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    Plan détaillé Texte intégral Coordonner des institutions (2006-2010) Économie politique de l’aide (2011-2014) Dispositif, assemblage, système : changer de cadrage Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Les objets composés

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’aide humanitaire à Pweto (Katanga, République démocratique du Congo)

    Un assemblage incertain de personnes et de ressources

    Michel Naepels

    p. 303-327

    Texte intégral Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Dans l’enquête ethnographique que je mène dans la région rurale de Pweto, en République démocratique du Congo (RDC), j’ai été confronté à la réalité de la mise en œuvre de l’aide « humanitaire », dans une économie politique locale marquée par l’incertitude. Ce n’était nullement mon objet empirique initial : après avoir travaillé avec une approche ethnographique et historique en Nouvelle-Calédonie sur des situations de violence liées à des conflits locaux (Naepels, 2013), mon objectif au Congo était d’enquêter sur ce qui se passe après la guerre, après la violence, après les opérations d’aide qui se déploient dans le cadre des opérations internationales « post-conflit ». L’ampleur de la violence et ses échos historiques sont des aspects importants de la réalité sociale congolaise, et des travaux qui cherchent à la décrire (Hunt, 2008 ; Roberts, 2013 ; Raeymaekers, 2014 ; Claverie, 2015), occultant parfois d’autres dimensions de la vie sociale. Je souhaitais contourner cette thématique, mais la réalité empirique m’a conduit à réorienter ce projet : au cours de mon enquête, après l’évasion d’un chef milicien, la violence est revenue dans la région où je séjourne (entraînant le retour du dispositif d’aide humanitaire). Au moyen d’enquêtes ethnographiques menées à Pweto, au Katanga, la riche province minière du sud-est de la RDC (2011, 2012, 2013, 2014 et 2016), je me suis interrogé sur les implications pour la population rurale, disposant par ailleurs de faibles ressources, de vivre sous la menace constante d’un groupe armé, installé à proximité, et d’un État prédateur, afin de réfléchir aux formes sociales de gestion de l’incertitude. Mon approche résulte du choix d’une échelle d’enquête microsociologique, adéquate au type d’approfondissement qualitatif que vise l’enquête ethnographique. Il s’agit en procédant de cette manière, par enquête in situ, de ne pas partir de l’État, de sa faillite, de son renforcement ou de sa reconstruction ; ni non plus des combattants, des camps de réfugiés ou de l’actualité la plus grande des conflits ; mais bien plutôt de villages, de bourgs et de petites villes, de lieux de vie commune d’hommes et de femmes, où se tissent et se recomposent les liens sociaux.

    2Ainsi, mon objet n’est plus le retour à l’ordinaire (Naepels, 2014), mais la manière dont les temps troublés de l’après-guerre et de la post-colonie contraignent chacun et chacune à une gestion quotidienne du dénuement et de l’incertitude. La recherche de protection locale ou de médiation vers les puissants, l’insertion dans les espaces économiques et sociaux de la paysannerie, de la milice, de l’exploitation minière et de l’aide non-gouvernementale, l’accès aux positions étatiques de contrôle et de captation des ressources mobilisent les capacités politiques des gens ordinaires. Je ne déploie pas une anthropologie de l’aide, mais m’interroge sur la place de celle-ci comme ressource locale. M’appuyant sur des travaux portant sur l’État post-colonial (Bayart, Ellis & Hibou, 1997 ; Mbembe, 2000 ; Roitman, 2005), sur l’aide internationale (Agier, 2003, 2008 ; Atlani-Duault, 2005 ; Atlani-Duault & Vidal, 2009), sur l’économie paysanne en Afrique centrale (Moore & Vaughan, 1994 ; Chauveau & Richards, 2008), j’essaye de décrire la manière dont se nouent ces enjeux politiques, autour de la construction de soi dans l’initiative, la résignation, la mobilité ou le chagrin. Mon objectif empirique est avant tout de décrire une « situation » sociale, dans la tradition de Max Gluckman (1940), de l’École de Manchester (Turner, 1957 ; Van Velsen, 1967), et de Georges Balandier (1951). Dans son article classique, centré sur l’inauguration d’un pont en Afrique du Sud, Gluckman définissait ainsi cette approche :

    Comme point de départ de mon étude, je décris une série d’événements tels que je les ai consignés au cours d’une journée. Les situations sociales représentent une part importante de la matière première de l’anthropologue. Ce sont les événements qu’il observe, et à partir de ceux-ci et de leurs rapports réciproques dans une société donnée, il déduit la structure sociale, les relations, les institutions, etc., de cette société. C’est grâce à ces événements, et à de nouvelles situations, qu’il doit vérifier la validité de ses généralisations. […] À travers ces situations, et en les mettant en relation avec d’autres situations non décrites, j’essaierai de dessiner la structure sociale du Zoulouland moderne. Je les appelle « situations sociales », puisque je les analyse dans leurs rapports avec d’autres situations dans le système social du Zoulouland. (Gluckman, 2008, p. 136)

    3Il s’agit ainsi, par une focale microsociologique, d’articuler différentes dimensions de la réalité sociale : rapports sociaux, arrangements matériels, schémas pratiques, répertoires normatifs, etc., pour décrire une complexité indéterminée que seule l’enquête ethnographique sur place permet de parcourir (Naepels, 2012). L’aide humanitaire n’est ainsi qu’un aspect, qu’une composante, d’une situation sociale locale complexe.

    4Pour rendre compte du déploiement de l’aide dans une période de crise, on peut tirer parti du concept de dispositif (Dodier & Barbot, 2016) pour insister sur la coordination des opérateurs impliqués et sur les dimensions matérielles de leur action. Le concept plus flou d’assemblage permet quant à lui d’insister sur les dimensions non-intentionnelles de la situation qui en résulte – je reprends ici les caractérisations des assemblages qu’Anna Tsing a utilisées pour construire sa description du capitalisme, en parlant de « coordination non-intentionnelle » (Tsing, 2017, p. 60), ou d’« un enchevêtrement ouvert de façons d’être » (ibid., p. 137). Dans les deux cas, dispositif ou assemblage, le gain descriptif est considérable par rapport à une description des acteurs institutionnels de l’aide humanitaire qui partirait de la justification qu’ils donnent de leur pratique, et qui mobilise, dans le cas de la RDC, une série de concepts récurrents : la pauvreté, la souffrance, le dénuement, l’état d’exception. Un tel registre dépolitise les acteurs, manque leurs répertoires justificatifs propres comme leurs capacités d’action. Je chercherai dans cet article à décrire les modalités de mise en œuvre de l’aide humanitaire à Pweto en explorant la pertinence et les limites descriptives des concepts de dispositif et d’assemblage. Je m’interrogerai en particulier sur la manière dont les acteurs sociaux humains font partie ou sont en interaction avec le dispositif humanitaire, et sur la nature de la délimitation, ontologique ou descriptive, de l’assemblage d’éléments hétérogènes qui se noue dans la description d’une complexité sociale. Je me demanderai également, chemin faisant, ce qu’implique pour l’enquêteur le fait que ses « sources » (qu’il s’agisse de documents écrits ou d’interactions ethnographiques) fassent (au moins partiellement) partie du dispositif étudié.

