1 Abraham Maslow, The psychology of science. A reconnaissance, New York-Londres, Harper and Row, 1966, p. 29, 81. D’après lui, la science est caractérisée par le conflit permanent entre la volonté de connaître et la peur de la connaissance, de sorte qu’elle peut devenir « une réaction de défense […] un moyen sophistiqué d’éviter des inquiétudes et des problèmes désagréables. À la limite, elle peut devenir la fuite de la vie. » (Ibid., p. 16, 33.)
2 Hans Kellner, « Triangular anxieties : The present state of European intellectual history », in Dominick LaCapra, Steven L. Kaplan (eds.), Modern European intellectual history. Reappraisals and new perspectives, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1982, p. 112.
3 H. Kellner, Language and historical representation. Getting the story crooked, Madison, The University of Wisconsin Press, 1989, p. 12-13.
4 Roland Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1970.
5 Reinhart Koselleck, « Le concept d’histoire », L’expérience de l’histoire, édité et préfacé par Michael Werner, Paris, Gallimard/Le Seuil (coll. « Hautes Études »), 1997, p. 15-23 ; Id., Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1990, p. 119.
6 François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003.
7 F. Hartog, Évidence de l’histoire. Ce que voient les historiens, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2005, p. 60 ; Id., Le miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, Paris, Gallimard, 1991, p. viii, xiii ; François Hartog, Michael Werner, « Histoire », in Barbara Cassin (éd.), Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Le Robert-Seuil, 2004, p. 554-555.
8 Ainsi, certaines chroniques médiévales s’ouvrent-elles sur un exposé sommaire de l’histoire universelle pour développer, après quelques pages, des histoires locales aux horizons bien limités.
9 Des périodisations semblables à ce schéma existaient avant la Renaissance (par exemple, le schéma des six âges de saint Augustin ou celui des quatre empires de saint Jérôme). D’ailleurs, la décomposition d’un tout en parties, dont la succession rend manifeste le sens du tout, ne présuppose pas nécessairement la tâche, évoquée par Panofsky, de comprendre les époques passées comme des ensembles de faits.
10 Erwin Panofsky, Essais d’iconologie. Thèmes humanistes dans l’art de la Renaissance, Paris, Gallimard (« Bibliothèque des sciences humaines »), 1967, p. 42.
11 E. Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Paris, Minuit, 1975.
12 Robin George Collingwood oppose l’imagination structurale dont dépend l’organisation du récit historique à l’imagination ornementale qui sert à l’embellir (The idea of history, New York, Oxford University Press, 1956, p. 241). De tout temps les historiens et leurs lecteurs pouvaient visualiser – et ont probablement visualisé – des scènes et des héros historiques. La peinture historique permet de comprendre quelles peuvent être les visualisations « ornementales », nous accoutumant en même temps à une certaine « culture de visualisation » de l’histoire.
13 R. Koselleck, Le futur passé, p. 170.
14 Pour le parallèle entre l’écriture historique et la peinture classique du xviiie siècle, voir Lionel Gossman, « History and literature. Reproduction or signification », in Robert H. Canary, Henry Kozicki (eds.), The writing of history. Literary form and historical understanding, Madison, The University of Wisconsin Press, 1978, p. 16-17.
15 Friedrich Meinecke, Die Entstehung des Historismus, Munich, Oldenburg Verlag, 1965, p. 1.
16 Raymond Williams, Culture and society : 1780-1950, New York, Columbia University Press, 1983, p. xiii, xv.
17 Jean Starobinski, « Le mot “civilisation” », Le remède dans le mal. Critique et légitimation de l’artifice à l’âge des Lumières, Paris, Gallimard, 1989.
18 R. Koselleck, Le futur passé, p. 85.
19 Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1969, p. 119.
20 Voir « Introduction », ici-même, note 69.
21 Sur les rapports entre le roman et l’histoire aux xviiie et xixe siècles, voir L. Gossman, « History and literature ».
