1 La notion est empruntée à l’analyse de Milgrom et Roberts, 1992, p. 137-148.
2 Avant la réforme de 2003, les intermittents, pour être éligibles à l’indemnisation de leur chômage, pouvaient faire entrer, dans le calcul des heures, des emplois obtenus hors du champ d’application des annexes particulières, dans la limite des deux tiers (338 heures sur les 507 heures du seuil d’accès). Depuis l’application de la réforme, les heures nécessaires doivent être trouvées exclusivement dans les entreprises et les activités relevant du spectacle ; mais entrent désormais dans le compte des heures, et pour une quantité maximale de 120 heures, les activités d’enseignement et de formation dispensées dans un ensemble d’établissements répertoriés. Demeurent en revanche comptabilisés des temps hors travail : les périodes de formation professionnelle reçue (dans la limite de 338 heures) et les périodes de congé maladie et de congé maternité, malgré des tentatives de durcissement de la réglementation, qui ont été combattues et repoussées.
3 L’analyse de l’importance prise par l’état d’intermittent à employeur unique, et des sécurités qu’il procure dans le monde de la danse, a été faite par Rannou et Roharik (2005).
4 L’enquête de Philippe Coulangeon sur les musiciens a montré que 58 % des musiciens recensés par la Caisse des congés spectacles obtenaient, en 2000, plus de 50 % de leur volume de travail auprès d’un seul employeur (31 % en obtenaient plus de 75 %). Ces proportions varient selon les genres musicaux et les marchés professionnels correspondants : 41 % des musiciens classiques, contre 29 % des musiciens des genres dits populaires, avaient obtenu de leur principal employeur plus de 75 % de leur travail (Coulangeon, 2004, p. 178-182).
5 Le rapport établi par Bernard Gourinchas, en janvier 2004, sur l’utilisation du CDD d’usage dans l’audiovisuel, montre que les comptes assurantiels de ce secteur (le ratio cotisations/prestations) sont beaucoup mieux équilibrés que ceux des autres secteurs du spectacle. Et au sein du secteur audiovisuel, le taux de recours à l’intermittence était par ailleurs plus élevé, en 2002, dans les sociétés d’audiovisuel public que dans celles du secteur privé. L’analyse ne portait pas sur les nombreuses entreprises de production audiovisuelle à qui les grandes sociétés commandent des programmes.
6 Les articles publiés par Alain Lebaube dans Le Monde, en 1991 et 1992, ont sans doute constitué le premier exemple d’une mise en circulation publique des éléments de base de cette connaissance commune.
7 L’argument de la fraude qui a été manié depuis 2003 avec une intensité sans équivalent a déclenché et légitimé un renforcement sans précédent des contrôles. À l’occasion des 3 848 contrôles effectués par les services de la Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal en 2004, 2 820 infractions ont été relevées. La liste des infractions les plus courantes-dissimulation de salariés et dissimulation d’activité (48 %), abus de CDD d’usage (22 %), fausse sous-traitance et prêt illicite de main-d’œuvre (8,7 %), fraude aux Assedic (7,1 %)-est assortie d’un avertissement soulignant que « dans de nombreux cas, la sophistication des fraudes et/ou les spécificités du secteur n’ont pas permis aux agents de mener à bien leur contrôle ».
8 Pour une liste et une typologie des arrangements et contournements, voir notamment Paradeise (1992, 1998), Vincent (1992), Menger (1994a, 1998), Coulangeon (1999, 2004), Roigt et Klein (2002).