    Coordonner des institutions (2006-2010)

    Rentrer à Pweto

    5Le territoire de Pweto1 a été traversé par les troupes armées du mouvement rebelle que dirigeait Laurent-Désiré Kabila en 1996-1997, avant la chute du président Mobutu. Après sa prise du pouvoir, une guerre de cinq ans impliquant de nombreux pays se déroula sur le territoire congolais entre 1998 et 2003. Pweto constitua une ligne de front avant de tomber sous contrôle rwandais en décembre 2000, lors de la « bataille de Pweto », ce qui entraîna le départ de la presque totalité de la population locale, par crainte d’exactions contre les civils. Les habitants se répartirent entre camps de réfugiés gérés par le HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) en Zambie, et déplacements chez des proches à l’intérieur du Congo. À partir des accords de paix de 2003, un mouvement parfois qualifié d’autodéfense villageoise qui était apparu lors de la guerre contre le Rwanda, les « mayi-mayi » dirigés par Gédéon Kyungu Mutanga (Naepels, 2018), sema trouble et désolation dans une région qualifiée localement de « triangle de la mort », entraînant des violences nombreuses, et de plus nombreux déplacements. À la suite de ces années de violence, en janvier 2006, le HCR hébergeait 66 000 réfugiés congolais en Zambie (Apter, 2012), et recensait 312 000 déplacés au Katanga. Gédéon Kyungu et son groupe milicien se livrèrent à la force internationale de l’ONU pour le Congo, en mai 2006, afin de participer aux opérations de DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion) qui étaient alors en cours, notamment par l’intégration des principaux responsables miliciens dans l’armée nationale. En raison de la gravité des crimes dont il était accusé, il fut finalement livré à la justice militaire congolaise, et condamné à mort en mars 2009, sans être exécuté.

    6C’est dans ce contexte, sous responsabilité internationale, qu’eut lieu entre 2006 et 2010, avec l’appui d’un ensemble de partenaires associatifs engagés dans diverses formes de sous-traitance, l’opération de rapatriement à Pweto des réfugiés congolais hébergés dans les camps du HCR en Zambie (les « déplacés internes » gérant quant à eux leur retour éventuel de manière spontanée). Le dispositif ainsi déployé est tout à fait typique des interventions internationales « post-conflit » et mobilise une multitude d’institutions.

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    Figure 1 : Installation matérielle du dispositif institutionnel de l’aide.
    Plan du centre de la Cité de Pweto (avec un point de rassemblement en cas de problème « sécuritaire ») localisant les principaux intervenants humanitaires en 2010. Les espaces indiqués sont aussi ceux que parcoururent physiquement les réfugiés rentrant en RDC, pour obtenir droits d’accès et biens matériels. (source : GTZ).

    7Le processus organisé par le HCR de rapatriement de civils entraîna la distribution aux retournés d’aide alimentaire (via un organisme des Nations-Unies, le PAM2) et de « kits de réinstallation », tandis qu’étaient lancés, dans le même temps, des projets de développement (d’une ONG, ISF3, et de la coopération officielle allemande, GTZ4), de suivi psychologique des retournés (via une ONG, CVT5), de santé, en particulier pour traiter les épidémies de choléra, via Médecins sans frontières-Espagne, et un certain nombre de « projets multisectoriels » – allant du forage de puits à la réfection de bâtiments publics, de l’assainissement de domiciles privés à la réhabilitation agricole, de la promotion de la santé à la micro-finance, projets menés à Pweto notamment par des ONG à fort ancrage religieux, ADRA6, UMCOR7 et ACTED8.

    8Parmi les bénéficiaires de ces projets, notamment dans le cadre du rapatriement opéré par le HCR, une attention particulière a été accordée aux « vulnérables », catégorie de l’action internationale regroupant les plus démunis parmi les bénéficiaires, notamment les femmes et les enfants isolés, les vieillards, les infirmes (Agier, 2004, 2008). La vulnérabilité est définie ici comme un processus institutionnel de qualification des personnes. Ainsi est apparu à Pweto un quartier connu comme étant celui « des vulnérables », où leurs nouvelles maisons en tôles (offertes par la coopération gouvernementale allemande) suscitèrent de la jalousie et des exactions criminelles : pillages des tôles ondulées, viols de femmes vulnérables, mises en couple forcées.

    Partenariats et bonnes pratiques

    9Dans de telles situations, un organisme des Nations Unies – l’OCHA (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) – est particulièrement chargé de la coordination des différents intervenants humanitaires, quel que soit leur statut (inter-gouvernemental, gouvernemental, non-gouvernemental), pour éviter autant que possible des actions redondantes ou contradictoires, pour renforcer les partenariats et les complémentarités, en vue d’une efficacité accrue du dispositif. Le système de coordination humanitaire mis en place par les Nations Unies en décembre 1991 a connu une réforme de grande ampleur en 2005, dite « réforme humanitaire », qui passe notamment par la définition de groupes de travail sectoriels (ou « clusters ») entre agences internationales et ONG prenant en charge tel ou tel dossier dans un pays donné, sous le leadership de tel ou tel organisme particulièrement actif dans le domaine concerné.

    Actuellement, neuf clusters sont actifs au niveau national en RDC : Protection (UNHCR), Nutrition (UNICEF), Éducation (UNICEF), Santé (OMS), Sécurité alimentaire (FAO/PAM), Logistique (PAM), Retour et Relèvement Communautaire (UNDP/UNHCR), Biens non alimentaires et Abri (UNICEF), Eau, Assainissement et Hygiène (UNICEF). En RDC, la plupart des clusters ont une ONG comme co-facilitateur. (Binder, de Geoffroy & Sokpoh, 2010, p. 25-26)

    10Cette organisation, OCHA, vise également à évaluer les besoins dans une situation de crise donnée, à établir un plan de réponse et à coordonner les demandes de financement des différents acteurs humanitaires. Elle est de ce fait – sans avoir de véritable moyen de contrainte – un espace de définition ou de diffusion de « bonnes pratiques » reconnues internationalement, tant en termes de gestion financière que de modalités d’action. Elle contribue de la sorte à façonner les cadres de l’action humanitaire. Ainsi, si les premiers « retournés » bénéficièrent de biens matériels (farine, récipients, houe, tissu), les modalités d’aide ont été progressivement redéfinies pour donner directement aux bénéficiaires de l’argent, ou le plus souvent des bons d’achat : « Bonne pratique du cluster “Biens non alimentaires” : l’organisation de marchés au lieu d’une distribution de kits pré-emballés ; les récipiendaires peuvent acheter des produits locaux sur le marché et prioriser ce qu’ils veulent. » (Ibid., p. 48).

    11Une telle coordination institutionnelle est en tension, voire en contradiction, avec la logique d’urgence, et plus encore d’exception, qui légitime pour certaines associations l’action humanitaire, au nom de principes universels et indépendamment des pouvoirs en place. L’association Médecins Sans Frontières (MSF) a particulièrement questionné la définition de l’espace d’exception de l’intervention humanitaire9, et la difficulté de la distinction empirique entre un état d’urgence suscité par la guerre et un état de violence structurelle auquel l’État congolais ne pallie pas. Ainsi, les épidémies de choléra sont récurrentes à Pweto, autour du lac Mwero, mais l’afflux de déplacés ou de réfugiés vivant dans des conditions de grande promiscuité et de dénuement est un facteur de forte aggravation de celles-ci. De telle sorte que MSF-Espagne est resté présent à Pweto pendant plusieurs années pour traiter les malades du choléra, à l’hôpital de Chamfubu, situé sur une petite colline ; après son départ, et malgré les moyens considérables utilisés, il n’y a toujours pas d’adduction d’eau à l’hôpital, l’ONG ne souhaitant pas se substituer au rôle de l’État.