22 Donald R. Kelley, « The old cultural history », History of the Human Sciences, 1996, 9 (3), p. 101-126.
23 Montesquieu, Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, Paris, Garnier, Flammarion, 1968.
24 Pour l’histoire des concepts culture et civilisation, voir chapitre 3, note 10. Il est vrai que les beaux jours de l’histoire culturelle ne se situent qu’à la fin du xixe siècle : Stefan Haas, Historische Kulturforschung in Deutschland 1880-1930. Geschichtswissenschaft zwischen Synthese und Pluralität, Cologne, Böhlau, 1994 ; Friedrich Jaeger, Bürgerliche Modernizierungskrise und historische Sinnbildung. Kulturgeschichte bei Droysen, Burkhardt und Max Weber, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1994 ; Rüdiger Vom Bruch, Friedrich W. Graf, Gangolf Hübinger (eds.), Kultur und Kulturwissenschaften um 1900. Krise der Moderne und Glaube an die Wissenschaft, Stuttgart, F. Steiner, 1989 ; Johannes Heinßen, Historismus und Kulturkritik. Studien zur deutschen Geschichtskultur im späten 19. Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck, Ruprecht, 2003.
25 En outre, elle était le plus souvent assimilée à une approche de l’histoire globale qu’à une histoire particulière. Au même titre que la sociologie débutante, l’histoire ainsi comprise pouvait prétendre être la seule science de la société. Selon Fustel de Coulanges, l’histoire bien écrite est la sociologie, cette dernière discipline n’étant donc pas nécessaire (F. Hartog, Le xixe siècle et l’histoire. Le cas Fustel de Coulanges, Paris, PUF, 1988). Pour l’influence de Fustel sur Durkheim, Steven Lukes, Émile Durkheim. His life and works, Stanford, Stanford University Press, 1985, p. 61). Le débat entre la sociologie et l’histoire dans les années 1900 apparaît donc avant tout comme un conflit de légitimation (Laurent Mucchielli, La découverte du social. Naissance de la sociologie en France (1870-1914), Paris, La Découverte, 1998, p. 420, 425 ; Madeleine Rebérioux, « Le débat de 1903 : historiens et sociologues », in Charles-Olivier Carbonnel, Georges Livet (eds.), Au berceau des Annales, le milieu strasbourgeois, l’histoire en France au début du xxe siècle. Actes du Colloque de Strasbourg, 11-13 octobre 1979, Toulouse, Presses de l’Institut d’études politiques de Toulouse, 1983, p. 219-230 ; plus récemment, Jacques Revel « Histoire et sciences sociales. Lecture d’un débat français autour de 1900 », Mil neuf cent, 25 (1), 2007, p. 101-126).
26 Voir les travaux cités note 60.
27 Charles-Victor Langlois, Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1897, p. 200-203. Malgré les critiques de certains historiens conservateurs, qui ont jugé ce texte trop théorique et libéral (William R. Keylor, Academy and community, the foundation of the French historical profession, Cambridge, Harvard University Press, 1975, p. 137), la majorité de la profession historique semble l’avoir pris, au moment même de sa publication, comme un manifeste de l’époque révolue, en d’autres termes, comme un reflet de la vulgate historiographique (L. Mucchielli, « Une relecture de Langlois et Seignobos », EspacesTemps, 59-61, 1995, p. 130-136).
28 Dans les années 1960 et 1970, cette mise en rubrique reste encore en usage, avec certaines modifications. Voir La recherche historique en France depuis 1965, Comité français des sciences historiques, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1980.
29 Ernest Lavisse, Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution, Paris, Hachette, 1911, 9 vol.
30 Cf. l’analyse des concepts historiques de William H. Walsh, « The intelligibility of history », Philosophy, 17, 1942, p. 128-143 ; Id., Introduction to the philosophy of history, Londres, Hutchinson, 1951, p. 23-24, 59-64.
31 William Whewell parlait d’un type particulier de sciences, à savoir les sciences analytico-classificatrices, et en particulier la géologie et la biologie : History of the inductive sciences, New York, D. Appleton, 1859, vol. 2, p. 311.
32 Rom Harré, « Laws of nature », in William H. Newton-Smith (ed.), A companion to the philosophy of science, Malden, Blackwell, 2000, p. 213-223.
33 Jean-Claude Passeron, Le raisonnement sociologique. Un espace non-poppérien de l’argumentation, Paris, Albin Michel, 2006, p. 130.