9 Sur tout ce développement, voir Dupeyroux, Borgetto, Lafore et Ruellan, 2001.
10 Dans un rapport de 1994, Patrick Devaux a observé que l’État trouve dans le système particulier des règles d’indemnisation de l’intermittence le moyen de s’épargner les dépenses qui auraient été imputées au régime de solidarité, même si l’ampleur de l’économie ainsi réalisée apparaît particulièrement modeste : «L’État peut-il durablement attendre le relais de sa politique culturelle ou à tout le moins de certaines des conséquences qu’elle entraîne de la part de la solidarité interprofessionnelle représentée par l’Unédic ? L’État a certes affirmé son soutien au système général d’assurance-chômage en allouant une aide de dix milliards de francs renouvelable et en garantissant les emprunts contractés. Il convient toutefois de préciser que pour l’État, le régime des intermittents du spectacle dont le déficit pèse sur l’Unédic a du moins l’avantage de permettre une économie substantielle. Dans la mesure où il se régénère régulièrement à la date anniversaire des droits, il évite très largement, comme c’est le cas pour les ressortissants de l’annexe 4 au régime général, le transfert vers le régime de solidarité. Dans ce dernier cas, le taux de sortie de l’un vers l’autre peut être évalué à 5,7 %. Si l’on appliquait ce même taux aux ressortissants des annexes 8 et 10, ceux-ci, recevant dès lors l’allocation de solidarité, procureraient au régime d’assurance chômage une économie de 17,6 millions de francs. » (Devaux, 1994, p. 16.)
11 Cet accord a été ratifié, en 2000, par tous les partenaires sociaux du secteur, mais s’est heurté à l’opposition des organisations patronales dans les instances paritaires de l’Unédic (Medef, CGPME, UPA).
12 Sur les inégalités spectaculaires observées dans les mondes artistiques et sur leur mise en spectacle dans les tournois de célébrité (prix Goncourt, Césars, hit-parades et autres palmarès et distributions de prix), voir Menger, 2003.
13 Dans La profession de comédien (1998), nous avions établi, par une enquête auprès d’un millier de comédiens, que c’est dans le monde du théâtre et du spectacle vivant que les coordinations recrutent l’essentiel de leurs effectifs, et que l’adhésion à celles-ci, tout comme les engagements multiples (appartenance à un syndicat et engagement dans une coordination) sont plus fréquents en province qu’à Paris et en Île-de-France. Que l’existence même des coordinations soit fondée sur la défense des règles de l’imbrication emploi-chômage de l’intermittence telles qu’elles furent établies au début des années 1980 est attesté par un autre résultat de l’enquête : les comédiens n’étaient, au milieu des années 1990, que 44 % à se déclarer bien ou très bien informés des dispositions de leur système d’assurance chômage ; en revanche, c’est le cas de 60 % de ceux qui déclaraient appartenir à une coordination et de 55 % des syndiqués. Avec l’ampleur croissante des mobilisations suscitées par les tentatives de réforme, la connaissance des règles du régime de l’intermittence s’est depuis lors renforcée dans l’ensemble des professions concernées.
14 L’emploi intermittent est devenu monnaie courante dans les radios et les chaînes de télévision, notamment avec la création et la multiplication des opérateurs privés, avec l’augmentation des volumes de programmes à offrir quotidiennement, avec la concurrence d’audience et de recettes publicitaires : ensemble, ces facteurs agissent dans le sens d’une externalisation de la production et d’une pression sur les coûts fixes de production pour organiser la gestion des risques d’entreprise. Les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle ont, de leur côté, une connaissance quasi intime des situations de flexibilité contractuelle de l’emploi, en raison des parentés entre le travail intermittent et l’activité régulière à la pige, et de la présomption de salariat qui s’applique aux journalistes, dans des conditions de moindre sollicitation, il est vrai, de l’indice de la subordination que dans le cas des artistes (voir Gaudu et Vatinet, 2001, p. 41-42). Les journalistes pigistes, avec diverses autres professions aux conditions d’emploi particulières, sont en outre couverts, eux aussi, par une annexe spécifique de la convention de l’Unédic, pour leur risque de chômage ; certaines dispositions concernent la compatibilité entre l’exercice d’activités réduites et le maintien en indemnisation, et dérogent aux conditions habituelles de limitation du volume horaire et du montant de rémunération de l’activité ainsi imbriquée dans l’état de chômage indemnisé, ce qui rapproche la situation des pigistes chômeurs de celle des intermittents, sans l’égaler quant à l’organisation systématique de l’imbrication.