    12La réalité complexe de l’articulation d’institutions variées dans une opération de rapatriement, ou d’urgence, ne s’accorde pas de manière simple avec l’image d’une action humanitaire indépendante et spontanée de chaque organisation non-gouvernementale impliquée. La notion de dispositif me semble tout à fait adéquate à la description de l’écologie institutionnelle d’organisations peu coordonnées entre elles, chacune ayant son propre agenda, dans une opération telle que ce retour de réfugiés dans une situation « post-conflit ». On peut considérer que le dispositif mobilise ici des éléments matériels hétérogènes : nourriture, médicaments, matériaux de construction, toiles de tente, outils agricoles, semences, puits, etc., mais aussi les éléments matériels de sa propre présence : véhicules tout-terrain, maisons servant de « bases », téléphones satellitaires, etc. La mobilisation de ces éléments matériels suit une logique temporelle propre qui va de l’urgence au développement, de l’exception à la substitution par rapport à l’État en charge du territoire concerné. Cette mobilisation passe, pour reprendre le vocabulaire humanitaire déjà mentionné, de la « protection » et de « l’aide alimentaire », vers des actions moins urgentes et censément plus durables : le forage de puits, la rénovation d’écoles, la distribution de moyens agricoles, les projets de micro-finance, la réfection de routes, le « relèvement communautaire », ou la « réforme des services de sécurité ». C’est le déploiement successif de ces temporalités qui assure le passage du « conflit » au « post-conflit », ici de la guerre à l’après-guerre. La mise en œuvre de ces actions d’aide passe ainsi de la naturalisation des besoins (ou de la « vie nue10 ») dans l’urgence, à la prise en compte des réalités sociales locales (dans le « relèvement communautaire ») en tension avec des actions de développement visant parfois explicitement la transformation des rapports sociaux locaux (ainsi par exemple de la place des femmes dans les projets de micro-finance, de la réflexion sur la masculinité dans les projets de démobilisation et de réinsertion, de la mobilisation des chefferies dans les projets de développement communautaire). Parallèlement, se joue une tension interne au dispositif pour définir l’extension de la délivrance de biens ou de services à des bénéficiaires plus ou moins ciblés : les habitants, les déplacés, les réfugiés, les vulnérables. En un sens, on pourrait dire que le dispositif humanitaire est d’abord constitué par l’existence même d’OCHA, la pratique des clusters, la sous-traitance des opérations, la définition de « bonnes pratiques » comme soft law (avec ses échelles variables de normalisation : depuis les règles de management internationales en passant par les accords nationaux, les clusters régionaux, et les pratiques locales), et par la venue effective des ONG, l’installation dans des maisons, la construction d’entrepôts de stockage, de puits ou de routes, d’écoles ou de centres de santé, la distribution d’argent ou d’objets, etc., en application de protocoles plus ou moins normalisés.

    13Remarquons enfin que le dispositif humanitaire, comme ensemble d’acteurs institutionnels et d’outils associés à leurs interventions, produit une importante documentation, puisque l’information sur l’état des lieux dans une situation de crise et le recensement des besoins sont des productions d’OCHA qui fonctionnent de facto simultanément comme des demandes de financement (notamment auprès des instances de l’ONU en charge, qui prennent en RDC depuis 2006 la forme d’un « fonds humanitaire » ou « pooled fund »), ce qui constitue un biais important dans la production de ces données. La production et la médiatisation d’éléments sur la situation (de crise) et sur le dispositif (humanitaire) font ainsi partie du dispositif lui-même : dans un contexte comme celui de Pweto, les seuls éléments actuellement disponibles pour une sociologie quantitative, de qualité variable, proviennent de missions d’évaluation préalable menées par OCHA, ou d’enquêtes « baseline » parfois menées en début de programme par certains des intervenants.

    Économie politique de l’aide (2011-2014)

    14J’ai pour ma part assisté, lors de mes enquêtes de terrain, à un deuxième épisode récent d’intervention humanitaire à Pweto, remobilisant les acteurs que je viens d’évoquer11, suite à la reprise d’une activité militaire importante. Cela m’a permis de saisir le dispositif humanitaire non pas tant du point de vue de la logique de justification des organisations internationales ou non-gouvernementales mobilisées, ou de leur organisation institutionnelle, que du point de vue de l’espace social de leur intervention. J’essayerai de décrire celui-ci en utilisant le concept d’assemblage. Je présenterai ainsi les arrangements matériels suscités par l’enregistrement des bénéficiaires et les modalités de distribution de l’aide ; puis je décrirai les relations de pouvoir et la concurrence pour la représentation politique des « déplacés » qui se déploient autour de ces arrangements matériels ; enfin, je relierai l’aide internationale à une économie de prédation à laquelle participent la violence milicienne comme les formes de « gouvernement privé indirect » (Mbembe, 2000) de l’État congolais, très largement défavorable à toutes les formes de production locale, notamment à l’agriculture paysanne. Pour ce faire, je citerai de nombreux extraits de discussions avec des personnes rencontrées à Pweto. La singularité du travail de terrain ethnographique (Naepels, 2012) tient à la combinaison de deux dimensions : d’une part, le fait d’être là (Geertz, 1988 ; Watson, 1999 ; Borneman & Hammoudi, 2009), ou « participation », ouvre un champ de visibilité qui permet l’observation des interactions, des comportements, des gestes, et donne accès à ce que les acteurs font réellement, et dans une certaine mesure aux émotions attestées par leurs expressions corporelles. D’un autre côté, les conversations et les entretiens formels ou informels définissent un espace d’interlocution, permettant la production de matériaux discursifs ou langagiers qui donnent accès aux points de vue des acteurs (ou perspectives émiques) à travers ce qu’ils disent, ce qui rend possible une sociologie compréhensive. Le fait d’être inclus suffisamment longtemps dans un monde social dans lequel l’enquêteur sollicite des commentaires sur ce qui s’y passe, et d’y construire des relations de relative proximité et de confiance au moins minimale, singularisent la méthode ethnographique. Les situations d’observation pure (d’interaction sans interlocution), ou d’enquêtes par entretiens (où l’interaction est limitée au moment de l’interlocution) apparaissent typologiquement aux deux extrémités du continuum des méthodes ethnographiques. Ces deux registres, qui sont constamment mélangés dans l’enquête, sont néanmoins discernables par ce qu’ils produisent : des types hétérogènes de matériaux empiriques. Cette hétérogénéité rend possible de citer des extraits d’entretien en ayant acquis la mesure de leur pertinence, soit parce qu’ils résument un ensemble plus vaste de matériaux divers (observations et conversations), soit parce qu’ils témoignent d’événements singuliers, alors présentés comme tels, soit parce qu’ils attestent de points de vue et de réflexions particulièrement riches, grâce auxquels j’ai pu moi-même construire une partie de mon analyse.

    15En septembre 2011, Gédéon Kyungu, le leader milicien qui avait terrorisé la région de Pweto entre 2003 et 2006, s’est évadé de prison. Il organisa le recrutement de nouveaux miliciens mayi-mayi début 2012 dans la région de Pweto, menant à l’attaque de la garnison et du centre administratif par une centaine d’enfants-soldats en août 2012, probablement pour récupérer des armes. En raison du développement considérable de ce mouvement milicien, articulé à un mouvement indépendantiste katangais ayant tendance à s’affirmer12, les troubles se sont multipliés, entraînant la fuite de très nombreux villageois qui craignant tout autant les exactions des miliciens que les pillages des militaires. Selon des chiffres publiés par l’agence des Nations Unies pour les affaires humanitaires (OCHA), la province du Katanga comptait 600 000 déplacés internes à l’été 2014 (soit un nombre supérieur à la situation de 2006), contre 55 000 en janvier 2012 ; le territoire de Pweto (et plus largement le « triangle de la mort », Pweto-Manono-Mitwaba) constitue le site principal de déplacement (178 000 déplacés comptabilisés en novembre 2014). On peut avoir des raisons de douter de l’exactitude de ces chiffres, qui fondent les demandes de financement des organismes humanitaires concernés, mais ils révèlent indéniablement une tendance marquée, et la réalité des déplacements internes : de nouveau l’ordinaire de la guerre envahit l’ordinaire du village.

    16La nature particulière de l’aide tient aux formes locales de l’action milicienne (incendies, pillages, enlèvements, violences sexuelles), et des opérations adverses de l’armée nationale (qui ne sont pas toujours très différentes). Il y a très peu d’affrontements directs entre les groupes armés, mais l’approche des hommes en armes suscite généralement le départ massif de toute la population villageoise, sans autre moyen de transport que leurs corps (et parfois quelques vélos). Les déplacés abandonnent alors (ou tentent de dissimuler), pour une durée indéterminée, leurs champs, leurs réserves alimentaires, leurs outils agraires, le cas échéant leurs animaux, c’est-à-dire leurs principales ressources économiques. La mobilité géographique dans l’urgence accentue alors le dénuement économique, puisque l’horizon d’attente temporel de la production agricole s’effondre – et les « déplacés internes » trouvent dans l’aide humanitaire une ressource nouvelle.