34 Gregory L. Murphy, Douglas L. Medin, « The role of theories in conceptual coherence », Psychological Review, 92 (3), 1985, p. 289-316 ; D. L. Medin, « Concepts and conceptual structure », American Psychologist, 44 (12), 1989, p. 1469-1481.
35 Cf. la théorie de la causalité historique de Mandelbaum, pour qui la cause et l’effet peuvent être pensés non comme deux faits différents mais comme deux aspects d’un même fait. (Maurice Mandelbaum, The anatomy of historical knowledge, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1977, p. 75, 109).
36 Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966, p. 86-91 ; Robert Darnton, Le grand massacre des chats, attitudes et croyances dans l’ancienne France, Paris, Laffont, 1985 ; R. G. A. Dolby, « Classification of the sciences. The nineteenth-century tradition », in Roy F. Ellen, David Reason (eds.), Classifications in their social context, Londres, New York, Academic Press, 1979, p. 167-193.
37 Sur les idées méthodologiques de Taine, voir Ch. -O. Carbonnell, Histoire et historiens : Une mutation idéologique des historiens français, 1865-1885, Toulouse, Privat, 1976, p. 301.
38 « La périodisation [...] rend l’histoire sinon déjà intelligible, du moins pensable », écrit Antoine Prost (Douze leçons sur l’histoire, Paris, Seuil, 1996, p. 115). En fait, elle la rend plus que pensable.
39 Jack H. Hexter, « Fernand Braudel and the monde Braudelien », On Historians, Cambridge, Harvard University Press, 1979, p. 138.
40 Les classifications sociales les plus détaillées ne comprennent jamais plus de sept ou neuf éléments sinon elles sont transformées en taxonomies à plusieurs niveaux. Voir W. Garry Runciman, « How many classes are there in contemporary British society ? », Sociology, 24 (3), 1990, p. 377-396 ; Alain Desrosières, Laurent Thévenot, Les catégories socioprofessionnelles, Paris, La Découverte, 1988, p. 68. Les sujets des enquêtes sociologiques distinguent, dans la société contemporaine, de deux à onze groupes sociaux, mais les rares cas où le nombre de catégories dépasse sept ou huit peuvent s’expliquer par l’intervention du mécanisme de la liste ouverte (Anthony P. M. Coxon, Peter M. Davies, Charles L. Johns, Images of social stratification. Occupational structures and class, Londres, Beverly Hills, Sage Publications, 1986, p. 76). Selon Elizabeth Bott, les sujets distinguent normalement, en fonction du type de leur vision de la société, de deux à trois jusqu’à quatre à huit catégories (Family and social network. Roles, norms, and external relationships in ordinary urban families, Londres, 1971, Tavistock Publications, p. 175-178). Les historiens ne font guère différemment, et leurs sources ne donnent pas non plus des classifications plus détaillées. Ainsi, Roland Mousnier a dénombré neuf « strates » dans la société française du xviie siècle (Recherches sur la stratification sociale à Paris aux xviie et xviiie siècles. L’échantillon de 1634, 1635, 1636, Paris, A. Pédone, 1975). Charles Loyseau, quant à lui, parle de neuf « ordres subalternes » séculiers et huit « ordres subalternes » du clergé, mais il les regroupe en trois ordres traditionnels, passant ainsi à une taxonomie à deux niveaux (Traicté des ordres et simples dignitéz, in Ouvres, Paris, 1640, p. 1-2). Jean Domat distingue neuf groupes, et ainsi de suite (Les loix civiles dans leur ordre naturel, Paris, 1767, vol. 1, p. 73-74). Soulignons qu’il s’agit ici de schémas exceptionnellement détaillés.
41 Voir l’article classique de George A. Miller, « The magical number seven, plus or minus two : Some limits on our capacity for processing information », Psychological Review, 63 (2), 1956, p. 81-96. La recherche ultérieure a montré que ce seuil était plus proche de six que de sept (Ulric Neisser, Cognitive psychology, New York, Appleton-Century-Crofts, 1967, p. 41-42). Le classement empirique aboutit en principe à la formation de six groupes, et jamais à plus de neuf (Jean-Louis Chaudon, Suzanne Pinson, Analyse typologique, théories et applications, Paris, New York, Masson, 1981, p. 163).
