186 et 350-359, et la notice biographique d’André Siegfried par Pierre Favre dans Jean-François Sirinelli (ed.), Dictionnaire historique de la vie politique française, Paris, Puf, 1995, p. 978-979.
47 Chevalier propose un modèle dynamique suggérant qu’après 1848, « la capitale emprunte à la province ses thèmes politiques beaucoup plus qu’elle ne les exporte en province. Disons plutôt que la province ne cesse de restituer à la capitale, inchangés, de vieux thèmes politiques qu’elle-même reçut de Paris, plusieurs générations auparavant […] La continuité politique de la capitale, en dépit des circonstances nouvelles et cette grande tradition révolutionnaire idéologique qui anime les crises parisiennes du xixe siècle, n’apparaît pas comme un produit original du milieu parisien ; c’est bien plutôt une tradition ouvrière et souvent agraire qui s’est maintenue dans de lointains cantons ou de vieux compagnonnages et que l’afflux continu des migrations humaines vient restituer obstinément à sa source première » (p. 15).
48 Les listes électorales révèlent comment « pour certaines familles particulièrement nombreuses […] il est facile d’identifier par le domicile et les âges, les membres de la famille […] nés dans des départements différents, jalonnant en quelque sorte la route de l’exode qui a fini par les mener, les uns et les autres, à Paris. Cela ne va pas sans une diversification des métiers, au sein d’une même famille, évoquant à côté de l’influence professionnelle du département d’origine, l’influence plus ou moins rapide du milieu parisien, le hasard des réussites et des échecs. Au-delà des chiffres, mais grâce à eux, tout un monde se creuse ainsi, la destinée de familles entières apparaissant au travers de quelques lignes et de quelques noms, avec cette authenticité digne de l’état civil, à laquelle Balzac disait vouloir atteindre » (p. 27). Voir les développements plus parlants encore p. 28 et 29.
49 Que « l’identification généralement établie entre certaines immigrations et certaines catégories professionnelles » ne vaille que pour quelques métiers « complique singulièrement l’enquête historique. Ce n’est plus le destin économique d’un groupe, quantitativement important, professionnellement identifié, qui compte, mais la carrière individuelle qui peut se poursuivre en dehors des habitudes collectives les mieux établies [...] Les bases qualitatives et quantitatives nécessaires à l’observation et à la description historiques semblent ainsi se morceler en une multitude de cas difficiles à préciser et non moins difficiles à rassembler » (ibid.).
50 « La différence ne repose pas sur des origines régionales ou locales, mais sur des qualités individuelles qui échappent à toute prospection d’ordre statistique » (p. 202).
51 « Conclure à la primauté des destins individuels peut être considéré comme une manière plus ou moins déguisée de renoncer à toute recherche [...] Il n’en est rien pourtant [...] L’étude de la civilisation régionale, dans ses aspects économiques, techniques et humains, est la seule qui puisse révéler l’unité et la généralité d’observations individuelles contradictoires et leur donner ainsi un sens historique » (p. 234).
52 Voir Manuela Martini, « Migrations et marché du travail dans le bâtiment. Le recrutement de la main-d’œuvre dans une petite entreprise de la banlieue parisienne (1946-1985) », dans Dominique Barjot et Olivier Faron (eds.), Migrations, cycle de vie familial et marché du travail, Paris, Cahier des Annales de démographie historique, 2002, p. 463-480.
53 Voir les travaux d’Edmund Ramsden, et notamment « Social Demography and Eugenics in the Interwar United States », Population and Development Review, vol. 29 (4), 2003, p. 547-593.
54 L. Chevalier, Démographie générale, op. cit., p. 153.
55 « “Qualité” peut être pris dans le sens général de qualité objective. On entend par qualités d’un objet ce qui est inhérent à l’objet et qu’on ne peut altérer sans altérer l’objet. C’est ce qu’en anthropologie on nomme les caractères d’un individu. “Qualité” peut aussi être pris dans le sens de ce qui est bon, de ce qui est bien, par exemple un produit ou un homme de qualité. Ici intervient un jugement de valeur. “Qualité” enfin peut s’opposer à quantité. On désigne par caractères qualitatifs les caractères qui ne sont pas quantifiables, mesurables, et dont les variations ne sont pas exprimables en langage mathématique » (Robert Gessain, « Anthropologie et démographie… », art. cit., p. 496).
56 William H. Schneider, « The Scientific Study of Labor in Interwar France », French Historical Studies, vol. 17 (2), 1991, p. 410-446 ; Jérôme Martin, « Aux origines de la “science des examens” (1920-1940) », Histoire de l’éducation, 94, 2002, p. 177-199.
57 Sur tous ces points, voir P.-A. Rosental, Destins de l’eugénisme, Paris, Seuil, 2016.
58 Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit, 1970, notamment p. 45-46.