    17Cet épisode milicien n’a pas donné lieu à la création de « camps » de déplacés, mais soit à l’accueil de ceux-ci dans le chef-lieu administratif de Pweto au sein de familles résidentes ; soit à la construction de maisons précaires en périphérie de villages existants, moins menacés par la violence milicienne (par exemple à Mwasi, à 25 km de Pweto). À partir des informations transmises par l’administration étatique ou les associations locales, le dispositif humanitaire, sous la coordination d’OCHA, s’est déployé pour évaluer la situation des déplacés (notamment par le mécanisme dit de « Réponse Rapide aux Mouvements de Population »), et pour financer leur prise en charge (grâce au « pooled fund »).

    Enregistrement des bénéficiaires et distribution de biens matériels

    18Dans la mesure où le HCR ne procède pas à la mise en camp des déplacés, que ce soit dans le chef-lieu administratif de Pweto ou dans les villages dans lesquels se réinstallent ceux-ci, la mise en œuvre de l’action humanitaire présuppose la délimitation entre résidents non-déplacés et déplacés internes, c’est-à-dire entre non-bénéficiaires et bénéficiaires potentiels. Son préalable est ainsi un mécanisme d’enregistrement, d’enrôlement, qui peut se matérialiser par la délivrance d’une carte, ou par l’inscription d’un nom sur une liste de bénéficiaires. La « carte », la « liste », mais aussi la « file d’attente » (plus ou moins organisée) qui permet d’accéder à l’enregistrement, sont ainsi des formes sociales matérielles liées au dispositif : les modalités de connexion entre les personnes et les ressources.

    19Dans la Cité de Pweto, à partir du printemps 2013, deux organisations non-gouvernementales locales, installées à proximité immédiate des bâtiments officiels de l’administration du territoire, furent chargées de l’enregistrement, suscitant d’immenses rassemblements devant leurs locaux13. Dans les villages à proximité desquels des déplacés se sont installés, ce sont les organisations distributrices qui se chargent de l’enregistrement des bénéficiaires potentiels, souvent avec l’aide d’intermédiaires vivant là : soit les chefs de villages14, soit des « comités de déplacés ».

    – MN : Quand l’association arrive pour faire une distribution, comment sait-elle à qui elle doit donner, qui est réfugié, qui est déplacé ?
    – On procède d’abord à un recensement, on recense les déplacés, et puis on intègre aussi progressivement quelques familles d’accueil qui bénéficient aussi de l’aide, pour éviter des problèmes entre déplacés et la population autochtone.
    – MN : Donc ce sont les associations qui font l’enrôlement, l’enregistrement ?
    – Oui oui, le chef de village aussi, il participe aussi à l’enregistrement, parce qu’il connaît mieux les gens de son village. (Entretien avec un responsable administratif de l’État supervisant en partie le processus de prise en charge des déplacés, 13 juin 2013)

    20L’enregistrement donne droit à délivrance d’aide alimentaire (riz, farine de maïs, huile de palme), ou à la délivrance de bons d’achat, permettant d’acheter des biens non-alimentaires soit auprès des commerçants du lieu, soit au cours de marchés ad hoc organisés par certaines ONG.

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    Figure 2 : La présence quotidienne de l’aide : un assemblage de personnes et de ressources.
    Traversée de la rivière Luvua à Pweto, été 2012. La voiture du médecin de la zone de santé (ZS) est un don de la banque mondiale (PARSS : Projet d’appui à la réhabilitation du secteur de la santé) ; les caisses d’huile de palme produite en Indonésie, un don du Canada à travers le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (World Food Program) ; le bac permettant de traverser la rivière est également un don du World Food Program. Les usages qui sont faits de ces ressources sont déterminés par leur saisie par les acteurs locaux plutôt que par les règles du dispositif humanitaire. (Photo M. Naepels).

    Relations de pouvoir et concurrence entre modalités de représentation politique

    21L’enregistrement constitue ainsi un enjeu majeur pour toutes les personnes concernées. La définition des médiateurs entre prestataires humanitaires et bénéficiaires déplacés est ainsi l’objet d’une concurrence farouche et conflictuelle. Certains membres de l’administration étatique (au niveau territorial ou à l’échelle plus locale des « chefferies », des « groupements » ou des « villages »), des comités de déplacés, membres de la fédération d’ONG locales appelées « société civile de Pweto » (ou des fédérations concurrentes ou dissidentes), des ONG locales spécialisées dans l’enregistrement, tous revendiquent le droit stratégique d’identifier les déplacés. Ce processus est l’objet de critiques locales multiples :

    Ça ne va pas au niveau des ONG qui arrivent ici à Pweto, jusqu’à maintenant on peut recevoir une ONG qui arrive, qui recense les déplacés sans vous faire signe, on laisse les victimes pour [en] prendre d’autres. C’est le fiasco, nous avons l’ONG X, elle travaille avec un comité ramassé [non-élu] qui est en train de servir les gens en brousse, les gens de la Zambie [c’est-à-dire des personnes extérieures à la RDC, non concernées par le phénomène milicien]. Nous avons connu un autre fiasco avec l’ONG Y qui a recensé les autochtones de la Cité de Pweto [c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas déplacées], mais les victimes continuent à souffrir. Ça ne va pas au niveau des ONG. […] Quand on enregistre mal, on va mal distribuer. (Entretien avec le Comité des déplacés du village Z, 21 juillet 2014)

    22Ainsi, un nombre indéterminé de personnes obtiennent par l’enregistrement une identité de « déplacés » (que leur déplacement ait été causé par la menace des miliciens ou non, qu’ils se soient effectivement déplacés ou non), alors que les personnes qui se sont effectivement déplacées dans l’urgence n’y parviennent pas toujours. La distinction entre le « déplacement interne » de la catégorisation humanitaire et la « migration » est empiriquement difficile :

    Je passe à Mwasi [dans un village de déplacés], même les gens qui n’ont pas été touchés, même les gens qui n’étaient pas [dans les villages attaqués par les miliciens], qui se trouvent dans les environs, ils sont partis construire des maisons là-bas et ils se sont faits réfugiés là-bas. Ce n’est pas une personne ou deux, beaucoup de familles sont là-bas, il y a même des familles qui ont quitté [la Cité de] Pweto ici qui sont allés là-bas [à 25 km] pour attendre de l’assistance. L’État devrait être sérieux. […] Les gens qui ont quitté [les villages attaqués par les miliciens], quand l’assistance, la farine est là, ces gens-là ne reçoivent pratiquement pas, très peu reçoivent ; mais ceux qui n’ont pas été touchés par les événements, ce sont ceux-là qui reçoivent, parce que peut-être trop malins, de connivence avec les gens qui distribuent, des arrangements avec certaines autorités qui s’occupent de cela, mais les concernés sont désavantagés. (Entretien avec un agriculteur, ancien instituteur, extérieur au dispositif humanitaire, 23 juillet 2014)

    23L’enjeu majeur est, pour tous, d’entrer dans la boucle matérielle de redistribution de l’aide sous ses différentes formes, de nombreux opérateurs prélevant à chaque étape une partie de celle-ci. Ce prélèvement est d’autant plus simple à mettre en œuvre que l’enregistré n’est pas lui-même déplacé :

    Il y a des sites où il n’y a même pas de déplacés, ce sont des résidents qu’on prend en charge, les déplacés eux-mêmes sont en train de souffrir. […] Avec les résidents, on négocie : « On m’a donné 500 francs à te donner ; toi je te donne 250 francs, tu me laisses 250 francs, tu donnes la moitié d’un sac », c’est ça le côté négatif des financements qu’on a dans le triangle de la mort, parce que les peuples qui souffrent ne sont pas pris en charge comme il faut. […] Et puis on comprend que les bailleurs eux-mêmes sont affamés, les partenaires à financer affamés, et finalement on travaille dans des conditions un peu compliquées. (Entretien avec un responsable d’association de défense des droits humains, Pweto, 14 juillet 2014)