42 Pour le rôle de la division du travail dans la formation de la profession historique, voir W. R. Keylor, Academy and community, p. 103-104 ; Gérard Noiriel, Sur la crise de l’histoire, Paris, Belin, 1996, p. 211-260. Noiriel met en rapport la crise contemporaine de l’histoire décomposée en discours qui obéissent à des logiques différentes avec la crise sociale de la profession historique décomposée en communautés qui ne se parlent pas entre elles (p. 12-32). Voir aussi Raphaël Valéry, Olivier Dumoulin, « Avant-propos », in Périodes. La construction du temps historique. Actes du Ve colloque d’histoire au présent, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences, sociales, 1989, p. 9.
43 Selon la remarque de Natalie Zemon Davis, « tous les historiens s’appuient dans leur travail sur certaines idées générales de la personnalité » (R. Harding, J. Coffin, « Interview with Natalie Zemon Davis », in Henry Abelove et al. (eds.), Visions of History, New York, Pantheon Books, 1983, p. 117). De telles idées reflètent en particulier certains choix personnels des historiens, ce que Davis souligne dans le même entretien en expliquant que la direction de sa propre recherche est liée au fait qu’elle se situe plutôt comme une intellectuelle que comme une « professionnelle ».
44 Nikolay Koposov, « Sowjetische Historiographie, Marxismus und Totalitarismus. Zur Analyse der mentalen Grundlagen der Historiographie », Österreichische Zeitschrift für Geschichtswissen schaften, 2 (1), 1991, p. 41-66 ; Id., « Dos au vent. Une histoire sans surveillance », Espaces Temps, 59-61, 1995, p. 224-230.
45 W. R. Keylor, Academy and community, p. 90-100. François Furet, à propos de Seignobos : « Son découpage correspond à celui d’un historien républicain », in Jérôme Dumoulin, Dominique Moisi (eds.), L’historien entre l’ethnologue et le futurologue, Paris, La Haye, Mouton, 1972, p. 62.
46 Jacques Donzelot, L’invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Seuil, 1994 ; L. Mucchielli, La découverte du social.
47 J. Donzelot, L’invention du social ; G. Noiriel, « Pour une approche subjectiviste du social », Annales ESC, 44 (6), 1989, p. 1438.
48 A. Desrosières, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993.
49 Le caractère atomiste du modèle libéral est évident. Karl Marx représente lui aussi la société capitaliste comme atomisée, toutes les formes de la solidarité étant détruites par le marché (J. Donzelot, L’invention du social, p. 49-72). Voir aussi James T. Kloppenberg, Uncertain victory. Social democracy and progressivism in European and American thought, 1870-1920, New York, Oxford University Press, 1986.
50 George Weisz, The emergence of modern universities in France, 1863-1914, Princeton, Princeton University Press, 1983, p. 270 ; L. Mucchielli, La découverte du social ; J. Donzelot, L’invention du social ; J. E. S. Haywood, « Solidarity : The social history of an idea in xixth century France », International Review of Social History, 4, 1959, p. 261-284. Pour le lien entre les théories solidaristes et le développement des sciences sociales, voir G. Weisz, The emergence of modern universities in France, p. 369 ; S. Lukes, Émile Durkheim, p. 102.
51 Le projet intellectuel de Durkheim est fondé sur la critique du libéralisme, comme l’est la philosophie néo-kantienne française représentée par Charles Renouvier et Émile Boutrou (L. Mucchielli, La découverte du social, p. 90-91, 158-162).
52 Ou de la sociologie qui n’a jamais complètement abandonné la prétention à être la science sociale au singulier.
53 Voir H. Stuart Hughes, Consciousness and society. The reorientation of European social thought, 1890-1930, New York, Alfred A. Knopf, 1961, p. 66.
54 Selon Henri Lefebvre, « vers 1910, l’espace commun au bon sens, au savoir, à la pratique sociale, au pouvoir politique, contenu du discours quotidien comme de la pensée abstraite, milieu et canal des messages, celui de la perspective classique et de la géométrie, élaboré depuis la Renaissance à partir de l’héritage grec (Euclide et la logique), à travers l’art et la philosophie de l’Occident, incorporé dans la ville, cet espace s’ébranle [.] L’espace euclidien et perspectif disparaît comme référentiel, avec les autres lieux communs. » (La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974, p. 34.) Pour les transformations dans la perception de l’espace et du temps à la fin du xixe et au début du xxe siècle, voir Stephen Kern, The culture of time and space, 1880-1918, Cambridge, Harvard University Press, 1983.
55 Cité en L. Mucchielli, La découverte du social, p. 162. Sur les origines philosophiques de la sociologie durheimienne, ibid., p. 167-170 ; D. LaCapra, Émile Durkheim. Sociologist and philosopher, Ithaca, Cornell University Press 1972, p. 4.
56 Selon D. La Capra, Durkheim tendait à identifier l’esprit et la société (Émile Durkheim, p. 10).
57 L. Mucchielli, La découverte du social, p. 202. Sur M. Halbwachs, ibid., p. 509-519. Voir aussi S. Lukes, Émile Durkheim, p. 320-325.
58 Marcel Mauss, « Essai sur le don », Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950.
59 L. Mucchielli, La découverte du social, p. 492. La rubrique économique de L’Année sociologique s’intitulait « Psychologie des systèmes économiques ».
60 Voir par exemple Henri Hauser, Ouvriers du temps passé (xve-xvie siècles), Paris, F. Alcan, 1899 ; Henri Sée, Les classes rurales et le régime domanial au Moyen Âge, Paris, Giard, Brière, 1901 ; Id., La France économique et sociale au xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1925 ; Prosper Boissonnade, Essai sur l’organisation du travail en Poitou depuis le xie siècle jusqu’à la Révolution, Paris, Champion, 1900 ; Pierre de Vaissière, Gentilshommes campagnards de l’ancienne France, Paris, 1903. Pour les rapports entre le socialisme et l’histoire sociale, G. Noiriel, « Pour une approche subjectiviste du social », p. 1438 ; G. Weisz, The emergence of modern universities in France, p. 288 ; Id., « L’idéologie républicaine et les sciences sociales. Les durkheimiens et la chaire d’histoire d’économie sociale à la Sorbonne », Revue française de sociologie, 20, 1979, p. 106-109. Selon L. Mucchielli, « contrairement au mythe forgé par les héritiers de l’école des Annales après la Seconde Guerre mondiale, c’est bien dès le tournant du siècle qu’est née en France ce que Berr appellera pour la première fois en 1919 la “ nouvelle histoire ”, expression promise à un grand avenir. » (La découverte du social, p. 452.) Voir aussi Id., « Aux origines de la nouvelle histoire en France : L’évolution intellectuelle et la formation du champ des sciences sociales (1880-1930) », Revue de synthèse, 4e série, 1, janv.-mars 1995, p. 55-98. Sur le rôle du mythe de l’histoire événementielle pour la fondation du programme des Annales, voir Philippe Carrard, Poetics of the new history. French historical discourse from Braudel to Chartier, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1992, p. 1-2 ; G. Noiriel, Sur la crise de l’histoire.
61 S. Lukes, Émile Durkheim, p. 394 ; W. R. Keylor, Academy and community, p. 168-169, 201 ; L. Mucchielli, La découverte du social, p. 415-452 ; Robert J. Smith, « L’atmosphère politique à l’École normale supérieure à la fin du xixe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 20 (2), 1973, p. 248-268.
62 Voir à cet égard la critique du programme d’histoire sociale au sens étroit par Francois Simiand : « Que veut dire l’opposition entre des institutions sociales et d’autres qui, paraît-il, ne le sont pas ? Le mot social a tant d’emplois qu’il serait nécessaire de nous dire comment il peut bien être défini pour que la propriété, la famille, l’éducation et les classes sociales soient sociales et que la religion, l’appropriation, les transmissions ne le soient pas. » (« Méthode historique et science sociale », Annales ESC, 15 (1), 1960, p. 83-119, ici p. 108.) Ici, on entend déjà la voix de Lucien Febvre.
63 Pour le concept de social chez les historiens de l’école des Annales, voir Traian Stoianovich, French historical method. The Annales paradigm, Ithaca, Londres, Cornell University Press, 1976, p. 95-97.