    24La faim doit ici être prise à la fois dans un sens littéral, et comme métaphore de l’avidité. C’est un répertoire explicatif et métaphorique largement mobilisé en RDC15. L’État n’est pas lui-même extérieur à ce processus :

    Quand on vous désigne, il faut donner à manger à celui qui vous désigne. […]
    Quand on a beaucoup de farine, même celui qui crie on peut l’apaiser par le manger. [Les autorités se sont] tues, on ne sait pas comment. Pendant le service des grands [des autorités], la population [des déplacés] commençait à crier : « On n’est pas servis. » (Entretien avec le Comité des déplacés du village Z, 21 juillet 2014)

    25Ainsi, c’est une cartographie sociale bien différente de celle que le dispositif humanitaire donne de lui-même que dessine l’enquête ethnographique en s’intéressant à l’espace social local, plutôt qu’à l’écologie des institutions. Considérons un incident récent rapporté par un responsable d’ONG de défense des droits humains, qui recueille dans le cadre de son activité les « incidents sécuritaires » à Pweto (de telle sorte que ce document lui-même fait partie du dispositif « humanitaire ») :

    Le 02/05/2017 : Le Comité des Peuples Déplacés Internes de Pweto adresse désespérément une pétition contre la Commission Nationale pour les Refugiés au World Food Program qui se borne à nourrir les autorités administratives de Pweto avec l’assistance alimentaire destinée aux personnes déplacées ! Cette pratique est récemment à la base de multiples incidents entre déplacés et l’Organisation Non Gouvernementale Vipatu, partenaire du Programme Alimentaire Mondial, dans la Commune rurale de Kilwa où l’ONG est menacée le 19/04/2017 à midi, dans la Commune rurale de Pweto l’Organisation est encore menacée et protégée par ses bénéficiaires administratifs le 30/04/2017.

    26Ici, une multitude d’acteurs collectifs (que j’ai indiqués en italiques), ayant un statut très variable dans le dispositif humanitaire (organisation internationale, organisation étatique nationale, autorités administratives locales, organisation non-gouvernementale, représentants des bénéficiaires, bénéficiaires) se trouvent en concurrence directe, voire en conflit violent, pour le contrôle et le partage d’une ressource, « l’assistance alimentaire ».

    27On trouve dans les notes ci-dessous une autre description synthétique de l’assemblage hétérogène et conflictuel d’acteurs divers (Nations Unies par son organisme OCHA, différentes ONG, population déplacée – pour des raisons variables –, commerçants, autorités étatiques) autour de la ressource matérielle que constitue l’aide humanitaire :

    Réunion d’OCHA dans l’après-midi. Le village [de déplacés] de Mwasi gonfle, mais sans cause opérante nouvelle. L’ONG W. organise des foires de biens non-alimentaires : des bons d’achat de 70 US $ sont donnés aux déplacés pour acheter au magasin principal de Pweto. Les bons sont rachetés en cash [à un prix inférieur]. Les marges sont négociées avec les autorités. (Journal d’enquête, entretien avec le responsable d’un projet de développement me décrivant une réunion de coordination des acteurs humanitaires impliqués à Pweto dans la prise en charge des déplacés, 6 juin 2013)

    28Ajoutons d’ailleurs que la « réunion » est également une forme sociale liée au dispositif humanitaire, et que les rendez-vous que je suscite comme ethnographe y sont régulièrement assimilés.

    29On pourrait ainsi dire que la fonctionnalité de l’action humanitaire ne tient pas tant à la réalisation de ses objectifs, tels qu’ils sont définis par le dispositif humanitaire, qu’à son insertion dans les rapports sociaux locaux à Pweto et dans le système économico-politique de prédation de l’est du Congo. Ou, pour le dire autrement, sa fonctionnalité est celle des adaptations secondaires (de captation de l’aide) qui sont mobilisées par les acteurs sociaux (Goffman, 1968), sans s’aligner sur les principes ou les justifications affichées par les institutions (que l’on parle de l’État congolais ou du système humanitaire des Nations Unies incluant une multitude d’ONG mettant en œuvre l’aide d’urgence) – telles que les « bonnes pratiques » que l’on pourrait considérer comme des adaptations primaires.

    – MN : Comment est-ce possible ? Parce que les associations elles-mêmes ou les autorités doivent pouvoir s’informer de cette situation ?
    – C’est difficile, parce que quand l’autorité arrive, ou envoie quelqu’un : « Je viens chercher ma part [pour les autorités] », on prend dix sacs, on met dans le véhicule, un carton d’huile, on met dans le véhicule, ceci, on met dans le véhicule, on emmène, mais c’est fini, aucun suivi, aucun suivi. Alors les démunis sont à la merci de tous ces rapaces, et ça écœure. Ah l’État congolais ! (Entretien avec un agriculteur, ancien instituteur, extérieur au dispositif humanitaire, 23 juillet 2014)

    L’aide internationale dans une économie de prédation

    30Cette modalité d’accès aux biens doit être articulée au fonctionnement général de l’économie locale, dans laquelle chacun recherche des protections locales ou des médiations vers les puissants16. Au Congo, le déploiement des activités capitalistiques s’appuie sur des positions de contrôle de l’activité économique dans l’État. Les grands hommes locaux et les femmes les plus puissantes apparaissent ainsi simultanément en position de prédation sur l’activité, d’investissement, et de redistribution paternaliste (Bayart, 1989), avec toutefois une préférence marquée pour une réalisation rapide de la plus-value, réinvestie ailleurs qu’en RDC. Pour les gens ordinaires, l’accès à un emploi salarié est le plus souvent directement conditionné par la proximité avec de puissants protecteurs. L’accès à l’emploi non-agricole à Pweto, sur les mines de cuivre, dans les entreprises de travaux publics ou de production agricole capitalistique, à la télévision locale, était ainsi marqué naguère par l’influence directe ou indirecte, mais décisive, d’un homme politique important décédé en 2012, conseiller proche du président Kabila – tout comme la pêche sur le lac Mwero a pendant longtemps été contrôlée par d’autres entrepreneurs puissants (dont certains sont devenus des hommes politiques katangais de premier plan). La personne qui accède à un emploi doit alors rémunérer par son premier salaire mensuel celle qui lui a permis d’obtenir ce poste. L’exploitation des mines proches (l’or de Kasama, ou la cassitérite produite plus à l’ouest), est organisée selon une logique de mise en dépendance à crédit des « creuseurs » artisanaux (des jeunes, des migrants, d’anciens enfants-soldats), par des commerçants ou des responsables de groupes armés (militaires ou miliciens) qui écoulent les minerais produits sur le marché international, par des réseaux marchands plus ou moins légaux traversant la Zambie, la Tanzanie, et Dubaï. Dans une région marquée de longue date par la prédation politique et l’usage de la violence dans le contrôle des corps et de la main-d’œuvre, comme dans la captation des ressources (terres, richesses naturelles et minières, commerce extérieur), la production est menacée ou captée par cette prédation et conditionnée par des protections. Mats Utas (2012) s’est de la même façon intéressé à la logique politique du patrimonialisme politico-économique, du patronage ou du parrainage, et aux continuités qu’elle révèle entre les temps de la guerre et de la paix.