64 Lucien Febvre a ainsi commenté le titre des Annales d’histoire économique et sociale : « Il n’y a pas, à proprement parler, d’histoire économique et sociale [...] Quand nous avons fait imprimer, Marc Bloch et moi, ces deux mots traditionnels sur la couverture des nos Annales, nous savions bien que “ social ”, en particulier, est un de ces adjectifs à qui on a fait dire tant de choses, dans le cours des temps, qu’il ne veut finalement à peu près plus rien dire. Mais c’est bien pour cela que nous l’avons recueilli [...] Car nous étions d’accord pour penser que, précisément, un mot aussi vague que “ social ” semblait avoir été créé et mis au monde par un décret nominatif de la Providence historique, pour servir d’enseigne à une Revue qui prétendait ne pas s’entourer de murailles, mais faire rayonner largement, librement, indiscrètement même, sur tous les jardins du voisinage [...] Il n’y pas d’histoire économique et sociale. Il y a l’histoire tout court, dans son Unité [...] L’épithète de sociale [...] nous rappelle que l’objet de nos études ce n’est pas un fragment du réel, un des aspects isolés de l’activité humaine – mais l’homme lui-même, appréhendé au sein des groupes dont il est membre. » (Combats pour l’histoire, p. 19-21.) Cf. les réflexions de Max Weber sur le caractère imprécis mais suggestif de la notion de social (M. Weber, « L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociale [1904] », Essais sur la théorie de la science, trad. de l’allemand par Julien Freund, Paris, Plon, 1965, p. 122).
65 L. Febvre, Combats pour l’histoire, p. 20. En 1930, Febvre écrit à Pirenne : « Tout sujet est “ social ” » (Bryce Lyon, Mary Lyon (eds.), The birth of Annales history. The letters of Lucien Febvre and Marc Bloch to Henri Pirenne (1921-1935), Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1991, p. 121).
66 Extrait d’une lettre de Marc Bloch, citée par Paul Leuilliot, « Aux origines des Annales d’histoire économique et sociale (1928). Contribution à l’historiographie française », Mélanges en l’honneur de Fernand Braudel, Toulouse, Privat, 1973, vol. 2, p. 318.
67 L. Febvre, Combats pour l’histoire, p. 21. Voir aussi chez Georges Lefebvre : « L’histoire économique se prolonge donc en histoire sociale : l’épithète n’a qu’un sens vague à force d’en trop avoir. Entendez qu’elle observe et décrit les divers modes de structure des groupements humains. » (Réflexions sur l’histoire, Paris, Maspero, 1978, p. 154.)
68 Bloch écrit à Pirenne en 1931 : « Nous devons beaucoup – et j’ai moi-même largement conscience de ma dette – aux efforts des sociologues, de l’école de Durkheim particulièrement », in B. Lyon, M. Lyon, The birth of Annales history, p. 131). Voir aussi R. Colbert Rhodes, « Émile Durkheim and the historical thought of Marc Bloch », Theory and Society, 5 (1), 1978, p. 45-73.
69 Voir M. Bloch, La société féodale, Paris, Albin Michel, 1939-1940, t. 2, livre I. Quoique dans son ouvrage, Philippe II et la Franche Comté (Paris, Champion, 1911), Lucien Febvre ait consacré quelques chapitres à l’histoire des groupes sociaux, dans ses écrits méthodologiques ultérieurs il met l’accent surtout sur le caractère social de la nature humaine, donc, sur le social au sens large. D’ailleurs la problématique du social au sens étroit présentait toujours de l’intérêt pour Bloch et Febvre, comme en témoigne en particulier leur projet de recherche sur l’histoire de la noblesse, proposé en 1936. Voir M. Bloch, L. Febvre, « Les noblesses. Reconnaissance générale du terrain », Annales d’histoire économique et sociale, 8 (39), 1936, p. 238-242.
70 Pour Marc Bloch, « les faits historiques sont, par essence, des faits psychologiques » (Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1974, p. 157). Voir aussi Otto Gerhard Oexle, « Marc Bloch et la critique de la raison historique », in Hartmut Atsma, André Burguière, Marc Bloch aujourd’hui. Histoire comparée et sciences sociales, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1990, p. 419.
71 Aux côtés de Georges Lefebvre. Voir Camille-Ernest Labrousse, « Introduction », L’Histoire sociale. Sources et méthodes. Colloque de Saint-Cloud (1965), Paris, PUF, 1967, p. 3.