    31On ne doit ainsi pas exclure la possibilité que les protecteurs, qui organisent et captent partiellement l’aide humanitaire soient également causes du trouble politique qui accentue le besoin de protection. Certains proches du pouvoir national ou provincial sont ainsi régulièrement soupçonnés d’être les principaux soutiens aux mouvements rebelles du Katanga. Mais cela vaut également aux échelles plus petites des autorités locales. Ainsi, le responsable d’une des ONG qui distribuent à Pweto les cartes de « déplacés » permettant d’accéder aux ressources de l’aide humanitaire, et prélèvent au passage une partie de cette aide, est un ancien officier de l’Agence Nationale de Renseignement (service de l’État chargé du renseignement intérieur et extérieur), par ailleurs soupçonné d’avoir participé à un massacre de civils dix ans auparavant. Bref, c’est un opérateur local de la conversion – rendue possible par des relations de dépendance – de la situation de violence en ressources économiques. La question du nombre des déplacés, de la statistique, est alors centrale dans le dispositif, puisqu’elle conditionne la mise en circulation d’un surplus d’aide. On peut aussi penser que les « incohérences » du dispositif en sont une composante essentielle, telle que la création d’un centre de traitement du choléra, à titre préventif, sans cas déclaré, à proximité du principal lieu d’installation de déplacés internes, mais à 25 km du lac Mwero où se produisent habituellement les contaminations : à ma connaissance, jamais personne n’y a été traité, mais on peut imaginer qu’il s’inscrit néanmoins dans une économie locale d’usage de l’aide.

    32En considérant ainsi l’assemblage d’acteurs qui se mobilisent de diverses manières autour de l’aide, on peut estimer que la population concernée par ce dispositif de distribution, de captation, de prédation et de redistribution doit être approximativement identifiée à l’ensemble de la population locale. Dès lors, fixer une limite « ontologique » à l’assemblage d’acteurs et d’objets mis en branle ici paraît délicat : l’assemblage est plutôt ici un opérateur de description que je mets en œuvre pour articuler une multitude d’objets, de biens matériels, de ressources, de discours, de relations sociales et politiques, de contraintes économiques.

    33Dans de tels rapports sociaux, les cultivateurs – qui constituent l’immense majorité de la population villageoise – sont les plus vulnérables, à la fois parce que les prix des ressources alimentaires sont peu élevés, parce que leur accès au marché est limité par le mauvais état des routes, et parce qu’ils sont directement menacés par les troubles armés (causés par les miliciens ou les militaires) comme par les détournements de l’aide. Leur déplacement dans l’espace social, soit pour bénéficier de l’aide, soit pour devenir milicien ou « creuseur » artisanal ou migrant, devient alors extrêmement compréhensible :

    Cultiver, ce n’est pas facile, surtout avec votre main, cultiver soi-même ce n’est pas facile, alors cela devient un alibi pour la plupart des gens, parce que nous trouvons dans le camp de réfugiés des gens aptes à travailler, à cultiver, qui sont là, il y en a qui viennent de faire deux ans maintenant, toujours en attendant l’assistance, en attendant de l’aide, la farine, de l’huile, et ainsi de suite, alors qu’ils ont la force, les capacités de prendre un lopin de terre, de le cultiver, de se débrouiller pour avoir la récolte, cela devient un alibi. (Entretien avec un cultivateur, ancien instituteur, extérieur au dispositif humanitaire, 23 juillet 2014)

    On entretient un cycle, finalement, c’est-à-dire c’est comme si on donnait encore plus, on remettait encore de l’essence sur le feu. C’est-à-dire quelque part aussi les gens qui se retrouvent dans ces conflits-là finissent par comprendre que nous sommes dans un jeu où finalement le conflit serait le mieux, parce que c’est une porte ouverte vers la main tendue où on va recevoir des choses gratuitement, et on va comme ça s’abandonner et ne rien faire. La plupart de ces organismes qui arrivent en fait ne touchent pas la réalité du doigt qui fait que quelqu’un qui se déplace avec femme et enfants, il reste un paysan. […] Il faudrait que ce monsieur-là, vite vite d’ailleurs, dans les conditions précaires où il se retrouve, qu’on puisse le réinstaller de sorte qu’il commence à être dans un processus de développement. Mais la plupart des organisations qui arrivent d’abord, c’est sur base des statistiques qui ne sont pas très très fiables, c’est sur base aussi d’un contexte politique qui est le nôtre, finalement, qui est celui de la RDC aujourd’hui, parce qu’on peut supposer même que toute la RDC est dans l’urgence. Mais aussi c’est dans un contexte où on amène les biens, la farine, on amène des choses qui finalement ne servent même pas à celui qui s’est déplacé, mais qui servent plutôt à ceux qui sont déjà bien installés. […] Et là ces organisations continuent à entretenir un état d’esprit, une psychose collective de précarité auprès des paysans. C’est pourquoi moi je dis que l’aide, à première vue on peut croire que ça apporte des solutions, mais finalement c’est contre-productif. (Entretien avec un agronome, salarié dans un projet de développement, 16 juillet 2014)

    34Pour être complet, il faut ajouter qu’un tel système économique prédateur, appuyé sur la marginalisation radicale de la population paysanne, et sur l’insertion de l’aide humanitaire dans le système, suscite des appréciations locales diverses, appuyées sur des registres normatifs variés. J’ai constaté la mobilisation de trois motifs dominants dans les propos de mes interlocuteurs : à côté du discours général de justification de l’aide par la souffrance (bien réelle) des déplacés, et du constat adaptatif général (« il faut bien manger »), un troisième registre discursif est très largement employé, dénonçant la fraude et l’insertion de l’aide dans un système prédateur :

    C’est un problème qui me ronge au cœur. […] Il faudrait que les déplacés bénéficient à 100 % de l’aide. […] Ce sont les distributeurs qui vendent. On souhaite que la guerre continue, comme ça on peut acheter un véhicule en vendant l’huile de palme de l’aide humanitaire. Ce n’est pas sérieux, les opérations de recensement. […] Ce sont les mêmes qui recensent et qui distribuent. C’est le Congo. C’est l’Afrique. Ça me ronge le cœur. C’est l’injustice. […] Ce monde est rempli de malhonnêtes. On donne de l’argent pour être inscrit. (Entretien avec un chef de groupement connaissant d’importants déplacements de population, 11 juin 2013)

    35Notons ici la multiplicité des discours possibles, selon les circonstances de l’énonciation (auxquels je n’ai qu’un accès très partiel dans l’enquête) : outre les modalités diverses des discours officiels (de l’État, des bailleurs), et les discours de justification des bénéficiaires potentiels dans le dispositif d’épreuve (qui visent à prouver que l’on a souffert et que l’on a droit à l’aide), une multitude de critiques portent en permanence sur l’inadéquation du dispositif, et plus généralement sur l’inadéquation de sa mise en œuvre, en lien avec des valeurs morales qui ne sont pas respectées (et que les énonciateurs ne respectent pas nécessairement eux-mêmes).

    36Juillet 2014 : dans une épicerie de Pweto, j’offre une boisson sucrée aux deux personnes avec qui j’ai passé la journée, un instituteur et un pêcheur, qui sont également les président et vice-président d’une association culturelle, ou « ethnique », locale. Pendant que nous parlons, le commerçant est en train de transvaser avec une tasse un sac de riz marqué au nom du Programme Alimentaire Mondial dans un sac de même taille, mais sans indication de nom, qu’il recoudra ensuite attentivement pour le fermer : des gens ont détourné ce sac, ou des bénéficiaires de l’aide le lui ont revendu, et il s’apprête à le revendre à son tour, avec bénéfice, à une grosse ONG internationale qui va le distribuer à nouveau… Personne ne semble s’étonner.