72 « Il est bien curieux de constater qu’aujourd’hui, dans un monde saturé d’électricité, alors que l’électricité nous offrirait tant de métaphores appropriées à nos besoins mentaux – nous nous obstinons encore à discuter gravement des métaphores venues du fond des siècles, lourdes, pesantes, inadaptées ; nous nous obstinons toujours à penser les choses de l’histoire par assises, par étages, par moellons – par soubassements et par superstructures, alors que le lancer des courants sur le fil, leurs interférences, leurs courts-circuits nous fourniraient aisément tout un lot d’images qui s’inséreraient avec beaucoup plus de souplesse dans le cadre de nos pensées. » (Combats pour l’histoire, p. 26.)
73 Voir par exemple, dans Apologie pour l’histoire, le paragraphe consacré à la « nomenclature », qui se limite en fait au rêve d’une langue idéale des concepts strictement définis et universellement acceptés. Les quelques rares tentatives des fondateurs des Annales de revoir le système conceptuel hérité, comme par exemple la périodisation de l’histoire par générations proposée par Marc Bloch, étaient insuffisantes par rapport à leurs ambitions (M. Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1974, p. 130-153).
74 Le fait que les représentations collectives étaient aussi « une réalité historique, faisant corps avec les autres réalités » (Jean Batany, Philippe Contamine, Bernard Guenée, Jacques Le Goff, « Plan pour l’étude historique du vocabulaire social de l’Occident médiéval », Ordres et classes, p. 87) devait être régulièrement rappelé aux participants au débat sur ordres et classes.
75 Jean-Frédéric Schaub, « L’histoire politique sans l’État : mutations et reformulations », in Carlos Barros (ed.), Historia a debate, 1993, t. 3, Otros enfoques, p. 217-235.
76 Voir plus haut, note 65.
77 Pour le rapport entre la théorie des instances d’Althusser et la vision « étagée » de la vie sociale, voir la rubrique « Instance », in Georges Labica (ed.), Dictionnaire critique du marxisme, Paris, PUF, 1982, p. 463-465.
78 Pour Labrousse, la théorie des trois niveaux explique les rythmes du développement historique : « L’objet de cette histoire [l’histoire sociale], au-delà de l’étude des groupes sociaux et de leurs rapports, est l’étude des rapports entre l’économique, le social et le mental [...] Le mouvement, c’est par excellence – mais non pas toujours – l’économique. Or, sur l’économique, retarde le social [...] Inversement, le social retarde l’économique [...] Mais sur le social, le mental retarde à son tour. » (« Introduction », L’Histoire sociale. Sources et méthodes. Colloque de l’École normale supérieure de Saint-Cloud (15-16 mai 1965), Paris, PUF, 1967, p. 5 ; voir aussi Atti del X Congresso Internazionale di Scienze Storiche, Roma, 1955, Rome, 1957, p. 530.) Pour Braudel, le déroulement de l’histoire prenait également sa source dans le rapport entre les trois paliers des phénomènes historiques, même si ce sont des principes différents qui ont déterminé leur distribution par paliers : le « temps immobile » était celui des conditions de base, géographiques aussi bien que mentales, du processus historique, tandis que la durée moyenne était celle des phénomènes économiques et sociaux (souvent réunis sous l’étiquette de socio-économies). D’ailleurs il définissisait parfois le palier moyen comme « une histoire sociale, celle des groupes et des groupements » (La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1990, vol. 1, p. 17). Quant au troisième palier, il consistait bien évidemment en événements politiques. Enfin, pour Althusser, la séparation en trois instances – économie, société et culture – servait à souligner aussi bien le rôle fondamental de l’économique que l’autonomie relative des phénomènes culturels.
79 Pierre Chaunu, « Un nouveau champ pour l’histoire sérielle : le quantitatif au troisième niveau », Mélanges en l’honneur de Fernand Braudel, Toulouse, Privat, 1973, vol. 2, p. 105-125.
80 Lawrence Stone, « The revival of narrative : Reflections on a new old history », The past and the present, Boston, Routledge and K. Paul, 1981, p. 79 ; Roger Chartier, « Histoire intellectuelle et histoire des mentalités. Trajectoires et questions », Revue de Synthèse, IIIe série, 111-112, 1983, p. 277-307. En 1995, le comité de rédaction des Annales a renoncé à l’ancien sous-titre de la revue qui exprimait la vision stratifiée de l’histoire. Dans l’un des articles inaugurant le « tournant critique » de la revue, la métaphore braudélienne des « niveaux étagés » de l’histoire est explicitement rejetée. (« Tentons l’expérience », Annales ESC, 44 (6), 1989, p. 1318, 1320.) « Les découpages scolaires (histoire économique, politique, sociale, culturelle) paraissent avoir perdu beaucoup de leur pertinence », affirme dans le même numéro Alain Boureau, « Propositions pour une histoire restreinte des mentalités », ibid., p. 1491.
81 Sur Braudel visionnaire, voir Paule Braudel, « Les origines intellectuelles de Fernand Braudel : un témoignage », Annales ESC, 47 (1), 1992, p. 237-244.
82 Paul-André Rosental, « Métaphore et stratégie épistémologique : La Méditerranée de Fernand Braudel », in Daniel S. Milo, A. Boureau (dirs.), Alter Histoire. Essais d’histoire expérimentale, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 109-126 ; H. Kellner, Language and historical representation, p. 153-187. Sur les métaphores utilisées par les historiens de l’école des Annales, voir Ph. Carrard, Poetics, p. 198-217.
83 F. Braudel, Écrits sur l’histoire, p. 13.
84 Ibid., p. 112. On attribue parfois à Braudel un découpage novateur de l’histoire divisée cette fois selon la vitesse des différents temps historiques (Marc Ferro, « Au nom du père », Espaces Temps, 34-35, 1986, p. 6). Il est vrai que les paliers de Braudel ne correspondent pas exactement aux instances d’Althusser ou aux niveaux de Labrousse. D’ailleurs il s’exprimait souvent de façon à donner l’impression que le niveau moyen était selon lui celui de l’histoire sociale, voir plus haut, note 78. Roger Chartier souligne justement que la théorie braudélienne a renforcé l’image stratifiée de l’histoire (R. Chartier, Lectures et lecteurs dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1987, p. 59).
85 J. H. Hexter, « Fernand Braudel and the monde Braudelien », p. 100 (je traduis).
86 Dans un sens, l’histoire sociale ressemblait au signifiant de Saussure : un signe n’existe que s’il se distingue des autres signes (en l’occurrence, l’économique, le politique et le culturel). Voir en particulier la définition de l’histoire sociale donnée par Ricour : « Par histoire sociale, on entend le cercle large des phénomènes, qui s’étend de ce que Fernand Braudel a appelé “ la civilisation matérielle ”.., jusqu’à ce que certains autres appellent histoire des visions du monde. » (The Contribution of French historiography to the theory of history, Oxford, Clarendon Press, 1980, p. 29.)
87 Ainsi, A. Boureau écrit à propos de la micro-histoire à l’italienne : « Le découpage disciplinaire a été neutralisé et homogénéisé : à la limite, l’histoire n’a plus besoin de noms de champs. L’histoire actuelle, dans des champs locaux, construit des objets locaux en se débarrassant de la rigidité des contraintes nominales et rhétoriques [.] L’échafaudage nominal et théorique paraît désormais inutile. » (« Propositions pour une histoire restreinte des mentalités », p. 1492-1493.)
88 Georges Matoré, L’espace humain. L’expression de l’espace dans la vie, la pensée et l’art contemporain, Paris, La Colombe, 1962.
89 Olivier Mongin, Face au scepticisme. Les mutations du paysage intellectuel (1976-1998), Paris, Hachette, 1998, p. 217-224 ; Martin Jay, Downcast eyes, The denigration of vision in twentieth-century French thought, Berkeley, University of California Press, 1994. Déjà, dans les années 1960, plusieurs chercheurs de différentes disciplines ont signalé l’essor du visuel et sa tendance à l’autonomisation dans la culture contemporaine (Pierre Francastel, Études de sociologie de l’art, Paris, Denoël/Gonthier, 1970, p. 57-8 ; André Le Roy-Gourhan, Le geste et la parole, Paris, Albin Michel, 1964-1965, vol. 1, p. 296, vol. 2, p. 261).