    Dispositif, assemblage, système : changer de cadrage

    37Dans la première partie de cet article, décrivant une opération de rapatriement de réfugiés, j’ai montré que l’on peut considérer l’organisation matérielle et institutionnelle qui s’est déployée à Pweto entre 2006 et 2010 comme un dispositif, le cadre institutionnel (même peu contraignant) définissant des modalités d’action et des bonnes pratiques dans la mise en relation de personnes et de biens matériels. Dans un second temps, à partir de mes propres enquêtes ethnographiques, j’ai décrit la situation telle que j’ai pu l’observer entre 2011 et 2014 dans la gestion d’importants déplacements de population liés à la reprise d’une activité armée de groupes miliciens et de l’armée nationale congolaise. Considéré du point de vue de l’espace social d’application de l’intervention humanitaire, le dispositif institutionnel et sa logique propre sont localement débordés par une multitude de processus sociaux (tels que l’enregistrement, la représentation, le patronage) qui sont mobilisés autour des ressources humanitaires par des acteurs bien plus nombreux que les seuls distributeurs et bénéficiaires légitimes. Il faut ainsi assembler dans la description d’autres rapports sociaux et d’autres formes d’action que ceux que définissent les procédures de délivrance de l’aide, pour mieux comprendre la tension politique qui accompagne la relative indétermination de la connexion entre ressources et personnes. Ce n’est alors qu’en replaçant cet assemblage dans un autre cadre (non-institutionnel), celui de la prédation, et en rapport avec d’autres processus sociaux (la production, la migration, les rapports de domination), que l’on peut décrire les formes effectives de mise en œuvre de l’aide humanitaire. Chemin faisant, j’ai été amené à utiliser la notion de système, en premier lieu en parlant de « système humanitaire », c’est-à-dire en reprenant le terme utilisé par les acteurs pour évoquer l’ensemble des opérateurs à l’échelle mondiale, depuis l’ONU jusqu’aux plus petites ONG locales, qui sont mobilisées de manière plus ou moins coordonnées dans la sphère de l’action humanitaire. Mais j’ai aussi plus spécifiquement parlé de « système » pour décrire des modalités d’action prédatrice et d’usages de positions dans l’État, pour évoquer les airs de famille entre les situations que j’ai rencontrées à Pweto et d’autres descriptions de la prédation politique et économique dans d’autres régions de la RDC contemporaine, ainsi que les échos qu’ils suscitent avec des périodes plus anciennes (de l’expansion des États pré-coloniaux de la région au xviiie siècle aux formes très violentes de conquête et d’administration indirecte de la colonisation belge jusqu’à la kleptocratie mobutiste). En parlant de système, je souhaite ainsi suggérer que la prédation s’entretient elle-même, à partir de dispositifs et d’assemblages divers articulés autour de l’institution majeure qu’est l’État, dont la fonction principale n’apparaît pas ici comme étant la construction ou la préservation du bien public.

    38Après une diminution notable de l’activité milicienne dans la région de Pweto tout au long de l’année 2015, j’ai pu constater, lors de l’enquête que j’y ai menée pendant l’été 2016, le retour chez eux d’une grande partie des déplacés et le retrait des principales organisations non-gouvernementales. Le chef mayi-mayi Gédéon Kyungu et une grande partie de ses miliciens ont déposé les armes pendant l’automne 2016, et ont été accueillis en grande pompe à Lubumbashi par les autorités officielles de la province du Haut-Katanga. C’est à peu près au même moment que commençaient à se développer dans le territoire de Pweto (à l’instar de ce qui se passe dans la province voisine du Tanganyika) des troubles considérables prenant la forme d’un conflit « ethnique » entre « Bantous » (Baluba, Bazela, Batabwa), et « Pygmées » (Batwa ou Batembo), arbitré par de nouvelles interventions militaires de l’armée nationale congolaise. Cette reprise d’une activité armée entraîne le déplacement de nouveaux réfugiés enregistrés par le HCR en Zambie, et de déplacés internes. Il n’est pas impossible qu’elle mobilise à nouveau une autre forme de dispositif humanitaire, autour duquel se noueront de multiples enjeux sociaux. Elle témoigne en tout cas de la temporalité très incertaine dans laquelle les horizons d’action se déploient pour les habitants et les habitantes de Pweto.

    Bibliographie

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    Cette bibliographie a été enrichie de toutes les références bibliographiques automatiquement générées par Bilbo en utilisant Crossref.

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    10.5840/philtoday197519233 :

    Notes de bas de page

    1 Par Pweto j’entends, selon le contexte, soit le « Territoire de Pweto », division administrative rurale subdivisée administrativement en « chefferies », « groupements » et « villages », dont la population est d’environ 600 000 habitants (pour 22 600 km2), ou bien son chef-lieu, la « Cité de Pweto », dont la population est d’environ 60 000 habitants, et qui constitue une petite ville ou une grosse bourgade. Le chef-lieu se situe à la frontière de la Zambie.

    2 Programme alimentaire mondial.

    3 Ingénieurs sans frontières.

    4 Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, devenu depuis lors Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, GIZ.

    5 The Center for Victims of Torture.

    6 Adventist Development and Relief Agency.

    7 United Methodist Committee on Relief.

    8 Agency for Technical Cooperation.

    9 « Plus que tout autre situation, l’état de guerre légitime les modes opératoires de l’organisation. Et quand, en juillet 2007, MSF estime que la violence des groupes armés est sous contrôle, décision sera prise de fermer la mission katangaise. Dans les cas de MSF comme de la communauté internationale, les notions de guerre et d’après-guerre, quoique floues, demeurent des catégories essentielles car elles justifient l’ouverture d’un “espace d’exception”, légitiment les actions internationales de secours et permettent de circonscrire ces dernières dans un espace/temps limité. » (Perreand & Jézéquel, 2010, p. 25).

    10 Agamben (1997) réfléchit au lien entre vie nue, état d’exception et forme du camp. La notion a été reprise dans le contexte humanitaire par Agier (2004).

    11 Avec un certain nombre de différences, telles que l’absence du HCR et de MSF, ou la présence d’autres ONG comme Médecins d’Afrique.

    12 Lors de la fin de la colonisation belge et de l’indépendance du Congo en 1960, la riche province minière du Katanga fit sécession et déclara également son indépendance, des responsables politiques aux revendications localistes étant alors appuyés par des entreprises minières belges qui souhaitaient préserver leurs intérêts. S’ensuivit une guerre civile sur le territoire du Katanga jusqu’en 1963. Depuis lors, la question de l’indépendance est à la fois politiquement très sensible, mais régulièrement de retour, le souhait d’une large autonomie étant largement partagé par de nombreux Katangais.

    13 Il s’agit de la « Commission d’Encadrement pour le Développement Intégré à Pweto » et l’« Association des Volontaires pour le Développement Durable ». Leurs noms sont particulièrement vagues et leurs objectifs incertains, ce ne sont pas de grandes ONG internationales mais elles ont un fort ancrage local.

    14 C’est une fonction officielle dans l’organisation administrative congolaise qui prolonge le régime colonial d’administration indirecte. Le chef de village est l’interface entre les sollicitations de l’État congolais et la communauté villageoise, au nom de son statut « coutumier ».

    15 On lira avec intérêt l’analyse de Filip De Boeck, dans un autre contexte régional : « On établira que pour les ALuund, la faim est à la fois un effet et une source de désintégration sociale. Les ALuund n’interprètent pas tant la pénurie alimentaire comme un phénomène exogène et extérieur à la communauté, que comme quelque chose qui naît de l’intérieur et fonctionne comme un signal visible indiquant que l’ordre des choses à l'intérieur de la communauté est perturbé ou menacé, et en train de “pourrir”. » De Boeck (1994, p. 257-258 ; ma traduction).

    16 Un tel système est comparable à la description d’une « économie de la frontière », décrite par Anna Tsing (2004), dans le contexte très différent de l’Indonésie, notamment marquée par l’exploitation sauvage des ressources naturelles, la faible présence de l’administration étatique, et le flou régnant entre légalité et illégalité, intérêts privés et positions publiques.

    Auteur

    • Michel Naepels

      Anthropologue, IRIS, CNRS-EHESS.

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    Les objets dans l’action

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    De la maison au laboratoire

    Bernard Conein, Nicolas Dodier et Laurent Thévenot (dir.)

    1993

    L’enquête sur les catégories

    L’enquête sur les catégories

    De Durkheim à Sacks

    Bernard Fradin, Louis Quéré et Jean Widmer (dir.)

    1994

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    La couleur des pensées

    Sentiments, émotions, intentions

    Patricia Paperman et Ruwen Ogien (dir.)

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    1999

    L’enquête ontologique

    L’enquête ontologique

    Du mode d’existence des objets sociaux

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    2000

    Les formes de l’action collective

    Les formes de l’action collective

    Mobilisations dans des arènes publiques

    Daniel Cefaï et Danny Trom (dir.)

    2001

    La régularité

    La régularité

    Habitude, disposition et savoir-faire dans l’explication de l’action

    Christiane Chauviré et Albert Ogien (dir.)

    2002

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    1 / 12
    L’événement en perspective

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    Jean-Luc Petit (dir.)

    1991

    Pouvoir et légitimité

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    Les objets dans l’action

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    L’enquête sur les catégories

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    La couleur des pensées

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    La folie dans la place

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    1 Par Pweto j’entends, selon le contexte, soit le « Territoire de Pweto », division administrative rurale subdivisée administrativement en « chefferies », « groupements » et « villages », dont la population est d’environ 600 000 habitants (pour 22 600 km2), ou bien son chef-lieu, la « Cité de Pweto », dont la population est d’environ 60 000 habitants, et qui constitue une petite ville ou une grosse bourgade. Le chef-lieu se situe à la frontière de la Zambie.

    2 Programme alimentaire mondial.

    3 Ingénieurs sans frontières.

    4 Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, devenu depuis lors Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, GIZ.

    5 The Center for Victims of Torture.

    6 Adventist Development and Relief Agency.

    7 United Methodist Committee on Relief.

    8 Agency for Technical Cooperation.

    9 « Plus que tout autre situation, l’état de guerre légitime les modes opératoires de l’organisation. Et quand, en juillet 2007, MSF estime que la violence des groupes armés est sous contrôle, décision sera prise de fermer la mission katangaise. Dans les cas de MSF comme de la communauté internationale, les notions de guerre et d’après-guerre, quoique floues, demeurent des catégories essentielles car elles justifient l’ouverture d’un “espace d’exception”, légitiment les actions internationales de secours et permettent de circonscrire ces dernières dans un espace/temps limité. » (Perreand & Jézéquel, 2010, p. 25).

    10 Agamben (1997) réfléchit au lien entre vie nue, état d’exception et forme du camp. La notion a été reprise dans le contexte humanitaire par Agier (2004).

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    12 Lors de la fin de la colonisation belge et de l’indépendance du Congo en 1960, la riche province minière du Katanga fit sécession et déclara également son indépendance, des responsables politiques aux revendications localistes étant alors appuyés par des entreprises minières belges qui souhaitaient préserver leurs intérêts. S’ensuivit une guerre civile sur le territoire du Katanga jusqu’en 1963. Depuis lors, la question de l’indépendance est à la fois politiquement très sensible, mais régulièrement de retour, le souhait d’une large autonomie étant largement partagé par de nombreux Katangais.

    13 Il s’agit de la « Commission d’Encadrement pour le Développement Intégré à Pweto » et l’« Association des Volontaires pour le Développement Durable ». Leurs noms sont particulièrement vagues et leurs objectifs incertains, ce ne sont pas de grandes ONG internationales mais elles ont un fort ancrage local.

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    15 On lira avec intérêt l’analyse de Filip De Boeck, dans un autre contexte régional : « On établira que pour les ALuund, la faim est à la fois un effet et une source de désintégration sociale. Les ALuund n’interprètent pas tant la pénurie alimentaire comme un phénomène exogène et extérieur à la communauté, que comme quelque chose qui naît de l’intérieur et fonctionne comme un signal visible indiquant que l’ordre des choses à l'intérieur de la communauté est perturbé ou menacé, et en train de “pourrir”. » De Boeck (1994, p. 257-258 ; ma traduction).

    16 Un tel système est comparable à la description d’une « économie de la frontière », décrite par Anna Tsing (2004), dans le contexte très différent de l’Indonésie, notamment marquée par l’exploitation sauvage des ressources naturelles, la faible présence de l’administration étatique, et le flou régnant entre légalité et illégalité, intérêts privés et positions publiques.

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    Ce livre est cité par

    • Hamarat, Natasia. Pillonel, Alexandre. Berthod, Marc-Antoine. Castelli Dransart, Dolores Angela. Lebeer, Guy. (2022) Exploring contemporary forms of aid in dying: An ethnography of euthanasia in Belgium and assisted suicide in Switzerland. Death Studies, 46. DOI: 10.1080/07481187.2021.1926635
    • Greco, Luca. (2019) Le genre tactile : repenser les imbrications entre la matière et la parole au prisme de l’imagination et de l’expérience. GLAD!. DOI: 10.4000/glad.1714
    • Leclercq, Romain. (2022) How Does Water Behave? Unstable Milieu and Stable Agencements in Dakar’s Flooded Suburbs. Urban Planning, 7. DOI: 10.17645/up.v7i1.4353
    • Cintéro, Joris. (2023) Making sense of democratisation: a case study about extracurricular music workshops in France. British Journal of Music Education, 40. DOI: 10.1017/S0265051722000158
    • Landon, Aurélie. (2022) Le tiers-lieu à l’épreuve de son succès. Vers la formation d’un compromis civico-marchand dans la fabrique de la ville en France. Participations, N° 33. DOI: 10.3917/parti.033.0181
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    • Jacquot, Clémence. Jahjah, Marc. (2020) L’énigme du textiel littéraire . Corela. DOI: 10.4000/corela.11828
    • Bichet, Lydie. (2022) Les négociations de « l’équipement qui convient » : enjeux relationnels dans la prise en charge du diabète de l’enfant. Anthropologie et Santé, 25. DOI: 10.4000/anthropologiesante.12074
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    • Bert, Jean-François. Delitz, Heike. (2022) Soziologische Denkweisen aus Frankreich. DOI: 10.1007/978-3-658-36949-1_5
    • Hamarat, Natasia. Pillonel, Alexandre. Berthod, Marc-Antoine. Dransart, Dolores Angela Castelli. Lebeer, Guy. (2023) Explorer les formes contemporaines de l’aide à mourir : ethnographie de situations d’euthanasie en Belgique et de suicide assisté en Suisse. SociologieS. DOI: 10.4000/sociologies.21064
    • Diaz, Paola. Suarez, Rodrigo. (2024) Scouring the desert: political violence traceability in the Americas. Archival Science, 24. DOI: 10.1007/s10502-023-09432-8

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    • Leclercq, Romain. (2022) How Does Water Behave? Unstable Milieu and Stable Agencements in Dakar’s Flooded Suburbs. Urban Planning, 7. DOI: 10.17645/up.v7i1.4353
    • Lefort-Rieu, Claire. (2022) Éducation et formation professionnelle en situation de crises humanitaires : l’exemple des migrations forcées au Cameroun. Cahiers d'Outre-Mer, LXXV. DOI: 10.4000/com.14180

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    Naepels, M. (2018). L’aide humanitaire à Pweto (Katanga, République démocratique du Congo). In N. Dodier & A. Stavrianakis (éds.), Les objets composés. Paris: Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales. https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.12682
    Naepels, Michel. « L’aide humanitaire à Pweto (Katanga, République démocratique du Congo) ». In Les objets composés, édité par Nicolas Dodier et Anthony Stavrianakis. Paris: Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2018. doi:10.4000/books.editionsehess.12682.
    Naepels, Michel. « L’aide humanitaire à Pweto (Katanga, République démocratique du Congo) ». Les objets composés, édité par Nicolas Dodier et Anthony Stavrianakis, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2018, https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.12682.

    Référence numérique du livre

    Format

    Dodier, N., & Stavrianakis, A. (éds.). (2018). Les objets composés. Paris: Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales. https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.12589
    Dodier, Nicolas, et Anthony Stavrianakis, éd. Les objets composés. Paris: Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2018. doi:10.4000/books.editionsehess.12589.
    Dodier, Nicolas, et Anthony Stavrianakis, éditeurs. Les objets composés. Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2018, https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.12589.
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